Enfance et éducation :
Né en 1969 dans la cité de Strombola, Matteo DiGrassi est un personnage particulièrement insolite, si on le compare au reste de l’écosystème politique velsnien. On lui prête une enfance aussi obscure que peu glorieuse. Descendant d’une lignée de chasseurs de Strombola désargentés, ce dernier a pu constater le dur fonctionnement du système politique et économique du pays depuis le bas de l’échelle. On dit de sa famille qu’elle faisait partie de l’avant-dernière des classes censitaires, la classe IX. Très tôt cependant, ce dernier fait preuve d’un caractère relativement studieux et sérieux, qui finit par convaincre ses parents d’investir l’ensemble de leurs économies dans son éducation, quitte à descendre encore d’une classe censitaire. DiGrassi fait preuve d’un sens logique remarquable, ainsi que d’une certaine adresse physique. Il se montre toutefois totalement indifférent aux différentes formes des arts, et il est à plaindre d’un certain manque d’imagination. Cela peut-être dû à une éducation rigoureuse qui met peu en valeur ces qualités. Il est attiré dès l’adolescence par les métiers relatifs à l’armée, tout comme ses grands-parents, dans un reflexe de reproduction sociale.
C’est ainsi qu’à l’âge de 16 ans, il intègre au prix de frais de scolarité prohibitifs l’école des officiers de Marine de l’Arsenal, où il étudie et se prépare à la vie militaire durant quatre années. Contrairement à toute sa famille, qui s’est illustrée au sein de l’armée terrestre, et en particulier du régiment des chasseurs de Strombola, DiGrassi se dirige vers cette branche, réputée plus prestigieuse et où les perspectives d’ascension sociale sont plus favorables. A cette occasion, il découvre la capitale pour la première fois, ce qui lui permet de constater le degré de corruption régnant au sein de l’armée et de la Marine. Il fait montre d’une certaine défiance à l’égard des achats de charges militaires par des riches familles patriciennes, qui y placent leurs enfants contre des sommes prohibitives. C’est également à cette période qu’il aurait été initié au culte de Dame Fortune par d’autres étudiants de l’école d’officiers. Il sort 2ème sur 49 élèves de la promotion 1989 de l’Ecole des officiers. Cependant, ce dernier n’obtient pas d’affectation supérieure avant 1991 en vertu de système d’achats de charges propre à la Marine velsnienne, n’ayant pas les moyens de l’obtenir. DiGrassi commence ainsi sa carrière en tant que simple « Galleoti », homme de rang à bord du patrouilleur léger San Stefano. Cependant, DiGrassi fait la découverte d’un autre mécanisme velsnien : la clientèle. Faisant montre de ses aptitudes et de ses facilités, ce dernier est rapidement remarqué par son capitaine, Nicolo DiMaria, membre d’une famille sénatoriale importante. Ce dernier lui propose ainsi un patronage financier qui va permettre l’explosion de sa carrière et l’achat d’un grade de lieutenant de section de fusiliers marins.
Les troubles d’Achosie : les honneurs de la victoire et le lancement d’une carrière politique
Les années 1980-1990 sont marquées par la dernière et la plus violente phase du conflit qui oppose la Grande République au groupe terroriste de l’AIAN. Cette guerre de guérilla, au cours de laquelle les cités de Strombola, ville native de DiGrassi, et de Velathri ont appelé la Marineria à l’aide, est le point à partir duquel DiGrassi fondera sa carrière politique et le reste de sa carrière militaire. De 1991 à 1997, le jeune officier va participer à une multitude de coups de main meurtriers sur les côtes de la Strombolaine, orchestrant la destruction d’un certain nombre de bases avancées de l’AIAN, et montant les échelons de la Marineria au passage. Il finit par devenir Supracomito, capitaine de navire, en 1995, et sera la même année l’auteur d’une action de guerre qui le fera accéder à la célébrité, pour le meilleur ou pour le pire.
Le 4 septembre 1995 a lieu « le raid de Strombola », un affrontement asymétrique organisé par plusieurs centaines combattants de l’AIAN, au cours duquel une véritable bataille de rue éclate entre ces derniers et l’armée civique de Strombola. A l’issue du combat, les forces de l’AIAN sont repoussées, non sans avoir prit en otages plus de 60 civils velsniens. Affecté par l’attaque de sa cité natale, le jeune capitaine se met au service de l’armée civique strombolaine, et longe la côte en parallèle de la traque sur terre des terroristes par l’armée civique et les fusiliers marins de DiGrassi. Le groupe armée composé de 400 combattants finit par être acculé par un mouvement d’encerclement planifié par DiGrassi sur un promontoire rocheux. Les négociations pour aboutir à la libération des otages durent trois jours, sans succès, au terme desquels un civil velsnien finit par tomber de la falaise dans des circonstances floues. La frégate de DiGrassi commence ainsi à pilonner les positions de l’AIAN avec des frappes de canons de marine, tout en maintenant la pression de l’encerclement sur terre. L’assaut décisif, à la fois par mer et par terre est ordonné au bout du cinquième jour de bombardement, avec succès. C’est en visitant les décombres du camp improvisé de l’AIAN après leur reddition que l’affrontement va tourner au massacre.
Découvrant un charnier avec une dizaine de civils pris en otages exécutés dans la précipitation, le Supracomito, ainsi que plusieurs de ses soldats, semblèrent perdre leurs moyens, et procédèrent à un véritable massacre des 400 membres de l’AIAN faits prisonniers. La suite des évènements est floue : les velsniens commencèrent à exécuter sommairement les prisonniers de l’AIAN lorsque DiGrassi ordonna aux marins de faire sortir des pièces d’artillerie de petit calibre du navire et d’attacher les captifs deux par deux. On dit qu’il donna lui-même l’ordre du premier tir qui déchiqueta les corps des premiers malheureux. Le massacre dura quarante minutes, au terme duquel l’intégralité des terroristes de l’AIAN furent décimés. Au-delà de la portée de ce sombre évènement, la neutralisation de 400 des meilleurs éléments du groupe fut un coup dur porté à la lutte anti velsnienne en Strombolaine. Deux ans plus tard, une paix fut décrétée entre Velsna et les derniers membres de l’organisation, complètement laminée.
Malgré son caractère cruel, cette bataille permit à DiGrassi de faire irruption dans l’arène politique. Toujours financé par les DiMaria, DiGrassi fut élu sénateur en décembre 1997, accédant dans le même temps au grade de Capitano, commandement d’un secteur maritime, en l’occurrence le plus important : celui de la Manche Blanche. Cinq ans plus tard, il fut nommé à 35 ans, Stratège de la Marineria de Velsna, commandant suprême de toutes les flottes, ne rendant compte qu’au Maître de l’Arsenal.
Vie politique : Du Sénat au Triumvirat
Tout en restant Stratège, DiGrassi se lança dans sa carrière politique avec le même sérieux et la même rigueur, n’hésitant pas à qualifier le Sénat de « plus dangereux qu’un champ de bataille ». Il s’avère devenir rapidement un membre important de la faction des Hommes du Patrice, portant des positions relativement conservatrices, mais que l’on ne pourrait pas qualifier d’immobiliste. En effet, très rapidement, DiGrassi identifie un certain nombre de problématiques qui rendent le système politique velsnien particulièrement instable. Il constate avec justesse l’écart de richesses de plus en plus important au sein du Sénat, entre d’une part une petite minorité de quelques sénateurs se détachant progressivement par leur capital, des gardes fous imposés par la République, et prenant de fait le contrôle du Sénat. Fidèle à la conception classique de la République, voulant un Sénat composé d’égaux, DiGrassi procède à la création d’une plateforme conservatrice composée de soutiens fidèles de sa cause, faisant contrepoids à l’autre pôle conservateur du Sénat dirigé par un certain Dino Scaela, qui devint dans les années 2000 l’individu le plus riche de la République, représentant de cette élite en quête d’affranchissement total que méprise DiGrassi.
Ce dernier va ainsi s’évertuer pendant près de 10 ans de présence au Sénat, à contrer systématiquement les propositions politiques de son adversaire, ce qui contribuera à faire des deux hommes les pires ennemis que l'on puisse concevoir.
Malgré cela, l’ascension de DiGrassi se poursuit dans les années 2010, avec sa nomination au poste de Maître de l’Arsenal en avril 2012, qui l’oblige cette fois à abandonner son titre de Stratège de la Marineria, tout en gardant le titre honorifique d’Amiral. Sa législature est marquée par une paralysie gouvernementale en raison d’une absence de majorité claire au Sénat, qui lui permet toutefois de lancer un vaste plan de réformes économiques et militaires qui contribua à une forte croissance économique. Dans l’ensemble, son travail est donc perçu comme une réussite, même s’il se doit de partager ces louanges avec les autres membres du Conseil Communal, dont Dino Scaela. La législature se termine à la suite de l’assassinat du Patrice Dandolo, au terme de laquelle il accède à la fonction extraordinaire de Triumvir, dans un gouvernement qui s’effondrera et laissera place à une guerre civile entre ses trois membres, en partie pour les mêmes raisons antagonistes qui ont fait de la précédente législature un moment de paralysie gouvernementale.
Idées politiques :
Indiscutablement, DiGrassi peut être considéré par les critères velsniens comme un conservateur. Mais cette appellation est très floue et générique, et ce dernier entretient un certain nombre de différences avec ses confrères sénateurs, qui font penser qu’il existe un « DiGrassime » propre.
Ainsi, DiGrassi s’est souvent illustré par ses propositions d’imposer aux sénateurs une répartition plus égale de leurs capitaux afin de faire retrouver au système ce qu’il pense être un équilibre sain. Cependant, cette attitude ne doit pas être rapprochée du socialisme. En effet, DiGrassi n’est pas égalitariste pour autant, et est un partisan du système censitaire traditionnel velsnien dont toutefois, il voudrait dans l’idéal réduire les écarts de vote entre les différentes classes, à cette même fin de faire retrouver un certain équilibre à un système politique qui de son aveu, s’est grippé au fil des décennies. Il s’est également illustré dans la lutte anti-corruption.
Sur la plan économique, il se démarque également de la plupart de ses collègues conservateurs par une certaine méfiance vis-à-vis du « tout libre-échange », qui est pourtant au cœur de la pensée économique velsnienne classique. Il cultive en effet certaines valeurs que l’on pourrait qualifier de souverainiste, réclamant la plus grande indépendance économique possible au pays. Dans cette pensée, c’est pour cette raison que sur la plan diplomatique, DiGrassi est totalement hostile à l’intégration de Velsna à un quelconque ensemble supranational, ainsi qu’à toute forme d’ingérence étrangère dans la politique velsnienne. Sur le plan international, DiGrassi se montre volontiers pragmatique, n’hésitant pas à engager le dialogue avec des régimes qui lui sont diamétralement opposés, pour peu que cela représente un intérêt pour Velsna.
Sur le plan sociétal, il ne s’est jamais positionné sur l’homosexualité, contrairement à un certain nombre de sénateurs conservateurs hostiles au mariage de deux personnes du même sexe. De l’avis de tous, il se montre globalement indifférent sur la question. Il ne s’est jamais non plus démarqué par une xénophobie particulière à contrario de beaucoup de velsniens. Mais on lui prête toutefois de vifs ressentiments à l’encontre des achosiens depuis l’épisode de l’AIAN dans les années 1990.
Caractère :
Sur le plan personnel, DiGrassi est connu pour son mépris de toute forme de luxe ou de confort, qui selon lui portent une tendance innée à « corrompre les hommes et à les attendrir ». C’est un homme sévère, ascète, peu bavard en privé, qui méprise les envolées rhétoriques et lyriques, préférant de loin le « velsianisme », attitude qui consiste à dire « beaucoup avec peu de mots ».
Il sait reconnaître le mérite, qu’importe la classe censitaire mais tient en horreur un certain nombre de catégories, comme les artistes à qui il reproche de déformer « une réalité déjà parfaite, puisqu’elle est réelle », et plus curieusement, les clowns.