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[Presse] « Voie Nôtre »

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  • Présentation de la plateforme "Voie Nôtre"

  • "Voie Nôtre" est une plateforme dédiée à la préservation, la diffusion et la revitalisation des cultures de l'aire cathayenne. Sa mission est de regrouper, transmettre et diffuser des articles de presse et des contenus enrichissants sur la cathayennité et sur le monde cathayen d'hier, d'aujourd'hui et de demain.

  • Nos Objectifs

  • - Préserver et Documenter : Conserver les traditions et l'histoire de la cathayennité à travers des articles de fond, des archives et des témoignages.
    - Informer et Éduquer : Diffuser des informations pertinentes et actuelles sur les événements, les développements culturels et les initiatives qui façonnent la cathayennité ou les cultures de l'aire cathayenne d'aujourd'hui.
    - Inspirer et Innover : Encourager l'innovation culturelle, intellectuelle, artistique ou scientifique en mettant en lumière des projets créatifs et des individus qui réinventent et redéfinissent la cathayennité.
    - Connecter et Partager : Faciliter les échanges entre les différentes communautés constituant le monde cathayen à travers le monde, en offrant une plateforme où chacun peut partager ses expériences et ses idées.

  • Ce que vous trouverez

  • - Articles de Presse : Des articles bien documentés sur divers aspects de l'histoire, de la culture, de la géopolitique, allant de l'histoire ancienne à l'actualité culturelle contemporaine.
    - Entrevues et Témoignages : Des entretiens avec des personnalités influentes, des artistes, des historiens, des scientifiques et des membres de la communauté qui partagent leurs visions et leurs expériences.
    - Dossiers Thématiques : Des explorations approfondies de thèmes spécifiques, offrant des perspectives variées et des analyses critiques.
    - Événements et Actualités : Une couverture des événements culturels, des festivals, des expositions et des initiatives communautaires qui célèbrent la cathayennité ou les cultures du monde cathayen.
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    Urbanisation : construire la Maronhi de demain

    20 mai 2013



    Suivant le plan de post-métropolisation commandé par dame Kouyouri, la Commission d'enquête d'aménagement du territoire, les pouvoirs publics locaux ainsi que les associations d'architecture et d'urbanisation lancent un vaste projet d'aménagement du territoire et de développement urbain, ayant une vision maximale de son rôle, aussi bien sur responsabilités vis à vis des écosystèmes que sur les rapports sociaux, la culture et l'identité.


    Au cœur du grand bois, un important remaniement urbanistique et géodémographique est en marche, censé recentrer notre rapport à l'innovation, notre rapport à la production, mais aussi, plus simplement, notre rapport aux autres. Le projet des Quartiers Zen, porté nationalement par la Commission d'enquête d'aménagement du territoire et localement par diverses associations d'architecture ou d'urbanisation, vise à créer des espaces urbanisés durables alliant principes moraux propres aux cultures maronhiennes et nécessités d'espaces urbanisés attractifs et modernes. Ce projet entre dans dans un plan plus grand de démétropolisation du territoire. En effet, la métropolisation est un modèle singulier d’urbanisation, celui de la ville-monde, avec un rythme de croissance des villes, quasi exponentiel depuis quatre à cinq décennies. Ceci est le fait d'une ère dans laquelle les activités urbaines se dématérialisent, la rente immobilière s'accroît et les économies urbaines évoluent par tertiarisation et tri des populations. Ce fait géographique global est aussi total, car les citadins sont encouragés à modifier leurs modes de vie, et ce par nombre de projets urbains similaires, avec toujours plus de mouvements et de fluidité, de connexion et d’agilité, de divertissement et de festivités. Sur le plan politique maintenant, ces agglomérations se dotent de nouveaux pouvoirs avec, dans de nombreux pays, des réformes dites “territoriales” qui entérinent ce processus de croissance urbaine par de nouveaux échelons institutionnels et éloignent toujours plus les habitants de leur capacité de peser sur les politiques d'une localité. Enfin, il apparait que l'artificialisation requise pour massifier les peuplements, l’exploitation totale des ressources pour tenir à ce point toutes et tous agglomérés, et donc faire fructifier la richesse métropolitaine, dévastent tous les milieux et les écosystèmes, mais aussi, aggravent les risques sur la santé des urbains. Ainsi, ce vaste projet à visée quasi post-urbaine cherche à prendre la tête du cortège de l'innovation, pour que la modernité en Maronhi ne soit plus subie, mais entièrement sienne.

    Le premier site qui devrait voire l'arrivée ce ce projet n'est autre que l'aile du levant de la commune de Mawikiko, en amont des marais de Kouhou, choisi pour sa topographie plate et son faible impact sur les forêts environnantes, se veut un modèle de durabilité. Cette ville innovante se déploiera sur près 324 miles carrés, intégrant harmonieusement l'environnement naturel et les besoins modernes. Avec ses 27 criques, Mawikiko doit composer avec des débits fluviaux variables, accentués par les importantes saisons humides. Ce premier plan urbain intègre ces variations naturelles, transformant les défis en opportunités. Après examen du fonctionnement de la dilatation et de la contraction des rivières locales, des choix ont été fait dans le plan d'aménagement pour faire place à cette eau, traiter cette force comme un organisme à part entière. Au-delà des partis pris purement techniques sur la responsabilité du milieu et la relative autonomie matérielle et politique de ce nouveau modèle, le plan pour Mawikiko a mis en valeur la nécessité de se réapproprier les intentions sociales et sociétales attachées aux architectures et plans d'urbanisme types des constructions contemporaines. Les Quartiers Zen chercheront ainsi à mettre en avant l'identité locale et nationale, tout comme les principes injectées dans l'architecture ylmasienne et créole maronhienne, n'hésitant pas à allier les anciennes et les nouvelles voies, mais aussi à recentrer les habitations et quartiers autour de la famille et de la communauté, dans une certaine visée personnaliste, et ce par la disposition des espaces, la mise en place de lieux de sociabilité et la centralisation des habitations autour des espaces communs. Une modernisation de la maison de bourg créole maronhienne avec cour centrale semble particulièrement privilégiée, capable d'accueillir trois à quatre générations d'une même famille, et donc rêvé pour le renouveau de l'idéal sédentaire, car, en effet, ce n'est plus la massification de l'interconnexion qui est recherchée pour pallier aux problèmes liés à l'enclavement du territoire, mais bien une nouvelle répartition de la population, des ressources et des activités pour une démocratisation des villes moyennes et de leur autonomie partielle. Ainsi, la ville de demain se doit de porter la famille d'hier, déjà bien plus préservée en Maronhi qu'ailleurs dans les parties du monde opérant une poursuite du progrès technique.

    Infrastructures types envisagées pour le projet des Quartiers Zen, visualisations 3d, 2013.
    Infrastructures types envisagées pour le projet des Quartiers Zen en Maronhi, visualisations 3d, 2013.

    Le projet des Quartiers Zen ne se contente pas de répondre aux exigences environnementales ; il cherche également à revitaliser l’économie locale. « Certaines parties de l'arrière et d'avant pays sont quelque peu déprimées sur le plan économique. Dame Kouyouri s'inquiète du fait que des jeunes quittent leur terre natale pour se concentrer dans les métropoles côtières du pays. L'enclavement étant tel, ceux qui chercheraient à changer de situation socioprofessionnelle en dehors de la voie côtière ne voient pas d’avenir en raison du manque d’opportunités d’éducation et d’emploi. Son Excellence veut les ramener », explique sieur Akasariko, rapporteur à la Commission d'enquête d’aménagement du territoire. Pour retenir cette jeunesse, la ville offrira des emplois dans la recherche, l’innovation et d'autres secteurs prometteurs, alignés avec les critères que sont le bien-être psychologique, la santé, l'utilisation du temps, l'éducation, le niveau de vie, la diversité écologique et la résilience, les offres culturelles, la bonne gouvernance, la vitalité de la communauté. Les Quartiers Zen se distingueront par leurs infrastructures innovantes. Les bâtiments seront construits avec des matériaux naturels d’origine locale, comme la pierre, le bois massif et le bambou guadua. Des modèles de ponts sur fleuves et rivières, véritables symboles de ces audacieuses initiatives, seront non seulement des structures de transport, mais aussi des lieux de rassemblement communautaire et de production énergétique. Certains plans d'aménagement verront sans doute l'ajout d'un barrage hydroélectrique, en remplacement ou en appoint des centrales à biomasse, pour fournir l’énergie nécessaire à l'autonomie du nouveau quartier ou de la nouvelle ville, tout en générant des revenus grâce à la vente d’électricité à d'autres territoires, tandis que dans le même temps, la côte semble se tourner vers les dernières générations de réacteurs nucléaires burujois ; une initiative qui posera la question d'une future implantation dans l'arrière-pays tant la solution hydroélectrique poserait des soucis sur les axes de communication et les milieux si elle se trouvait massifiée.

    La réalisation de cette vague des Quartiers Zen se fera par phases, sur une période de 20 à 30 ans, nécessitant des partenariats public-privé et des investissements soutenus. La première phase devrait être achevée dans les deux à cinq prochaines années pour les plans initiaux, posant les fondations de villes où la modernité respecte au mieux l'identité de ses habitants, ainsi que son milieu, et où le développement économique va de pair avec le bien-être de ceux-ci. En accord avec le principe de subsidiarité, le grand mandat mannal vise à chercher l'avenir de la Maronhi dans une opposition à la concentration, à la monopolisation, à la métropolisation, ce en encourageant des formes de ruralités inventives. C'est donc une urbanité sociale qui vise à être mise en terre, un modèle entre la ville et le village, un modèle favorable au maintien du famialialisme, de la verticalité éducatrice ainsi qu'à la démocratisation de la propriété et des initiatives de coopératives. Alors que la démarche de l'État pourrait sembler curieuse, proche d'une forme de simplicité volontaire tant la promesse de succès semble incertaine, la Gran Man, dame Awara Kouyouri a tenu à affirmer que la Maronhi pouvait se permettre et se devait d'en faire le pari. « Le désir est le problème principal, si vous savez vous satisfaire de désirs limités, alors le bonheur s’installe. Vous devez connaître la différence entre besoins et envies. L'étude des valeurs maronhiennes apprend le rejet des trois poisons : le désir, la colère et l'ignorance » a t-elle ajouté au sujet de la résilience qui incomberait sûrement à toutes les Maronhiennes et à tous les Maronhiens. En intégrant une position maximale de la place que doit prendre l'éthique et la moralité sur le développement urbain, notamment en injectant quelques principes bouddhistes à la nature du projet, les Quartiers Zen représenteront sans doute une vision audacieuse d'urbanisation durable, identitaire et contemporaine. Ce projet pionnier pourrait bien devenir un modèle pour de futures ambitions urbanistiques en milieu équatorial et au-delà.




    L'article ci-dessus, rédigé par Yangwa Lyuhian, journaliste indépendant, a été publié dans le journal Hintārando Toshi-ka.

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    Recherche : les raisons du rejet du scientisme

    14 juillet 2013



    Mondialement, la domination croissante du scientisme, où la méthode scientifique est appliquée de manière inappropriée à des domaines non scientifiques, vient à dévaloriser l'intuition et l'expérience humaine. Ainsi, l'obsession pour les chiffres et les statistiques conduit à une perte de la compréhension intuitive et qualitative des comportements humains. L'intuition et le ressenti sont essentiels pour appréhender pleinement la nature humaine et préserver la dignité et le sens de l'existence.


    Nous, êtres humains, nous sommes humains justement parce que nous ne tenons pas entre les uns et les zéros. Nous avons tellement laissé à la science le monopole de la vérité que nous ne nous considérons même plus capable de comprendre quoi que ce soit de manière légitime si cela n’a pas été "validé" par une étude. Nous n’avons aucunement besoin d’études pour comprendre intuitivement ce qui se dégage dans un regard, et qu’un regard effectivement, nous dit beaucoup de la personne que l'on observe. Nous ne pouvons prouver notre ressenti, mais le seul fait de le ressentir suffit à nous donner l’intime certitude que notre ressenti est conforme à une réalité. La science jouit d’un prestige qui est celui de l’exactitude, tandis que la nature humaine perd de plus en plus de crédit du fait qu’elle est faillible et sensible. L’intuition a le sens inouï de ne pas être chiffrable. La linguiste Ai Chikusa, chercheuse pour le laboratoire Wakiya, parle d’une tentation au scientisme qui se traduit par les chiffres. « Pour certains de nos collègues, sans chiffres, sans statistiques, il n’y a pas de connaissance scientifique. » Nous pouvons définir ledit scientisme comme la l’imitation de la méthode scientifique dans des domaines qui ne sont pas ceux de la science, comme la croyance que la science est la seule voie d’accès à la vérité, que la science serait en mesure de tout expliquer, et que ce qu’elle ne pourrait expliquer, n’existe tout simplement pas. Petit à petit, c’est l’intuition qui se perd, la capacité de sentir et de comprendre au-delà des chiffres et des statistiques. Cette fascination pour la science en vient à détruire le sens commun et nous, à rejeter toute croyance non-scientifique, ce qui équivaut à une négation de la valeur et de la dignité humaine. La vérité, c’est que notre expérience est à mis chemin entre les faits et les opinions. Le monde compris par la science n’est pas tout à fait celui dans lequel nous habitons. Si nous voulons comprendre les comportements humains et les institutions sociales, c’est notre rapport au monde et nos croyances qu’il faut interroger. La même vérité se retrouve généralement partout où nous avons à expliquer la conduite humaines envers les choses : elles ne doivent pas alors être définies d’après ce que nous pourrions découvrir à leur sujet par les méthodes objectives de la science, mais d’après ce que la personne qui agit pense à leur sujet. Autrement dit, ce qui doit compter en sciences humaines, ce n’est pas tant la « vérité objective » des énoncés que nous tenons pour vrais, mais le fait que les gens les croient vrais et agissent en conséquence. Il y a quelque chose proche du sentiment de sécurité dans la rigueur scientifique, et il est vrai quand de nombreuses circonstances nous ne baserions pas notre confiance, particulièrement en matière de santé, à un énergumène faisant l’éloge de son intuition. Mais, pour tout ce qui touche à l’Homme dans ce qu’il a de plus immatériel, de plus réfractaire à la statistique et aux angles droits, l’intuition, la compréhension par sympathie, demeurent toujours ce que nous avons de mieux.

    Renouer avec l’intuition, c’est soigner la nature humaine, et conserver à la nature humaine un espace d’expression. Parce que en dépit du ridicule qu’il semble y avoir pour certains à parler d’âme ou d’esprit, chacun sent bien, dans sa manière de vivre le monde, de vivre la vie, qu’il n’est pas qu’un assemblage d’atomes et que quelque chose en lui résiste à la matière. Le réductionnisme matérialiste résume le monde à ce qui est visible, et donc, le langage, fait humain et spirituel par excellence, devait faire les frais du scientisme et de son encombrante maladresse. Ainsi, certains parlent du langage comme d’une pratique dont les ressorts se situent entièrement dans notre cerveau, et à un niveau si bêtement mécanique qu’il échappe à nôtre contrôle. De façon symptomatique, les adeptes de ces pratiques ne disent pas « nous », en faisant référence aux gens comme à des personnes, ils disent « notre cerveau », comme si nous nous y réduisions. Les études qui s’appuient sur ces visions et ces pratiques sortent le langage de son fonctionnement normal pour le placer dans les conditions artificielles de l’expérience scientifique. Alors, tout naturellement, moyennant phrases incongrues et protocoles orientés, nous faisons des découvertes étonnantes. Mais, la nature soit louée, nous ne parlons aucunement comme dans les laboratoires de ces expériences. Nous sommes des êtres vivants, avec un corps, des yeux, une conscience, nous parlons toujours dans un contexte, que nous vivons, que nous ressentons, et à partir duquel nous interprétons les phrases, un contexte qui lève, dans la plupart des cas, toute ambiguïté quant à la manière dont il faut interpréter. Nous pouvons comprendre ce genre de cas à partir de la distinction faite entre intelligence et intuition. L’intelligence, qui est solidaire de la méthode scientifique, doit figer ses objets, conjurer la fluidité du vivant pour opérer ses divisions. Ce que l’intelligence fait, c’est toujours séparer et compartimenter. L’intuition, quant à elle, est justement la voie d’accès à ce qui est vivant et fluide. Le changement pur, la durée réelle, est chose spirituelle ou imprégnée de spiritualité. L’intuition est ce qui atteint l’esprit, la durée, le changement pur. Or, le langage, dans la réalité pratique de tous les jours, procède nécessairement de la durée, c’est-à-dire de la vie. Cela ne fait donc peu de sens de chercher à savoir ce qui pourrait se passer dans la tête des individus en dehors de cette réalité, puisque ce n’est qu’en elle que le langage fonctionne. Chaque phrase que nous entendons, que nous prononçons, que nous lisons, nous l’entendons, nous la prononçons et nous la lisons dans le flux continue de l’existence sensible. Ainsi, le vrai langage baigne dans des odeurs, des bruits, des désirs, des préoccupations, des intentions, des regards, des tons, soit tout ce qui est absent des conditions où nous prétendons cibler ses failles.

    "Blancheur sur les vagues et les vents folâtres", photographie, 2013. / "Le contact et l'intuition", estampe encre et couleur sur papier, 1876.
    (Gauche) "Blancheur sur les vagues et les vents folâtres", photographie, 2013.
    (Droite) "Le contact et l'intuition", estampe encre et couleur sur papier, 1876.

    Le cas du langage est particulièrement révélateur du complexe des sciences humaines vis-à-vis des sciences dures, qui les poussent à en imiter les méthodes et à troquer la compréhension pour un savoir dégradé. Le scientisme est hostile à la compréhension parce qu’il évacue par principe le cadre de toute compréhension. Nous comprenons, au sens propre, à partir de notre articulation charnelle et affective au monde. Dans toute situation, nous sommes toujours, d’abord, saisis par une impression d’ensemble ; et le caractère affectif de ce que nous percevons n’est pas une conséquence de la perception mais sa condition de possibilité. Nous percevons d’emblée quelque chose qui vibre comme agréable ou triste, paisible ou inquiétant. Et ce n’est qu’ensuite, grâce à son atténuation progressive, que nous pouvons détacher de cette impression affective originelle, des qualités sensibles, des informations objectives. Le fond affectif fonde le champ de l’objectivité. Toute découverte s’effectue à partir de l’affectivité. Voilà pourquoi le scientisme ne peut qu’échouer à rendre compte de l’expérience humaine, parce qu’il est dans la nature de son fonctionnement d’en négliger l’essentiel. L’expérience humaine est fondamentalement qualitative ; or le scientisme se distingue par le fait de tout réduire à la quantité, et de considérer que tout ce qui ne s’y réduit pas, d’une certaine manière, n’existe pas. Il y a dans certains aspects de la modernité, encore plus en Occident, une hostilité au mystère, une phobie de l’incertain que nous recherchons à éradiquer au prix même de notre raison d’être. Parce que, ce qui disparait avec l’intangible, c’est tout ce qui donne du sens à la vie. En perdant de vue l’aspect qualitatif des choses, nous perdons de vue le fond moral de l’existence. Le fait que nos manières de vivre le monde, de vivre les autres, n’ont rien à voir avec la géométrie ou la physique des particules. Ce qui nous guide d’abord, c’est le sens commun, le sentiment intuitif de certaines valeurs, l’évidence continue que nous n’habitons pas le monde de la même manière que les objets. Le dernier effet du scientisme, et le plus pervers, c’est de miner la distinction fondamentale entre personne et objet. La science, en se détournant des évidences, aboutit à une sorte de passion du souterrain. Ils oublient que nous ne réagissons pas en fonction de ce qui se trament dans nos cerveaux, mais en fonction de que nous ressentons, vivons, percevons. Ils mettent alors sur pied des expériences pour mettre au jour le biais caché qui met à mal nos convictions. Cela s’explique très bien car la science est par essence tournée vers la découverte, elle est par essence dans un rapport d’opposition au sens commun. C’est très bien comme cela s’agissant de la science au sens propre ; nous ne faisons pas de la science pour découvrir ce que nous savons. Mais donc, lorsque nous jouons au scientifique, nécessairement, nous jouons à découvrir. Une étude sur un domaine neutre n’est quasi exclusivement portée par le vœu d’en découvrir le vice caché.

    Donc, la science humaine, qui veut fonctionner comme la science dure, finit par remplacer son mandat de transmission par un mandat de découverte, et plutôt que d’œuvrer au partage d'un ensemble de connaissances, elle travaille le cœur léger à son saccage méthodique. Si la science nous a permis de sortir d’un état sauvage, elle risque de nous y reconduire en étouffant l’esprit auquel elle avait d’abord donné de l’air. Le scientisme confine à une perte totale de sens, et voir la vie selon ses lois, c’est faire une croix sur l’enthousiasme. À partir du moment où nous pensons l’amour en termes d’ocytocines et de circuit de la récompense pour prendre un autre exemple, d’une certaine manière ça ne vaut plus la peine de se lever le matin. Pour tirer sainement profit de la curiosité qui nous pousse à examiner des rats, il faut ne pas être un rat soi-même. À force de mesurer ce qu’il se passe dans les têtes, nous perdons de vue de qui pourrit dans les cœurs. La science est incapable de répondre aux questions qui comptent le plus et les acteurs des sciences humaines qui s’en inspirent se tuent à être exact dans l’inessentiel. Comment ne pas ruiner tout sens des valeurs, quelles soient morales ou esthétiques, à partir où nous disons croire au Mal ou au Beau dans la seule mesure où nous pourrions en découvrir l’existence au microscope ? Le règne de la quantité, c’est nécessairement celui du relativisme, de l’équivalence générale. L’obsession des moyens, et l’oublie total des fins, sans lesquelles la technique n’a aucun sens, c’est l’essence du relativisme scientifique et le terreau d’un monde sans vérité. La valeur est ressenti, elle est fonction de l’intuition, elles est inscrite dans le fond affectif de l’existence, et donc, écarter le ressenti, c’est supprimer la valeur. L’intuition est à la raison ce que la conscience est à la vertu : le guide voilé, l’éclaireur souterrain, l’avertisseur inconnu, mais renseigné, la vigie sur la cime sombre. Là où le raisonnement s’arrête, l’intuition continue. Est voué à systématiquement échouer celui qui n’en tient pas compte, et qui n’emploie pas à sa philosophie et à la sagesse ce regard fixe de l’aigle intérieur sur le soleil moral. Il y a quelque chose d’éternel dans ce qui est juste, beau et bon, et c’est tout ce que le scientisme ne peut pas voir, par l’essence de son élan qui est celui de la nouveauté et de la découverte : découvrir à tout prix, au prix même de ce qui rend la vie digne d’être vécue.




    L'article ci-dessus, rédigé par Takefusa Hagiwara, directeur du pôle humanités à l'université d'Habata de Fujiao, a été publié dans le journal Habata Kyanpasu.

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