Posté le : 27 juin 2024 à 22:42:41
10046
ATTENTION, RP CONTENANT DES ÉLÉMENTS VIOLENTS ET POTENTIELLEMENT CHOQUANTS. LECTEURS SENSIBLES, S’ABSTENIR.
Eaux territoriales du Zijian, 150 kilomètres à l’Est de Tozimara, 8h,
Aasmi était accoudée à la proue du navire. Le Tawon, son favori, son premier navire. Celui dont elle était la capitaine directe, et qui lui avait valu son surnom. Elle l’aimait ce bateau. Elle se souvenait encore du moment où elle avait pu se l’offrir, de l’endettement que c’était mais aussi de la joie qu’elle avait ressentie à l’idée d’être – enfin – capitaine de son propre navire... Bon, c’était bien beau les souvenirs, mais on approchait du Zijian.
« Alors, ça ressemble à quoi le Zijan ? Non, pas Zijan. Zizan ? Nan, Zi-ji-an. Voilà. Zizian. Et merde, j’y arrive toujours pas. Bref, pas grave. »
Elle repéra sur la côte un panache de fumée.
« Halte là ! On va débarquer : y’a l’air d’avoir du monde par ici. »
Aussitôt, elle donna l’ordre de se rapprocher de la terre autant que possible, puis de mettre deux pneumatiques à la mer. Arrivés à une cinquantaine de mètres de la bande sablonneuse, ils gonflèrent deux petits navires, et une dizaine d’hommes montèrent à bord. Les moteurs démarrèrent facilement (il fallait dire qu’on les utilisait régulièrement, c’était diablement utile pour réaliser des échanges en mer), projetant l’embarcation en avant à pleine vitesse. Aasmi, pour ne pas être emportée, devait se tenir d’une main à une poignée du pneumatique, l’autre protégeant ses yeux des embruns. Elle était pirate, d’accord, mais c’était pour autant qu’elle aimait en prendre plein la gueule.
« Eh matelot, tu t’emballes !
- J’aime la vitesse ! Parvint-il à lui répondre malgré le bruit du vent.
- Et moi, je n’aime pas m’échouer ! »
Le marin râla un peu, mais ralentit. Une fois à deux mètres du rivage, ils descendirent dans l’eau, et barbotèrent pour rejoindre le sable. Ils tirèrent l’embarcation jusqu’au rivage et, en bons contrebandiers qu’ils étaient, ils s’empressèrent de la cacher dans la végétation.
« Bon. Maintenant, on marche un peu. Y’a pas de fumée sans feu, et qui dit feu dit humains. »
Au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient, le panache de fumée se faisait de plus en plus épais. Il leur fallut moins d’un quart d’heure pour faire le tour de la petite colline, et voir le village qui s’étendait de l’autre côté. Enfin, le village… ce qu’il en restait. Les petites masures étaient en flamme, brûlant vivement. Voilà qui expliquait le renforcement du nuage lors de leur approche.
C’était la pagaille : il y avait du mouvement dans tous les sens. Les gens hurlaient, sortant des habitations ou courant dans les rues. Aasmi vit une femmes s’extraire des décombres de sa maison, dont le toit s’était effondré sur elle.
Elle était en flammes. Hurlant de toutes ses forces, elle se mit à courir (un bien grand mot : elle chancelait, parvenant à peine à marcher à cause d’une jambe tordue dans un sens… inhabituel. Probablement cassée lors de l’effondrement du toit.) en direction d’un petit cours d’eau, mais elle ne parcourut que quelques mètres avant de s’effondrer, tête la première. Elle ne se releva pas.
Un marin tira Aasmi pour la réveiller, tandis qu’un autre sortait son fusil dans l’urgence : la femme ne s’était pas effondrée de son propre fait, on lui avait tiré dessus. Un homme, à une vingtaine de mètre d’eux – celui qui venait à coup sûr d’abattre la pauvre femme – venait de les apercevoir. Il rechargeait son arme, et ne tarderait pas à les mettre en joue.
Le marin ne lui en laisse pas le temps. Déjà en position, il l’abattit d’une balle en pleine poitrine. Partout ailleurs, des soldats – sans uniforme ni insigne, probablement des milices – pourchassaient les habitants, les abattant un à un d’une balle. Enfin, certains.. profitaient un peu avant de les tuer. Ils virent un homme traîner une jeune fille dans coin, et lui arracher de force ses vêtements. Bang ! Il n’alla pas plus loin dans son entreprise. La fille, elle, s’effondra à terre, et ne se releva pas. Elle était en larmes, parcourue de spasmes. Non loin, un autre soldat transperçaient la poitrine d’un homme d’une épée. Ici, un soldat referma la porte d’un temple, enfermant une dizaine de personnes à l’intérieur, avant d’y mettre le feu.
Aasmi reprit aussitôt ses esprits. Pas qu’elle ne supporte pas la vue d’un combat, ou qu’elle soit d’une quelconque façon incommodée par la fumée ou l’horreur de la situation, elle avait en effet participé à de nombreux abordages et y était maintenant habituée, mais elle ne s’attendait tellement pas à tomber nez à nez avec… ça, qu’elle n’avait pu réagir rapidement.
Elle se reprit rapidement, donnant les ordres.
« En ordre de bataille ! Mode commando ! Surveillez vos arrières ! »
Le groupe se réunit immédiatement, toutes les armes sorties, chargées, cran de sécurité retiré. Ils avançaient en block, surveillant toutes les directions.
Bang ! Un soldat éliminé. Qui qu’il puisse être, il ne pouvait plus les menacer désormais.
Ils continuèrent leur progression, restant aux abords du village, sans oser s’aventurer à l’intérieur, au milieu des habitations. Trop de flammes. Trop de soldats. Trop risqué.
Bang ! Un autre, abattu de dos alors qu’il s’apprêtait à tuer un enfant à terre. Celui-ci, les yeux embués de larmes, releva la tête et les vit. Il se mit debout et, sans regarder aucunement autour de lui, s’élança dans leur direction, cherchant probablement un abri. Un des pirates baissa son arme et s’accroupit. Il ouvrit les bras pour accueillir l’enfant (car, quoi qu’on en dise, ces hommes n’étaient pas sans cœur : la piraterie restait l’endroit des parias et des maltraités par excellence), mais n’en eut pas l’occasion.
A mi-chemin, un cavalier en armure émergea de la fumée et, lancé à plein galop, il trancha le coup du gosse. La tête vola, atterrissant quelques mètres plus loin, et roulant encore un peu, laissant une traînée rouge sur le sol. Le sang gicla, éclaboussant les pavés de gouttelettes écarlates. Puis, le corps s’effondra, et le liquide rouge jaillit à gros bouillons par la jugulaire tranchée, s’accumulant pour former une flaque tout autour du cou délicat.
Le soldat, lui avait continué sa route, emporté par son élan. Il fit ralentir sa monture et, tirant sur les rênes, la fit tourner à droite, vers les marins qu’il avaient entr’aperçus du coin de l’œil.
Bang ! Un contrebandier réactif avait déjà tiré une cartouche.
Cartouche inutile. Le guerrier, prêt, avait levé son bouclier et s’était protégé derrière. Celui-ci, affichant manifestement une bonne épaisseur de métal, n’avait pas arrêté la balle mais l’avait suffisamment ralentie pour que l’armure se charge de la bloquer. De toute façon, la munition n’était pas prévue pour perforer autre chose que de la chair, et était donc très peu efficace sur l’acier trempé.
L’homme releva la tête, les vit, puis se recacha derrière le bouclier et lança sa monture sur eux, son épée pointée droit vers eux. Les hommes se mirent aussitôt à lui tirer dessus en rafale, sans réussite.
« Visez le cheval ! Visez le cheval ! S’époumonait Aasmi. »
Une femme finit par l’entendre et toucha le cheval en pleine poitrine. Celle-ci n’était pas protégée, et la bête s’effondra dans un hennissement de douleur. Le guerrier tomba de la monture et s’effondra au sol. Gêné par son armure et à moitié coincé sous son cheval, il ne parvenait pas à se relever. Un homme s’approcha de lui et l’acheva d’une balle dans la nuque. Ensuite, il lui fit – ne perdons pas les bonnes habitudes – les poches, arrachant à l’aide d’un couteau tout ce qui pouvait avoir de la valeur. Il lui trancha même un doigt pour récupérer une bague qui y était attachée. Pendant ce temps, le groupe s’était rapproché, et avait formé un cercle autour de lui.
« Allez, ça suffit, dit Aasmi. On évacue. Y’a rien pour nous, et ça devient trop dangereux comme coin. »
En s’éloignant, ils passèrent à côté du cadavre de l’enfant. Un des hommes voulut se pencher pour lui faire les poches, mais deux autres l’en empêchèrent. Aasmi, bien qu’elle ne les ait pas vu car ils étaient dans son dos, était presque sûre de les avoir entendu renifler. « Faibles. Faut pas s’attacher comme ça. C’est bien les membres des docks ça : ils gèrent trop de paperasse, et pas assez d’abordages. Z’ont pas l’habitude de la violence. Va falloir qu’ils s’endurcissent. »
Bang ! « Ben tiens. Un dernier pour la route. »
Ils retournèrent directement au navire, s’éloignant au plus vite de la zone à risque, et de la vision d’horreur qui l’accompagnait. Ils dégagèrent les pneumatiques et , surveillant que personne ne les suivait, ils grimpèrent à bord, allumant en vitesse les moteurs pour partir.
Une fois de retour sur le Tawon, les marins se dispersèrent. Aasmi rejoint sa seconde, Eza.
« Alors ? T’as une mine bien sombre. Et.. oh, en voilà un drôle de rictus. »
Un sourire – enfin, un rictus carnassier et sauvage – était en train de naître sur le visage d’Aasmi.
« Viens, allons dans ma cabine. Il faut qu’on parle. (Elles entrèrent, fermèrent la porte, puis s’installèrent. Eza s’assit, tandis qu’Aasmi, fébrile, restait debout.) C’est excellent. Tout est pagaille là-bas.
- Attends, attends, reprends depuis le début. Qu’est-ce qui est excellent ? Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il s’est passé à terre ? On a entendu des coups de feu. »
Alors Aasmi lui raconta leur arrivée au village, et la scène de massacre à laquelle ils avaient assisté. Elle lui raconta l’horreur, sans rien omettre.
« Voilà la situation. Tout est chaos. Tout nous est favorable.
- Favorable comment ? Des morts, ça n’achète rien.
- Mais enfin Eza ! Sort de tes blocages ! Il est dans pour nous d’arrêter la contrebande et les abordages, et de nous adonner au pillage !
- Au… pillage ?
- Mais oui ! Personne ici ne peut se défendre ! Il n’y a plus d’autorité centrale ! C’est la chaos le plus total ! Les troupes s’en prennent à la population, au lieu de la défendre. Il y a juste à venir, et cueillir ce qui nous intéresse !
- Ah… Ah ah… ah ah ah ah ah ! »
Puis les deux partirent en fou rire.
« Tu imagines ? On n’a pas vu une telle situation depuis des siècles ! C’est tout simplement une aubaine !
- Oui ! Nous allons recréer l’ère viking, ah ah ah !
- On va s’en mettre plein les poches ! Ah ah ah !
- Tu... (elle eut un hoquet à cause du rire) penses qu'on (hoquet) est folles ? Ah ah...
- Folles ? (Elle aussi commençait à avoir de sacrés spasmes) P'tet ben, mais surtout (hoquet), bientôt riches ! Ah ah ah !...
- Allez, viens, on trinque ça ! »
Un étage plus bas dans le navire, l’ambiance était plus mitigée. Certains avaient en effet bien compris ce qu’impliquaient les violences au Zijian, et s’en réjouissaient. Ceux-là, c’était les anciens. Les habitués des abordages violents. Des hommes qui avaient depuis longtemps fait la distinction « eux/nous », voire « eux/moi » pour les plus égoïstes, et qui ne voyaient en une série de massacres et de pillages qu’une façon rapide de s’enrichir. D’aucuns diraient : des salopards, et ils auraient raison. Eux préféraient dire qu’ils étaient des hommes libres. Vraiment libres. Et bientôt riches, surtout.
D’un autre côté, il y avait… et bien, les autres. Ceux qui avaient surtout vu une vision horrifique, issue de leurs pires cauchemars. Ceux qui n’avaient pas fait la distinction entre eux et le reste du monde. Ceux qui n’avaient encore jamais vu, coincés qu’ils étaient dans leurs bureaux, ou à transporter une drogue dont ils ne verraient jamais les conséquences sur les consommateurs. Ceux qui ne connaissaient pas le milieu criminel. Ils étaient les plus humains. Ils étaient aussi – et surtout – les plus faibles.