09/07/2016
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EMPIRE DU GRAND LING
大靈帝國 / Da Ling di guo
armoiries de l'Empereur.

Note à l'attention des lecteurs et sortant du cadre RP.
Chers lecteurs, bienvenus sur le Topic Officiel. Ce topic sert à concentrer toutes les actualités du Grand Ling. Toutefois, ma volonté n'étant pas de se limiter à des articles de presse mais alterner entre nouvelles brèves via la presse (principalement LDNS et TVLing) et écrits plus recherchés et plus romancés pour détailler la vie de la Cour, du Cabinet, etc.

Ainsi donc, prenez place et surtout — je l'espère – plaisir à découvrir la vie au Grand Ling à travers plusieurs points de vue. Tantôt un journaliste pro-gouvernement, tantôt un journaliste d'opposition ou encore, tantôt un narrateur omniscient.
Ce message sera le dernier sortant du jeu de rôle alors refermons le quatrième mur et bonne lecture !

SOMMAIRE
LA PRESSE :
Économie
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Société
-

Politique
- Élections législatives, le Parti Unioniste s'essouffle ?
- Élections législatives : l'Union fait toujours la force.
- Le Gouvernement prévoit de grandes réformes en 2015.
- ZHOU Lee passe le Grand Oral de l'état de l'Union.
- La Cour Législative forge l'arme de l'Excellence.

Culture
- Fruit de Soie : L'invité peu commun de toutes les corbeilles.

Divers
-


LE ROMAN :
- Le crépuscule du Jade - Préparation du Bicentenaire de l'Empire.
- Le nouveau Jade - L'abdication ou la mort.
- Une nouvelle Ère - Passation de pouvoir et Nouvel An.
- Une nouvelle Ère - Couronnement et première semaine.
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ÉLECTIONS LÉGISLATIVE, LE PARTI UNIONISTE S'ESSOUFFLE ?
Par MEI Lin - Politique

Dans une semaine, jour pour jour, nous connaîtrons la nouvelle composition de la chambre basse de la Cour Législative et par extension, le prochain Premier Ministre le plus probable. Pendant presque 15 ans, l'Union a dominé le paysage politique lingois qui était lui-même dominé, durant 30 ans, par les deux partis fondateurs de l'Union : Libéral-Monarchie (自由君党 - Ziyoujundang) et le Parti nationaliste lingois (林民党 - Linmindang). Toutefois, l'Idylle semble en voie de s'achever ou plutôt commence à s'essouffler. Il y a encore cinq ans, « le parti préféré de Sa Majesté ! » selon le slogan, jouissait d'une telle popularité que les néophytes de la politique lingoise doutaient de l'existence d'une opposition sincère. Timide, réservé, absent de certaines circonscriptions ; il était impossible quand on ne disposait pas du badge unioniste d'être crédible face à un député de l'Union.
Le pluralisme politique était celui qui souffrait le plus de cette situation puisque condamné à être un pays embrassant le monopartisme, un régime à parti unique bien malgré lui. Il a fallu attendre le 28 mars 2008 pour qu'un projet de loi sur le pluralisme politique, le Ensuring Political Pluralism by Requiring Measures in the Great Ling Act, surnommé More Politics! Act voit le jour et qu'enfin, l'imposante Union cède quelques parts du gâteau pour une meilleure représentativité des lingois. Des courants mineurs prirent de l'importance, certains prônant même la fin du monarchisme, chose encore inenvisageable au début du siècle. Le gouvernement PEIFU II venait d'ouvrir sa boîte de Pandore.

Mais si l'Union a autant convaincu de monde pendant des décennies, et cela, alors que la liberté d'opinion est garantie depuis presque un siècle, ce n'est pas par la multiplication de mesures coercitives ou par goût foncièrement prononcé pour les politiciens unionistes, mais bel et bien parce que ses statuts imposent l'excellence pour représenter le peuple. Peu de scandale judiciaire ou sexuel (2 en 15 ans), toujours une élocution irréprochable de la part de ses membres et surtout, « le parti préféré de Sa Majesté ! ». La vérité est peut-être moins gracieuse que cela. Certes, l'Union fait figure de bon élève par rapport à certains membres de l'opposition comme le milliardaire SICHUAN Xu, fondateur de Ling Petroleum et député du Parti populaire monarchiste, mais ce qui justifie une telle popularité, c'est encore le faible taux d'alphabétisation dans les campagnes. Si les citadins sont éduqués à 97%, l'école, bien qu'obligatoire, est encore trop souvent un luxe pour les paysans ou ouvriers. Dans le Wujiang, seulement 38,9% de la population est alphabétisée et parmi eux, uniquement 18% des 12-20 ans vont à l'école. Alors, tant que les récoltes sont bonnes, tant que le temps est bon, que le ciel est bleu, tant qu'ils ont des amis qui sont aussi des amoureux ; pour qui voter est un sujet bien lointain.

Ça, c'était la réalité du Grand Ling jusqu'en juin 2008. Alors que l'Union remportait seulement 237 des 465 sièges de la Chambre des Députés, ce fut la première claque pour les unionistes : d'autres idéologies existent ! Eh oui, le More Politics! Act avait permis de limiter les budgets de campagne et interdisait à certains secteurs stratégiques de financer des politiciens comme le secteur de la pétrochimie ou de l'Armée. En outre, il mettait en place un fond gouvernemental chargé de rembourser une partie des frais de campagne pour tout parti réalisant un score de plus de 10%, soit les partis de l'Union (51%), du Yongdidang (19%), du Shegongdang (11%) et du Huanqingdang (10%). Le gouvernement PEIFU II n'était pas guidé par un sentiment démocratique, mais bel et bien par des intérêts plus pragmatiques. Puisque l'idée commune était que seule l'Union parvenait à faire des scores de plus de 10%, seule l'Union aurait des remboursements de campagne et donc, ferait des économiques. Parce qu'il existait une myriade de petits partis insignifiants autour du colosse unioniste, ils seraient encore plus limités dans leurs moyens et le monopartisme chérit de l'aile droite du parti pourrait fleurir et s'épanouir dans une assemblée lavée de toute opposition.
Fait est que rien ne s'est passé comme prévu et qu'aujourd'hui, tous les sondages réalisés jusqu'ici donnent Ecolucide (Huanqingdang) comme en phase de devenir le principal opposant de l'Union, notamment parce qu'outre le fait d'avoir centré leur lutte contre le dérèglement climatique et la protection de la biodiversité ; ils le font avec lucidité, sans forcer dans les extrêmes et donc, sans empêcher les paysans parfois illettrés, d'avoir à manger dans leur assiette demain encore.

Fort de 47 siège à la Chambre des Députés, actuellement ; dès le six, ils pourraient en obtenir 50 de plus, mais la question est de savoir si ces sièges seront rafflés principalement à la majorité unioniste ou auprès des timides opposants comme le Shegongdang ou le Minzhujundang ayant respectivement 51 et 28 sièges. Quoi qu'il en soit, l'Union n'a pas dit son dernier mot, spécifiquement à la faveur du Yondidang, principale opposition à la Cour Législative, ils occupent 88 places qu'ils pourraient bien vouloir partager avec l'Union pour faire avancer leur agenda politique de droite.
Il ne reste que sept petits jours pour en avoir le cœur net, sept petits jours pour savoir ce que les petits paysans désintéressés feront pendant qu'on devinera aisément les choix des citadins expérimentés.

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ÉLECTIONS LÉGISLATIVE : L'UNION FAIT TOUJOURS LA FORCE.
Par SEAMMOOL Lee - Politique

Le 10 octobre dernier, les lingois étaient invités à se prononcer dans les urnes pour redéfinir le paysage politique national suite à la dissolution de la Chambre des Députés par Sa Majesté. En effet, il faut dire que la situation entre le Parlement lingois et le Gouvernement était de plus en plus tendu et le vote de défiance du 24 septembre dernier n'a rien arrangé à la chose. Fort de cette expérience, l'Empereur a appelé à l'unité et à ce que le peuple s'exprime en dissolvant l'Assemblée pour convoquer de nouvelles élections. Ces élections ont été bien plus importantes que les élections nationales de 2009 puisque pour la première fois depuis des années, l'Union (Lianhedang) semblait fragilisée. Tous les observateurs nationaux et internationaux estimaient comme imminent la « désunion ». La fermeture des derniers bureaux à vingt heures entraina le début d'une longue attente, notamment pour le Premier Ministre Peifu parce qu'il remettait son titre en jeu.

Les premiers résultats sont tombés dès 20 h 30 et donnaient déjà une trop courte avance à l'Union, ce qui n'est généralement pas bon signe. Deux heures plus tard, le résultat final était prononcé et validé dans la foulée par la Cour Suprême. L'Union fait vraisemblablement toujours la force puisque outre conserver ses 237 sièges acquis en 2009 ; ils en remportent 27 de plus. Cette victoire ne fut rendue possible que par l'union des partis monarchistes entre eux, à savoir le Lianhedang, le Yongdidang et le Minzhujundang. Pour être d'autant plus honnête, les sièges revenant au Lianhedang ne sont d'ailleurs techniquement plus que de 228, les 36 autres étant partagés entre les 21 du Yongdidang et les 15 du Minzhujundang.
En outre, c'est le Huanqingdang qui a déjoué les pronostics. Si les scénarios les plus optimistes donnaient une cinquantaine de sièges supplémentaire par rapport à 2009, ce n'est pas moins de 105 sièges que le parti à su récupérer, notamment en profitant des dissensions au sein du Shegongdang classé plus à gauche que lui et surtout, en volant quelques votes au Lianhedang.

La dernière ligne droite de ces élections fut hier lorsque les candidats, désignés par les partis leur de congrès tenus entre le 10 et le 12 octobre 2013, se sont opposés pour obtenir le vote de confiance de la Cour Législative. Sans surprise, le Lianhedang était largement donné vainqueur du fait de sa nouvelle alliance avec le Minzhujundang et le Yongdidang. Sous conditions imposées par les représentants du Yongdidang, PEIFU Li n'a pas été autorisé à se présenter comme candidat pour le parti de la majorité, titre offert à ZHOU Lee réputé plus consensuel, particulièrement pour sa position à l'aile conservatrice du parti. Face à lui, il y avait MIU Andréa pour le Jinbudang ; LIU Jie pour le Shegongdang et TANAKA Kaito pour le du Huanqingdang. Malgré le verbe affirmé de TANAKA Kaito et des autres candidats, aucun n'a pu voler le vote de confiance de la Cour à ZHOU Lee, convoqué ce jour par Sa Majesté pour former un gouvernement en son nom.

Dans les prochains jours, Monsieur le Premier Ministre ZHOU devrait proposer son Cabinet à l'Empereur et à la Cour Législative qui devront l'approuver pour reprendre l'exercice de l'État laissé là où le Cabinet PEIFU II l'a laissé.

Nouvelle composition de la Chambre des Députés.

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Situation par défaut GL
LE CRÉPUSCULE DU JADE
Préparation du Bicentenaire de l’Empire.

Les premiers rayons de l’aube perçaient avec langueur la couche de nuage qui flottait au-dessus de la Cité Impériale encore endormie. Les « petites gens » comme l’informelle coutume désignait les serviteurs du palais, commençaient leur travail de fourmis. Il y avait quelques tâches à accomplir pour réveiller la vieille demeure de la famille impériale et surtout, pour dissimuler les souvenirs que la tempête de la nuit dernière avait concédé à offrir. Ça des jardiniers récupéraient et taillaient les branchages des ginkgos plantés en 1832 dans le parc du palais, là des suivantes préparaient le réveil des dames de la cour.
Sept heures venait d’être annoncé par les cloches des temples shintaoïstes, les églises et bien d’autres édifices publics de Neijing. À sept heures, l’Empereur était réveillé par les eunuques de la Direction des Chambres, l’un des services du tentaculaire Département de la Maison Impériale.
Dans l’épaisse moiteur d’une chambre au réveil où régnait une très forte odeur de bois d’agar, de cèdre et de cannelle ; un petit groupe de serviteurs, ayant abandonné le bien le plus précieux d’un homme, s’affairaient à aider Ling Chongsheng pour son habillement. MiaoMiao, l’un des plus appréciés du Vieil Empereur, s’approcha du lit où gisait un corps, d’apparence sans vie.

- Sire, il est l’heure, dit-il.

Le gisant ne daigna pas répondre, aussi MiaoMiao se racla la gorge pendant que certains de ses compères s’affairaient à préparer la pièce pour Chongsheng.

- Sire, il est sept heures. Monsieur le Premier Ministre ne va pas tarder.

Soudain, le gisant finit par obtempérer et s’éveilla doucement dans quelques toussotements que sa condition avait obligés ces trois dernières années. MiaoMiao sourit et recula d’un pas pour s’incliner au plus bas.

- Relève-toi MiaoMiao, il est bien trop tôt pour le cérémoniel, dit Ling Chongsheng en se frottant les yeux avec lassitude.

Deux serviteurs tirèrent les rideaux de soie qui obstruaient les fenêtres de la chambre impériale et ouvrirent ces dernières. Les lumières soudaines des fenêtres dénudées parvinrent jusqu’aux yeux fatigués de l’Empereur qui ne put retenir un râle de désapprobation. Il n’avait jamais supporté cette façon de faire, pas même alors qu’elle était restée inchangée depuis au moins deux cents ans. Il avait fini par se convaincre que cette tradition, aussi désagréable fût-elle, était un mal nécessaire pour ragaillardir un corps endormi.
La pièce dans laquelle dormait le Jade depuis près de trente-cinq ans se découvrit sous un nouveau jour. Elle était relativement modeste et se situait dans une annexe du Palais Impérial. Les murs étaient recouverts de moulures en bois et peints en rouge. Différentes scènes de vie peinte de manière traditionnelle venaient apporter quelques teintes de couleur. Au plafond, s’élevant au moins à quatre ou cinq mètres, d’autres moulures encadraient un lustre principal qui avait été équipé voilà bien longtemps des progrès offerts par la fée électricité. Ling Chongsheng se redressa avec l’aide de son serviteur et posa ses pieds nus sur le sol en dalle de pierre un peu trop froid à son goût. Après une quinte de toux et quelques bâillements, l’Empereur se leva sous le flot de parole d’un eunuque qui récitait les nouvelles lues dans un journal local. Ling Chongsheng tituba jusqu’au centre de la pièce où un tapis épais représentant une version stylisée du Dragon d’Azur et d’un fenghuang. Là, un balai se tint autour de lui, d’abord pour éponger son front ensué puis pour retirer sa robe de chambre, le laver et le revêtir de sa tenue de petit déjeuner. C’était une forme de rituel appelé le Premier Habillement auquel Ling Chongsheng n’avait jamais dérogé, même aujourd’hui. Ces dernières semaines, c’était devenu de plus en plus difficile d’habiller l’Empereur parce qu’il perdait régulièrement du poids, mais également parce qu’il était devenu un petit bonhomme trapu. Le portrait qui trônait au-dessus d’un âtre, qu’un eunuque chargeait en bois pour allumer un feu malgré les vingt-quatre degrés Celsius de l’extérieur, le représentant vers ses quarante ans en compagnie de l’Impératrice, l’Impératrice Douairière et ses cinq enfants n’avait plus rien à voir avec ce qu’il était devenu. C’était comme regarder la déchéance en face sans même pouvoir avoir pitié, car tous savaient qu’ils refuseraient ardemment qu’on lui rappelle que cela faisait trois ans qu’il devait partager son corps avec un mal.


Le Vieux Dragon toussa encore jusqu’à devoir porter un carré de soie blanche à sa bouche qu’il confia rouge à MiaoMiao. Celui-ci le fit disparaitre dans la poche intérieur de sa tunique. Un dernier eunuque s’approcha, la tête si inclinée qu’on aurait dit que son visage n’était qu’un amas de cheveux, il portait un petit plateau d’argent sur lequel était disposé un verre d’eau et deux comprimés. Sans un mot ni une grimace, l’Empereur vida le contenu en croquant ses deux cachets réputés pour avoir un goût si infâme que le citron semblait rendre le visage attrayant de ceux qui croquaient dans son fruit.

- Je crains ne plus supporter ces immondices encore bien longtemps, dit l’Empereur d’une voix monocorde alors qu’il nouait la ceinture de sa robe.
- Votre médecin a été clair, ô Vénérable Auguste. Si vous voulez vivre suffisamment longtemps pour voir le Troisième Prince s’acquitter de ses devoirs de père, vous devez continuer de prendre votre traitement, répondit MiaoMiao en aidant son monarque à enfiler sa pantoufle droite.
- Le goût est si… pre, c’est beaucoup d’inconfort pour des résultats plus que mitigés.

MiaoMiao prit le deuxième pied entre ses mains et y inséra l’autre pantoufle.

- Je fais confiance au jugement du Jade Réincarné, mais peut-être que nous n’aurions pas eu cette discussion aujourd’hui, sans cela. Il prit une pause pour se relever et continua en fixant ses propres pieds. Peut-être que Sa Majesté n’aurait plus jamais parlé depuis des mois ou des années et que c’est le Premier Prince, devenu monarque, qui aurait participé à ce Premier Habillement.
- Ou Peut-être que j’aurais été de meilleure humeur présentement. Conclue l’Empereur avant d’aller lourdement s’asseoir sur un fauteuil disposé à côté d’une table, dans un coin de la pièce.
Là-dessus, MiaoMiao et tous les autres eunuques se jetèrent à terre, tous étaient tournés vers l’Empereur, la tête collé au sol.
- Que Sa Majesté le Vénérable Auguste de Jade me pardonne si jamais je suis coupable de son humeur. Un mot et je me ferai Zishi. Prononcèrent presque tous en cœur les serviteurs.
- Pauvres idiots ! Vous savez pertinemment que je ne parlais pas de vous, relevez-vous et que l’on… L’Empereur s’arrêta pour échapper une toux grasse qui laissa juste assez de temps aux eunuques pour se relever. Que l’on me conduise au Grand Salon pour le repas.

Les eunuques répondirent d’une seule voix et deux d’entre eux aidèrent l’Empereur à se relever pendant que quatre autres ouvraient et fermaient la voie du petit cortège impérial.


Le Grand Salon se trouvait dans l’un des nombreux pavillons du Palais Impérial. Plus précisément, il se trouvait à quelques centaines de mètres de la chambre impérial, dans la cour de l’Aurore Éclairée. Celle-ci hébergeait également le Fangshan, c'est-à-dire les cuisines impériales, mais également le garde-manger, un fumoir qui était en fait un petit salon destiné aux seconde partie de soirée après les dîners où les hommes se retrouvaient pour fumer ; et également diverses chambres d’amis.
La pièce même du Grand Salon était tout en longueur et en son centre se trouvait une grande table pouvant accueillir au moins dix à quinze convives. Les murs étaient richement décorés et d’énormes lanternes lingoises tombaient du plafond, accrochés à même les poutres de la charpente qui trônait aussi haut que le plafond de la chambre de Ling Chongsheng.
Lorsque le Monarque entra, tous ceux attablés se levèrent sans mots-dire et c’est la toux de plus en plus grasse et la respiration sifflante de l’Empereur qui cassaient l’effroyable silence régnant dans la pièce depuis quelques instants.
Il fut installé lourdement sur une chaise que les eunuques prirent soin de rapprocher de la table. D’un geste nonchalant de la main, il congédia — ou remercia — ses serviteurs. MiaoMiao s’approcha de son Empereur et déposa un carré de soie propre sur la table, à portée de main du vieil auguste. L’ambiance dans la pièce était terriblement froide et tendue. Aucun des membres de la famille impériale présents ici ne s’adressaient la parole et ne se regardaient encore moins. Il semblait évident, même pour quelqu’un qui était étranger à ces gens, de voir qu’un mal profond et lointain habitait leur relation. Ce genre de non-dits familiaux qui avaient la fâcheuse habitude de détruire plutôt que rapprocher, ce genre de secret que famille publique comme celle de la Maison Impériale ne pouvait pas se permettre d’exposer aux yeux de tous. Mais le Palais Pourpre avait ses chuchots et leurs maitres. Il était devenu aisé de connaître la vie de chacun des membres de la famille impériale lorsqu’on faisait partie des élus travaillant ou vivant au sein de cette demeure de plusieurs hectares. Aussi, une servante avait raconté qu’une histoire de tromperie était en cause, mais l’un des jardiniers avait démenti en expliquant que la raison était sur la légitimité de l’Héritier. Enfin, cela était sans compter le chasseur de rat qui avait entendu par l’intermédiaire d’un maçon que l’Empereur prévoyait de marier les enfants de l’Héritier avec ceux de la Première Princesse pour renforcer la lignée et le Sang. Il était facile de connaître ce qu’on voulait ou croyait connaitre sur la famille impériale, plus difficile d’obtenir les vérités.
Soudain, la Première Princesse, Son Altesse Impériale Ling Chunhua se racla la gorge et déposa ses mains sur ses cuisses en se tournant vers son père l’Empereur.

- Bonjour, Votre Majesté.
- Bonjour, mon enfant, répondit l’Empereur sans la regarder.

MiaoMiao apporta un petit bol de riz, du bouillon de poulet et un thé au Monarque avant de s’incliner bas et quitter la pièce.

- Comment fut votre nuit ? Reprit la jeune femme.
- Moins bien que celle d’hier, mais probablement meilleure que celle de demain.

La jeune femme soupira avant de poursuivre.

- Père, que dit le médecin ?
- Les mêmes banalités que depuis des mois. Assez parlé de ma santé. Nous savons tous le mal qui m’afflige et je suis plus intéressé par celle de mes chers enfants ici. Il se tourna vers le jeune homme qui ne devait pas avoir plus de quarante-cinq ans. Cher Premier, les préparatifs du bicentenaire avancent ?
- Oui, Votre Majesté. Une très belle cérémonie se tiendra le dix-neuf juin, selon votre convenance, mais… Il s’arrêta un instant en reposant sa cuillère dans son bouillon. Père, un dernier mot sur votre santé, serez-vous là pour voir ce que vous avez mis des années à organiser ?
- Si Seiryu — un autre nom pour parler du Dragon d’Azur — consent à ne pas m’envoyer chevaucher Qilin jusqu’au Ciel, alors il n’existe aucune raison qui pourrait m’empêcher d’y assister, Jiajing.
- Puisse Seiryu, Tian et Yuhuang vous entendre.
- Puisse-t-il surtout assurer à mes enfants et mon peuple paix, sérénité et santé.

Une femme d’à peu près le même âge que Jiajing reposa délicatement sa tasse de thé et se tourna vers l’Empereur, elle était d’une rare beauté, les yeux pétillants. Elle posa sa main sur celle de son époux.

- Votre Majesté, Père, Jiajing a extrêmement bien avancé sur la cérémonie. Mon époux saura vous rendre fier qu’importe où vous serez.
- J’en suis heureux, Fang. Pour ne rien cacher à ma belle fille, j’avais de légers doutes sur les capacités de Jiajing. Encore une fois, le sacré Ciel s’est joué de mon instinct.

Une autre femme, plus jeune de quelques années et non moins jolie, s’arrêta quelques instants de bercer le bébé qu'elle portait dans ses bras pour fixer Fang et Jiajing à tour de rôle.

- Qu’importe où il sera ? Sa Majesté sera sur son trône, saluant ceux qui défileront devant lui. Ne soyez pas trop pressée de remplacer Mère comme consort.
- Je… Balbutia Fang en fixant la jeune femme. Il n’a jamais été question d’avoir hâte de voir Sa Majesté mourir ou plutôt de me voir couronner Impératrice consort. Je puis vous l’assurer, Princesse Yu Ming.
- Ce ne serait pas la première fois que vous vous hâter à vous rapprocher du pouvoir. Enchérit un jeune homme à la droite de la princesse.
- Et vous, ça ne serait pas la première fois que vos diffamations portent atteinte à ma famille.

Ling Chongsheng sembla prit d’une énergie nouvelle. Il se recula brusquement pour se lever au point que l’imposant fauteuil sur lequel il était assis se renversa au sol dans un fracas épouvantable.

- Assez ! Dit-il en tapant du poing sur la table qui se répercuta en échos dans la vaisselle. La Couronne et cette maison, celle du Dragon, ne peut pas survivre encore des siècles si vous continuez de vous affronter continuellement. Vous êtes mes enfants et je vous aime si profondément qu’il m’est insupportable de revoir chaque jour cela.

Ling Chongsheng marqua une pause. Soudainement, il parut dix ans plus vieux, il n’avait plus aucun souffle et l’on aurait dit qu’il n’avait pas dormi depuis au moins trois nuits. Ses yeux paraissaient ridiculement petits et les poches du dessous donnaient l’impression d’être énorme, renforçant le sentiment de vieillesse sur son visage. Il prit une inspiration et d’une voix plus calme reprit.

- Il est temps que vous fassiez la paix et oubliez ce passif corrosif. Ce n’est pas votre empereur qui le demande, mais votre père. Ce vieil homme qui ne sera peut-être plus là encore longtemps. Ce vieil homme qui ne pourra jamais trouver de repos si sa Maison continue de se déchirer.

Des eunuques avaient relevé l’imposant fauteuil et l’avaient rapproché de l’Empereur. Ce dernier, d’un geste très peu assuré, se laissa tomber dedans, récupérant le carré de soi disposé par MiaoMiao pour s’éponger le front et tousser grassement, crachant dedans quelques glaires de sang.


Un long silence s’ensuivit durant lequel tous mangeaient, du moins ceux qui disposaient encore d’un appétit suffisant. Ni Fang, ni Jiajing, ni Yu Ming s’échangèrent de regard. L’Empereur finit son thé sans avoir touché ni au bouillon, ni au riz et, se massant l’estomac en dissimulant une grimace de douleur, finit par se relever avec énormément de difficulté, si bien que deux serviteurs durent l’épauler. Ils conduisirent l’Empereur vers sa chambre où celui-ci fut habillé dans sa tenue du jour. C’était un très joli ensemble brun foncé dont la chemise à cinq boutons terminait en col mandarin. Là-dessus, une médaille en forme de croix stylisée avec entre les branches les armoiries de l’Empire, en fond le Soleil et au centre les armoiries impériales fut posée à la droite de sa poitrine et une longue écharpe en soie jaune fut déposée de son épaule gauche à sa hanche droite. Celle-ci finissant en nœud duquel s’échappa l’emblème du shintaoïsme dont il était le chef.
Peu après et quelques carrés de soie ensanglantés plus tard, l’Empereur fut amené à son bureau qui se trouvait non loin du Pavillon de la Vertu Céleste, abritant le trône du Dragon. Il lisait, non sans difficulté, le LDNS du jour qui racontait entre autres choses qu’une coulée de boue à Qingyun avait fait cinquante morts et vingt-sept blessés. Soudain, on toqua à la porte et un eunuque entra directement.

- Votre Majesté, Monsieur le Premier Ministre Li PEIFU. Dit l’eunuque, le menton incliné et les yeux fixant un point imaginaire du plafond.
- Faites entrer, répondit l’Empereur en retirant ses lunettes de vue et repliant soigneusement le journal qui avait été repassé quelques heures plus tôt.

Un petit homme chauve entra. Il avait une petite moustache et le visage fin. Il portait un costume trois pièces parfaitement ajusté et bleu nuit. Il s’approcha du bureau de l’Empereur avec un petit coffre de bois rouge et s’inclina très bas avant de déposer ladite boite face à Sa Majesté et le contempla quelques instants. L’Empereur paraissait encore plus vieux et fatigué que ce matin. Pire encore, PEIFU Li avait connu l’Empereur bien avant sa maladie. Ling Chongsheng avait toujours eu la réputation d’avoir une santé de fer et surtout une vitalité remarquable. Aujourd’hui, il semblait terriblement vieux, fatigué et ses yeux étaient devenus presque vitreux. Par moment, il était difficile de ne pas avoir l’impression que c’était un corps sans âme, la moitié d’un être vivant menacé par un sablier invisible et une épée de Damoclès bien réelle. Ling Chongsheng avait probablement plus que quelques semaines, quelques mois de vie, mais tout en lui laissait croire qu’il ne lui restait plus que quelques heures.

- Bonjour, Li. J’espère que l’AIGU — l’Agence Impériale de Gestion des Urgences — que je vous ai suggéré de créer il y a deux ans va s’avérer utile à Qingyun.
- Bonjour, Votre Majesté. J’espère que vous allez bien. Oui, c’est une tragédie ce que vivent les Qingyunese. Aux dernières nouvelles, deux hélicoptères de secouriste quadrillent la zone pendant que les pompiers au sol tentent de trouver d’autres survivants dans les décombres.
- Bien. Que le Ciel ait pitié de ces pauvres âmes.
- Oui, puisse-t-il. Vous trouverez tous les dossiers important du Gouvernement, la cérémonie du Bicentenaire est évidemment une priorité.
- Avez-vous eu vent des progrès du Prince Jiajing ? Les invitations ont-elles été envoyées ?
- Je ne saurai le dire, Sire. Mes Départements et moi-même, nous nous sommes concentrés sur la gestion de l’événement et de la sécurité de tous.
- Comment cela vous ne sauriez le dire ? J'ai confié la gestion du côté de la Maison Impériale au Premier Prince et vous, vous en occupez du côté de l'État. Vous ne communiquez donc jamais ? L'Empereur haussa un sourcil.
- C'est-à-dire que le Prince ne tient pas au courant votre Cabinet de l'évolution de ses préparatifs. Nous avons plus ou moins le plan de ce qui doit être fait, mais pas si cela a été fait.
- Je vais devoir parler au Premier Prince alors. Cette cérémonie ne saurait être un échec parce que deux hérons n'arrivent pas à communiquer.
- Votre Cabinet serait honoré de votre aide sur le sujet, Sire. Pour revenir à notre partie de la cérémonie, il nous faudra peut-être envisager quelques renforts venant de l’armée.
- L’armée ? Ling Chongsheng fixa son premier ministre d’un œil de juge. En plus de trente-quatre ans de mon règne, jamais aucun soldat lingois ou étranger n’est rentré en arme dans le Shengjie. Sous le règne de mon père non plus, par ailleurs.
- Veuillez m’excuser, Sire, mais, hélas, ni vous avant cela, ni votre père, que Seiryu le bénisse ; n’avez eu à fêter deux siècles de règne de la Dynastie Ling. Encore moins dans votre état.

L’Empereur allait lui répondre quelque chose, mais comme le Coquin de Sort en avait après lui, il se mit à tousser violemment pendant quelques longues secondes. Le Premier Ministre prit la carafe d’eau qui se trouvait non loin du bureau et servi un verre qu’il tendit à Chongsheng. Celui-ci le prit en tremblant de la main et porta le verre à ses lèvres. Il put boire deux gorgées avant qu’une toux étouffée par l’eau vint laisser apparaître des volutes rouges dans le verre qui dansèrent quelques instants avant d’être englouties par le vieil auguste. Celui-ci finit par poser le verre vide, s’essuyer la bouche dans un carré de soie et reprit.

- Vous avez raison. Ce que nous allons vivre est nouveau, mais je ne dérogerai pas à la règle de préserver la pureté de ma capitale. Le Shengjie ne sera pas bafoué sous mon règne.
- Entendu, sire. Répondit simplement Peifu.

Ling Chongsheng sorti de la poche intérieure de son ensemble une petite clé en fer forgé qu’il introduisit dans la serrure de la boite. Il la déverrouilla au son d’un clic caractéristique et l’ouvrit. Elle contenait plusieurs dossiers, ceux du moment évoqués en introduction par son premier ministre Une petite bande de couleur disposée en diagonale dans l’angle droit supérieur indiquait le degré d’importance. Sur le premier, il était écrit « BICENTENAIRE » en majuscule et le ruban affichait une couleur rouge. Comme à son habitude, PEIFU Li s’approcha de l’Empereur et se glissa légèrement derrière lui, la tête inclinée vers la boite.

- À l’intérieur de ce dossier, vous trouverez un compte-rendu complet des avancées de la cérémonie et surtout, des documents nécessitent votre signature. C’est concernant le budget spécial voté par la Cour Législative. En effet, pour des raisons de sécurité, l’enveloppe votée l’an dernier a dû être revue à la hausse.
- Combien ? Dit l’Empereur en tournant la tête vers son premier ministre.
- Une bagatelle, seulement quatre-cent cinquante millions de taëls d’or.
- Seulement ? Est-ce une blague Peifu ?
- Ç'eût été plus si nous n’avions pas mieux négocié avec les syndicats représentant les forces de l’ordre et ceux du ferroviaire. S’empressa de dire le Premier Ministre en se raclant la gorge.
- Et Ç'eut été moins si vous n’étiez pas autant obsédés par la sécurité.
- Sire, au regard de la détestation de certaines nations pour notre mode de vie et notre régime, au regard de l’opposition grandissante et de la menace républicaine chez nous, au regard du banditisme et de la particularité même de la cérémonie ; c’était un mal nécessaire.
- Mh, grogna l’Empereur.
- Comme je vous le disais, les syndicats ont accepté un bon compromis puisque nous avons obtenu d’eux qu’ils s’en tiennent aux trois-cent vingt taëls d’or de prime que nous proposions pour la journée.
- Trois-cent vingt ? Mais nous n’avons pas d’argent magique, Monsieur le Premier Ministre. Il va nous falloir emprunter ou pire encore, faire tourner la planche à billet et risquer une déflation.
- Certes, mais ces questions se poseront plus tard à l’occasion du vote du budget rectificatif de l’année 2015. J’envisage déjà de proposer la création d’un impôt de solidarité pour la Maison Ling.
- Vous voulez taxer les lingois pour qu’ils financent cette cérémonie ?
- En quelque sorte. Temporairement, évidemment. PEIFU Li sourit.
- Je ne donne pas cher de votre peau face à des travailleurs à qui on a vendu pendant des mois la loi de séparation des finances de l’État et de celles de la Couronne. Oubliez cette idée et poursuivez donc.
- Certes, Sire. Il tourna les pages du dossier jusqu’à la dernière où l’Empereur apposa son sceau et sa signature. Ainsi donc, reste la question des invités. Qui souhaitez-vous voir à la cérémonie ?
- A priori toute la famille impériale, mille quatre-cent lingois à l’intérieur même du Palais comme chaque année et peut-être des personnalités lingoises et étrangères.
- Certes oui, mais deux cents ans, c'est une date importante. Ne faudrait-il pas inviter des politiciens étrangers ? Des chefs d’État, des monarques, des casse-têtes d’un point de vue sécurité, finalement.
- Nous demanderons aux dirigeants Nazuméens en priorité, alors. Le Xin et le Negara Strana en priorité. Le Fujiwa, le Jashuria et le Burujoa ensuite.
- Excellent choix, comme toujours le Yuhuang accompagne votre esprit et peut-être pour conclure le Wanmiri, Tahoku et la Ramchourie. Peifu inclina sa tête avant de présenter une nouvelle feuille où l’Empereur dut apposer son sceau et sa signature.
- Oui, en effet.

L’Empereur se pencha pour lire d’un peu plus près le document pendant qu’un eunuque arriva pour servir deux tasses de thé et repartir aussi vite. Le Premier Ministre se racla la gorge.

- Il s’agit, Votre Majesté, des secteurs de la capitale qui seront bloqués pour éviter tout incident puisque le défiler doit se tenir ici, les événements là et votre tribune sera… Ici.

En même temps qu’il parlait, son doigt se déplaçait sur une carte de la capitale impériale.

- Comment les habitants de ces quartiers accèderont à leurs domiciles ?
- Pour la journée, ils seront invités à ne pas y être ou à ne pas sortir de chez eux.
- N’oubliez pas que nous sommes avant tout une démocratie garantissant certaines libertés fondamentales comme celle de se mouvoir.
- Sire. J’entends votre attachement à nos valeurs, mais il va falloir faire certains compromis pour garantir que Votre Majesté, sa famille et ses invités ne soient pas inquiétés. Répondit calmement PEIFU Li alors que l’Empereur tourna la tête doucement vers lui et le fixa. Sa respiration sifflante.
- Faites en sorte de troubler le moins possible mon peuple, alors.
- Oui, Votre Majesté. Nous ferons tout pour qu’ils soient le moins dérangés possible.


L’échange continua un long moment. Il avait été questions de plusieurs sujets, certaines lois que la Cour Législative avait votées et qui attendaient le sceau impérial pour être promulguées. Le dernier dossier arriva bientôt entre les mains de l’Empereur. Celui-ci avait pour titre « SUCCESSION ». Ling Chongsheng fut surpris de voir cela et finit par se convaincre que ce dossier ne traitait pas de sa succession, mais des règles de succession en général. Le Grand Ling avait toujours eu une politique très libre concernant cela, il n’existait pas d’impôt sur les succession et les frais notariés étaient limités. Toutefois, le Premier Ministre eut quelque peu de réticence à en parler franchement. Il s’aventura enfin sur le sujet alors que les mains éprouvées du vieil auguste tournaient les pages du dossier pour en lire le contenu.

- Oui, bien, le dernier sujet à traiter concerne la dernière loi votée par la Cour Législative concernant les règles de succession de la Couronne.
- Plait-il ? La Cour souhaite dicter à la Couronne comment celle-ci doit choisir son héritier ?
- Ce n’est pas exactement cela. Jusqu’ici la Couronne a toujours pris une grande liberté à ne choisir que l’aîné mâle du couple impérial et si ce choix fut toujours le bon, force est de constater que l’époque voudrait voir s'opérer des changements dans les modalités du choix.

L’Empereur s’arrêta une nouvelle fois. Il se leva — avec difficulté — et alla se placer devant l’une des larges ouvertures de la pièce. Il contempla un instant le paysage. Celui-ci observait les jardiniers en action sur des haies récalcitrantes, des eunuques traversant d’un pas précis et rapide la cour qu’une large porte laissait apparaître en arrière-plan. Sur sa droite, au milieu de l’étang artificiel, un couple de jeunes adultes — probablement des enfants de dame de la cour — semblait se jouer la sérénade au bruit blanc de l’eau s’écoulant paisiblement d’une petite cascade artificielle.

- L’Empire existe depuis deux-mille-six-cent quatorze ans. La Couronne, depuis plus de trois-mille-deux-cent vingt-quatre ans. Jamais au cours de notre très longue Histoire, une assemblée populaire a pu dicter à la Couronne comment choisir ses héritiers.
- Eh bien, vos aïeuls les Jia faisait cela dès neuf-cent quatre-vingt-trois et jusqu’à ce qu’ils soient remplacés par les Qian en… L’Empereur l’interrompit.
- Assez. Je connais l’Histoire de mes ancêtres. La Maison Jia a apporté énormément à notre civilisation, mais les votes de successions n’ont jamais fait que confirmer le choix de l’Empereur en plus de n'être élus que par les nobles et les hauts-fonctionnaires. Nous devons notre stabilité à nos lois coutumières et si ma Dynastie a accepté de concéder de son pouvoir au peuple avec grand intérêt, ce n’est pas pour se faire dicter qui est digne d’être l’héritier de Yuhuang.

L’Empereur se tourna à présent vers son Premier Ministre qui inclina la tête immédiatement en le voyant de face.

- Monsieur le Premier Ministre, vous répondrez à la Cour que Ling Chongsheng choisira son héritier comme il l’entend et que Ling Jiajing choisira le sien comme il l’entend et que mes petits enfants et arrière-petits-enfants en feront de même.
- J’informerais Son Excellence Nakamura de votre souhait, mais en tant que représentant de la Justice de l’Empereur ; je me dois de désapprouver cette solution. Le peuple désire voir plus de… Il s’arrêta pour peser ses mots. D’égalité entre les enfants de l’Empereur en espérant que Sa Majesté ira toujours dans le sens des libertés et de l’égalité du peuple ainsi qu’il l’a toujours fait.
- Nous ne sommes pas le peuple, nous sommes la Maison Impériale. La Maison Impériale suit les traditions et coutumes que Yuhuang et ses héritiers ont mis en place. La Maison Impériale descendent des dieux et retourneront auprès d’eux une fois leur mandat achevé.
- Ainsi a parlé le Dragon. Conclue le Premier Ministre, n’approuvant décidément pas.

PEIFU Li reprit tous les dossiers qu’il rangea dans la boite de bois rouge de laquelle ils étaient sortis et la referma à clé. Ling Chongsheng toussa de nouveau en fixant par sa fenêtre alors que le Premier Ministre s’approcha de lui. Il déposa à côté de l’Empereur, sur une petite table, la clé en fer forgée et se recula pour s’inclina au plus bas.

- Notre réunion est ainsi terminée, du moins pour moi. Votre Majesté. Je vous présente mes excuses pour les désagréments du dernier cas traité. Les invitations partiront ce soir et demain. Avez-vous un sujet dont vous voudriez me faire part avant que je retourne dans mon bureau, Votre Grâce ?

Ling Chongsheng ne répondit pas, aussi PEIFU Li quitta la pièce après s’être incliné de nouveau et traversa le petit jardin et la cour sous les yeux de l’Empereur pour regagner son aile du palais où le Cabinet travaillait.
Ling Chongsheng fut pris d’une quinte de toux puissante qu’il retenait depuis quelques minutes, il dût s’asseoir et user de plus que de simples carrés de soie. MiaoMiao entra au même moment pour récupérer les deux tasses de thé refroidies et encore pleine de tout à l’heure. Il trouva son Empereur par terre qui crachait et toussait encore. Il entendit simplement entre deux quinte “appelle mes médecins, vite”.

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POLITIQUE - LE GOUVERNEMENT PRÉVOIT DE GRANDES RÉFORMES EN 2015.
Par HAN Cheung - 15 décembre 2014

Elu il y a un peu plus d'un an, ZHOU Lee était élu Premier Ministre et chargé par Sa Majesté de former un gouvernement en son nom. En un an, la plupart des défis auquel le gouvernement Zhou I s'était attardé avaient été la consolidation de l'AIGU, Agence Impériale de Gestion des Urgences, créée par son prédécesseur à la fin de son mandat ainsi que la relance diplomatique et économique du pays. Ces deux énormes défis, semblent peser encore sur le Cabinet qui entrevoit tout juste le temps des réformes pourtant argument principal de la politique du Premier Ministre Zhou.

Pour autant, Le Porte-Parole du Cabinet, Mme. UBIRAJARA Sakura a annoncé la feuille de route dicté par M. le Premier Ministre pour la période 2015-2025 [NDLR : Si ZHOU Lee est réélu en 2018, son second et dernier mandat s'achèvera avant 2025, en 2023.]. Parmi les Grands Travaux voulu par le Cabinet de Sa Majesté, la réindustrialisation du pays, le renforcement de sa souveraineté nationale ainsi qu'une réforme approfondie de l'Instruction, de l'Économie et de la Santé sont prévus. En ce qui concerne la Souveraineté Nationale, le Grand Ling voudrait se créer une véritable force militaire dissuasive et une marine capable de « garantir les intérêts supérieurs de la Nation dans ses îles comme en métropole ». Pour ce qui est de l'Instruction, il s'agirait d'une refonte global de l'enseignement pour en faire l'un des meilleurs du continent et faire en sorte que les lingois soient ultra-compétitifs sur le marché international du travail. L'Économie, quant à elle, bénéficierait d'une modernisation des moyens de production et une réforme fiscale et monétaire poussée. Enfin, la Santé pourrait jouir d'un système social plus poussé et d'une réforme instaurant une assurance maladie universelle en complément des assurances qui existent déjà au Grand Ling depuis des dizaines d'années.

Ce programme, bien qu'ambitieux, soulève des inquiétudes de la part d'une opposition plus à droite que l'Union, notamment du fait des dépenses que le volet socialiste des réformes pourrait coûter au contribuable lingois. Pour autant, la mesure - qui n'a pas encore été chiffré - permettrait de créer de l'emploi, augmenter le pouvoir d'achat et donc la consommation, ce qui finirait par rapporter à tout le monde. Du reste, l'Instruction d'excellence augmenterait la compétitivité de l'industrie lingoise et de ses cerveaux. Encore faut-il que le Gouvernement puisse faire passer ses motions à la Cour Législative et surtout, les faire appliquer sur tout son territoire, même le plus reculé.

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Situation par défaut GL
LE NOUVEAU JADE
L’abdication ou la mort.

L’après-midi touchait à sa fin, bientôt, le balai des eunuques préparant le souper allait débuter dans les silencieuses allées du Palais Pourpre. Il avait fait très frais pour un jour de décembre, plus qu’à l’accoutumée. Les nuages menaçaient de faire perler sur Neijing leurs larmes généreuses. On entendait dehors quelques passereaux chanter, mais bientôt, s'arrêteraient-ils, pour commencer leur nuit.
La porte du Pavillon du Savoir Éternel s’ouvrit. Un jeune homme d’une quarantaine d’années tout au plus pénétra dans la large bibliothèque. Il portait un costume occidental qui semblait être d’excellente facture. En voyant l’Empereur assis et regardant un ouvrage dont on ne distinguait pas le nom, il eut une grimace de contentement et s’approcha de lui.

- Ah, Père, vous voilà. Je viens de croiser MiaoMiao qui m’a fait comprendre que vous aviez une information urgente à me communiquer. Le bruit gonfle, m’a-t-il dit, que vous vouliez abdiquer ? Il faut rapidement faire taire ces rumeurs. Tout le monde sait bien que vous ne voulez pas et que vous ne pouvez de toute façon pas.
- Mon fils, MiaoMiao n’a jamais menti. Dit l’Empereur en regardant Jiajing, son fils et héritier. Il ne va pas commencer aujourd’hui.
- Ainsi donc vous allez abdiquer ? Mais vous ne pouvez pas.
- À mon arrivée sur le trône, il y a une quantité de chose qu’on ne pouvait pas faire…
- Mais Père ! Vous êtes le Vénérable Auguste de Jade réincarné ! Votre mission est de guider le peuple jusqu’au retour du Dragon d’Azur ! interrompit Jiajing, sa voix perdait de contenance.

Ling Chongsheng durcit le ton et leva la main vers son fils, en signe d’apaisement.
- Sacré Premier, calme-toi immédiatement, assis toi à mes côtés et sers-nous donc du thé.
- Pour vous servir, mon Père. Indiqua rapidement l’Héritier tout en joignant geste à la parole.

Lorsque les deux eût pris une gorgée d’un thé noir fort en goût, Ling Chongsheng posa une main sur l’épaule de son fils. Un léger sourire put s’apercevoir.

- Mon fils, je vais bientôt quitter la Terre et rejoindre les dieux et nos aïeuls au Ciel. Oh, le plus tard possible, évidemment. Mais cela ne prendra pas longtemps si jamais je continue ainsi. Je suis vieux, j’ai eu un cancer qui, les Dieux soient loués, est en bonne voie de disparaitre, mais surtout, je ne comprends plus grand-chose aux aspirations de notre peuple et de sa jeunesse. Il y eût un grand silence avant que l’Empereur reprenne. Tu incarnes la jeunesse de la Maison Ling, ton épouse la Princesse Fang et vos merveilleux enfants sont l’avenir de notre Maison, de notre famille et les dignes héritiers de Yuhuang lui-même. Il est de ton devoir envers notre Pays et notre Maison que de prendre tes responsabilités.

Jiajing ne répondit rien, il se contenta de boire son thé, perdu.

- Par ailleurs, j’ai toujours dit que Fang était bien plus belle avec une couronne qu’avec un diadème. Tu devrais m’écouter un peu plus souvent. Ajouta l’Empereur en rigolant d’un air pétillant.

Jiajing lui sourit, visiblement toujours troublé, puis acquiesça.

- Votre Majesté, je ne cautionne pas ce choix, mais j’ai décidé de vous servir corps et âme. Lui dit-il en se levant et sur un ton cérémonieux. Ainsi donc, je me plierai à votre souhait.
- Bien, bien. Reprends alors un peu de thé, nous allons parler de comment j’ambitionne les choses.


Ling Chongsheng et Ling Jiajing échangèrent notamment sur les avancées obtenue sous l’ère Chongsheng et sur ce quoi l’Ère Jiajing s’ouvrirait. Sa Majesté estimait qu’au Nouvel An lingois, il abdiquerait si la législation le permettait. Car si la Constitution n’empêchait pas de renoncer au trône en tant que tel, elle n’indiquait pas plus comment était désigné officiellement l’Héritier et c’était à la loi d’organiser cela. La loi complétait la Constitution sur plusieurs points, mais n’indiquait pas plus comment renoncer au trône. En somme, rien ne permettait d’y renoncer, rien ne permettait à l’Héritier désigné dans le testament officiel et le testament secret d’accéder au trône avant le décès de l’Empereur.

« Il faudra une loi. », avait indiqué Sa Majesté. « Pourquoi pas une régence ? » avait répondu Jiajing. « L’Empereur représente le Grand Ling, il faut davantage qu’une régence », avait-il conclu. Tous deux échangèrent ainsi jusqu’à tard dans la soirée sur la marche à suivre pour permettre à Ling Chongsheng de trouver un repos dignement mérité.
L’échange dura encore une semaine entière. Il était impératif que soit trouvé rapidement un moyen pour abdiquer sans que cela présente une fragilité ni de la famille, ni du Grand Ling sur la scène internationale. Le pire aurait été de permettre à des nations nouvelles comme l’Icamie de dépasser le niveau de richesse du Grand Ling.

Finalement, ce fut vers la mi-décembre qu’ils trouvèrent une solution. Sa Majesté avait prévu d’émettre un mandat de convocation de la Cour Législative pour une session extraordinaire durant laquelle il prononcerait un discours visant à préparer la Cour au vote et surtout, à son abdication. Ensuite, viendrait le temps de promouvoir ce projet de loi auprès du Parti puis enfin de le voter. Après quoi l’Empereur le ratifierait et annoncerait son abdication. Si en papier, cela semblait d’une simplicité déconcertante ; il était important de prendre en considération le fait que la Cour Législative – et de manière générale, les lingois – étaient très peu enclins à permettre à l’Empereur d’abdiquer, car en tant que chef de la religion dominante, chef d’État et représentant de la Nation sur la scène internationale, il avait un rôle puissant et aucune fragilité ne devait pouvoir être constatée. Ce mythe était entretenu depuis des décennies par le Département de la Maison Impériale et il n’avait jamais été rare de constater quelques campagnes propagandistes sur le sujet.


La veille du quinze décembre, le quatorze donc, Sa Majesté fit convoquer le Cabinet et surtout le Premier-Ministre Zhou pour les notifier du souhait de Sa Majesté. En fait, ZHOU Lee était déjà au courant depuis plusieurs mois, il avait lui-même suggéré plusieurs fois que l’Empereur prenne le temps de se reposer et nomme un régent en lieu et place. Bien évidemment, Ling Chongsheng avait toujours écarté cette option jusqu’à l’été 2014, alors qu’il sortait enfin de son long combat, il semblait avoir pris dix ans de plus. Il décida qu’il était temps de considérer la chose très sérieusement. Le Cabinet accepta, par défaut, la décision de l’Empereur et le Premier-Ministre jura d’aider comme il le pourrait la Couronne, ainsi qu’il l’avait toujours fait.

Le jour fatidique arriva. Conformément à ce qui était convenu, Sa Majesté Ling Chongsheng émit un mandat de convocation de la Cour Législative pour le 22 décembre 2014, trois jours après avoir trouvé la solution avec le Premier Prince.

« DÉCRET IMPÉRIAL N° 2014-1201

Sa Majesté le Vénérable Céleste Auguste de Jade, Ling Chongsheng, de la maison Ling, empereur du Grand Ling, protecteur des îles Lanhu, gardien de l'Épée céleste et du Sabre du dragon, actuel occupant du Trône du Dragon, héritier de l'Empereur de Jade et du Ciel ;

Émet par le décret impérial suivant,

Un mandat de convocation des Honorables Représentants de la Cour Législative. Ces derniers sont appelés à se rassembler au sein de l’hémicycle ce lundi vingt-deux décembre de l’année deux mille quatorze, à partir de neuf heures du matin pour une session extraordinaire.

Ce mandat de convocation est émis conformément à la Constitution du six mars mille neuf cent soixante-sept, dans son article quarante-six, qui stipule dans quel cadre les sessions extraordinaires peuvent se tenir.

Les Honorables Représentants de la Cour Législative qui ne peuvent pas être présents ce jour devront donner justification de leur absence auprès du Département de la Maison Impériale du Cabinet de Sa Majesté, au moins quarante-huit heures avant l’heure prévue en l’absence de quoi et conformément à la loi dans son article L67-03-28 du Code du Grand Ling, l’Honorable Représentant absent ne pourra ni voter, ni proposer, ni modifier une loi ou un décret passé à la suite de ladite session extraordinaire.

Qu’il soit vu et lu de tous que le présent décret porte le sceau impérial pour servir et rappeler l’autorité de Sa Majesté sur toutes les institutions de l’État.

Ratifié par le Département de la Maison Impériale,
Signé par Sa Majesté l’empereur du Grand Ling, Ling Chongsheng de la maison Ling,
À Neijing, le quinze décembre 2014.
»


Ainsi fut lancé les hostilités entre progressistes, conservateurs. Tous les bruits de couloir s’intensifiaient, les théories fusaient parfois proches de la réalités, parfois aux antipodes. La presse s’était emparée du sujet comme la télévision et nombreux étaient les débats au sein du paysage audiovisuel et médiatique sur la raison d’une telle convocation dont la dernière fut en pour l’intronisation de Ling Chongsheng en 1979.
Le jour même, les 713 membres de la Cour étaient présents. Pendant un temps, l’un des honorables Pairs représentant le comté de Yeongseong dans le Chuangzhi avait fait part de ses inquiétudes quant à sa présence. Celui-ci était en effet atteint d’une diarrhée fulgurante. Fort heureusement, la nécessité nationale trouva grâce aux yeux de la maladie qui permit de confirmer la présence du représentant.
Neuf heures et demie pointa le bout de son nez dans un brouhaha infernal avant qu’on annonce l’entrée de Sa Majesté au sein de l’hémicycle richement décoré de moulures aussi anciennes que la démocratie lingoise elle-même. Quelques applaudissements respectueux se firent entendre. Sa Majesté, qui semblait épuisé et terriblement vieux, sourit avec retenu avant de lever la main pour appeler au calme. Il s’approcha des micros dans un très long silence pesant qui dura encore quelques secondes et, mettant des lunettes sur ses yeux, commença à lire des fiches disposés sur le pupitre devant lui par les services de la Couronne impériale.
Seuls les bruits parasites des micros de la tribune et les bruits mécaniques des multiples appareils de photographe furent entendus jusqu’ici. Enfin, face aux caméras diffusant en direct sur de nombreuses chaines lingoises et aux représentants, Sa Majesté leva les yeux et entama son discours avec le même phrasé sérieux, mais prompt à l’humour.

« Mes chers Honorables Représentants de la Cour Législative,

Avant toutes choses, Nous vous remercions personnellement pour votre présence en ce jour particulier. Cette date du lundi vingt-deux décembre deux mille quatorze restera assurément dans les mémoires comme le jour où nous avons tous confirmé ne pas aimer les lundis.

C’est également conscient de votre attachement aux valeurs de notre Nation et de votre dévotion envers la Couronne que Nous nous tenons devant vous ce jour, car Nous estimons qu’il est de notre devoir de se présenter devant cet hémicycle réunit en session extraordinaire à notre demande.

La dernière fois, et certains s’en souviennent, Nous nous présentions devant vous pour jurer de servir les intérêts supérieurs de l’Empire et de veiller à ce que la Constitution, dont Nous sommes le garant avec le Premier Ministre et les chanceliers des deux assemblées de la Cour Législative, soit respectée et défendue. La dernière fois, c’était en mille neuf cent soixante-dix-neuf, à l’ouverture de la session de l’année mille neuf cent soixante-dix-neuf — mille neuf cent quatre-vingts. Autant dire, cela ne Nous rajeunit pas.
Pendant trente-cinq ans, Nous avons fait tout ce que nous pensions être en notre pouvoir pour respecter notre engagement fait envers les Dieux, envers le Peuple et envers vous. Durant trente-cinq ans, nous avons tenté – avec une certaine réussite, Nous devons le confesser – de sortir le Grand Ling de son isolationnisme et d’en faire une puissance montante du continent.

Qu’importe notre condition physique, qu’importe notre nuit, qu’importe notre santé, Nous avons placé les intérêts Supérieurs de la Nation devant celles de la Couronne et devant les nôtres. Mais, parce que nous ne sommes que les descendants de l’Empereur de Jade, notre humanité nous a rattrapé à de nombreuses occasions.
La dernière en date, Nous vous l’annonçons, est il y a deux ans où nous avons été diagnostiqués d’un cancer des poumons. Les médecins donnaient un an de vie, tout au plus. Aujourd’hui, avec la dévotion du Cabinet, avec la dévotion de la Maison Impériale et surtout avec celle de notre fils, le Premier Prince Ling Jiajing, nous avons su combattre le mal. Aujourd’hui, Nous sommes guéris, mais il faut admettre que nous sortons affaibli de ce combat.

Parce que Nous estimons que notre devoir est toujours de servir le Grand Ling et les Dieux du mieux que nous pouvons et que cette fatigue et cette maladie sont incompatibles avec cela, nous souhaitons présenter à la Cour Législative réunit en session extraordinaire un projet de loi que le Cabinet de Sa Majesté portera à votre intérêt concernant le droit d’abdiquer lorsque les intérêts Supérieurs de la Nation ne peuvent être garantis avec autant de rigueur que cela l’exige.

Nous avons personnellement toute confiance envers Son Altesse Impériale Ling Jiajing, Marquis de la Grâce Étendue, Prince Héritier du Trône, pour faire respecter les devoirs de la Couronne envers le Grand Ling et pour continuer notre œuvre envers l’Empire.
Il est important de saisir que ce choix est celui résultant d’un an de réflexion et de conseil. Nous avons en effet sondé les Dieux, demandé à notre Premier-Ministre ainsi qu’à toute la Maison Impériale pour savoir ce qu’il convenait de faire pour maintenir l’intérêt du Grand Ling.

C’est un choix lourd, mais qui ne fera que renforcer la stabilité et l’efficacité de notre pays.
Aussi, mes chers Honorables Représentants, Nous vous prions de bien vouloir accéder à notre requête et voter favorablement au projet de loi qui vous sera présenté sous peu.

Ainsi va la Vie, Ainsi va l’Empire.
»


Le silence fut encore plus pesant après, si cela était possible. Alors que le discours avait été ponctué de quelques rires au début, plus il se déroulait et moins les représentants riaient. En effet, jamais depuis l’accession au Trône de la Maison Ling, un empereur avait abdiqué. Très vite, l’Empereur salua les représentants et quitta la tribune et l’hémicycle, non sans l’aide d’eunuques. Bientôt, les Conservateurs se mirent à hurler leur désapprobation. Le Front Républicain tenta d’imposer son idée d’une république à la place de « cette monarchie vieillissante ». Finalement, les représentants de l’Union défendirent le projet de loi évoqué plus tôt. Il était évident que les débats dureraient plusieurs jours. Aussi, la Couronne travailla main dans la main avec le Cabinet et l’Union pour cette loi, frôlant parfois l’anticonstitutionnalité de la chose ou bafouant un peu plus le principe de séparation des pouvoirs, déjà très abstrait dans l’Empire.

Finalement, le matin du vingt-quatre décembre, un vote à la Cour Législative fut ouvert sous les auspices de Son Excellence NAKAMURA Hiroshi, Chancelier de la Chambre des Députés. Le vote portait sur le vote du projet de loi L14-12-31 relatif aux droits de l’Empereur à abdiquer. Le résultat tomba dix minutes plus tard. Il y eut 460 votes exprimés sur 465. 235 votes pour cette loi, 200 contre et 25 abstentions. Le projet de loi fut voté par la Chambre des Députés. L’après-midi, ce fut Son Excellence WANG Jia, Chancelier de la Chambre des Pairs, qui ouvrit un vote portant sur le projet de loi L14-12-31. Cette fois, le vote fut ô combien plus mitigé. Sur les 248 membres, seuls 181 exprimèrent un vote dont 95 pour et 80 contre et 6 abstentions.

En somme, le soir du vingt-quatre décembre, en plein réveillon de Noël, l’Empereur ratifia et promulgua le projet de loi L14-12-31 relatif au droit de l’Empereur à abdiquer. Le lendemain, il annonça à la radio et à la télévision qu’il abdiquerait le dix-neuf février 2015 à 20 h, soit le jour du Nouvel-An lingois, au profit de son fils et prince héritier, Son Altesse Impériale Ling Jiajing de la Maison Ling, Marquis de la Grâce Étendue.

Le dix-neuf février 2015 à 20 h s’achèveraient trente-cinq ans de règne, de prospérité, de stabilité et surtout de paix. Ling Jiajing serait intronisé et devrait alors commencer un travail de légitimation, facilité par le fait que Ling Chongsheng serait toujours en vie et donc écoutable, mais surtout de poursuivre et d'accélérer les mutations de l’Empire d’un vieux pays vers une puissance contemporaine, forte et moderne.

Armoiries de l'empire du Grand Ling
21531
Nouvel an lingois
UNE NOUVELLE ÈRE
Passation de pouvoir et Nouvel An.

19 février

PAN PANLe crépuscule cédait sa place à la longue nuit du Nouvel An. Il faisait doux pour une mi-février. L’atmosphère était chargée de rire, d’odeur de poudre, de nourriture et d’encens. Mais dans ses appartements, Ling Jiajing se sentait terriblement seul. D'ici à quelques heures, ce qu’il prenait pour un fardeau deviendrait un lointain souvenir. D'ici à quelques heures, il ne serait plus le Premier Prince, mais Sa Majesté l’Empereur. Ling Jiajing n’avait finalement aucune envie d’avoir ce titre. Son père vivait toujours, certes plus faible que jadis, mais bien vivant. Ses enfants étaient encore jeunes, trop jeunes. Il s’approcha de son bureau et y soutint tout son poids de la main, il ferma ses yeux et pendant un instant, il n’entendit plus rien d’autre que ses propres sons. Entre deux respirations bruyantes, il déglutit. Un voile se déposait sur ses épaules, celui des responsabilités. Ce voile, il ne l’avait jamais connu, cette main dont il était impossible de se défaire de l’étreinte, l’empoignait et lui faisait mal. Il paniquait.

PAN PANOn toqua à la porte deux fois. Doucement. Jiajing sorti de sa torpeur, un bruit sourd de pétard, de rire et de musique se firent de nouveau entendre allant presque jusqu’à l’assourdir.
« Entrez. » Dit-il avec un semblant d’assurance.
Une jeune femme, d’une rare beauté, ayant quasiment son âge bien que légèrement plus jeune – du moins, on l’aurait juré – entra. Elle s’approcha de son époux et vint déposer sur sa joue un doux baiser.

- Comment te sens-tu, mon amour ? Lui dit-elle, ses grands yeux le fixant délicatement.
- Comme un animal acculé, piégé par ma condition. Répondit-il, après un court silence.
- Tu es un grand homme. Tu seras un grand monarque. Conclue-t-elle tout en repassant des mains les revers du costume de Jiajing.
- Et toi ?
- Quoi moi ?
- Que ressens-tu ?
- À l’idée d’être impératrice ? Demanda-t-elle, comme si la question n’était pas évidente. Elle se détourna légèrement et redressa nerveusement un livre qui était posé sur le bureau de son époux.
- Fang… Répondit-il dans un soupir tout en s’approchant du miroir pour observer le nœud de sa cravate. Tu feras une grande impératrice, tu sais.
- Tes sœurs vont me haïr.
- Dieux merci, ce ne sont pas elles les impératrices. Il rit légèrement, sa femme aussi.
- Dans dix minutes, ton père signera son acte de renonciation au trône. Nous devons rejoindre la salle du trône.

PAN PANDans les couloirs du palais impériales comme dans les passages couverts, seuls les bruits des pas que la cohue extérieur étouffait, se faisait entendre. Sur le passage du couple princier, les eunuques s’inclinaient plus bas que d’habitude, mais sitôt passés, ils se relevèrent légèrement pour les observer. Ling Jiajing n’avait pas la légitimité de son père, pas même pour ses serviteurs. Il devrait la conquérir auprès du peuple, des Représentants comme du Cabinet ou des eunuques. Il était acculé. Soudain, un long sifflement se fit entendre. Fang et Jiajing tournèrent leur regards à l’endroit du bruit, une trainée de poussière d’étoile était visible puis un bruit sourd et coloré se fit entendre. Un énorme feu d’artifice venait d’exploser, suivi de plusieurs autres. Il était vingt heures, le Premier Prince venait de mourir, l’Empereur était né.

Ils pénétrèrent dans la salle du trône, elle était remplie de monde et là où avait siégé tous les Ling depuis 1824, se tenait Chongsheng, son père. Celui-ci soupira discrètement et d’un signe de main, fit s’avancer son fils.

Il me semblait pertinent d’attendre le futur empereur pour ratifier cet acte de renonciation.
Il ne fallait pas. Dit Jiajing en s’inclinant bas devant son père l’Empereur.
Oh que si.

On fit apporter le document, le sceau de l’Héritage ainsi que la plume personnelle de Ling Chongsheng. Celui-ci se leva, et s’approcha de la table dressée devant lui. Il apposa sa signature dans un silence mortifère puis d’un coup de sceau officialisa son dernier décret impérial actant la renonciation de Ling Chongsheng au trône du Dragon et au titre d’empereur du Grand Ling. Débarrassé du poids qu’il venait de donner à son fils, il s’approcha de son ancien Premier Ministre, ZHOU Lee et le salua d’une poignée de main que celui-ci eu du mal à lui rendre.

- Je n’ai jamais eu le plaisir de vous saluer d’homme à homme et de vous remercier pour votre service, honorable Lee.
- Votre Majesté, ce fut un privilège.
- Émérite. Votre Majesté Émérite. Corrigea Ling Chongsheng en souriant avant de s’approcher de son fils et de s’incliner légèrement devant lui.

PAN PANC’était la première fois que son père s’inclinait devant lui, aussi, cela serait probablement la dernière, car bien qu’Empereur, Ling Jiajing n’était ni le chef de la Maison Ling, ni l’aîné. Il devrait respecter ses aînés quel qu’en soit son titre et aussi longtemps que cela serait compatible avec le respect qu’ils accorderaient à l’Empereur. Ling Chongsheng invita Ling Jiajing à s’approcher de la table où un autre document était à ratifier. Un acte faisant de Ling Jiajing, l’empereur du Grand Ling. Ce dernier le signa puis on apposa le sceau de l’Héritage dessus officialisant le fait qu’il devint le 104ᵉ empereur du Grand Ling et le septième empereur de la Dynastie Ling. De nombreuses exclamations se félicité se firent entendre et quelques applaudissement discrets également. Une telle retenue était d’un rare morbide. Il était 20 h 12 et Ling Jiajing n’en pouvait déjà plus de son rôle d’empereur.

- Pas si vite, Votre Majesté. Lui dit Ling Chongsheng alors qu’il s’apprêtait à quitter la table pour regagner ses appartements.
- Plait-il ? Oh… Jiajing hocha la tête, c’était lui à présent.
- Vous devez proclamer Son Altesse Fang, impératrice du Grand Ling.
- Nous surnommons notre administration la Bureaucratie Céleste. Non pas parce qu’elle est liée à l’Empereur, mais puisque tel le Ciel, elle est immense et d’un complexe effrayant. Des rires polis, mais francs, se firent entendre alors que Chongsheng lui-même, riait.

Ling Jiajing sourit, par politesse et répéta l’opération pour faire de son épouse, l’Impératrice. Dans une monarchie occidentale, cela allait de soi, mais puisque l’Empereur pouvait disposer de nombreuses concubines et de trois femmes, un acte officiel permettait de rappeler qui était la Première Épouse et donc, l’Impératrice. Évidemment, cette pratique quoique légale et fortement répandue jadis, n’avait plus cours sous les Ling. La tradition était restée.
Sitôt l’acte réalisé, Ling Jiajing regarda son trône. Puis, il se retourna vers l’assistance et se retira d’un simple « Sa Majesté a besoin de repos. Veuillez l’en excuser. »

Assis devant l’une des fenêtres de ses appartements, Jiajing observait les lampions s’élever dans le ciel. Il était 20 h 30 et les festivités du Nouvel An lingois se déroulaient normalement. Çà et là, pouvait-on deviner des voiles de fumée s’évaporer que les feux d’artifices avaient laissés un peu plus tôt. Au loin, par endroit, d’autres fusées s’élevaient au ciel. Sur les building tout de verre et d’acier qui bordaient le Longhe, on observait des jeux de lumières que des spots exécutait à la perfection. Lisait-on quelques fois “Happy New Year 2015 !”, de temps en temps “Bonne année 2015”, parfois “Ake ome 2015 !” mais souvent “Xinnian kualie 2015 !”. Lorsque les derniers feux d’artifices se turent, ce fut le tour des tambours de parade de faire entendre leur voix grave. Ceux-ci suivaient de longs défilés de char de carnaval, de faux dragons ou d’autres animaux de la mythologie lingoise. Le mouton fut celui qu’on vit le plus, car 2015 devait en être l’année selon les Da jisi shintaoïstes. Tout le monde semblait heureux de l’autre côté de cette vitre.

Sans un bruit, Fang était entrée dans la pièce et elle s’était approchée de son époux. Sa main avait glissée sur l’épaule de celui à qui elle avait donné deux fils et une fille. Le parfait opposé de ce que l’Impératrice Xi Shi avait donné à Ling Chongsheng. Jiajing, sans un mot, posa sa main sur celle de son épouse et soupira. Elle était là et semblait ne pas être prête à l’abandonner, aussi pour elle devait-il être fort.

- Je sais à quoi tu penses, mon tendre époux. Lui dit-elle en fixant le même horizon que lui.
- Serais-je à la hauteur ? Tu le crois sincèrement ? Lui demanda-t-il en la regardant droit dans les yeux.
- Écoute Jiajing, ton père t'a désigné héritier alors qu’il aurait pu désigner une de tes sœurs. Tu as organisé le Bicentenaire et il t’a félicité devant des milliers de personnes, tu es aimé de ton peuple – certes moins de tes Représentants – et plus encore, tu n’es pas un sombre idiot autrement, j'aurais fuis avec le premier jardinier venu. Je comprends, c’est difficile pour toi, mais il va falloir que tu cesses de t’apitoyer sur ton sort. Tu n’as pas le temps, tu dois changer le monde ou à défaut, ajouter de la couleur dans celui-ci. Lui dit-elle non sans avoir débuté par un long soupire constrict.
- Certes oui, je ne vais pas donner du grain à moudre à la Cour qui n’attend que cela, pouvoir me discréditer et en profiter pour faire annuler la loi de mon père. A, lui aussi, je vais lui montrer qu’il a bien choisi. Je vais aller réfléchir à quelques réformes à préparer pour après mon couronnement. Dit-il en se levant précipitamment.
- D’accord, doucement beau garçon. D’abord, nous allons nous reposer un peu, éventuellement préparer un quatrième enfant (WINK WINK ÇA VEUT DIRE BAISER QUOI), demain, tu vas rencontrer la Direction des Affaires Dynastiques qui validera les décrets impériaux prit ainsi que ton accession au Trône, après quoi tu décideras ce que tu veux faire et je te suivrai. Dit Fang en lui souriant.
- On dit que derrière chaque grand homme se cache en fait une femme, je crois que c’est vrai. Dit-il à l'endroit de son épouse, il s'était redressé pour la regarder de face et caressait une de ses mèches au coin du visage.
- Tu es terriblement vieux jeu. Des fois ça me plait, d’autres fois c’est… Elle ne termina pas sa phrase, mais se contenta de faire la moue en levant les yeux au ciel.

20 février 2015

La fête d’hier – ou de cette nuit – s'était finalement tue. Les oiseaux et leur insomnie forcée, s’étaient remis à chanter. Dans la pièce, les vapeurs de la nuit s’étaient dissipées. Elles avaient cédé leur place à d’intenses gerbes de lumière qui perçaient des rideaux dansant en leur centre, révélant alors le ballet silencieux de la poussière dans un éclat éthéré. Jiajing sentait la fraîcheur du matin atteindre sa jambe et remonter tout le long de son corps. Son épouse, elle, dormait toujours à moitié sur lui, remontant une jambe dans un léger soupire. Il tourna la tête, au sol gisait un tas difforme de vêtement et de soierie. Hier, ce fut une robe élégante et un costume qu’une année de salaire dans les campagnes du Wujiang permettait à peine d’acheter, mais aujourd’hui, ils n’étaient rien de plus que des chiffons impropres. La nuit fut assurément mouvementée dans les rues comme dans le lit. Un souvenir doux avait permis de chasser l’aigreur du début de soirée et Jiajing pensait que s’il bougeait, alors la bulle éclaterait et bientôt, sentirait-il de nouveau l’effroyable poids de sa condition.
Mais Fang avait eu des paroles d’une habituelle justesse. "Tu dois changer ce monde, tu n’as plus le temps pour t’apitoyer sur ton sort que certains ou certaines t’enviaient". C’était un fait, il n’était ni malade ni en proie à la pauvreté et en plus, il avait toujours ses deux parents. Jiajing était de loin l’une des personnes les plus chanceuses du pays, l’une des plus riches et assurément, la plus puissante.

Il bâilla avec langueur tel un chat qui sort de sa sieste et s’étira. Délicatement, il se défit de l’étreinte de son épouse qu’il embrassa sur le front. Il remonta le drap sur son corps et alla fermer la fenêtre avant d’enfiler de quoi être présentable puis, tel un voleur aux pattes de velours, il prit la direction de la pièce attenante. Il entendit le coq du palais chanter et s’interrogea sur l’heure. Il voulut regarder son téléphone, mais celui-ci avait été laissé mourant sans batterie sur le bureau. Des eunuques de la Direction des Chambres furent surpris par Sa Majesté alors qu’ils préparaient le levé de la famille impériale. Ils s’inclinèrent extrêmement bas, honteux d’avoir été si lents ou peut-être était-ce de servir l’illégitime empereur ? Fut-il qu’il ait été illégitime d’abord.
Jiajing pénétra dans un petit salon où il avait pris l’habitude de passer toutes ses matinées depuis des décennies. En son centre se trouvait une grande table basse si lustrée, si laquée, que par certains angles, elle n’était en fait qu’un simple miroir. Autour, des canapés bas et autres fauteuils y étaient disposés. Une partie du mur était recouvert d’ouvrages, les autres de fenêtres ou de décorations. Il y régnait une odeur de jasmin, de vieux livres et de bois de cèdre. Il s’assit sur l’un des fauteuils et ferma les yeux dans un long soupire satisfait. “Je suis l’Empereur.” se dit-il.

PAN PANJiajing sursauta. MiaoMiao pénétra dans la pièce et s’inclina bas.
- Veuillez m’excuser Votre Majesté. Vous étiez avec Sa Majesté l’Impératrice, aussi ai-je jugé bon ne point vous déranger.
- Me déranger ? S’étonna Jiajing en se redressant et en marquant un sourcil.
- Pour le lever, Votre Majesté. Vous aider à vous vêtir, vous donner les nouvelles de l’Empire, et cetera.
- Mais tu es attaché au service de mon père. Ce n’est pas toi qui t’occupes de mon lever.
- Je suis attaché au service de l’Empereur, ce qui fait que je suis attaché à votre service depuis hier 20 h 12.
- Et mon père ? balbutia Jiajing, circonspect.
- En sa qualité d’Empereur émérite, je vais me charger de trouver un remplaçant digne de ce nom, en attendant, je m’occuperai de votre levé et de celui de votre père l’Empereur. Fort heureusement, vous avez deux heures de levés très différentes.
- Je ? D’accord. Soit. Fait en sorte de lui trouver aussi bien que toi.
- Oui, Votre Majesté. En attendant, je vous rappelle que la Direction des Affaires Dynastiques sera là à 10 h 30 ce qui vous laisse… Il vérifia sur sa montre. 4 h 30.
- Il est six heures ? Je ne me lève jamais aussi tôt.
- Autant vous préparer, de son propre aveu, Sa Majesté Émérite dormait mieux et plus longtemps lorsqu’il était Premier Prince.
- Et maintenant, comment dort-il ?
- À cette heure, à poings fermés. Je vous dirais si Sa Majesté Émérite dort mieux maintenant qu’il n’est plus l’empereur du Grand Ling.
- Bien. Comment va l’Empire ?
- Bien, dans l’ensemble. Les services municipaux de Neijing sont en train de nettoyer les rues, il parait qu’il y a eu de nombreuses arrestations pour ébriété sur la voie publique. C’est globalement partout pareil dans toutes les autres métropoles du pays. La Cour Législative s’attend déjà à recevoir votre mandat de convocation et suite à l’abdication de Sa Majesté, le Marché est légèrement frileux en attendant de voir quelle posture votre Cabinet aura.
- Quelle posture mon Cabinet aura ? Ils s’attendent à du changement ?
- Une nouvelle Ère peut être le signe de nouvelles réglementations ou idéologies. Sans doutes espèrent-ils que vous serez aussi libéral que Sa Majesté Émérite ou du moins, que l’Économie se portera tout aussi bien sous votre règne que sous celui de votre père.
- Je veux instaurer des mutations plus fortes que celles entreprises par mon père. Instaurer des régulations pour garantir à tous un revenu et une dignité.
- Je ne connais pas autant que votre Département du Trésor en économie, mais je connais très bien les jeux d’intrigues de la Cour impériale comme celle de la Cour Législative. Aussi, si vous me permettez un conseil, je pense qu’il va falloir être prudent.
- Je t’écoute ? Quel est ce conseil ?
- Bien. Votre Majesté, vous êtes intronisé, mais pas encore confirmé. Vous n’avez pas encore été couronnés officiellement et votre père est toujours parmi nous, Dieux merci. En somme, votre légitimité repose sur votre sang uniquement. Si votre père s’oppose à vous, vous perdrez toute la légitimité que vous avez aujourd’hui et elle n’est pas bien forte. Je vous prie de m’excuser pour mes propos, Votre Majesté.
- Continu. Jiajing n’appréciait nullement ce qu’il entendait, mais il écoutait attentivement, sa main droite tapotait en rythme le bois de l’accoudoir du fauteuil.
- Oui, Votre Majesté. Une politique sociolibéral comme celle que vous aimeriez que le Cabinet mène n’est pas incompatible avec notre société. Cependant, elle est incompatible avec un régime faible. Gagnez le soutien du peuple, de l’Union et renforcez celui de votre père. De là, la Cour Législative, les patrons et le Cabinet vous suivront aveuglément.
- Et qu’en est-il du Palais ?
- Plait-il, Votre Majesté ?
- À quoi bon avoir le soutien de tous si dans ma propre maison, mes serviteurs me regardent de travers ou manque de respect à mon épouse l’Impératrice ?
- Oui, je vois ce que vous voulez dire. Les affaires du Département de la Maison Impériale diffèrent des affaires du Palais Impérial. Si vous avez le soutien du Cabinet, vous avez celui de tous ses départements. Mais la Maison Impériale ne fait que placer des employés à votre service, ceux qui les dirigent sont ceux qu’il faut avoir dans sa poche.
- Et qui les dirigent au juste ? Toi ?
- Je vous remercie de le croire, Votre Majesté, mais non. Il sourit en inclinant la tête. Je suis le chef de la Direction des Chambres. Cela signifie que je dirige uniquement l’une des huit directions qui composent le Département de la Maison Impériale.
- Et j’apprends cela seulement maintenant ?
- Sauf votre respect, Votre Majesté, vous n’avez jamais été très attentifs aux cours prodigués pour comprendre comment fonctionne le Palais.
- Oui bon, certes, continu. Dit Jiajing en faisant la moue d’une main.
- Oui, Votre Majesté. Donc, vous avez huit directions : celle des Chambres, donc ; celle des Affaires Dynastiques ; celle des Domaines et Jardins, évidemment ; n’oublions pas celle des Banquets et Festins ; ni celle des Cérémonies et Traditions ; celle des Approvisionnements, mais également celle des Communications et du Rayonnement Impérial et enfin, celle de la Garde et de la Protection impériale.
- Tant que ça ? Questionna l’Empereur, incrédule.
- Oh oui, et je vous épargne la liste des sous-directions. Quand on parle du Tentaculaire Département de la Maison Impériale ou de la Bureaucratie Céleste, ce n’est pas pour rien. 3’550 personnes dépendant de cette bureaucratie et sont à votre service. Cela fait autant de personnes qui peuvent divulguer des secrets ou influencer leurs proches à votre endroit.
- 3’550 employés ?! Mais c’est énorme comme chiffre ! S’exclama l’Empereur, incrédule.
- Oui hein ? Sacré progrès, je sais. Dire que Liang Li avait besoin de 70’000 employés pour faire ce que nous faisons en 3’550. Ling Huangong a dû faire de nombreux malheureux en renvoyant autant de monde en 1824. Il a pu le faire, car il était extrêmement légitime.
- Oui, j’ai compris. je dois prouver ma valeur.
- En quelque sorte. Bien, si vous permettez, je vais faire porter votre petit déjeuner, ensuite il faudra vous préparer pour votre rendez-vous.
- Oui, merci MiaoMiao. Soudain, l’Empereur eu une songe lui traversant l’esprit. Au fait, qui est-il ?
- Votre Majesté ?
- Celui qui dirige les Directions ou plutôt le Département de la Maison Impériale ?
- Vous, Votre Majesté. Répondit MiaoMiao en souriant avant de sortir.

C’était évidemment inexact, mais cela signifiait surtout que charge était à Jiajing d’asseoir son autorité sur son personnel. Ce qu’il comptait bien faire. Fang rejoignit l’Empereur quelques longues minutes plus tard. Ils prirent leur petit-déjeuner ensemble, Jiajing semblait davantage empli d’assurance. Ils eurent un moment agréable que ses obligations due écourter. En effet, il était à présent 9 h 45 et dans moins d’une heure, il fallait rencontrer la Direction des Affaires Dynastiques.

Remplis de celle nouvelle assurance bien que toujours plein de question, Jiajing assistât à la réunion où la Direction lui expliqua le déroulé des prochains jours, ses missions d’Empereur, confirma son intronisation et également commença à préparer la cérémonie du couronnement qui devrait se tenir la semaine suivante. Tout se passa plutôt bien malgré la fusillade de question qu’il reçut et qu’il eut ensuite en tête. La Direction des Affaires Dynastiques eut l’extrême obligeance de considérer Jiajing comme l’Empereur et non comme un empereur en devenir. Ils témoignèrent d’un profond respect, observaient tous les codes et respectaient les traditions parfois oubliées de tous comme l’interdiction de parler directement à Sa Majesté. En effet, une vieille tradition de bonne manière voulait qu’on s’adresse à l’Empereur sans le vouvoyer et encore moins le tutoyer, mais en parlant de lui comme d’une troisième personne. La pratique n’était répandue qu’au sein de la vieille aristocratie qui en appliquait occasionnellement les préceptes pour les chefs de famille. C’était une marque d’un profond respect, car cela signifiait que la personne était trop importante pour qu’on puisse se considérer suffisamment égal à elle pour pouvoir lui adresser directement la parole, c’était également un signe indiquant le caractère omniprésent et omnipotent de l’interlocuteur. Mais, c’était surtout terriblement vieillot pour Ling Jiajing et encore plus pour Fang qui ne s’en était jamais formalisé, pas même avec son beau-père.

Dans l’après-midi, Ling Jiajing rencontra le Premier Ministre qui vint réaliser la première Entrevue Impériale de son règne. Ce rendez-vous quotidien était l’occasion pour le Gouvernement d’informer l’Empereur sur les actualités du monde et du pays ainsi que de lui présenter les projets de lois attendant sa sanction. C’était par ailleurs un échange courtois où l’Empereur faisait remonter des remarques, des demandes et proposait des projets préliminaires dont il confiait au Gouvernement la charge d’en faire des projets de loi à présenter à la Cour Législative. Il faisait aussi part des décrets impériaux promulgués si ceux-ci n’avaient pas déjà été transmit. Depuis deux siècles, ce rendez-vous se tenait le matin sauf cas particuliers. Il n’avait cependant pas lieu les jours fériés. ZHOU Lee, le Premier Ministre, s’inclina et présenta ses hommages.
- Je me souviens du premier jour où je suis entré dans cette pièce. Dit le Premier Ministre en regardant tout autour de lui. J’avais alors dit à Sa Majesté Émérite “est-ce ici que toute la magie opère ?”.
- Et qu’avait-il répondu ? Demanda Ling Jiajing tout en feuilletant les documents du coffret de bois rouge que ZHOU Lee avait déposé devant lui quelques instants plus tôt.
- Il avait simplement répondu “non” avant d’ajouter “La Cour est plus à l’ouest”. J’ai mis un peu de temps à comprendre qu’il parlait de la Cour Législative.
- J’ai du mal à croire que Sa Majesté Émérite soit si attachée que cela à la Cour.
- Oh, il ne l’est pas. Mais il est attaché à la démocratie.
- En parlant de démocratie, je veux que vous proposiez à la Cour un projet d’amendement constitutionnel.
- Votre Majesté ? Demanda le Premier Ministre, sans comprendre.
- Pas maintenant, j’ai encore mes marques à prendre, mais vous formez un gouvernement en mon nom et c’est en mon nom que vous travaillerez à modifier notre loi constitutionnelle pour réduire l’influence de l’Empereur dans l’exercice de l’État.
- Mais vous êtes l’État, Votre Majesté.
- Cela fait plus de deux cents ans que nous ne le sommes plus. Je suis le chef de l’État, vous êtes le chef du Gouvernement et la Cour représente le peuple. Je veux que l’article soixante-cinq soit précisé.
- Celui relatif au pouvoir impérial ?
- Précisément. Il faut que le Cabinet ou la Cour puisse, plus facilement, mettre un terme au despotisme quand celui-ci apparaît.
- Et qui définit le despotisme ? Quand doit-on dire que telle action est l’œuvre de la tyrannie, mais celle-ci est légitime ?
- Mon avis est le sens commun, mais c’est pour justement trancher que je vous demande de travailler sur cet amendement. Il sera proposé au printemps 2015.*
- Bien Votre Majesté. Nous aurons, j’imagine, l’occasion d’en reparler. Autre chose ?
- Oui, j’ai fait rédiger l’acte de convocation de la Cour Législative. Charge à vous de le faire appliquer.

L’Empereur et le Premier Ministre poursuivirent leur échange. Il fut question du Ruban Doré et du projet de liaison lino-burujais entre Lanji et Xine-Shoudu, de la loi de finance 2016 qu’il fallait commencer à préparer pour pouvoir le présenter à la Cour en septembre 2015, mais également du fait que Ling Jiajing ferait de son règne une ère où l’innovation sociale toucherait le Grand Ling. Il voulait que soit préparé un projet de réforme de l’Instruction ainsi qu’une relative à la fiscalité de l’Empire. Celles-ci seraient débattues dans le mois, sitôt les formalités du couronnement passées.

Ce jour, un Empereur était peut-être né.

Armoiries de l'empire du Grand Ling
35691
Illustration du Palais Pourpre de Neijing
UNE NOUVELLE ÈRE
Couronnement et première semaine.

23 février 2015
Il faisait doux pour un matin, encore plus pour un lundi et terriblement trop pour un mois de février. Fang était impératrice depuis quatre jour et déjà, elle avait entreprise de réaliser de grandes choses. Le Grand Ling était connu pour sembler être très libéral et démocratique de façade, mais encore largement conservateur et traditionaliste à l’abris des regards. Cela n’avait jamais été un problème en soi et ç'aurait probablement continué comme cela si ce fameux lundi matin trop doux de février n’avait pas mis sur la route de l’Impératrice l’une de ses suivantes.

En effet, et alors qu’elle se rendait à son cabinet, l’irascible Madame Hua réprimander une jeune femme qui devait tout juste avoir atteint la trentaine ou à défaut, allait bientôt passer ce cap. Celle-ci, en signe de respect, était inclinée et hochait machinalement la tête aux réprimandes adressée par Madame Hua, qu’elle ponctuait de quelques postillons bien visibles. Madame Hua était l’équivalent, si l’on pouvait dire, de MiaoMiao ainsi que sa parfaite opposée. Lui était fin et grand ; elle, grosse et petite. Lui drôle et sympathique ; elle, ennuyeuse et détestable. Mais Madame Hua dirigeait avec pertinence et efficacité la Maison de l’Impératrice, une branche de la Direction des Chambres dédiée à l’Impératrice et ses dames de compagnies. Aussi, n’avait-elle plus rien à prouver à personne.

Fang s’approcha des deux femmes et se tint là droite, ses yeux de chat cillant doucement des yeux et contenant un sourire poli et discret. Elle se racla légèrement la gorge qu’elle ponctua d’un simple « bonjour » jovial. Là-dessus, Madame Hua s’arrêta et tourna rapidement la tête. Son visage, rouge de colère devint livide et elle s’inclina plus bas que la femme dont elle s’était faite le bourreau. Cette dernière, par ailleurs, avait vu l’Impératrice arrivée, mais n’avait préféré rien dire peut-être par politesse ou par volonté de nuire.

- Par tous les Dieux, Votre Majesté, bonjour ! Répondit précipitamment la bonne femme la voix chevrotante
- Que se passe-t-il ici Madame Hua ?
- Oh rien, je suis navrée que vous assistiez à cela, c’est indigne de vous.
- Ce qui est indigne de moi, c'est de dire qu’il ne se passe rien alors qu’il se passe quelque chose, ne croyez-vous pas ? Dit Fang en jetant des regards discrets vers la jeune femme.
- Oui, évidemment, votre pertinence vous honore, Votre Majesté. J’expliquai à cette potiche qu’elle devait prendre son service à l’heure et que sa santé ou celle de sa famille importait moins que celle de Sa Majesté ou de sa Maison. Répondit Madame Hua avec dédain.
- Je vois. Et cette… Potiche, a-t-elle un nom ? Demanda l’Impératrice en fixant Madame Hua.
- Eh bien…
- Suni, Votre Majesté. Répondit l’intéressée, coupant l’herbe sous le pied de Madame Hua qui la fixa, l’air mauvais.
- Bien, Suni donc. Ce sera tout Madame Hua. Merci. Lui dit Fang en souriant poliment.
- Oui, Votre Majesté.

Madame Hua s’inclina une dernière fois et partie terroriser d’autres servantes de sa démarche lourde dissimulant une certaine grâce, fallait-il l’avouer. Suni, elle, resta inclinée et silencieuse un certain moment avant que Sa Majesté l’invite à se relever et à marcher à ses côtés jusqu’à son cabinet. Évidemment, Madame Hua avait espérée pouvoir l’embarquer avec elle pour finir ce qu’elle avait commencé, mais le regard intense de Fang vers la jeune femme ne le permit pas, du moins c’est ainsi qu’elle avait dû l’interpréter.

- De quelle origine est-ce ? Demanda l’Impératrice tout en marchant et remontant légèrement le châle qu’elle avait sur les épaules.
- De ? Votre Majesté.
- Suni, de quelle origine est ce nom ?
- Oh. Je ne saurai dire. Ma mère m’a dit qu’elle m’avait nommée ainsi en référence à la princesse légendaire qui aurait créé la rivière Mata Sungai. Enfin, pour ceux qui y croient.
- Tu n’y crois pas ?
- Eh bien, la raison de pourquoi je m’appelle Suni si, mais qu’une femme légendaire ait créé une rivière en pleurant parce qu’elle prit pitié d’une famille qui mourrait de faim, car son champ manquait d’eau… Étrangement, non.
- Oui certes, le trait est grossi, mais d’expérience, les légendes servent soit à donner de l’espoir aux gens, soit à glorifier quelqu’un de réel.
- Sans doutes, mais m’appeler Suni ne m’a pas offert la qualité de vie de cette princesse pour autant.
- Parce que c’est à toi de mériter une meilleure qualité de vie, pas à ton prénom de te le donner.
- Avec tout le respect que je vous dois, Votre Majesté, je suis persuadée que vous avez dû vous battre pour en arriver où vous êtes, mais être une Ling vous a largement plus aidée qu’être une Suni.
- Je me demande combien de coup de bâton Madame Hua t’aurait donné pour de tels propos. Lui dit Fang en s’arrêtant au milieu du passage couvert pour la regarder droit dans les yeux, lui souriant.
- Probablement trop. Répondit Suni en se pinçant les lèvres pour ne pas rire.
- Pourquoi était-elle en train de te réprimander ?
- Eh bien… D’ordinaire, une collègue et moi nous nous occupons de nettoyer votre chambre lorsque vous êtes en train de vous préparer. Vous ne nous voyez jamais, mais nous sommes un peu vos petites mains. Hors ce matin, je suis arrivé trop en retard et ma collègue à du tout faire toute seule.
- Oui… Ce matin, mon lit n’était pas fait lorsque je suis retourné dans ma chambre pour prendre des boucles d’oreilles.
- Je m’en excuse, Votre Majesté. En ce moment, je n’arrive plus à trouver suffisamment de temps en 24 heures pour m’occuper de vous, de mes enfants, de mon mari et de ma propre maison.
- Tu fais tout, toute seule ? Questionna l’Impératrice en se remettant à marcher. Assurément intriguée.
- Hélas, oui. Mon époux s’est blessé le dos en tombant d’un échafaudage, il travaille dans la construction. Notre assurance n’a pas voulu payer l’opération du dos dont il a besoin, résultat, il est à moitié paralysé. À côté de ça je suis maman de deux enfants en bas âge, je dois m’en occuper en plus de mes journées de 10 heures ici. Bref, je n’ai même plus le temps de passer chez l’esthéticienne.
- Audacieuse.
- Vous trouvez ?
- Oh, je ne fais pas référence à votre train de vie même si celui-ci pourrait forcer le respect. Audacieux de tenir de tels propos à celle pour laquelle vous travailliez, qui est la Première Dame d’Empire et accessoirement, qui ne vous avait jamais rencontré jusqu’à il y a quelques minutes. Lui dit Fang en souriant.
- Je vous prie de m’excuser, Votre Majesté, si j’ai laissé entendre que je vous avais prise pour le Bureau des pleurs. Mais vous m’avez demandé pourquoi on me réprimandait, alors je vous ai répondu.
- Ainsi que je le disais, audacieuse. Dit-elle en riant. Bien, nous sommes arrivés jusqu’à ma destination. Si je vous recroise, je ne manquerai pas de chercher votre compagnie, vous êtes… Distrayante.

Fang comptait parler de cette situation à son époux l’Empereur. Non pas qu’elle pensait qu’un traitement de faveur devait avoir lieu, mais parce que si c’était vrai, alors Suni n’était probablement pas la seul à subir ces situations alarmantes. Elle, n’avait aucun pouvoir politique aussi passer par Ling Jiajing était bien plus simple. Lorsqu’ils se virent un peu plus tard dans la journée pour déjeuner ensemble, elle évoqua Suni et Madame Hua. La scène de réprimande l’avait fait rire, mais l’histoire de Suni, non. « Tout se mérite » avait d’abord répondu Jiajing désintéressé. Puis devant sa femme tempétueuse, il avait promis demander à son Premier Ministre de lui faire un point sur la situation des inégalités dans le pays et de l’accessibilité à la santé, normalement garantie par des lois promulguées par son père.
Jiajing et Fang, dans l’après-midi, devaient se rendre au temple du Ciel, en plein cœur de Neijing, où la cérémonie religieuse du couronnement devait avoir lieu.

Sur place, plusieurs badauds essayèrent de prendre des photos en compagnie du couple impérial, vivement repoussés par les membres rapprochés des Jinyiwei (錦衣衞, litt. Garde Brodée). Jiajing, contre l’avis du Commandant de la Garde, avait voulu rencontrer ses sujets et créant des sueurs froides à tout le dispositif de sécurité, passa 10 minutes à écouter les lingois s’exprimer franchement.
Après quoi, le couple impérial prit la direction du temple pour y être reçu par le Dazhangguan (大掌官, litt. Chancelier Suprême) lui-même. Leur entrevue détailla la cérémonie qui se tiendrait le jeudi suivant, expliquant ce qui était attendu d’eux, quels rites seraient donnés au moment du couronnement et comment les services de la Maison Impériale, de l’État et du temple allaient se coordonner pour offrir une cérémonie de couronnement digne de ce nom.

Jiajing n’avait plus grand-chose à voir avec l’homme remplit de doutes qu’il fut lorsque son père abdiqua. Des craintes, il en avait toujours, mais il avait décidé qu’il passerait au-dessus de cela. Aussi, passé les premiers jours, il commençait à comprendre que quoi qu’il fasse, il y aurait toujours quelqu’un pour expliquer comment il aurait pu mieux faire. Il était là, écoutant d’une oreille le Dazhangguan et de l’autre, observant le temple. Celui-ci était grand et circulaire. Il trônait sur une sorte de terrasse circulaire à degrés dont chaque niveau était décoré de multiples statues portant des habits et représentant des scènes du Daojing. Cette structure reposait elle-même à l’extrémité d’une terrasse plus grande encore et où l’autre extrémité était composée d’un ensemble de pavillons reliés entre eux par des passages couverts.
Ce complexe faisait partie d’un encore plus grand de plus de 200 hectares et était en fait le véritable Temple du Ciel. Ils ne se trouvaient en fait que dans le cœur du complexe religieux, dans le Pavillon des Grâces où les adeptes venaient chercher les bonnes grâces du Ciel. Celui-ci était placé au nord du complexe et relié par une voie principale de dix mètres de large à l’autel du Ciel situé au sud. Au centre, une voie transversale reliait le Pavillon de l’Abstinence à l’ouest du Pavillon de l’Abondance. Derrière chaque grand ensemble du temple du Ciel se trouvait une porte portant le nom des points cardinaux. Ainsi, selon le Dazhangguan, Sa Majesté Ling Jiajing pénétrerait dans le Temple du Ciel par la Porte du Midi, emprunterait la Voie Impériale jusqu’à l’autel du Ciel pour être oint et béni puis entamerait une parade sur la Voie Impériale jusqu’au Pavillon des Grâces pour demander son assentiment au Ciel et recevrait des mains du Dazhangguan les Insignes de la Vertu Suprême.

D’ordinaire, de nombreux représentants étrangers auraient été invités au couronnement pour témoigner du faste de la Dynastie, mais celle-ci n’avait rien à prouver avec le succès du Bicentenaire [WINK WINK LE JOUEUR N'A JUSTE PAS LE TEMPS WINK WINK]. Cette fois-ci, par ailleurs, Jiajing voulait marquer une rupture avec le règne de Sa Majesté Émérite. En effet, il entendait réduire les dépenses pharaoniques de la Maison Impériale pour servir le Trésor et donc, les autres Départements de son Gouvernement. De fait, la ligne des invités se limita aux représentants diplomatiques des nations étrangères ainsi que les hauts dignitaires de l’Empire et du monde de la Finance. C’était évidemment contre l’avis du Premier Ministre, de MiaoMiao et de son père qu’il acta la chose. Fang, son épouse, elle ; avait largement plaidé cette alternative tant pour ménager son mari que parce qu’elle-même allait devoir tenir un rôle qui ne l’attrayait pas spécialement.

Le soir même de leur longue journée, Fang et Jiajing s’étaient retirés tôt dans leurs appartements pour se reposer. Une dernière représentation aurait lieu le lendemain, fallait-il ensuite choisir les tenues ridicules à porter puis enfin, concourir à l’exercice de la fonction impériale. Ainsi, il n’avait plus l’énergie de veiller.
Jiajing lisait péniblement un livre traitant d’un monde fictif où une drôle de communauté devrait réaliser un périple vers un volcan pour détruire un bijou ancien.
Fang, elle, se démaquillait sur la coiffeuse qui faisait face au lit. Elle jetait un regard de temps en temps vers son époux au travers du miroir couronné de lampes.

- T’es-tu intéressé au sujet que nous avons évoqués ? Questionna-t-elle tout en appliquant du lait sur un petit carré de soie.
- Plait-il ? Répondit-il en tournant nonchalamment une page de son livre. La drôle de compagnie venait d’arriver non loin d’une chute d’eau à bord de navires et s’apprêtaient à camper.
- T’es-tu intéressé au cas de Suni ? Répondit-elle tout en tirant une drôle de grimace alors qu’elle passait le carré autour de ses lèvres.
- Ta servante, c’est bien cela ? Jiajing retira ses lunettes et la regarda.
- Oui, y en a-t-il d’autres dans son cas ?
- J’ai demandé à MiaoMiao.
- Et alors ?
- Alors, il m’a répondu que la mission d’eunuque impliquait certains… Sacrifices.
- Mh. MiaoMiao est plein d’humour. Dit-elle avec une moue légèrement dégoutée.
- Il évite le sujet, surtout. Répondit Jiajing en fermant son livre page 701.
- Et pourquoi évite-t-il le sujet ? Il est important.
- Parce qu’il est attaché à certaines valeurs ou alors… Jiajing réfléchi un instant avant de se redresser en bâillant. Ou alors, ce sujet le dépasse complètement.
- Il ne dirige pas la Direction des Chambres ? Demanda Fang en regardant Jiajing droit dans les yeux, cette fois-ci.
- Mais il ne dirige ni la Maison Impériale, ni le Département de l’Intérieur et encore moins celui du Commerce et de l’Industrie.
- Je me doute bien que cela dépasse largement les frontières du Palais Pourpre, mais en l’occurrence, nous pouvons agir dès maintenant sur celui-ci.

Jiajing se leva et alla rejoindre son épouse. Il déposa ses mains sur ses épaules et contempla son reflet. Elle le fixait de ses grands yeux que le démaquillant n’avait rien retiré à sa beauté.

- C’est à Lee que je dois en parler. Pas à MiaoMiao.
- Et si, pour l’instant, tu en parlais à… Comment s’appelle-t-il déjà ?
- Qui donc ?
- Celui qui dirige la Maison Impériale.
- Jia ? SIDAO Jia ?
- Oui, non mieux son supérieur !
- Son supérieur ? Il n’en a pas. C’est le secrétaire de la Maison Impériale.
- Moi, j'en connais deux des supérieurs à Jia, l’un deux partage ma couche et j’aime autant te dire que je compte abuser de tous mes talents de conspiratrice voir de corruptrice pour qu’il agisse en mon sens.
- Je vois. Il va falloir conspirer demain alors. Il déposa un baiser sur la joue de son épouse puis retourna au lit.
- Oui, voir après-demain.
- N’abusons pas non plus. Mais je m’en occuperai demain, je te le promets.

24 février 2015
Il tint parole. Le lendemain, l’Empereur rencontra le Secrétaire de la Maison Impériale pour s’entretenir avec lui d’une hausse des salaires qu’il voulait et de l’amélioration de l’assurance prescrite par le Palais pour ses employés. L’échange, quoique cordiale et respectant tous les protocoles, se révéla musclé. En effet, SIDAO Jia avait expliqué à l’Empereur qu’une hausse de ce genre de cas nécessiterait à un moment donné, une hausse du budget et donc l’assentiment du Trésor, du Premier Ministre ou de la Cour Législative.

- Monsieur Sidao, ôtez-moi d’un doute.
- Oui, Votre Majesté ?
- À qui le Département de la Maison Impériale rend compte ?
- Eh bien, au Premier Ministre dans un sens.
- Et dans l’autre, le Premier Ministre rend compte à l’Empereur, non ?
- Oui. En effet, ainsi qu’au chef de la Dynastie, en l’occurrence, Sa Majesté Ling Chongsheng.
- Où cela figure-t-il ?
- Je vous demande pardon, Votre Majesté ?
- Où figure-t-il un texte qui fait effet de loi, indiquant que vous devez rendre compte à l’Empereur Émérite en sa qualité de chef dynastique ?
- Eh bien, nulle part. Certes.
- Or, il existe un texte officiel qui indique que l’Empereur prévaut sur le Premier Ministre ?
- Certes oui, la Constitution l’indique.
- D’accord, une nouvelle fois alors. À qui le Département de la Maison Impériale rend compte ?
- À vous, Votre Majesté.
- Exactement. Faites préparer les revalorisations et entamer des négociations avec notre police d’assurance pour de meilleurs services, mais sans frais supplémentaires. S’il refuse, dites-leur qu’une autre compagnie nous propose de meilleurs services pour moins cher. Essayons de jouer la corde de la concurrence saine.
- Entendu Votre Majesté, mais je dois de formuler des réserves quant à votre demande.
- Et Sa Majesté vous remercie pour cela, vos réserves seront étudiées. Faites-moi savoir quand la chose sera actée.
- Bien, Votre Majesté. Dit-il d’un sourire forcé.

Le fait est qu’il était bien plus complexe qu’il n’y paraissait de s’attaquer à l’imperméable système des eunuques du Palais. Durant plusieurs jours, Ling Jiajing n’entendrait plus parler de tout cela sauf lorsque Fang viendrait aux nouvelles.

Cette après-midi-là de février, il rencontra ZHOU Lee, son Premier Ministre, au sein du Cabinet que jadis, occupait son père. La décoration avait quelque peu changée depuis leur dernière entrevue, Ling Chongsheng ayant terminé de transférer toutes ses affaires vers ses nouveaux appartements. Un tic tac régulier se faisait entendre et venait casser le silence de l’endroit. En effet, Jiajing avait récupéré une vieille horloge que son aïeul Ling Huangong avait dans son bureau. Celle-ci nécessitait d’être remontée chaque soir, aussi MiaoMiao avait dû prendre quelque temps avant de comprendre comment elle fonctionnait pour pouvoir l’expliquer lui-même aux eunuques qui s’en chargeraient. Les meubles, quant à eux, étaient toujours adaptés à l’histoire de la pièce, mais témoignaient d’une certaine modernité. Jiajing voulait la rupture, il l’aurait jusqu’à l’assise de son impérial séant. Seul meuble majeur qui demeurait de l’époque de son père datait en fait de bien avant lui. Il s’agissait de l’imposant bureau en acajou massif dont on aurait dit un seul bloc de bois où seulement un espace pour les jambes avait été taillé. À l’opposé de là où était assis Jiajing, deux dragons étaient sculptés à même le bois et semblait supporté les extrémités du bureau. Plusieurs riches scènes étaient décorées partout autour du meuble. Il avait été commandité par Ling Yuheng en 1858 et fut livré en 1861 à l’occasion des dix ans de son règne.

Lorsque MiaoMiao fit entrer ZHOU Lee, celui-ci s’inclina un long moment avant d’observer la pièce tout autour de lui. Son œil se posa partout comme un jeune enfant curieux à qui on montrait un endroit nouveau. Les deux hommes échangèrent sur les affaires la pièce un petit moment puis enfin abordèrent les affaires de l’État. Jiajing l’informant de ce qu’il voulait entreprendre comme changement radicaux et aborda en plus le sujet des eunuques. Le Premier Ministre conseilla l’Empereur du mieux qu’il put, mais à qui regardait bien, pouvait voir la mâchoire de ZHOU Lee se contracter et se serrer par moment. Enfin, ils abordèrent le couronnement et sa cérémonie. Elle devrait se tenir dans deux jours et Jiajing ne semblait pas afficher une once du trac qui le parcourait. Il luttait contre lui-même pour empêcher que la paralysie que provoquait l’idée d’échouer l’emporte emmenant avec elle les relent nauséabonds des doutes dignes du premier soir de son règne.
Puis, alors que l’Entrevue Impériale touchait à sa fin, Ling Jiajing se leva et raccompagna le Premier Ministre ; ce qu’il n’avait jamais fait jusqu’ici.

- Et si c’était tout le système qui était revu ?
- Je vous demande pardon, Votre Majesté ?
- Pour cette affaire d’eunuque. La Couronne pourrait réduire son train de vie ou utiliser son propre Trésor pour tous les extra – dirons-nous - ce qui compenserait les coûts des augmentations.
- Mh… Lee se mit à réfléchir un instant, son visage s’ouvrit un peu plus que tout à l’heure. C’est effectivement une bonne idée, d’autant que ça enverrait un bon message politique : Sa Majesté réduit son train de vie pour le bien de ses gens.
- Si on couple à cela une réforme du système pour simplifier la Bureaucratie Céleste et réduire ou annihiler les dépenses inutiles, la Maison Impériale pourrait peut-être être en excédent budgétaire et le Trésor impérial, lui, utilisera ses domaines pour compenser ses pertes.
- En somme, vous proposez un budget à l’équilibre. C’est typiquement le genre de chose que les Représentants aiment.
- Oui, voire excédentaire si on utilise les fermes impériales pour fournir aussi bien les cuisines de la Maison Impériale que les particuliers, que le domaine foncier rapporte, qu’une économie basée autour d’une vente additionnelle.
- Une vente additionnelle ?
- La Maison Impériale vit au Palais Pourpre, la majorité de ses autres demeurent ne sont pas utilisées. Durant les périodes où la Maison Impériale n’y siège pas, ces domaines pourraient être partiellement ouverts au public pour des visites, servir de lieu d’exposition. De fait, des effigies qui serviraient tant à la communication impérial qu’à rapporter de l’argent en plus, pourraient être mis en place.
- Faire de la Dynastie Ling une marque déposée ?
- En tout cas bénéficier de notre rayonnement pour servir les intérêts de la nation.
- Pour ce point, c’est faisable si, avec tout le respect que je vous dois, la Maison Impériale ne tombe pas dans la caricature du pur produit de marketing. Vous êtes l’Empire et l’Empereur, pas une marque de vêtement.
- Certes, cela doit uniquement se limiter au cadre des ventes additionnelles liées au patrimoine culturel et historique. Ceux-ci seraient taxés sur la base des GST ce qui offrirait au Trésor des revenus supplémentaire, en plus de profiter au Trésor Impérial. Cela s’inscrit dans votre projet de loi de finance 2016.
- Eh bien… Lee hocha de la tête, l’air satisfait et s’inclina bien bas. Votre Majesté nous honore de son Esprit.
- Barf, dit Jiajing en faisant la moue. Quand nous sommes entre nous, vous pouvez vous passer de ces simagrées d’un autre temps.
- Je le peux. Il se releva. Faut-il le vouloir.

ZHOU Lee s’inclina une nouvelle fois et se retira avec l’accord de l’Empereur. En réformant le système d’eunuque et en permettant de créer des revenus additionnels, Jiajing avait peut-être offert au Premier Ministre, un peu moins de dépendance à l’aspirine. En effet, nous étions encore très loin de la prochaine session parlementaire, celle-ci n’étant pas encore conclue, mais il fallait d’ores et déjà préparer la chose. Jiajing voulait un projet de réforme simple et clair qui, en plus, n’avait pratiquement pas besoin de chercher l’assentiment de la Cour ou du Gouvernement. Peu d’argent public serait dépensé, mais beaucoup rentreraient dans les caisses : Tout le monde y gagnait. Il passa le reste de l’après-midi à travailler sur le sujet et ce ne fut que lorsque le petit carillon de l’horloge de Huangong sonna huit fois, qu’il se rendit compte qu’il travaillait depuis déjà six heures sans pause. Ses yeux brulèrent, aussi décida-t-il de rejoindre ses appartements, non sans avoir dîné avant.
Alors qu’il finalisait sa première ébauche, son dîner lui fut apporté par un eunuque qui le présenta avant de s’en aller rapidement.

- Votre Majesté, nouilles sautées aux légumes et son porc braisé à la sauce soja avec un mélange d’épice. Chou chinois sauté à l’ail, légumes marinés salé-sucrés. Ici, vos pains mantou fourrés aux haricots rouges et là un thé au jasmin. Bonne dégustation, Votre Majesté.
- Merci bien.

L’eunuque sorti et il manqua de rentrer dans Ling Chongsheng. Il se confondit en excuses, implorant le pardon de l’Empereur Émérite, celui-ci sourit les yeux aussi pétillant qu’à l’accoutumée et lui souhaita une bonne nuit. Puis il inclina légèrement la tête vers son fils avant de se balader dans la pièce.

- Tu as bien pris tes marques, Cher Premier.
- Cher Empereur, vouliez-vous dire. Répondit Jiajing sans le regarder, coupant avec ses baguette le mantou.
- Bien, excellent. Tu t’affirmes dans ton rôle. Un jour, tu seras un immense empereur.

Jiajing ne releva pas, il s’arrêta de manger puis regarda son père. Celui-ci se dirigeait vers un des fauteuils disposés non loin du bureau et faisant face à une petite table, où était posée une plante verte gracieuse et un petit service à whisky, ainsi qu’à une fenêtre.

- Puis-je ? Demanda Chongsheng en pointant de la main la bouteille de Whisky fujiwan.
- Je vous en prie, c’est un dix ans d’âge. Plutôt fruité.
- Est-ce celui qui t’a été offert pour tes 35 ans ?
- Oui, celui-ci même.
- Mh. Je n’aurais mis que six ans à être invité à le gouter.
- Oui, c’est cela. Puis-je vous être utiles, Père ?
- Je me suis découvert une nouvelle passion pour le cuju. Oh, je ne suis pas aussi doué que LAN Weihao. Tu te souviens lors du championnat de 2002 où il a marqué depuis la ligne des 15 m à une seconde de la fin permettant aux Dragons d’égaliser face aux Cloud river. La séance de tir au but qui s'est ensuivi fut un carnage pour Yunhe, mais elle nous a permis de gagner le titre. Sans ça, nous aurions été à trois défaites d’affilée.
- Oui je me souviens. LIAN Qiu aurait pu nous faire très mal s’il ne s’était pas blessé une dizaine de minutes avant la fin du match.
- Absolument ! Quel spectacle. Les matchs opposant Feu et Eau sont toujours impressionnants.
- Il faudrait que nous allions en voir un, un de ces jours.
- Ce serait avec grand plaisir, mon fils.
- Mais… Jiajing vint s’asseoir à côté de son père sur le fauteuil situé à côté de la fenêtre. Pourquoi me parlez-vous de cela ?
- Eh bien, je faisais un entrainement de cuju et je joue avec un ami à moi. SIDAO Jia, cela te parle ?
- Le secrétaire à la Maison Impériale ? Oui, évidemment.
- Figure-toi qu’il m’a raconté une absurdité comme quoi, tu voulais offrir des avantages sociaux aux eunuques et augmenter leurs salaires. Il se mit à rire. Pire encore, il m’a raconté qu’un de ces eunuques aurait dit que tu cherchais à réduire le pouvoir impérial au profit de la Cour Législative. Je l’ai naturellement conseillé de limoger son eunuque.
- Non seulement son eunuque n’est pas un menteur, mais en plus, je veux effectivement que tous ceux qui travaillent pour la Maison Impériale soient mieux traités. Cela peut être un premier pas vers de meilleures conditions de travail pour tous les citoyens du Grand Ling.
- Mh. Il ferma les yeux en ayant un soupir de désapprobation puis, les rouvrit et agita la main pour ponctuer sa phrase. Je peux comprendre que tu cherches à améliorer le sort des eunuques, après tout c’est de la communication, ça sert la politique du Gouvernement et ça t’évite de retrouver des serpents dans ton lit.
- Il ne s’agit…
- Je n’ai pas terminé. L’interrompit son père. Tu veux réduire le pouvoir impérial ? Ta mère aurait-elle donnée vie à un fou ? Un dégénéré masochiste ? Pire, un stupide ignare ?
- Surveillez votre langue. Jiajing se redressa dans son fauteuil. Vous parlez à votre fils, mais vous parlez également à votre Empereur.
- Oh, tu vas oser utiliser la carte de l’Empereur avec ton père ? Il se redressa à son tour et fixa du doigt Jiajing. Je suis l’Empereur depuis 1979, mon garçon. Je suis le chef de cette dynastie. Je t’ai donné tout ce que tu possèdes, toute ta vie, tu me la dois. Et par tous les Dieux, Je suis le Jade réincarné !
- Je vais mettre ça sur le compte de la fatigue lié à votre séance de cuju. Et c’est bien parce que je respecte mes ancêtres et mes devoirs que je ne vous fais pas immédiatement enfermer pour crime de lèse-majesté. Mais tenez encore une fois de tels propos et je vous ferais rappeler que vous n’êtes plus que l’Empereur Émérite et que vous n’êtes plus sacré ou que vous n’êtes plus autant protégé par les lois qu’avant.
- Bien. il fit claquer sa langue et se leva avant de prendre la direction de la porte où il s’arrêta pour regarder son fils. Jadis, nous étions des dirigeants, ensuite, nous sommes devenus des symboles. Ne nous fais pas devenir de simples figurants. Bonne nuit.

Chongsheng sorti sans que son fils ne bouge ni ne réponde. Il tremblait de rage et tenta de se calmer avant de rejoindre ses appartements où Fang, assurément, lui demanderait pourquoi était-il aussi maugréant. Il retourna à son bureau pour finir son repas, contre toutes attentes cette désagréable discussion ne lui avait pas fait passer le goût du pain. Mais, durant une bonne heure qu’il resta assis là à contempler le vide, il ne pouvait s’empêcher de repenser à la dureté des mots de son père. L’influence de ce dernier au sein de la Maison Impériale mettait en péril ses efforts pour disposer de la légitimité nécessaire à ses réformes.
Il rejoignit finalement ses appartements vers 22 h ou 23 h. Fang s’était assoupie devant un film. Il éteignit la télévision et la porta vers le lit avant de la border puis d’aller prendre une douche et la rejoindre au lit. Il était exténué.

26 février 2015
La veille n’avait rien eu d’exceptionnelle à offrir. Jiajing n’avait pas été productif, pas même aux répétitions de la cérémonie du couronnement. Les mots de son père continuant de raisonner en lui alors qu’il se montrait d’une incroyable gentillesse et d’une incroyable douceur en public. Même avec Fang ou ses petits enfants, il était le père qu’il n’avait jamais eu.
Lorsque le matin du couronnement Jiajing ouvrit les yeux, il n’y pensait plus. Du moins, il se disait stupide de ne pas avoir su se concentrer la veille pour aujourd’hui. La cérémonie devait débuter à dix heures, aussi cela laissait peu de temps de répit, juste assez pour prendre son épouse et ses enfants par la main et filer en douce à l’aéroport direction un pays lointain.

Pour autant, la voiture conduisant Jiajing et son épouse jusqu’à la Porte du Midi du temple du Ciel venait de s’arrêter. Ils étaient arrivés et Jiajing se rendit compte qu’un battement de cil avait suffit à séparer son réveil de son couronnement.

- Pf. Soupira t-il en regardant la masse de journalistes et de lingois à l’extérieur. Au diable ce vieu fou sénile.
- Pardon ? Lui dit Fang.
- Non rien, allons-y.

Un mur d’agent de la Garde Brodée se forma et l’Empereur descendit de sa limousine dans sa tenue d’apparat aux côtés de son épouse, elle aussi, en tenue. Ils étaient magnifiques aussi, ils posèrent un instant tout en souriant généreusement. Jiajing oublia tous ses tracas et profita de l’instant avant qu’on l’intime de passer l’imposante Porte du Midi et ses battants d’un rouge impérial profond.
Jiajing se souvenait enfin, d’abord, ils devaient avancer sur la Voie Impériale pour se rendre à l’autel du Ciel où il serait oint puis béni tout comme son épouse. Passé la porte, Jiajing vit que de chaque côté de l’imposante Voie Impériale se trouvait de nombreux soldats en tenue d’apparat laissant un espace d’au moins trois mètre pour marcher jusqu’à l’autel. Devant lui plusieurs eunuques se tenaient en rang, au premier rang, se trouvait de nombreux joueurs de tambour qui se mirent à battre en rythme indiquant le début de la parade. Jiajing laissa sa place à Sa Majesté qui prit la main de l’Impératrice et avancèrent jusqu’à l’autel tandis que les soldats effectuèrent une chorégraphie avec leur fusil au son du tambour et de la voix d’un soldat. Des jeunes qui ne devaient pas avoir plus de 15 ans eux jetaient des pétales sur le passage de l’Empereur et de son épouse. Puis, ils arrivèrent aux pieds d’une structure circulaire similaire à celle sur laquelle reposait le Pavillon des Grâces. Face à eux se tenait un escalier divisé en trois couloirs par des rambardes. Dans la tradition lingoise, seul le couple impérial pouvait emprunter l’escalier du milieu ; aussi, il était normalement barré par des portiques ou des cordons.

Ils gravirent les marches avec le plus de solennité possible. Au sommet, plusieurs religieux étaient réunis en arc de cercle autour du Dazhangguan qui portait une tenue cérémonielle d’un pourpre éclatant. Devant lui se trouvait une vasque en pierre soutenue par quatre pieds disposés aux points cardinaux et ayant la forme des quatre shijin (四象, litt. Quatre pouvoirs) c'est-à-dire l'un des gardiens des points cardinaux. Qilin le Cervidé à l’est, Xuanwu le Guerrier noir au nord, Byakko le Tigre blanc à l’ouest et Suzaku le Phénix rouge au sud. De chaque côté de la vasque se trouvait d’énormes chaudrons dégageant un parfum âpre d’encens. Le Dazhangguan récita quelques prières de circonstances alors que le couple impérial se mit à genoux face à la vasque puis de son doigt vint déposer un peu d’eau contenu dans cette dernière sur leur cheveux et leur front. Ainsi furent oints et bénis Ling Jiajing et Ling Fang ; ils reçurent par conséquent la bénédiction des dieux.

Enfin, Leurs Majestés se relevèrent et firent le tour de la vasque pour emprunter l’escalier nord de l’autel du Ciel sous les chants religieux des prêtres qui toujours unis en demi-cercle. Le reste de la parade avait fait le tour de l’autel et au pied des marches attendaient une procession trois fois plus grande qu’avant l’autel. Jiajing serra plus fort la main de son épouse alors qu’il fut pris d’un léger moment de panique. Très vite l’Empereur reprit le dessus et continua d’avancer vers le Pavillon des Grâces qui devaient se trouver à 300 ou 400 mètres devant eux. Durant tout le long, il y eut de nombreux officiels de l’Empire, des représentants étrangers, des personnes influente de tous les domaines économiques ou politique du Grand Ling. Tous ou presque tenaient un bâton d’encens tandis que les eunuques et les gardes disposés devant eux tenaient des étendards de la Dynastie Ling ainsi que du drapeau du pays. Les religieux situés de part et d’autre de leur procession chantèrent encore tandis que parallèlement à eux se trouvaient des jeunes ayant prononcé leurs Vœux récemment portant des lanternes d’encens. Toute cette troupe défilait dans une solennité exceptionnelle. La gravité de la situation n’aurait pas laissé présager qu’il s’agissait d’une célébration. Fang tourna la tête vers sa droite, attirée par le bruit du vent dans les arbres. Elle y voyait des petits bourgeons alors que l’hiver n’était pas encore terminé. Sur un autre arbre, un écureuil devint funambule le temps d’une traversée pour disparaitre de l’autre côté du tronc. Encore plus loin, un couple d’oiseaux s’envola au son du tambour. La nature semblait, pourtant, vouloir assister à cette curiosité. De drôles de bipèdes dans des tenues psychédéliques déambulant en rythme vers le drôle d’arbre coloré. La chose la plus importante des uns était la plus grande futilité des autres. Jiajing, lui, regardait les murs d’enceinte du sanctuaire desquels de petites têtes lointaines et chevelues apparaissaient et disparaissaient comme un jeu de taupe. De temps à autre, de lointaines lumières s’éveillèrent pour se taire tout aussi vite capturant à jamais l’instant. De ci et de là, dans le ciel, le vrombissement d’hélicoptères floqués aux couleurs de chaine de télévision tournaient en rond autour du temple sous le regard attentif des tours de contrôle de la ville et de nombreux membres des forces de l’ordre ou de la Garde Brodée. Ils semblaient être des fantômes errant sans but, s’arrêtant un instant pour observer la curiosité puis reprenant leur longue promenade circulaire.

Ils arrivèrent devant un escalier de pierre au sommet duquel trônait un porte marquant l’entrée vers le Pavillon des Grâces. De chaque côté de la porte se tenait un bâtiment en largeur relié à deux autres par des passages couverts et formant ensemble un U aux angles droits. Ils pénétrèrent dans cette sorte de cour où un autre autel se tenait au centre de ce U. En arrière-plan, pouvait-on distinguer une structure sensiblement pareille que celle de l’autel du Ciel exception faite que celle-ci disposait d’un escalier deux fois plus haut et que trônait en son centre un immense temple circulaire. Un silence retentit dans tout le sanctuaire. Les tambours se turent, le vrombissement des hélicoptères semblait faussement s’éloigner. Seul le bruit des étendards claquant au vent nouvellement levé se fit entendre le temps d’un instant. Sa Majesté l’Empereur et Sa Majesté l’Impératrice gravirent ce nouvel obstacle pour rejoindre l’immense temple circulaire abritant les songes des milliers de lingois qui venaient prier chaque jour demander au Ciel d’accorder ses bonnes grâces. Les centaines de bougies mourantes et le double d’encens témoignaient de la fréquentation habituelle du lieu et de la spiritualité du peuple de Jiajing.
Le couple pénétra seul dans le temple et pria le Ciel pour recevoir ses grâces. Quelques longues minutes après, ils quittèrent le temple en laissant deux bâtons d’encens et deux bougies se consumer. Ils redescendirent jusqu’à la cour où le Dazhangguan était entouré de nombreux religieux, différents de ceux de tout à l’heure. Ceux-ci portaient tous une pièce des Insignes de la Vertu Suprême. Face à l’Homme de Foi, deux fauteuil étaient montés sur une estrade qui n’était pas là lors de leur passage.
Arrivant devant le Dazhangguan, celui-ci commença à réciter des prières puis prononça une phrase qui ne fut plus entendue depuis 1979.

- Vénérable Céleste Auguste de Jade, Ling Jiajing, de la maison Ling, les dieux t’ont fait empereur du Grand Ling, protecteur des îles Lanhu, gardien de l'Épée céleste et du Sabre du dragon, actuel occupant du Trône du Dragon, héritier de l'Empereur de Jade et du Ciel ; seuls eux peuvent te reprendre ce droit divin. Puisses-tu offrir au Grand Ling et en son peuple protection, prospérité et bonheur. Acceptes-tu la mission que ton ancêtre Yuhuang a reçue de Seiryu le Vénérable, lui-même ? face à Jiajing qui était à genou face l’Homme de Foi.
- Je l’accepte. Dit Jiajing d’une voix forte, mais subtilement chevrotante.
- Ainsi, Jiajing vient de nous quitter. Au nom des dieux lève-toi Vénérable Céleste Auguste de Jade, Ling Jiajing, de la maison Ling, empereur du Grand Ling, protecteur des îles Lanhu, gardien de l'Épée céleste et du Sabre du dragon, actuel occupant du Trône du Dragon, héritier de l'Empereur de Jade et du Ciel.

Jiajing se leva et un religieux apporta la première des Insignes de la Vertu Suprême, puis un deuxième et ainsi de suite. Le Dazhangguan les lui donna une à une. Lorsque vint le moment de porter la robe impériale – qui n’était en fait qu’une sorte de tunique faite d’une pièce de tissu enroulée autour du corps – deux eunuques habillèrent l’Empereur.

- Reçoit les Insignes de la Vertu Suprême, symbole que tu es l’Empereur sous le Ciel. Symbole de ton droit divin et de ta légitimité. Protègent les et transmet les, le moment voulu, à l’héritier de Yuhuang, le Vénérable empereur de Jade.

Les Insignes se composaient du Sceau de l’Héritage du Royaume, sculpté dans une pièce de jade blanc sous le premier empereur Qin et dont la pierre fut découverte à l’Ère des Zuxian, selon la légende ; de la coiffe impériale ornée de perles suspendues devant et derrière, considérée comme l’équivalent des couronnes occidentales ; la robe impériale d’un jaune d’or et brodée de dragons, souvent accompagnés de motifs rappelant la mythologie lingoise ; la tablette de la Jade Impériale, utilisée notamment lorsque le Premier Ministre prête serment de fidélité et de protection envers la Constitution et l’Empereur ; le Bâton Cérémoniel, symbole du pouvoir, en bois d’acajou, mais plaqué de sculpture en or et en bronze, l’équivalent du sceptre royal occidental et enfin, les Neuf Trésors Sacrés étant en fait des chaudrons de bronze richement décorés, le premier fut forgé sous les Zuxian et représentant les provinces du Grand Ling.
Une copie de la déclaration faite par le Dazhangguan plus tôt, écrite à l’encre sur un rouleau décoré à la feuille, fut également donné. C’était la Déclaration du Mandat du Ciel, mais jusqu’à la Dynastie Jia, celle-ci n’était qu’orale.

Finalement, ce fut au tour de Fang de passer devant le Dazhangguan et de jurer fidélité et protection envers l’Empire. Elle n’avait qu’un rôle honorifique, mais elle représentait aussi des valeurs importantes aux yeux des lingois comme la famille, la beauté, l’intelligence, la fidélité, entre autres. Il n’existait aucun insigne hormis la coiffe impériale, le Sceau de la Première Dame d’Empire et son bâton cérémoniel. Ainsi, ils s’installèrent tous les deux sur leurs sièges pendant que de nombreux officiels de l’Empire vinrent prêter serment d’allégeance. On ne vit pas Ling Chongsheng à la cérémonie, au grand damne de son fils qui espérait asseoir son pouvoir sur celui de l’Empereur Émérite par cette cérémonie d’allégeance. Ce geste, probablement calculé, n’empêcherait pas Ling Jiajing de faire asseoir définitivement son autorité.
Lorsque au bout d’une heure, tous les officiels vinrent prêter allégeance ainsi que de nombreuses autres personnalités influentes ; le couple impérial prit la route de la Porte Septentrionale où un carrosse les attendaient pour conclure la procession jusqu’au Palais Pourpre. Ils leur restaient encore à se rendre au Temple des Ancêtres, situé dans le Palais Pourpre pour faire des offrandes aux ancêtres dont Yuhuang et terminer de légitimer leur rôle en s’inscrivant dans la continuité dynastique. Jiajing en profita pour faire une offrande à son père, pourtant encore vivant.

Enfin, le soir même et alors que le pays célébrait le couronnement de son nouvel empereur, un immense dîner fut organisé dont les restes furent offerts à tous les lingois le désirant, riches ou pauvres. Jiajing et Fang s’écroulèrent dans leur lit à trois heures du matin exténué. Ainsi fut fait empereur Ling Jiajing de la Maison Ling, 104ᵉ empereur du Grand Ling et impératrice Ling Fang de la Maison Ling, son épouse et Première Dame d’Empire.

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Politique - ZHOU Lee passe le Grand Oral de l'état de l'Union.
Par HSU Stacy - 05 mars 2015

Tôt, ce matin, le quartier entourant la résidence du Premier Ministre a dû renoncer à toutes tentatives de grasse matinée. Entre le balai incessant des véhicules entrant et sortant de l'imposante propriété du 1824 Renjing Avenue, les sirènes de police des cortèges officiels, les petites mains de l'ombre travaillant comme chaque matin sans attendre d'applaudissement le soir à 20 heures ou les badauds se réunissant devant les barrages de sécurité permanents tous intrigués et attirés pour les mêmes raisons. « Il se passe quelque chose » déclare un anonyme dans la foule. « Tous les secrétaires sont à l'intérieur » rétorque un autre. Personne ne sait vraiment quoi ni pourquoi, mais quelque chose se passe entre les murs du palais ministériel.
À l'intérieur, tout le monde s'excite et s'affole. Une véritable chorégraphie d'assistant s'organise pendant que le Premier Ministre, cerné sur trois niveaux et portant nonchalamment sa chemise de la veille, écoute les différents secrétaires parler. Des proches collaborateurs le trouvent épuisé ou tendu. Une rumeur, sale et tenace, dit que son Crohn est revenu pour parler de la maladie de Crohn dont souffre le Premier Ministre depuis des années. Dans le couloir, deux assistants plaisantent « L'Empereur vit dans un palais et a une couronne, Zhou lui vit aussi dans un palais, mais n'a pas la même crohn » en exagérant la prononciation pour la faire ressembler à couronne. Les proches collaborateurs tentent de rassurer le Cabinet, le Premier Ministre prononcera bien son discours sur l'état de l'Union cette après-midi devant la Cour Législative. Mais pourquoi tout ce tohu-bohu alors ? Parce qu'on soupçonne le Premier Ministre de vouloir renoncer à son mandat si sa condition l'empêche de remplir ses missions, ce mandat, il le vit avec l'effroyable épée de Damoclès qui est la sienne. Mais dans les rangs de son parti, l'Union, on s'inquiète quand même. Ils dominent la Chambre justement grâce à Zhou dont la figure charismatique a offert un second souffle au mouvement. Sans lui, les élections de 2018 seront sanglantes pour le Vieux Parti. L'alliance, précaire, entre l'Union, le Yongdidang (Parti du rassemblement pour l'Empereur) et le Minzhujundang (Parti populaire monarchiste) pourrait sauter en l'absence de Zhou pensent certains. Si l'union des droites saute, c'est la porte ouverte à l'opposition portée par Écolucide et la première fois qu'un parti de gauche obtient la majorité à la Chambre depuis des décennies.

Il écoute, cerné, tendu, ses secrétaires. 2015 est l'année des réformes. L'année où le Dragon doit se réveiller. Il l'a promis, c'était dans son programme et dans son discours des primaires du Parti. L'opposition l'attaque tous les jours sur cela, car depuis deux ans qu'il est à la tête du Cabinet, il n'a toujours rien fait en ce sens selon eux. Zhou doit porter son bilan de 2014 et les chiffres sont pour lui. La diplomatie lingoise tourne à 100 à l'heure. En avril le Burujoa ; en juin Westalia, la Lermandie, Fujiwa et en juillet Teyla et Sylva. Tout réussit au Premier Ministre, mais Crohn est revenu. Les chiffres sont dans le vert, la dette est en baisse alors que la balance commerciale explose et que l'argent est tellement partout qu'on ne sait plus quoi en faire, mais Crohn est revenu. En deux ans les lingois ont produit plus de richesse qu'en 10 ans et consomment plus qu'en 20 ans boostés par une hausse de près de 65'000 Tø de leur PIB par habitant, mais Crohn est revenu. Le Premier Ministre ne dit rien, sa tête est soutenue par sa main et de l'autre, il tapote sur le bois ciré de la table de réunion. Son médecin le regarde d'un air maladif en voyant son verre de whisky à moitié vide – le Tagouchi 16 ans étant le préféré du premier ministre –, entre air grave de politiciens des années 60 et questions inquiètes sur l'avenir. Puis comme un second souffle, Zhou s'exprime enfin « J'irai. » déclare-t-il. On comprend alors qu'il veut porter la voix du Cabinet sous le regard inquisiteur des Députés et des Pairs. Son bilan il n'en a pas à rougir, mais il faut préparer l'Après. Il l'avait dit il y a plusieurs mois, il se tâte à briguer un second mandat sauf que l'on comprend ce matin qu'il reconsidère ses options. En attendant, il doit défendre les réformes de 2015 et elles sont légion. Entre Santé, Instruction, Télécommunications ou Finance ; tout doit être fait. Les plus précaires doivent être aidés, mais sans agacer les partenaires de droite ou donner trop de satisfaction à la gauche au risque de se voir apatride politique. L'Instruction doit être repensée pour endiguer l'effondrement scolaire que subit le pays depuis une dizaine d'années, mais cela ne doit pas coûter trop cher « non par manque de moyens, mais par principe » nous dit le Secrétaire à l'Instruction avec légèreté. Et puis il faut amender la Constitution : l'Empereur le veut ! ZHOU Lee en rit jaune, une bataille politique de plus à ajouter sur la longue pile qui trône dans son bureau. Toutefois, il doit en profiter pour suggérer la création de nouveaux départements pour la Culture et le Tourisme, mais également un vieux souhait qu'il avait lorsqu'il commença la politique en 1977 : le Département du Logement et de l'Urbanisme. Dans un pays qui se reproduit « plus vite que des lapins », le Premier Ministre entend rendre plus efficace et plus rapide le développement du pays notamment de son urbanisme et en finir avec les constructions sauvages ou désorganisées. « Voilà où ira l'argent » annonce-t-il à l'assemblée présente. Puis le Premier Ministre se retire précipitamment, suivit par son médecin


Entrée principale de la Cour Législative de l'empire du Grand Ling
Entrée principale de la Cour Législative de l'empire du Grand Ling.
Source HRPichongqing.info, Auditorium du peuple de Chongqing.

Dans l'imposante Salle des Quatre Sceaux, la marée humaine de journalise et de curieux attendent le début de la séance qui doit commencer à 15 h. Personne n'a revu ZHOU Lee depuis le matin, mais tous les médias tournent en boucle sur le sujet depuis des heures qui paraissent des années. La télévision étrangère comme les stranéens de TVNS ou les teylais de OFM-TV évoquent la possibilité d'une démission tandis que les lingois de LGTV ou de ANews disent qu'il va arriver, qu'il doit (y) arriver. Une cloche sonne deux fois pour indiquer que la séance va débuter dans moins de vingt minutes. Elle entraîne un banc de député qui s'agglutine petit à petit vers l'entrée de l'hémicycle dans un bain de lumière éphémère et au son des « Monsieur le député, un avis sur l'absence du Premier Ministre ?! » ou de « Vous êtes confiant ?! ». L'Union sourit, le front constellé de sueur froides puis alors que les journalistes vont pour reprendre leur entrevue en direct depuis les quatre coins du monde, un défilé de Secrétaires suivi de gouverneurs provinciaux. Tous et toutes sont là à l'exception du Secrétaire à la Santé, mais aucun ne souhaite répondre ni sur l'identité des Survivants Désignés qui doivent permettre la continuité de l'État en cas de décès de tous les représentants de la démocratie lingoise – sobrement appelé attentat à l'Union – ni sur le Premier Ministre. Mais il est 14 h 50 et la cloche vient de sonner trois fois pour indiquer aux journalistes qu'ils peuvent à présent prendre place dans la galerie située au-dessus de l'hémicycle. Là où la magie législative opère il fait chaud et l'air est moite, peut-être certains n'ont-ils pu retenir la plus simple expression de leur stress quant à ne pas voir le Grand Chambellan annoncer le Premier Ministre. « Ils gesticulent plus que d'habitude » relève un confrère jashurien tandis que le tumulte du début de séance s'éteint peu à peu dans un marasme pesant et laisse place aux chuchots bruyant qui plongent l'hémicycle dans un silence assourdissant. Les deux portes de la salle se referment avec lenteur et la cloche résonne une fois : un homme se tient au pied de l'estrade, il fait face à l'assemblée forte des 465 députés et des 248 Pairs formant les Représentant de la Cour Législative.

Avec sa tenue d'apparat qui ne permet pas le doute, il annonce à l'endroit des Représentants Son Excellence NAKAMURA Hiroshi, Chancelier de la Chambre des Députés puis Son Excellence WANG Jia, Chancelier de la Chambre des Pairs. Les deux hommes que la cinquantaine a déjà bien attaqués, viennent prendre place sur l'estrade derrière le Grand Chambellan. Il est 15 h et personne n'a vu le Premier Ministre, on commence déjà à voir que l'Après arrivera plus tôt, mais dans un retournement de situation que les gl-drama n'ont encore jamais su donner aux ménagères, le Chancelier NAKAMURA en sa qualité de président de la Chambre des Députés déclare à son tour.

Honorables membres de la Cour Législative, j'ai le grand privilège et l'insigne honneur de vous présenter Monsieur le Premier Ministre de l'empire du Grand Ling, l'Honorable ZHOU Lee.

Cette phrase anodine que le protocole rend spectaculaire gagne encore plus en force. Pour l'Union c'est le symbole que Zhou n'a pas renoncé et qu'il compte bien continuer son œuvre, qu'importe quand tombera Damoclès et sa fichue épée. Pour l'opposition et ses aplaudissement polis mais timides, c'est une petite défaite mais qu'à cela ne tienne, il y a encore du temps jusqu'en 2018. On se surprend alors à rêver d'un second mandat juste pour étudier l'attitude de ceux qui espèrent que le premier ne se terminera pas, apprentis sorciers ou jeunes scientifiques devant une cage de rat de labo, la galerie fixe tous l'homme qui s'avance depuis l'entrée réouverte pour l'occasion. Le Premier Ministre enchaine les salues, les sourires et les mots à l'oreille en se nourissant des mines déconfites des progressistes, sociaux-travailleurs ou des écolucides. Ce matin, pourtant, il semblait mourrant lance le confrère stranéen tandis qu'à quelques sièges, derrière, un inconnu déclare « leurs yeux puent la haine » en parlant de l'opposition. Mais entre haine pas toujours justifiée ni justifiable et amour inconditionnel se tient ZHOU Lee qui arrive bientôt à l'estrade. Une autre voix diffuse remarque : « Sa main gauche ne quitte pas son ventre... », Crohn est revenu.
ZHOU Lee se présente enfin à la tribune sous les applaudissements de plus en plus bruyant des membres de son partis et de certains aficionados de la démocratie que les regards mauvais de leurs camarades de gauche ne perturbe pas. Il lève les deux mains pour saluer, portant parfois l'une au torse en s'incliant. Mais ZHOU Lee est un politicien imperturbable et surtout forgé dans le moule même de cette Maison dont il a parcouru les couloirs des décennies durants avant d'être élu. Il sait comment fonctionne la politique et surtout ce que cache certains sourires. ZHOU Lee est également un partisan de la démocratie dont il croit sincèrement qu'elle est le phare de l'Humanité et l'apanage des sociétés civilisées. ZHOU Lee n'a jamais été d'accord avec la gauche lingoise qu'il estime bien trop prompt à fermer les yeux sur les dérives du socialisme outrancier mais il s'est toujours battu pour qu'elle puisse continuer à le dire. C'est, à en croire son entourage et certains cadres de l'Union, ce qui le différencie des « vautours de la gauche caviar ».

Son Excellence WANG appelle au calme quelques instants avant que Son Excellence NAKAMURA donne la parole au Premier Ministre. Celui-ci, après un silence caractéristique de sa façon de s'exprimer se tourne d'abord vers les chanceliers qu'il salue et remercie avant de se tourner, enfin, vers la Cour et entame son discours sur l'Union dans un silence que certains applaudissements tardifs viendront troubler.


Honorables Représentants, Excellences, Mesdames et Messieurs les Secrétaires, Gouverneurs et depuis la galerie,

Vous pardonnerez, j'ôse espérer, mon court retard et les frayeurs que celui-ci a pu occasionner et en particulier à nos amis à ma gauche. [NDLR : rires et applaudissements provenant de députés de droite]. La dernière fois que je me suis tenu devant vous, ainsi, ce fut à la suite du mandat de convocation de Sa Majesté et j'avais, si mes souvenirs sont encore exacts, indiqué aux Honorables Représentants que se tiendrait à cette date précise l'état de l'Union. J'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur pour le délai. C'est un plaisir de reprendre cette place pour présenter aux représentants du peuple lingois les évolutions de notre Empire que j'ai l'honneur de servir en ma qualité de Premier Ministre et avec le soutien d'un Cabinet très compétent. Il y a un an - et un mois, donc - j'avais indiqué à cette même tribune que l'année 2014 serait une année pivot entre la politique stagnante de mon prédécesseur mais nécessaire et de grandes réformes promises dès la primaire de mon parti mais également lors de la campagne nationale. En ma qualité de Premier Ministre de tous les lingois, j'ai cherché cette année encore à travailler avec toutes les sensibilités politiques car je crois fermement qu'il est du devoir de tous les gouvernements de chercher le compromis pour faire avancer la plus noble des causes qui soit donné à des politiciens comme nous : faire avancer la cause du peuple lingois. Certains on voulu jouer le jeu pour les lingois et on intégré ce gouvernement où ils ont été remarquables, d'autres non pour des raisons qui n'appartiennent qu'à eux et à leur politique.

Son Excellence NAKAMURA tape deux fois dans son micro pour demander le silence, différents députés de gauche se mettent à apostropher le Premier Ministre avec force.

Honorables Représentants, pardon pour cette petite blague mais vous sembliez tendus. J'ai très probablement mal interprêté, veuillez m'en excuser.
Ainsi que j'allais le dire, l'année 2014 a été marquée par une mutation de notre système ferroviaire dont le travail formidablement mené par Son Excellence HUAN Lian est toujours en cours. L'objectif de ce dernier était d'entamer une restructuration de GL Railway à commencé par un changement de nom qui, vous en conviendrez, est plus rapide à prononcer. [NDLR : nouvelle salve de rire, plus courte]. Le grand chantier du transport lingois est encore en cours et devrait se poursuivre jusqu'à la fin de ce mandat. Le deuxième point d'importance fut de construire une diplomatie régionale et c'est à cet effet que le bicentenaire a été redoutablement efficace. Nous avons pu poursuivre le développement de partenariats avec des acteurs régionaux comme le Negara Strana ou le Burujoa et le Fujiwa dont le paroxysme seront des rencontres lino-burujaise et lino-fujiwan au printemps et à l'été 2015.
Sur le plan économique, une nouvelle année s'est achevée où notre balance commerciale est excédentaire notamment depuis que nous avons initiée notre transition énergétique vers un mix porté principalement par le nucléaire permettant une réduction drastique des coûts de productions. Par ailleurs et je me dois de le souligner, nous avons vu l'économie du tourisme passer la barre symbolique des 4 millions d'emplois et nous nous appretons à franchir la barre des 9 % de part du PIB.

[...]

Je veux m'adresser maintenant aux hussards de l'Empire que sont notre personnel soignant, nos pompiers, nos policiers, nos enseignants et tous ces petites mains que l'on voit pas mais qui fait fonctionner les rouages millénaires de notre pays. A vous, je tiens à vous remercier pour cette année encore où votre dévouement à servir l'Empire a été remarquable et une incroyable leçon d'humilité. Le Grand Ling, ingrat vous laisse depuis trop longtemps de côté et ma conscience me dicte de changer les choses.
2014 était une grande année, mais nous devons travailler tous à construire 2015 comme une année plus grande encore. Notre Empereur m'a chargé de plusieurs missions que je compte honorer et qui ferront parti des points cruciaux à aborder cette année. Mais je veux d'abord que nous réformions en profondeur le Grand Ling. Le Gouvernement de Sa Majesté travaillera sur plusieurs réformes y comprit constitutionnelles pour faire entrer le Grand Ling dans le XXIe siècle, il semble se conforter à rester aux temps anciens.

Sur la Santé, d'abord. Nous allons mettre en place une santé juste et équitable et offrir au personnel soignant des moyens, du temps et de la reconnaissance. Pour qu'ils soient fiers de leur métier car il peuvent l'être. Aux forces de police, je veux travailler à un cadre plus clément pour enrailler les mouvements d'irrespect qui commencent doucement mais sûrement à s'imiscer dans notre société. Cette année, nous travaillerons également sur la plus grande réforme de l'Instruction qui soit. Ce sera le plus gros travail de 2015 et d'une partie de 2016. Enfin, évidemment, je veux offrir aux agriculteurs une plus juste considération pour ceux qui nous permettent de manger chaque jour et qui sont de plus en plus précaires. Le Grand Ling n'abandonnera plus ses enfants et encore moins ses hussards.

Le Premier Ministre doit s'arrêter du fait des nombreux députés, pairs et mêmes des civils de la galerie qui se mettent à applaudir longuement. Les députés de l'Union se lève, imités par une quantité de députés de gauche modérée ou de centre-gauche. Le triomphe de Zhou est intégral et les appels au silence de Son Excellence NAKAMURA semble futile.

La Santé mérite un plan social que je veux ambitieux et qui, je dois l'avouer, ira dans le sens de l'opposition pour au moins certains points cruciaux. J'estime de manière pragmatique que les lingois ont le droit à la santé car un peuple qui peut se soigner est un peuple qui peut travailler ou faire des enfants. Je ne le cache pas, mon objectif est autant d'améliorer la condition de vie que d'éviter des dépenses pharaoniques hors une rage de dent qui n'est pas soignée ce sont des milliers de taels que les hopitaux et donc le contribuable, devra débourser. Ainsi donc j'ai demandé à Monsieur le Secrétaire WANG Jun de travailler à la construction d'une sécurité sociale. [NDLR : certains députés font entendre leur voix sur le sujet]. Celle-ci mettra en place une hiérarchie des soins pour cibler les remboursements et leur taux. Cette réforme que j'entend être équilibrée entre aspirations populaires et vigueur économique sera financée par des cotisations et par les autonomies de degré inférieur en fonction de leurs capacités. Je veux que cette sécurité sociale aide les familles à être fortes et heureuses à cet effet, nous allons créer un système d'allocation familiale strictement réservé aux citoyens lingois qui sont sur notre sol depuis au moins deux ans consécutifs. Je veux que le montant de ces allocations soit adapté aux revenus familiaux mais également à l'inflation.
Pour que la création, la gestion et l'organisation de ces nouveaux services ne soit pas chaotique : charge sera au Gouvernement de Sa Majesté de construire deux agences, la National Health Services Agency et la National Family Services Agency dépendant toutes les deux du Département de la Santé. Enfin et dans un soucis de facilité toujours, le Grand Ling doit se doter d'un registre national de données administratives pour simplifier un certain nombre de démarches administratives y comprit la gestion des allocations familiales ou des remboursements des frais de santé. Le National Administrative Data Registry devra donc répondre à ces demandes tout en assurant le plus haut niveau de sécurité contre la cybercriminalité. Il va permettre d'optimiser le travail des différentes agences fédérales et régionales et réduira les coûts.

De nombreux regards perplexes, surtout pour l'aile conservatrice et les libéraux radicaux sont échangés. Face à cela, ZHOU demeure impassible.

Mes amis, je vous l'ait dit, je suis un socio-libéral attaché à la méritocratie mais notre nation civilisée sera jugée auprès des dieux sur la façon dont elle a traitée ses semblables. Ne tombons pas dans le socialisme outrancier mais ne soyons pas individualistes. Cette réforme vise précisément à mieux traiter nos semblables sans être trop complaisants.
L'Éducation doit entièrement être repensée jusqu'aux fonds de nos magnifiques campagnes. Monsieur le Secrétaire SARASWATI Wayan travaille d'ores et déjà à une réforme dont le cadre législative sera présenté sous peu. Je veux travailler à renforcer les compétences fondamentales mais aussi les compétences transversales des élèves du primaire au Supérieur. Notre appareil diplomatique doit permettre de promouvoir l'ouverture internationale via des équivalences dans les diplomes et des échanges scolaires. Ce point là sera au coeur des rencontres diplomatiques que Sa Majesté et moi même auront au printemps et à l'été. Je veux dire aussi que nos enfants ont, aujourd'hui, trop peu de possibilité. Nous nous devons d'y remédier et je crois sincèrement que c'est en prolongeant la durée de l'enseignement obligatoire jusqu'à 16 ans contre 14 aujourd'hui et en proposant des formations certifiantes dès 16 ans et jusqu'à 18 ans ; que nous y parviendront. Enfin, cette année sera l'occasion de préparer la rentrée 2015 de septembre qui se fera sous le signe de cette réforme dont les deux derniers points cruciaux sont, à mon sens, l'instauration d'un système équilibré qui met au coeur de structure les valeurs d'unité de patriotisme de famille mais aussi de reflexion et de dépassement ; et l'optimisation ainsi que l'organisation de l'année scolaire en portant à 13, par exemple, le nombre de semaines de vacances par an.

[...]

Je quitterai cette tribune en ayant la conviction inébranlable, profonde et sincère que ces axes sont ceux qui feront entrer le Grand Ling dans une nouvelle ère sous le regard bienveillant de Sa Majesté, des dieux et des principes supérieurs qui régissent notre démocratie. Je pense qu'il est du devoir moral de tous les démocrates de cette assemblée que d'aider mon gouvernement a atteindre ses objectis pour le peuple lingois. Notre nation a été à l'origine d'innovations mondiales, soyons un de ces phares dans la nuit et participont à brouiller l'obscurantisme partout où il se trouve en démontrant l'étonnante capacité des lingois à innover et à créer ou porter des idéaux forts qui n'appartiennent qu'aux civilisés.
Ainsi, mes très chers Représentants, Excellences, Mesdames et Messieurs les Secrétaires, Gouverneurs et depuis la galerie ; voici les traces que suivra le Cabinet de Sa Majesté pour l'année 2015 et une partie de l'année 2016. Voici jusqu'où nous sommes allés et jusqu'où nous iront encore. Voici les principes qui apparaîtront naturellement dans la construction de notre Résolution Budgétaire 2016 et qui nécessitera inévitablement une loi de Budget Supplémentaire pour le second semestre de 2015. J'ai confiance en votre choix, et en votre capacité à supplanter les clivages partisans pour le bien commun. J'ai confiance en l'intelligence des Honorables Représentants qui sont devant moi.

Honorables Représentants, Excellences, Mesdames et Messieurs les Secrétaires, Gouverneurs et depuis la galerie ; merci pour votre écoute et votre patience.
Ainsi va la Vie, Ainsi va l'Empire.

Malgré quelques piques, le Premier Ministre semble bien s'en sortir. Dans la salle, l'air suffocant de tension laisse place à une atmosphère soulagée, au moins de façade. Tous les représentants et le Cabinet au complet se lèvent pour saluer celui qu'on surnomme La tranquille main de fer ou à la chaleur du feu de cheminée de son salon, Oncle Pingtie (Fer Paisible). Rien d'étonnant quand on sait comment s'exprime le Premier Ministre. Usant d'une lenteur calculée, chacun de ses mots semblent pesés avant d'être prononcés. Ses phrases, qu'il ponctue de sa caractéristique respiration marquée, sont entrecoupées de pauses prolongées qui traduisent un effort intellectuel. Son visage est souvent impassible mais si on le fixe de près, la réflexion est visible. ZHOU Lee a un style méthodique, presque professoral : soixante-et-onze ans et une tonalité constante habillent une fausse distance mais confère, en fait, à ses discours un sérieux institutionnel indéniable. Ses mains ponctuent ses phrases et de ponctuation, il n'en abuse pas. ZHOU Lee récite, ZHOU Lee transmet mais jamais il ne lit de papier car il veut regarder dans les yeux ses interlocuteurs lorsqu'il leur explique à quelle sauce il compte les déguster. Et parfois, un sourire sincère rappelle à tous que lui aussi, est un grand-père aimé et aimant. En somme, un simple homme que le temps a façonné de cette roche qu'on appelle Politique.

La cloche raisonne une dernière fois aujourd'hui pour indiquer que la séance est suspendue. Le Grand Oral que vient de passer le Premier Ministre est déjà salué, « il a son sursi » lance amère LAOYUN Lina. Pas le temps pour les caméras, les formations politiques quittent une à une l'enceinte du Palais Liang avec à leur tête le Premier Ministre dont le soleil illuminant son visage montre ses traits tirés et dévoile que sa main serre le tissu de son costume au niveau du ventre. Crohn est revenu.

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Culture - Fruit de Soie : L'invité peu commun de toutes les corbeilles.
Par SEAMMOOL Lee - 03 mai 2015

Derrière les murs en torchis, en brique ou en bois de nos foyers lingois, se trouve une pièce centrale où la vie familiale s'articule autour d'une table et parfois d'un buffet. Sur ce meuble, une corbeille de fruits trône fièrement, attirant conversations et regards. L'œil intrigué ou la main baladeuse se perdent parmi les pommes, les poires, les bananes, les passions non sans elle et autres oranges pour découvrir que des petits paquets, majoritairement ronds, ont été semés çà et là. Décorés de couleurs vives, souvent ornés de motifs éclatants, ces écrins précieux renferment, comme tout trésor, un fruit resplendissant.
Connaissez-vous l'étrange tradition des Fruits de Soie ? Si vous êtes lingois, nuls doutes que oui même si l'histoire derrière vous est peut-être inconnue. Si vous êtes un étranger, alors vous l'aurez sans doute remarqué dans nos étales de supermarché ou dans les allées interminables des marchés. Les Fruits de Soie sont partout, ils sont de toutes les couleurs, avec des motifs en forme de dragon, d'étoile, de scène de vie ou de motifs ayant plus ou moins de sens pour celui qui en est l'auteur et encore plus, pour celui qui le reçoit.

Né probablement au XVIe ou au XVIIe siècle sous l'Ère des Liang, les Fruits de Soie étaient à l'origine des agrumes emballés dans du papier de soie et offert entre lingois d'origine modeste à l'occasion de fêtes comme Yu (24 décembre, jour du jade), Shoucheng (10 octobre, fête des récoltes) ou Linghun (02 novembre, jour des âmes). L'abondance de ces fruits et le faible coût du papier de soie en faisait un présent facilement accessible pour les plus pauvres tout en démontrant leur générosité. Au fur et à mesure du temps, la pratique se répandit à toutes les occasions comme les anniversaires, les réceptions, par simple plaisir occasionnel, aux communions, etc. Toutefois, les Fruit de Soie connaissent leur âge d'or à partir de 1924 sous Ling Fengyi, arrière-grand-père de l'Empereur Ling Jiajing. Grand adorateur des fruits, principalement des agrumes comme les oranges ou les citrons, l'Empereur développa cette tradition en offrant chaque année plusieurs cadeaux aux eunuques et aux paysans des domaines impériaux dont une orange et un citron emballé dans un papier de soie de qualité portant les couleurs de la Dynastie Ling. Devenus un phénomène de société, les Fruits de Soie furent échangés avec des emballages de plus en plus sophistiqués.


Peinture représentant des citrons dont certains sont emballés dans du papier de soie.
Guillaume J. Zheng, Nature morte et fruit de soie, 1895, huile sur toile, 25.4 × 43.2 cm, The Imperial Gallery museum.
Source HRPW.J. McCloskey, Still Life with Wrapped Lemons, 1895, huile sur toile, 25.4 × 43.2 cm, Collection privée.

D'abord d'une simplicité déconcertante, le temps offrit à ces petits carrés de soie de la complexité de plus en plus poussés. Baladant entre couleurs vives, motifs complexes, dessins en trompe-l'œil jusqu'à être de véritables supports publicitaires pour les primeurs qui rivalisèrent d'ingéniosité pour offrir de magnifiques paysages ou motifs à apposer avec leur nom.
Sous Ling Fengyi et poussé par une popularité nouvelle, les Fruits de Soie s'étendirent au-delà des agrumes, bénéficiant de motifs plus modernes ou justement néoclassiques et de moyens de productions modernisés faisant, peut-être, perdre son charme originel à la tradition modeste.
Mais, comme de nombreuses œuvres lingoises, la symbolique joue un rôle prépondérant dans ces petits écrins artistiques. Chaque motif est empreint d'un fort symbolisme comme le héron qui vante la fidélité quand le Fenghuang vante l'immortalité et le Dragon la sagesse. Ajoutez du rouge et vous avez de la chance, du jaune de la gloire, etc. À certains égards, pour ceux qui savent lire cette langue, les papiers de soie sont une véritable histoire, une langue et un morceau de culture sans laquelle le Grand Ling ne serait assurément pas le Grand Ling. Une lettre ouverte où chaque village, chaque région, chaque famille a sa signature et c'est peut-être pour cela que les Fruits de Soie sont autant populaires. Personne ne peut s'improviser écrivain, mais tout le monde peut raconter son histoire.

Alors, quand les grands industriels s’emparent de la tradition, ils produisent à grande échelle des papiers de soie jugés sans âme, avec des histoires inventées de toutes pièces, parfois en dénaturant la symbolique chère à nos anciens. Madame Wang, octogénaire habitant la vieille ville de Neijing depuis 65 ans, s’en désole : « C’est comme salir une chose pure, quelque chose qui nous appartient. » Pour elle, les Fruits de Soie, dans leur simplicité d’autrefois, incarnaient bien plus qu’un emballage : c’était une preuve de respect, une attention presque sacrée.
Mais Hua, son arrière-petite-fille de 15 ans, porte un regard différent. « C’est peut-être l’occasion de partager l’histoire des petites gens, de ceux qui ne sont rien pour les grands mais qui ont toujours su donner » explique-t-elle, les yeux brillants d’enthousiasme. Là où sa bisaïeule voit une perte, elle perçoit une opportunité : celle de faire rayonner cette tradition au-delà des frontières du Grand Ling.

Dans tout le pays, des voix s’élèvent pour défendre cet artisanat précieux. Associations, papeteries artisanales et peintres s’organisent, non seulement pour préserver cette pratique, mais aussi pour rappeler qu’elle représente une part essentielle de leurs revenus. Pour certains artisans, les Fruits de Soie assurent plus de la moitié de leur activité, un équilibre fragile face aux productions standardisées des grandes usines.
À Dongching, une petite ville de la province du Hexie, une papeterie familiale emploie encore 538 personnes, toutes dévouées à perpétuer cet art. Leur solution pour résister à l’uniformité ? Miser sur la qualité et la créativité, en redoublant d’efforts pour innover. Leurs papiers de soie, ornés de motifs uniques, accompagnent les fruits locaux jusqu’au-delà des frontières, séduisant des pays comme le Burujoa, le Negara Strana, et même Teyla.
Teyla, justement, avait déjà croisé la route des Fruits de Soie grâce au peintre lino-taylais Guillaume J. Zheng, au XIXe siècle. Aujourd’hui, les habitants redécouvrent avec émerveillement cet art délicat, témoin d’une générosité ancrée dans la culture lingoise. À travers ces papiers de soie colorés, ce ne sont pas seulement des fruits que l’on partage, mais une partie de notre histoire peu commune.

Pour ZHAO Hanqing, sixième ZHAO à la tête de la papeterie familiale de Dongching. Son combat aux airs biblique, comme David contre Goliath, pourrait se jouer sur la conscience environnementale. Ainsi qu'une mélodie lointaine entêtante se rapprochant de plus en plus, l'écologie trace sa route dans les consciences et les habitudes si bien que Hanqing veut en faire le point fort de sa production pour les prochaines années. « Les gens veulent du local, ils veulent du qualitatif et surtout du durable ou du recyclable. Il n'y a que comme ça qu'on peut préserver notre savoir-faire. » estime-t-il sous le regard approbateur de son père Wensheng alors que ses mains accablées par le temps se pose sur la vieille presse de 1901.
Nuls doutes que l'Écologie est le combat de demain pour les Zhao. Entre les gargantuesques rouleaux de papier de soie, quelques timides rouleaux aux difformes teintes brunes cherchent leur place. On les dit en papier recyclé. Dans le laboratoire où les Zhao confectionnent leurs « collections » des exemplaires en tissue de coton bio ou de polyester recyclé passent un rigoureux examen que l'œil exigeant de Hanqing tient à faire depuis qu'il est petit.
Et c'est le même combat ailleurs. Entre ventes raisonnées et retour de l'antique concept de consigne adaptée aux Fruits de Soie, les primeurs engagés fleurissent et incitent les supermarchés à barrer de toute leur lourdeur vers la cause environnementale, au gré d'un peu de greenwashing au passage.
« Il faut ce qu'il faut ! » estiment certains lycéens interrogés à la sortie de leur supermarché, Fruit de Soie en main. Un adulte à côté approuve d'un signe de tête. « Si on cherche pas l'équilibre entre nos traditions et notre environnement, c'est notre perte qu'on trouvera ». Finalement, Ils craignent que, si le monde connu venait à disparaître, les générations futures arpenteraient une terre hostile, jonchée de petits fragments de papier oubliés, sans jamais savoir qu’eux aussi avaient autrefois porté la vie.

Ce sont des gens comme ces lycéens, ce quinquagénaire, la petite Hua, sa grand-mère ou encore la famille Zhao qui font vivre les Fruits de Soie, cette étrange coutume du Grand Ling. Elle a même ses propres adeptes, les silicophiles, qu'on pourrait presque assimiler à des victimes de Diogène et son syndrome bien mal nommé. Entre collectionneurs compulsifs ils se retrouvent à l'occasion d'expositions régionales ou de concours. Parfois, finalement, ils ne font que s'échanger des papiers de Fruit de Soie et peut-être est-ce là une autre manière de faire perdurer cette vieille tradition.

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Politique - La Cour Législative forge l'arme de l'Excellence.
Par HSU Stacy - 22 mai 2015

ambiance musicale
Deux mois. C'est le temps qu'ont mis les équipes du Département de l'Instruction pour bâtir l'ambitieux projet de réforme de l'éducation qu'a annoncé ZHOU Lee lors de l'état de l'Union en mars dernier. Deux mois que le même balai se produit dans le Saint des Saints de l'Instruction et qu'une étrange procession s'observe chaque vendredi jusqu'au 1824 Renjing Avenue à l'occasion de la réunion hebdomadaire du Cabinet. Deux mois que les cas d'alopécie et les ordonnances pour des anxiolytiques se multiplient dans l'Administration Zhou. Autant dire, pour celui qui doit convaincre tout le système démocratique du Grand Ling, une éternité.
Pour la présidente du Huanqingdang, LAOYUN Lina, c'est une aubaine. La femme de 32 ans, le silence de Renjing Avenue est synonyme d'échec non avoué. « C'est du baratin, ZHOU Lee n'a absolument rien à nous offrir » indique-t-elle avant d'ajouter « Il fait perdre du temps à la Cour et fait perdre du temps à la cause environnementale ». Mais tous dans son parti ne sont pas d'accord, un député du Qin lui se veut plus circonspect. « Le Premier Ministre est un habitué des longs silences et des arrivées en fanfare. Il l'a [NDLR : sa réforme] ». Dans le parti de Pingtie, certains partagent les doutes de l'opposition. D'autres, encore, s'inquiètent : « Pourvu que ça ne soit pas du racket aux Autonomies ». En effet, la plus grosse crainte est de faire exploser le budget des provinces comme celui des municipalités au détriment d'autres services et des lingois.

Cependant, le Secrétaire Saraswati s'est montré explicite – et rassurant, espère-t-il – « les coûts vont certainement augmenter, mais en plafond et pour avoir une main d'œuvre plus qualifiée, plus efficace et capable de s'exporter comme de s'envier ». Est-ce seulement assez pour obtenir le précieux sésame des 233 voix ? À en croire les rares communications, sur Kwikwi, dans la presse ou à la télévision ; oui. Même lors des conférences de presse, la question est édulcorée avec l'efficacité d'un agro-industriel du soda sans sucre.
Il faut pénétrer dans la confidentialité du Premier Ministre et de son Cabinet pour voir l'ampleur de la tâche. Pour ne pas se faire abuser pour les experts en communication, c'est dans le secret des petites mains que l'on trouve les meilleures informations.
Tous ceux qui ont accepté de nous parler évoquent un Premier Ministre « soucieux », parfois « tendu ». Il ne se ménage pas, dit-on. On revoit l'image du vieux singe qui sait faire la grimace devant son tableau en liège représentant les deux Chambres de la Cour. Des petits drapeaux bariolés sont aux couleurs des différents partis. On s'imagine alors dans le scénario d'une vieille série politique avec un ZHOU Lee récitant à la perfection « et BAN Li ? » pendant que l'un de ses conseillers répond du tac au tac « Non, il déjeune avec LAOYUN en espérant qu'elle le soutiendra pour son projet de barrage hydro ». L'ambiance professionnelle est cassée par les réflexions graveleuses de certains conseillers « Déjeuner ? Je croyais qu'il la sautait » provoquant des esclaffements ou l'ire. Une jeune femme, qui n'a pas relevé, s'exclame « JIA peut convaincre une dizaine de députés si les modérés soutiennent son projet de loi ».

Des heures plus tard, une tendance se dégage du tableau de liège, il semblerait que l'on voit l'orange unioniste en majorité. La porte se referme alors sur les derniers mots du Premier Ministre « Foutus députés à la petite semaine. »


Le jour J sonne comme une délivrance pour les uns et comme un débarquement sous le feu ennemi pour les autres. La singulière ambiance que l'on retrouve avant chaque séance vous jette dans le bain des intrigues politiques du Grand Ling. Des visages serrés se confondent avec des visages souriants. Le député BAN dévore des yeux la présidente LAOYUN qui, en toute réponse, parait dissimuler un sourire par un signe bref de tête. L'habituel balai de journaliste voguant de cible en cible pour faire la une du JT du soir ou du journal de demain matin s'estompe quand la cloche retentit. Tout le monde est invité à pénétrer pour la énième fois le temple de la Démocratie.

Les journalistes et curieux dans la galerie, les secrétaires sur leurs bancs et les députés à leur siège, on introduit le Chancelier Nakamura qui ouvre la séance sur le sujet du jour : Le projet de loi L15-05-21 relatif à l'organisation du système éducatif lingois et porté par l'Union. C'est Monsieur le Secrétaire à l'Instruction, SARASWATI Wayan qui présente son bébé.


Chers députés,
Je ne pense pas m'avancer en disant que tout le monde souvient de comment a commencé son engagement politique et, plus encore, comment a commencé son premier mandat de député. Je me souviens, sortant tout juste de fac de droit, avoir toujours voulu être au service des autres et faire évoluer les consciences politiques. Moi, le petit luangais, fils d'immigrée jashurienne et d'un père issue d'une minorité ethnique du Grand Ling. Je me souviens avec quelle joie et quel bonheur j'ai été reçu en faculté de droit d'une ville secondaire en banlieue de Lanling. Je me souviens à quel point j'étais heureux de payer si peu cher mes études, mais nécessitant quand même deux emplois. Je me souviens comment me tomba dessus la charge de député alors que je n'étais que le suppléant de feue PANDAY Ma Li. Cette fois, elle-même d'origine jashurienne, arrivée au Grand Ling avec ses parents pour un échange diplomatique, à une époque même où les relations lino-jashuriennes étaient quasi inexistants ; avait réussi l'incroyable exploit d'être représentante nationale dans ce pays.

Lorsque nous préparions nos projets de loi, Ma Li me racontait souvent son enfance au Jashuria, de ses 4 à 10 ans – les seules années dont elle se souvenait – et du système éducatif. Des institutrices parfois méchantes, sévères, mais redoutablement efficaces. De ces gens bien habillés, sortant de leurs belles maisons et s'en allant faire travailler les millions d'un riche patron, faire voler des avions ou apprendre à des jeunes shootés aux hormones d'adolescents, leur futur métier. Je me souviens lui avoir dit alors lui avoir demandé pourquoi ne pas y retourner plutôt qu'être ici à cravacher. Elle a souri et m'a répondu « Parce que la Troisième République n'a pas besoin de nous pour s'améliorer ». Je ne sais pas si elle trouvait la question stupide ou si elle cherchait à me transmettre une leçon. En revanche, à partir de cet instant, j'ai su que je faisais partie de ceux dont la mission était d'améliorer la vie des autres.

Je suis profondément persuadé que lorsqu'on accepte d'embrasser la cause de la représentation nationale, on accepte inévitablement de porter la responsabilité de l'avenir d'une Nation ; la nôtre. Lorsqu'on dispose d'un mandat, ce sont des centaines, des milliers ou des millions qui placent en nous leur confiance, comme leurs rêves, leurs espoirs, leurs envies. Et j'ai rencontré au cours de ma carrière, longue déjà, une folle quantité de jeunes gens qui espéraient viscéralement un meilleur lendemain.
Mesdames et messieurs les députés, chers amis, a nos enfants, nous devons offrir un lendemain plus beau que celui qu'on nous a offert. Nous leur devons, car pour reprendre les mots de l'auteur teylais Hugo Victor, L'éducation, c'est la famille qui la donne ; l'instruction, c'est l'État qui la doit.

Je vous remercie.

Le Secrétaire se rassoit sous les applaudissements nourrit de la majorité unioniste et de quelques vieux briscards de la politique. Une main se lève pour l'instant, un poing ; celui de la présidente LAOYUN. Alors, après avoir récupéré le calme, le Chancelier déclare donner la parole à la présidente qui se lève et récupère le micro situé à côté d'elle.


Merci Votre Excellence et merci Monsieur le Secrétaire à l'Instruction pour ce beau discours presque pas démagogique.
Vous l'avez très justement dit en citant un auteur du XIXe siècle, l'État doit l'Instruction. Dieux merci, l'État offre déjà l'Instruction, sinon votre département serait assez inutile.
Il est vrai qu'au regard des standards internationaux, le Grand Ling n'est certes pas le meilleur des élèves, mais nous disposons d'une bonne place malgré tout au Nazum du moins. Si nous n'avions pas de bonnes écoles, ni vous ni moi ne sauraient se tenir ici sous le regard intéressé de mes chers collègues et de la presse internationale. Cher Secrétaire, aussi touchant qu'a pu être votre discours et je le crois sincèrement, vous avez oublié une règle discrète de cet hémicycle et de la politique lingoise. Jamais de politique émotionnelle, car comme vous vous en souvenez, nos obligations en tant que représentants du peuple est de fournir une vie meilleure basée sur ce que l'on croit meilleur et sur de nombreuses études, commissions, enquêtes. Si nous commençons à voter l'avenir des uns et des autres avec uniquement des émotions ou majoritairement des émotions, alors comment être sûr que notre mission soit accomplie, que nos objectifs d'avenir meilleur soient remplis ? On ne le peut tout simplement pas et c'est normal.

Des applaudissements discrets sont entendus, le Secrétaire à l'Instruction soupire.

Voici pour le premier point. Si nous utilisons cette introduction pour regarder en détail votre proposition de loi très ambitieuse, il apparait alors que vous allez allourdir l'administration, la complexifiée et demander aux Autonomies de fournir bien plus de moyens économiques sans pour autant s'assurer qu'ils peuvent financer le coût pharaonique d'une réforme inspirée par le passé jashurien de notre regrettée collègue PANDAY. Dès l'ores, si les provinces les plus précaires doivent réduire leurs dépenses dans certains domaines au profit d'autres le problème sera juste déplacé et peut-être que l'Instruction s'améliorera mais la Santé ou la Justice ou les Affaires Sociales en patiront. Nos enfants seront alors bien instruits mais malades ou sans emplois ou encore, sans aucunes aides.

Comprenez bien que le Parti Ecolucide que je représente est pour une amélioration de l'Instruction mais pas si cela doit coûter la vie à un autre département. Pas si le personnel médical doit voir ses salaires revus à la baisse. Pas si l'État Fédéral doit intervenir encore plus dans l'autonomie des provinces ou des municipalités tout en faisant exploser son budget.

Une école trop chère est une école qui enseigne la dette avant même la lecture.

La tranchante présidente d'Ecolucide se rassoit sous les applaudissements de certains et le regard inquisiteur du Secrétaire à l'Instruction.
Le ping pong continu ainsi. L'Union défendant son bout de pain, le Cabinet soutenant sa réforme. Il faut attendre une suspension de séance précisément une heures quarante cinq après le début de celle-ci pour que la soupape de sécurité de la cocotte parlementaire s'active et que les esprits se détendent. Les visages sont tirés, tendus, énervés ou simplement désintéressés. ZHOU Lee rassemble ses troupes dans un coin et discute. Prépare l'angle d'attaque prochain et recompte les voix. Entre temps, certains modérés hésitent encore mais le charisme naturel du Premier Ministre ainsi que quelques paroles données resserrent la cohésion du Vieux Parti qu'on croyant périclitant voilà tout juste deux ans.
Lorsque la séance reprend, le Premier Ministre réouvre la séance par un discours qu'il indique vouloir conçit mais juste.


Très chère présidente LAOYUN, très chers députés.
Vous êtes dans un temple sacré qui s'efforce de donner aux lingois et parfois au monde le meilleur de notre temps. Nous sommes les Justes de la Nation et notre devoir nous incombe d'offrir à nos enfants toutes les chances d'être à leur tour des Justes et qu'importe si cela nous coûte un peu plus cher. Dans vingt ans, nous nous souviendrons de ce jour et nous le chérirons comme le premier jour où nous avons offert à notre chair et à notre sang la faculté de respirer.

Ceux qui s'opposent à cette réforme en invoquant toutes les raisons possibles doivent avoir horreur de l'Instruction, par cette raison qu'il est plus facile de gouverner un peuple d'idiots qu'un peuple de savants.


Si l'Union applaudit à s'en briser les poignets, parmis les opposants de gauche on suffoque, on blémit mais surtout on dénonce des propos durs et diffamatoires. ZHOU Lee a encore frappé de cette arme acérée qu'on appelle mot. Après dix minutes laborieux pour regagner le silence, le Chancelier parvient enfin à se faire entendre alors que les invectives se taisent petit à petit et que la lourdeur du moment reprends tout son poids. Le vote s'ouvre, les minutes défilent, la sueur perle et certains yeux convulsent regardant çà et là en quête de réponse à la fameuse question : Que votez-vous ?

Dix minutes semblent une éternité. Pourtant c'est le temps qu'il faut aux ascesseurs pour confirmer le vote. Dans une phrase solanelle, le Chancelier NAKAMURA annonce le résultat relativement prévisible.

Honorables députés, après délibération, la Chambre s’est exprimée. Le projet de loi L15-05-21 relatif à l’organisation du système éducatif lingois porté par le parti de l'Union sur proposition du Cabinet de Sa Majesté, avec une participation de 461 députés sur 465, a reccueilli 378 voix pour, 59 contre et 24 abstentions. Ainsi et conformément au processus législatif de la Cour, Il est donc adopté et transmis à la Chambre des Pairs pour la suite de l’examen parlementaire.

La séance se lève sous les applaudissements de la majorité. Le Chancelier semble tenter malgré tout d'annoncer que la poursuite de l'examen parlementaire de la réforme de l'Instruction se poursuivra dès le vote de confirmation des Pairs, le lendemain. En vain même si tout le monde le sait ou trouvera un attaché pour le lui rappeler. Sans l'avouer, ZHOU Lee et SARASWATI Wayan affichent des visages soulagés. La plus grosse pierre de l'édifice éducatif étant à présent posé, leurs visages transpirent la confiance retrouvée. L'Histoire seule jugera s'ils ont eu raison, l'Histoire et l'opinion publique.

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