AUCCITONNE DU SUD
En ce mois de mars, comme d'habitude à cette période de l'année, la pluie battait son plein dans la mégapole sud-auccoise. Quelques grondements d'orages et des éclairs lointains illuminaient ça et là le ciel, donnant une ambiance lugubre digne d'un film dramatique. Les gens se pressaient dans les rues, voulant atteindre au plus vite un abri, au travail ou à la maison. Dans les cours d'école, les balançoires pendaient tristement, les enfants étant confinés à l'intérieur des bâtiments.
La plupart des pauilhacois, l'intégralité en réalité, n'était pas au courant que ce jour était bien spécial. Dans un petit bâtiment situé à 400 mètres de la Chambre Régionale Sud-Auccoise, un jeune homme d'une vingtaine d'années attendait patiemment, l'air maussade, regardant fixement sa tasse de café, presque vide, avec un fond d'un liquide noir qui avait perdu toute sa chaleur. A côté de lui, se tenait un homme grand et de bonne corpulence. Celui-ci faisait les cent pas dans cette petite pièce, cachant sous son veston l'insigne qui prouvait son rang de député de la chambre sud-auccoise. Enfin, assis sur une chaise à l'angle de la pièce, un autre homme, qui avait atteint un âge qu'on pouvait facilement qualifier de "vénérable", fumait avec une pipe, embaumant la pièce d'une fumée qui peinait à s'échapper par la petite fenêtre entrouverte. Le bruit de la pluie résonnait fortement.
Les trois hommes se trouvait en réalité dans une petite pièce souterraine, à l'abri des regards. Ici, pas de caméras, pas de micros, juste quatre murs noirâtres qui n'avaient pas vu un seul membre de la race humaine depuis... même l'historien le plus pointu n'aurait su le dire. Un peu d'eau ruisselait d'un coin de la pièce.
Le vieil homme ôta sa pire de sa bouche et prononça les premières paroles depuis plus d'une heure :
Ca me rappelle quand on se cachait des Listoniens.
Roberto, le jeune homme assis devant sa tasse de café, releva la tête avec un regard interrogateur en direction du vieil homme.
Comment ça ?
Le vieil homme toussa, passa sa main doucement dans sa longue barbe blanche qui lui arrivait aux genoux.
Pendant la guerre d'indépendance de la Funtalie, les soldats listoniens nous traquaient sans cesse.
Roberto esquissa un léger sourire, se tourna vers l'homme qui continuait de marcher, puis se retourner vers le vieillard.
Vous êtes funtaliens ? Vous maîtrisez pourtant si bien le français... Vous avez combattu contre les Listoniens ?
Le vétéran hocha doucement la tête, bougea les jambes en faisant craqueler ses rotules.
Ma mère était gallésane. Elle a été... elle n'a pas survécu à la guerre d'indépendance. Je suis resté trois jours enfermé dans un trou à rat comme celui-ci, en espérant que la Legia Mortis ne viendrait pas nous débusquer... Ils n'auraient eu aucune pitié.
L'homme obèse, traînant sa bedaine d'un bout à l'autre de la salle, dit d'un air aigri :
Bon ils arrivent ces Velsniens ?! C'est quand même pas compliqué... J'aimerais bien être parti avant de voir ce toit nous effondrer sur la gueule.
Roberto bougea doucement sur sa chaise. Cet homme austère le mettait mal à l'aise... Dommage que "V", la femme qu'il avait vu à Velsna, ne venait pas. Un peu de féminité n'aurait pas fait de mal...
Soudain, des pas se firent entendre au-dessus d'eux. Le député sud-auccois porta un doigt à ses lèvres, puis monta doucement les marches qui menait à la pièce du dessus. Enfin, doucement est un bien grand mot... son poids faisait tellement craquer les marches qu'on l'avait certainement entendu à Velsna. En arrivant à la quatrième marche, la planche de bois céda. L'homme lâcha un juron et continua.
En arrivant en haut, il reconnut d'un coup d'oeil ses invités... Seuls des Velsniens pouvaient s'habiller comme ça.
Bienvenue à Pauilhac ! Belle journée de merde hein... Bon, on fera les présentations en bas, suivez-moi... Et faîtes gaffe, ya une marche qui s'est euh... cassée. C'est un vieux bâtiment. A tout moment on se prend le bâtiment dans la gueule. Bon allons-y !