21/02/2015
18:17:51
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Activités étrangères au Zijian

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Activités étrangères au Zijian

Ce topic est ouvert à tous les joueurs possédant un pays validé. Vous pouvez publier ici les RP concernant les activités menées par vos ressortissants au Zijian. Ceux-ci vous permettront d’accroître l'influence potentielle de votre pays sur les territoires locaux. Veillez toutefois à ce que vos écrits restent conformes au background développé par le joueur du Zijian, sinon quoi ils pourraient être invalidés.
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Quelque part dans l’Océan des Perles, 4h30

Hyrdki sortit de sa cabine, les yeux encore à demi-fermés, peinant à s’habituer à la lumière éclatante des lampes du couloir. Enfin, sa cabine : celle qu’il partageait en alternance avec le capitaine. C’était ça d’avoir un équipage trop grand pour les capacités du navire. Il lui avait bien dit, à Gerio, de pas les embaucher les nouveaux, qu’on avait déjà assez de bleus à former, et que de toute façon, ils n’avaient pas la place à bord. Mais rien n’y avait fait, et l’on voyait le résultat : le second avait dû céder sa cabine – aussitôt transformée en dortoir – et partager celle du capitaine. Tout ceci, plus le fait qu’il en prenait plein la poire à cause de ces putains de LED trop puissantes, faisait qu’il était d’une humeur massacrante.

Soudain, toutes les lumières

du couloirs s’éteignirent,

tombant les unes

après les autres.

Il faisait désormais un noir d’encre dans le couloir. Une bonne chose : maintenant, au lieu de ne rien y voir à cause de la trop forte luminosité, on n’y voyait rien parce qu’il n’y avait plus du tout de lumière.

« Et merde ! grommela-t-il dans sa barbe. Il manquait plus que ça. »

Le second du navire continua à avancer à tâtons, s’appuyant sur les murs pour se guider. Il progressa petit à petit, se rapprochant du centre de commande. Dans le même temps, ses yeux s’habituèrent à l’absence de luminosité, et il put prendre en assurance pour avancer un peu plus vite. Enfin, pas trop vite quand même, comme le lui rappela sa chute lorsqu’il se prit les pieds dans un câble mal rangé.

« Putain de sa race ! »

Il se releva en titubant, et frappa à la porte de la salle de commande. Pas de réponse. Il toqua une nouvelle fois. Toujours rien. Non plus à la troisième tentative.

« C’est bien ma veine aujourd’hui. On n’a pu de jus, et y’a personne à la barre. En v’là une bonne ! »

Il recula de quelques pas, prenant son élan pour enfoncer la porte. Il s’élança vers celle-ci… qui s’ouvrit juste au moment où il allait la percuter, le faisant tomber en avant, sur un bleu qui – pas du tout préparé à l’éventualité qu’une masse de 90 kilos de muscles lui fonce dessus à l’ouverture de la porte – ne put s’écarter et finit étalé de tout son long sur le sol, avec le second au dessus de lui.

« Mille millions de mille sabords ! C’en est trop ! hurla-t-il. Qu’est-ce que c’est que ce cirque, enfin !? »

Le pauvre novice, terrifié, était paralysé et ne pouvait absolument pas répondre. Quand bien même il aurait pu parler d’ailleurs, que ce n’aurait été que pour appeler sa mère. Et, dans l’hypothèse où le brave garçon aurait réussi à surmonter sa peur, il n’aurait pu répondre à l’interrogation d’Hyrdki, ne sachant absolument pas ce qui les avait fichu dans le noir.

« Ça y est : on est fichus. Coincés en pleine mer, sans électricité. Décidément, y’en a un, qu’il soit au ciel ou au fond de l’océan, que j’ai dû énerver. (Grommelait-il en se relevant.) Et bien je lui dis de bien aller se faire foutre !
- En voilà un langage, Hyrdki. »


Quelle ne fut pas la surprise du second de tomber nez-à-nez avec le capitaine, Gerio. Enfin, surprise relative : il était tout de même venu le chercher ici, mais il ne s’attendait pas à le voir dans ces conditions.

« Excusez moi, mon cap’taine. Pas eu beaucoup de raisons d’être joyeux aujourd’hui.
- Ah ah ah ! Comme chaque jour ai-je envie de vous dire !
- Et sinon, ‘ pouvez m’expliquer c’que c’est qu’ce bordel ?
- On a perdu le jus subitement.
- Mais encore ? Ça j’avais bien vu.
- Mais rien de plus. On sait pas pourquoi ça a coupé, et les deux ingénieurs mécaniciens que j’ai recruté à Jadida sont en train de s’occuper de traiter le problème. »


lui parvenait, éclairant la pièce d’une couleur rouge.

au fur et à mesure que l’électricité

chaque lampe se rallumant

la lumière revint,

D’ailleurs,


La lumière de l’éclairage d’urgence éclairait la pièce d’une lueur rougeâtre. Le tableau de bord commença peu à peu à s’éveiller également, chaque voyant s’allumant frénétiquement quelques fois, avant de s’éteindre. Le navire, qui s’était progressivement arrêté, repris soudainement de la vitesse, les jetant tous à terre.

« Bon ben voilà. Problème résolu.
- R’solu à moitié. On sait t’jours pas pourquoi ça a sauté, et si ça risque de péter à nouveau. Et la lumière rouge, j’aime pas ça. Ça pue l’urgence, et ça c’est la merde.
- Oui. Mais au moins, on peut piloter le navire, et c’est tout ce qui m’importe. »


Dans le même temps, un mécanicien entra dans la pièce.

« On n’a pas encore tout résolu capitaine, mais on y travaille. Pour l’instant, on a réussi à faire démarrer les générateur de secours. On a quelques heures d’autonomie, jusqu’à ce qu’on parvienne à redémarrer le moteur principal.
- Quelques heures, c’est combien ?
- Entre une dizaine et une quinzaine, selon l’allure qu’on prend je dirais. On a sacrifié les réserves de fioul de secours contre un espace de stockage pour les marchandises. Vous savez, celles qu’on a dû virer pour mettre les nouveaux.
- Ah celles-là, si je m’en souviens !
s’exclama Hyrdki. Pour sûr que je m’en souv... »

Il ne put finir sa phrase, jeté à terre par un choc brutal.

« Ah ! Mille millions de mille sabord ! Ça commence à bien faire ! »

Gerio, immédiatement relevé, était penché sur le tableau de bord, le visage sombre. Plusieurs voyants – rouges – clignotaient frénétiquement.

« C’était quoi, ça, encore ?
- Ça, c’était un haut-fond. Un putain de haut-fond qu’on n’a pas vu à cause de l’absence de jus et de cette merde de lumière rouge.
- Et merde. INVERSEZ LES MOTEURS ! MARCHE ARRIÈRE TOUTE !
- J’espère que ça va suffire Et prions pour être à marée basse, et que la marée haute nous déloge. »


Pendant quelques minutes, ce fut la pagaille dans le bateau. Finalement, le moteur s’inversa, et l’on commença à reculer pour manœuvrer. Le métal crissa, couina, gémit, et finalement le bateau fit un bond en arrière, remettant – encore – tout le monde à terre.

« Ah ! Mais ça m’énerve ! On vous a jamais dit que les blagues les plus courtes étaient les meilleures !? »

Tous se relevèrent, quand on entendit une voix paniquée hurler :

« VOIE D’EAU ! VOIE D’EAU DANS LA CALE AVANT !
- Putain, il manquait vraiment plus que ça ! COLMATEZ LA BRÈCHE ! NE LAISSEZ PAS L’EAU PÉNÉTRER ! FERMEZ LES ÉCOUTILLES ! ISOLEZ LA CALE !
(Il se retourna vers le tableau de bord, où la moitié des voyants étaient passés au rouge et clignotaient furieusement.) Bon, maintenant, voyons ce qu’on peut faire. Hyrdki, où sommes nous ?
- En pleine mer cap’taine. Ou plus exactement, sur le seuil du paradis. Enfin, des enfers pour certains.
- Ce n’est pas le moment, ni de devenir croyant, ni de nous faire des blagues à deux balles ! Où. Sommes. Nous. Exactement ?
- Pas loin des côtes du Zijian.
- Le Zijian… C’est à côté du Shuharri, ça, non ?
- Ouais, c’est ça, mais je vous déconseille franchement. De mémoire, c’est des excités à Hohhthai. Et on est vachement plus proches du Zijian, y’a bien deux ou trois heures de différence de trajet là.
- Alors cap sur le Zijian. Si on sombre, il vaut mieux être au plus proche des côtes. »
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Quelque part dans les eaux territoriales du Zijian, aux environs de 8h,

Hyrdki était pensif. Accoudé au rebord du pont, il regardait le paysage, réfléchissant. Cela faisait maintenant une petite heure qu’ils étaient arrivés en vue des côtes zijianaises. Et une demi-heure qu’ils avaient jeté l’ancre. Gerio arrivé près de lui.

« Bon. On n’a pas réussi à bloquer la brèche, mais l’eau n’est pas allée plus loin que la première cale. Au moins, on ne coulera pas.
- Mais je suppose qu’en l’état, on ne peut pas naviguer ?
- Nope. Les techniciens pensent que c’est réparable, mais il va leur falloir deux ou trois jours. Ils doivent plonger sous la coque pour observer le bazar, et travailler là-dessous en tenues de plongée. Pendant ce temps, on est bloqués ici.
- Ils vont pas pouvoir faire grand-chose là-dessous.
- Exact. Mais ce ne sera que provisoire. Après, il nous faudra atteindre Terra-Verde ou Agartha pour de meilleurs réparations. Va falloir attendre mon vieux.
- Ça, j’avais bien compris. Et ça n’améliore pas des masses mon humeur.
- Ah ah ah. Allez déride toi. On va débarquer, et voir si on peut écouler une partie de la marchandise. On en a trop pris, si on arrive à se débarrasser de quelques paquets maintenant, ce sera toujours ça de gagné.
- Va pour la descente alors. »


Ils embarquèrent sur un pneumatique, allumèrent le petit moteur – lequel, peu usité, râla avec force « rrr » et « put put put », mais finit par démarrer. Ils approchèrent de la côte, s’approchant de la plage. Ils débarquèrent, déchargeant quelques caisses.

« Bon. Voyons si on trouve des vivants par ici. »

Assez vite, ils tombèrent sur un petit village. Celui-ci était – apparence – désert. Les rues étaient barricadées, les fenêtres et les volets fermés, et parfois même renforcés. A priori, on se préparait à se battre ici. Un homme passa la tête par une fenêtre, pointant une arme dans leur direction :

« Z’êtes dans quel camp ? Cassez-vous, on n’a rien pour vous. Ils nous ont d’jà tout pris. »

Gerio leva les mains au niveau de la tête, en signe de paix, mais les autres marins se préparèrent doucement à sortir leurs armes.

« Nous venons en paix, l’ami ! Notre navire a une avarie, on se pose quelques jours le temps de réparer ça, et on repart ! On veut juste écouler un peu la marchandise, et racheter des vivres ! »

Si l’homme semblait peu convaincu, en tout cas baissa-t-il son arme. Il rentra la tête à l’intérieur, fermant la fenêtre. Durant quelques minutes, il n’y eut rien, puis la fenêtre se rouvrit. L’homme, manifestement pas ravi d’annoncer la nouvelle mais bien obligé, leur dit qu’ils pouvaient rentrer. La porte de la maison où se trouvait l’homme s’ouvrit, et une femme apparut sur le seuil.

« Allez, v’nez ! Z’allez pas rester comme ça toute la journée, si ? »

Une fois à l’intérieur, elle les fit ressortir de l’autre côté, sur une espèce de petite place. Là, une cinquantaine de villageois les attendaient. Ils échangèrent ensuite durant quelques heures. Ce qui était au début une sorte d’interrogatoire des marins se retourna peu à peu, les matelots posant de plus en plus de questions sur la situation locale. Il apprirent assez vite que le Zijian était en proie au chaos le plus complet depuis des mois. Et la chute de la République pseudo-Démocratique (mais surtout totalitaire) du Zijian n’avait pas arrangé les choses : désormais, le pays n’était même plus uni, chaque camp se battant pour le contrôle du pays.

Aux alentours de midi, on leur apporta un maigre repas et un gobelet d’eau chacun. Gerio, voyant la situation de ces gens, déclina, et sortit son propre repas. Il ordonna aux hommes d’en faire de même, et de le partager. Si quelques-uns râlèrent, il leur rappela bien vite qui était le capitaine ici. Et puis, de toute façon, ils étaient des contrebandiers, mais pas des meurtriers. Et la situation de ces gens les avaient touché. Alors ils partagèrent.

Après le repas, Gerio ordonna qu’on ouvre les caisses, et qu’on distribue une dose à chacun.

« Mais tu es fou ? C’est de la marchandise de qualité qu’on a là ! De l’opium de première main ! Et tu voudrais leur offrir !? S’exclama Hydki.
- Tu as vu leur situation ? On leur doit bien ça.
- Mais… ? Qu’est-ce qui t’arri…
(Gerio lui jeta un regard explicite.) Oh, je vois. Ingénieux. On les drogue et pendant qu’ils font de beaux rêves, on leur tire leurs affaires.
- Tu vois, quand tu veux. Et maintenant, distribue les doses. »


Bientôt, tous tombèrent dans un rêve éveillé. Beaucoup avaient hésité au début. Mais leur situation misérable et les promesses des marins sur le fait qu’ils ne sentiraient plus la douleur et seraient heureux durant quelques heures s’il fumaient un peu finirent par en convaincre quelques-uns. Puis, peu à peu, tous cédèrent, prenant une pipe à opium et l’allumant.

Ce petit manège recommença dans les jours qui suivirent, les marins venant chaque jour passer quelques heures au village, offrir leur dose – désormais quotidienne – aux drogués toujours plus nombreux, jusqu’à ce que le navire soit réparé.

« C’est parti. Ils ont dit que ce serait que provisoire, et qu’il faut qu’on rejoigne un port où on pourra faire des réparations plus approfondies, alors on part vers Terra-Verde.
- Pas Agartha ? Ils ont de meilleures infrastructures.
- Et de meilleurs douaniers aussi. A Terra-Verde, il ne nous arrivera rien, et on pourra écouler le stock facilement.
- Va pour Terra-Verde alors.
- Mais avant ça, il nous reste encore quelque chose à faire.
- Hum. Oui, je vois de quoi tu veux parler,
fit-il avec un sourire carnassier. Je réunis les hommes. »

Ce soir là, presque tous les marins descendirent à bord, seuls quelques-uns restant à bord pour préparer le navire au départ. A terre, tout recommença comme les jours précédents. Les villageois, maintenant plus du tout effrayé mais quémandant leur dose de bonheur, faisaient la queue pour le distribution. Bientôt, il n’y eut plus personne d’éveillé dans le village.

Aussitôt, les hommes s’élancèrent : le pillage commença. Chaque maison fut mise à sac, les habitants qui y étaient encore – enfants et vieillards notamment, qui n’avaient pas consommé d’opium – furent jetés dehors pendant qu’on leur prenait toutes leurs affaires.

« On fait quoi des gens ? Et des baraques ?
- Hum… Pas d’incendie, ça ne sert à rien. On leur prend déjà tout, on va pas cramer les maisons. Et puis, c’est pas comme si on avait un message à laisser.
- Et pour les gens ?
- On ne fait pas de traite humaine, matelot,
répondit Gerio sur un ton sec. Laissez-les là où ils sont. »

Quelques heures plus tard, lorsque les villageois revinrent au monde réel, ce fut pour découvrir leurs habitations vandalisées, et la totalité de leurs affaires disparues.

A une centaine de kilomètres de là, Gerio était à la radio, tapant un message.

« A l’intention de la Reine des Perles,

L’équipage du Rakit a dû se poser au Zijian ces derniers jours pour cause d’avarie. Nous avons réparé celle-ci, et nous dirigeons vers Terra-Verde pour de plus amples réparations. Nous écoulerons la marchandise, comme demandé, et nous excusons du retard de livraison occasionné.

Nous vous invitons à vous intéresser à la situation du Zijian. Le pays est en état de guerre civile avancée, et cela fait plusieurs mois que plus personne ne protège la population. Pire : chaque camp la pille à loisir pour défouler ses troupes ou s’approvisionner en vivres et matériel.

L’endroit semble être idéal pour quelques opérations plus poussées.

Cordialement,

Le capitaine du Rakit »

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Dans l’enclave pharoise de Terra Verde, 15h,

Aasmi Tawon était assise à son bureau, dans ses locaux de l’enclave pharoise de Terra Verde. Elle venait de conclure une vente particulièrement juteuse, et s’occupait actuellement de la comptabilité. On ne savait jamais, quelqu’un aurait pu malencontreusement oublier un dollar. Dans le milieu dans lequel elle travaillait, c’était plus que fréquent que votre interlocuteur tente de vous rouler. Presque attendu en fait. Mais Aasmi aimait les partenaires fiables, et cela ne lui arrivait que rarement. Enfin, ça lui arrivait souvent il y a quelques années. Plus maintenant. Elle avait rappelé à l’ordre chacun de ses partenaires commerciaux lors des dernières années, pour tous les mettre au pas. Désormais, les affaires se passaient pour le mieux.

« Où vais-je donc bien pouvoir envoyer ce navire... réfléchissait-elle tout haut. Je pourrais aller écouler la marchandise à Jadida, pour qu’ils la renvoient vers l’Eurysie… Hum, non, trop commun. Il y a déjà trop de contrebandiers sur cette route. Du côté des Isteal alors ? Pour tenter de vendre ça à Villas et Tafanu peut-être ? Ou peut-être qu’on peut renvoyer des stocks du côté du Fujiwa et de Macao. Peut-être. »

Soudain, elle reçut une notification sur son téléphone. Un message – crypté – qui disait en clair : « ouvrez votre boîte pesar surat, et consultez le canal sécurisé.

« A l’intention de la capitaine Aasmi Tawon,

L’on m’a rapporté que la situation au Zijian pouvait nous être profitable. Je souhaiterais en savoir plus, et de source sûre. Vous êtes missionnée. Envoyez autant de navires qu’il vous sierra : tous recevront une prime de mission.

La Reine des Perles »


« Ah ah ah ! S’exclama-t-elle d’un rire cristallin. Et bien, voilà où je vais l’envoyer ce navire ! Au Zijian ! Encore merci, ma reine, vous me sortez une épine du pied ! Ah ah ah ! On va s'amuser un peu ! (Elle se leva et sortit de son bureau. Dans les locaux, elle tapa dans ses mains, réunissant les quelques trente personnes qui travaillaient sur la partie logistique de l’affaire.) Et bien, mes amis, nous avons reçu une mission ! Nous embarquons pour le Zijian, et pour un nouveau terrain de jeu ! Préparez vos affaires : c’est vacances prolongées au programme ! 
- Tout le monde, madame ? Même l’équipe logistique ?
- Oh oui, tout le monde ! Vous ne voudriez pas rater une prime de la reine tout de même ?
leur dit-elle avec un clin d’œil appuyé.
- Ah, ça, non, pour rien au monde ! »

Aussitôt dit, aussitôt fait. Toute l’équipe logistique, ainsi que l’ensemble de l’équipage habituel, embarqua sur le Tawon (le navire éponyme du surnom d'Aasmi, qui signifiait "la Guêpe", et dont elle était personnellement capitaine) en direction du Zijian.
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ATTENTION, RP CONTENANT DES ÉLÉMENTS VIOLENTS ET POTENTIELLEMENT CHOQUANTS. LECTEURS SENSIBLES, S’ABSTENIR.

Eaux territoriales du Zijian, 150 kilomètres à l’Est de Tozimara, 8h,

Aasmi était accoudée à la proue du navire. Le Tawon, son favori, son premier navire. Celui dont elle était la capitaine directe, et qui lui avait valu son surnom. Elle l’aimait ce bateau. Elle se souvenait encore du moment où elle avait pu se l’offrir, de l’endettement que c’était mais aussi de la joie qu’elle avait ressentie à l’idée d’être – enfin – capitaine de son propre navire... Bon, c’était bien beau les souvenirs, mais on approchait du Zijian.

« Alors, ça ressemble à quoi le Zijan ? Non, pas Zijan. Zizan ? Nan, Zi-ji-an. Voilà. Zizian. Et merde, j’y arrive toujours pas. Bref, pas grave. »

Elle repéra sur la côte un panache de fumée.

« Halte là ! On va débarquer : y’a l’air d’avoir du monde par ici. »

Aussitôt, elle donna l’ordre de se rapprocher de la terre autant que possible, puis de mettre deux pneumatiques à la mer. Arrivés à une cinquantaine de mètres de la bande sablonneuse, ils gonflèrent deux petits navires, et une dizaine d’hommes montèrent à bord. Les moteurs démarrèrent facilement (il fallait dire qu’on les utilisait régulièrement, c’était diablement utile pour réaliser des échanges en mer), projetant l’embarcation en avant à pleine vitesse. Aasmi, pour ne pas être emportée, devait se tenir d’une main à une poignée du pneumatique, l’autre protégeant ses yeux des embruns. Elle était pirate, d’accord, mais c’était pour autant qu’elle aimait en prendre plein la gueule.

« Eh matelot, tu t’emballes !
- J’aime la vitesse !
Parvint-il à lui répondre malgré le bruit du vent.
- Et moi, je n’aime pas m’échouer ! »

Le marin râla un peu, mais ralentit. Une fois à deux mètres du rivage, ils descendirent dans l’eau, et barbotèrent pour rejoindre le sable. Ils tirèrent l’embarcation jusqu’au rivage et, en bons contrebandiers qu’ils étaient, ils s’empressèrent de la cacher dans la végétation.

« Bon. Maintenant, on marche un peu. Y’a pas de fumée sans feu, et qui dit feu dit humains. »

Au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient, le panache de fumée se faisait de plus en plus épais. Il leur fallut moins d’un quart d’heure pour faire le tour de la petite colline, et voir le village qui s’étendait de l’autre côté. Enfin, le village… ce qu’il en restait. Les petites masures étaient en flamme, brûlant vivement. Voilà qui expliquait le renforcement du nuage lors de leur approche.

C’était la pagaille : il y avait du mouvement dans tous les sens. Les gens hurlaient, sortant des habitations ou courant dans les rues. Aasmi vit une femmes s’extraire des décombres de sa maison, dont le toit s’était effondré sur elle.

Elle était en flammes. Hurlant de toutes ses forces, elle se mit à courir (un bien grand mot : elle chancelait, parvenant à peine à marcher à cause d’une jambe tordue dans un sens… inhabituel. Probablement cassée lors de l’effondrement du toit.) en direction d’un petit cours d’eau, mais elle ne parcourut que quelques mètres avant de s’effondrer, tête la première. Elle ne se releva pas.

Un marin tira Aasmi pour la réveiller, tandis qu’un autre sortait son fusil dans l’urgence : la femme ne s’était pas effondrée de son propre fait, on lui avait tiré dessus. Un homme, à une vingtaine de mètre d’eux – celui qui venait à coup sûr d’abattre la pauvre femme – venait de les apercevoir. Il rechargeait son arme, et ne tarderait pas à les mettre en joue.

Le marin ne lui en laisse pas le temps. Déjà en position, il l’abattit d’une balle en pleine poitrine. Partout ailleurs, des soldats – sans uniforme ni insigne, probablement des milices – pourchassaient les habitants, les abattant un à un d’une balle. Enfin, certains.. profitaient un peu avant de les tuer. Ils virent un homme traîner une jeune fille dans coin, et lui arracher de force ses vêtements. Bang ! Il n’alla pas plus loin dans son entreprise. La fille, elle, s’effondra à terre, et ne se releva pas. Elle était en larmes, parcourue de spasmes. Non loin, un autre soldat transperçaient la poitrine d’un homme d’une épée. Ici, un soldat referma la porte d’un temple, enfermant une dizaine de personnes à l’intérieur, avant d’y mettre le feu.

Aasmi reprit aussitôt ses esprits. Pas qu’elle ne supporte pas la vue d’un combat, ou qu’elle soit d’une quelconque façon incommodée par la fumée ou l’horreur de la situation, elle avait en effet participé à de nombreux abordages et y était maintenant habituée, mais elle ne s’attendait tellement pas à tomber nez à nez avec… ça, qu’elle n’avait pu réagir rapidement.

Elle se reprit rapidement, donnant les ordres.

« En ordre de bataille ! Mode commando ! Surveillez vos arrières ! »

Le groupe se réunit immédiatement, toutes les armes sorties, chargées, cran de sécurité retiré. Ils avançaient en block, surveillant toutes les directions.

Bang ! Un soldat éliminé. Qui qu’il puisse être, il ne pouvait plus les menacer désormais.

Ils continuèrent leur progression, restant aux abords du village, sans oser s’aventurer à l’intérieur, au milieu des habitations. Trop de flammes. Trop de soldats. Trop risqué.

Bang ! Un autre, abattu de dos alors qu’il s’apprêtait à tuer un enfant à terre. Celui-ci, les yeux embués de larmes, releva la tête et les vit. Il se mit debout et, sans regarder aucunement autour de lui, s’élança dans leur direction, cherchant probablement un abri. Un des pirates baissa son arme et s’accroupit. Il ouvrit les bras pour accueillir l’enfant (car, quoi qu’on en dise, ces hommes n’étaient pas sans cœur : la piraterie restait l’endroit des parias et des maltraités par excellence), mais n’en eut pas l’occasion.

A mi-chemin, un cavalier en armure émergea de la fumée et, lancé à plein galop, il trancha le coup du gosse. La tête vola, atterrissant quelques mètres plus loin, et roulant encore un peu, laissant une traînée rouge sur le sol. Le sang gicla, éclaboussant les pavés de gouttelettes écarlates. Puis, le corps s’effondra, et le liquide rouge jaillit à gros bouillons par la jugulaire tranchée, s’accumulant pour former une flaque tout autour du cou délicat.

Le soldat, lui avait continué sa route, emporté par son élan. Il fit ralentir sa monture et, tirant sur les rênes, la fit tourner à droite, vers les marins qu’il avaient entr’aperçus du coin de l’œil.

Bang ! Un contrebandier réactif avait déjà tiré une cartouche.

Cartouche inutile. Le guerrier, prêt, avait levé son bouclier et s’était protégé derrière. Celui-ci, affichant manifestement une bonne épaisseur de métal, n’avait pas arrêté la balle mais l’avait suffisamment ralentie pour que l’armure se charge de la bloquer. De toute façon, la munition n’était pas prévue pour perforer autre chose que de la chair, et était donc très peu efficace sur l’acier trempé.

L’homme releva la tête, les vit, puis se recacha derrière le bouclier et lança sa monture sur eux, son épée pointée droit vers eux. Les hommes se mirent aussitôt à lui tirer dessus en rafale, sans réussite.

« Visez le cheval ! Visez le cheval ! S’époumonait Aasmi. »

Une femme finit par l’entendre et toucha le cheval en pleine poitrine. Celle-ci n’était pas protégée, et la bête s’effondra dans un hennissement de douleur. Le guerrier tomba de la monture et s’effondra au sol. Gêné par son armure et à moitié coincé sous son cheval, il ne parvenait pas à se relever. Un homme s’approcha de lui et l’acheva d’une balle dans la nuque. Ensuite, il lui fit – ne perdons pas les bonnes habitudes – les poches, arrachant à l’aide d’un couteau tout ce qui pouvait avoir de la valeur. Il lui trancha même un doigt pour récupérer une bague qui y était attachée. Pendant ce temps, le groupe s’était rapproché, et avait formé un cercle autour de lui.

« Allez, ça suffit, dit Aasmi. On évacue. Y’a rien pour nous, et ça devient trop dangereux comme coin. »

En s’éloignant, ils passèrent à côté du cadavre de l’enfant. Un des hommes voulut se pencher pour lui faire les poches, mais deux autres l’en empêchèrent. Aasmi, bien qu’elle ne les ait pas vu car ils étaient dans son dos, était presque sûre de les avoir entendu renifler. « Faibles. Faut pas s’attacher comme ça. C’est bien les membres des docks ça : ils gèrent trop de paperasse, et pas assez d’abordages. Z’ont pas l’habitude de la violence. Va falloir qu’ils s’endurcissent. »

Bang ! « Ben tiens. Un dernier pour la route. »

Ils retournèrent directement au navire, s’éloignant au plus vite de la zone à risque, et de la vision d’horreur qui l’accompagnait. Ils dégagèrent les pneumatiques et , surveillant que personne ne les suivait, ils grimpèrent à bord, allumant en vitesse les moteurs pour partir.

Une fois de retour sur le Tawon, les marins se dispersèrent. Aasmi rejoint sa seconde, Eza.

« Alors ? T’as une mine bien sombre. Et.. oh, en voilà un drôle de rictus. »

Un sourire – enfin, un rictus carnassier et sauvage – était en train de naître sur le visage d’Aasmi.

« Viens, allons dans ma cabine. Il faut qu’on parle. (Elles entrèrent, fermèrent la porte, puis s’installèrent. Eza s’assit, tandis qu’Aasmi, fébrile, restait debout.) C’est excellent. Tout est pagaille là-bas.
- Attends, attends, reprends depuis le début. Qu’est-ce qui est excellent ? Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il s’est passé à terre ? On a entendu des coups de feu. »


Alors Aasmi lui raconta leur arrivée au village, et la scène de massacre à laquelle ils avaient assisté. Elle lui raconta l’horreur, sans rien omettre.

« Voilà la situation. Tout est chaos. Tout nous est favorable.
- Favorable comment ? Des morts, ça n’achète rien.
- Mais enfin Eza ! Sort de tes blocages ! Il est dans pour nous d’arrêter la contrebande et les abordages, et de nous adonner au pillage !
- Au… pillage ?
- Mais oui ! Personne ici ne peut se défendre ! Il n’y a plus d’autorité centrale ! C’est la chaos le plus total ! Les troupes s’en prennent à la population, au lieu de la défendre. Il y a juste à venir, et cueillir ce qui nous intéresse !
- Ah… Ah ah… ah ah ah ah ah ! »


Puis les deux partirent en fou rire.

« Tu imagines ? On n’a pas vu une telle situation depuis des siècles ! C’est tout simplement une aubaine !
- Oui ! Nous allons recréer l’ère viking, ah ah ah !
- On va s’en mettre plein les poches ! Ah ah ah ! 
- Tu...
(elle eut un hoquet à cause du rire) penses qu'on (hoquet) est folles ? Ah ah...
- Folles ?
(Elle aussi commençait à avoir de sacrés spasmes) P'tet ben, mais surtout (hoquet), bientôt riches ! Ah ah ah !...
- Allez, viens, on trinque ça ! »


Un étage plus bas dans le navire, l’ambiance était plus mitigée. Certains avaient en effet bien compris ce qu’impliquaient les violences au Zijian, et s’en réjouissaient. Ceux-là, c’était les anciens. Les habitués des abordages violents. Des hommes qui avaient depuis longtemps fait la distinction « eux/nous », voire « eux/moi » pour les plus égoïstes, et qui ne voyaient en une série de massacres et de pillages qu’une façon rapide de s’enrichir. D’aucuns diraient : des salopards, et ils auraient raison. Eux préféraient dire qu’ils étaient des hommes libres. Vraiment libres. Et bientôt riches, surtout.

D’un autre côté, il y avait… et bien, les autres. Ceux qui avaient surtout vu une vision horrifique, issue de leurs pires cauchemars. Ceux qui n’avaient pas fait la distinction entre eux et le reste du monde. Ceux qui n’avaient encore jamais vu, coincés qu’ils étaient dans leurs bureaux, ou à transporter une drogue dont ils ne verraient jamais les conséquences sur les consommateurs. Ceux qui ne connaissaient pas le milieu criminel. Ils étaient les plus humains. Ils étaient aussi – et surtout – les plus faibles.
17258
Eaux territoriales du Zijian, 145km à l’Est de Tozimara

Le lendemain de leur incursion dans les terres zijianaises et de la vision d’horreur dont il avait été témoin, l’équipage du Tawon reprit sa route. Dans le centre de commande, Aasmi Tawon pianotait un message à l’intention de la Reine des Perles.

« A l’intention de la Reine des Perles,

Ici l’équipage du Tawon, au rapport. Sommes arrivés ce matin en vue du Zijian, à l’Est du pays. Estimation à 150 kilomètre à l’Est de Tozimara, pseudo-capitale du pays. Avons mené une incursion à l’intérieur des terres. Sommes tombés sur un village, et avons assisté à une scène de massacre et de pillage. Pouvons déjà confirmer qu’il semble effectivement ne plus y avoir d’autorité centrale au Zijian, et que les différentes factions se battent pour le pouvoir.

Continuons notre mission d’exploration. Allons tenter de dresser une carte du pays, et de son état global. Vous tiendrons informé régulièrement.

Cordialement,

Capitaine du Tawon, cheffe de l’Essaim »


Le Tawon reprit donc sa route en direction de l’Ouest. Il navigua durant une petite heure, avant d’arriver à proximité d’une île d’assez grande taille. Aasmi ordonna que l’on y débarque pour effectuer un relevé de la situation politique. Aussitôt dit, aussitôt fait. Deux pneumatiques furent mis à la mer, et une dizaine de personnes embarquèrent à bord.

Lors de leur approche, ils n’apprirent rien de plus que ce qu’ils avaient pu voir depuis le navire. De fait, une épaisse végétation couvrait toute la partie de l’île qu’ils pouvaient voir, et masquait tout ce qui se trouvait potentiellement derrière.

« Putain de mangrove de merde. On cherche une plage, c’est mieux pour débarquer.
- OK capitaine. »


Le pilote vira de bord pour longer les arbres. Aussitôt, le deuxième zodiac vira pour les suivre. Ils tournèrent durant une vingtaine de minutes, contournant la côté à le recherche d’un endroit où la végétation serait moins touffue. En vain. Les palétuviers semblaient recouvrir toute l’île, ne laissant aucun endroit accessible pour débarquer. Aasmi, s’impatientant, haussa le ton pour se faire entendre malgré le moteur et le vent :

« On abandonne ! On va essayer de passer au milieu des arbres !
- OK capitaine,
lui rétorqua le pilote, fidèle à sa flegme habituelle, avant de de virer à nouveau de bord, dans l’autre sens cette fois-ci. »

Ils s’approchèrent donc du rivage, guettant une ouverture suffisamment large pour laisser passer les zodiacs en force. Là encore, il leur fallut un peu de temps. Mais, finalement, un endroit sembla se présenter comme approprié. Ils s’engouffrèrent dans la brèche entre les arbres, se faufilant entre les racines des palétuviers. De temps à autre, il leur fallait les repousser à l’aide d’une perche, de leur fusil, voire au pied où à la main, afin de bien se repositionner et ne pas se retrouver coincés.

Au fur et à mesure de leur progression, la profondeur de l’eau diminuait, et les palétuviers et autres plantes des mangroves étaient peu à peu remplacés par des arbres et arbustes plus « terrestres » et moins caractéristiques des marais. Jusqu’au point où ils durent descendre des zodiacs, car ils raclaient le fond sableux. Immédiatement, les hommes se chargèrent de camoufler les embarcations. Pendant ce temps, Aasmi communiqua brièvement avec Eza, restée sur le navire :

« On a trouvé un chemin au milieu de la mangrove. On a atteint la terre ferme. … Ouais, on n’a croisé personne. Je te préviendrai de toute façon si on rencontre du monde. Au cas où, pointe un ou deux canons vers la côte. On sait jamais. … Ouais, je sais. Tu tireras en l’air, pour pas nous toucher, mais au moins ça leur fera peur. … Non, je sais pas quand on reviendra. Ça dépendra de ce qu’on va trouver je suppose. Si y’a personne, on remballera assez vite. Si on croise des gens… faudra les observer un peu. Allez, à plus. »

Ensuite, ils se mirent en route, se faufilant – encore ! – à travers une végétation récalcitrante. « Putain… c’est à croire que y’a vraiment personne ici. » Au bout d’une dizaine de minutes, un des contrebandiers pris la parole :

« Eh ! Z’avez entendu ?
- Entendu quoi ? T’as des hallucinations mon vieux !
S’exclama un autre. Y’a personne ici !
- Chuuuuuut !
Le réprimanda Aasmi. Silence. »

Ils restèrent ainsi une trentaine de secondes à peine, immobiles, aux aguets, cherchant à déceler le moindre son. Trente petites secondes, mais qu’est-ce qu’elles paraissaient longues ces secondes… Puis, ils entendirent un bruit. Léger, assourdi, mais un bruit. Comme… de la musique ?

« Là. Vous entendez ? Murmura le pirate qui avait entendu le son le premier. Ça a recommencé.
- Oui… On dirait de la musique. On ne doit pas être très loin d’un village ou d’une petite bourgade. On continue dans cette direction. Toi, tu nous guides,
dit Aasmi à celui qui avait perçu le bruit. »

L’homme prit la tête du groupe, et ils continuèrent à avancer. De temps en temps, il les faisait s’arrêter, guettait un son durant quelques secondes, puis ils reprenaient la marche. Progressivement, le bruit se faisait plus fort, et il devenait de plus en plus facile de se diriger, au point qu’Aasmi se remit devant. Soudain, la forêt s’arrêtait. Au delà, il n’y avait que des rizières sur facilement cinq-cents mètres. Et dans les rizières, des gens qui travaillaient sur les plantations.

Vue depuis la lisière de la forêtLa vue qu'ont les contrebandiers sur la petite ville depuis la lisière de la forêt. Lorsque le vent déplace les arbres, on peut apercevoir la rivière.
La vue qu'ont les contrebandiers sur la petite ville depuis la lisière de la forêt. Lorsque le vent déplace les arbres, on peut apercevoir la rivière.

« On fait quoi cap’taine ? On avance quand même ?
- Hum… Il faut qu’on explore, de toute façon, qu’on voit quelle est la situation par ici.
- Peut-on vraiment prendre le risque de se montrer ? »


Aasmi semblait ne pas savoir comment répondre à cette question. Devait-elle privilégier sa mission d’exploration, au détriment d’un potentiel avantage de la surprise en cas d’attaque, ou justement privilégier la discrétion, mais prendre le risque de ne pas avoir une vision assez complète de la situation politique ici ? Elle ne put pas se poser la question plus longtemps, car elle reçut une communication du navire.

« Allô Eza ? Qu’est-ce qu’il y a ?
- On fait le tour de l’île. On a trouvé une ouverture dans la végétation, et y’a un putain de village. En fait, je dirais même une petite ville.
- Attends, quoi ? Ils vous ont vu ?
- Ah bah ça, au vu de la taille du navire, c’était difficile de pas nous voir ouais.
- Et merde. Ils ont réagi comment ?
- Y’a quelques bateaux de pêcheurs qui viennent vers nous. … Ah, attends. Y’a un bateau un peu moderne qui vient. Il a un truc de spécial, j’pense que ça doit être un chef de clan, ou quelque chose comme ça.
- Très bien. Tiens moi au courant. Mais surtout, ne leur dites pas qu’on est sur l’île.
- Ah ah. Ne t’inquiète pas pour ça, c’était pas prévu. Toujours garder un atout dans sa manche.
- Exactement. »


« Exactement… Et toi, je t’ai un peu trop bien formé. On va surveiller que tu deviennes pas dangereuse… Ah, enfin, Aasmi, oublie ça. Eza ? Te trahir ? Jamais. »

« Les locaux ont vu le Tawon. Leur chef s’y dirige. On reste ici pour l’instant, on attend de savoir ce qui ressort des échanges. (Elle se tourna vers deux de ses marins, un homme et une femme.) Vous deux, vous retournez chercher les zodiacs, on sait jamais. Va peut-être falloir évacuer en vitesse.
- Yep capitaine. On y va. On vous attend là-bas ensuite ou on les sort de la mangrove ?
- Les sortir, c’est ce qui aura de plus long si jamais on est poursuivis. Sortez-les à l’avance.
(La contrebandière du lot demanda :)
- Et pour ce qui est des alligators et autres saloperies ? Vous allez traverser sans rien ?
- Hum… Vous en en avez vu à l’aller ?
- Non.
- Alors on croise les doigts. D’habitude, ces saloperies sortent de nuit. »


La femme semblait moyennement confiante, mais elle obéit. Les deux partirent en courant dans la direction par laquelle ils étaient venus, tandis que les huit autres s’installaient relativement confortablement pour attendre. On ne savait pas combien de temps cette mascarade allait durer, alors autant être bien installé.

Aasmi commença à tailler une branche d’arbre à l’aide d’un couteau. Elle la coupa, la séparant de son arbre, puis le redécoupa pour quelle fasse environ une cinquantaine de centimètres de long.

« Qu’est-ce que vous fabriquez capitaine ?
- J’ai comme une petite idée de comment tout ceci va finir. Taillez-vous deux ou trois bâtons chacun. Dans le meilleur des cas, on n’aura pas à s’en servir.
- Mais on a des fusils…
- Pose pas de questions. Taille des bâtons. »


Toute la petite bande se mit à tailler des morceaux de bois, préparant une réserve. Lorsque le talkie-walkie d’Aasmi se mit à biper, ils en avaient fabriqué une vingtaine. Léger, mais suffisant. Aasmi décrocha le talkie.

« Quoi ?
- On a réussi à obtenir une pause, sous prétexte de devoir réfléchir.
- Réfléchir pour quoi ?
- Le seigneur de guerre local demande notre reddition. Ils ont une trentaine de gars armés, et ils encerclent le navire. On fait quoi ?
- Attends, t’envisages sérieusement de te rendre ?
- Sûrement pas. Ils ont que du matos de merde, et on a l’avantage de la hauteur. On a largement les moyens de leur résister. Mais je veux savoir comment on vous évacue.
- Hum… La politique de la canonnière, ça te dis quelque chose ?
(A l’autre bout du fil, un sourire carnassier se dessina peu à peu sur le visage d’Eza.)
- Et comment que ça me dis quelque chose. C’est parti.
- Attends deux minutes, j’ai d’autres consignes à passer.
- Très bien. Il est exactement 11 heures 26. A 28, je fais tout péter.
- Excellent. »


Aasmi Tawon mit fin à la communication, avant de basculer sur la sixième fréquence.

« Allô ? Ouais, nous attendez pas. Faites le tour, rejoignez le Tawon. De ce que je vois, y’a une petite rivière qui passe au milieu du village. Elle doit se jeter à la mer au niveau du Tawon. Vous viendrez nous récupérer par là.
- Chef oui chef, cap’taine. »


Aasmi se tourna vers ses hommes.

« Prenez vos bâtons. Arrachez un morceau de tissu et enroulez-le autour d’une extrémité. (Tous s’exécutèrent. Elle sortit ensuite une flasque d’alcool, et en versé un peu sur chaque morceau de tissu pour l’imbiber.) Quand les premières explosions retentiront, on courra vers le village. On se disperse un peu, on allume les torches et on les balance sur quelques toits, puis on se réunit au niveau de la rivière. Ceux qui ne seront pas là pour le ramassage seront laissés sur place. Perdez pas de temps. »

Elle avait à peine finit de donner les explication qu’une première explosion retentit dans le village. Aasmi regarda sa montre : 11 heures et 28 minutes. Eza était décidément d’une ponctualité redoutable.

« C’est parti ! »

Les huit hommes et femmes s’élancèrent en direction du village, deux ou trois torches éteintes dans une main, et un fusil-mitrailleur dans l’autre. Ils traversèrent en courant les rizières, écrasant allègrement les plantations. Sur leur passage, les gens hurlaient et tentaient de fuir. Les quelques centaines de mètres les séparant de la petite ville leur semblèrent à la fois très longues et très courtes. Tout du long, des tirs de canon retentissaient, faisant s’envoler de larges portions de terres et de bois dans la ville. Arrivés à une cinquantaine de mètres, ils se séparèrent, chacun entrant par un point différent.

Portion de la ville que les contrebandiers traversentLa portion de la ville que les contrebandiers traversent. Il arrivent d'en haut à gauche, passent par la rue principale puis tournent à gauche (leur gauche) pour rejoindre la rivière. La maison du seigneur de guerre local se situe au centre de l'image. Elle se distingue par sa taille vis-à-vis des autres habitations.
La portion de la ville que les contrebandiers traversent. Il arrivent d'en haut à gauche, passent par la rue principale puis tournent à gauche (leur gauche) pour rejoindre la rivière. La maison du seigneur de guerre local se situe au centre de l'image. Elle se distingue par sa taille vis-à-vis des autres habitations.

Aasmi se précipita dans une rue et, sans prendre le temps de s’arrêter, alluma une des torches. Le feu se propagea immédiatement aux autres. Elle en jeta une sur un toit, sans se retourner pour voir si les flammes se propageaient ou non. Au vu des cris qu’elle entendait derrière elle et de l’odeur de brûlé qui s’élevait, elle supposait que oui, mais il pouvait tout aussi bien s’agir des autres torches qu’elle avait en main. Braoum ! Un tir de plus sur les civils. A une intersection, elle tourna à gauche, en direction de la rivière. Sur le chemin, il y avait une habitation plus grande que les autres, et mieux décorée. Probablement la maison du seigneur de guerre local.

Elle y jeta une torche sans hésiter. « Ce chien a voulu me faire renoncer à mon navire. Il n’a que ce qu’il mérite. » Braoum ! Décidément, les artilleurs du Tawon s’en donnaient à cœur joie. « Tant mieux. S’ils peuvent encore tirer sur la ville, c’est qu’ils résistent. » Elle continua sa course, balança sa dernière torche sur une maison modeste, avant d’arriver à la rivière. Là, elle repéra deux de ses hommes, et les rejoins. Braoum ! Un autre groupe, de deux également, émergea du dédale des rues. Tous se regroupèrent, pointant leur armes autour d’eux pour éloigner les habitants qui n’étaient pas occupés à éteindre les feux.

Deux zodiacs s’engouffrèrent dans la rivière, la remontant pour venir les chercher. A la barre, les deux contrebandiers qu’Aasmi avait dépêché plus tôt. Il arrivèrent rapidement au niveau du groupe de cinq, et les embarquèrent.

« Allez ! Sortez nom d’une pipe ! Quand je disais qu’on vous laisserait sur place, je le pensais pas vraiment ! »

Ils continuèrent à avancer, en l’absence de tout signe de vie des trois derniers membres. La capitaine était penchée au bord du pneumatique, scrutant les rues qui défilaient à toute vitesse.

« Allez putain ! Je veux pas vous laisser là ! »

Soudain, les trois hommes émergèrent du dédale.

« A tribord toute ! On les récupère ! »

Les pilotes obéirent immédiatement. Ils avaient beau être des criminels avec peu d’honneur, on n’abandonnait pas un coéquipier quand on pouvait faire autrement. Ils ‘approchèrent du rivage et les marins embarquèrent. Ensuite, tout le groupe se dirigea vers la mer. Braoum ! De là, ils purent voir le Tawon être pris d’assaut. Tout autour, des navires de pêche tournait, les hommes à leur bord mitraillant le navire pour couvrir ceux qui tentaient de monter à bord. Sans succès car les marins, cachés pour ne pas s’exposer, leur envoyaient des grenades par-dessus le bastingage. Celles-ci explosaient au petit bonheur la chance, tombant plus souvent à l’eau que ne faisant mouche, mais elles contraignaient les assaillants à se protéger et abattaient parfois un hommes ou deux sur leur grappin. Braoum ! « Allez, continuez à tirer, continuez à résister ! »

« Oh, ça ne va pas se passer comme ça, murmura Aasmi. Oh que non, je ne vais les laisser faire… A l’assaut ! Hurla-t-elle en ouvrant le feu sur les hommes du seigneur de guerre, les prenant à revers. »

Ses hommes hurlèrent et en firent de même, mitraillant tout autour d’eux. Le combat fut bref mais intense. Les soldats locaux, surpris et pris entre deux feux, ne résistèrent pas longtemps. Ceux qui survécurent se jetèrent à l’eau pour tenter de fuir. Pendant ce temps, les zodiacs se rapprochèrent, et on leur jeta des échelles de corde. Les contrebandiers montèrent les uns à la suite des autres. Enfin, vint le tour d’Aasmi, dernière à être restée en bas. Alors qu’elle allait commencer l’ascension, un main s’agrippa à sa cheville, et la tira avec force vers le bas. Elle perdit l’équilibre – déjà instable sur le pneumatique – et bascula à l’eau. Elle ferma les yeux, tentant de se protéger du sel, et se débattit pour échapper à la poigne du soldat qui l’avait traînée sous la surface.

« Aasmi ! Hurla Eza avant de plonger tête la première. »

Sous l’eau, Aasmi se débattait comme elle pouvait, mais l’homme avait une poigne incroyable, et il la serrait avec force pour l’empêcher de remonter à la surface. Il devait compter sur le fait qu’il pouvait retenir sa respiration plus longtemps qu’elle, habitué qu’il était à plonger pour aller pêcher. Aasmi, elle n’était habituée ni à retenir sa respiration, ni à se détendre pour consommer son air moins vite. Aussi, ses poumons se mirent-ils à la brûler très vite très fort. Elle avait de plus en plus besoin d’air, et son cerveau, en train de vriller, lui affirmait qu’elle pouvait respirer sous l’eau. Elle luttait de toute ses forces – pour s’empêcher d’ouvrir la bouche comme pour échapper à l’homme – mais de plus en plus faiblement. Elle allait céder à l’impulsion et se noyer, lorsque la poigne de l’homme se relâcha brusquement. Une main l’attrapa sous les épaules et la ramena à toute vitesse vers la surface.

La capitaine ouvrit la bouche, et avala une goulée d’air avec avidité. Elle se débattait toujours, la respiration sifflante, battant l’eau de ses mains et éclaboussant tout autour d’elle. Il lui fallut une bonne demi-minute pour avoir à nouveau assez d’oxygène et parvenir à se calmer. Eza la tenait toujours pour l’empêcher de replonger, et la calmer. Elle la guida vers le pneumatique, à bord duquel elles se hissèrent avec peine. Après encore une ou deux minutes pour reprendre leur souffle, elles grimpèrent l’échelle de corde, puis on remonta les zodiacs.

Sur le pont, Aasmi se laisse choir à terre. Elle était trempée, les cheveux dans le désordres le plus total, sa respiration était hachée et sifflante, mais vivante. Le Taxon, sous les ordres d’Eza, s’ébranla pour quitter les lieux avant qu’une seconde vague théorique vienne les attaquer. Enfin, très théorique la seconde vague, car entre les ravages du canon et ceux des flammes, la petite bourgade était dans un état de désolation total. On ne les reverrait plus de sitôt.

Quelques heures plus tard, après s’être remise de ses émotions, avoir pris une douche et s’être séchée, Aasmi Tawon était sur le pont, avec ses hommes. Il était environ 16 heures, et le Soleil était encore haut dans le ciel. Elle portait une nouvelle tenue, propre et qui n’était pas dénuée de charme. Mais bref. Elle fit un petit discours à l’équipage, pour les féliciter de leur courage, et les rassurer quant à sa santé. Ensuite, elle prit Eza à part, et l’emmena dans sa cabine.

« Bon. Voilà ce qu’on sait pour l’instant. Les terres sur le continent, ou du moins les côtes, ont l’air d’être en proie au chaos. Des bandes de pillards ou de mercenaires travaillant pour leur propre compte traversent le pays en massacrant tout ce qui bouge et en volant tout ce qu’ils peuvent. Du côté des îles, ça a l’air d’être un peu plus calme, et unifié autour de seigneurs de guerre. Probablement à cause du fait qu’ils ne peuvent pas être touchés par les bandes de pillards en question.
- Exact. Une idée de comment peut être l’intérieur des terres ?
- D’après nos informateurs, il y aurait trois camps qui se battraient pour le contrôle du territoire.
- On n’a pas plus d’infos ?
- Et bien, on sait que l’un des trois est la Troisième République Unitaire du Zijian, et qu’elle possède Tozimara, la capitale officielle, ainsi que les îles et les côtes de l’Ouest du pays. Après, les autres sont le mouvement de la grande lignée des ancêtres, un truc de fachos dirigé par un taré, et l’armée des sœurs de la paix. A priori, des « gentilles » cocom, qui ne veulent que le bien du peuple. On y croit.
- Et les emplacements des deux derniers camps ?
- Aucune idée. C’est dans les terres, après où précisément, on n’en sait rien.
- Bon. Va falloir explorer ça veut dire ?
- Ouais, c’est exactement ça. Paraît que y’a un fleuve pas loin de là où on est. On va aller le remonter, histoire de voir quel est l’état du bordel un peu plus au nord. Dans les terres.
- Parfait.
- Mais cette fois-ci, on va arrêter les conneries. On va pas y aller seuls. On embarque les équipages du Tabuhan (ndlr : Tabuhan = « Frelon ») et du Lalat Kuda (ndlr : Lalat Kuda = « Taon »). Et s’il faut combattre, on pourra combattre. Avec toute la puissance de feu requise. »
Embouchure du Henshan, 5h30,

Le Soleil commençait à peine à se lever sur l’Océan des Perles. Il pénétrait doucement par la fenêtre de la cabine, celle-ci n’ayant pas été fermée le soir précédent. La lumière la passait donc, s’introduisant subrepticement dans la pièce, descendant petit à petit depuis le haut sur le mur du fond, au fur et à mesure que l’astre solaire grimpait dans le ciel. Finalement, il arriva jusqu’au lit, éclairant le corps qui y reposait. Enfin, les corps.

Aasmi somnolait. Elle avait veillé tard, la nuit précédente, et avait sûrement abusé de la bouteille. Comme d’habitude. La lumière lui caressa les yeux, venant la titiller. Elle grogna, marmonna quelque chose qui devait être de l’ordre de « Fais chier » ou « Encore cinq minutes » et se retourna afin de ne plus en prendre plein la poire. Ce faisant, elle tomba nez-à-nez avec quelqu’un. « Ah ? Me souvenait pas de ça hier, pensa-t-elle, j’ai dû boire un peu plus que prévu. Attends, je me souviens d’avoir ouvert une bouteille avec... avec... (Elle bailla à s’en décrocher la mâchoire.) Boh, qu’importe. » Elle passa un bras autour de la taille de la personne endormie avec elle, et se rendormit aussi sec.

Elle se réveilla à nouveau environ deux heures plus tard. Elle entrouvrit les yeux – difficilement – et cracha pour rejeter ses cheveux de sa bouche. Elle se frotta les yeux, tentant de les ouvrir plus grand. « Ah… ma tête… et cette lumière, oh, qu’est-ce que ça fait mal... » Elle se redressa sur un coude et, dos au soleil, elle parvint à regarder autour d’elle. Et reconnut enfin qui était allongé à côté d’elle.

« Eza… Qu’est-ce qu’elle est belle… Comment ai-je pu douter de toi un jour ? Toi, me trahir ? Jamais… »

« Bon, c’est pas tout ça, mais va falloir se lever. »

Elle essaya de sortir du lit discrètement mais, coincée entre le mur et Eza, et encore mi-assoupie mi frappée par la gueule de bois, ce n’était pas une tâche des plus aisées. Soudain, sa tête cogna quelque chose. « Ah put- (s’exclama-t-elle) ain... (sa voix diminuant rapidement en volume). » Elle se frotta la tête à l’endroit douloureux (quelle fenêtre de merde, décidément il allait falloir penser à la fermer le soir) puis se tourna vers Eza, laquelle s’était retournée, les yeux embués. « Rendors-toi ma puce. C’est pas une heure correcte pour se lever après hier. » Celle-ci ne se la fit pas dire à deux fois, et replongea aussitôt dans le sommeil du juste.

Aasmi s’habilla comme elle put et, une fois prête, sortie de la cabine. Elle ouvrit la porte en grand, s’étant à présent habituée à la lumière tamisée de la pièce, et sans réfléchir. Elle le regretta aussitôt, la lumière du grand jour extérieur lui agressant la rétine. Elle plissa les paupières, et s’avança prudemment sur le pont, tâtonnant sur les premiers mètres. Elle se tenait au garde-fou, essayant de ne pas tomber. « Oula ! Le pied marin, c’est pas valable après une soirée arrosée, je note. » Elle rejoint l’avant du Tawon, et observa la mer. Enfin, elle gardait plus ou moins les yeux plissés, les reflets sur l’eau n’étant pas du meilleur effet pour son mal de crâne.

Cela faisait plusieurs jours qu’ils stationnaient à l’embouchure du Henshan, l’un des deux grand fleuves du Zijian selon leurs informations. Ils attendaient l’arrivée du Lalat Kuda et du Tabuhan, les deux autres navires de l’Essaim à être suffisamment armés pour l’incursion qu’ils s’apprêtaient à réaliser. Ceux-ci ne devraient plus tarder d’ailleurs. Ils étaient attendus pour quinze heure environ.

« Parfait. Juste le temps de décuver. Va falloir purger l’alcool là. »

Elle se rendit à la passerelle, constata que tout allait bien et que les marins faisaient bien leur travail en l’absence de leur capitaine et de leur seconde – absentes de la circulation depuis la veille au soir – et, après avoir salué les pirates, lesquels ne manquèrent pas de la saluer en retour, elle repartit. En sortant, elle ignora les marins qui – se croyant discrets et hors de portée de voix –, se permettaient de faire des commentaires sur le fait que « la capitaine et la seconde s’étaient encore envoyées en l’air ». Qu’ils racontent ce qu’ils voulaient, c’était grâce à elles qu’ils étaient riches. Et puis, s’ils croyaient qu’elles n’étaient pas au courant de leurs histoires à eux aussi... Elle leur avait laissé quartier libre la soirée précédente, et elle ne doutait pas qu'ils aient aussi profité. Le navire avait parfois tendance à ressembler un peu trop à un campement échangiste.

« Va falloir remettre tout le monde en ordre, et que ça file droit. Mais d’abord, va falloir purger, parce que j’ai encore au moins un gramme par litre. Et que je peux pas gueuler quand j’ai mal à la tête comme ça. (Elle arriva dans sa cabine, constata qu’Eza était encore là, et se laissa tomber à côté d’elle.)
- Hum… ? Tout va bien ?
- Ouais. ‘Fin, j’mal à la caboche, mais ça va passer. Alors, rendors-toi,
lui dit-elle en passant un bras autour de sa taille. »

« Et puis, de toute façon, va falloir que moi je file droit d’abord, sinon j’aurais aucune autorité sur eux... » pensa-t-elle avant de s’endormir.
2686
Embouchure du Henshan, 13h22,

Aasmi sortit de sa cabine, ouvrant la porte d’un mouvement brusque. Elle avait revêtu un uniforme militaire noir, des bottes cirées jusqu’aux épaulettes, adapté à ce qu’elle allait faire dans les prochaines heures. A savoir remettre ce navire en ordre, quitte à employer la force pour cela.

Elle passa en revue chacune des pièces et cabines, faisant sortir tous les marins sur le pont. Durant une bonne heure, l’on pouvait entendre ses cris de partout dans le navire. Enfin, elle réussit à tous les réunir sur le pont principal, en tenue correcte et rangs ordonnés. Enfin, plus ou moins ordonnés.

« Je ne vous félicite pas ! Ah, vous pouvez être fiers ! Ah, oui, vous avez fière allure, dites donc, dans vos guenilles à peine entretenues ! Je vous laisse une soirée de liberté, une seule, et ce navire se transforme en un bordel flottant ! Le Tawon est-il devenu le Geraert-Wojtkowiak durant la nuit ? Non ! »

L’un des marins, au dernier rang, murmura quelque chose, l’air énervé. Cela avait, assurément, rapport au fait quAasmi n’avait pas fait mieux qu’eux la nuit précédente ; les rumeurs de son passage à la passerelle à 6 heures, défractée et avec des vêtements mal mis, n’y étaient sûrement pas pour rien.

« Vous avez quelque chose à dire Hez ?
- Euh, non, m’dame.
- Ma-dame ?
Fit-elle en insistant sur le mot. »

Aasmi plissa les yeux, son regard perçant donnant envie au marin de s’enfoncer dans la coque sous ses pieds pour disparaître instantanément. Il perdit peu à peu contenance, son visage blanchissant et ses jambes se mettant à trembler. Aasmi avait une sacrée réputation avec les marins qui désobéissaient ou lui manquaient de respect. On disait qu’elle était une Eza la Sombre en devenir, voire pire, on la comparait à Elyanya « Rose Noire ». En même temps, elle ne s’était pas élevée dans la hiérarchie de la Reine des Perles pour rien.

« Je… euh… je voulais dire… Je voulais dire « non, ma capitaine », fit-il en bégayant.
- Je me disais aussi. (Elle se retourna vers le reste du groupe.) Bon. Désormais, plus de soirées détente jusqu’à nouvel ordre, puisque vous n’êtes manifestement pas capables de vous maîtriser. Les deux autres navires arrivent dans moins d’une heure, et je veux que ce navire soit présentable. Vous avez du pain sur la planche, alors bougez-vous ! Et que ça saute ! »

Aussitôt dit, aussitôt fait. Tous s’éparpillèrent, se répartissant les différentes tâches à faire sous les ordres d’Eza. Lorsque le Lalat Kudan et le Tabuhan arrivèrent, le Tawon brillait comme un sou neuf.

Les capitaines des autres navires montèrent à bord du Tawon, où ils s’enfermèrent dans la passerelle. Là, échangèrent avec Aasmi et Eza sur leurs découvertes jusqu’ici et la marche à suivre pour l’exploration dans les jours à suivre.

Enfin, après plusieurs heures, ils se séparèrent, chacun retournant sur son propre navire. Il avait été décidé que l’on partirait le lendemain, lorsque tous auraient profité d’une bonne nuit de sommeil, afin que les marins soient dans la meilleurs forme possible. S’ils risquaient de se battre, il valait mieux être en mesure de résister.
1688
Embouchure du Henshan, 6h,

Aasmi s’agrippait au plat-bord avant du navire, l’écume l’éclaboussant, des gouttelettes parsemant son visage. Elle portait son uniforme noir, histoire de bien montrer qui était la patronne ici. Derrière elle, Eza se tenait bien droite, au garde-à-vous, mains dans le dos. Les deux regardaient droit devant elles, ignorant l’eau qui les recouvrait peu à peu. C’était à peine si elles clignaient des yeux de temps à autre. On aurait dit deux statues qu’un sculpteur un peu dérangé aurait, plutôt que de les mettre à la proue du navire comme dans l’ancien temps, juste planté là, sur le pont.

« Alors c’est parti…
- Oui, Eza. On y va. On va s’enfoncer dans les terres, pour de bon.
- Et voir ce qu’il en est du reste de ce foutu pays.
- Exactement,
conclut Aasmi en se retournant. Et ensuite, on pourra rentrer au bercail faire un bon rapport bien complet à la Reine.
- Et on pourra… ?
Demanda Eza, laissant sa phrase en suspens, mais attrapant la main de sa capitaine.
- Oh, ça, j’y compte bien oui, lui répondit-elle avec un grand sourire. Mais pas maintenant. »

Le navire-amiral (si l’on pouvait parler en ces termes, considérant qu’ils ne composaient, au fond, qu’une flotte de contrebandiers et pirates à l’occasion ; flotte modeste de surcroît), le Tawon, menait la marche. A la passerelle, on donna l’ordre du départ, et le navire bondit en avant tandis que ses moteurs s’allumaient. Bientôt, le Lalat Kudan et le Tabuhan suivirent. Ils partaient – pour de bon – pour une dernière mission de reconnaissance. Voir dans les terres, s’enfonçant dans le territoire d’un taré sanguinaire. Histoire de voir jusqu’où s’étendait son pouvoir, et dans quelles proportions il tenait le terrain.

Et s’il s’avérait qu’il le tenait mal… et bien, elles improviseraient sur le tas. Mais ce qui était sûr, c’est que ça risquait de ne pas être joli. Et qu’elles auraient sans doute bien besoin d’uniformes de rechange, une fois qu ceux-ci seraient devenus rouges.
17855
Sur le Henshan, à bord du Tawon, 8h,

Le paysage défilait lentement. Très lentement. Trop lentement. Les capitaines avaient choisi de maintenir une allure paisible (« lente à en mourir d’ennui » selon Aasmi) afin de pouvoir, d’une part, mieux observer les rives du fleuve, et plus loin, et d’autre part, économiser un carburant précieux. Ce n’est pas comme si le pétrole était ce qui manquait… mais un peu quand même. Et ce n’était sûrement pas au Zijian que l’on pourrait refaire le plein. Les réserves du Tawon avaient été remises à niveau grâce au Lalat Kuda et au Tabuhan, mais il valait mieux éviter de les cramer à toute vitesse. On ne savait pas combien de temps on allait devoir rester dans ce foutu pays, aussi loin de toute civilisation (et de station-service digne de ce nom), alors on économisait : fallait pouvoir faire les 4 000 kilomètres jusqu'à Terra Verde. Finir coincé ici par manque de carburant serait une bien triste fin.

Il n’empêchait que cela avait pour résultat qu’Aasmi s’ennuyait ferme. Pourtant, elle avait elle-même approuvé cette idée, somme toute parfaitement rationnelle. Mais même la logique implacable du raisonnement ne pouvait empêcher qui que ce soit – et a fortiori Aasmi – de s’ennuyer. Ils avançaient à la vitesse ô combien ahurissante de cinq nœuds. Cinq nœuds, ça voulait dire environ 9,26 kilomètres par heure.

« Une vitesse de dingue ! Youhou ! » S’écria Aasmi dans sa cabine, en même temps qu’elle lançait une fléchette sur une cible accrochée à la porte. Eza, qui venait d’ouvrir la porte au même moment, dû se baisser en vitesse, la fléchette venant se ficher dans la paroi derrière elle. La capitaine, qui s’apprêtait à lancer un deuxième projectile, stoppa net son mouvement. La seconde, elle, se contenta de récupérer la première fléchette – qui avait manqué de peu sa tête – et d’entrer dans a cabine en fermant la porte.

« Et bien, je vois que tu trouves à t’occuper.
- Il faut bien, avec la vitesse de fou furieux qu’on a.
- Cette vitesse de fou furieux est parfaitement suffisante. Nous n’avons pas plus de 250 kilomètres à parcourir, ce qui nous fait 27 heures de voyage aller, et autant de retour. Trois fois rien.
- Tu oublies les arrêts pour aller observer en direct l’état du terrain. Rien qu’avec ça, on va perdre au moins deux jours, si ce n’est trois ou quatre,
lui rétorqua Aasmi.
- Qu’est-ce donc qu’une semaine ? Trois fois rien, c’est bien ce que je dis. Et tu serais surprise de savoir que j’ai pris une initiative pour nous faire gagner du temps.
- Ah ? Et qu’elle est-elle, cette initiative ?
- Ça, tu le sauras bien assez tôt,
lui répondit-elle avec une moue joueuse. C’est une surprise.
- Ah ah, je te reconnais bien là,
conclut Aasmi, mais sans insister outre mesure. »


Sur le Henshan, à bord du Tawon, 11h,

Déjà cinq heures qu’ils étaient partis. Un temps tout à la fois extrêmement long et court. Cinq heures, qu’est-ce que c’était dans une vie ? Un clignement d’œil. Mais quand on s’ennuyait… il fallait dire qu’Aasmi avait tellement dressé son équipage que celui-ci en était devenu parfaitement autonome. La capitaine partait de moins en moins souvent avec son équipage, préférant s’occuper à terre de la gestion de la flotte, quand Eza gérait directement le Tawon. Ce qui faisait qu’elle n’avait plus rien à faire sur son propre navire, où elle se sentait parfois même étrangère. Sentiment étrange, que de se sentir à l’écart sur un navire dont on était le capitaine. Étrange, mais pas étonnant.

Aasmi, donc, était sur le pont, regardant l’équipage s’affairer. Il lui semblait qu’ils avaient tous quelque chose à faire, sauf elle. Elle avait déjà joué à une dizaine de parties de fléchettes contre elle-même. De façon surprenante, elle n’avait pas toujours gagné.

Elle sortit une paire de jumelles de son sac, et en profita pour observer la rive en détail. Le coin était joli, mine de rien. Typique de la région, et pourtant unique. Il y avait nombre de plantes aquatiques, arbres des mangroves et autres espèces végétales vivant au bord de l’eau. Ainsi qu’une grande variété d’espèces animales : insectes, rongeurs, poissons d’eau douce, amphibiens,… Il était drôle de voir à quel point la vie se développait en l’absence de présence humaine. Celle-ci, qui devait être presque omniprésente autrefois, semblait s’être tarie.

Aasmi releva ses jumelles. « Grumpf, fit-elle, pas étonnant qu’il n’y ait pas âme qui vive. Le village a cramé. Et récemment manifestement. » Elle abaissa les jumelles, et regarda autour d’elle, cherchant quelqu’un à qui indiquer la nouvelle, avant de se rendre compte que les cartographes qu’ils avaient emmenés avaient déjà commencé un relevé. Ce qui rappela à Aasmi qu’elle n’avait rien à faire, et la fit replonger dans une humeur de chacal. Ce qui n’était pas des plus sympathique à dire pour un chacal, lequel aurait sûrement été outré d’être comparé à la teigne qu’était la capitaine du Tawon.

D’ailleurs, un des cartographes était en train de s’entretenir avec Eza. Aasmi se rapprocha d’eux pour entendre ce qu’ils disaient.

« … est trop loin pour nos drones.
- Ils ont pourtant l’autonomie pour aller faire du repérage là-bas.
- Oui, mais ce n’est pas là le problème. La portée des ondes pour les diriger est trop faible, nous avons estimés que les obstacles sont trop nombreux et le village trop loin.
- Mais il va nous falloir l’observer quand même,
dit Eza.
- Oui, et c’est pourquoi je vous propose d’utiliser ce que nous avions prévu. Ce sera un bon moyen de faire du repérage, et nous pourrons tester si cette idée est bonne.
- Très bien. Allez dire à la passerelle qu’il faut qu’ils préviennent l’équipage du Tabuhan que nous allons lancer l’engin.
- Quel engin ?
Fit Aasmi en s’incrustant dans la discussion.
- Oh tu es là ? Eh bien, quand je te disais que tu saurais bientôt, je ne mentais pas. Nous allons sortir la surprise.
- Surprise qui est… ? »



Sur le Henshan, à bord du Tabuhan, 11h30,

Une montgolfière. Une putain de fucking montgolfière. Aasmi n’en croyait pas ses yeux. Eza avait fait monter dans les cales du Tabuhan une montgolfière tout entière. Le tout en prévoyant que les drones n’auraient pas assez de portée pour aller observer à l’intérieur de terres.

« Ah… Ah ! Ah ah ! Ah ah ah ah ! Fit la capitaine en partant en fou rire. Excellent ! Excellent ! J’adore ! Quelle idée extraordinaire ! Une montgolfière ! Ah ah ! Une montgolfière ! Une idée de génie ! Grandiose ! Grandiose ! » Elle en avait les larmes aux yeux, pleurant de joie et d’excitation. Enfin quelque chose qui sortait de la monotonie des dernières heures (et derniers jours!) ! « Je veux monter là-dessus ! »

Eza, qui avait eu l’idée du ballon d’observation, s’approcha.

« Et bien, je ne pensais pas t’en empêcher. Je me doutais que cette idée t’enthousiasmerait. »

Aussitôt dit, aussitôt fait. Une fois qu’ils eurent fini de gonfler la montgolfière, Aasmi passa sur le pont du Tabuhan, accompagnée de deux de ses cartographes, et d’un expert du ballon. Ce dernier serait là pour diriger l’engin pendant qu’ils seraient en vol, les cartographes,… et bien, pour cartographier, et Aasmi parce qu’elle en avait envie. Cette femme était une tête de mule, et il ne servait à rien d’essayer de a freiner. On finissait juste entraîné avec elle.

Un des photographes saluant les marins de l'Essaim juste après le décollage depuis le pont du Tabuhan
Un des photographes saluant les marins de l'Essaim juste après le décollage depuis le pont du Tabuhan
Un des photographes saluant les marins de l'Essaim juste après le décollage depuis le pont du Tabuhan
(On ne fait pas attention à la pub sur la montgolfière...)

Ils avaient deux heures pour s’envoler, s’approcher du village et des environs pour faire leurs observations (des deux côtés de la rive, fallait pas déconner, on voulait une carte précise), puis revenir. Ils avaient emporté de quoi écrire, des jumelles, des objectifs photo pour être les plus précis possibles lorsqu’ils dresseraient la carte, des talkies-walkies pour pouvoir communiquer avec les navires, et même une lunette astronomique. On ne savait jamais, ça pouvait servir. Oh, et des flingues, avec leurs cartouches. Évidemment. « Au cas où » avait dit Eza, et elle n’avait pas tort. Si le village avait brûlé récemment, il y avait tout à parier que les coupables n’étaient pas très loin. Et un ballon volant entre cinquante et cent mètres du sol, ce n’était pas banal.

Ils s’envolèrent donc. Au début, il n’y avait pas grand-chose d’intéressant. Forêt, plaine, forêt, champ. Une colline parfois. Le même paysage s’étendait à l’infini, exception faite de la mer au sud, et des montagnes au nord. Des montagnes au nord ? C’était nouveau ça. Aasmi s’empressa de signaler la nouvelle aux cartographes, lesquelles la remercièrent et notèrent ce qu’ils voyaient, puis prenant de nombreux clichés.

En une dizaine de minutes, ils arrivèrent au niveau du village, qu’ils purent observer d’en haut. Celui-ci avait, effectivement, brûlé, comme on pouvait le voir depuis les navires. Ils prirent tous de nombreuses photographies, qui serviraient à dresser un plan détaillé de la région. En dehors de ça, il ne se passa pas grand-chose, les soldats – ou les pillards – s’en étant pris au village étant de toute apparence repartis depuis un certain temps. Après une petite demi-heure d’observation, l’expert attira leur attention pour leur dire que, les vents ayant changé de direction, c’était le bon moment pour aller observer de l’autre côté du fleuve.

Ils prirent donc cette direction, repassant au dessus de la flotte – laquelle s’était arrêtée pendant ce temps pour ne pas risquer de les distancer. Le paysage était sensiblement le même de ce côté-ci, ce qui commençait à ennuyer Aasmi. Tandis que les cartographes photographiaient à tout va, échangeant leurs impressions sur l’endroit et sur le meilleur moyen de mettre ça en forme sur papier pour la suite, la capitaine observait le paysage à la lunette astronomique, cherchant à voir le plus loin possible. Les montagnes – on appelait la chaîne Tyanshan, avait-elle appris en conversant avec la passerelle – étaient belles. Il lui semblait se souvenir qu’elles continuaient plus au nord et à l’est, peut-être même jusqu’à la Ramchourie. Mais cela était sans importance.

Elle reposa la lunette, et prit les jumelles qu’elle portait autour du cou, observant les alentours. Au début, elle ne remarqua rien : le paysage était, à quelques détails près, très semblables à ce qu’ils avaient pu voir de l’autre côté du fleuve. Elle tourna sur elle-même, voulant regarder un autre endroit, quand un flash lumineux l’éblouit. Elle cligna quelques fois des yeux, cherchant à faire partir la tâche bleutée qui lui obscurcissait le champ de vision, avant de regarder à nouveau là où était apparue la lumière.

Elle fouilla le paysage du regard, s’arrêtant sur chaque détail, en quête de ce qui avait pu renvoyer le rayon lumineux. Enfin, son regard fut attiré par un nouveau flash. Elle abaissa les jumelles, et fit signe à l’expert, lui demandant de se rapprocher de la zone. Lorsqu’ils furent plus près, elle put voir en détail ce qui avait attiré son attention, sans être éblouie. Elle prit aussitôt le talkie-walkie.

« Allô la passerelle, ici l’équipe d’observation. Vous me recevez ?
- Cinq sur cinq capitaine,
lui répondit Eza.
- J’ai probablement trouvé les responsables pour le village. Une bande de pillards errants, probablement des déserteurs.
- Combien ?
- J’en compte cinq. Peut-être dix, s’il y en a de l’autre côté de la colline.
- Ok. Rentrez au Tabuhan, on envoie une équipe pour les éliminer. Il ne faudrait pas qu’ils risquent de nous attaquer.
- Je peux m’en occuper personnellement…
- A une contrer dix ? Et en ayant le ballon à protéger ? Sûrement pas. Tu rentres.
- J’ai dit peut-être dix. Aux dernières nouvelles, je suis encore ta capitaine.
- Ce n’est pas la question, tu rentres ! Tu m’as entendu Aasmi ? Tu ren- »


La voix d’Eza mourut quand Aasmi éteignit le talkie-walkie. Elle ordonna ensuite à l’expert de faire descendre l’appareil à une distance raisonnable des pillards qui, par un hasard inouï, n’avaient pas encore vu le ballon. Malheureusement, l’un d’entre eux se retourna au mauvais moment, et les aperçut. Ils ne pouvaient pas l’entendre d’ici, mais au vu des geste qu’il faisait en direction du ballon, il ne faisait aucun doute qu’il les avait repérés et qu’il avait donné l’alerte. Deux des pillards essayèrent de tirer sur la montgolfière, heureusement sans succès. Voyant leur échec, ils se mirent à courir en direction de celle-ci pour disposer d’un meilleur point de tir.

Le ballon étant arrivé à seulement trois mètres du sol, Aasmi passa par dessus la balustrade et sauta au sol. Elle s’enfonça aussitôt dans un coin de jungle, tandis que la montgolfière repartait en direction des navires, cherchant à s’éloigner du danger, mais en restant au ras du sol, camouflée par les arbres. Les pillards ne semblaient pas avoir vu partir le ballon, et continuaient vers la forêt. Aasmi, après s’être réceptionnée, fonça vers les arbres, au devant du danger. Puis elle grimpa dans un arbre, s’installant en hauteur.

Aasmi Tawon passant par-dessus la balustrade de la montgolfière
Aasmi Tawon passant par-dessus la balustrade de la montgolfière
Aasmi Tawon passant par-dessus la balustrade de la montgolfière
(Oui, sur l'image il y a quatre mecs, mais on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a.)

Un des pillards arriva bientôt, passant en dessous de l’arbre. Il mourut d’une balle en pleine tête. La détonation, facile à entendre, en attira bientôt deux autres, aux aguets. En voyant le corps de leur camarade mort, ils redoublèrent de vigilance, inspectant chaque recoin. Malheureusement pour eux, ils ne prirent pas le soin de lever les yeux, et furent descendus par une grenade. Plusieurs pillards arrivèrent ensuite, prenant, eux, bien soin de surveiller les hauteurs.

Aasmi, sachant sa position en danger, se glissa dans l’arbre voisin. Passant ainsi de branche en branche, elle s’éloigna des déserteurs, tout en restant à la lisière de la forêt. Ainsi, elle pourrait repérer toute personne en sortant – et s’approchant donc du ballon – pour l’abattre. Un pillard passa soudain en dessous d’elle. Elle prit son poignard et se laissa glisser au bas de l’arbre. L’approchant par derrière, elle lui plaqua une main sur la bouche et l’égorgea, maintenant sa poigne pour l’empêcher de crier. Ensuite, elle laissa tomber le corps et fila se cacher derrière un arbre, dans des fougères. L’un des pillards – décidément, ils étaient nombreux – sortit de la forêt, mettant un genou à terre pour viser la montgolfière. Elle l’abattit d’abord, puis se redressa pour aller chercher une autre cachette. Avant de devoir s’immobiliser, un fusil sur la tempe.

« Debout salope. Tu vas crev- »

Aasmi n’écouta pas la fin. Elle se laissa tomber au sol, simulant qu’elle s’effondrait sur elle-même. Le pillard abaissa son fusil.

« Bah… ? Qu’est-ce qu’il lui arri- »

Elle se redressa, tendant sa main en avant, enfonçant son poignard dans le ventre du soldat. Puis elle tourna. Le pillard hurla de douleur. Un liquide chaud et poisseux lui coulait sur la main tendit qu’elle continuait à l’enfoncer dans les entrailles du type. Celui-ci hoquetait, crachant du sang. Aasmi retira le couteau, pour le plonger une seconde fois, plus haut. Son uniforme et son visage furent recouverts du liquide écarlate. Elle sortit une dernière fois la lame pour la plonger dans le cœur de l’homme, le maintenant jusqu’à ce qu’il s’effondre, mort. Puis elle se redressa, attrapa son fusil, et tira quelques rafales dans la plaine, où les deux derniers pillards couraient – l’un vers la montgolfière, l’autre vers elle. Ils moururent bientôt, s’effondrant, leur sang tâchant de rouge l’herbe.

La capitaine, éreintée, se laissa tomber au sol, où elle se camoufla dans les fougères. Elle chercha à se relever, mais une douleur au flanc gauche l’en empêcha.

« Que.. ? Alors ça va se finir comme ça ?… »


Sur le Henshan, à bord du Lalat Kuda, 17h,

Elle revint à elle dans la cabine-infirmerie du Lalat Kuda. Lorsqu’elle ouvrit les yeux et voulut se lever, le médecin de bord lui ordonna de se recoucher, avant de filer hors de la pièce. Il revint bien vite, accompagné d’Eza, qui avait dû profiter du temps où elle était assoupie pour monter à bord de ce navire. Ceux-ci lui apprirent qu’elle avait été touchée au flanc par un pillard, une blessure qu’elle n’avait pas ressentie durant le combat, mais qui avait failli lui coûter la vie. L’équipe envoyée par Eza l’avait, heureusement, retrouvée à temps, et ils avaient pu la ramener à bord pour qu’elle reçoive des soins. Elle garderait probablement une cicatrice à vie, mais ce n’était rien en comparaison de ce qu’aurait pu lui coûter son imprudence. En même temps, qu’est-ce qu’elle s’ennuyait avant… et qu’est-ce que ça avait été divertissant ! L’adrénaline ! Le frisson du combat ! La peur de mourir ! Tout ce qui faisait qu’elle aimait être une pirate, et pas une simple gestionnaire, quand bien même une gestionnaire de contrebande.

Eza, sans surprise, lui lançait des regards noirs pour lui avoir désobéi et s’être mise en danger. Elle se planta devant le lit, jambes écartées et poings sur les hanches. Tandis qu’elle ordonnait au médecin de sortir, Aasmi se prépara à la déferlante...
...qui ne vint pas. Surprise, la capitaine rouvrit les yeux, et se prit une immense claque de la part d’Eza.

« Aouch, ça pique. Je suppose que tu vas me dire…
- ...que c’était mérité ? Oui, absolument.
(Elle marqua une pause, et Aasmi crut bon de reprendre.)
- Tu sais, je ne suis plus une enfant, et tu n’es pas ma mère... »

Bonk ! Le poing d’Eza venait de percuter le mur avec violence.

« Qu’est-ce qui t’as pris ?
- Je…
- QU’EST-CE QUI T’AS PRIS ?!
(Bonk !) Tu es la personne la plus importante de cette flotte ! Importante pour nous tous, et importante pour moi en particulier ! (Bonk !) Alors, qu’est-ce qui t’as pris de t’exposer comme ça ?
- Je…
- TAIS-TOI ! Tais-toi ! Tais-toi...
(Bonk... Elle cogna une nouvelle fois contre le mur, mais avec beaucoup moins de force qu’auparavant. Sa voix aussi s’affaiblissait, perdant en puissance jusqu’à ce qu’elle se mette à sangloter.) Je… J’ai cru que j’allais te perdre. J’ai… j’ai cru que tu allais y passer, que ton orgueil allait t’emporter.
- Eza, je…
- Comment j’aurais fait moi ? Comment j’aurais pu continuer sans toi !?
Hurla-t-elle avant de se remettre à sangloter. Je… Je… Je n’aurais pas su les guider… Je me serais effondrée, et l’Essaim aurait volé en éclat… »

Aasmi ne dit rien. Elle se dégagea de la couverture (on n’avait pas idée d’une couverture par des températures pareilles) et descendit prudemment du lit. Son flanc la faisait souffrir, mais rien de si grave que ça. Elle tenait bien la douleur. Elle s’approcha de sa seconde, l’enveloppant dans ses bras. Elles restèrent comme ça un moment, Aasmi enlaçant Eza, laquelle pleurait toutes les larmes de son corps. Jusqu’à ce qu’elle se calme, peu à peu, les spasmes et les sanglots se stoppant progressivement.

« Je ne m’exposerai plus comme ça. Je te le promets.
- Peux-tu… Peux-tu le jurer sur les saints ? Sur Saeri en personne ?
- On ne jure pas sur Saeri. C’est sacrilège.
(Eza eut un hoquet et manqua de s’étouffer dans un semblant de rire.)
- Sacrilège ? Et voler ? Et tuer ? Ce n’est pas sacrilège ça ?
- … si, peut-être bien. Alors je suppose que… je jure sur le nom de Saeri . Je jure que je ne foncerai plus bêtement au combat. Je jure que je ferai preuve de prudence, et que je t’écouterai. Ça… Ça te va ?
- On va dire que ça fera l’affaire,
dit-elle en l’embrassant. Allez, grande blessée, l’équipage t’attend. »

L’équipage en question l’accueillit en l’acclamant. Pour eux, elle était une héroïne, une combattante de génie. Aucun n’avait eu vent du fait qu’elle était passée à côté de la mort. Aucun ne savait ce qui s’était passé dans l’infirmerie du navire. « Et tant mieux, se dit Aasmi. Plus ils m’admirent, plus ils m’obéissent, et moins j’aurais de problème. Il va falloir maintenir cette image de force… sans s’exposer. Merci Eza, tu ne me facilite pas la tâche. » Bien sûr, certains l’avaient vus à terre en train de perdre son sang, et la rumeur allait circuler… mais en manipulant soigneusement les rumeurs, elle pouvait minimiser cette partie de l’histoire, et insister sur le nombre de pillards qu’elle avait abattu.
Elle félicita les marins qui l’avaient recueillis, lesquels se contentèrent de lui dire qu’ils n’avaient pas fait grand-chose, et qu’elle avait fait tout le travail. « Excellent. Si eux ont déjà cette mentalité, il sera plus facile de faire passer le message. » On procéda ensuite à un décompte et partage des richesses trouvées dans le campement. Et Aasmi reçut une jolie somme, bien supérieure à celle du reste de l’équipage. Parce que, fallait pas déconner, elle avait quand même bien bossé !
8920
Sur le Henshan, à bord du Tawon, le 2 décembre 2013 aux environs de 15h30,

On y était. Ils naviguaient sur le Henshan depuis quatre jours maintenant, quand il en aurait fallu moins d’un pour le remonter intégralement en temps normal. Mais ils progressaient lentement, prudemment, s’arrêtant souvent pour observer les environs à l’aide de la montgolfière. Bien évidemment, Aasmi en était interdite depuis sa dernière sortie, trois jours plus tôt. De toute façon, il n’y avait rien à voir. Ils avaient beau observer : rien de rien. Des villages, des petites et moyennes villes même parfois, certes, mais rien d’autre. Champs, forêt, forêt, champs, ville, champs, forêt. Rien à de bien exaltant. Même pas quelques soldats, bandes de pillards ou déserteurs. Ils voyaient les fumées, mais jamais les hommes. C’était frustrant.

Mais ils arrivaient au bout du voyage. Enfin, presque. Il leur faudrait sortir du pays pour retourner à Terra Verde faire le plein et préparer une expédition plus approfondie, mais ils arrivaient en tout cas au bout du Henshan. De la partie navigable du moins.

Aasmi fut sortie de ses pensées par un voyant lumineux qui clignotait. Elle était assise dans son siège de capitaine, sur la passerelle du Tawon, et vit tout de suite la loupiote. Celle de la communication. Une voix synthétique sortit de l’appareil, confirmant ce à quoi elle venait de penser.

>>>>>Communication entrante. Accepter communication ?<<<<<
La capitaine de la flotte rapprocha son siège et pianota sur le clavier.

>>>>>Oui.<<<<<
>>>>>Communication établie.<<<<<

« Capitaine Aasmi, ici le Tabuhan. Vous me recevez ?
- Cinq sur cinq capitaine. Qu’y a-t-il ?
- L’équipe du ballon rapporte avoir vu quelque chose au loin.
- Quoi donc ?
- Une armée, capitaine. »


Il y eut un court silence, pendant le temps duquel Aasmi réfléchit aux implications qu’avaient cette nouvelle.

« Bien. Battant quelle bannière ?
- Celle de la grande lignée des ancêtres.
- Le fou furieux.
- Lui-même. Ou du moins ses hommes.
- Combien sont-ils ?
Demanda-t-elle.
- Mon équipe estime leur nombre à quelques centaines. Cinq ou six, tout au plus. (Un court silence plana, avant que le capitaine du Tabuhan ne reprenne.) Ils nous ont repéré. Un détachement de cavaliers approche. Qu’est-ce qu’on fait ? »

Hum… Un détachement de troupes d’Agarkhan, qui venait à leur rencontre… Combien étaient-ils ? Allaient-ils les attaquer ? Mais au fond, cela avait-il de l’importance ? Ils avaient vu tout ce qu’ils avaient à voir. Ils n’avaient aucun raison de s’attarder ici plus longtemps. Surtout si c’était pour rencontrer, et probablement se battre avec, des hommes d’un fou furieux résigné à se proclamer roi du Zijian.

« Nous n’avons aucune raison de les attendre. Et je souhaite éviter toute mort inutile. Nous faisons demi-tour. On rentre au bercail.
- Très bien. Je donne l’ordre du départ.
(On entendit un bruit étouffé en arrière-plan, qui semblait être un ordre.) Le Tabuhan va devoir rester à l’arrêt quelques temps, il nous faut être immobiles pour recevoir le ballon d’observation.
- De combien de temps avez-vous besoin ?
- Seulement une dizaine de minutes, la montgolfière n’est pas loin. Mais j’ai peur que les cavaliers nous atteignent d’ici-là.
- Alors nous restons avec vous.
- Ils risquent de nous donner l’assaut.
- C’est un fait. S’ils s’approchent de la rive, tirez un coup de semonce. S’ils essaient d’entrer dans l’eau, on les abat. Que toute personne qui ne soit pas utile au combat se réfugie à l’intérieur. Je ne veux aucun blessé inutile.
- Très bien. Je vais faire circuler les ordres. »


Aasmi mit fin à la communication, avant d’en ouvrir une nouvelle avec le Lalat Kuda. Elle leur transmit la nouvelle de préparer les canons, et de poster quelques hommes armés sur le pont. Et que tous les autres se mettent à l’abri. « Il n’y aura pas de morts aujourd’hui. En tout cas, pas pour nous. »

Puis elle attrapa une paire de jumelles et sortit à l’air libre. Sur le pont, elle put observer les cavaliers se rapprocher. Le ballon revenait doucement vers le Tabuhan, lui aussi, mais pas aussi rapidement que les soldats. Ceux-ci arrivèrent bientôt sur la rive. Ils étaient une petite cinquantaine. Un nombre assez faible, mais suffisant pour leur infliger des pertes, ce qu’elle souhaitait éviter. On pouvait accuser des morts ou des blessés quand il y avait quelque chose à y gagner. Sinon, on l’évitait.

Les cavaliers ne semblaient pas impressionnés par les navires, pourtant modernes et bien armés. Étonnant. « En ont-ils déjà vu de semblables, ou sont-ils endoctrinés au point qu’ils n’ont peur de rien ? » Les soldats d’Agarkhan ne semblaient pas vouloir s’approcher plus, restant bien sur la rive. En même temps, ils ne disposaient d’aucun navire, et ne voudraient sans doute pas s’exposer à s’approcher à dos de cheval où à la nage. Ils se contentaient donc de les observer.

L’erreur fut dans leur camp. Alors qu’un des cavaliers, pour passer un passage étroit sur la rive, faisait passer son cheval un tout petit peu dans l’eau, un tir partit. Des leurs, évidemment, et de semonce, évidemment aussi. Mais cela sembla énerver profondément les soldats, qui sortirent leurs armes et les pointèrent sur le navire. Aasmi rentra précipitamment dans la passerelle. Elle n’était pas armée. Une salve partit, dans un sens puis dans l’autre. Quelques cavaliers furent touchés, l’un en pleine poitrine, l’autre à l’épaule, et un dernier dont c’était le cheval qui avait été abattu et qui, coincé en dessous de la bête, cherchait à s’extirper de ce piège. De leur côté, aucune perte n’était à recenser. Grâce à la protection du garde-fou, qui leur servait de créneau.

« Il va falloir refaire la peinture. Super. S’ils savaient combien ça coûte, ils ne seraient pas si prompts à tirer. » Mais les cavaliers semblaient avoir compris que la petite flotte n’était pas une cible à leur portée, aussi ils s’enfoncèrent dans le bois, restant à la lisière pour les observer, mais protégés par les arbres. La montgolfière ayant atterrit sur le Tabuhan, ils démarrèrent les moteurs, et procédèrent à un demi-tour. Puis ils reprirent la route en sens inverse, cette fois-ci avec une plus grande vitesse qu’à l’aller.

Les cavaliers les suivirent durant quelques heures, restant à hauteur des navires, ne s’éloignant jamais beaucoup de la protection des arbres. Lorsqu’ils eurent compris que les poursuivre ne leur servirait à rien, ils firent demi-tour et repartirent vers leur campement.

« Et bien. Ceux-ci seront sans doute des adversaires coriaces si nous avons un jour à les affronter pour de bon. Bien endoctrinés, courageux et disciplinés. Et bien, nous les éviterons à l’avenir. Et maintenant que nous rentrons, je peux faire mon rapport. »

Aasmi s’installa sur son siège de capitaine, dans la passerelle, et commença à pianoter pour rédiger un message. Lorsqu’il fut finit, elle le relut une fois, histoire de ne pas commettre d’impair qui froisserai la Reine de Perles, puis elle l’envoya.

« A l’intention de la Reine des Perles,

L’Essaim a terminé sa mission d’exploration. Nous avons étudié les côtes du Zijian, visité quelques îles en mer, puis remonté le fleuve Henshan toute la partie navigable, et cartographié les terres. Nous avons pu, à l’aide d’un ballon dirigeable et de drones embarqués, observer assez loin dans les terres. Voici la situation actuelle, pour ce que nous en savons :

Les îles en mer sont bien installées, et farouchement défendues. Les seigneurs locaux n’ont pas été touchés par la guerre civile qui fait rage dans le reste du pays, et ont des moyens à consacrer à leur défense. Pour autant, elles restent des cibles privilégiées, car riches puisque encore inviolées, et leur position stratégique nous permettrait de disposer de bases proches du Zijian pour nos réparations et notre approvisionnement. De plus, elles auront beau résister, nous sommes capables de déployer plus d’hommes, et nous avons un matériel de bien meilleur qualité. Elles tomberont certainement.

A l’ouest se trouve la Troisième République Unitaire du Zijian. Il s’agit actuellement de la plus grande force du pays. Leurs forces sont estimées à 6 000 soldats, des femmes pour la majorité, globalement bien armées. Ils tiennent la capitale, Tozimara, et quelques autres possessions sur la côte, ainsi que des îles. Ils n’ont pas semblé avoir de marine conséquente, mais s’ils se sont étendus depuis la mer, c’est qu’ils doivent en avoir une.
Ils représentent une force armée non négligeable, mais semblent rester cantonnés sur leurs possessions, avec des troupes lentes à réagir et réparties sur le front pour se prémunir d’une attaque terrestre. Ils ne doivent pas s’attendre à une attaque maritime, mes autres camps n’ayant pas d’accès à la mer, et encore moins de marine. En effectuant des raids rapides, nous devrions pouvoir les mettre à mal sans trop nous exposer.

Le nord-est est occupé par les forces de la grande lignée des ancêtres. Une bande de fanatiques entraînés par un fou furieux du nom d’Agarkhan. Le type veut ni plus ni moins se couronner roi du Zijian, le tout en asservissant les femmes qui, semble-t-il, ont habituellement le pouvoir ici. Son armée est bien plus petite que celle de la république, mais ses troupes sont endoctrinés à l’extrême, et plus mobiles. Il fera un adversaire redoutable.

Bien que nous n’ayons pas pu les observer, l’embouchure de l’autre fleuve étant tenu par la république unitaire, nous avons eu vent d’une autre faction, au nord-ouest. Il s’agirait de communistes tranquilles, globalement sur la défensive, avec des forces équivalentes à celles d’Agarkhan, bien que moins bien armées. Nous n’avons pas réussi à déterminer s’ils représentaient une quelconque menace, mais nous estimons qu’ils sont de toute façon trop loin des côtes, et l’accès au fleuve étant fermé, nous ne pourrons pas les approcher. Nous n’avons donc pas à nous en préoccuper.

Le reste du pays n’est véritablement tenu par personne, et il nous sera facile d’y agir. L’endroit est idéal pour nos opérations.

Nous rentrons actuellement à Terra Verde pour nous ravitailler, et attendons vos ordres.

Cordialement,

Aasmi Tawon,
Capitaine du navire éponyme et cheffe de l’Essaim »

A peine une heure plus tard, elle reçut ce message :

« Très bien. Foutez moi ce pays à feu et à sang. »
14774
Quelque part dans l’Océan des Perles, à une cinquantaine de kilomètres des côtes du Zijian, le 1 janvier 2014 vers 18h,

Aasmi était à la passerelle du Tawon. Enfoncée dans son fauteuil, elle remuait une touillette dans son café, le regard dans le vide, ses pensées vagabondant. Voilà un mois à peine qu’elle avait quitté le Zijian. Et elle y revenait aussi sec. Elle était à peine revenue à Terra Verde, trois semaines plus tôt, qu’elle avait dû repartir presque aussi sec.

La Reine des Perles, suite à sa communication, avait contacté l’ensemble des capitaines sous son commandement, et leur avait ordonné de se rendre à Terra Verde. Lorsqu’elle était arrivée dans le petit territoire listonien trois semaines auparavant, elle l’avait trouvé grouillant des équipages divers soumis à la Reine. Ils avaient patienté encore deux semaines, attendant tous ceux qui pouvaient encore se joindre à eux et réunissant vivres, carburant et munitions, puis ils avaient pris la mer. Leur objectif : le Zijian (encore…) au grand regret d’Aasmi, laquelle l’aurait bien quitté plus longtemps. Au moins se réconfortait-elle en se disant que cette fois-ci, il y allait y avoir du sport. De l’action, enfin !

Et oui, de l’action, et encore plus que lors de leur exploration du pays, c’était dire. Ils partaient en guerre. En guerre contre le Zijian. Ou plutôt, pour le Zijian. Ils avaient pour mission d’envahir le pays pour le compte de la Reine des Perles, laquelle serait – s’ils réussissaient leur expédition – bientôt couronnée Reine du Zijian. Un exploit digne de ceux des Scandinaves plusieurs siècles auparavant. Les « têtes de pierre », comme les appelaient les velsniens, avaient dans l’ancien temps profité des faiblesses des régimes eurysiens de l’époque pour s’y tailler des royaumes gigantesques. Et bien eux, wanmiriens, zélandiens, pharois et autres, pirates de tous horizons et nationalités, comptaient bien s’emparer des richesses du Zijian. Et par la force s’il le fallait (ça tombait bien, il le fallait).

Leur objectif premier était donc l’île de Kiosho, située à l’embouchure du Henshan, laquelle leur permettrait de disposer d’une base dans la région, où ils pourraient se ravitailler sans avoir besoin de revenir sans cesse à Terra Verde. Et ils allaient devoir la conquérir directement, plutôt que de se contenter de faire des raids.

La porte de la passerelle s’ouvrit, et un marin s’approcha. Il s’approcha d’Aasmi puis se racla la gorge.

« Hum… Capitaine ? (Celle-ci sortit de ses pensées et fit tourner son fauteuil pour se retrouver face au marin.)
- Oui matelot ?
- Nous approchons de notre objectif. Les capitaines des autres navires demandent à monter à bord du Tawon pour mettre au point le plan d’invasion.
- Très bien. Faites les monter. »


Le matelot repartit donner la nouvelle, tandis qu’Aasmi se levait, buvant une gorgée de son café. Froid. « Bah… il va falloir en couler un nouveau. » pensa-t-elle. Ce qu’elle fit, avant de se rendre dans une pièce plus adaptée à leurs échanges. A savoir le réfectoire, seule pièce assez grande pour tous les accueillir.

Elle n’eut pas à attendre longtemps. Les capitaines entrèrent vite, au nombre de dix-sept, soit dix-huit avec elle. Par les plus notables, il y avait bien évidemment elle-même, mais également Ilyana « Rose Noire », les frères Jiahui (Eleazar « Soleil de minuit » et son jumeau Ateng « Jour sur le nuit ») et Wyria Raharjo, dit l’« Ancien » ou le « Sage de la Mer ».

Ilyana était, et de loin, la plus dangereuse de tous. Elle était en réalité assez peu connue, mais les rares échos qui parvenaient faisaient état d’une dangereuse psychopathe, tantôt froide et calculatrice, tantôt enragée et faisant couler le sang. On disait qu’elle avait servi sous les ordres de la grande « Eza la Sombre », du temps où celle-ci régnait encore sur les mers, avant de se rallier à la Reine des Perles quand la première était rentrée dans le droit chemin. En tout cas, nul n’avait envie de la compter parmi ses ennemis.

Les frères Jiahui, pour leur part, étaient connus pour leur art du spectacle, surtout pyrotechnique. Pyromanes dangereux, ils aimaient un peu trop jouer avec les explosifs et mettre le feu à tout et n’importe quoi. On racontait qu’ils avaient déjà fait brûler plusieurs fois leur navire (chacun !) dans une crise de folie. Ils étaient en tout cas les maîtres incontestés en ce qui concernait les armes incendiaires, et avaient récemment développés de nouvelles techniques d’abordages ; aériennes. Une partie de leur équipage (dont eux-mêmes) était formée à l’utilisation de parapentes ou deltaplanes, avec un déploiement depuis le pont par grand vent, ou en se jetant depuis un point élevé. S’ils imposaient habituellement à leurs marins du ciel de se jeter du haut du navire (en espérant, surtout pour les débutants qui ne savaient pas faire sans, réussir à prendre un courant ascendant avant de toucher l’eau), ils auraient cette fois-ci le luxe de déployer leur engin depuis une montgolfière à une cinquantaine voire une centaine de mètres d’altitudes, avec tout le temps nécessaire pour s’envoler sans risque.

Enfin, Wyria Raharjo, l’« Ancien » comme l’appelaient les nouveaux, ou le « Sage de la Mer » une fois qu’il vous avais mis la pâtée à l’une ou l’autre activité, semblait être le plus sain d’esprit de tous. Ce qui n’était, évidemment, pas une bonne nouvelle, puisqu’il commençait à se faire vieux et à perdre un peu la boule sur les bords. Voilà qui n’augurait rien de bon de la santé mentale des autres capitaines. Enfin, de ceux illustres. Il semblait en effet y avoir une corrélation entre le fait d’être passablement dérangé et le fait de grimper les échelons. D’aucuns diraient que c’était logique : plus l’on était dérangé, plus l’on prenait de risques, et si ça marchait on grimpait dans les échelons. Et si ça ne marchait pas… et bien il n’y aurait personne pour vous pleurer.

Ce n’était pas tout à fait vrai, bien sûr, la Reine des Perles n’était pas assez stupide pour désigner comme ses lieutenants des personnes risquant de faire capoter tous ses plans par excès de témérité, mais le schéma se répétait, au moins dans le bas de la hiérarchie pirate. Si l’on voulait monter, il fallait faire ses preuves, et ça passait souvent par de la prise de risque inconsidérée… ou un bon vieux complot. Les manigances n’étaient pas ce qui impressionnait vraiment les pirates, mais la Reine les reconnaissait à leur juste valeur. Aasmi regrettait d’ailleurs qu’elle ne leur ait pas envoyé « Al Makadee », l’Araignée ou Celle-qui-prend-les-secrets comme on l’appelait, pour les aider, mais elle devait bien admettre qu’à ce stade de la conquête, disposer d’une espionne – de renom ou non – n’allait pas changer grand-chose. Leur petite virée en exploration leur en avait déjà beaucoup appris, et pour le moment ils avaient surtout besoin de combattants.

Lorsque tous furent réunis, ils purent commencer à débattre de la meilleure façon de s’emparer de l’île. La première chose qui s’imposa assez vite, c’était qu’il fallait être discret dans leur approche, et jouer de l’effet de surprise. C’était logique : leur nombre et leurs capacités n’étaient probablement pas suffisantes pour venir à bout de la résistance de l’île dans un affrontement en face à face, ou du moins pas sans subir des pertes conséquentes, ce qu’ils voulaient à tout prix éviter. La cinquantaine de soldats sur l’île, si elle n’était pas particulièrement menaçante (les pirates disposaient tout de même d’un matériel conséquent et de dernière génération), allait leur donner un peu de fil à retordre s’ils ne s’y prenaient pas bien.

L’on aurait pu, évidemment, se contenter de mener un siège depuis la mer, en les affamant tout en les pilonnant constamment. L’on aurait pu. Mais on n’allait pas le faire, car ce n’était pas dans la mentalité des pirates. Leur objectif était d’aller vite. Il leur faudrait une victoire rapide, sinon quoi leurs hommes risquaient de s’impatienter. Ils n’étaient pas des soldats professionnels, et n’avaient pas leur patience. De plus, ils voulaient occuper l’île de Kiosho, pas la raser. Et pour cela, il fallait limiter les dégâts, donc éviter de tout bombarder dans un long siège.

Mais revenons à nos moutons. Ils avaient conclu, donc, qu’il leur faudrait être discrets dans leur approche, pour n’être repérés qu’au dernier moment. Et pour cela, ils avaient identifiés deux points de l’île qui le leur permettrait. Il y avait, d’abord, la partie ouest, totalement inhabitée et sauvage, par laquelle l’approche serait facile. Et puis le nord-est, dont la côte était boisée, devrait suffire pour masquer les navires à toute personne cherchant à les apercevoir. Plutôt que de tout miser sur un des deux points, ils préférèrent se séparer, arguant qu’ainsi ils seraient encore moins repérables (puisque plus dispersés), et qu’ils pourraient prendre les défenseurs en tenaille, les empêchant de ce fait de fuir pour se redéployer sur une autre zone, là où il serait plus difficile de les déloger. Il y aurait donc deux flottes, chacune s’approchant par un côté. La séparation devrait se faire assez loin de l’île, en haute mer de préférence, afin que – si les habitants apercevaient les navires au loin – ils ne les voient pas se diriger vers l’île, et les prennent pour des navires de commerce ou des chalutiers.

Ils débattirent ensuite du meilleur moyen de s’emparer de l’île, chacun donnant son idée, jusqu’à ce que quelque chose émerge. Ilyana et Wyria s’étaient jusqu’ici abstenus depuis les premiers consensus sur la notion d’effet de surprise, cherchant à voir ce qui allait apparaître. La raison de leur mutisme, alors qu’ils étaient probablement les meilleurs tacticiens ici présent, pouvait s’expliquer. Wyria était, par nature, assez calme et ne parlait que très peu. Il avait donc préféré se taire en attendant que les autres décident, quitte à leur expliquer ensuite qu’ils n’étaient que des imbéciles et qu’il fallait faire autrement. Ilyana quant à elle… et bien on ne savait pas trop, mais eu égard à sa santé mentale, on supposait qu’elle devait simplement être ailleurs, à penser à on ne savait quoi. Ou alors elle estimait qu’ils étaient des bons à riens, et n’en ferait qu’à sa tête, ce qui était fort probable.

Aasmi, donc, guidait la proposition. Et voici ce qui en ressortait :

Plan de bataille initial

Légende :
Lignes bleues : déplacement des navires et débarquements
Lignes jaunes : mouvement de troupes au sol
Lignes et rond rouges : bombardement depuis les navires
Carrés violets : montgolfières
Lignes et ronds noirs : attaques aéroportées

« Nous aurons donc deux flottes : l’une à l’ouest, et l’autre au nord-est. La première se séparera en plusieurs équipes, comme vous voyez. Le premier groupe ira au nord, débarquer sur ces petites maisons pour les neutraliser, et ici pour apporter un renfort au village. Le deuxième, lui, remontera ce petit bras de rivière puis continuera dans la jungle pour arriver directement sur des habitations, dont il devra prendre le contrôle. Un troisième groupe passera par le sud pour débarquer en quatre points du port, afin de sécuriser la zone, et dans le même temps nous déploierons une montgolfière, laquelle permettra à une équipe aérienne d’apporter un soutien à l’attaque qui sera menée sur le château… (elle se déplaça autour de la carte) par l’autre flotte, c’est à dire d’ici. Nous pilonnerons évidemment le terrain, pour garantir une plus grande sécurité à nos soldats au sol. Depuis l’autre côté, il faudra aussi déployer une montgolfière, et des équipes aériennes, afin d’aller neutraliser les deux tours de guets là-bas. Et ainsi, nous dominerons toute l’île, laquelle tombera en peu de temps. Tout le monde est d’accord ? »

Un certain nombre de capitaines, peu portés sur des actions d’une telle ampleur, acquiescèrent. Mais pas Ilyana, ni Wyria. La première, d’ailleurs, intervint.

« Non.
- Non quoi ?
- Non, je ne suis pas d’accord. Le plan est mauvais.
- Mauvais en quoi ? Il est excellent.
- Aasmi, vous avez la fougue de la jeunesse, c’est bien,
commenta Wyria. Mais vous êtes tellement excitée par l’idée du combat que vous ne voyez même pas l’évidence que vous avez sous les yeux.
- Quelle évidence enfin ? Ce plan fonctionne !
- De toute évidence, oui, il fonctionnerait,
dit Ilyana. Mais pas sans un nombre de victimes conséquent et inutile. On ne débarque pas sur un port. Le faire relève tout simplement de la bêtise pure. »

Et elle commença à effacer les lignes placées sur la carte, pour les remplacer par d’autres. Le silence était tombé dans la pièce, tous regardant ce qu’elle faisait. Mieux valait ne pas l’interrompre, du moins si l’on tenait à la vie. Seul Wyria se permettait des commentaires, déplaçant un tracé parfois, ou modifiant les effectifs indiqués. Enfin, ils arrivèrent à quelque chose.

Plan de bataille final

« Voilà, tout est en place. On garde les deux flottes, c’est une bonne idée. Et on attaque à l’aube, avant qu’ils ne se réveillent. A l’ouest, ce sera la Flotte de l’Ombre, parce qu’elle arrive depuis le côté le moins visible de l’île. Au nord-est, ce sera la Flotte de Feu, parce qu’on y mettra les équipes aériennes des Jiahui.

Dans la flotte de l’Ombre, il y aura trois groupes. Le premier (A) ira au nord, oui, mais il ne débarquera pas directement sur les habitations. Ce serait le meilleur moyen de donner l’alerte. Il va plutôt aller dans la jungle, puis remonter à pied par le pont, pour bloquer tout échappatoire. Le deuxième groupe (B) remontera la rivière, rien à redire là-dessus. Le troisième (C) ira bien au sud, mais il s’arrêtera avant le port. On débarque juste là, dans la jungle, et on prend les habitations par la terre, ce sera plus facile.

Pour la Flotte de Feu, trois groupes également. Le groupe numéro un ira derrière le château, qu’ils devront prendre à revers. Ils emmèneront avec eux les équipes aériennes A et B, qui s’attaqueront au château et à la tour adjacente pour les neutraliser. Dès qu’ils auront suffisamment avancé, les navires restés en mer bombarderont pour fournir un appui. Le groupe numéro deux débarquera là, il devra sécuriser les champs et les habitations sur tout ce trajet, jusqu’à cette petite colline qu’ils devront escalader pour s’emparer de l’endroit. Il ne faudrait pas que ça devienne une poche de résistance. Le groupe numéro trois, pour sa part, contournera plus à l’est. Il déploiera sa montgolfière et lâchera deux équipes aériennes, qui se dirigeront vers les deux tours de guets. Une fois qu’elles auront été neutralisées, ils devraient arriver à redécoller pour se rendre, l’une vers la colline ici, l’autre au dessus du centre-ville pour accompagner nos troupes. Les navires, après avoir bombardé la première tour, iront débarquer des troupes juste là, où ils récupéreront l’équipe aérienne une et avanceront vers le village. Là, les principales places fortes seront tombées, le reste du village tombera de lui-même.

Notez qu’il est important qu’après un débarquement, une ou deux personnes restent avec le navire pour le protéger. Il faut nous garantir une porte de sortie en cas d'échec de la mission. »


Les autres capitaines, n’osant pas contredire Ilyana (laquelle avait à son actif un sombre palmarès, rappelons-le), acceptèrent. D’autant plus que certains, à l’instar des Jiahui, commençaient à s’ennuyer, ce qui signifiait qu’ils allaient bientôt tenter de mettre le feu à quelque chose. Le plan fut donc approuvé, et tous repartirent sur leur navire. L’attaque aurait lieu le lendemain, entre cinq et six heures. Tout était en place, l’assaut allait pouvoir débuter.

Effectifs :

TOTAUX :
Tous groupes confondus :
  • 170 soldats professionnels ;
  • 170 armes légères d’infanterie de onzième génération ;
  • 17 mitrailleuses lourdes de dixième génération ;
  • 8 mortiers légers de huitième génération ;
  • 9 vedettes de quatrième génération ;
  • 8 vedettes de dixième génération ;
  • 2 montgolfières (non représentées sur l’atlas)
  • 16 parapentes (non représentés sur l’atlas)

DÉCOMPOSES :
FLOTTE DE L’OMBRE

Groupes A & B
  • 20 soldats professionnels (x2) ;
  • 20 armes légères d’infanterie de onzième génération (x2) ;
  • 2 mitrailleuses lourdes de dixième génération (x2) ;
  • 2 vedettes de quatrième génération (x2).

Groupe C
  • 30 soldats professionnels ;
  • 30 armes légères d’infanterie de onzième génération ;
  • 3 mitrailleuses lourdes de de dixième génération ;
  • 3 vedettes de quatrième génération.

FLOTTE DE FEU

Groupes 1 & 3
  • 40 soldats professionnels (x2) ;
  • 40 armes légères d’infanterie de onzième génération (x2) ;
  • 4 mitrailleuses lourdes de dixième génération (x2) ;
  • 4 mortiers légers de huitième génération (x2) ;
  • 4 vedettes de dixième génération (x2) ;
  • 1 montgolfière (non représentée dans l’atlas) (x2) ;
  • 8 parapentes (non représentés dans l’atlas) (x2).

Groupe 2
  • 20 soldats professionnels ;
  • 20 armes légères d’infanterie de onzième génération ;
  • 2 mitrailleuses lourdes de dixième génération ;
  • 2 vedettes de quatrième génération.
1749
Ministère

01/01/2015
à Zu,
A sa Majesté Eza Ière Masagaesa,
Reine de Perles et Reine du Zijian,


Quelle fut ma surprise en apprenant l'apparition d'une missive en provenance de notre nation soeur du Zijian ! Nous pensions que le pays était encore en guerre civile, nous nous excusons de ce manque crucial d'informations qui nous on conduit à vous négligez. Mais à présent que nous savons que vous existez, et, de part votre missive, que vous voulez nous soutenir, nous ne pouvons qu'affirmer notre soutien et notre ralliement à la véritable Reine de Ramchourie ; Mei-Li la guerrière.

Vous avez observé, avec beaucoup d'attention, la situation défavorable dans laquelle nous sommes, je parle bien évidemment de nos tensions avec le Huanping. Ceux-ci ne sont que fanatisme et ont déjà commencé à s'emparer de vastes territoires nous entourant dangereusement. Ainsi, nous acceptons votre aide, qu'elle soit militaire, économique ou bien diplomatique, sachez que nous les validons toutes. Votre aide serait même la bienvenue si vous envoyez un message qui ferait pression pour le Huanping, afin de nous protéger d'une invasion de leur part.

Nous ouvrons également tous nos ports disponibles à vos forces, dans un cas d'extrême nécessité si le Huanping en venait à nous envahir. Autrement, ils seront ouverts pour que les échanges commerciaux entre le Zijian et la Ramchourie puissent reprendre. Cependant, pour cela, il faudra aussi que vous sachiez une autre information : les fils du soleil sont des pirates qui contrôlent les mers. En effet, actuellement, nos forces navales n'osent s'aventurer en dehors de nos rives, car le danger d'être pillé par ces pirates qui, au contraire de vous, ne veulent créer un véritable commerce au sud stable. Ainsi, nous vous demandons également, en échange de notre ralliement au Royaume Constitutionnel de Ramchourie, que vous nous aidiez à écraser ces pirates néfastes pour le commerce dans le Nazum de l'ouest.

Puisse tous les dieux de toutes les religions vous être favorables,

Avec toutes mes salutations les plus distinguées,
Huan Zong, Seigneur de Zu
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