Posté le : 23 mai 2024 à 17:47:11
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DiGrassi s’arrête à son tour pour accepter de bon cœur le cigare qui lui est proposé. Cela n’est pas son poison préféré, son étui à cigarettes n’étant jamais loin de l’une de ses poches, mais cela fera l’affaire, d’autant qu’il convient d’accepter tout ce que les hôtes proposent à un invité. L’Amiral rebondit sans attendre sur les propos de son interlocuteur :
- Merci de l’attention, excellence. Si je puis me permettre d’aborder rapidement la question achosienne, il ne s’agit pas là de l’objet principal de ma visite. Voyez la rencontre d’aujourd’hui plutôt…comme une mise au clair de notre bonne volonté, puisque l’arbitrage que nous avons proposé à l’OND ne saurait tarder. Et j’espère de tout cœur que cela résoudra ce dossier de manière définitive, ou du moins assez longtemps pour que ce dossier ne retombe pas sur mon bureau une fois par mois.
Pour être honnête, la nature de vos sentiments à notre égard ou à ceux des achosiens m’importent peu. J’ai fondé ma carrière sur l’ambivalence de ma personne dans l’opinion publique. Ce qui m’importe, c’est avant tout d’éviter le retour des troubles tels que je les ai connu lorsque je suis sorti de l’Ecole des officiers de l’Arsenal, et de savoir si vous comptez mettre votre subjectivité de côté au service de la stabilité régionale. Dans les grandes lignes de nos propositions, car nous les détaillerons plus en avant lors de notre prochaine rencontre avec l’OND, j’ai l’intention de reconnaitre officiellement le rôle « d’arbitre » des forces de l’OND à la frontière achosienne, en échange de quoi je proposerai que la frontière soit démilitarisée, à la fois par les troupes achosiennes et par les miennes, ou au mieux que les troupes disposées à la frontière par les cités de Strombola et de Velathri voient leurs effectifs fixés à 1 000 hommes de manière permanente. Cela constitue à mon sens une bonne base de travail qu’il faudra creuser au moment opportun. Et c’est là que survient notre problème d’aujourd’hui : Kolisburg.
Kolisburg partage avec le dossier achosien deux points communs : en premier lieu, il retombe sur mon bureau de façon intermittente depuis plus d’un an, ce qui commence à m’être particulièrement désagréable. Et deuxièmement, Kolisburg risque fortement d’étendre les tensions en mer à l’île celtique dans l’éventualité d’un rapprochement avec la République d’Achos. Depuis un an, rien n’a été fait pour régler cette question, nous avons mis la poussière sous le tapis durant tout ce temps et voilà qu’aujourd’hui, cette question commence à s’envenimer comme une blessure non traitée, du moins, de ce que j’ai vu entre Caratrad et Kolisburg. Je ne reproche rien aux diplomates de l’OND, ou aux diplomates velsniens : j’estime que nous avons fait de notre mieux. Pour notre part, par trois fois nous avons proposé un accord de reconnaissance de ZEE à Kolisburg, en échange de concessions et de garanties. Pas une seule fois leur position n’a évolué : il faut que vous compreniez que ces têtes de pierre n’ont aucun sens du compromis et de la négociation. La seule manière de discuter avec eux est de céder à tous leurs caprices et leurs demandes. En particulier cet individu particulièrement détestable que j’ai pu rencontrer : Heidenborg, et dont le seul angle de négociation a été de tenter de me corrompre avec 20 000 couronnes kolisiennes en échange d’une reconnaissance de ZEE. Autant me donner un smic velsnien à ce compte… Ce personnage n’a pas plus de jugeote qu’un babouin un peu évolué. Deux insultes diplomatiques ont été pour moi largement suffisantes pour couper le contact.
Conclusion : vous vous apprêtez à entamer des négociations avec individus n’ayant aucun sens de la négociation, et vous aurez besoin d’aide pour vous imposer parce que la crédibilité d’une revendication de ZEE s’appuie en premier lieu sur la capacité réelle à la revendiquer : ou « beaucoup de bateaux », si vous préférez la simplicité.
D’où ma proposition d’aujourd’hui. Kolisburg ne comprend que le langage de la force et de la pression diplomatique. Même si on mettait un velsnien et un achosien dans une même pièce, les marges de négociation seraient plus importantes qu’avec deux kolisiens en couple devant se mettre d’accord sur qui fera la vaisselle. Pour rejoindre votre remarque à propos de l’instabilité supposée de Velsna, sachez que vous n’avez pas besoin d’un pays stable dans cette situation, vous avez besoin d’une flotte. Une flotte dont je dispose et dont ne vous ne disposez pas, ou du moins une flotte plus restreinte que celle de Kolisburg. Et je pense que vous aurez besoin de cette flotte pour imposer vos conditions de négociation chez eux. C’est pourquoi j’ai deux solutions à vous proposer, une solution digne de l’OND, et une solution plus « radicale » mais qui aurait le mérite de résoudre la situation de manière définitive.
Je me permets de commencer par la première solution : la mise en place d’opérations navales conjointes et de patrouilles renforcées dans la prétendue ZEE de Kolisburg, cela appuyé par des escortes militaires dédiées aux convois de navires de pêche caratradais. Pour ma part, je distribuerai les autorisations de pêche à tour de bras dans les « eaux kolisiennes » parmi les cités velsniennes, quitte à assurer leur protection par des escortes militaires. Une démonstration de force afin de faire pression durant d’éventuelles négociations avec Kolisburg pour faire clair. Cette situation pourrait aussi être susceptible de provoquer une faute diplomatique de la part de Kolisburg, ce dont nous pourrions nous servir.
Deuxième solution. Comme je vous l’ai dit, la crédibilité d’une revendication d’eaux territoriales s’appuie essentiellement sur les moyens déployés pour la sécuriser, ainsi que ses ressources. Message secretInformation secrète réservée aux personnes autorisées Aussi, vous devez à mon sens la prendre sérieusement en considération.Message secretInformation secrète réservée aux personnes autorisées. Et mes nuits n’en seront que plus belles. Encore une fois, je me permets de vous le dire : il y a des forces avec lesquelles la négociation n’est tout simplement pas possible.Message secretInformation secrète réservée aux personnes autorisées Qui sait, peut-être que la perspective de voir deux flottes alliées contre elle poussera Kolisburg dans ses retranchements diplomatiques et qu’aucune confrontation ne sera nécessaire, ce que je souhaite au plus haut point. Dans tous les cas, rien que brandir cette perespective calmera peut-être leurs ardeurs.
Le plan proposé par DiGrassi était caractéristique de sa doctrine militaire, partagée par un certain nombre de militaires velsniens et encouragée par le système politique de la Grande République, dont les mandats à court terme des sénateurs les obligeaient à profiter rapidement de leurs mandats pour se distinguer avec des actions d’audace avant que celui-ci ne se termine. La notion de prestige, la « dignité » comme les velsniens l’appelait, était omniprésente dans les campagnes de réélection. Cette situation était à double tranchant cependant, et pouvait mener à de grandes victoires politiques comme à des défaites cuisantes. Le tout ou rien.
- Pour revenir à votre question sur l’état de santé de mes estimés collègues, sachez qu’ils se portent à merveille. Scaela s’amuse en ce moment même à narguer les deux navires zélandiens qui font du cabotage dans les eaux territoriales velsniennes, et à ce que l’on me dit, Vinola a décidé de prolonger ses vacances d’hivers dans les Mont du Zagros. Dans l’éventualité où la situation se termine correctement, j’ai bien l’intention de faire en sorte de réparer la catastrophe politique à l’étranger que représente Scaela, et il faudra compter sur Velsna en tant que puissance indépendante de l’OND ou d’une quelconque organisation supra nationale. J’ai horreur de ces… « bidules », mais je comprends la volonté de certains de se retrouver autour de valaurs communes. Concernant Caratrad spécifiquement, si l’arbitrage de l’affaire achosienne se déroule correctement, et si cette présente affaire se présente bien, alors je ne vois pas le problème d’envisager des relations privilégiées avec votre entité, tout comme nous l’entretenons déjà avec vos collègues zélandiens. Le non-alignement couplé à une politique étrangère d’ouverture sera nécessaire pour une certaine période à Velsna, je pense.