Posté le : 05 août 2024 à 18:53:26
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Eddonna, bien que surprise par les mots du dirigeant Ramchoure, se reprit assez vite. En effet, cela n’était pas si surprenant que cela le paraissait : Yuan Zao acceptait déjà de recevoir une femme comme son égale, dans un pays clairement sexiste. Cette ouverture d’esprit prise en compte, il n’y avait plus rien de surprenant à ce qu’il refuse les marques de respect dus à son rang. De plus, cela ne pouvait que l’arranger : elle qui pensait se retrouver dans une situation complexe était finalement drôlement bien accueillie. L’hospitalité naturelle nazumie n’était plus à prouver, certes, mais tout de même. Aussi, elle n’eut pas de difficultés à reprendre.
« Et bien, grand sei- Yuan, j’avoue être surprise. L’on m’avait dit que vous étiez plus… ouvert d’esprit que la grande majorité de votre peuple, mais je ne pensais pas que cela irait jusque là. Je vous ai manifestement méjugé, et je m’en excuse.
En ce qui concerne les échanges historiques et archéologiques, ceux-ci me paraissent être une bonne chose. Le passé est une chose importante, qu’il ne faudrait surtout pas oublier. Malgré tout, l’époque dont vous parlez ne m’est, je vous l’avoue, pas très familière. Nous connaissons presque tous l’Empire Syvelien, évidemment, puisque de nombreux mythes et légendes existent à son sujet, et que l’on raconte que l’hindouisme comme le bouddhisme y seraient nés, mais nos connaissances précises sont assez faibles. Il me semble qu’autrefois, un royaume client existait, mais je n’en suis pas certaine… peut-être pourrez-vous éclairer ma lanterne ? En tout cas, il est certain que ces échanges permettront d’éclaircir les zones d’ombre historiques, ce qui ne pourra que nous être tous profitable. »
Elle se pencha vers la table, et observa la carte. Celle-ci, comme elle avait pu le voir en entrant dans la pièce, représentait tout à la fois le Nazum du centre, avec la Ramchourie, l’Empire Xin haït, le Zijian nouvellement indépendant et le Shuharri, ainsi que le Sud-Est nazumi, avec le Wanmiri et son entourage de la Péninsule.
« Je constate que vous vous êtes déjà penché sur la géographie régionale. Puis-je, si ce n’est pas trop indiscret, vous demander pourquoi ? Puisque vous me demandez d’agir comme si nous étions amis, et bien… qu’attendez-vous de nous ? Souhaitez-vous des contrats commerciaux ? Des simplifications des procédures ? Des aides ? Une protection ? Voire… (elle marqua une pause, semblant hésiter puis, voyant le regard du seigneur de guerre, lequel paraissait hypnotisé, elle s’autorisa à terminer, bien que dans un murmure) voire une alliance… militaire ? »
Elle reprit contenance, se redressant, mais ce qu’elle avait vu dans le regard du dirigeant l’avait dérangée. A quoi avait-il bien pu penser ? Qu’est-ce qui lui avait valu un tel regard ? Troublée, elle se racla la gorge, et reprit :
« Mais peut-être vais-je trop loin, et trop vite, et ai-je outrepassé ce que j’étais autorisée à dire. Je vous prie de m’excuser si je vous ai manqué de respect d’une quelconque façon, ce n’était pas là mon intention. Je me permettrait seulement d’insister en vous demandant ce que la Ramchourie attend de ses relations avec le Wanmiri. Puissent ces relations êtres bénéfiques à tous, soit dit en passant. »
Elle lui lança un regard interrogateur, cherchant comme une approbation, se demandant ce qu'il pouvait bien penser. Bien que fatiguée du voyage, et encore en rage peu de temps auparavant, elle avait reprit espoir. L'espoir que la relation wanmiro-ramchoure ne soit pas stérile, et que l'on puisse en retirer un partenariat profitable. Et, malgré ses mèches rebelles et ses cernes prononcées, cet espoir la rendait belle, puissante, affirmée. Comme toujours, et maintenant de façon inconsciente grâce à ses vingt années d'entraînement et de négociations, elle usait de ses charmes pour persuader son interlocuteur.