31/03/2018
23:14:12
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📰 TOPIC OFFICIEL - Les actualitĂ©s du Grand Ling

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EMPIRE DU GRAND LING
ć€§éˆćžćœ‹ / Da Ling di guo
armoiries de l'Empereur.

Note Ă  l'attention des lecteurs et sortant du cadre RP.
Chers lecteurs, bienvenus sur le Topic Officiel. Ce topic sert à concentrer toutes les actualités du Grand Ling. Toutefois, ma volonté n'étant pas de se limiter à des articles de presse mais alterner entre nouvelles brÚves via la presse (principalement LDNS et TVLing) et écrits plus recherchés et plus romancés pour détailler la vie de la Cour, du Cabinet, etc.

Ainsi donc, prenez place et surtout — je l'espĂšre – plaisir Ă  dĂ©couvrir la vie au Grand Ling Ă  travers plusieurs points de vue. TantĂŽt un journaliste pro-gouvernement, tantĂŽt un journaliste d'opposition ou encore, tantĂŽt un narrateur omniscient.
Ce message sera le dernier sortant du jeu de rĂŽle alors refermons le quatriĂšme mur et bonne lecture !

SOMMAIRE
LA PRESSE :
Économie
Transport :
- Pas de miracle, juste un point oubliĂ© : GLRH dĂ©ploie enfin le train qu’elle avait promis.
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Société
- Lanhu, l'archipel des naufragés du Fujiwa.
- Zhenzhou, les Fujiwan enfoncent la Porte d'entrée du Grand Ling.
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Politique
- Élections lĂ©gislatives, le Parti Unioniste s'essouffle ?
- Élections lĂ©gislatives : l'Union fait toujours la force.
- Le Gouvernement prévoit de grandes réformes en 2015.
- ZHOU Lee passe le Grand Oral de l'état de l'Union.
- La Cour Législative forge l'arme de l'Excellence.
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Culture
- Fruit de Soie : L'invité peu commun de toutes les corbeilles.
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Divers
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LE ROMAN :
- Le crépuscule du Jade - Préparation du Bicentenaire de l'Empire.
- Le nouveau Jade - L'abdication ou la mort.
- Une nouvelle Ère - Passation de pouvoir et Nouvel An.
- Une nouvelle Ère - Couronnement et premiÚre semaine.
- Le silence des trĂŽnes ne saurait ĂȘtre Ă©ternel - Le dĂ©sordre ramchour, les mains Ă©trangĂšres, et le pas revenu des Ushong.
- Gouvernement ZHOU II - Le second mandat d'Oncle Pingtie.
- État de l'Union : La politique des Grands Travaux.
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ÉLECTIONS LÉGISLATIVE, LE PARTI UNIONISTE S'ESSOUFFLE ?
Par MEI Lin - Politique

Dans une semaine, jour pour jour, nous connaĂźtrons la nouvelle composition de la chambre basse de la Cour LĂ©gislative et par extension, le prochain Premier Ministre le plus probable. Pendant presque 15 ans, l'Union a dominĂ© le paysage politique lingois qui Ă©tait lui-mĂȘme dominĂ©, durant 30 ans, par les deux partis fondateurs de l'Union : LibĂ©ral-Monarchie (è‡Ș由搛慚 - Ziyoujundang) et le Parti nationaliste lingois (æž—æ°‘ć…š - Linmindang). Toutefois, l'Idylle semble en voie de s'achever ou plutĂŽt commence Ă  s'essouffler. Il y a encore cinq ans, « le parti prĂ©fĂ©rĂ© de Sa MajestĂ© ! » selon le slogan, jouissait d'une telle popularitĂ© que les nĂ©ophytes de la politique lingoise doutaient de l'existence d'une opposition sincĂšre. Timide, rĂ©servĂ©, absent de certaines circonscriptions ; il Ă©tait impossible quand on ne disposait pas du badge unioniste d'ĂȘtre crĂ©dible face Ă  un dĂ©putĂ© de l'Union.
Le pluralisme politique Ă©tait celui qui souffrait le plus de cette situation puisque condamnĂ© Ă  ĂȘtre un pays embrassant le monopartisme, un rĂ©gime Ă  parti unique bien malgrĂ© lui. Il a fallu attendre le 28 mars 2008 pour qu'un projet de loi sur le pluralisme politique, le Ensuring Political Pluralism by Requiring Measures in the Great Ling Act, surnommĂ© More Politics! Act voit le jour et qu'enfin, l'imposante Union cĂšde quelques parts du gĂąteau pour une meilleure reprĂ©sentativitĂ© des lingois. Des courants mineurs prirent de l'importance, certains prĂŽnant mĂȘme la fin du monarchisme, chose encore inenvisageable au dĂ©but du siĂšcle. Le gouvernement PEIFU II venait d'ouvrir sa boĂźte de Pandore.

Mais si l'Union a autant convaincu de monde pendant des dĂ©cennies, et cela, alors que la libertĂ© d'opinion est garantie depuis presque un siĂšcle, ce n'est pas par la multiplication de mesures coercitives ou par goĂ»t fonciĂšrement prononcĂ© pour les politiciens unionistes, mais bel et bien parce que ses statuts imposent l'excellence pour reprĂ©senter le peuple. Peu de scandale judiciaire ou sexuel (2 en 15 ans), toujours une Ă©locution irrĂ©prochable de la part de ses membres et surtout, « le parti prĂ©fĂ©rĂ© de Sa MajestĂ© ! ». La vĂ©ritĂ© est peut-ĂȘtre moins gracieuse que cela. Certes, l'Union fait figure de bon Ă©lĂšve par rapport Ă  certains membres de l'opposition comme le milliardaire SICHUAN Xu, fondateur de Ling Petroleum et dĂ©putĂ© du Parti populaire monarchiste, mais ce qui justifie une telle popularitĂ©, c'est encore le faible taux d'alphabĂ©tisation dans les campagnes. Si les citadins sont Ă©duquĂ©s Ă  97%, l'Ă©cole, bien qu'obligatoire, est encore trop souvent un luxe pour les paysans ou ouvriers. Dans le Wujiang, seulement 38,9% de la population est alphabĂ©tisĂ©e et parmi eux, uniquement 18% des 12-20 ans vont Ă  l'Ă©cole. Alors, tant que les rĂ©coltes sont bonnes, tant que le temps est bon, que le ciel est bleu, tant qu'ils ont des amis qui sont aussi des amoureux ; pour qui voter est un sujet bien lointain.

Ça, c'Ă©tait la rĂ©alitĂ© du Grand Ling jusqu'en juin 2008. Alors que l'Union remportait seulement 237 des 465 siĂšges de la Chambre des DĂ©putĂ©s, ce fut la premiĂšre claque pour les unionistes : d'autres idĂ©ologies existent ! Eh oui, le More Politics! Act avait permis de limiter les budgets de campagne et interdisait Ă  certains secteurs stratĂ©giques de financer des politiciens comme le secteur de la pĂ©trochimie ou de l'ArmĂ©e. En outre, il mettait en place un fond gouvernemental chargĂ© de rembourser une partie des frais de campagne pour tout parti rĂ©alisant un score de plus de 10%, soit les partis de l'Union (51%), du Yongdidang (19%), du Shegongdang (11%) et du Huanqingdang (10%). Le gouvernement PEIFU II n'Ă©tait pas guidĂ© par un sentiment dĂ©mocratique, mais bel et bien par des intĂ©rĂȘts plus pragmatiques. Puisque l'idĂ©e commune Ă©tait que seule l'Union parvenait Ă  faire des scores de plus de 10%, seule l'Union aurait des remboursements de campagne et donc, ferait des Ă©conomiques. Parce qu'il existait une myriade de petits partis insignifiants autour du colosse unioniste, ils seraient encore plus limitĂ©s dans leurs moyens et le monopartisme chĂ©rit de l'aile droite du parti pourrait fleurir et s'Ă©panouir dans une assemblĂ©e lavĂ©e de toute opposition.
Fait est que rien ne s'est passĂ© comme prĂ©vu et qu'aujourd'hui, tous les sondages rĂ©alisĂ©s jusqu'ici donnent Ecolucide (Huanqingdang) comme en phase de devenir le principal opposant de l'Union, notamment parce qu'outre le fait d'avoir centrĂ© leur lutte contre le dĂ©rĂšglement climatique et la protection de la biodiversitĂ© ; ils le font avec luciditĂ©, sans forcer dans les extrĂȘmes et donc, sans empĂȘcher les paysans parfois illettrĂ©s, d'avoir Ă  manger dans leur assiette demain encore.

Fort de 47 siÚge à la Chambre des Députés, actuellement ; dÚs le six, ils pourraient en obtenir 50 de plus, mais la question est de savoir si ces siÚges seront rafflés principalement à la majorité unioniste ou auprÚs des timides opposants comme le Shegongdang ou le Minzhujundang ayant respectivement 51 et 28 siÚges. Quoi qu'il en soit, l'Union n'a pas dit son dernier mot, spécifiquement à la faveur du Yondidang, principale opposition à la Cour Législative, ils occupent 88 places qu'ils pourraient bien vouloir partager avec l'Union pour faire avancer leur agenda politique de droite.
Il ne reste que sept petits jours pour en avoir le cƓur net, sept petits jours pour savoir ce que les petits paysans dĂ©sintĂ©ressĂ©s feront pendant qu'on devinera aisĂ©ment les choix des citadins expĂ©rimentĂ©s.

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ÉLECTIONS LÉGISLATIVE : L'UNION FAIT TOUJOURS LA FORCE.
Par SEAMMOOL Lee - Politique

Le 10 octobre dernier, les lingois étaient invités à se prononcer dans les urnes pour redéfinir le paysage politique national suite à la dissolution de la Chambre des Députés par Sa Majesté. En effet, il faut dire que la situation entre le Parlement lingois et le Gouvernement était de plus en plus tendu et le vote de défiance du 24 septembre dernier n'a rien arrangé à la chose. Fort de cette expérience, l'Empereur a appelé à l'unité et à ce que le peuple s'exprime en dissolvant l'Assemblée pour convoquer de nouvelles élections. Ces élections ont été bien plus importantes que les élections nationales de 2009 puisque pour la premiÚre fois depuis des années, l'Union (Lianhedang) semblait fragilisée. Tous les observateurs nationaux et internationaux estimaient comme imminent la « désunion ». La fermeture des derniers bureaux à vingt heures entraina le début d'une longue attente, notamment pour le Premier Ministre Peifu parce qu'il remettait son titre en jeu.

Les premiers rĂ©sultats sont tombĂ©s dĂšs 20 h 30 et donnaient dĂ©jĂ  une trop courte avance Ă  l'Union, ce qui n'est gĂ©nĂ©ralement pas bon signe. Deux heures plus tard, le rĂ©sultat final Ă©tait prononcĂ© et validĂ© dans la foulĂ©e par la Cour SuprĂȘme. L'Union fait vraisemblablement toujours la force puisque outre conserver ses 237 siĂšges acquis en 2009 ; ils en remportent 27 de plus. Cette victoire ne fut rendue possible que par l'union des partis monarchistes entre eux, Ă  savoir le Lianhedang, le Yongdidang et le Minzhujundang. Pour ĂȘtre d'autant plus honnĂȘte, les siĂšges revenant au Lianhedang ne sont d'ailleurs techniquement plus que de 228, les 36 autres Ă©tant partagĂ©s entre les 21 du Yongdidang et les 15 du Minzhujundang.
En outre, c'est le Huanqingdang qui a déjoué les pronostics. Si les scénarios les plus optimistes donnaient une cinquantaine de siÚges supplémentaire par rapport à 2009, ce n'est pas moins de 105 siÚges que le parti à su récupérer, notamment en profitant des dissensions au sein du Shegongdang classé plus à gauche que lui et surtout, en volant quelques votes au Lianhedang.

La derniÚre ligne droite de ces élections fut hier lorsque les candidats, désignés par les partis leur de congrÚs tenus entre le 10 et le 12 octobre 2013, se sont opposés pour obtenir le vote de confiance de la Cour Législative. Sans surprise, le Lianhedang était largement donné vainqueur du fait de sa nouvelle alliance avec le Minzhujundang et le Yongdidang. Sous conditions imposées par les représentants du Yongdidang, PEIFU Li n'a pas été autorisé à se présenter comme candidat pour le parti de la majorité, titre offert à ZHOU Lee réputé plus consensuel, particuliÚrement pour sa position à l'aile conservatrice du parti. Face à lui, il y avait MIU Andréa pour le Jinbudang ; LIU Jie pour le Shegongdang et TANAKA Kaito pour le du Huanqingdang. Malgré le verbe affirmé de TANAKA Kaito et des autres candidats, aucun n'a pu voler le vote de confiance de la Cour à ZHOU Lee, convoqué ce jour par Sa Majesté pour former un gouvernement en son nom.

Dans les prochains jours, Monsieur le Premier Ministre ZHOU devrait proposer son Cabinet Ă  l'Empereur et Ă  la Cour LĂ©gislative qui devront l'approuver pour reprendre l'exercice de l'État laissĂ© lĂ  oĂč le Cabinet PEIFU II l'a laissĂ©.

Nouvelle composition de la Chambre des Députés.

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Situation par défaut GL
LE CRÉPUSCULE DU JADE
Préparation du bicentenaire de l'Empire.

Les premiers rayons de l’aube perçaient avec langueur la couche de nuage qui flottait au-dessus de la CitĂ© ImpĂ©riale encore endormie. Les « petites gens » comme l’informelle coutume dĂ©signait les serviteurs du palais, commençaient leur travail de fourmis. Il y avait quelques tĂąches Ă  accomplir pour rĂ©veiller la vieille demeure de la famille impĂ©riale et surtout, pour dissimuler les souvenirs que la tempĂȘte de la nuit derniĂšre avait concĂ©dĂ© Ă  offrir. Ça des jardiniers rĂ©cupĂ©raient et taillaient les branchages des ginkgos plantĂ©s en 1832 dans le parc du palais, lĂ  des suivantes prĂ©paraient le rĂ©veil des dames de la cour.
Sept heures venait d’ĂȘtre annoncĂ© par les cloches des temples shintaoĂŻstes, les Ă©glises et bien d’autres Ă©difices publics de Neijing. À sept heures, l’Empereur Ă©tait rĂ©veillĂ© par les eunuques de la Direction des Chambres, l’un des services du tentaculaire DĂ©partement de la Maison ImpĂ©riale.
Dans l’épaisse moiteur d’une chambre au rĂ©veil oĂč rĂ©gnait une trĂšs forte odeur de bois d’agar, de cĂšdre et de cannelle ; un petit groupe de serviteurs, ayant abandonnĂ© le bien le plus prĂ©cieux d’un homme, s’affairaient Ă  aider Ling Chongsheng pour son habillement. MiaoMiao, l’un des plus apprĂ©ciĂ©s du Vieil Empereur, s’approcha du lit oĂč gisait un corps, d’apparence sans vie.

- Sire, il est l’heure, dit-il.

Le gisant ne daigna pas rĂ©pondre, aussi MiaoMiao se racla la gorge pendant que certains de ses compĂšres s’affairaient Ă  prĂ©parer la piĂšce pour Chongsheng.

- Sire, il est sept heures. Monsieur le Premier Ministre ne va pas tarder.

Soudain, le gisant finit par obtempĂ©rer et s’éveilla doucement dans quelques toussotements que sa condition avait obligĂ©s ces trois derniĂšres annĂ©es. MiaoMiao sourit et recula d’un pas pour s’incliner au plus bas.

- RelÚve-toi MiaoMiao, il est bien trop tÎt pour le cérémoniel, dit Ling Chongsheng en se frottant les yeux avec lassitude.

Deux serviteurs tirĂšrent les rideaux de soie qui obstruaient les fenĂȘtres de la chambre impĂ©riale et ouvrirent ces derniĂšres. Les lumiĂšres soudaines des fenĂȘtres dĂ©nudĂ©es parvinrent jusqu’aux yeux fatiguĂ©s de l’Empereur qui ne put retenir un rĂąle de dĂ©sapprobation. Il n’avait jamais supportĂ© cette façon de faire, pas mĂȘme alors qu’elle Ă©tait restĂ©e inchangĂ©e depuis au moins deux cents ans. Il avait fini par se convaincre que cette tradition, aussi dĂ©sagrĂ©able fĂ»t-elle, Ă©tait un mal nĂ©cessaire pour ragaillardir un corps endormi.
La piĂšce dans laquelle dormait le Jade depuis prĂšs de trente-cinq ans se dĂ©couvrit sous un nouveau jour. Elle Ă©tait relativement modeste et se situait dans une annexe du Palais ImpĂ©rial. Les murs Ă©taient recouverts de moulures en bois et peints en rouge. DiffĂ©rentes scĂšnes de vie peinte de maniĂšre traditionnelle venaient apporter quelques teintes de couleur. Au plafond, s’élevant au moins Ă  quatre ou cinq mĂštres, d’autres moulures encadraient un lustre principal qui avait Ă©tĂ© Ă©quipĂ© voilĂ  bien longtemps des progrĂšs offerts par la fĂ©e Ă©lectricitĂ©. Ling Chongsheng se redressa avec l’aide de son serviteur et posa ses pieds nus sur le sol en dalle de pierre un peu trop froid Ă  son goĂ»t. AprĂšs une quinte de toux et quelques bĂąillements, l’Empereur se leva sous le flot de parole d’un eunuque qui rĂ©citait les nouvelles lues dans un journal local. Ling Chongsheng tituba jusqu’au centre de la piĂšce oĂč un tapis Ă©pais reprĂ©sentant une version stylisĂ©e du Dragon d’Azur et d’un fenghuang. LĂ , un balai se tint autour de lui, d’abord pour Ă©ponger son front ensuĂ© puis pour retirer sa robe de chambre, le laver et le revĂȘtir de sa tenue de petit dĂ©jeuner. C’était une forme de rituel appelĂ© le Premier Habillement auquel Ling Chongsheng n’avait jamais dĂ©rogĂ©, mĂȘme aujourd’hui. Ces derniĂšres semaines, c’était devenu de plus en plus difficile d’habiller l’Empereur parce qu’il perdait rĂ©guliĂšrement du poids, mais Ă©galement parce qu’il Ă©tait devenu un petit bonhomme trapu. Le portrait qui trĂŽnait au-dessus d’un Ăątre, qu’un eunuque chargeait en bois pour allumer un feu malgrĂ© les vingt-quatre degrĂ©s Celsius de l’extĂ©rieur, le reprĂ©sentant vers ses quarante ans en compagnie de l’ImpĂ©ratrice, l’ImpĂ©ratrice DouairiĂšre et ses cinq enfants n’avait plus rien Ă  voir avec ce qu’il Ă©tait devenu. C’était comme regarder la dĂ©chĂ©ance en face sans mĂȘme pouvoir avoir pitiĂ©, car tous savaient qu’ils refuseraient ardemment qu’on lui rappelle que cela faisait trois ans qu’il devait partager son corps avec un mal.


Le Vieux Dragon toussa encore jusqu’à devoir porter un carrĂ© de soie blanche Ă  sa bouche qu’il confia rouge Ă  MiaoMiao. Celui-ci le fit disparaitre dans la poche intĂ©rieur de sa tunique. Un dernier eunuque s’approcha, la tĂȘte si inclinĂ©e qu’on aurait dit que son visage n’était qu’un amas de cheveux, il portait un petit plateau d’argent sur lequel Ă©tait disposĂ© un verre d’eau et deux comprimĂ©s. Sans un mot ni une grimace, l’Empereur vida le contenu en croquant ses deux cachets rĂ©putĂ©s pour avoir un goĂ»t si infĂąme que le citron semblait rendre le visage attrayant de ceux qui croquaient dans son fruit.

- Je crains ne plus supporter ces immondices encore bien longtemps, dit l’Empereur d’une voix monocorde alors qu’il nouait la ceinture de sa robe.
- Votre mĂ©decin a Ă©tĂ© clair, ĂŽ VĂ©nĂ©rable Auguste. Si vous voulez vivre suffisamment longtemps pour voir le TroisiĂšme Prince s’acquitter de ses devoirs de pĂšre, vous devez continuer de prendre votre traitement, rĂ©pondit MiaoMiao en aidant son monarque Ă  enfiler sa pantoufle droite.
- Le goĂ»t est si
 pre, c’est beaucoup d’inconfort pour des rĂ©sultats plus que mitigĂ©s.

MiaoMiao prit le deuxiĂšme pied entre ses mains et y insĂ©ra l’autre pantoufle.

- Je fais confiance au jugement du Jade RĂ©incarnĂ©, mais peut-ĂȘtre que nous n’aurions pas eu cette discussion aujourd’hui, sans cela. Il prit une pause pour se relever et continua en fixant ses propres pieds. Peut-ĂȘtre que Sa MajestĂ© n’aurait plus jamais parlĂ© depuis des mois ou des annĂ©es et que c’est le Premier Prince, devenu monarque, qui aurait participĂ© Ă  ce Premier Habillement.
- Ou Peut-ĂȘtre que j’aurais Ă©tĂ© de meilleure humeur prĂ©sentement. Conclue l’Empereur avant d’aller lourdement s’asseoir sur un fauteuil disposĂ© Ă  cĂŽtĂ© d’une table, dans un coin de la piĂšce.
LĂ -dessus, MiaoMiao et tous les autres eunuques se jetĂšrent Ă  terre, tous Ă©taient tournĂ©s vers l’Empereur, la tĂȘte collĂ© au sol.
- Que Sa MajestĂ© le VĂ©nĂ©rable Auguste de Jade me pardonne si jamais je suis coupable de son humeur. Un mot et je me ferai Zishi. PrononcĂšrent presque tous en cƓur les serviteurs.
- Pauvres idiots ! Vous savez pertinemment que je ne parlais pas de vous, relevez-vous et que l’on
 L’Empereur s’arrĂȘta pour Ă©chapper une toux grasse qui laissa juste assez de temps aux eunuques pour se relever. Que l’on me conduise au Grand Salon pour le repas.

Les eunuques rĂ©pondirent d’une seule voix et deux d’entre eux aidĂšrent l’Empereur Ă  se relever pendant que quatre autres ouvraient et fermaient la voie du petit cortĂšge impĂ©rial.


Le Grand Salon se trouvait dans l’un des nombreux pavillons du Palais ImpĂ©rial. Plus prĂ©cisĂ©ment, il se trouvait Ă  quelques centaines de mĂštres de la chambre impĂ©rial, dans la cour de l’Aurore ÉclairĂ©e. Celle-ci hĂ©bergeait Ă©galement le Fangshan, c'est-Ă -dire les cuisines impĂ©riales, mais Ă©galement le garde-manger, un fumoir qui Ă©tait en fait un petit salon destinĂ© aux seconde partie de soirĂ©e aprĂšs les dĂźners oĂč les hommes se retrouvaient pour fumer ; et Ă©galement diverses chambres d’amis.
La piĂšce mĂȘme du Grand Salon Ă©tait tout en longueur et en son centre se trouvait une grande table pouvant accueillir au moins dix Ă  quinze convives. Les murs Ă©taient richement dĂ©corĂ©s et d’énormes lanternes lingoises tombaient du plafond, accrochĂ©s Ă  mĂȘme les poutres de la charpente qui trĂŽnait aussi haut que le plafond de la chambre de Ling Chongsheng.
Lorsque le Monarque entra, tous ceux attablĂ©s se levĂšrent sans mots-dire et c’est la toux de plus en plus grasse et la respiration sifflante de l’Empereur qui cassaient l’effroyable silence rĂ©gnant dans la piĂšce depuis quelques instants.
Il fut installĂ© lourdement sur une chaise que les eunuques prirent soin de rapprocher de la table. D’un geste nonchalant de la main, il congĂ©dia — ou remercia — ses serviteurs. MiaoMiao s’approcha de son Empereur et dĂ©posa un carrĂ© de soie propre sur la table, Ă  portĂ©e de main du vieil auguste. L’ambiance dans la piĂšce Ă©tait terriblement froide et tendue. Aucun des membres de la famille impĂ©riale prĂ©sents ici ne s’adressaient la parole et ne se regardaient encore moins. Il semblait Ă©vident, mĂȘme pour quelqu’un qui Ă©tait Ă©tranger Ă  ces gens, de voir qu’un mal profond et lointain habitait leur relation. Ce genre de non-dits familiaux qui avaient la fĂącheuse habitude de dĂ©truire plutĂŽt que rapprocher, ce genre de secret que famille publique comme celle de la Maison ImpĂ©riale ne pouvait pas se permettre d’exposer aux yeux de tous. Mais le Palais Pourpre avait ses chuchots et leurs maitres. Il Ă©tait devenu aisĂ© de connaĂźtre la vie de chacun des membres de la famille impĂ©riale lorsqu’on faisait partie des Ă©lus travaillant ou vivant au sein de cette demeure de plusieurs hectares. Aussi, une servante avait racontĂ© qu’une histoire de tromperie Ă©tait en cause, mais l’un des jardiniers avait dĂ©menti en expliquant que la raison Ă©tait sur la lĂ©gitimitĂ© de l’HĂ©ritier. Enfin, cela Ă©tait sans compter le chasseur de rat qui avait entendu par l’intermĂ©diaire d’un maçon que l’Empereur prĂ©voyait de marier les enfants de l’HĂ©ritier avec ceux de la PremiĂšre Princesse pour renforcer la lignĂ©e et le Sang. Il Ă©tait facile de connaĂźtre ce qu’on voulait ou croyait connaitre sur la famille impĂ©riale, plus difficile d’obtenir les vĂ©ritĂ©s.
Soudain, la PremiĂšre Princesse, Son Altesse ImpĂ©riale Ling Chunhua se racla la gorge et dĂ©posa ses mains sur ses cuisses en se tournant vers son pĂšre l’Empereur.

- Bonjour, Votre Majesté.
- Bonjour, mon enfant, rĂ©pondit l’Empereur sans la regarder.

MiaoMiao apporta un petit bol de riz, du bouillon de poulet et un thĂ© au Monarque avant de s’incliner bas et quitter la piĂšce.

- Comment fut votre nuit ? Reprit la jeune femme.
- Moins bien que celle d’hier, mais probablement meilleure que celle de demain.

La jeune femme soupira avant de poursuivre.

- PÚre, que dit le médecin ?
- Les mĂȘmes banalitĂ©s que depuis des mois. Assez parlĂ© de ma santĂ©. Nous savons tous le mal qui m’afflige et je suis plus intĂ©ressĂ© par celle de mes chers enfants ici. Il se tourna vers le jeune homme qui ne devait pas avoir plus de quarante-cinq ans. Cher Premier, les prĂ©paratifs du bicentenaire avancent ?
- Oui, Votre MajestĂ©. Une trĂšs belle cĂ©rĂ©monie se tiendra le dix-neuf juin, selon votre convenance, mais
 Il s’arrĂȘta un instant en reposant sa cuillĂšre dans son bouillon. PĂšre, un dernier mot sur votre santĂ©, serez-vous lĂ  pour voir ce que vous avez mis des annĂ©es Ă  organiser ?
- Si Seiryu — un autre nom pour parler du Dragon d’Azur — consent Ă  ne pas m’envoyer chevaucher Qilin jusqu’au Ciel, alors il n’existe aucune raison qui pourrait m’empĂȘcher d’y assister, Jiajing.
- Puisse Seiryu, Tian et Yuhuang vous entendre.
- Puisse-t-il surtout assurer à mes enfants et mon peuple paix, sérénité et santé.

Une femme d’à peu prĂšs le mĂȘme Ăąge que Jiajing reposa dĂ©licatement sa tasse de thĂ© et se tourna vers l’Empereur, elle Ă©tait d’une rare beautĂ©, les yeux pĂ©tillants. Elle posa sa main sur celle de son Ă©poux.

- Votre MajestĂ©, PĂšre, Jiajing a extrĂȘmement bien avancĂ© sur la cĂ©rĂ©monie. Mon Ă©poux saura vous rendre fier qu’importe oĂč vous serez.
- J’en suis heureux, Fang. Pour ne rien cacher Ă  ma belle fille, j’avais de lĂ©gers doutes sur les capacitĂ©s de Jiajing. Encore une fois, le sacrĂ© Ciel s’est jouĂ© de mon instinct.

Une autre femme, plus jeune de quelques annĂ©es et non moins jolie, s’arrĂȘta quelques instants de bercer le bĂ©bĂ© qu'elle portait dans ses bras pour fixer Fang et Jiajing Ă  tour de rĂŽle.

- Qu’importe oĂč il sera ? Sa MajestĂ© sera sur son trĂŽne, saluant ceux qui dĂ©fileront devant lui. Ne soyez pas trop pressĂ©e de remplacer MĂšre comme consort.
- Je
 Balbutia Fang en fixant la jeune femme. Il n’a jamais Ă©tĂ© question d’avoir hĂąte de voir Sa MajestĂ© mourir ou plutĂŽt de me voir couronner ImpĂ©ratrice consort. Je puis vous l’assurer, Princesse Yu Ming.
- Ce ne serait pas la premiÚre fois que vous vous hùter à vous rapprocher du pouvoir. Enchérit un jeune homme à la droite de la princesse.
- Et vous, ça ne serait pas la premiÚre fois que vos diffamations portent atteinte à ma famille.

Ling Chongsheng sembla prit d’une Ă©nergie nouvelle. Il se recula brusquement pour se lever au point que l’imposant fauteuil sur lequel il Ă©tait assis se renversa au sol dans un fracas Ă©pouvantable.

- Assez ! Dit-il en tapant du poing sur la table qui se rĂ©percuta en Ă©chos dans la vaisselle. La Couronne et cette maison, celle du Dragon, ne peut pas survivre encore des siĂšcles si vous continuez de vous affronter continuellement. Vous ĂȘtes mes enfants et je vous aime si profondĂ©ment qu’il m’est insupportable de revoir chaque jour cela.

Ling Chongsheng marqua une pause. Soudainement, il parut dix ans plus vieux, il n’avait plus aucun souffle et l’on aurait dit qu’il n’avait pas dormi depuis au moins trois nuits. Ses yeux paraissaient ridiculement petits et les poches du dessous donnaient l’impression d’ĂȘtre Ă©norme, renforçant le sentiment de vieillesse sur son visage. Il prit une inspiration et d’une voix plus calme reprit.

- Il est temps que vous fassiez la paix et oubliez ce passif corrosif. Ce n’est pas votre empereur qui le demande, mais votre pĂšre. Ce vieil homme qui ne sera peut-ĂȘtre plus lĂ  encore longtemps. Ce vieil homme qui ne pourra jamais trouver de repos si sa Maison continue de se dĂ©chirer.

Des eunuques avaient relevĂ© l’imposant fauteuil et l’avaient rapprochĂ© de l’Empereur. Ce dernier, d’un geste trĂšs peu assurĂ©, se laissa tomber dedans, rĂ©cupĂ©rant le carrĂ© de soi disposĂ© par MiaoMiao pour s’éponger le front et tousser grassement, crachant dedans quelques glaires de sang.


Un long silence s’ensuivit durant lequel tous mangeaient, du moins ceux qui disposaient encore d’un appĂ©tit suffisant. Ni Fang, ni Jiajing, ni Yu Ming s’échangĂšrent de regard. L’Empereur finit son thĂ© sans avoir touchĂ© ni au bouillon, ni au riz et, se massant l’estomac en dissimulant une grimace de douleur, finit par se relever avec Ă©normĂ©ment de difficultĂ©, si bien que deux serviteurs durent l’épauler. Ils conduisirent l’Empereur vers sa chambre oĂč celui-ci fut habillĂ© dans sa tenue du jour. C’était un trĂšs joli ensemble brun foncĂ© dont la chemise Ă  cinq boutons terminait en col mandarin. LĂ -dessus, une mĂ©daille en forme de croix stylisĂ©e avec entre les branches les armoiries de l’Empire, en fond le Soleil et au centre les armoiries impĂ©riales fut posĂ©e Ă  la droite de sa poitrine et une longue Ă©charpe en soie jaune fut dĂ©posĂ©e de son Ă©paule gauche Ă  sa hanche droite. Celle-ci finissant en nƓud duquel s’échappa l’emblĂšme du shintaoĂŻsme dont il Ă©tait le chef.
Peu aprĂšs et quelques carrĂ©s de soie ensanglantĂ©s plus tard, l’Empereur fut amenĂ© Ă  son bureau qui se trouvait non loin du Pavillon de la Vertu CĂ©leste, abritant le trĂŽne du Dragon. Il lisait, non sans difficultĂ©, le LDNS du jour qui racontait entre autres choses qu’une coulĂ©e de boue Ă  Qingyun avait fait cinquante morts et vingt-sept blessĂ©s. Soudain, on toqua Ă  la porte et un eunuque entra directement.

- Votre MajestĂ©, Monsieur le Premier Ministre Li PEIFU. Dit l’eunuque, le menton inclinĂ© et les yeux fixant un point imaginaire du plafond.
- Faites entrer, rĂ©pondit l’Empereur en retirant ses lunettes de vue et repliant soigneusement le journal qui avait Ă©tĂ© repassĂ© quelques heures plus tĂŽt.

Un petit homme chauve entra. Il avait une petite moustache et le visage fin. Il portait un costume trois piĂšces parfaitement ajustĂ© et bleu nuit. Il s’approcha du bureau de l’Empereur avec un petit coffre de bois rouge et s’inclina trĂšs bas avant de dĂ©poser ladite boite face Ă  Sa MajestĂ© et le contempla quelques instants. L’Empereur paraissait encore plus vieux et fatiguĂ© que ce matin. Pire encore, PEIFU Li avait connu l’Empereur bien avant sa maladie. Ling Chongsheng avait toujours eu la rĂ©putation d’avoir une santĂ© de fer et surtout une vitalitĂ© remarquable. Aujourd’hui, il semblait terriblement vieux, fatiguĂ© et ses yeux Ă©taient devenus presque vitreux. Par moment, il Ă©tait difficile de ne pas avoir l’impression que c’était un corps sans Ăąme, la moitiĂ© d’un ĂȘtre vivant menacĂ© par un sablier invisible et une Ă©pĂ©e de DamoclĂšs bien rĂ©elle. Ling Chongsheng avait probablement plus que quelques semaines, quelques mois de vie, mais tout en lui laissait croire qu’il ne lui restait plus que quelques heures.

- Bonjour, Li. J’espĂšre que l’AIGU — l’Agence ImpĂ©riale de Gestion des Urgences — que je vous ai suggĂ©rĂ© de crĂ©er il y a deux ans va s’avĂ©rer utile Ă  Qingyun.
- Bonjour, Votre MajestĂ©. J’espĂšre que vous allez bien. Oui, c’est une tragĂ©die ce que vivent les Qingyunese. Aux derniĂšres nouvelles, deux hĂ©licoptĂšres de secouriste quadrillent la zone pendant que les pompiers au sol tentent de trouver d’autres survivants dans les dĂ©combres.
- Bien. Que le Ciel ait pitié de ces pauvres ùmes.
- Oui, puisse-t-il. Vous trouverez tous les dossiers important du Gouvernement, la cérémonie du Bicentenaire est évidemment une priorité.
- Avez-vous eu vent des progrÚs du Prince Jiajing ? Les invitations ont-elles été envoyées ?
- Je ne saurai le dire, Sire. Mes DĂ©partements et moi-mĂȘme, nous nous sommes concentrĂ©s sur la gestion de l’évĂ©nement et de la sĂ©curitĂ© de tous.
- Comment cela vous ne sauriez le dire ? J'ai confiĂ© la gestion du cĂŽtĂ© de la Maison ImpĂ©riale au Premier Prince et vous, vous en occupez du cĂŽtĂ© de l'État. Vous ne communiquez donc jamais ? L'Empereur haussa un sourcil.
- C'est-Ă -dire que le Prince ne tient pas au courant votre Cabinet de l'Ă©volution de ses prĂ©paratifs. Nous avons plus ou moins le plan de ce qui doit ĂȘtre fait, mais pas si cela a Ă©tĂ© fait.
- Je vais devoir parler au Premier Prince alors. Cette cĂ©rĂ©monie ne saurait ĂȘtre un Ă©chec parce que deux hĂ©rons n'arrivent pas Ă  communiquer.
- Votre Cabinet serait honorĂ© de votre aide sur le sujet, Sire. Pour revenir Ă  notre partie de la cĂ©rĂ©monie, il nous faudra peut-ĂȘtre envisager quelques renforts venant de l’armĂ©e.
- L’armĂ©e ? Ling Chongsheng fixa son premier ministre d’un Ɠil de juge. En plus de trente-quatre ans de mon rĂšgne, jamais aucun soldat lingois ou Ă©tranger n’est rentrĂ© en arme dans le Shengjie. Sous le rĂšgne de mon pĂšre non plus, par ailleurs.
- Veuillez m’excuser, Sire, mais, hĂ©las, ni vous avant cela, ni votre pĂšre, que Seiryu le bĂ©nisse ; n’avez eu Ă  fĂȘter deux siĂšcles de rĂšgne de la Dynastie Ling. Encore moins dans votre Ă©tat.

L’Empereur allait lui rĂ©pondre quelque chose, mais comme le Coquin de Sort en avait aprĂšs lui, il se mit Ă  tousser violemment pendant quelques longues secondes. Le Premier Ministre prit la carafe d’eau qui se trouvait non loin du bureau et servi un verre qu’il tendit Ă  Chongsheng. Celui-ci le prit en tremblant de la main et porta le verre Ă  ses lĂšvres. Il put boire deux gorgĂ©es avant qu’une toux Ă©touffĂ©e par l’eau vint laisser apparaĂźtre des volutes rouges dans le verre qui dansĂšrent quelques instants avant d’ĂȘtre englouties par le vieil auguste. Celui-ci finit par poser le verre vide, s’essuyer la bouche dans un carrĂ© de soie et reprit.

- Vous avez raison. Ce que nous allons vivre est nouveau, mais je ne dérogerai pas à la rÚgle de préserver la pureté de ma capitale. Le Shengjie ne sera pas bafoué sous mon rÚgne.
- Entendu, sire. Répondit simplement Peifu.

Ling Chongsheng sorti de la poche intĂ©rieure de son ensemble une petite clĂ© en fer forgĂ© qu’il introduisit dans la serrure de la boite. Il la dĂ©verrouilla au son d’un clic caractĂ©ristique et l’ouvrit. Elle contenait plusieurs dossiers, ceux du moment Ă©voquĂ©s en introduction par son premier ministre Une petite bande de couleur disposĂ©e en diagonale dans l’angle droit supĂ©rieur indiquait le degrĂ© d’importance. Sur le premier, il Ă©tait Ă©crit « BICENTENAIRE » en majuscule et le ruban affichait une couleur rouge. Comme Ă  son habitude, PEIFU Li s’approcha de l’Empereur et se glissa lĂ©gĂšrement derriĂšre lui, la tĂȘte inclinĂ©e vers la boite.

- À l’intĂ©rieur de ce dossier, vous trouverez un compte-rendu complet des avancĂ©es de la cĂ©rĂ©monie et surtout, des documents nĂ©cessitent votre signature. C’est concernant le budget spĂ©cial votĂ© par la Cour LĂ©gislative. En effet, pour des raisons de sĂ©curitĂ©, l’enveloppe votĂ©e l’an dernier a dĂ» ĂȘtre revue Ă  la hausse.
- Combien ? Dit l’Empereur en tournant la tĂȘte vers son premier ministre.
- Une bagatelle, seulement quatre-cent cinquante millions de taĂ«ls d’or.
- Seulement ? Est-ce une blague Peifu ?
- Ç'eĂ»t Ă©tĂ© plus si nous n’avions pas mieux nĂ©gociĂ© avec les syndicats reprĂ©sentant les forces de l’ordre et ceux du ferroviaire. S’empressa de dire le Premier Ministre en se raclant la gorge.
- Et Ç'eut Ă©tĂ© moins si vous n’étiez pas autant obsĂ©dĂ©s par la sĂ©curitĂ©.
- Sire, au regard de la dĂ©testation de certaines nations pour notre mode de vie et notre rĂ©gime, au regard de l’opposition grandissante et de la menace rĂ©publicaine chez nous, au regard du banditisme et de la particularitĂ© mĂȘme de la cĂ©rĂ©monie ; c’était un mal nĂ©cessaire.
- Mh, grogna l’Empereur.
- Comme je vous le disais, les syndicats ont acceptĂ© un bon compromis puisque nous avons obtenu d’eux qu’ils s’en tiennent aux trois-cent vingt taĂ«ls d’or de prime que nous proposions pour la journĂ©e.
- Trois-cent vingt ? Mais nous n’avons pas d’argent magique, Monsieur le Premier Ministre. Il va nous falloir emprunter ou pire encore, faire tourner la planche Ă  billet et risquer une dĂ©flation.
- Certes, mais ces questions se poseront plus tard Ă  l’occasion du vote du budget rectificatif de l’annĂ©e 2015. J’envisage dĂ©jĂ  de proposer la crĂ©ation d’un impĂŽt de solidaritĂ© pour la Maison Ling.
- Vous voulez taxer les lingois pour qu’ils financent cette cĂ©rĂ©monie ?
- En quelque sorte. Temporairement, évidemment. PEIFU Li sourit.
- Je ne donne pas cher de votre peau face Ă  des travailleurs Ă  qui on a vendu pendant des mois la loi de sĂ©paration des finances de l’État et de celles de la Couronne. Oubliez cette idĂ©e et poursuivez donc.
- Certes, Sire. Il tourna les pages du dossier jusqu’à la derniĂšre oĂč l’Empereur apposa son sceau et sa signature. Ainsi donc, reste la question des invitĂ©s. Qui souhaitez-vous voir Ă  la cĂ©rĂ©monie ?
- A priori toute la famille impĂ©riale, mille quatre-cent lingois Ă  l’intĂ©rieur mĂȘme du Palais comme chaque annĂ©e et peut-ĂȘtre des personnalitĂ©s lingoises et Ă©trangĂšres.
- Certes oui, mais deux cents ans, c'est une date importante. Ne faudrait-il pas inviter des politiciens Ă©trangers ? Des chefs d’État, des monarques, des casse-tĂȘtes d’un point de vue sĂ©curitĂ©, finalement.
- Nous demanderons aux dirigeants Nazuméens en priorité, alors. Le Xin et le Negara Strana en priorité. Le Fujiwa, le Jashuria et le Burujoa ensuite.
- Excellent choix, comme toujours le Yuhuang accompagne votre esprit et peut-ĂȘtre pour conclure le Wanmiri, Tahoku et la Ramchourie. Peifu inclina sa tĂȘte avant de prĂ©senter une nouvelle feuille oĂč l’Empereur dut apposer son sceau et sa signature.
- Oui, en effet.

L’Empereur se pencha pour lire d’un peu plus prĂšs le document pendant qu’un eunuque arriva pour servir deux tasses de thĂ© et repartir aussi vite. Le Premier Ministre se racla la gorge.

- Il s’agit, Votre MajestĂ©, des secteurs de la capitale qui seront bloquĂ©s pour Ă©viter tout incident puisque le dĂ©filer doit se tenir ici, les Ă©vĂ©nements lĂ  et votre tribune sera
 Ici.

En mĂȘme temps qu’il parlait, son doigt se dĂ©plaçait sur une carte de la capitale impĂ©riale.

- Comment les habitants de ces quartiers accĂšderont Ă  leurs domiciles ?
- Pour la journĂ©e, ils seront invitĂ©s Ă  ne pas y ĂȘtre ou Ă  ne pas sortir de chez eux.
- N’oubliez pas que nous sommes avant tout une dĂ©mocratie garantissant certaines libertĂ©s fondamentales comme celle de se mouvoir.
- Sire. J’entends votre attachement Ă  nos valeurs, mais il va falloir faire certains compromis pour garantir que Votre MajestĂ©, sa famille et ses invitĂ©s ne soient pas inquiĂ©tĂ©s. RĂ©pondit calmement PEIFU Li alors que l’Empereur tourna la tĂȘte doucement vers lui et le fixa. Sa respiration sifflante.
- Faites en sorte de troubler le moins possible mon peuple, alors.
- Oui, Votre MajestĂ©. Nous ferons tout pour qu’ils soient le moins dĂ©rangĂ©s possible.


L’échange continua un long moment. Il avait Ă©tĂ© questions de plusieurs sujets, certaines lois que la Cour LĂ©gislative avait votĂ©es et qui attendaient le sceau impĂ©rial pour ĂȘtre promulguĂ©es. Le dernier dossier arriva bientĂŽt entre les mains de l’Empereur. Celui-ci avait pour titre « SUCCESSION ». Ling Chongsheng fut surpris de voir cela et finit par se convaincre que ce dossier ne traitait pas de sa succession, mais des rĂšgles de succession en gĂ©nĂ©ral. Le Grand Ling avait toujours eu une politique trĂšs libre concernant cela, il n’existait pas d’impĂŽt sur les succession et les frais notariĂ©s Ă©taient limitĂ©s. Toutefois, le Premier Ministre eut quelque peu de rĂ©ticence Ă  en parler franchement. Il s’aventura enfin sur le sujet alors que les mains Ă©prouvĂ©es du vieil auguste tournaient les pages du dossier pour en lire le contenu.

- Oui, bien, le dernier sujet à traiter concerne la derniÚre loi votée par la Cour Législative concernant les rÚgles de succession de la Couronne.
- Plait-il ? La Cour souhaite dicter à la Couronne comment celle-ci doit choisir son héritier ?
- Ce n’est pas exactement cela. Jusqu’ici la Couronne a toujours pris une grande libertĂ© Ă  ne choisir que l’aĂźnĂ© mĂąle du couple impĂ©rial et si ce choix fut toujours le bon, force est de constater que l’époque voudrait voir s'opĂ©rer des changements dans les modalitĂ©s du choix.

L’Empereur s’arrĂȘta une nouvelle fois. Il se leva — avec difficultĂ© — et alla se placer devant l’une des larges ouvertures de la piĂšce. Il contempla un instant le paysage. Celui-ci observait les jardiniers en action sur des haies rĂ©calcitrantes, des eunuques traversant d’un pas prĂ©cis et rapide la cour qu’une large porte laissait apparaĂźtre en arriĂšre-plan. Sur sa droite, au milieu de l’étang artificiel, un couple de jeunes adultes — probablement des enfants de dame de la cour — semblait se jouer la sĂ©rĂ©nade au bruit blanc de l’eau s’écoulant paisiblement d’une petite cascade artificielle.

- L’Empire existe depuis deux-mille-six-cent quatorze ans. La Couronne, depuis plus de trois-mille-deux-cent vingt-quatre ans. Jamais au cours de notre trĂšs longue Histoire, une assemblĂ©e populaire a pu dicter Ă  la Couronne comment choisir ses hĂ©ritiers.
- Eh bien, vos aĂŻeuls les Jia faisait cela dĂšs neuf-cent quatre-vingt-trois et jusqu’à ce qu’ils soient remplacĂ©s par les Qian en
 L’Empereur l’interrompit.
- Assez. Je connais l’Histoire de mes ancĂȘtres. La Maison Jia a apportĂ© Ă©normĂ©ment Ă  notre civilisation, mais les votes de successions n’ont jamais fait que confirmer le choix de l’Empereur en plus de n'ĂȘtre Ă©lus que par les nobles et les hauts-fonctionnaires. Nous devons notre stabilitĂ© Ă  nos lois coutumiĂšres et si ma Dynastie a acceptĂ© de concĂ©der de son pouvoir au peuple avec grand intĂ©rĂȘt, ce n’est pas pour se faire dicter qui est digne d’ĂȘtre l’hĂ©ritier de Yuhuang.

L’Empereur se tourna Ă  prĂ©sent vers son Premier Ministre qui inclina la tĂȘte immĂ©diatement en le voyant de face.

- Monsieur le Premier Ministre, vous rĂ©pondrez Ă  la Cour que Ling Chongsheng choisira son hĂ©ritier comme il l’entend et que Ling Jiajing choisira le sien comme il l’entend et que mes petits enfants et arriĂšre-petits-enfants en feront de mĂȘme.
- J’informerais Son Excellence Nakamura de votre souhait, mais en tant que reprĂ©sentant de la Justice de l’Empereur ; je me dois de dĂ©sapprouver cette solution. Le peuple dĂ©sire voir plus de
 Il s’arrĂȘta pour peser ses mots. D’égalitĂ© entre les enfants de l’Empereur en espĂ©rant que Sa MajestĂ© ira toujours dans le sens des libertĂ©s et de l’égalitĂ© du peuple ainsi qu’il l’a toujours fait.
- Nous ne sommes pas le peuple, nous sommes la Maison ImpĂ©riale. La Maison ImpĂ©riale suit les traditions et coutumes que Yuhuang et ses hĂ©ritiers ont mis en place. La Maison ImpĂ©riale descendent des dieux et retourneront auprĂšs d’eux une fois leur mandat achevĂ©.
- Ainsi a parlĂ© le Dragon. Conclue le Premier Ministre, n’approuvant dĂ©cidĂ©ment pas.

PEIFU Li reprit tous les dossiers qu’il rangea dans la boite de bois rouge de laquelle ils Ă©taient sortis et la referma Ă  clĂ©. Ling Chongsheng toussa de nouveau en fixant par sa fenĂȘtre alors que le Premier Ministre s’approcha de lui. Il dĂ©posa Ă  cĂŽtĂ© de l’Empereur, sur une petite table, la clĂ© en fer forgĂ©e et se recula pour s’inclina au plus bas.

- Notre réunion est ainsi terminée, du moins pour moi. Votre Majesté. Je vous présente mes excuses pour les désagréments du dernier cas traité. Les invitations partiront ce soir et demain. Avez-vous un sujet dont vous voudriez me faire part avant que je retourne dans mon bureau, Votre Grùce ?

Ling Chongsheng ne rĂ©pondit pas, aussi PEIFU Li quitta la piĂšce aprĂšs s’ĂȘtre inclinĂ© de nouveau et traversa le petit jardin et la cour sous les yeux de l’Empereur pour regagner son aile du palais oĂč le Cabinet travaillait.
Ling Chongsheng fut pris d’une quinte de toux puissante qu’il retenait depuis quelques minutes, il dĂ»t s’asseoir et user de plus que de simples carrĂ©s de soie. MiaoMiao entra au mĂȘme moment pour rĂ©cupĂ©rer les deux tasses de thĂ© refroidies et encore pleine de tout Ă  l’heure. Il trouva son Empereur par terre qui crachait et toussait encore. Il entendit simplement entre deux quinte “appelle mes mĂ©decins, vite”.

Armoiries de l'empire du Grand Ling
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POLITIQUE - LE GOUVERNEMENT PRÉVOIT DE GRANDES RÉFORMES EN 2015.
Par HAN Cheung - 15 décembre 2014

Elu il y a un peu plus d'un an, ZHOU Lee était élu Premier Ministre et chargé par Sa Majesté de former un gouvernement en son nom. En un an, la plupart des défis auquel le gouvernement Zhou I s'était attardé avaient été la consolidation de l'AIGU, Agence Impériale de Gestion des Urgences, créée par son prédécesseur à la fin de son mandat ainsi que la relance diplomatique et économique du pays. Ces deux énormes défis, semblent peser encore sur le Cabinet qui entrevoit tout juste le temps des réformes pourtant argument principal de la politique du Premier Ministre Zhou.

Pour autant, Le Porte-Parole du Cabinet, Mme. UBIRAJARA Sakura a annoncĂ© la feuille de route dictĂ© par M. le Premier Ministre pour la pĂ©riode 2015-2025 [NDLR : Si ZHOU Lee est réélu en 2018, son second et dernier mandat s'achĂšvera avant 2025, en 2023.]. Parmi les Grands Travaux voulu par le Cabinet de Sa MajestĂ©, la rĂ©industrialisation du pays, le renforcement de sa souverainetĂ© nationale ainsi qu'une rĂ©forme approfondie de l'Instruction, de l'Économie et de la SantĂ© sont prĂ©vus. En ce qui concerne la SouverainetĂ© Nationale, le Grand Ling voudrait se crĂ©er une vĂ©ritable force militaire dissuasive et une marine capable de « garantir les intĂ©rĂȘts supĂ©rieurs de la Nation dans ses Ăźles comme en mĂ©tropole ». Pour ce qui est de l'Instruction, il s'agirait d'une refonte global de l'enseignement pour en faire l'un des meilleurs du continent et faire en sorte que les lingois soient ultra-compĂ©titifs sur le marchĂ© international du travail. L'Économie, quant Ă  elle, bĂ©nĂ©ficierait d'une modernisation des moyens de production et une rĂ©forme fiscale et monĂ©taire poussĂ©e. Enfin, la SantĂ© pourrait jouir d'un systĂšme social plus poussĂ© et d'une rĂ©forme instaurant une assurance maladie universelle en complĂ©ment des assurances qui existent dĂ©jĂ  au Grand Ling depuis des dizaines d'annĂ©es.

Ce programme, bien qu'ambitieux, soulĂšve des inquiĂ©tudes de la part d'une opposition plus Ă  droite que l'Union, notamment du fait des dĂ©penses que le volet socialiste des rĂ©formes pourrait coĂ»ter au contribuable lingois. Pour autant, la mesure - qui n'a pas encore Ă©tĂ© chiffrĂ© - permettrait de crĂ©er de l'emploi, augmenter le pouvoir d'achat et donc la consommation, ce qui finirait par rapporter Ă  tout le monde. Du reste, l'Instruction d'excellence augmenterait la compĂ©titivitĂ© de l'industrie lingoise et de ses cerveaux. Encore faut-il que le Gouvernement puisse faire passer ses motions Ă  la Cour LĂ©gislative et surtout, les faire appliquer sur tout son territoire, mĂȘme le plus reculĂ©.

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14308
Situation par défaut GL
LE NOUVEAU JADE
L’abdication ou la mort.

L’aprĂšs-midi touchait Ă  sa fin, bientĂŽt, le balai des eunuques prĂ©parant le souper allait dĂ©buter dans les silencieuses allĂ©es du Palais Pourpre. Il avait fait trĂšs frais pour un jour de dĂ©cembre, plus qu’à l’accoutumĂ©e. Les nuages menaçaient de faire perler sur Neijing leurs larmes gĂ©nĂ©reuses. On entendait dehors quelques passereaux chanter, mais bientĂŽt, s'arrĂȘteraient-ils, pour commencer leur nuit.
La porte du Pavillon du Savoir Éternel s’ouvrit. Un jeune homme d’une quarantaine d’annĂ©es tout au plus pĂ©nĂ©tra dans la large bibliothĂšque. Il portait un costume occidental qui semblait ĂȘtre d’excellente facture. En voyant l’Empereur assis et regardant un ouvrage dont on ne distinguait pas le nom, il eut une grimace de contentement et s’approcha de lui.

- Ah, Pùre, vous voilà. Je viens de croiser MiaoMiao qui m’a fait comprendre que vous aviez une information urgente à me communiquer. Le bruit gonfle, m’a-t-il dit, que vous vouliez abdiquer ? Il faut rapidement faire taire ces rumeurs. Tout le monde sait bien que vous ne voulez pas et que vous ne pouvez de toute façon pas.
- Mon fils, MiaoMiao n’a jamais menti. Dit l’Empereur en regardant Jiajing, son fils et hĂ©ritier. Il ne va pas commencer aujourd’hui.
- Ainsi donc vous allez abdiquer ? Mais vous ne pouvez pas.
- À mon arrivĂ©e sur le trĂŽne, il y a une quantitĂ© de chose qu’on ne pouvait pas faire

- Mais PĂšre ! Vous ĂȘtes le VĂ©nĂ©rable Auguste de Jade rĂ©incarné ! Votre mission est de guider le peuple jusqu’au retour du Dragon d’Azur ! interrompit Jiajing, sa voix perdait de contenance.

Ling Chongsheng durcit le ton et leva la main vers son fils, en signe d’apaisement.
- Sacré Premier, calme-toi immédiatement, assis toi à mes cÎtés et sers-nous donc du thé.
- Pour vous servir, mon PĂšre. Indiqua rapidement l’HĂ©ritier tout en joignant geste Ă  la parole.

Lorsque les deux eĂ»t pris une gorgĂ©e d’un thĂ© noir fort en goĂ»t, Ling Chongsheng posa une main sur l’épaule de son fils. Un lĂ©ger sourire put s’apercevoir.

- Mon fils, je vais bientĂŽt quitter la Terre et rejoindre les dieux et nos aĂŻeuls au Ciel. Oh, le plus tard possible, Ă©videmment. Mais cela ne prendra pas longtemps si jamais je continue ainsi. Je suis vieux, j’ai eu un cancer qui, les Dieux soient louĂ©s, est en bonne voie de disparaitre, mais surtout, je ne comprends plus grand-chose aux aspirations de notre peuple et de sa jeunesse. Il y eĂ»t un grand silence avant que l’Empereur reprenne. Tu incarnes la jeunesse de la Maison Ling, ton Ă©pouse la Princesse Fang et vos merveilleux enfants sont l’avenir de notre Maison, de notre famille et les dignes hĂ©ritiers de Yuhuang lui-mĂȘme. Il est de ton devoir envers notre Pays et notre Maison que de prendre tes responsabilitĂ©s.

Jiajing ne répondit rien, il se contenta de boire son thé, perdu.

- Par ailleurs, j’ai toujours dit que Fang Ă©tait bien plus belle avec une couronne qu’avec un diadĂšme. Tu devrais m’écouter un peu plus souvent. Ajouta l’Empereur en rigolant d’un air pĂ©tillant.

Jiajing lui sourit, visiblement toujours troublé, puis acquiesça.

- Votre MajestĂ©, je ne cautionne pas ce choix, mais j’ai dĂ©cidĂ© de vous servir corps et Ăąme. Lui dit-il en se levant et sur un ton cĂ©rĂ©monieux. Ainsi donc, je me plierai Ă  votre souhait.
- Bien, bien. Reprends alors un peu de thĂ©, nous allons parler de comment j’ambitionne les choses.


Ling Chongsheng et Ling Jiajing Ă©changĂšrent notamment sur les avancĂ©es obtenue sous l’ùre Chongsheng et sur ce quoi l’Ère Jiajing s’ouvrirait. Sa MajestĂ© estimait qu’au Nouvel An lingois, il abdiquerait si la lĂ©gislation le permettait. Car si la Constitution n’empĂȘchait pas de renoncer au trĂŽne en tant que tel, elle n’indiquait pas plus comment Ă©tait dĂ©signĂ© officiellement l’HĂ©ritier et c’était Ă  la loi d’organiser cela. La loi complĂ©tait la Constitution sur plusieurs points, mais n’indiquait pas plus comment renoncer au trĂŽne. En somme, rien ne permettait d’y renoncer, rien ne permettait Ă  l’HĂ©ritier dĂ©signĂ© dans le testament officiel et le testament secret d’accĂ©der au trĂŽne avant le dĂ©cĂšs de l’Empereur.

« Il faudra une loi. », avait indiquĂ© Sa MajestĂ©. « Pourquoi pas une rĂ©gence ? » avait rĂ©pondu Jiajing. « L’Empereur reprĂ©sente le Grand Ling, il faut davantage qu’une rĂ©gence », avait-il conclu. Tous deux Ă©changĂšrent ainsi jusqu’à tard dans la soirĂ©e sur la marche Ă  suivre pour permettre Ă  Ling Chongsheng de trouver un repos dignement mĂ©ritĂ©.
L’échange dura encore une semaine entiĂšre. Il Ă©tait impĂ©ratif que soit trouvĂ© rapidement un moyen pour abdiquer sans que cela prĂ©sente une fragilitĂ© ni de la famille, ni du Grand Ling sur la scĂšne internationale. Le pire aurait Ă©tĂ© de permettre Ă  des nations nouvelles comme l’Icamie de dĂ©passer le niveau de richesse du Grand Ling.

Finalement, ce fut vers la mi-dĂ©cembre qu’ils trouvĂšrent une solution. Sa MajestĂ© avait prĂ©vu d’émettre un mandat de convocation de la Cour LĂ©gislative pour une session extraordinaire durant laquelle il prononcerait un discours visant Ă  prĂ©parer la Cour au vote et surtout, Ă  son abdication. Ensuite, viendrait le temps de promouvoir ce projet de loi auprĂšs du Parti puis enfin de le voter. AprĂšs quoi l’Empereur le ratifierait et annoncerait son abdication. Si en papier, cela semblait d’une simplicitĂ© dĂ©concertante ; il Ă©tait important de prendre en considĂ©ration le fait que la Cour LĂ©gislative – et de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les lingois – Ă©taient trĂšs peu enclins Ă  permettre Ă  l’Empereur d’abdiquer, car en tant que chef de la religion dominante, chef d’État et reprĂ©sentant de la Nation sur la scĂšne internationale, il avait un rĂŽle puissant et aucune fragilitĂ© ne devait pouvoir ĂȘtre constatĂ©e. Ce mythe Ă©tait entretenu depuis des dĂ©cennies par le DĂ©partement de la Maison ImpĂ©riale et il n’avait jamais Ă©tĂ© rare de constater quelques campagnes propagandistes sur le sujet.


La veille du quinze dĂ©cembre, le quatorze donc, Sa MajestĂ© fit convoquer le Cabinet et surtout le Premier-Ministre Zhou pour les notifier du souhait de Sa MajestĂ©. En fait, ZHOU Lee Ă©tait dĂ©jĂ  au courant depuis plusieurs mois, il avait lui-mĂȘme suggĂ©rĂ© plusieurs fois que l’Empereur prenne le temps de se reposer et nomme un rĂ©gent en lieu et place. Bien Ă©videmment, Ling Chongsheng avait toujours Ă©cartĂ© cette option jusqu’à l’étĂ© 2014, alors qu’il sortait enfin de son long combat, il semblait avoir pris dix ans de plus. Il dĂ©cida qu’il Ă©tait temps de considĂ©rer la chose trĂšs sĂ©rieusement. Le Cabinet accepta, par dĂ©faut, la dĂ©cision de l’Empereur et le Premier-Ministre jura d’aider comme il le pourrait la Couronne, ainsi qu’il l’avait toujours fait.

Le jour fatidique arriva. Conformément à ce qui était convenu, Sa Majesté Ling Chongsheng émit un mandat de convocation de la Cour Législative pour le 22 décembre 2014, trois jours aprÚs avoir trouvé la solution avec le Premier Prince.

« DÉCRET IMPÉRIAL N° 2014-1201

Sa MajestĂ© le VĂ©nĂ©rable CĂ©leste Auguste de Jade, Ling Chongsheng, de la maison Ling, empereur du Grand Ling, protecteur des Ăźles Lanhu, gardien de l'ÉpĂ©e cĂ©leste et du Sabre du dragon, actuel occupant du TrĂŽne du Dragon, hĂ©ritier de l'Empereur de Jade et du Ciel ;

Émet par le dĂ©cret impĂ©rial suivant,

Un mandat de convocation des Honorables ReprĂ©sentants de la Cour LĂ©gislative. Ces derniers sont appelĂ©s Ă  se rassembler au sein de l’hĂ©micycle ce lundi vingt-deux dĂ©cembre de l’annĂ©e deux mille quatorze, Ă  partir de neuf heures du matin pour une session extraordinaire.

Ce mandat de convocation est émis conformément à la Constitution du six mars mille neuf cent soixante-sept, dans son article quarante-six, qui stipule dans quel cadre les sessions extraordinaires peuvent se tenir.

Les Honorables ReprĂ©sentants de la Cour LĂ©gislative qui ne peuvent pas ĂȘtre prĂ©sents ce jour devront donner justification de leur absence auprĂšs du DĂ©partement de la Maison ImpĂ©riale du Cabinet de Sa MajestĂ©, au moins quarante-huit heures avant l’heure prĂ©vue en l’absence de quoi et conformĂ©ment Ă  la loi dans son article L67-03-28 du Code du Grand Ling, l’Honorable ReprĂ©sentant absent ne pourra ni voter, ni proposer, ni modifier une loi ou un dĂ©cret passĂ© Ă  la suite de ladite session extraordinaire.

Qu’il soit vu et lu de tous que le prĂ©sent dĂ©cret porte le sceau impĂ©rial pour servir et rappeler l’autoritĂ© de Sa MajestĂ© sur toutes les institutions de l’État.

Ratifié par le Département de la Maison Impériale,
SignĂ© par Sa MajestĂ© l’empereur du Grand Ling, Ling Chongsheng de la maison Ling,
À Neijing, le quinze dĂ©cembre 2014.
»


Ainsi fut lancĂ© les hostilitĂ©s entre progressistes, conservateurs. Tous les bruits de couloir s’intensifiaient, les thĂ©ories fusaient parfois proches de la rĂ©alitĂ©s, parfois aux antipodes. La presse s’était emparĂ©e du sujet comme la tĂ©lĂ©vision et nombreux Ă©taient les dĂ©bats au sein du paysage audiovisuel et mĂ©diatique sur la raison d’une telle convocation dont la derniĂšre fut en pour l’intronisation de Ling Chongsheng en 1979.
Le jour mĂȘme, les 713 membres de la Cour Ă©taient prĂ©sents. Pendant un temps, l’un des honorables Pairs reprĂ©sentant le comtĂ© de Yeongseong dans le Chuangzhi avait fait part de ses inquiĂ©tudes quant Ă  sa prĂ©sence. Celui-ci Ă©tait en effet atteint d’une diarrhĂ©e fulgurante. Fort heureusement, la nĂ©cessitĂ© nationale trouva grĂące aux yeux de la maladie qui permit de confirmer la prĂ©sence du reprĂ©sentant.
Neuf heures et demie pointa le bout de son nez dans un brouhaha infernal avant qu’on annonce l’entrĂ©e de Sa MajestĂ© au sein de l’hĂ©micycle richement dĂ©corĂ© de moulures aussi anciennes que la dĂ©mocratie lingoise elle-mĂȘme. Quelques applaudissements respectueux se firent entendre. Sa MajestĂ©, qui semblait Ă©puisĂ© et terriblement vieux, sourit avec retenu avant de lever la main pour appeler au calme. Il s’approcha des micros dans un trĂšs long silence pesant qui dura encore quelques secondes et, mettant des lunettes sur ses yeux, commença Ă  lire des fiches disposĂ©s sur le pupitre devant lui par les services de la Couronne impĂ©riale.
Seuls les bruits parasites des micros de la tribune et les bruits mĂ©caniques des multiples appareils de photographe furent entendus jusqu’ici. Enfin, face aux camĂ©ras diffusant en direct sur de nombreuses chaines lingoises et aux reprĂ©sentants, Sa MajestĂ© leva les yeux et entama son discours avec le mĂȘme phrasĂ© sĂ©rieux, mais prompt Ă  l’humour.

« Mes chers Honorables Représentants de la Cour Législative,

Avant toutes choses, Nous vous remercions personnellement pour votre prĂ©sence en ce jour particulier. Cette date du lundi vingt-deux dĂ©cembre deux mille quatorze restera assurĂ©ment dans les mĂ©moires comme le jour oĂč nous avons tous confirmĂ© ne pas aimer les lundis.

C’est Ă©galement conscient de votre attachement aux valeurs de notre Nation et de votre dĂ©votion envers la Couronne que Nous nous tenons devant vous ce jour, car Nous estimons qu’il est de notre devoir de se prĂ©senter devant cet hĂ©micycle rĂ©unit en session extraordinaire Ă  notre demande.

La derniĂšre fois, et certains s’en souviennent, Nous nous prĂ©sentions devant vous pour jurer de servir les intĂ©rĂȘts supĂ©rieurs de l’Empire et de veiller Ă  ce que la Constitution, dont Nous sommes le garant avec le Premier Ministre et les chanceliers des deux assemblĂ©es de la Cour LĂ©gislative, soit respectĂ©e et dĂ©fendue. La derniĂšre fois, c’était en mille neuf cent soixante-dix-neuf, Ă  l’ouverture de la session de l’annĂ©e mille neuf cent soixante-dix-neuf — mille neuf cent quatre-vingts. Autant dire, cela ne Nous rajeunit pas.
Pendant trente-cinq ans, Nous avons fait tout ce que nous pensions ĂȘtre en notre pouvoir pour respecter notre engagement fait envers les Dieux, envers le Peuple et envers vous. Durant trente-cinq ans, nous avons tentĂ© – avec une certaine rĂ©ussite, Nous devons le confesser – de sortir le Grand Ling de son isolationnisme et d’en faire une puissance montante du continent.

Qu’importe notre condition physique, qu’importe notre nuit, qu’importe notre santĂ©, Nous avons placĂ© les intĂ©rĂȘts SupĂ©rieurs de la Nation devant celles de la Couronne et devant les nĂŽtres. Mais, parce que nous ne sommes que les descendants de l’Empereur de Jade, notre humanitĂ© nous a rattrapĂ© Ă  de nombreuses occasions.
La derniĂšre en date, Nous vous l’annonçons, est il y a deux ans oĂč nous avons Ă©tĂ© diagnostiquĂ©s d’un cancer des poumons. Les mĂ©decins donnaient un an de vie, tout au plus. Aujourd’hui, avec la dĂ©votion du Cabinet, avec la dĂ©votion de la Maison ImpĂ©riale et surtout avec celle de notre fils, le Premier Prince Ling Jiajing, nous avons su combattre le mal. Aujourd’hui, Nous sommes guĂ©ris, mais il faut admettre que nous sortons affaibli de ce combat.

Parce que Nous estimons que notre devoir est toujours de servir le Grand Ling et les Dieux du mieux que nous pouvons et que cette fatigue et cette maladie sont incompatibles avec cela, nous souhaitons prĂ©senter Ă  la Cour LĂ©gislative rĂ©unit en session extraordinaire un projet de loi que le Cabinet de Sa MajestĂ© portera Ă  votre intĂ©rĂȘt concernant le droit d’abdiquer lorsque les intĂ©rĂȘts SupĂ©rieurs de la Nation ne peuvent ĂȘtre garantis avec autant de rigueur que cela l’exige.

Nous avons personnellement toute confiance envers Son Altesse ImpĂ©riale Ling Jiajing, Marquis de la GrĂące Étendue, Prince HĂ©ritier du TrĂŽne, pour faire respecter les devoirs de la Couronne envers le Grand Ling et pour continuer notre Ɠuvre envers l’Empire.
Il est important de saisir que ce choix est celui rĂ©sultant d’un an de rĂ©flexion et de conseil. Nous avons en effet sondĂ© les Dieux, demandĂ© Ă  notre Premier-Ministre ainsi qu’à toute la Maison ImpĂ©riale pour savoir ce qu’il convenait de faire pour maintenir l’intĂ©rĂȘt du Grand Ling.

C’est un choix lourd, mais qui ne fera que renforcer la stabilitĂ© et l’efficacitĂ© de notre pays.
Aussi, mes chers Honorables ReprĂ©sentants, Nous vous prions de bien vouloir accĂ©der Ă  notre requĂȘte et voter favorablement au projet de loi qui vous sera prĂ©sentĂ© sous peu.

Ainsi va la Vie, Ainsi va l’Empire.
»


Le silence fut encore plus pesant aprĂšs, si cela Ă©tait possible. Alors que le discours avait Ă©tĂ© ponctuĂ© de quelques rires au dĂ©but, plus il se dĂ©roulait et moins les reprĂ©sentants riaient. En effet, jamais depuis l’accession au TrĂŽne de la Maison Ling, un empereur avait abdiquĂ©. TrĂšs vite, l’Empereur salua les reprĂ©sentants et quitta la tribune et l’hĂ©micycle, non sans l’aide d’eunuques. BientĂŽt, les Conservateurs se mirent Ă  hurler leur dĂ©sapprobation. Le Front RĂ©publicain tenta d’imposer son idĂ©e d’une rĂ©publique Ă  la place de « cette monarchie vieillissante ». Finalement, les reprĂ©sentants de l’Union dĂ©fendirent le projet de loi Ă©voquĂ© plus tĂŽt. Il Ă©tait Ă©vident que les dĂ©bats dureraient plusieurs jours. Aussi, la Couronne travailla main dans la main avec le Cabinet et l’Union pour cette loi, frĂŽlant parfois l’anticonstitutionnalitĂ© de la chose ou bafouant un peu plus le principe de sĂ©paration des pouvoirs, dĂ©jĂ  trĂšs abstrait dans l’Empire.

Finalement, le matin du vingt-quatre dĂ©cembre, un vote Ă  la Cour LĂ©gislative fut ouvert sous les auspices de Son Excellence NAKAMURA Hiroshi, Chancelier de la Chambre des DĂ©putĂ©s. Le vote portait sur le vote du projet de loi L14-12-31 relatif aux droits de l’Empereur Ă  abdiquer. Le rĂ©sultat tomba dix minutes plus tard. Il y eut 460 votes exprimĂ©s sur 465. 235 votes pour cette loi, 200 contre et 25 abstentions. Le projet de loi fut votĂ© par la Chambre des DĂ©putĂ©s. L’aprĂšs-midi, ce fut Son Excellence WANG Jia, Chancelier de la Chambre des Pairs, qui ouvrit un vote portant sur le projet de loi L14-12-31. Cette fois, le vote fut ĂŽ combien plus mitigĂ©. Sur les 248 membres, seuls 181 exprimĂšrent un vote dont 95 pour et 80 contre et 6 abstentions.

En somme, le soir du vingt-quatre dĂ©cembre, en plein rĂ©veillon de NoĂ«l, l’Empereur ratifia et promulgua le projet de loi L14-12-31 relatif au droit de l’Empereur Ă  abdiquer. Le lendemain, il annonça Ă  la radio et Ă  la tĂ©lĂ©vision qu’il abdiquerait le dix-neuf fĂ©vrier 2015 Ă  20 h, soit le jour du Nouvel-An lingois, au profit de son fils et prince hĂ©ritier, Son Altesse ImpĂ©riale Ling Jiajing de la Maison Ling, Marquis de la GrĂące Étendue.

Le dix-neuf fĂ©vrier 2015 Ă  20 h s’achĂšveraient trente-cinq ans de rĂšgne, de prospĂ©ritĂ©, de stabilitĂ© et surtout de paix. Ling Jiajing serait intronisĂ© et devrait alors commencer un travail de lĂ©gitimation, facilitĂ© par le fait que Ling Chongsheng serait toujours en vie et donc Ă©coutable, mais surtout de poursuivre et d'accĂ©lĂ©rer les mutations de l’Empire d’un vieux pays vers une puissance contemporaine, forte et moderne.

Armoiries de l'empire du Grand Ling
21531
Nouvel an lingois
UNE NOUVELLE ÈRE
Passation de pouvoir et Nouvel An.

19 février

PAN PANLe crĂ©puscule cĂ©dait sa place Ă  la longue nuit du Nouvel An. Il faisait doux pour une mi-fĂ©vrier. L’atmosphĂšre Ă©tait chargĂ©e de rire, d’odeur de poudre, de nourriture et d’encens. Mais dans ses appartements, Ling Jiajing se sentait terriblement seul. D'ici Ă  quelques heures, ce qu’il prenait pour un fardeau deviendrait un lointain souvenir. D'ici Ă  quelques heures, il ne serait plus le Premier Prince, mais Sa MajestĂ© l’Empereur. Ling Jiajing n’avait finalement aucune envie d’avoir ce titre. Son pĂšre vivait toujours, certes plus faible que jadis, mais bien vivant. Ses enfants Ă©taient encore jeunes, trop jeunes. Il s’approcha de son bureau et y soutint tout son poids de la main, il ferma ses yeux et pendant un instant, il n’entendit plus rien d’autre que ses propres sons. Entre deux respirations bruyantes, il dĂ©glutit. Un voile se dĂ©posait sur ses Ă©paules, celui des responsabilitĂ©s. Ce voile, il ne l’avait jamais connu, cette main dont il Ă©tait impossible de se dĂ©faire de l’étreinte, l’empoignait et lui faisait mal. Il paniquait.

PAN PANOn toqua Ă  la porte deux fois. Doucement. Jiajing sorti de sa torpeur, un bruit sourd de pĂ©tard, de rire et de musique se firent de nouveau entendre allant presque jusqu’à l’assourdir.
« Entrez. » Dit-il avec un semblant d’assurance.
Une jeune femme, d’une rare beautĂ©, ayant quasiment son Ăąge bien que lĂ©gĂšrement plus jeune – du moins, on l’aurait jurĂ© – entra. Elle s’approcha de son Ă©poux et vint dĂ©poser sur sa joue un doux baiser.

- Comment te sens-tu, mon amour ? Lui dit-elle, ses grands yeux le fixant délicatement.
- Comme un animal acculé, piégé par ma condition. Répondit-il, aprÚs un court silence.
- Tu es un grand homme. Tu seras un grand monarque. Conclue-t-elle tout en repassant des mains les revers du costume de Jiajing.
- Et toi ?
- Quoi moi ?
- Que ressens-tu ?
- À l’idĂ©e d’ĂȘtre impĂ©ratrice ? Demanda-t-elle, comme si la question n’était pas Ă©vidente. Elle se dĂ©tourna lĂ©gĂšrement et redressa nerveusement un livre qui Ă©tait posĂ© sur le bureau de son Ă©poux.
- Fang
 RĂ©pondit-il dans un soupir tout en s’approchant du miroir pour observer le nƓud de sa cravate. Tu feras une grande impĂ©ratrice, tu sais.
- Tes sƓurs vont me haïr.
- Dieux merci, ce ne sont pas elles les impératrices. Il rit légÚrement, sa femme aussi.
- Dans dix minutes, ton pĂšre signera son acte de renonciation au trĂŽne. Nous devons rejoindre la salle du trĂŽne.

PAN PANDans les couloirs du palais impĂ©riales comme dans les passages couverts, seuls les bruits des pas que la cohue extĂ©rieur Ă©touffait, se faisait entendre. Sur le passage du couple princier, les eunuques s’inclinaient plus bas que d’habitude, mais sitĂŽt passĂ©s, ils se relevĂšrent lĂ©gĂšrement pour les observer. Ling Jiajing n’avait pas la lĂ©gitimitĂ© de son pĂšre, pas mĂȘme pour ses serviteurs. Il devrait la conquĂ©rir auprĂšs du peuple, des ReprĂ©sentants comme du Cabinet ou des eunuques. Il Ă©tait acculĂ©. Soudain, un long sifflement se fit entendre. Fang et Jiajing tournĂšrent leur regards Ă  l’endroit du bruit, une trainĂ©e de poussiĂšre d’étoile Ă©tait visible puis un bruit sourd et colorĂ© se fit entendre. Un Ă©norme feu d’artifice venait d’exploser, suivi de plusieurs autres. Il Ă©tait vingt heures, le Premier Prince venait de mourir, l’Empereur Ă©tait nĂ©.

Ils pĂ©nĂ©trĂšrent dans la salle du trĂŽne, elle Ă©tait remplie de monde et lĂ  oĂč avait siĂ©gĂ© tous les Ling depuis 1824, se tenait Chongsheng, son pĂšre. Celui-ci soupira discrĂštement et d’un signe de main, fit s’avancer son fils.

Il me semblait pertinent d’attendre le futur empereur pour ratifier cet acte de renonciation.
Il ne fallait pas. Dit Jiajing en s’inclinant bas devant son pùre l’Empereur.
Oh que si.

On fit apporter le document, le sceau de l’HĂ©ritage ainsi que la plume personnelle de Ling Chongsheng. Celui-ci se leva, et s’approcha de la table dressĂ©e devant lui. Il apposa sa signature dans un silence mortifĂšre puis d’un coup de sceau officialisa son dernier dĂ©cret impĂ©rial actant la renonciation de Ling Chongsheng au trĂŽne du Dragon et au titre d’empereur du Grand Ling. DĂ©barrassĂ© du poids qu’il venait de donner Ă  son fils, il s’approcha de son ancien Premier Ministre, ZHOU Lee et le salua d’une poignĂ©e de main que celui-ci eu du mal Ă  lui rendre.

- Je n’ai jamais eu le plaisir de vous saluer d’homme à homme et de vous remercier pour votre service, honorable Lee.
- Votre Majesté, ce fut un privilÚge.
- ÉmĂ©rite. Votre MajestĂ© ÉmĂ©rite. Corrigea Ling Chongsheng en souriant avant de s’approcher de son fils et de s’incliner lĂ©gĂšrement devant lui.

PAN PANC’était la premiĂšre fois que son pĂšre s’inclinait devant lui, aussi, cela serait probablement la derniĂšre, car bien qu’Empereur, Ling Jiajing n’était ni le chef de la Maison Ling, ni l’aĂźnĂ©. Il devrait respecter ses aĂźnĂ©s quel qu’en soit son titre et aussi longtemps que cela serait compatible avec le respect qu’ils accorderaient Ă  l’Empereur. Ling Chongsheng invita Ling Jiajing Ă  s’approcher de la table oĂč un autre document Ă©tait Ă  ratifier. Un acte faisant de Ling Jiajing, l’empereur du Grand Ling. Ce dernier le signa puis on apposa le sceau de l’HĂ©ritage dessus officialisant le fait qu’il devint le 104ᔉ empereur du Grand Ling et le septiĂšme empereur de la Dynastie Ling. De nombreuses exclamations se fĂ©licitĂ© se firent entendre et quelques applaudissement discrets Ă©galement. Une telle retenue Ă©tait d’un rare morbide. Il Ă©tait 20 h 12 et Ling Jiajing n’en pouvait dĂ©jĂ  plus de son rĂŽle d’empereur.

- Pas si vite, Votre MajestĂ©. Lui dit Ling Chongsheng alors qu’il s’apprĂȘtait Ă  quitter la table pour regagner ses appartements.
- Plait-il ? Oh
 Jiajing hocha la tĂȘte, c’était lui Ă  prĂ©sent.
- Vous devez proclamer Son Altesse Fang, impératrice du Grand Ling.
- Nous surnommons notre administration la Bureaucratie CĂ©leste. Non pas parce qu’elle est liĂ©e Ă  l’Empereur, mais puisque tel le Ciel, elle est immense et d’un complexe effrayant. Des rires polis, mais francs, se firent entendre alors que Chongsheng lui-mĂȘme, riait.

Ling Jiajing sourit, par politesse et rĂ©pĂ©ta l’opĂ©ration pour faire de son Ă©pouse, l’ImpĂ©ratrice. Dans une monarchie occidentale, cela allait de soi, mais puisque l’Empereur pouvait disposer de nombreuses concubines et de trois femmes, un acte officiel permettait de rappeler qui Ă©tait la PremiĂšre Épouse et donc, l’ImpĂ©ratrice. Évidemment, cette pratique quoique lĂ©gale et fortement rĂ©pandue jadis, n’avait plus cours sous les Ling. La tradition Ă©tait restĂ©e.
SitĂŽt l’acte rĂ©alisĂ©, Ling Jiajing regarda son trĂŽne. Puis, il se retourna vers l’assistance et se retira d’un simple « Sa MajestĂ© a besoin de repos. Veuillez l’en excuser. »

Assis devant l’une des fenĂȘtres de ses appartements, Jiajing observait les lampions s’élever dans le ciel. Il Ă©tait 20 h 30 et les festivitĂ©s du Nouvel An lingois se dĂ©roulaient normalement. Çà et lĂ , pouvait-on deviner des voiles de fumĂ©e s’évaporer que les feux d’artifices avaient laissĂ©s un peu plus tĂŽt. Au loin, par endroit, d’autres fusĂ©es s’élevaient au ciel. Sur les building tout de verre et d’acier qui bordaient le Longhe, on observait des jeux de lumiĂšres que des spots exĂ©cutait Ă  la perfection. Lisait-on quelques fois “Happy New Year 2015 !”, de temps en temps “Bonne annĂ©e 2015”, parfois “Ake ome 2015 !” mais souvent “Xinnian kualie 2015 !”. Lorsque les derniers feux d’artifices se turent, ce fut le tour des tambours de parade de faire entendre leur voix grave. Ceux-ci suivaient de longs dĂ©filĂ©s de char de carnaval, de faux dragons ou d’autres animaux de la mythologie lingoise. Le mouton fut celui qu’on vit le plus, car 2015 devait en ĂȘtre l’annĂ©e selon les Da jisi shintaoĂŻstes. Tout le monde semblait heureux de l’autre cĂŽtĂ© de cette vitre.

Sans un bruit, Fang Ă©tait entrĂ©e dans la piĂšce et elle s’était approchĂ©e de son Ă©poux. Sa main avait glissĂ©e sur l’épaule de celui Ă  qui elle avait donnĂ© deux fils et une fille. Le parfait opposĂ© de ce que l’ImpĂ©ratrice Xi Shi avait donnĂ© Ă  Ling Chongsheng. Jiajing, sans un mot, posa sa main sur celle de son Ă©pouse et soupira. Elle Ă©tait lĂ  et semblait ne pas ĂȘtre prĂȘte Ă  l’abandonner, aussi pour elle devait-il ĂȘtre fort.

- Je sais Ă  quoi tu penses, mon tendre Ă©poux. Lui dit-elle en fixant le mĂȘme horizon que lui.
- Serais-je à la hauteur ? Tu le crois sincùrement ? Lui demanda-t-il en la regardant droit dans les yeux.
- Écoute Jiajing, ton pĂšre t'a dĂ©signĂ© hĂ©ritier alors qu’il aurait pu dĂ©signer une de tes sƓurs. Tu as organisĂ© le Bicentenaire et il t’a fĂ©licitĂ© devant des milliers de personnes, tu es aimĂ© de ton peuple – certes moins de tes ReprĂ©sentants – et plus encore, tu n’es pas un sombre idiot autrement, j'aurais fuis avec le premier jardinier venu. Je comprends, c’est difficile pour toi, mais il va falloir que tu cesses de t’apitoyer sur ton sort. Tu n’as pas le temps, tu dois changer le monde ou Ă  dĂ©faut, ajouter de la couleur dans celui-ci. Lui dit-elle non sans avoir dĂ©butĂ© par un long soupire constrict.
- Certes oui, je ne vais pas donner du grain Ă  moudre Ă  la Cour qui n’attend que cela, pouvoir me discrĂ©diter et en profiter pour faire annuler la loi de mon pĂšre. A, lui aussi, je vais lui montrer qu’il a bien choisi. Je vais aller rĂ©flĂ©chir Ă  quelques rĂ©formes Ă  prĂ©parer pour aprĂšs mon couronnement. Dit-il en se levant prĂ©cipitamment.
- D’accord, doucement beau garçon. D’abord, nous allons nous reposer un peu, Ă©ventuellement prĂ©parer un quatriĂšme enfant (WINK WINK ÇA VEUT DIRE BAISER QUOI), demain, tu vas rencontrer la Direction des Affaires Dynastiques qui validera les dĂ©crets impĂ©riaux prit ainsi que ton accession au TrĂŽne, aprĂšs quoi tu dĂ©cideras ce que tu veux faire et je te suivrai. Dit Fang en lui souriant.
- On dit que derriĂšre chaque grand homme se cache en fait une femme, je crois que c’est vrai. Dit-il Ă  l'endroit de son Ă©pouse, il s'Ă©tait redressĂ© pour la regarder de face et caressait une de ses mĂšches au coin du visage.
- Tu es terriblement vieux jeu. Des fois ça me plait, d’autres fois c’est
 Elle ne termina pas sa phrase, mais se contenta de faire la moue en levant les yeux au ciel.

20 février 2015

La fĂȘte d’hier – ou de cette nuit – s'Ă©tait finalement tue. Les oiseaux et leur insomnie forcĂ©e, s’étaient remis Ă  chanter. Dans la piĂšce, les vapeurs de la nuit s’étaient dissipĂ©es. Elles avaient cĂ©dĂ© leur place Ă  d’intenses gerbes de lumiĂšre qui perçaient des rideaux dansant en leur centre, rĂ©vĂ©lant alors le ballet silencieux de la poussiĂšre dans un Ă©clat Ă©thĂ©rĂ©. Jiajing sentait la fraĂźcheur du matin atteindre sa jambe et remonter tout le long de son corps. Son Ă©pouse, elle, dormait toujours Ă  moitiĂ© sur lui, remontant une jambe dans un lĂ©ger soupire. Il tourna la tĂȘte, au sol gisait un tas difforme de vĂȘtement et de soierie. Hier, ce fut une robe Ă©lĂ©gante et un costume qu’une annĂ©e de salaire dans les campagnes du Wujiang permettait Ă  peine d’acheter, mais aujourd’hui, ils n’étaient rien de plus que des chiffons impropres. La nuit fut assurĂ©ment mouvementĂ©e dans les rues comme dans le lit. Un souvenir doux avait permis de chasser l’aigreur du dĂ©but de soirĂ©e et Jiajing pensait que s’il bougeait, alors la bulle Ă©claterait et bientĂŽt, sentirait-il de nouveau l’effroyable poids de sa condition.
Mais Fang avait eu des paroles d’une habituelle justesse. "Tu dois changer ce monde, tu n’as plus le temps pour t’apitoyer sur ton sort que certains ou certaines t’enviaient". C’était un fait, il n’était ni malade ni en proie Ă  la pauvretĂ© et en plus, il avait toujours ses deux parents. Jiajing Ă©tait de loin l’une des personnes les plus chanceuses du pays, l’une des plus riches et assurĂ©ment, la plus puissante.

Il bĂąilla avec langueur tel un chat qui sort de sa sieste et s’étira. DĂ©licatement, il se dĂ©fit de l’étreinte de son Ă©pouse qu’il embrassa sur le front. Il remonta le drap sur son corps et alla fermer la fenĂȘtre avant d’enfiler de quoi ĂȘtre prĂ©sentable puis, tel un voleur aux pattes de velours, il prit la direction de la piĂšce attenante. Il entendit le coq du palais chanter et s’interrogea sur l’heure. Il voulut regarder son tĂ©lĂ©phone, mais celui-ci avait Ă©tĂ© laissĂ© mourant sans batterie sur le bureau. Des eunuques de la Direction des Chambres furent surpris par Sa MajestĂ© alors qu’ils prĂ©paraient le levĂ© de la famille impĂ©riale. Ils s’inclinĂšrent extrĂȘmement bas, honteux d’avoir Ă©tĂ© si lents ou peut-ĂȘtre Ă©tait-ce de servir l’illĂ©gitime empereur ? Fut-il qu’il ait Ă©tĂ© illĂ©gitime d’abord.
Jiajing pĂ©nĂ©tra dans un petit salon oĂč il avait pris l’habitude de passer toutes ses matinĂ©es depuis des dĂ©cennies. En son centre se trouvait une grande table basse si lustrĂ©e, si laquĂ©e, que par certains angles, elle n’était en fait qu’un simple miroir. Autour, des canapĂ©s bas et autres fauteuils y Ă©taient disposĂ©s. Une partie du mur Ă©tait recouvert d’ouvrages, les autres de fenĂȘtres ou de dĂ©corations. Il y rĂ©gnait une odeur de jasmin, de vieux livres et de bois de cĂšdre. Il s’assit sur l’un des fauteuils et ferma les yeux dans un long soupire satisfait. “Je suis l’Empereur.” se dit-il.

PAN PANJiajing sursauta. MiaoMiao pĂ©nĂ©tra dans la piĂšce et s’inclina bas.
- Veuillez m’excuser Votre MajestĂ©. Vous Ă©tiez avec Sa MajestĂ© l’ImpĂ©ratrice, aussi ai-je jugĂ© bon ne point vous dĂ©ranger.
- Me dĂ©ranger ? S’étonna Jiajing en se redressant et en marquant un sourcil.
- Pour le lever, Votre MajestĂ©. Vous aider Ă  vous vĂȘtir, vous donner les nouvelles de l’Empire, et cetera.
- Mais tu es attachĂ© au service de mon pĂšre. Ce n’est pas toi qui t’occupes de mon lever.
- Je suis attachĂ© au service de l’Empereur, ce qui fait que je suis attachĂ© Ă  votre service depuis hier 20 h 12.
- Et mon pĂšre ? balbutia Jiajing, circonspect.
- En sa qualitĂ© d’Empereur Ă©mĂ©rite, je vais me charger de trouver un remplaçant digne de ce nom, en attendant, je m’occuperai de votre levĂ© et de celui de votre pĂšre l’Empereur. Fort heureusement, vous avez deux heures de levĂ©s trĂšs diffĂ©rentes.
- Je ? D’accord. Soit. Fait en sorte de lui trouver aussi bien que toi.
- Oui, Votre Majesté. En attendant, je vous rappelle que la Direction des Affaires Dynastiques sera là à 10 h 30 ce qui vous laisse
 Il vérifia sur sa montre. 4 h 30.
- Il est six heures ? Je ne me lĂšve jamais aussi tĂŽt.
- Autant vous prĂ©parer, de son propre aveu, Sa MajestĂ© ÉmĂ©rite dormait mieux et plus longtemps lorsqu’il Ă©tait Premier Prince.
- Et maintenant, comment dort-il ?
- À cette heure, Ă  poings fermĂ©s. Je vous dirais si Sa MajestĂ© ÉmĂ©rite dort mieux maintenant qu’il n’est plus l’empereur du Grand Ling.
- Bien. Comment va l’Empire ?
- Bien, dans l’ensemble. Les services municipaux de Neijing sont en train de nettoyer les rues, il parait qu’il y a eu de nombreuses arrestations pour Ă©briĂ©tĂ© sur la voie publique. C’est globalement partout pareil dans toutes les autres mĂ©tropoles du pays. La Cour LĂ©gislative s’attend dĂ©jĂ  Ă  recevoir votre mandat de convocation et suite Ă  l’abdication de Sa MajestĂ©, le MarchĂ© est lĂ©gĂšrement frileux en attendant de voir quelle posture votre Cabinet aura.
- Quelle posture mon Cabinet aura ? Ils s’attendent à du changement ?
- Une nouvelle Ère peut ĂȘtre le signe de nouvelles rĂ©glementations ou idĂ©ologies. Sans doutes espĂšrent-ils que vous serez aussi libĂ©ral que Sa MajestĂ© ÉmĂ©rite ou du moins, que l’Économie se portera tout aussi bien sous votre rĂšgne que sous celui de votre pĂšre.
- Je veux instaurer des mutations plus fortes que celles entreprises par mon pÚre. Instaurer des régulations pour garantir à tous un revenu et une dignité.
- Je ne connais pas autant que votre DĂ©partement du TrĂ©sor en Ă©conomie, mais je connais trĂšs bien les jeux d’intrigues de la Cour impĂ©riale comme celle de la Cour LĂ©gislative. Aussi, si vous me permettez un conseil, je pense qu’il va falloir ĂȘtre prudent.
- Je t’écoute ? Quel est ce conseil ?
- Bien. Votre MajestĂ©, vous ĂȘtes intronisĂ©, mais pas encore confirmĂ©. Vous n’avez pas encore Ă©tĂ© couronnĂ©s officiellement et votre pĂšre est toujours parmi nous, Dieux merci. En somme, votre lĂ©gitimitĂ© repose sur votre sang uniquement. Si votre pĂšre s’oppose Ă  vous, vous perdrez toute la lĂ©gitimitĂ© que vous avez aujourd’hui et elle n’est pas bien forte. Je vous prie de m’excuser pour mes propos, Votre MajestĂ©.
- Continu. Jiajing n’apprĂ©ciait nullement ce qu’il entendait, mais il Ă©coutait attentivement, sa main droite tapotait en rythme le bois de l’accoudoir du fauteuil.
- Oui, Votre MajestĂ©. Une politique sociolibĂ©ral comme celle que vous aimeriez que le Cabinet mĂšne n’est pas incompatible avec notre sociĂ©tĂ©. Cependant, elle est incompatible avec un rĂ©gime faible. Gagnez le soutien du peuple, de l’Union et renforcez celui de votre pĂšre. De lĂ , la Cour LĂ©gislative, les patrons et le Cabinet vous suivront aveuglĂ©ment.
- Et qu’en est-il du Palais ?
- Plait-il, Votre Majesté ?
- À quoi bon avoir le soutien de tous si dans ma propre maison, mes serviteurs me regardent de travers ou manque de respect Ă  mon Ă©pouse l’ImpĂ©ratrice ?
- Oui, je vois ce que vous voulez dire. Les affaires du DĂ©partement de la Maison ImpĂ©riale diffĂšrent des affaires du Palais ImpĂ©rial. Si vous avez le soutien du Cabinet, vous avez celui de tous ses dĂ©partements. Mais la Maison ImpĂ©riale ne fait que placer des employĂ©s Ă  votre service, ceux qui les dirigent sont ceux qu’il faut avoir dans sa poche.
- Et qui les dirigent au juste ? Toi ?
- Je vous remercie de le croire, Votre MajestĂ©, mais non. Il sourit en inclinant la tĂȘte. Je suis le chef de la Direction des Chambres. Cela signifie que je dirige uniquement l’une des huit directions qui composent le DĂ©partement de la Maison ImpĂ©riale.
- Et j’apprends cela seulement maintenant ?
- Sauf votre respect, Votre MajestĂ©, vous n’avez jamais Ă©tĂ© trĂšs attentifs aux cours prodiguĂ©s pour comprendre comment fonctionne le Palais.
- Oui bon, certes, continu. Dit Jiajing en faisant la moue d’une main.
- Oui, Votre MajestĂ©. Donc, vous avez huit directions : celle des Chambres, donc ; celle des Affaires Dynastiques ; celle des Domaines et Jardins, Ă©videmment ; n’oublions pas celle des Banquets et Festins ; ni celle des CĂ©rĂ©monies et Traditions ; celle des Approvisionnements, mais Ă©galement celle des Communications et du Rayonnement ImpĂ©rial et enfin, celle de la Garde et de la Protection impĂ©riale.
- Tant que ça ? Questionna l’Empereur, incrĂ©dule.
- Oh oui, et je vous Ă©pargne la liste des sous-directions. Quand on parle du Tentaculaire DĂ©partement de la Maison ImpĂ©riale ou de la Bureaucratie CĂ©leste, ce n’est pas pour rien. 3’550 personnes dĂ©pendant de cette bureaucratie et sont Ă  votre service. Cela fait autant de personnes qui peuvent divulguer des secrets ou influencer leurs proches Ă  votre endroit.
- 3’550 employĂ©s ?! Mais c’est Ă©norme comme chiffre ! S’exclama l’Empereur, incrĂ©dule.
- Oui hein ? SacrĂ© progrĂšs, je sais. Dire que Liang Li avait besoin de 70’000 employĂ©s pour faire ce que nous faisons en 3’550. Ling Huangong a dĂ» faire de nombreux malheureux en renvoyant autant de monde en 1824. Il a pu le faire, car il Ă©tait extrĂȘmement lĂ©gitime.
- Oui, j’ai compris. je dois prouver ma valeur.
- En quelque sorte. Bien, si vous permettez, je vais faire porter votre petit déjeuner, ensuite il faudra vous préparer pour votre rendez-vous.
- Oui, merci MiaoMiao. Soudain, l’Empereur eu une songe lui traversant l’esprit. Au fait, qui est-il ?
- Votre Majesté ?
- Celui qui dirige les Directions ou plutÎt le Département de la Maison Impériale ?
- Vous, Votre Majesté. Répondit MiaoMiao en souriant avant de sortir.

C’était Ă©videmment inexact, mais cela signifiait surtout que charge Ă©tait Ă  Jiajing d’asseoir son autoritĂ© sur son personnel. Ce qu’il comptait bien faire. Fang rejoignit l’Empereur quelques longues minutes plus tard. Ils prirent leur petit-dĂ©jeuner ensemble, Jiajing semblait davantage empli d’assurance. Ils eurent un moment agrĂ©able que ses obligations due Ă©courter. En effet, il Ă©tait Ă  prĂ©sent 9 h 45 et dans moins d’une heure, il fallait rencontrer la Direction des Affaires Dynastiques.

Remplis de celle nouvelle assurance bien que toujours plein de question, Jiajing assistĂąt Ă  la rĂ©union oĂč la Direction lui expliqua le dĂ©roulĂ© des prochains jours, ses missions d’Empereur, confirma son intronisation et Ă©galement commença Ă  prĂ©parer la cĂ©rĂ©monie du couronnement qui devrait se tenir la semaine suivante. Tout se passa plutĂŽt bien malgrĂ© la fusillade de question qu’il reçut et qu’il eut ensuite en tĂȘte. La Direction des Affaires Dynastiques eut l’extrĂȘme obligeance de considĂ©rer Jiajing comme l’Empereur et non comme un empereur en devenir. Ils tĂ©moignĂšrent d’un profond respect, observaient tous les codes et respectaient les traditions parfois oubliĂ©es de tous comme l’interdiction de parler directement Ă  Sa MajestĂ©. En effet, une vieille tradition de bonne maniĂšre voulait qu’on s’adresse Ă  l’Empereur sans le vouvoyer et encore moins le tutoyer, mais en parlant de lui comme d’une troisiĂšme personne. La pratique n’était rĂ©pandue qu’au sein de la vieille aristocratie qui en appliquait occasionnellement les prĂ©ceptes pour les chefs de famille. C’était une marque d’un profond respect, car cela signifiait que la personne Ă©tait trop importante pour qu’on puisse se considĂ©rer suffisamment Ă©gal Ă  elle pour pouvoir lui adresser directement la parole, c’était Ă©galement un signe indiquant le caractĂšre omniprĂ©sent et omnipotent de l’interlocuteur. Mais, c’était surtout terriblement vieillot pour Ling Jiajing et encore plus pour Fang qui ne s’en Ă©tait jamais formalisĂ©, pas mĂȘme avec son beau-pĂšre.

Dans l’aprĂšs-midi, Ling Jiajing rencontra le Premier Ministre qui vint rĂ©aliser la premiĂšre Entrevue ImpĂ©riale de son rĂšgne. Ce rendez-vous quotidien Ă©tait l’occasion pour le Gouvernement d’informer l’Empereur sur les actualitĂ©s du monde et du pays ainsi que de lui prĂ©senter les projets de lois attendant sa sanction. C’était par ailleurs un Ă©change courtois oĂč l’Empereur faisait remonter des remarques, des demandes et proposait des projets prĂ©liminaires dont il confiait au Gouvernement la charge d’en faire des projets de loi Ă  prĂ©senter Ă  la Cour LĂ©gislative. Il faisait aussi part des dĂ©crets impĂ©riaux promulguĂ©s si ceux-ci n’avaient pas dĂ©jĂ  Ă©tĂ© transmit. Depuis deux siĂšcles, ce rendez-vous se tenait le matin sauf cas particuliers. Il n’avait cependant pas lieu les jours fĂ©riĂ©s. ZHOU Lee, le Premier Ministre, s’inclina et prĂ©senta ses hommages.
- Je me souviens du premier jour oĂč je suis entrĂ© dans cette piĂšce. Dit le Premier Ministre en regardant tout autour de lui. J’avais alors dit Ă  Sa MajestĂ© ÉmĂ©rite “est-ce ici que toute la magie opĂšre ?”.
- Et qu’avait-il rĂ©pondu ? Demanda Ling Jiajing tout en feuilletant les documents du coffret de bois rouge que ZHOU Lee avait dĂ©posĂ© devant lui quelques instants plus tĂŽt.
- Il avait simplement rĂ©pondu “non” avant d’ajouter “La Cour est plus Ă  l’ouest”. J’ai mis un peu de temps Ă  comprendre qu’il parlait de la Cour LĂ©gislative.
- J’ai du mal Ă  croire que Sa MajestĂ© ÉmĂ©rite soit si attachĂ©e que cela Ă  la Cour.
- Oh, il ne l’est pas. Mais il est attachĂ© Ă  la dĂ©mocratie.
- En parlant de dĂ©mocratie, je veux que vous proposiez Ă  la Cour un projet d’amendement constitutionnel.
- Votre Majesté ? Demanda le Premier Ministre, sans comprendre.
- Pas maintenant, j’ai encore mes marques Ă  prendre, mais vous formez un gouvernement en mon nom et c’est en mon nom que vous travaillerez Ă  modifier notre loi constitutionnelle pour rĂ©duire l’influence de l’Empereur dans l’exercice de l’État.
- Mais vous ĂȘtes l’État, Votre MajestĂ©.
- Cela fait plus de deux cents ans que nous ne le sommes plus. Je suis le chef de l’État, vous ĂȘtes le chef du Gouvernement et la Cour reprĂ©sente le peuple. Je veux que l’article soixante-cinq soit prĂ©cisĂ©.
- Celui relatif au pouvoir impérial ?
- Précisément. Il faut que le Cabinet ou la Cour puisse, plus facilement, mettre un terme au despotisme quand celui-ci apparaßt.
- Et qui dĂ©finit le despotisme ? Quand doit-on dire que telle action est l’Ɠuvre de la tyrannie, mais celle-ci est lĂ©gitime ?
- Mon avis est le sens commun, mais c’est pour justement trancher que je vous demande de travailler sur cet amendement. Il sera proposĂ© au printemps 2015.*
- Bien Votre MajestĂ©. Nous aurons, j’imagine, l’occasion d’en reparler. Autre chose ?
- Oui, j’ai fait rĂ©diger l’acte de convocation de la Cour LĂ©gislative. Charge Ă  vous de le faire appliquer.

L’Empereur et le Premier Ministre poursuivirent leur Ă©change. Il fut question du Ruban DorĂ© et du projet de liaison lino-burujais entre Lanji et Xine-Shoudu, de la loi de finance 2016 qu’il fallait commencer Ă  prĂ©parer pour pouvoir le prĂ©senter Ă  la Cour en septembre 2015, mais Ă©galement du fait que Ling Jiajing ferait de son rĂšgne une Ăšre oĂč l’innovation sociale toucherait le Grand Ling. Il voulait que soit prĂ©parĂ© un projet de rĂ©forme de l’Instruction ainsi qu’une relative Ă  la fiscalitĂ© de l’Empire. Celles-ci seraient dĂ©battues dans le mois, sitĂŽt les formalitĂ©s du couronnement passĂ©es.

Ce jour, un Empereur Ă©tait peut-ĂȘtre nĂ©.

Armoiries de l'empire du Grand Ling
35691
Illustration du Palais Pourpre de Neijing
UNE NOUVELLE ÈRE
Couronnement et premiĂšre semaine.

23 février 2015
Il faisait doux pour un matin, encore plus pour un lundi et terriblement trop pour un mois de fĂ©vrier. Fang Ă©tait impĂ©ratrice depuis quatre jour et dĂ©jĂ , elle avait entreprise de rĂ©aliser de grandes choses. Le Grand Ling Ă©tait connu pour sembler ĂȘtre trĂšs libĂ©ral et dĂ©mocratique de façade, mais encore largement conservateur et traditionaliste Ă  l’abris des regards. Cela n’avait jamais Ă©tĂ© un problĂšme en soi et ç'aurait probablement continuĂ© comme cela si ce fameux lundi matin trop doux de fĂ©vrier n’avait pas mis sur la route de l’ImpĂ©ratrice l’une de ses suivantes.

En effet, et alors qu’elle se rendait Ă  son cabinet, l’irascible Madame Hua rĂ©primander une jeune femme qui devait tout juste avoir atteint la trentaine ou Ă  dĂ©faut, allait bientĂŽt passer ce cap. Celle-ci, en signe de respect, Ă©tait inclinĂ©e et hochait machinalement la tĂȘte aux rĂ©primandes adressĂ©e par Madame Hua, qu’elle ponctuait de quelques postillons bien visibles. Madame Hua Ă©tait l’équivalent, si l’on pouvait dire, de MiaoMiao ainsi que sa parfaite opposĂ©e. Lui Ă©tait fin et grand ; elle, grosse et petite. Lui drĂŽle et sympathique ; elle, ennuyeuse et dĂ©testable. Mais Madame Hua dirigeait avec pertinence et efficacitĂ© la Maison de l’ImpĂ©ratrice, une branche de la Direction des Chambres dĂ©diĂ©e Ă  l’ImpĂ©ratrice et ses dames de compagnies. Aussi, n’avait-elle plus rien Ă  prouver Ă  personne.

Fang s’approcha des deux femmes et se tint lĂ  droite, ses yeux de chat cillant doucement des yeux et contenant un sourire poli et discret. Elle se racla lĂ©gĂšrement la gorge qu’elle ponctua d’un simple « bonjour » jovial. LĂ -dessus, Madame Hua s’arrĂȘta et tourna rapidement la tĂȘte. Son visage, rouge de colĂšre devint livide et elle s’inclina plus bas que la femme dont elle s’était faite le bourreau. Cette derniĂšre, par ailleurs, avait vu l’ImpĂ©ratrice arrivĂ©e, mais n’avait prĂ©fĂ©rĂ© rien dire peut-ĂȘtre par politesse ou par volontĂ© de nuire.

- Par tous les Dieux, Votre Majesté, bonjour ! Répondit précipitamment la bonne femme la voix chevrotante
- Que se passe-t-il ici Madame Hua ?
- Oh rien, je suis navrĂ©e que vous assistiez Ă  cela, c’est indigne de vous.
- Ce qui est indigne de moi, c'est de dire qu’il ne se passe rien alors qu’il se passe quelque chose, ne croyez-vous pas ? Dit Fang en jetant des regards discrets vers la jeune femme.
- Oui, Ă©videmment, votre pertinence vous honore, Votre MajestĂ©. J’expliquai Ă  cette potiche qu’elle devait prendre son service Ă  l’heure et que sa santĂ© ou celle de sa famille importait moins que celle de Sa MajestĂ© ou de sa Maison. RĂ©pondit Madame Hua avec dĂ©dain.
- Je vois. Et cette
 Potiche, a-t-elle un nom ? Demanda l’ImpĂ©ratrice en fixant Madame Hua.
- Eh bien

- Suni, Votre MajestĂ©. RĂ©pondit l’intĂ©ressĂ©e, coupant l’herbe sous le pied de Madame Hua qui la fixa, l’air mauvais.
- Bien, Suni donc. Ce sera tout Madame Hua. Merci. Lui dit Fang en souriant poliment.
- Oui, Votre Majesté.

Madame Hua s’inclina une derniĂšre fois et partie terroriser d’autres servantes de sa dĂ©marche lourde dissimulant une certaine grĂące, fallait-il l’avouer. Suni, elle, resta inclinĂ©e et silencieuse un certain moment avant que Sa MajestĂ© l’invite Ă  se relever et Ă  marcher Ă  ses cĂŽtĂ©s jusqu’à son cabinet. Évidemment, Madame Hua avait espĂ©rĂ©e pouvoir l’embarquer avec elle pour finir ce qu’elle avait commencĂ©, mais le regard intense de Fang vers la jeune femme ne le permit pas, du moins c’est ainsi qu’elle avait dĂ» l’interprĂ©ter.

- De quelle origine est-ce ? Demanda l’ImpĂ©ratrice tout en marchant et remontant lĂ©gĂšrement le chĂąle qu’elle avait sur les Ă©paules.
- De ? Votre Majesté.
- Suni, de quelle origine est ce nom ?
- Oh. Je ne saurai dire. Ma mĂšre m’a dit qu’elle m’avait nommĂ©e ainsi en rĂ©fĂ©rence Ă  la princesse lĂ©gendaire qui aurait créé la riviĂšre Mata Sungai. Enfin, pour ceux qui y croient.
- Tu n’y crois pas ?
- Eh bien, la raison de pourquoi je m’appelle Suni si, mais qu’une femme lĂ©gendaire ait créé une riviĂšre en pleurant parce qu’elle prit pitiĂ© d’une famille qui mourrait de faim, car son champ manquait d’eau
 Étrangement, non.
- Oui certes, le trait est grossi, mais d’expĂ©rience, les lĂ©gendes servent soit Ă  donner de l’espoir aux gens, soit Ă  glorifier quelqu’un de rĂ©el.
- Sans doutes, mais m’appeler Suni ne m’a pas offert la qualitĂ© de vie de cette princesse pour autant.
- Parce que c’est Ă  toi de mĂ©riter une meilleure qualitĂ© de vie, pas Ă  ton prĂ©nom de te le donner.
- Avec tout le respect que je vous dois, Votre MajestĂ©, je suis persuadĂ©e que vous avez dĂ» vous battre pour en arriver oĂč vous ĂȘtes, mais ĂȘtre une Ling vous a largement plus aidĂ©e qu’ĂȘtre une Suni.
- Je me demande combien de coup de bĂąton Madame Hua t’aurait donnĂ© pour de tels propos. Lui dit Fang en s’arrĂȘtant au milieu du passage couvert pour la regarder droit dans les yeux, lui souriant.
- Probablement trop. Répondit Suni en se pinçant les lÚvres pour ne pas rire.
- Pourquoi était-elle en train de te réprimander ?
- Eh bien
 D’ordinaire, une collĂšgue et moi nous nous occupons de nettoyer votre chambre lorsque vous ĂȘtes en train de vous prĂ©parer. Vous ne nous voyez jamais, mais nous sommes un peu vos petites mains. Hors ce matin, je suis arrivĂ© trop en retard et ma collĂšgue Ă  du tout faire toute seule.
- Oui
 Ce matin, mon lit n’était pas fait lorsque je suis retournĂ© dans ma chambre pour prendre des boucles d’oreilles.
- Je m’en excuse, Votre MajestĂ©. En ce moment, je n’arrive plus Ă  trouver suffisamment de temps en 24 heures pour m’occuper de vous, de mes enfants, de mon mari et de ma propre maison.
- Tu fais tout, toute seule ? Questionna l’ImpĂ©ratrice en se remettant Ă  marcher. AssurĂ©ment intriguĂ©e.
- HĂ©las, oui. Mon Ă©poux s’est blessĂ© le dos en tombant d’un Ă©chafaudage, il travaille dans la construction. Notre assurance n’a pas voulu payer l’opĂ©ration du dos dont il a besoin, rĂ©sultat, il est Ă  moitiĂ© paralysĂ©. À cĂŽtĂ© de ça je suis maman de deux enfants en bas Ăąge, je dois m’en occuper en plus de mes journĂ©es de 10 heures ici. Bref, je n’ai mĂȘme plus le temps de passer chez l’esthĂ©ticienne.
- Audacieuse.
- Vous trouvez ?
- Oh, je ne fais pas rĂ©fĂ©rence Ă  votre train de vie mĂȘme si celui-ci pourrait forcer le respect. Audacieux de tenir de tels propos Ă  celle pour laquelle vous travailliez, qui est la PremiĂšre Dame d’Empire et accessoirement, qui ne vous avait jamais rencontrĂ© jusqu’à il y a quelques minutes. Lui dit Fang en souriant.
- Je vous prie de m’excuser, Votre MajestĂ©, si j’ai laissĂ© entendre que je vous avais prise pour le Bureau des pleurs. Mais vous m’avez demandĂ© pourquoi on me rĂ©primandait, alors je vous ai rĂ©pondu.
- Ainsi que je le disais, audacieuse. Dit-elle en riant. Bien, nous sommes arrivĂ©s jusqu’à ma destination. Si je vous recroise, je ne manquerai pas de chercher votre compagnie, vous ĂȘtes
 Distrayante.

Fang comptait parler de cette situation Ă  son Ă©poux l’Empereur. Non pas qu’elle pensait qu’un traitement de faveur devait avoir lieu, mais parce que si c’était vrai, alors Suni n’était probablement pas la seul Ă  subir ces situations alarmantes. Elle, n’avait aucun pouvoir politique aussi passer par Ling Jiajing Ă©tait bien plus simple. Lorsqu’ils se virent un peu plus tard dans la journĂ©e pour dĂ©jeuner ensemble, elle Ă©voqua Suni et Madame Hua. La scĂšne de rĂ©primande l’avait fait rire, mais l’histoire de Suni, non. « Tout se mĂ©rite » avait d’abord rĂ©pondu Jiajing dĂ©sintĂ©ressĂ©. Puis devant sa femme tempĂ©tueuse, il avait promis demander Ă  son Premier Ministre de lui faire un point sur la situation des inĂ©galitĂ©s dans le pays et de l’accessibilitĂ© Ă  la santĂ©, normalement garantie par des lois promulguĂ©es par son pĂšre.
Jiajing et Fang, dans l’aprĂšs-midi, devaient se rendre au temple du Ciel, en plein cƓur de Neijing, oĂč la cĂ©rĂ©monie religieuse du couronnement devait avoir lieu.

Sur place, plusieurs badauds essayĂšrent de prendre des photos en compagnie du couple impĂ©rial, vivement repoussĂ©s par les membres rapprochĂ©s des Jinyiwei (éŒŠèĄŁèĄž, litt. Garde BrodĂ©e). Jiajing, contre l’avis du Commandant de la Garde, avait voulu rencontrer ses sujets et crĂ©ant des sueurs froides Ă  tout le dispositif de sĂ©curitĂ©, passa 10 minutes Ă  Ă©couter les lingois s’exprimer franchement.
AprĂšs quoi, le couple impĂ©rial prit la direction du temple pour y ĂȘtre reçu par le Dazhangguan (ć€§æŽŒćź˜, litt. Chancelier SuprĂȘme) lui-mĂȘme. Leur entrevue dĂ©tailla la cĂ©rĂ©monie qui se tiendrait le jeudi suivant, expliquant ce qui Ă©tait attendu d’eux, quels rites seraient donnĂ©s au moment du couronnement et comment les services de la Maison ImpĂ©riale, de l’État et du temple allaient se coordonner pour offrir une cĂ©rĂ©monie de couronnement digne de ce nom.

Jiajing n’avait plus grand-chose Ă  voir avec l’homme remplit de doutes qu’il fut lorsque son pĂšre abdiqua. Des craintes, il en avait toujours, mais il avait dĂ©cidĂ© qu’il passerait au-dessus de cela. Aussi, passĂ© les premiers jours, il commençait Ă  comprendre que quoi qu’il fasse, il y aurait toujours quelqu’un pour expliquer comment il aurait pu mieux faire. Il Ă©tait lĂ , Ă©coutant d’une oreille le Dazhangguan et de l’autre, observant le temple. Celui-ci Ă©tait grand et circulaire. Il trĂŽnait sur une sorte de terrasse circulaire Ă  degrĂ©s dont chaque niveau Ă©tait dĂ©corĂ© de multiples statues portant des habits et reprĂ©sentant des scĂšnes du Daojing. Cette structure reposait elle-mĂȘme Ă  l’extrĂ©mitĂ© d’une terrasse plus grande encore et oĂč l’autre extrĂ©mitĂ© Ă©tait composĂ©e d’un ensemble de pavillons reliĂ©s entre eux par des passages couverts.
Ce complexe faisait partie d’un encore plus grand de plus de 200 hectares et Ă©tait en fait le vĂ©ritable Temple du Ciel. Ils ne se trouvaient en fait que dans le cƓur du complexe religieux, dans le Pavillon des GrĂąces oĂč les adeptes venaient chercher les bonnes grĂąces du Ciel. Celui-ci Ă©tait placĂ© au nord du complexe et reliĂ© par une voie principale de dix mĂštres de large Ă  l’autel du Ciel situĂ© au sud. Au centre, une voie transversale reliait le Pavillon de l’Abstinence Ă  l’ouest du Pavillon de l’Abondance. DerriĂšre chaque grand ensemble du temple du Ciel se trouvait une porte portant le nom des points cardinaux. Ainsi, selon le Dazhangguan, Sa MajestĂ© Ling Jiajing pĂ©nĂ©trerait dans le Temple du Ciel par la Porte du Midi, emprunterait la Voie ImpĂ©riale jusqu’à l’autel du Ciel pour ĂȘtre oint et bĂ©ni puis entamerait une parade sur la Voie ImpĂ©riale jusqu’au Pavillon des GrĂąces pour demander son assentiment au Ciel et recevrait des mains du Dazhangguan les Insignes de la Vertu SuprĂȘme.

D’ordinaire, de nombreux reprĂ©sentants Ă©trangers auraient Ă©tĂ© invitĂ©s au couronnement pour tĂ©moigner du faste de la Dynastie, mais celle-ci n’avait rien Ă  prouver avec le succĂšs du Bicentenaire [WINK WINK LE JOUEUR N'A JUSTE PAS LE TEMPS WINK WINK]. Cette fois-ci, par ailleurs, Jiajing voulait marquer une rupture avec le rĂšgne de Sa MajestĂ© ÉmĂ©rite. En effet, il entendait rĂ©duire les dĂ©penses pharaoniques de la Maison ImpĂ©riale pour servir le TrĂ©sor et donc, les autres DĂ©partements de son Gouvernement. De fait, la ligne des invitĂ©s se limita aux reprĂ©sentants diplomatiques des nations Ă©trangĂšres ainsi que les hauts dignitaires de l’Empire et du monde de la Finance. C’était Ă©videmment contre l’avis du Premier Ministre, de MiaoMiao et de son pĂšre qu’il acta la chose. Fang, son Ă©pouse, elle ; avait largement plaidĂ© cette alternative tant pour mĂ©nager son mari que parce qu’elle-mĂȘme allait devoir tenir un rĂŽle qui ne l’attrayait pas spĂ©cialement.

Le soir mĂȘme de leur longue journĂ©e, Fang et Jiajing s’étaient retirĂ©s tĂŽt dans leurs appartements pour se reposer. Une derniĂšre reprĂ©sentation aurait lieu le lendemain, fallait-il ensuite choisir les tenues ridicules Ă  porter puis enfin, concourir Ă  l’exercice de la fonction impĂ©riale. Ainsi, il n’avait plus l’énergie de veiller.
Jiajing lisait pĂ©niblement un livre traitant d’un monde fictif oĂč une drĂŽle de communautĂ© devrait rĂ©aliser un pĂ©riple vers un volcan pour dĂ©truire un bijou ancien.
Fang, elle, se démaquillait sur la coiffeuse qui faisait face au lit. Elle jetait un regard de temps en temps vers son époux au travers du miroir couronné de lampes.

- T’es-tu intĂ©ressĂ© au sujet que nous avons Ă©voquĂ©s ? Questionna-t-elle tout en appliquant du lait sur un petit carrĂ© de soie.
- Plait-il ? RĂ©pondit-il en tournant nonchalamment une page de son livre. La drĂŽle de compagnie venait d’arriver non loin d’une chute d’eau Ă  bord de navires et s’apprĂȘtaient Ă  camper.
- T’es-tu intĂ©ressĂ© au cas de Suni ? RĂ©pondit-elle tout en tirant une drĂŽle de grimace alors qu’elle passait le carrĂ© autour de ses lĂšvres.
- Ta servante, c’est bien cela ? Jiajing retira ses lunettes et la regarda.
- Oui, y en a-t-il d’autres dans son cas ?
- J’ai demandĂ© Ă  MiaoMiao.
- Et alors ?
- Alors, il m’a rĂ©pondu que la mission d’eunuque impliquait certains
 Sacrifices.
- Mh. MiaoMiao est plein d’humour. Dit-elle avec une moue lĂ©gĂšrement dĂ©goutĂ©e.
- Il évite le sujet, surtout. Répondit Jiajing en fermant son livre page 701.
- Et pourquoi évite-t-il le sujet ? Il est important.
- Parce qu’il est attachĂ© Ă  certaines valeurs ou alors
 Jiajing rĂ©flĂ©chi un instant avant de se redresser en bĂąillant. Ou alors, ce sujet le dĂ©passe complĂštement.
- Il ne dirige pas la Direction des Chambres ? Demanda Fang en regardant Jiajing droit dans les yeux, cette fois-ci.
- Mais il ne dirige ni la Maison ImpĂ©riale, ni le DĂ©partement de l’IntĂ©rieur et encore moins celui du Commerce et de l’Industrie.
- Je me doute bien que cela dĂ©passe largement les frontiĂšres du Palais Pourpre, mais en l’occurrence, nous pouvons agir dĂšs maintenant sur celui-ci.

Jiajing se leva et alla rejoindre son Ă©pouse. Il dĂ©posa ses mains sur ses Ă©paules et contempla son reflet. Elle le fixait de ses grands yeux que le dĂ©maquillant n’avait rien retirĂ© Ă  sa beautĂ©.

- C’est à Lee que je dois en parler. Pas à MiaoMiao.
- Et si, pour l’instant, tu en parlais à
 Comment s’appelle-t-il dĂ©jĂ  ?
- Qui donc ?
- Celui qui dirige la Maison Impériale.
- Jia ? SIDAO Jia ?
- Oui, non mieux son supérieur !
- Son supĂ©rieur ? Il n’en a pas. C’est le secrĂ©taire de la Maison ImpĂ©riale.
- Moi, j'en connais deux des supĂ©rieurs Ă  Jia, l’un deux partage ma couche et j’aime autant te dire que je compte abuser de tous mes talents de conspiratrice voir de corruptrice pour qu’il agisse en mon sens.
- Je vois. Il va falloir conspirer demain alors. Il déposa un baiser sur la joue de son épouse puis retourna au lit.
- Oui, voir aprĂšs-demain.
- N’abusons pas non plus. Mais je m’en occuperai demain, je te le promets.

24 février 2015
Il tint parole. Le lendemain, l’Empereur rencontra le SecrĂ©taire de la Maison ImpĂ©riale pour s’entretenir avec lui d’une hausse des salaires qu’il voulait et de l’amĂ©lioration de l’assurance prescrite par le Palais pour ses employĂ©s. L’échange, quoique cordiale et respectant tous les protocoles, se rĂ©vĂ©la musclĂ©. En effet, SIDAO Jia avait expliquĂ© Ă  l’Empereur qu’une hausse de ce genre de cas nĂ©cessiterait Ă  un moment donnĂ©, une hausse du budget et donc l’assentiment du TrĂ©sor, du Premier Ministre ou de la Cour LĂ©gislative.

- Monsieur Sidao, îtez-moi d’un doute.
- Oui, Votre Majesté ?
- À qui le DĂ©partement de la Maison ImpĂ©riale rend compte ?
- Eh bien, au Premier Ministre dans un sens.
- Et dans l’autre, le Premier Ministre rend compte à l’Empereur, non ?
- Oui. En effet, ainsi qu’au chef de la Dynastie, en l’occurrence, Sa MajestĂ© Ling Chongsheng.
- OĂč cela figure-t-il ?
- Je vous demande pardon, Votre Majesté ?
- OĂč figure-t-il un texte qui fait effet de loi, indiquant que vous devez rendre compte Ă  l’Empereur ÉmĂ©rite en sa qualitĂ© de chef dynastique ?
- Eh bien, nulle part. Certes.
- Or, il existe un texte officiel qui indique que l’Empereur prĂ©vaut sur le Premier Ministre ?
- Certes oui, la Constitution l’indique.
- D’accord, une nouvelle fois alors. À qui le DĂ©partement de la Maison ImpĂ©riale rend compte ?
- À vous, Votre MajestĂ©.
- Exactement. Faites prĂ©parer les revalorisations et entamer des nĂ©gociations avec notre police d’assurance pour de meilleurs services, mais sans frais supplĂ©mentaires. S’il refuse, dites-leur qu’une autre compagnie nous propose de meilleurs services pour moins cher. Essayons de jouer la corde de la concurrence saine.
- Entendu Votre Majesté, mais je dois de formuler des réserves quant à votre demande.
- Et Sa Majesté vous remercie pour cela, vos réserves seront étudiées. Faites-moi savoir quand la chose sera actée.
- Bien, Votre MajestĂ©. Dit-il d’un sourire forcĂ©.

Le fait est qu’il Ă©tait bien plus complexe qu’il n’y paraissait de s’attaquer Ă  l’impermĂ©able systĂšme des eunuques du Palais. Durant plusieurs jours, Ling Jiajing n’entendrait plus parler de tout cela sauf lorsque Fang viendrait aux nouvelles.

Cette aprĂšs-midi-lĂ  de fĂ©vrier, il rencontra ZHOU Lee, son Premier Ministre, au sein du Cabinet que jadis, occupait son pĂšre. La dĂ©coration avait quelque peu changĂ©e depuis leur derniĂšre entrevue, Ling Chongsheng ayant terminĂ© de transfĂ©rer toutes ses affaires vers ses nouveaux appartements. Un tic tac rĂ©gulier se faisait entendre et venait casser le silence de l’endroit. En effet, Jiajing avait rĂ©cupĂ©rĂ© une vieille horloge que son aĂŻeul Ling Huangong avait dans son bureau. Celle-ci nĂ©cessitait d’ĂȘtre remontĂ©e chaque soir, aussi MiaoMiao avait dĂ» prendre quelque temps avant de comprendre comment elle fonctionnait pour pouvoir l’expliquer lui-mĂȘme aux eunuques qui s’en chargeraient. Les meubles, quant Ă  eux, Ă©taient toujours adaptĂ©s Ă  l’histoire de la piĂšce, mais tĂ©moignaient d’une certaine modernitĂ©. Jiajing voulait la rupture, il l’aurait jusqu’à l’assise de son impĂ©rial sĂ©ant. Seul meuble majeur qui demeurait de l’époque de son pĂšre datait en fait de bien avant lui. Il s’agissait de l’imposant bureau en acajou massif dont on aurait dit un seul bloc de bois oĂč seulement un espace pour les jambes avait Ă©tĂ© taillĂ©. À l’opposĂ© de lĂ  oĂč Ă©tait assis Jiajing, deux dragons Ă©taient sculptĂ©s Ă  mĂȘme le bois et semblait supportĂ© les extrĂ©mitĂ©s du bureau. Plusieurs riches scĂšnes Ă©taient dĂ©corĂ©es partout autour du meuble. Il avait Ă©tĂ© commanditĂ© par Ling Yuheng en 1858 et fut livrĂ© en 1861 Ă  l’occasion des dix ans de son rĂšgne.

Lorsque MiaoMiao fit entrer ZHOU Lee, celui-ci s’inclina un long moment avant d’observer la piĂšce tout autour de lui. Son Ɠil se posa partout comme un jeune enfant curieux Ă  qui on montrait un endroit nouveau. Les deux hommes Ă©changĂšrent sur les affaires la piĂšce un petit moment puis enfin abordĂšrent les affaires de l’État. Jiajing l’informant de ce qu’il voulait entreprendre comme changement radicaux et aborda en plus le sujet des eunuques. Le Premier Ministre conseilla l’Empereur du mieux qu’il put, mais Ă  qui regardait bien, pouvait voir la mĂąchoire de ZHOU Lee se contracter et se serrer par moment. Enfin, ils abordĂšrent le couronnement et sa cĂ©rĂ©monie. Elle devrait se tenir dans deux jours et Jiajing ne semblait pas afficher une once du trac qui le parcourait. Il luttait contre lui-mĂȘme pour empĂȘcher que la paralysie que provoquait l’idĂ©e d’échouer l’emporte emmenant avec elle les relent nausĂ©abonds des doutes dignes du premier soir de son rĂšgne.
Puis, alors que l’Entrevue ImpĂ©riale touchait Ă  sa fin, Ling Jiajing se leva et raccompagna le Premier Ministre ; ce qu’il n’avait jamais fait jusqu’ici.

- Et si c’était tout le systĂšme qui Ă©tait revu ?
- Je vous demande pardon, Votre Majesté ?
- Pour cette affaire d’eunuque. La Couronne pourrait rĂ©duire son train de vie ou utiliser son propre TrĂ©sor pour tous les extra – dirons-nous - ce qui compenserait les coĂ»ts des augmentations.
- Mh
 Lee se mit Ă  rĂ©flĂ©chir un instant, son visage s’ouvrit un peu plus que tout Ă  l’heure. C’est effectivement une bonne idĂ©e, d’autant que ça enverrait un bon message politique : Sa MajestĂ© rĂ©duit son train de vie pour le bien de ses gens.
- Si on couple Ă  cela une rĂ©forme du systĂšme pour simplifier la Bureaucratie CĂ©leste et rĂ©duire ou annihiler les dĂ©penses inutiles, la Maison ImpĂ©riale pourrait peut-ĂȘtre ĂȘtre en excĂ©dent budgĂ©taire et le TrĂ©sor impĂ©rial, lui, utilisera ses domaines pour compenser ses pertes.
- En somme, vous proposez un budget Ă  l’équilibre. C’est typiquement le genre de chose que les ReprĂ©sentants aiment.
- Oui, voire excĂ©dentaire si on utilise les fermes impĂ©riales pour fournir aussi bien les cuisines de la Maison ImpĂ©riale que les particuliers, que le domaine foncier rapporte, qu’une Ă©conomie basĂ©e autour d’une vente additionnelle.
- Une vente additionnelle ?
- La Maison ImpĂ©riale vit au Palais Pourpre, la majoritĂ© de ses autres demeurent ne sont pas utilisĂ©es. Durant les pĂ©riodes oĂč la Maison ImpĂ©riale n’y siĂšge pas, ces domaines pourraient ĂȘtre partiellement ouverts au public pour des visites, servir de lieu d’exposition. De fait, des effigies qui serviraient tant Ă  la communication impĂ©rial qu’à rapporter de l’argent en plus, pourraient ĂȘtre mis en place.
- Faire de la Dynastie Ling une marque déposée ?
- En tout cas bĂ©nĂ©ficier de notre rayonnement pour servir les intĂ©rĂȘts de la nation.
- Pour ce point, c’est faisable si, avec tout le respect que je vous dois, la Maison ImpĂ©riale ne tombe pas dans la caricature du pur produit de marketing. Vous ĂȘtes l’Empire et l’Empereur, pas une marque de vĂȘtement.
- Certes, cela doit uniquement se limiter au cadre des ventes additionnelles liĂ©es au patrimoine culturel et historique. Ceux-ci seraient taxĂ©s sur la base des GST ce qui offrirait au TrĂ©sor des revenus supplĂ©mentaire, en plus de profiter au TrĂ©sor ImpĂ©rial. Cela s’inscrit dans votre projet de loi de finance 2016.
- Eh bien
 Lee hocha de la tĂȘte, l’air satisfait et s’inclina bien bas. Votre MajestĂ© nous honore de son Esprit.
- Barf, dit Jiajing en faisant la moue. Quand nous sommes entre nous, vous pouvez vous passer de ces simagrĂ©es d’un autre temps.
- Je le peux. Il se releva. Faut-il le vouloir.

ZHOU Lee s’inclina une nouvelle fois et se retira avec l’accord de l’Empereur. En rĂ©formant le systĂšme d’eunuque et en permettant de crĂ©er des revenus additionnels, Jiajing avait peut-ĂȘtre offert au Premier Ministre, un peu moins de dĂ©pendance Ă  l’aspirine. En effet, nous Ă©tions encore trĂšs loin de la prochaine session parlementaire, celle-ci n’étant pas encore conclue, mais il fallait d’ores et dĂ©jĂ  prĂ©parer la chose. Jiajing voulait un projet de rĂ©forme simple et clair qui, en plus, n’avait pratiquement pas besoin de chercher l’assentiment de la Cour ou du Gouvernement. Peu d’argent public serait dĂ©pensĂ©, mais beaucoup rentreraient dans les caisses : Tout le monde y gagnait. Il passa le reste de l’aprĂšs-midi Ă  travailler sur le sujet et ce ne fut que lorsque le petit carillon de l’horloge de Huangong sonna huit fois, qu’il se rendit compte qu’il travaillait depuis dĂ©jĂ  six heures sans pause. Ses yeux brulĂšrent, aussi dĂ©cida-t-il de rejoindre ses appartements, non sans avoir dĂźnĂ© avant.
Alors qu’il finalisait sa premiĂšre Ă©bauche, son dĂźner lui fut apportĂ© par un eunuque qui le prĂ©senta avant de s’en aller rapidement.

- Votre MajestĂ©, nouilles sautĂ©es aux lĂ©gumes et son porc braisĂ© Ă  la sauce soja avec un mĂ©lange d’épice. Chou chinois sautĂ© Ă  l’ail, lĂ©gumes marinĂ©s salĂ©-sucrĂ©s. Ici, vos pains mantou fourrĂ©s aux haricots rouges et lĂ  un thĂ© au jasmin. Bonne dĂ©gustation, Votre MajestĂ©.
- Merci bien.

L’eunuque sorti et il manqua de rentrer dans Ling Chongsheng. Il se confondit en excuses, implorant le pardon de l’Empereur ÉmĂ©rite, celui-ci sourit les yeux aussi pĂ©tillant qu’à l’accoutumĂ©e et lui souhaita une bonne nuit. Puis il inclina lĂ©gĂšrement la tĂȘte vers son fils avant de se balader dans la piĂšce.

- Tu as bien pris tes marques, Cher Premier.
- Cher Empereur, vouliez-vous dire. Répondit Jiajing sans le regarder, coupant avec ses baguette le mantou.
- Bien, excellent. Tu t’affirmes dans ton rîle. Un jour, tu seras un immense empereur.

Jiajing ne releva pas, il s’arrĂȘta de manger puis regarda son pĂšre. Celui-ci se dirigeait vers un des fauteuils disposĂ©s non loin du bureau et faisant face Ă  une petite table, oĂč Ă©tait posĂ©e une plante verte gracieuse et un petit service Ă  whisky, ainsi qu’à une fenĂȘtre.

- Puis-je ? Demanda Chongsheng en pointant de la main la bouteille de Whisky fujiwan.
- Je vous en prie, c’est un dix ans d’ñge. PlutĂŽt fruitĂ©.
- Est-ce celui qui t’a Ă©tĂ© offert pour tes 35 ans ?
- Oui, celui-ci mĂȘme.
- Mh. Je n’aurais mis que six ans Ă  ĂȘtre invitĂ© Ă  le gouter.
- Oui, c’est cela. Puis-je vous ĂȘtre utiles, PĂšre ?
- Je me suis dĂ©couvert une nouvelle passion pour le cuju. Oh, je ne suis pas aussi douĂ© que LAN Weihao. Tu te souviens lors du championnat de 2002 oĂč il a marquĂ© depuis la ligne des 15 m Ă  une seconde de la fin permettant aux Dragons d’égaliser face aux Cloud river. La sĂ©ance de tir au but qui s'est ensuivi fut un carnage pour Yunhe, mais elle nous a permis de gagner le titre. Sans ça, nous aurions Ă©tĂ© Ă  trois dĂ©faites d’affilĂ©e.
- Oui je me souviens. LIAN Qiu aurait pu nous faire trĂšs mal s’il ne s’était pas blessĂ© une dizaine de minutes avant la fin du match.
- Absolument ! Quel spectacle. Les matchs opposant Feu et Eau sont toujours impressionnants.
- Il faudrait que nous allions en voir un, un de ces jours.
- Ce serait avec grand plaisir, mon fils.
- Mais
 Jiajing vint s’asseoir Ă  cĂŽtĂ© de son pĂšre sur le fauteuil situĂ© Ă  cĂŽtĂ© de la fenĂȘtre. Pourquoi me parlez-vous de cela ?
- Eh bien, je faisais un entrainement de cuju et je joue avec un ami Ă  moi. SIDAO Jia, cela te parle ?
- Le secrétaire à la Maison Impériale ? Oui, évidemment.
- Figure-toi qu’il m’a racontĂ© une absurditĂ© comme quoi, tu voulais offrir des avantages sociaux aux eunuques et augmenter leurs salaires. Il se mit Ă  rire. Pire encore, il m’a racontĂ© qu’un de ces eunuques aurait dit que tu cherchais Ă  rĂ©duire le pouvoir impĂ©rial au profit de la Cour LĂ©gislative. Je l’ai naturellement conseillĂ© de limoger son eunuque.
- Non seulement son eunuque n’est pas un menteur, mais en plus, je veux effectivement que tous ceux qui travaillent pour la Maison ImpĂ©riale soient mieux traitĂ©s. Cela peut ĂȘtre un premier pas vers de meilleures conditions de travail pour tous les citoyens du Grand Ling.
- Mh. Il ferma les yeux en ayant un soupir de dĂ©sapprobation puis, les rouvrit et agita la main pour ponctuer sa phrase. Je peux comprendre que tu cherches Ă  amĂ©liorer le sort des eunuques, aprĂšs tout c’est de la communication, ça sert la politique du Gouvernement et ça t’évite de retrouver des serpents dans ton lit.
- Il ne s’agit

- Je n’ai pas terminĂ©. L’interrompit son pĂšre. Tu veux rĂ©duire le pouvoir impĂ©rial ? Ta mĂšre aurait-elle donnĂ©e vie Ă  un fou ? Un dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© masochiste ? Pire, un stupide ignare ?
- Surveillez votre langue. Jiajing se redressa dans son fauteuil. Vous parlez à votre fils, mais vous parlez également à votre Empereur.
- Oh, tu vas oser utiliser la carte de l’Empereur avec ton pĂšre ? Il se redressa Ă  son tour et fixa du doigt Jiajing. Je suis l’Empereur depuis 1979, mon garçon. Je suis le chef de cette dynastie. Je t’ai donnĂ© tout ce que tu possĂšdes, toute ta vie, tu me la dois. Et par tous les Dieux, Je suis le Jade rĂ©incarnĂ© !
- Je vais mettre ça sur le compte de la fatigue liĂ© Ă  votre sĂ©ance de cuju. Et c’est bien parce que je respecte mes ancĂȘtres et mes devoirs que je ne vous fais pas immĂ©diatement enfermer pour crime de lĂšse-majestĂ©. Mais tenez encore une fois de tels propos et je vous ferais rappeler que vous n’ĂȘtes plus que l’Empereur ÉmĂ©rite et que vous n’ĂȘtes plus sacrĂ© ou que vous n’ĂȘtes plus autant protĂ©gĂ© par les lois qu’avant.
- Bien. il fit claquer sa langue et se leva avant de prendre la direction de la porte oĂč il s’arrĂȘta pour regarder son fils. Jadis, nous Ă©tions des dirigeants, ensuite, nous sommes devenus des symboles. Ne nous fais pas devenir de simples figurants. Bonne nuit.

Chongsheng sorti sans que son fils ne bouge ni ne rĂ©ponde. Il tremblait de rage et tenta de se calmer avant de rejoindre ses appartements oĂč Fang, assurĂ©ment, lui demanderait pourquoi Ă©tait-il aussi maugrĂ©ant. Il retourna Ă  son bureau pour finir son repas, contre toutes attentes cette dĂ©sagrĂ©able discussion ne lui avait pas fait passer le goĂ»t du pain. Mais, durant une bonne heure qu’il resta assis lĂ  Ă  contempler le vide, il ne pouvait s’empĂȘcher de repenser Ă  la duretĂ© des mots de son pĂšre. L’influence de ce dernier au sein de la Maison ImpĂ©riale mettait en pĂ©ril ses efforts pour disposer de la lĂ©gitimitĂ© nĂ©cessaire Ă  ses rĂ©formes.
Il rejoignit finalement ses appartements vers 22 h ou 23 h. Fang s’était assoupie devant un film. Il Ă©teignit la tĂ©lĂ©vision et la porta vers le lit avant de la border puis d’aller prendre une douche et la rejoindre au lit. Il Ă©tait extĂ©nuĂ©.

26 février 2015
La veille n’avait rien eu d’exceptionnelle Ă  offrir. Jiajing n’avait pas Ă©tĂ© productif, pas mĂȘme aux rĂ©pĂ©titions de la cĂ©rĂ©monie du couronnement. Les mots de son pĂšre continuant de raisonner en lui alors qu’il se montrait d’une incroyable gentillesse et d’une incroyable douceur en public. MĂȘme avec Fang ou ses petits enfants, il Ă©tait le pĂšre qu’il n’avait jamais eu.
Lorsque le matin du couronnement Jiajing ouvrit les yeux, il n’y pensait plus. Du moins, il se disait stupide de ne pas avoir su se concentrer la veille pour aujourd’hui. La cĂ©rĂ©monie devait dĂ©buter Ă  dix heures, aussi cela laissait peu de temps de rĂ©pit, juste assez pour prendre son Ă©pouse et ses enfants par la main et filer en douce Ă  l’aĂ©roport direction un pays lointain.

Pour autant, la voiture conduisant Jiajing et son Ă©pouse jusqu’à la Porte du Midi du temple du Ciel venait de s’arrĂȘter. Ils Ă©taient arrivĂ©s et Jiajing se rendit compte qu’un battement de cil avait suffit Ă  sĂ©parer son rĂ©veil de son couronnement.

- Pf. Soupira t-il en regardant la masse de journalistes et de lingois Ă  l’extĂ©rieur. Au diable ce vieu fou sĂ©nile.
- Pardon ? Lui dit Fang.
- Non rien, allons-y.

Un mur d’agent de la Garde BrodĂ©e se forma et l’Empereur descendit de sa limousine dans sa tenue d’apparat aux cĂŽtĂ©s de son Ă©pouse, elle aussi, en tenue. Ils Ă©taient magnifiques aussi, ils posĂšrent un instant tout en souriant gĂ©nĂ©reusement. Jiajing oublia tous ses tracas et profita de l’instant avant qu’on l’intime de passer l’imposante Porte du Midi et ses battants d’un rouge impĂ©rial profond.
Jiajing se souvenait enfin, d’abord, ils devaient avancer sur la Voie ImpĂ©riale pour se rendre Ă  l’autel du Ciel oĂč il serait oint puis bĂ©ni tout comme son Ă©pouse. PassĂ© la porte, Jiajing vit que de chaque cĂŽtĂ© de l’imposante Voie ImpĂ©riale se trouvait de nombreux soldats en tenue d’apparat laissant un espace d’au moins trois mĂštre pour marcher jusqu’à l’autel. Devant lui plusieurs eunuques se tenaient en rang, au premier rang, se trouvait de nombreux joueurs de tambour qui se mirent Ă  battre en rythme indiquant le dĂ©but de la parade. Jiajing laissa sa place Ă  Sa MajestĂ© qui prit la main de l’ImpĂ©ratrice et avancĂšrent jusqu’à l’autel tandis que les soldats effectuĂšrent une chorĂ©graphie avec leur fusil au son du tambour et de la voix d’un soldat. Des jeunes qui ne devaient pas avoir plus de 15 ans eux jetaient des pĂ©tales sur le passage de l’Empereur et de son Ă©pouse. Puis, ils arrivĂšrent aux pieds d’une structure circulaire similaire Ă  celle sur laquelle reposait le Pavillon des GrĂąces. Face Ă  eux se tenait un escalier divisĂ© en trois couloirs par des rambardes. Dans la tradition lingoise, seul le couple impĂ©rial pouvait emprunter l’escalier du milieu ; aussi, il Ă©tait normalement barrĂ© par des portiques ou des cordons.

Ils gravirent les marches avec le plus de solennitĂ© possible. Au sommet, plusieurs religieux Ă©taient rĂ©unis en arc de cercle autour du Dazhangguan qui portait une tenue cĂ©rĂ©monielle d’un pourpre Ă©clatant. Devant lui se trouvait une vasque en pierre soutenue par quatre pieds disposĂ©s aux points cardinaux et ayant la forme des quatre shijin (ć››è±Ą, litt. Quatre pouvoirs) c'est-Ă -dire l'un des gardiens des points cardinaux. Qilin le CervidĂ© Ă  l’est, Xuanwu le Guerrier noir au nord, Byakko le Tigre blanc Ă  l’ouest et Suzaku le PhĂ©nix rouge au sud. De chaque cĂŽtĂ© de la vasque se trouvait d’énormes chaudrons dĂ©gageant un parfum Ăąpre d’encens. Le Dazhangguan rĂ©cita quelques priĂšres de circonstances alors que le couple impĂ©rial se mit Ă  genoux face Ă  la vasque puis de son doigt vint dĂ©poser un peu d’eau contenu dans cette derniĂšre sur leur cheveux et leur front. Ainsi furent oints et bĂ©nis Ling Jiajing et Ling Fang ; ils reçurent par consĂ©quent la bĂ©nĂ©diction des dieux.

Enfin, Leurs MajestĂ©s se relevĂšrent et firent le tour de la vasque pour emprunter l’escalier nord de l’autel du Ciel sous les chants religieux des prĂȘtres qui toujours unis en demi-cercle. Le reste de la parade avait fait le tour de l’autel et au pied des marches attendaient une procession trois fois plus grande qu’avant l’autel. Jiajing serra plus fort la main de son Ă©pouse alors qu’il fut pris d’un lĂ©ger moment de panique. TrĂšs vite l’Empereur reprit le dessus et continua d’avancer vers le Pavillon des GrĂąces qui devaient se trouver Ă  300 ou 400 mĂštres devant eux. Durant tout le long, il y eut de nombreux officiels de l’Empire, des reprĂ©sentants Ă©trangers, des personnes influente de tous les domaines Ă©conomiques ou politique du Grand Ling. Tous ou presque tenaient un bĂąton d’encens tandis que les eunuques et les gardes disposĂ©s devant eux tenaient des Ă©tendards de la Dynastie Ling ainsi que du drapeau du pays. Les religieux situĂ©s de part et d’autre de leur procession chantĂšrent encore tandis que parallĂšlement Ă  eux se trouvaient des jeunes ayant prononcĂ© leurs VƓux rĂ©cemment portant des lanternes d’encens. Toute cette troupe dĂ©filait dans une solennitĂ© exceptionnelle. La gravitĂ© de la situation n’aurait pas laissĂ© prĂ©sager qu’il s’agissait d’une cĂ©lĂ©bration. Fang tourna la tĂȘte vers sa droite, attirĂ©e par le bruit du vent dans les arbres. Elle y voyait des petits bourgeons alors que l’hiver n’était pas encore terminĂ©. Sur un autre arbre, un Ă©cureuil devint funambule le temps d’une traversĂ©e pour disparaitre de l’autre cĂŽtĂ© du tronc. Encore plus loin, un couple d’oiseaux s’envola au son du tambour. La nature semblait, pourtant, vouloir assister Ă  cette curiositĂ©. De drĂŽles de bipĂšdes dans des tenues psychĂ©dĂ©liques dĂ©ambulant en rythme vers le drĂŽle d’arbre colorĂ©. La chose la plus importante des uns Ă©tait la plus grande futilitĂ© des autres. Jiajing, lui, regardait les murs d’enceinte du sanctuaire desquels de petites tĂȘtes lointaines et chevelues apparaissaient et disparaissaient comme un jeu de taupe. De temps Ă  autre, de lointaines lumiĂšres s’éveillĂšrent pour se taire tout aussi vite capturant Ă  jamais l’instant. De ci et de lĂ , dans le ciel, le vrombissement d’hĂ©licoptĂšres floquĂ©s aux couleurs de chaine de tĂ©lĂ©vision tournaient en rond autour du temple sous le regard attentif des tours de contrĂŽle de la ville et de nombreux membres des forces de l’ordre ou de la Garde BrodĂ©e. Ils semblaient ĂȘtre des fantĂŽmes errant sans but, s’arrĂȘtant un instant pour observer la curiositĂ© puis reprenant leur longue promenade circulaire.

Ils arrivĂšrent devant un escalier de pierre au sommet duquel trĂŽnait un porte marquant l’entrĂ©e vers le Pavillon des GrĂąces. De chaque cĂŽtĂ© de la porte se tenait un bĂątiment en largeur reliĂ© Ă  deux autres par des passages couverts et formant ensemble un U aux angles droits. Ils pĂ©nĂ©trĂšrent dans cette sorte de cour oĂč un autre autel se tenait au centre de ce U. En arriĂšre-plan, pouvait-on distinguer une structure sensiblement pareille que celle de l’autel du Ciel exception faite que celle-ci disposait d’un escalier deux fois plus haut et que trĂŽnait en son centre un immense temple circulaire. Un silence retentit dans tout le sanctuaire. Les tambours se turent, le vrombissement des hĂ©licoptĂšres semblait faussement s’éloigner. Seul le bruit des Ă©tendards claquant au vent nouvellement levĂ© se fit entendre le temps d’un instant. Sa MajestĂ© l’Empereur et Sa MajestĂ© l’ImpĂ©ratrice gravirent ce nouvel obstacle pour rejoindre l’immense temple circulaire abritant les songes des milliers de lingois qui venaient prier chaque jour demander au Ciel d’accorder ses bonnes grĂąces. Les centaines de bougies mourantes et le double d’encens tĂ©moignaient de la frĂ©quentation habituelle du lieu et de la spiritualitĂ© du peuple de Jiajing.
Le couple pĂ©nĂ©tra seul dans le temple et pria le Ciel pour recevoir ses grĂąces. Quelques longues minutes aprĂšs, ils quittĂšrent le temple en laissant deux bĂątons d’encens et deux bougies se consumer. Ils redescendirent jusqu’à la cour oĂč le Dazhangguan Ă©tait entourĂ© de nombreux religieux, diffĂ©rents de ceux de tout Ă  l’heure. Ceux-ci portaient tous une piĂšce des Insignes de la Vertu SuprĂȘme. Face Ă  l’Homme de Foi, deux fauteuil Ă©taient montĂ©s sur une estrade qui n’était pas lĂ  lors de leur passage.
Arrivant devant le Dazhangguan, celui-ci commença à réciter des priÚres puis prononça une phrase qui ne fut plus entendue depuis 1979.

- VĂ©nĂ©rable CĂ©leste Auguste de Jade, Ling Jiajing, de la maison Ling, les dieux t’ont fait empereur du Grand Ling, protecteur des Ăźles Lanhu, gardien de l'ÉpĂ©e cĂ©leste et du Sabre du dragon, actuel occupant du TrĂŽne du Dragon, hĂ©ritier de l'Empereur de Jade et du Ciel ; seuls eux peuvent te reprendre ce droit divin. Puisses-tu offrir au Grand Ling et en son peuple protection, prospĂ©ritĂ© et bonheur. Acceptes-tu la mission que ton ancĂȘtre Yuhuang a reçue de Seiryu le VĂ©nĂ©rable, lui-mĂȘme ? face Ă  Jiajing qui Ă©tait Ă  genou face l’Homme de Foi.
- Je l’accepte. Dit Jiajing d’une voix forte, mais subtilement chevrotante.
- Ainsi, Jiajing vient de nous quitter. Au nom des dieux lĂšve-toi VĂ©nĂ©rable CĂ©leste Auguste de Jade, Ling Jiajing, de la maison Ling, empereur du Grand Ling, protecteur des Ăźles Lanhu, gardien de l'ÉpĂ©e cĂ©leste et du Sabre du dragon, actuel occupant du TrĂŽne du Dragon, hĂ©ritier de l'Empereur de Jade et du Ciel.

Jiajing se leva et un religieux apporta la premiĂšre des Insignes de la Vertu SuprĂȘme, puis un deuxiĂšme et ainsi de suite. Le Dazhangguan les lui donna une Ă  une. Lorsque vint le moment de porter la robe impĂ©riale – qui n’était en fait qu’une sorte de tunique faite d’une piĂšce de tissu enroulĂ©e autour du corps – deux eunuques habillĂšrent l’Empereur.

- Reçoit les Insignes de la Vertu SuprĂȘme, symbole que tu es l’Empereur sous le Ciel. Symbole de ton droit divin et de ta lĂ©gitimitĂ©. ProtĂšgent les et transmet les, le moment voulu, Ă  l’hĂ©ritier de Yuhuang, le VĂ©nĂ©rable empereur de Jade.

Les Insignes se composaient du Sceau de l’HĂ©ritage du Royaume, sculptĂ© dans une piĂšce de jade blanc sous le premier empereur Qin et dont la pierre fut dĂ©couverte Ă  l’Ère des Zuxian, selon la lĂ©gende ; de la coiffe impĂ©riale ornĂ©e de perles suspendues devant et derriĂšre, considĂ©rĂ©e comme l’équivalent des couronnes occidentales ; la robe impĂ©riale d’un jaune d’or et brodĂ©e de dragons, souvent accompagnĂ©s de motifs rappelant la mythologie lingoise ; la tablette de la Jade ImpĂ©riale, utilisĂ©e notamment lorsque le Premier Ministre prĂȘte serment de fidĂ©litĂ© et de protection envers la Constitution et l’Empereur ; le BĂąton CĂ©rĂ©moniel, symbole du pouvoir, en bois d’acajou, mais plaquĂ© de sculpture en or et en bronze, l’équivalent du sceptre royal occidental et enfin, les Neuf TrĂ©sors SacrĂ©s Ă©tant en fait des chaudrons de bronze richement dĂ©corĂ©s, le premier fut forgĂ© sous les Zuxian et reprĂ©sentant les provinces du Grand Ling.
Une copie de la dĂ©claration faite par le Dazhangguan plus tĂŽt, Ă©crite Ă  l’encre sur un rouleau dĂ©corĂ© Ă  la feuille, fut Ă©galement donnĂ©. C’était la DĂ©claration du Mandat du Ciel, mais jusqu’à la Dynastie Jia, celle-ci n’était qu’orale.

Finalement, ce fut au tour de Fang de passer devant le Dazhangguan et de jurer fidĂ©litĂ© et protection envers l’Empire. Elle n’avait qu’un rĂŽle honorifique, mais elle reprĂ©sentait aussi des valeurs importantes aux yeux des lingois comme la famille, la beautĂ©, l’intelligence, la fidĂ©litĂ©, entre autres. Il n’existait aucun insigne hormis la coiffe impĂ©riale, le Sceau de la PremiĂšre Dame d’Empire et son bĂąton cĂ©rĂ©moniel. Ainsi, ils s’installĂšrent tous les deux sur leurs siĂšges pendant que de nombreux officiels de l’Empire vinrent prĂȘter serment d’allĂ©geance. On ne vit pas Ling Chongsheng Ă  la cĂ©rĂ©monie, au grand damne de son fils qui espĂ©rait asseoir son pouvoir sur celui de l’Empereur ÉmĂ©rite par cette cĂ©rĂ©monie d’allĂ©geance. Ce geste, probablement calculĂ©, n’empĂȘcherait pas Ling Jiajing de faire asseoir dĂ©finitivement son autoritĂ©.
Lorsque au bout d’une heure, tous les officiels vinrent prĂȘter allĂ©geance ainsi que de nombreuses autres personnalitĂ©s influentes ; le couple impĂ©rial prit la route de la Porte Septentrionale oĂč un carrosse les attendaient pour conclure la procession jusqu’au Palais Pourpre. Ils leur restaient encore Ă  se rendre au Temple des AncĂȘtres, situĂ© dans le Palais Pourpre pour faire des offrandes aux ancĂȘtres dont Yuhuang et terminer de lĂ©gitimer leur rĂŽle en s’inscrivant dans la continuitĂ© dynastique. Jiajing en profita pour faire une offrande Ă  son pĂšre, pourtant encore vivant.

Enfin, le soir mĂȘme et alors que le pays cĂ©lĂ©brait le couronnement de son nouvel empereur, un immense dĂźner fut organisĂ© dont les restes furent offerts Ă  tous les lingois le dĂ©sirant, riches ou pauvres. Jiajing et Fang s’écroulĂšrent dans leur lit Ă  trois heures du matin extĂ©nuĂ©. Ainsi fut fait empereur Ling Jiajing de la Maison Ling, 104ᔉ empereur du Grand Ling et impĂ©ratrice Ling Fang de la Maison Ling, son Ă©pouse et PremiĂšre Dame d’Empire.

Armoiries de l'empire du Grand Ling
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Politique - ZHOU Lee passe le Grand Oral de l'état de l'Union.
Par HSU Stacy - 05 mars 2015

TĂŽt, ce matin, le quartier entourant la rĂ©sidence du Premier Ministre a dĂ» renoncer Ă  toutes tentatives de grasse matinĂ©e. Entre le balai incessant des vĂ©hicules entrant et sortant de l'imposante propriĂ©tĂ© du 1824 Renjing Avenue, les sirĂšnes de police des cortĂšges officiels, les petites mains de l'ombre travaillant comme chaque matin sans attendre d'applaudissement le soir Ă  20 heures ou les badauds se rĂ©unissant devant les barrages de sĂ©curitĂ© permanents tous intriguĂ©s et attirĂ©s pour les mĂȘmes raisons. « Il se passe quelque chose » dĂ©clare un anonyme dans la foule. « Tous les secrĂ©taires sont Ă  l'intĂ©rieur » rĂ©torque un autre. Personne ne sait vraiment quoi ni pourquoi, mais quelque chose se passe entre les murs du palais ministĂ©riel.
À l'intĂ©rieur, tout le monde s'excite et s'affole. Une vĂ©ritable chorĂ©graphie d'assistant s'organise pendant que le Premier Ministre, cernĂ© sur trois niveaux et portant nonchalamment sa chemise de la veille, Ă©coute les diffĂ©rents secrĂ©taires parler. Des proches collaborateurs le trouvent Ă©puisĂ© ou tendu. Une rumeur, sale et tenace, dit que son Crohn est revenu pour parler de la maladie de Crohn dont souffre le Premier Ministre depuis des annĂ©es. Dans le couloir, deux assistants plaisantent « L'Empereur vit dans un palais et a une couronne, Zhou lui vit aussi dans un palais, mais n'a pas la mĂȘme crohn » en exagĂ©rant la prononciation pour la faire ressembler Ă  couronne. Les proches collaborateurs tentent de rassurer le Cabinet, le Premier Ministre prononcera bien son discours sur l'Ă©tat de l'Union cette aprĂšs-midi devant la Cour LĂ©gislative. Mais pourquoi tout ce tohu-bohu alors ? Parce qu'on soupçonne le Premier Ministre de vouloir renoncer Ă  son mandat si sa condition l'empĂȘche de remplir ses missions, ce mandat, il le vit avec l'effroyable Ă©pĂ©e de DamoclĂšs qui est la sienne. Mais dans les rangs de son parti, l'Union, on s'inquiĂšte quand mĂȘme. Ils dominent la Chambre justement grĂące Ă  Zhou dont la figure charismatique a offert un second souffle au mouvement. Sans lui, les Ă©lections de 2018 seront sanglantes pour le Vieux Parti. L'alliance, prĂ©caire, entre l'Union, le Yongdidang (Parti du rassemblement pour l'Empereur) et le Minzhujundang (Parti populaire monarchiste) pourrait sauter en l'absence de Zhou pensent certains. Si l'union des droites saute, c'est la porte ouverte Ă  l'opposition portĂ©e par Écolucide et la premiĂšre fois qu'un parti de gauche obtient la majoritĂ© Ă  la Chambre depuis des dĂ©cennies.

Il Ă©coute, cernĂ©, tendu, ses secrĂ©taires. 2015 est l'annĂ©e des rĂ©formes. L'annĂ©e oĂč le Dragon doit se rĂ©veiller. Il l'a promis, c'Ă©tait dans son programme et dans son discours des primaires du Parti. L'opposition l'attaque tous les jours sur cela, car depuis deux ans qu'il est Ă  la tĂȘte du Cabinet, il n'a toujours rien fait en ce sens selon eux. Zhou doit porter son bilan de 2014 et les chiffres sont pour lui. La diplomatie lingoise tourne Ă  100 Ă  l'heure. En avril le Burujoa ; en juin Westalia, la Lermandie, Fujiwa et en juillet Teyla et Sylva. Tout rĂ©ussit au Premier Ministre, mais Crohn est revenu. Les chiffres sont dans le vert, la dette est en baisse alors que la balance commerciale explose et que l'argent est tellement partout qu'on ne sait plus quoi en faire, mais Crohn est revenu. En deux ans les lingois ont produit plus de richesse qu'en 10 ans et consomment plus qu'en 20 ans boostĂ©s par une hausse de prĂšs de 65'000 TĂž de leur PIB par habitant, mais Crohn est revenu. Le Premier Ministre ne dit rien, sa tĂȘte est soutenue par sa main et de l'autre, il tapote sur le bois cirĂ© de la table de rĂ©union. Son mĂ©decin le regarde d'un air maladif en voyant son verre de whisky Ă  moitiĂ© vide – le Tagouchi 16 ans Ă©tant le prĂ©fĂ©rĂ© du premier ministre –, entre air grave de politiciens des annĂ©es 60 et questions inquiĂštes sur l'avenir. Puis comme un second souffle, Zhou s'exprime enfin « J'irai. » dĂ©clare-t-il. On comprend alors qu'il veut porter la voix du Cabinet sous le regard inquisiteur des DĂ©putĂ©s et des Pairs. Son bilan il n'en a pas Ă  rougir, mais il faut prĂ©parer l'AprĂšs. Il l'avait dit il y a plusieurs mois, il se tĂąte Ă  briguer un second mandat sauf que l'on comprend ce matin qu'il reconsidĂšre ses options. En attendant, il doit dĂ©fendre les rĂ©formes de 2015 et elles sont lĂ©gion. Entre SantĂ©, Instruction, TĂ©lĂ©communications ou Finance ; tout doit ĂȘtre fait. Les plus prĂ©caires doivent ĂȘtre aidĂ©s, mais sans agacer les partenaires de droite ou donner trop de satisfaction Ă  la gauche au risque de se voir apatride politique. L'Instruction doit ĂȘtre repensĂ©e pour endiguer l'effondrement scolaire que subit le pays depuis une dizaine d'annĂ©es, mais cela ne doit pas coĂ»ter trop cher « non par manque de moyens, mais par principe » nous dit le SecrĂ©taire Ă  l'Instruction avec lĂ©gĂšretĂ©. Et puis il faut amender la Constitution : l'Empereur le veut ! ZHOU Lee en rit jaune, une bataille politique de plus Ă  ajouter sur la longue pile qui trĂŽne dans son bureau. Toutefois, il doit en profiter pour suggĂ©rer la crĂ©ation de nouveaux dĂ©partements pour la Culture et le Tourisme, mais Ă©galement un vieux souhait qu'il avait lorsqu'il commença la politique en 1977 : le DĂ©partement du Logement et de l'Urbanisme. Dans un pays qui se reproduit « plus vite que des lapins », le Premier Ministre entend rendre plus efficace et plus rapide le dĂ©veloppement du pays notamment de son urbanisme et en finir avec les constructions sauvages ou dĂ©sorganisĂ©es. « VoilĂ  oĂč ira l'argent » annonce-t-il Ă  l'assemblĂ©e prĂ©sente. Puis le Premier Ministre se retire prĂ©cipitamment, suivit par son mĂ©decin


Entrée principale de la Cour Législative de l'empire du Grand Ling
Entrée principale de la Cour Législative de l'empire du Grand Ling.
Source HRPichongqing.info, Auditorium du peuple de Chongqing.

Dans l'imposante Salle des Quatre Sceaux, la marĂ©e humaine de journalise et de curieux attendent le dĂ©but de la sĂ©ance qui doit commencer Ă  15 h. Personne n'a revu ZHOU Lee depuis le matin, mais tous les mĂ©dias tournent en boucle sur le sujet depuis des heures qui paraissent des annĂ©es. La tĂ©lĂ©vision Ă©trangĂšre comme les stranĂ©ens de TVNS ou les teylais de OFM-TV Ă©voquent la possibilitĂ© d'une dĂ©mission tandis que les lingois de LGTV ou de ANews disent qu'il va arriver, qu'il doit (y) arriver. Une cloche sonne deux fois pour indiquer que la sĂ©ance va dĂ©buter dans moins de vingt minutes. Elle entraĂźne un banc de dĂ©putĂ© qui s'agglutine petit Ă  petit vers l'entrĂ©e de l'hĂ©micycle dans un bain de lumiĂšre Ă©phĂ©mĂšre et au son des « Monsieur le dĂ©putĂ©, un avis sur l'absence du Premier Ministre ?! » ou de « Vous ĂȘtes confiant ?! ». L'Union sourit, le front constellĂ© de sueur froides puis alors que les journalistes vont pour reprendre leur entrevue en direct depuis les quatre coins du monde, un dĂ©filĂ© de SecrĂ©taires suivi de gouverneurs provinciaux. Tous et toutes sont lĂ  Ă  l'exception du SecrĂ©taire Ă  la SantĂ©, mais aucun ne souhaite rĂ©pondre ni sur l'identitĂ© des Survivants DĂ©signĂ©s qui doivent permettre la continuitĂ© de l'État en cas de dĂ©cĂšs de tous les reprĂ©sentants de la dĂ©mocratie lingoise – sobrement appelĂ© attentat Ă  l'Union – ni sur le Premier Ministre. Mais il est 14 h 50 et la cloche vient de sonner trois fois pour indiquer aux journalistes qu'ils peuvent Ă  prĂ©sent prendre place dans la galerie situĂ©e au-dessus de l'hĂ©micycle. LĂ  oĂč la magie lĂ©gislative opĂšre il fait chaud et l'air est moite, peut-ĂȘtre certains n'ont-ils pu retenir la plus simple expression de leur stress quant Ă  ne pas voir le Grand Chambellan annoncer le Premier Ministre. « Ils gesticulent plus que d'habitude » relĂšve un confrĂšre jashurien tandis que le tumulte du dĂ©but de sĂ©ance s'Ă©teint peu Ă  peu dans un marasme pesant et laisse place aux chuchots bruyant qui plongent l'hĂ©micycle dans un silence assourdissant. Les deux portes de la salle se referment avec lenteur et la cloche rĂ©sonne une fois : un homme se tient au pied de l'estrade, il fait face Ă  l'assemblĂ©e forte des 465 dĂ©putĂ©s et des 248 Pairs formant les ReprĂ©sentant de la Cour LĂ©gislative.

Avec sa tenue d'apparat qui ne permet pas le doute, il annonce à l'endroit des Représentants Son Excellence NAKAMURA Hiroshi, Chancelier de la Chambre des Députés puis Son Excellence WANG Jia, Chancelier de la Chambre des Pairs. Les deux hommes que la cinquantaine a déjà bien attaqués, viennent prendre place sur l'estrade derriÚre le Grand Chambellan. Il est 15 h et personne n'a vu le Premier Ministre, on commence déjà à voir que l'AprÚs arrivera plus tÎt, mais dans un retournement de situation que les gl-drama n'ont encore jamais su donner aux ménagÚres, le Chancelier NAKAMURA en sa qualité de président de la Chambre des Députés déclare à son tour.

“ Honorables membres de la Cour LĂ©gislative, j'ai le grand privilĂšge et l'insigne honneur de vous prĂ©senter Monsieur le Premier Ministre de l'empire du Grand Ling, l'Honorable ZHOU Lee. ”

Cette phrase anodine que le protocole rend spectaculaire gagne encore plus en force. Pour l'Union c'est le symbole que Zhou n'a pas renoncĂ© et qu'il compte bien continuer son Ɠuvre, qu'importe quand tombera DamoclĂšs et sa fichue Ă©pĂ©e. Pour l'opposition et ses aplaudissement polis mais timides, c'est une petite dĂ©faite mais qu'Ă  cela ne tienne, il y a encore du temps jusqu'en 2018. On se surprend alors Ă  rĂȘver d'un second mandat juste pour Ă©tudier l'attitude de ceux qui espĂšrent que le premier ne se terminera pas, apprentis sorciers ou jeunes scientifiques devant une cage de rat de labo, la galerie fixe tous l'homme qui s'avance depuis l'entrĂ©e rĂ©ouverte pour l'occasion. Le Premier Ministre enchaine les salues, les sourires et les mots Ă  l'oreille en se nourissant des mines dĂ©confites des progressistes, sociaux-travailleurs ou des Ă©colucides. Ce matin, pourtant, il semblait mourrant lance le confrĂšre stranĂ©en tandis qu'Ă  quelques siĂšges, derriĂšre, un inconnu dĂ©clare « leurs yeux puent la haine » en parlant de l'opposition. Mais entre haine pas toujours justifiĂ©e ni justifiable et amour inconditionnel se tient ZHOU Lee qui arrive bientĂŽt Ă  l'estrade. Une autre voix diffuse remarque : « Sa main gauche ne quitte pas son ventre... », Crohn est revenu.
ZHOU Lee se prĂ©sente enfin Ă  la tribune sous les applaudissements de plus en plus bruyant des membres de son partis et de certains aficionados de la dĂ©mocratie que les regards mauvais de leurs camarades de gauche ne perturbe pas. Il lĂšve les deux mains pour saluer, portant parfois l'une au torse en s'incliant. Mais ZHOU Lee est un politicien imperturbable et surtout forgĂ© dans le moule mĂȘme de cette Maison dont il a parcouru les couloirs des dĂ©cennies durants avant d'ĂȘtre Ă©lu. Il sait comment fonctionne la politique et surtout ce que cache certains sourires. ZHOU Lee est Ă©galement un partisan de la dĂ©mocratie dont il croit sincĂšrement qu'elle est le phare de l'HumanitĂ© et l'apanage des sociĂ©tĂ©s civilisĂ©es. ZHOU Lee n'a jamais Ă©tĂ© d'accord avec la gauche lingoise qu'il estime bien trop prompt Ă  fermer les yeux sur les dĂ©rives du socialisme outrancier mais il s'est toujours battu pour qu'elle puisse continuer Ă  le dire. C'est, Ă  en croire son entourage et certains cadres de l'Union, ce qui le diffĂ©rencie des « vautours de la gauche caviar ».

Son Excellence WANG appelle au calme quelques instants avant que Son Excellence NAKAMURA donne la parole au Premier Ministre. Celui-ci, aprÚs un silence caractéristique de sa façon de s'exprimer se tourne d'abord vers les chanceliers qu'il salue et remercie avant de se tourner, enfin, vers la Cour et entame son discours sur l'Union dans un silence que certains applaudissements tardifs viendront troubler.


Honorables Représentants, Excellences, Mesdames et Messieurs les Secrétaires, Gouverneurs et depuis la galerie,

Vous pardonnerez, j'ĂŽse espĂ©rer, mon court retard et les frayeurs que celui-ci a pu occasionner et en particulier Ă  nos amis Ă  ma gauche. [NDLR : rires et applaudissements provenant de dĂ©putĂ©s de droite]. La derniĂšre fois que je me suis tenu devant vous, ainsi, ce fut Ă  la suite du mandat de convocation de Sa MajestĂ© et j'avais, si mes souvenirs sont encore exacts, indiquĂ© aux Honorables ReprĂ©sentants que se tiendrait Ă  cette date prĂ©cise l'Ă©tat de l'Union. J'espĂšre que vous ne m'en tiendrez pas rigueur pour le dĂ©lai. C'est un plaisir de reprendre cette place pour prĂ©senter aux reprĂ©sentants du peuple lingois les Ă©volutions de notre Empire que j'ai l'honneur de servir en ma qualitĂ© de Premier Ministre et avec le soutien d'un Cabinet trĂšs compĂ©tent. Il y a un an - et un mois, donc - j'avais indiquĂ© Ă  cette mĂȘme tribune que l'annĂ©e 2014 serait une annĂ©e pivot entre la politique stagnante de mon prĂ©dĂ©cesseur mais nĂ©cessaire et de grandes rĂ©formes promises dĂšs la primaire de mon parti mais Ă©galement lors de la campagne nationale. En ma qualitĂ© de Premier Ministre de tous les lingois, j'ai cherchĂ© cette annĂ©e encore Ă  travailler avec toutes les sensibilitĂ©s politiques car je crois fermement qu'il est du devoir de tous les gouvernements de chercher le compromis pour faire avancer la plus noble des causes qui soit donnĂ© Ă  des politiciens comme nous : faire avancer la cause du peuple lingois. Certains on voulu jouer le jeu pour les lingois et on intĂ©grĂ© ce gouvernement oĂč ils ont Ă©tĂ© remarquables, d'autres non pour des raisons qui n'appartiennent qu'Ă  eux et Ă  leur politique.

Son Excellence NAKAMURA tape deux fois dans son micro pour demander le silence, différents députés de gauche se mettent à apostropher le Premier Ministre avec force.

Honorables ReprĂ©sentants, pardon pour cette petite blague mais vous sembliez tendus. J'ai trĂšs probablement mal interprĂȘtĂ©, veuillez m'en excuser.
Ainsi que j'allais le dire, l'année 2014 a été marquée par une mutation de notre systÚme ferroviaire dont le travail formidablement mené par Son Excellence HUAN Lian est toujours en cours. L'objectif de ce dernier était d'entamer une restructuration de GL Railway à commencé par un changement de nom qui, vous en conviendrez, est plus rapide à prononcer. [NDLR : nouvelle salve de rire, plus courte]. Le grand chantier du transport lingois est encore en cours et devrait se poursuivre jusqu'à la fin de ce mandat. Le deuxiÚme point d'importance fut de construire une diplomatie régionale et c'est à cet effet que le bicentenaire a été redoutablement efficace. Nous avons pu poursuivre le développement de partenariats avec des acteurs régionaux comme le Negara Strana ou le Burujoa et le Fujiwa dont le paroxysme seront des rencontres lino-burujaise et lino-fujiwan au printemps et à l'été 2015.
Sur le plan Ă©conomique, une nouvelle annĂ©e s'est achevĂ©e oĂč notre balance commerciale est excĂ©dentaire notamment depuis que nous avons initiĂ©e notre transition Ă©nergĂ©tique vers un mix portĂ© principalement par le nuclĂ©aire permettant une rĂ©duction drastique des coĂ»ts de productions. Par ailleurs et je me dois de le souligner, nous avons vu l'Ă©conomie du tourisme passer la barre symbolique des 4 millions d'emplois et nous nous appretons Ă  franchir la barre des 9 % de part du PIB.

[...]

Je veux m'adresser maintenant aux hussards de l'Empire que sont notre personnel soignant, nos pompiers, nos policiers, nos enseignants et tous ces petites mains que l'on voit pas mais qui fait fonctionner les rouages millĂ©naires de notre pays. A vous, je tiens Ă  vous remercier pour cette annĂ©e encore oĂč votre dĂ©vouement Ă  servir l'Empire a Ă©tĂ© remarquable et une incroyable leçon d'humilitĂ©. Le Grand Ling, ingrat vous laisse depuis trop longtemps de cĂŽtĂ© et ma conscience me dicte de changer les choses.
2014 était une grande année, mais nous devons travailler tous à construire 2015 comme une année plus grande encore. Notre Empereur m'a chargé de plusieurs missions que je compte honorer et qui ferront parti des points cruciaux à aborder cette année. Mais je veux d'abord que nous réformions en profondeur le Grand Ling. Le Gouvernement de Sa Majesté travaillera sur plusieurs réformes y comprit constitutionnelles pour faire entrer le Grand Ling dans le XXIe siÚcle, il semble se conforter à rester aux temps anciens.

Sur la SantĂ©, d'abord. Nous allons mettre en place une santĂ© juste et Ă©quitable et offrir au personnel soignant des moyens, du temps et de la reconnaissance. Pour qu'ils soient fiers de leur mĂ©tier car il peuvent l'ĂȘtre. Aux forces de police, je veux travailler Ă  un cadre plus clĂ©ment pour enrailler les mouvements d'irrespect qui commencent doucement mais sĂ»rement Ă  s'imiscer dans notre sociĂ©tĂ©. Cette annĂ©e, nous travaillerons Ă©galement sur la plus grande rĂ©forme de l'Instruction qui soit. Ce sera le plus gros travail de 2015 et d'une partie de 2016. Enfin, Ă©videmment, je veux offrir aux agriculteurs une plus juste considĂ©ration pour ceux qui nous permettent de manger chaque jour et qui sont de plus en plus prĂ©caires. Le Grand Ling n'abandonnera plus ses enfants et encore moins ses hussards.

Le Premier Ministre doit s'arrĂȘter du fait des nombreux dĂ©putĂ©s, pairs et mĂȘmes des civils de la galerie qui se mettent Ă  applaudir longuement. Les dĂ©putĂ©s de l'Union se lĂšve, imitĂ©s par une quantitĂ© de dĂ©putĂ©s de gauche modĂ©rĂ©e ou de centre-gauche. Le triomphe de Zhou est intĂ©gral et les appels au silence de Son Excellence NAKAMURA semble futile.

La SantĂ© mĂ©rite un plan social que je veux ambitieux et qui, je dois l'avouer, ira dans le sens de l'opposition pour au moins certains points cruciaux. J'estime de maniĂšre pragmatique que les lingois ont le droit Ă  la santĂ© car un peuple qui peut se soigner est un peuple qui peut travailler ou faire des enfants. Je ne le cache pas, mon objectif est autant d'amĂ©liorer la condition de vie que d'Ă©viter des dĂ©penses pharaoniques hors une rage de dent qui n'est pas soignĂ©e ce sont des milliers de taels que les hopitaux et donc le contribuable, devra dĂ©bourser. Ainsi donc j'ai demandĂ© Ă  Monsieur le SecrĂ©taire WANG Jun de travailler Ă  la construction d'une sĂ©curitĂ© sociale. [NDLR : certains dĂ©putĂ©s font entendre leur voix sur le sujet]. Celle-ci mettra en place une hiĂ©rarchie des soins pour cibler les remboursements et leur taux. Cette rĂ©forme que j'entend ĂȘtre Ă©quilibrĂ©e entre aspirations populaires et vigueur Ă©conomique sera financĂ©e par des cotisations et par les autonomies de degrĂ© infĂ©rieur en fonction de leurs capacitĂ©s. Je veux que cette sĂ©curitĂ© sociale aide les familles Ă  ĂȘtre fortes et heureuses Ă  cet effet, nous allons crĂ©er un systĂšme d'allocation familiale strictement rĂ©servĂ© aux citoyens lingois qui sont sur notre sol depuis au moins deux ans consĂ©cutifs. Je veux que le montant de ces allocations soit adaptĂ© aux revenus familiaux mais Ă©galement Ă  l'inflation.
Pour que la création, la gestion et l'organisation de ces nouveaux services ne soit pas chaotique : charge sera au Gouvernement de Sa Majesté de construire deux agences, la National Health Services Agency et la National Family Services Agency dépendant toutes les deux du Département de la Santé. Enfin et dans un soucis de facilité toujours, le Grand Ling doit se doter d'un registre national de données administratives pour simplifier un certain nombre de démarches administratives y comprit la gestion des allocations familiales ou des remboursements des frais de santé. Le National Administrative Data Registry devra donc répondre à ces demandes tout en assurant le plus haut niveau de sécurité contre la cybercriminalité. Il va permettre d'optimiser le travail des différentes agences fédérales et régionales et réduira les coûts.

De nombreux regards perplexes, surtout pour l'aile conservatrice et les libéraux radicaux sont échangés. Face à cela, ZHOU demeure impassible.

Mes amis, je vous l'ait dit, je suis un socio-libĂ©ral attachĂ© Ă  la mĂ©ritocratie mais notre nation civilisĂ©e sera jugĂ©e auprĂšs des dieux sur la façon dont elle a traitĂ©e ses semblables. Ne tombons pas dans le socialisme outrancier mais ne soyons pas individualistes. Cette rĂ©forme vise prĂ©cisĂ©ment Ă  mieux traiter nos semblables sans ĂȘtre trop complaisants.
L'Éducation doit entiĂšrement ĂȘtre repensĂ©e jusqu'aux fonds de nos magnifiques campagnes. Monsieur le SecrĂ©taire SARASWATI Wayan travaille d'ores et dĂ©jĂ  Ă  une rĂ©forme dont le cadre lĂ©gislative sera prĂ©sentĂ© sous peu. Je veux travailler Ă  renforcer les compĂ©tences fondamentales mais aussi les compĂ©tences transversales des Ă©lĂšves du primaire au SupĂ©rieur. Notre appareil diplomatique doit permettre de promouvoir l'ouverture internationale via des Ă©quivalences dans les diplomes et des Ă©changes scolaires. Ce point lĂ  sera au coeur des rencontres diplomatiques que Sa MajestĂ© et moi mĂȘme auront au printemps et Ă  l'Ă©tĂ©. Je veux dire aussi que nos enfants ont, aujourd'hui, trop peu de possibilitĂ©. Nous nous devons d'y remĂ©dier et je crois sincĂšrement que c'est en prolongeant la durĂ©e de l'enseignement obligatoire jusqu'Ă  16 ans contre 14 aujourd'hui et en proposant des formations certifiantes dĂšs 16 ans et jusqu'Ă  18 ans ; que nous y parviendront. Enfin, cette annĂ©e sera l'occasion de prĂ©parer la rentrĂ©e 2015 de septembre qui se fera sous le signe de cette rĂ©forme dont les deux derniers points cruciaux sont, Ă  mon sens, l'instauration d'un systĂšme Ă©quilibrĂ© qui met au coeur de structure les valeurs d'unitĂ© de patriotisme de famille mais aussi de reflexion et de dĂ©passement ; et l'optimisation ainsi que l'organisation de l'annĂ©e scolaire en portant Ă  13, par exemple, le nombre de semaines de vacances par an.

[...]

Je quitterai cette tribune en ayant la conviction inĂ©branlable, profonde et sincĂšre que ces axes sont ceux qui feront entrer le Grand Ling dans une nouvelle Ăšre sous le regard bienveillant de Sa MajestĂ©, des dieux et des principes supĂ©rieurs qui rĂ©gissent notre dĂ©mocratie. Je pense qu'il est du devoir moral de tous les dĂ©mocrates de cette assemblĂ©e que d'aider mon gouvernement a atteindre ses objectis pour le peuple lingois. Notre nation a Ă©tĂ© Ă  l'origine d'innovations mondiales, soyons un de ces phares dans la nuit et participont Ă  brouiller l'obscurantisme partout oĂč il se trouve en dĂ©montrant l'Ă©tonnante capacitĂ© des lingois Ă  innover et Ă  crĂ©er ou porter des idĂ©aux forts qui n'appartiennent qu'aux civilisĂ©s.
Ainsi, mes trĂšs chers ReprĂ©sentants, Excellences, Mesdames et Messieurs les SecrĂ©taires, Gouverneurs et depuis la galerie ; voici les traces que suivra le Cabinet de Sa MajestĂ© pour l'annĂ©e 2015 et une partie de l'annĂ©e 2016. Voici jusqu'oĂč nous sommes allĂ©s et jusqu'oĂč nous iront encore. Voici les principes qui apparaĂźtront naturellement dans la construction de notre RĂ©solution BudgĂ©taire 2016 et qui nĂ©cessitera inĂ©vitablement une loi de Budget SupplĂ©mentaire pour le second semestre de 2015. J'ai confiance en votre choix, et en votre capacitĂ© Ă  supplanter les clivages partisans pour le bien commun. J'ai confiance en l'intelligence des Honorables ReprĂ©sentants qui sont devant moi.

Honorables Représentants, Excellences, Mesdames et Messieurs les Secrétaires, Gouverneurs et depuis la galerie ; merci pour votre écoute et votre patience.
Ainsi va la Vie, Ainsi va l'Empire.

MalgrĂ© quelques piques, le Premier Ministre semble bien s'en sortir. Dans la salle, l'air suffocant de tension laisse place Ă  une atmosphĂšre soulagĂ©e, au moins de façade. Tous les reprĂ©sentants et le Cabinet au complet se lĂšvent pour saluer celui qu'on surnomme La tranquille main de fer ou Ă  la chaleur du feu de cheminĂ©e de son salon, Oncle Pingtie (Fer Paisible). Rien d'Ă©tonnant quand on sait comment s'exprime le Premier Ministre. Usant d'une lenteur calculĂ©e, chacun de ses mots semblent pesĂ©s avant d'ĂȘtre prononcĂ©s. Ses phrases, qu'il ponctue de sa caractĂ©ristique respiration marquĂ©e, sont entrecoupĂ©es de pauses prolongĂ©es qui traduisent un effort intellectuel. Son visage est souvent impassible mais si on le fixe de prĂšs, la rĂ©flexion est visible. ZHOU Lee a un style mĂ©thodique, presque professoral : soixante-et-onze ans et une tonalitĂ© constante habillent une fausse distance mais confĂšre, en fait, Ă  ses discours un sĂ©rieux institutionnel indĂ©niable. Ses mains ponctuent ses phrases et de ponctuation, il n'en abuse pas. ZHOU Lee rĂ©cite, ZHOU Lee transmet mais jamais il ne lit de papier car il veut regarder dans les yeux ses interlocuteurs lorsqu'il leur explique Ă  quelle sauce il compte les dĂ©guster. Et parfois, un sourire sincĂšre rappelle Ă  tous que lui aussi, est un grand-pĂšre aimĂ© et aimant. En somme, un simple homme que le temps a façonnĂ© de cette roche qu'on appelle Politique.

La cloche raisonne une derniĂšre fois aujourd'hui pour indiquer que la sĂ©ance est suspendue. Le Grand Oral que vient de passer le Premier Ministre est dĂ©jĂ  saluĂ©, « il a son sursi » lance amĂšre LAOYUN Lina. Pas le temps pour les camĂ©ras, les formations politiques quittent une Ă  une l'enceinte du Palais Liang avec Ă  leur tĂȘte le Premier Ministre dont le soleil illuminant son visage montre ses traits tirĂ©s et dĂ©voile que sa main serre le tissu de son costume au niveau du ventre. Crohn est revenu.

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Culture - Fruit de Soie : L'invité peu commun de toutes les corbeilles.
Par SEAMMOOL Lee - 03 mai 2015

DerriĂšre les murs en torchis, en brique ou en bois de nos foyers lingois, se trouve une piĂšce centrale oĂč la vie familiale s'articule autour d'une table et parfois d'un buffet. Sur ce meuble, une corbeille de fruits trĂŽne fiĂšrement, attirant conversations et regards. L'Ɠil intriguĂ© ou la main baladeuse se perdent parmi les pommes, les poires, les bananes, les passions non sans elle et autres oranges pour dĂ©couvrir que des petits paquets, majoritairement ronds, ont Ă©tĂ© semĂ©s çà et lĂ . DĂ©corĂ©s de couleurs vives, souvent ornĂ©s de motifs Ă©clatants, ces Ă©crins prĂ©cieux renferment, comme tout trĂ©sor, un fruit resplendissant.
Connaissez-vous l'Ă©trange tradition des Fruits de Soie ? Si vous ĂȘtes lingois, nuls doutes que oui mĂȘme si l'histoire derriĂšre vous est peut-ĂȘtre inconnue. Si vous ĂȘtes un Ă©tranger, alors vous l'aurez sans doute remarquĂ© dans nos Ă©tales de supermarchĂ© ou dans les allĂ©es interminables des marchĂ©s. Les Fruits de Soie sont partout, ils sont de toutes les couleurs, avec des motifs en forme de dragon, d'Ă©toile, de scĂšne de vie ou de motifs ayant plus ou moins de sens pour celui qui en est l'auteur et encore plus, pour celui qui le reçoit.

NĂ© probablement au XVIe ou au XVIIe siĂšcle sous l'Ère des Liang, les Fruits de Soie Ă©taient Ă  l'origine des agrumes emballĂ©s dans du papier de soie et offert entre lingois d'origine modeste Ă  l'occasion de fĂȘtes comme Yu (24 dĂ©cembre, jour du jade), Shoucheng (10 octobre, fĂȘte des rĂ©coltes) ou Linghun (02 novembre, jour des Ăąmes). L'abondance de ces fruits et le faible coĂ»t du papier de soie en faisait un prĂ©sent facilement accessible pour les plus pauvres tout en dĂ©montrant leur gĂ©nĂ©rositĂ©. Au fur et Ă  mesure du temps, la pratique se rĂ©pandit Ă  toutes les occasions comme les anniversaires, les rĂ©ceptions, par simple plaisir occasionnel, aux communions, etc. Toutefois, les Fruit de Soie connaissent leur Ăąge d'or Ă  partir de 1924 sous Ling Fengyi, arriĂšre-grand-pĂšre de l'Empereur Ling Jiajing. Grand adorateur des fruits, principalement des agrumes comme les oranges ou les citrons, l'Empereur dĂ©veloppa cette tradition en offrant chaque annĂ©e plusieurs cadeaux aux eunuques et aux paysans des domaines impĂ©riaux dont une orange et un citron emballĂ© dans un papier de soie de qualitĂ© portant les couleurs de la Dynastie Ling. Devenus un phĂ©nomĂšne de sociĂ©tĂ©, les Fruits de Soie furent Ă©changĂ©s avec des emballages de plus en plus sophistiquĂ©s.


Peinture représentant des citrons dont certains sont emballés dans du papier de soie.
Guillaume J. Zheng, Nature morte et fruit de soie, 1895, huile sur toile, 25.4 × 43.2 cm, The Imperial Gallery museum.
Source HRPW.J. McCloskey, Still Life with Wrapped Lemons, 1895, huile sur toile, 25.4 × 43.2 cm, Collection privĂ©e.

D'abord d'une simplicitĂ© dĂ©concertante, le temps offrit Ă  ces petits carrĂ©s de soie de la complexitĂ© de plus en plus poussĂ©s. Baladant entre couleurs vives, motifs complexes, dessins en trompe-l'Ɠil jusqu'Ă  ĂȘtre de vĂ©ritables supports publicitaires pour les primeurs qui rivalisĂšrent d'ingĂ©niositĂ© pour offrir de magnifiques paysages ou motifs Ă  apposer avec leur nom.
Sous Ling Fengyi et poussĂ© par une popularitĂ© nouvelle, les Fruits de Soie s'Ă©tendirent au-delĂ  des agrumes, bĂ©nĂ©ficiant de motifs plus modernes ou justement nĂ©oclassiques et de moyens de productions modernisĂ©s faisant, peut-ĂȘtre, perdre son charme originel Ă  la tradition modeste.
Mais, comme de nombreuses Ɠuvres lingoises, la symbolique joue un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant dans ces petits Ă©crins artistiques. Chaque motif est empreint d'un fort symbolisme comme le hĂ©ron qui vante la fidĂ©litĂ© quand le Fenghuang vante l'immortalitĂ© et le Dragon la sagesse. Ajoutez du rouge et vous avez de la chance, du jaune de la gloire, etc. À certains Ă©gards, pour ceux qui savent lire cette langue, les papiers de soie sont une vĂ©ritable histoire, une langue et un morceau de culture sans laquelle le Grand Ling ne serait assurĂ©ment pas le Grand Ling. Une lettre ouverte oĂč chaque village, chaque rĂ©gion, chaque famille a sa signature et c'est peut-ĂȘtre pour cela que les Fruits de Soie sont autant populaires. Personne ne peut s'improviser Ă©crivain, mais tout le monde peut raconter son histoire.

Alors, quand les grands industriels s’emparent de la tradition, ils produisent Ă  grande Ă©chelle des papiers de soie jugĂ©s sans Ăąme, avec des histoires inventĂ©es de toutes piĂšces, parfois en dĂ©naturant la symbolique chĂšre Ă  nos anciens. Madame Wang, octogĂ©naire habitant la vieille ville de Neijing depuis 65 ans, s’en dĂ©sole : « C’est comme salir une chose pure, quelque chose qui nous appartient. » Pour elle, les Fruits de Soie, dans leur simplicitĂ© d’autrefois, incarnaient bien plus qu’un emballage : c’était une preuve de respect, une attention presque sacrĂ©e.
Mais Hua, son arriĂšre-petite-fille de 15 ans, porte un regard diffĂ©rent. « C’est peut-ĂȘtre l’occasion de partager l’histoire des petites gens, de ceux qui ne sont rien pour les grands mais qui ont toujours su donner » explique-t-elle, les yeux brillants d’enthousiasme. LĂ  oĂč sa bisaĂŻeule voit une perte, elle perçoit une opportunitĂ© : celle de faire rayonner cette tradition au-delĂ  des frontiĂšres du Grand Ling.

Dans tout le pays, des voix s’élĂšvent pour dĂ©fendre cet artisanat prĂ©cieux. Associations, papeteries artisanales et peintres s’organisent, non seulement pour prĂ©server cette pratique, mais aussi pour rappeler qu’elle reprĂ©sente une part essentielle de leurs revenus. Pour certains artisans, les Fruits de Soie assurent plus de la moitiĂ© de leur activitĂ©, un Ă©quilibre fragile face aux productions standardisĂ©es des grandes usines.
À Dongching, une petite ville de la province du Hexie, une papeterie familiale emploie encore 538 personnes, toutes dĂ©vouĂ©es Ă  perpĂ©tuer cet art. Leur solution pour rĂ©sister Ă  l’uniformitĂ© ? Miser sur la qualitĂ© et la crĂ©ativitĂ©, en redoublant d’efforts pour innover. Leurs papiers de soie, ornĂ©s de motifs uniques, accompagnent les fruits locaux jusqu’au-delĂ  des frontiĂšres, sĂ©duisant des pays comme le Burujoa, le Negara Strana, et mĂȘme Teyla.
Teyla, justement, avait dĂ©jĂ  croisĂ© la route des Fruits de Soie grĂące au peintre lino-taylais Guillaume J. Zheng, au XIXe siĂšcle. Aujourd’hui, les habitants redĂ©couvrent avec Ă©merveillement cet art dĂ©licat, tĂ©moin d’une gĂ©nĂ©rositĂ© ancrĂ©e dans la culture lingoise. À travers ces papiers de soie colorĂ©s, ce ne sont pas seulement des fruits que l’on partage, mais une partie de notre histoire peu commune.

Pour ZHAO Hanqing, sixiĂšme ZHAO Ă  la tĂȘte de la papeterie familiale de Dongching. Son combat aux airs biblique, comme David contre Goliath, pourrait se jouer sur la conscience environnementale. Ainsi qu'une mĂ©lodie lointaine entĂȘtante se rapprochant de plus en plus, l'Ă©cologie trace sa route dans les consciences et les habitudes si bien que Hanqing veut en faire le point fort de sa production pour les prochaines annĂ©es. « Les gens veulent du local, ils veulent du qualitatif et surtout du durable ou du recyclable. Il n'y a que comme ça qu'on peut prĂ©server notre savoir-faire. » estime-t-il sous le regard approbateur de son pĂšre Wensheng alors que ses mains accablĂ©es par le temps se pose sur la vieille presse de 1901.
Nuls doutes que l'Écologie est le combat de demain pour les Zhao. Entre les gargantuesques rouleaux de papier de soie, quelques timides rouleaux aux difformes teintes brunes cherchent leur place. On les dit en papier recyclĂ©. Dans le laboratoire oĂč les Zhao confectionnent leurs « collections » des exemplaires en tissue de coton bio ou de polyester recyclĂ© passent un rigoureux examen que l'Ɠil exigeant de Hanqing tient Ă  faire depuis qu'il est petit.
Et c'est le mĂȘme combat ailleurs. Entre ventes raisonnĂ©es et retour de l'antique concept de consigne adaptĂ©e aux Fruits de Soie, les primeurs engagĂ©s fleurissent et incitent les supermarchĂ©s Ă  barrer de toute leur lourdeur vers la cause environnementale, au grĂ© d'un peu de greenwashing au passage.
« Il faut ce qu'il faut ! » estiment certains lycĂ©ens interrogĂ©s Ă  la sortie de leur supermarchĂ©, Fruit de Soie en main. Un adulte Ă  cĂŽtĂ© approuve d'un signe de tĂȘte. « Si on cherche pas l'Ă©quilibre entre nos traditions et notre environnement, c'est notre perte qu'on trouvera ». Finalement, Ils craignent que, si le monde connu venait Ă  disparaĂźtre, les gĂ©nĂ©rations futures arpenteraient une terre hostile, jonchĂ©e de petits fragments de papier oubliĂ©s, sans jamais savoir qu’eux aussi avaient autrefois portĂ© la vie.

Ce sont des gens comme ces lycĂ©ens, ce quinquagĂ©naire, la petite Hua, sa grand-mĂšre ou encore la famille Zhao qui font vivre les Fruits de Soie, cette Ă©trange coutume du Grand Ling. Elle a mĂȘme ses propres adeptes, les silicophiles, qu'on pourrait presque assimiler Ă  des victimes de DiogĂšne et son syndrome bien mal nommĂ©. Entre collectionneurs compulsifs ils se retrouvent Ă  l'occasion d'expositions rĂ©gionales ou de concours. Parfois, finalement, ils ne font que s'Ă©changer des papiers de Fruit de Soie et peut-ĂȘtre est-ce lĂ  une autre maniĂšre de faire perdurer cette vieille tradition.

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Politique - La Cour Législative forge l'arme de l'Excellence.
Par HSU Stacy - 22 mai 2015

ambiance musicale
Deux mois. C'est le temps qu'ont mis les Ă©quipes du DĂ©partement de l'Instruction pour bĂątir l'ambitieux projet de rĂ©forme de l'Ă©ducation qu'a annoncĂ© ZHOU Lee lors de l'Ă©tat de l'Union en mars dernier. Deux mois que le mĂȘme balai se produit dans le Saint des Saints de l'Instruction et qu'une Ă©trange procession s'observe chaque vendredi jusqu'au 1824 Renjing Avenue Ă  l'occasion de la rĂ©union hebdomadaire du Cabinet. Deux mois que les cas d'alopĂ©cie et les ordonnances pour des anxiolytiques se multiplient dans l'Administration Zhou. Autant dire, pour celui qui doit convaincre tout le systĂšme dĂ©mocratique du Grand Ling, une Ă©ternitĂ©.
Pour la présidente du Huanqingdang, LAOYUN Lina, c'est une aubaine. La femme de 32 ans, le silence de Renjing Avenue est synonyme d'échec non avoué. « C'est du baratin, ZHOU Lee n'a absolument rien à nous offrir » indique-t-elle avant d'ajouter « Il fait perdre du temps à la Cour et fait perdre du temps à la cause environnementale ». Mais tous dans son parti ne sont pas d'accord, un député du Qin lui se veut plus circonspect. « Le Premier Ministre est un habitué des longs silences et des arrivées en fanfare. Il l'a [NDLR : sa réforme] ». Dans le parti de Pingtie, certains partagent les doutes de l'opposition. D'autres, encore, s'inquiÚtent : « Pourvu que ça ne soit pas du racket aux Autonomies ». En effet, la plus grosse crainte est de faire exploser le budget des provinces comme celui des municipalités au détriment d'autres services et des lingois.

Cependant, le SecrĂ©taire Saraswati s'est montrĂ© explicite – et rassurant, espĂšre-t-il – « les coĂ»ts vont certainement augmenter, mais en plafond et pour avoir une main d'Ɠuvre plus qualifiĂ©e, plus efficace et capable de s'exporter comme de s'envier ». Est-ce seulement assez pour obtenir le prĂ©cieux sĂ©same des 233 voix ? À en croire les rares communications, sur Kwikwi, dans la presse ou Ă  la tĂ©lĂ©vision ; oui. MĂȘme lors des confĂ©rences de presse, la question est Ă©dulcorĂ©e avec l'efficacitĂ© d'un agro-industriel du soda sans sucre.
Il faut pénétrer dans la confidentialité du Premier Ministre et de son Cabinet pour voir l'ampleur de la tùche. Pour ne pas se faire abuser pour les experts en communication, c'est dans le secret des petites mains que l'on trouve les meilleures informations.
Tous ceux qui ont accepté de nous parler évoquent un Premier Ministre « soucieux », parfois « tendu ». Il ne se ménage pas, dit-on. On revoit l'image du vieux singe qui sait faire la grimace devant son tableau en liÚge représentant les deux Chambres de la Cour. Des petits drapeaux bariolés sont aux couleurs des différents partis. On s'imagine alors dans le scénario d'une vieille série politique avec un ZHOU Lee récitant à la perfection « et BAN Li ? » pendant que l'un de ses conseillers répond du tac au tac « Non, il déjeune avec LAOYUN en espérant qu'elle le soutiendra pour son projet de barrage hydro ». L'ambiance professionnelle est cassée par les réflexions graveleuses de certains conseillers « Déjeuner ? Je croyais qu'il la sautait » provoquant des esclaffements ou l'ire. Une jeune femme, qui n'a pas relevé, s'exclame « JIA peut convaincre une dizaine de députés si les modérés soutiennent son projet de loi ».

Des heures plus tard, une tendance se dégage du tableau de liÚge, il semblerait que l'on voit l'orange unioniste en majorité. La porte se referme alors sur les derniers mots du Premier Ministre « Foutus députés à la petite semaine. »


Le jour J sonne comme une dĂ©livrance pour les uns et comme un dĂ©barquement sous le feu ennemi pour les autres. La singuliĂšre ambiance que l'on retrouve avant chaque sĂ©ance vous jette dans le bain des intrigues politiques du Grand Ling. Des visages serrĂ©s se confondent avec des visages souriants. Le dĂ©putĂ© BAN dĂ©vore des yeux la prĂ©sidente LAOYUN qui, en toute rĂ©ponse, parait dissimuler un sourire par un signe bref de tĂȘte. L'habituel balai de journaliste voguant de cible en cible pour faire la une du JT du soir ou du journal de demain matin s'estompe quand la cloche retentit. Tout le monde est invitĂ© Ă  pĂ©nĂ©trer pour la Ă©niĂšme fois le temple de la DĂ©mocratie.

Les journalistes et curieux dans la galerie, les secrétaires sur leurs bancs et les députés à leur siÚge, on introduit le Chancelier Nakamura qui ouvre la séance sur le sujet du jour : Le projet de loi L15-05-21 relatif à l'organisation du systÚme éducatif lingois et porté par l'Union. C'est Monsieur le Secrétaire à l'Instruction, SARASWATI Wayan qui présente son bébé.


Chers députés,
Je ne pense pas m'avancer en disant que tout le monde souvient de comment a commencĂ© son engagement politique et, plus encore, comment a commencĂ© son premier mandat de dĂ©putĂ©. Je me souviens, sortant tout juste de fac de droit, avoir toujours voulu ĂȘtre au service des autres et faire Ă©voluer les consciences politiques. Moi, le petit luangais, fils d'immigrĂ©e jashurienne et d'un pĂšre issue d'une minoritĂ© ethnique du Grand Ling. Je me souviens avec quelle joie et quel bonheur j'ai Ă©tĂ© reçu en facultĂ© de droit d'une ville secondaire en banlieue de Lanling. Je me souviens Ă  quel point j'Ă©tais heureux de payer si peu cher mes Ă©tudes, mais nĂ©cessitant quand mĂȘme deux emplois. Je me souviens comment me tomba dessus la charge de dĂ©putĂ© alors que je n'Ă©tais que le supplĂ©ant de feue PANDAY Ma Li. Cette fois, elle-mĂȘme d'origine jashurienne, arrivĂ©e au Grand Ling avec ses parents pour un Ă©change diplomatique, Ă  une Ă©poque mĂȘme oĂč les relations lino-jashuriennes Ă©taient quasi inexistants ; avait rĂ©ussi l'incroyable exploit d'ĂȘtre reprĂ©sentante nationale dans ce pays.

Lorsque nous prĂ©parions nos projets de loi, Ma Li me racontait souvent son enfance au Jashuria, de ses 4 Ă  10 ans – les seules annĂ©es dont elle se souvenait – et du systĂšme Ă©ducatif. Des institutrices parfois mĂ©chantes, sĂ©vĂšres, mais redoutablement efficaces. De ces gens bien habillĂ©s, sortant de leurs belles maisons et s'en allant faire travailler les millions d'un riche patron, faire voler des avions ou apprendre Ă  des jeunes shootĂ©s aux hormones d'adolescents, leur futur mĂ©tier. Je me souviens lui avoir dit alors lui avoir demandĂ© pourquoi ne pas y retourner plutĂŽt qu'ĂȘtre ici Ă  cravacher. Elle a souri et m'a rĂ©pondu « Parce que la TroisiĂšme RĂ©publique n'a pas besoin de nous pour s'amĂ©liorer ». Je ne sais pas si elle trouvait la question stupide ou si elle cherchait Ă  me transmettre une leçon. En revanche, Ă  partir de cet instant, j'ai su que je faisais partie de ceux dont la mission Ă©tait d'amĂ©liorer la vie des autres.

Je suis profondĂ©ment persuadĂ© que lorsqu'on accepte d'embrasser la cause de la reprĂ©sentation nationale, on accepte inĂ©vitablement de porter la responsabilitĂ© de l'avenir d'une Nation ; la nĂŽtre. Lorsqu'on dispose d'un mandat, ce sont des centaines, des milliers ou des millions qui placent en nous leur confiance, comme leurs rĂȘves, leurs espoirs, leurs envies. Et j'ai rencontrĂ© au cours de ma carriĂšre, longue dĂ©jĂ , une folle quantitĂ© de jeunes gens qui espĂ©raient viscĂ©ralement un meilleur lendemain.
Mesdames et messieurs les dĂ©putĂ©s, chers amis, a nos enfants, nous devons offrir un lendemain plus beau que celui qu'on nous a offert. Nous leur devons, car pour reprendre les mots de l'auteur teylais Hugo Victor, L'Ă©ducation, c'est la famille qui la donne ; l'instruction, c'est l'État qui la doit.

Je vous remercie.

Le Secrétaire se rassoit sous les applaudissements nourrit de la majorité unioniste et de quelques vieux briscards de la politique. Une main se lÚve pour l'instant, un poing ; celui de la présidente LAOYUN. Alors, aprÚs avoir récupéré le calme, le Chancelier déclare donner la parole à la présidente qui se lÚve et récupÚre le micro situé à cÎté d'elle.


Merci Votre Excellence et merci Monsieur le Secrétaire à l'Instruction pour ce beau discours presque pas démagogique.
Vous l'avez trĂšs justement dit en citant un auteur du XIXe siĂšcle, l'État doit l'Instruction. Dieux merci, l'État offre dĂ©jĂ  l'Instruction, sinon votre dĂ©partement serait assez inutile.
Il est vrai qu'au regard des standards internationaux, le Grand Ling n'est certes pas le meilleur des Ă©lĂšves, mais nous disposons d'une bonne place malgrĂ© tout au Nazum du moins. Si nous n'avions pas de bonnes Ă©coles, ni vous ni moi ne sauraient se tenir ici sous le regard intĂ©ressĂ© de mes chers collĂšgues et de la presse internationale. Cher SecrĂ©taire, aussi touchant qu'a pu ĂȘtre votre discours et je le crois sincĂšrement, vous avez oubliĂ© une rĂšgle discrĂšte de cet hĂ©micycle et de la politique lingoise. Jamais de politique Ă©motionnelle, car comme vous vous en souvenez, nos obligations en tant que reprĂ©sentants du peuple est de fournir une vie meilleure basĂ©e sur ce que l'on croit meilleur et sur de nombreuses Ă©tudes, commissions, enquĂȘtes. Si nous commençons Ă  voter l'avenir des uns et des autres avec uniquement des Ă©motions ou majoritairement des Ă©motions, alors comment ĂȘtre sĂ»r que notre mission soit accomplie, que nos objectifs d'avenir meilleur soient remplis ? On ne le peut tout simplement pas et c'est normal.

Des applaudissements discrets sont entendus, le Secrétaire à l'Instruction soupire.

Voici pour le premier point. Si nous utilisons cette introduction pour regarder en dĂ©tail votre proposition de loi trĂšs ambitieuse, il apparait alors que vous allez allourdir l'administration, la complexifiĂ©e et demander aux Autonomies de fournir bien plus de moyens Ă©conomiques sans pour autant s'assurer qu'ils peuvent financer le coĂ»t pharaonique d'une rĂ©forme inspirĂ©e par le passĂ© jashurien de notre regrettĂ©e collĂšgue PANDAY. DĂšs l'ores, si les provinces les plus prĂ©caires doivent rĂ©duire leurs dĂ©penses dans certains domaines au profit d'autres le problĂšme sera juste dĂ©placĂ© et peut-ĂȘtre que l'Instruction s'amĂ©liorera mais la SantĂ© ou la Justice ou les Affaires Sociales en patiront. Nos enfants seront alors bien instruits mais malades ou sans emplois ou encore, sans aucunes aides.

Comprenez bien que le Parti Ecolucide que je reprĂ©sente est pour une amĂ©lioration de l'Instruction mais pas si cela doit coĂ»ter la vie Ă  un autre dĂ©partement. Pas si le personnel mĂ©dical doit voir ses salaires revus Ă  la baisse. Pas si l'État FĂ©dĂ©ral doit intervenir encore plus dans l'autonomie des provinces ou des municipalitĂ©s tout en faisant exploser son budget.

Une Ă©cole trop chĂšre est une Ă©cole qui enseigne la dette avant mĂȘme la lecture.

La tranchante présidente d'Ecolucide se rassoit sous les applaudissements de certains et le regard inquisiteur du Secrétaire à l'Instruction.
Le ping pong continu ainsi. L'Union défendant son bout de pain, le Cabinet soutenant sa réforme. Il faut attendre une suspension de séance précisément une heures quarante cinq aprÚs le début de celle-ci pour que la soupape de sécurité de la cocotte parlementaire s'active et que les esprits se détendent. Les visages sont tirés, tendus, énervés ou simplement désintéressés. ZHOU Lee rassemble ses troupes dans un coin et discute. Prépare l'angle d'attaque prochain et recompte les voix. Entre temps, certains modérés hésitent encore mais le charisme naturel du Premier Ministre ainsi que quelques paroles données resserrent la cohésion du Vieux Parti qu'on croyant périclitant voilà tout juste deux ans.
Lorsque la séance reprend, le Premier Ministre réouvre la séance par un discours qu'il indique vouloir conçit mais juste.


TrÚs chÚre présidente LAOYUN, trÚs chers députés.
Vous ĂȘtes dans un temple sacrĂ© qui s'efforce de donner aux lingois et parfois au monde le meilleur de notre temps. Nous sommes les Justes de la Nation et notre devoir nous incombe d'offrir Ă  nos enfants toutes les chances d'ĂȘtre Ă  leur tour des Justes et qu'importe si cela nous coĂ»te un peu plus cher. Dans vingt ans, nous nous souviendrons de ce jour et nous le chĂ©rirons comme le premier jour oĂč nous avons offert Ă  notre chair et Ă  notre sang la facultĂ© de respirer.

Ceux qui s'opposent à cette réforme en invoquant toutes les raisons possibles doivent avoir horreur de l'Instruction, par cette raison qu'il est plus facile de gouverner un peuple d'idiots qu'un peuple de savants.


Si l'Union applaudit Ă  s'en briser les poignets, parmis les opposants de gauche on suffoque, on blĂ©mit mais surtout on dĂ©nonce des propos durs et diffamatoires. ZHOU Lee a encore frappĂ© de cette arme acĂ©rĂ©e qu'on appelle mot. AprĂšs dix minutes laborieux pour regagner le silence, le Chancelier parvient enfin Ă  se faire entendre alors que les invectives se taisent petit Ă  petit et que la lourdeur du moment reprends tout son poids. Le vote s'ouvre, les minutes dĂ©filent, la sueur perle et certains yeux convulsent regardant çà et lĂ  en quĂȘte de rĂ©ponse Ă  la fameuse question : Que votez-vous ?

Dix minutes semblent une éternité. Pourtant c'est le temps qu'il faut aux ascesseurs pour confirmer le vote. Dans une phrase solanelle, le Chancelier NAKAMURA annonce le résultat relativement prévisible.

“ Honorables dĂ©putĂ©s, aprĂšs dĂ©libĂ©ration, la Chambre s’est exprimĂ©e. Le projet de loi L15-05-21 relatif Ă  l’organisation du systĂšme Ă©ducatif lingois portĂ© par le parti de l'Union sur proposition du Cabinet de Sa MajestĂ©, avec une participation de 461 dĂ©putĂ©s sur 465, a reccueilli 378 voix pour, 59 contre et 24 abstentions. Ainsi et conformĂ©ment au processus lĂ©gislatif de la Cour, Il est donc adoptĂ© et transmis Ă  la Chambre des Pairs pour la suite de l’examen parlementaire. ”

La sĂ©ance se lĂšve sous les applaudissements de la majoritĂ©. Le Chancelier semble tenter malgrĂ© tout d'annoncer que la poursuite de l'examen parlementaire de la rĂ©forme de l'Instruction se poursuivra dĂšs le vote de confirmation des Pairs, le lendemain. En vain mĂȘme si tout le monde le sait ou trouvera un attachĂ© pour le lui rappeler. Sans l'avouer, ZHOU Lee et SARASWATI Wayan affichent des visages soulagĂ©s. La plus grosse pierre de l'Ă©difice Ă©ducatif Ă©tant Ă  prĂ©sent posĂ©, leurs visages transpirent la confiance retrouvĂ©e. L'Histoire seule jugera s'ils ont eu raison, l'Histoire et l'opinion publique.

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Transport - Pas de miracle, juste un point oubliĂ© : GLRH dĂ©ploie enfin le train qu’elle avait promis.
Par MEI Lin - 21 janvier 2017

Il est 21 h 15 quand la vieille toquante — rare relique de l’époque du feu et du charbon — sonne une fois. MI Xiu relĂšve son nez nonchalant de sa paperasse dans le grincement sinistre de son fauteuil de vinyle. La fatigue de la Responsable OpĂ©rationnel Ferroviaire Grande Vitesse ne se voit plus sur son visage, elle se lit comme une page ouverte. Depuis cinq ans, elle est chargĂ©e de coordonner les Ă©quipes techniques de GLRH avec les chaĂźnes de montage de Hongzhaji Rail. Depuis cinq ans, elle vit avec ce projet : le LRH3 doit rouler. MI Xiu sait que le moindre Ă©cart de production peut faire dĂ©railler une dĂ©cennie d’ambitions industrielles. Elle termine de signer un dernier papier dont le nom ne laisse que peu de place Ă  l'imagination « RAPPORT BS No 2453 - ÉCHEC ESSAI TRAIN ». MI Xiu, sans rien dire ni sans formuler aucune peine, se lĂšve difficilement pour rejoindre le lavabo de ses toilettes et reste longtemps Ă  fixer son regard. Elle regarde avec dĂ©tail et dĂ©goĂ»t toutes les marques de son visage que le maquillage n'a su attĂ©nuer. Sont-ce des rails qu'elle voie sous son Ɠil ? Et lĂ , est-ce un train qui roule sur sa pommette ? Ça la dĂ©mange, ça pique ! Elle secoue la tĂȘte et tout a disparu sauf son quotidien.

Dans un geste vif, elle replace sa mĂšche de cheveux et prend son casque de sĂ©curitĂ© avant de quitter son bureau pour rejoindre la halle de maintenance n°4 oĂč la rame 001 attends patiemment. Il est lĂ , en contrebas, le LRH3. Il repose sur ses bogies comme un animal en attente, comme un cheval destinĂ© Ă  fendre l'air avec toute sa musculature. Et quelle bĂȘte ! 27'000 chevaux, 209 m de long — 415 m en version 16 voitures —, taillĂ© pour 556 passagers — 1'283 en version 16 voitures —, 350 km/h en vitesse commerciale pour 420 km/h de vitesse maximale. Le LRH3, que la commission spĂ©ciale de GLRH a nommĂ© « Chengshu », n'est pas une Ă©volution : c'est une rĂ©ponse.

Parce que l'histoire du chemin de fer lingois est ancienne et passionnante. D'abord, simple client des compagnies fujiwans puis burujoise, le Grand Ling a toujours aspirĂ© Ă  faire ses propres trains. Au fil des annĂ©es et Ă  force de redoubler d'efficacitĂ© dans l'assemblage de locomotives et automotrices sous licence burujoise, l'Empire a dĂ©veloppĂ©, petit Ă  petit, comme un oiseau faisant son nid, un savoir-faire unique. Mais il ne faut pas se tromper, si 85 Ă  90 % du Chengshu est lingois, il reste encore de nombreux emprunts aux burujois notamment sur les systĂšmes embarquĂ©s ou la motorisation. Les fujiwans, eux, ont fourni tout le groupe de frein.

Alors, quand MI Xiu monte l'échelle qui mÚne à la cabine de conduite n°1, c'est un peu comme si elle faisait un voyage chez les plus orientaux des nazuméens. Elle prend place sur le pupitre de la future premiÚre voiture en esquivant les cùbles qui débordent de partout et sont reliés à de nombreuses machines respirant au son des bips et des voyants clignotant anarchiquement. Pour la éniÚme fois, elle entame la checklist avant départ pendant que son conducteur vide subitement la conduite générale des freins dans une expiration bruyante. Les aiguilles s'affolent pour redevenir calme, il valide sur l'écran de l'ordinateur l'essai et passe au suivant. Puis, il s'adresse au régulateur par radio pour demander l'autorisation de mise en mouvement.
MI Xiu mordille un stylo dĂ©jĂ  bien attaquĂ© tout en regardant dĂ©filer les lignes sur son ordinateur. Les immenses portes de la halle se mettent en branle, laissant entrevoir un nƓud complexe fait d'aiguillages, de signaux et de tout un tas de chose propre aux exploitations ferroviaires dans la lumiĂšre artificielles des puissants projecteurs du site.
Encore quelques instants et le convoi pourra s'Ă©lancer vers son trente-et-uniĂšme essai de nuit. Mais la tension monte en mĂȘme temps que le signal violet reste actif. Le conducteur relance le rĂ©gulateur qui rĂ©pond avec nonchalance, comme s'il revivait la mĂȘme journĂ©e sans fin et connaissait donc, dĂ©jĂ , l'issue.
Le violet s'éteint et MI Xiu entend dans son micro-casque « Autorisation de mise en mouvement ». Les 209 m d'acier et d'électronique se mettent à bouger dans un léger vrombissement et à l'allure phénoménale de 15 km/h, le LRH3 s'engage petit à petit, mais avec sérénité sur l'immense parcours de 20 km que GLR met à disposition pour l'essai de ses trains.

Personne ne dit rien, mais tout le semble Ă  peu prĂšs certain de ce qui se passera aprĂšs. Aucun bruit, aucune respiration, aucune particularitĂ© de voie parait Ă©tonner les ingĂ©nieurs, les mĂ©caniciens, le conducteur ou la Responsable OpĂ©rationnelle. Et tous, pourtant, sont tendus. Pour cause, il y a bien des donnĂ©es qui sont remontĂ©es des trente prĂ©cĂ©dents essais de nuit mais jamais comment s'Ă©tait comportĂ© le train aprĂšs 40 minutes d'essai. MI Xiu est tendue, aujourd'hui doit ĂȘtre le dernier essai avant que le train dĂ©bute son service commercial le samedi suivant. GLRH a dĂ©jĂ  vendu tous les billets et le Gouvernement a Ă©tĂ© conviĂ©. Cet essai doit ĂȘtre le dernier.


Le LRH3 durant un essai de jour.
Le LRH3 durant un essai de jour.🔎
Crédit HRPLe CR400BF-BZ-5208 G6 sur la ligne Shanghai-Hongqiao.

VoilĂ  43 minutes que le LRH3 rĂ©alise un essai parfait. La tempĂ©rature est bonne, la carrosserie ne se dĂ©forme pas, les systĂšmes rĂ©pondent tous, les Ă©crans Ă©galement, le systĂšme TVM ne prĂ©sente aucun dĂ©faut. Durant les trente essais prĂ©cĂ©dents, c'est aussi ce qui s'est passĂ©. MI Xiu essuie pĂ©niblement Ă  l'aide d'un mouchoir la lĂ©gĂšre goutte qui perle sur son front, ses yeux sont rivĂ©s sur les donnĂ©es tĂ©lĂ©transmises des diffĂ©rentes sondes et outils du train. Le train se stabilise Ă  402 km/h soit dix de moins que la veille et tout dĂ©roule. Quelques secondes avant que sonne les 45 min d'essai de nuit, MI Xiu entend un lĂ©ger bip, mais qui ne prĂ©sente a priori rien d'alarmant. Puis, ce que trente essais prĂ©cĂ©dents n'avaient pas rĂ©ussi Ă  empĂȘcher se produisit, le Calculateur de Commande et de Diagnostic (CCD) se coupe subitement, provoquant avec lui l'activation d'un dispositif de sĂ©curitĂ©, le KVB. Ce dernier active le frein d'urgence qui fait souffler horriblement fort le train. MI Xiu est attirĂ©e vers l'avant, mais sa ceinture l'empĂȘche de partir. D'un geste rapide, elle retient sa tasse manquant de tomber du pupitre. Sur son Ă©cran, la vitesse dĂ©file en quelques secondes. 402... 398... 392... 389... Elle fixe cet Ă©cran durant les trois minutes qui conduisent Ă  afficher un 0 pointĂ© sans s'empĂȘcher de serrer la mĂąchoire. Ce soir encore, ce fichu train s'est immobilisĂ© et a eu une dĂ©faillance du CCD.

La Responsable OpĂ©rationnelle et son Ă©quipe lancent une Ă©niĂšme fois le programme de diagnostic pendant que le conducteur rĂ©alise ses procĂ©dures d'urgences. Le rĂ©sultat tombe et il est le mĂȘme. Rien n'apparaĂźt, aucune anomalie malgrĂ© le code erreur que l'Ă©cran du CCD affiche en clignotement : « [ERROR] CCD/Chain.CB/ExecFault: 212–B ». Ce code, MI Xiu le connait trop bien et elle a beau se rendre Ă  l'emplacement donnĂ© du code erreur, rien n'apparaĂźt.
C'est à son tour de soupirer pendant que les ingénieurs tentent plusieurs choses et que les mécaniciens partent observer le train de l'extérieur. La tension est encore plus intenable qu'il y a dix minutes. Elle réveille l'ulcÚre que cinq ans de programme LRH3 ont formé. Le conducteur, lui, s'annonce auprÚs de la petite voix dépitée du régulateur qui sort de sa radio.
MI Xiu est bel et bien décidé à ne pas rentrer bredouille ce soir et elle outrepasse certaines sécurités pour rentrer sa clé USB dans l'ordinateur. Dessus, un petit code de sa conception pour mettre un terme à un mois de souffrance et d'ignorance.
Le programme se lance, provoque l'emballement de l'antivirus que MI Xiu ferme puis se met à tourner en affichant un trÚs lent compteur en pourcentage. Les minutes semblent des heures, tout le personnel a le temps de chercher, s'agacer, renoncer, recommencer avant qu'un message salvateur apparaisse à l'écran de l'ordinateur.

« [ERROR] Line 21484: unexpected token. Expected ";" but found end-of-line »

Le message se reflĂšte dans les lunettes de la Responsable OpĂ©rationnelle qui hĂ©site entre rire et pleurer. Elle se rend Ă  la ligne indiquĂ©e et observe. Un point-virgule. OubliĂ©. Un mois d’erreurs, un mois de diagnostics muets, et tout ça pour un point-virgule manquant dans un sous-programme d'un module secondaire. Elle ne sourit pas, mais elle respire. Le CCD se relance. Le KVB reprend la synchronisation. La Veille Automatique tremble briĂšvement, puis s’apaise. Le train repart sans bruit aprĂšs que le rĂ©gulateur ait changĂ© de voix voyant que pour la premiĂšre fois depuis longtemps, la boucle n'en Ă©tait plus une.
Ordre est donné au conducteur de pousser la machine jusqu'à 420 km/h, chose inédite. Le train tremble légÚrement, franchit le 412 km/h fatidigue. Puis MI Xiu observe, 413... 415... 420.
ParamÚtre normaux. Le train réponds normalement. Le systÚme de refroidissement des moteurs suffit. Le panthographe chauffe de maniÚre stable.
Pour la premiĂšre fois, l'Ă©quipage ne connait pas la suite. Mais l'essai fini enfin par ĂȘtre concluant.
Le train regagne sa halle une heure aprÚs. Pour la premiÚre fois, il n'est pas tracté par un train de secours. Tout le monde sort, fatigué mais heureux. MI Xiu, elle, ne se presse pas.
Le personnel est absent. Personne ne l’attend. Mais dans ses cheveux noirs et raides, on aurait dit qu’un imperceptible sourire de satisfaction s’était glissĂ©.
Dans son bulletin de service, elle rédige trois lignes :

« Erreur localisée.
CCD corrigé.
LRH3 : prĂȘt au dĂ©part. »

La vieille toquante, cette fois, ne sonne pas. Elle attendra le samedi.

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Illustration de Neijing
LE SILENCE DES TRÔNES NE SAURAIT ÊTRE ÉTERNEL.
Le désordre ramchour, les mains étrangÚres, et le pas revenu des Ushong.

A l'ombre des ginkgos des jardins impĂ©riaux, Sa MajestĂ© Ling Jiajing se tenait lĂ . Profitant du chant automnal des oiseaux et du faible bruissement de l'eau, il buvait un peu de thĂ© en mĂ©ditant sur la nature du monde. À la cour comme au sein du Cabinet, rares Ă©taient les moments oĂč on ne parlait pas de la situation gĂ©opolitique du Nazum. À l’ouest, les Ramchours n’avaient plus d’autre souverain que la guerre elle-mĂȘme. Au sud-ouest, c'Ă©tait le vieil empire des Xin qui se rĂ©veillait de sa lente lĂ©thargie. Partout oĂč l'on regardait, l'Occident eurysienne retrouvait le goĂ»t d’un impĂ©rialisme d’antan, Ă©pousant joyeusement les tentations de l’IngĂ©rence.
Depuis les hauteurs de Longjing, les vieux lettrĂ©s disaient que les cendres de l’Empire ne cessaient jamais de fumer. Ils disaient aussi qu’un trĂŽne, mĂȘme muet, finit toujours par rĂ©pondre — tĂŽt ou tard — Ă  l’écho du monde.

En Ramchourie, on n’attendait plus de rĂ©ponse depuis longtemps. La guerre y avait mille visages et aucun maĂźtre. Les royaumes autoproclamĂ©s y dansaient autour de cadavres d’États. Les drapeaux Ă©trangers, eux, n’avaient jamais cessĂ© de voler au-dessus des convois, des ambassades, des bases temporaires.

Le Grand Ling observait.
Il observait les Xin redresser leur appareil militaire, recoller leurs provinces. Il observait les chancelleries d’Eurysie appeler Ă  la dĂ©mocratie lĂ  oĂč mĂȘme le pain Ă©tait un luxe. Il observait la Ramchourie sombrer, encore.
Et dans ce silence plein de cris, une chose devenait certaine : le silence des trĂŽnes ne saurait ĂȘtre Ă©ternel.

Sa tasse en main, l'Empereur faisait tournoyer le liquide en le regardant avec intensitĂ©. Aurait-il voulu y voir un message ? Peut-ĂȘtre un signe que les Dieux dans leur infinie sagesse donneraient Ă  leur descendant de claires pensĂ©es. Mais l'Ă©vidence Ă©tait maĂźtresse, il ne verrait rien de plus que le voile irisĂ© qui se flottait Ă  la surface du breuvage. Ling Jiajing reposa doucement sa tasse sur la petite table qui lui faisait face. Le thĂ© n'Ă©tait plus chaud, mais son esprit, lui, restait brĂ»lant d'une veille sans lendemain. La brise souffla lĂ©gĂšrement, emportant avec elles quelques feuilles qui tournoyĂšrent vers l'eau comme les provinces dans les rapports de l'État.
Le craquement discret du gravier annonça l'arrivée de sa fille, la PremiÚre Princesse d'Empire. Elle marchait avec légÚreté, sans troubler l'équilibre du jardin ou la paix de ses habitants.


- Majesté. Dit-elle en s'inclinant avec la grùce que l'on réserve aux gestes appris dans l'enfance. Vous m'avez fait demander, MÚre m'a-t-elle dit ?[/
L'Empereur leva les yeux vers elle sans pouvoir retenir un bref sourire qui fendit ses traits fermés, assez pour montrer qu'il était heureux de la voir.
- Oui, ma chĂšre. Approche, assis toi et parlons.
Alors, sans un mot, mais rĂ©pondant Ă  son sourire, la jeune princesse prit place face Ă  son pĂšre, ses mains jointes sur ses genoux, le regard calme et l'Ɠil pĂ©tillant. Ce jour-lĂ , le ciel s'Ă©tait teintĂ© de pĂąles couleurs et l'automne Ă©tait encore jeune.
- Que penses-tu du silence des trĂŽnes ? demanda-t-il, non sans un brin de malice.
- Eh bien, hésita-t-elle un instant avant de reprendre. Eh bien qu'il est parfois plus terrifiant que les cris de guerre.
Il rĂ©flĂ©chit Ă  sa rĂ©ponse puis lentement, hocha la tĂȘte ainsi que l'on valide une leçon tout juste transmise.
- Suis-tu un peu ce qui se passe autour de nous ?
La jeune fille — bientĂŽt une femme — dĂ©glutit sans un bruit, ses yeux se fixĂšrent sur les deux billes de son pĂšre.
Autant, si j'ose dire, qu'il m'est possible de m'y intéresser. Son nez se plissa tandis qu'elle poursuivit. Pour ainsi dire peu, donc.
Ling Jiajing serra la mĂąchoire, mais le pĂšre de Lihua lui, ne put s'empĂȘcher de rire un instant. C'Ă©tait une chose cruelle que d'ĂȘtre Empereur et pĂšre.
- Alors laisse-moi te raconter. Dit-il en ayant retrouvé son calme. Les Xin ne parlent plus tout à fait à voix basse. Les Ramchours, eux, ne parlent plus du tout. Quant aux Eurysiens, ils parlent à notre place.
Lihua baissa légÚrement les yeux, se pinçant les lÚvres de contrariété.
- Je vais avoir besoin d'un peu de tes talents. Tu iras en mission d'observation dans les cercles oĂč l'on murmure ce que le monde sera demain. Peut-ĂȘtre est-il temps que tu apprene Ă  lire entre les soupirs.
La princesse releva doucement le visage vers son pÚre. Elle semblait chercher une bonne réponse à donner, mais ne parvint pas à avoir le mot juste.
- Je... Bien. J'aurais prĂ©fĂ©rĂ© rester Ă  apprendre avec vous, directement dans votre bureau. Elle ne put cacher sa perplexitĂ© quant Ă  la requĂȘte de son pĂšre.
- Oh tu le feras. Mais pour l'instant, j'ai besoin d'une personne de confiance pour courir aprĂšs les chuchots. Lui dit-il dans un sourire se dessinant avec bienveillance sur son visage.
- Ai-je votre confiance pour cela, PÚre ? Lui demanda-t-elle, contente, mais intriguée.
- Mieux encore, s'il en est, tu as mon nom, Lihua. Et ce nom ne s'éteindra pas dans l'ombre d'un autre empire.


L'instant aurait pu durer une heure de plus. Car ensuite, vint le moment à l'Empereur de se soustraire pour que le PÚre puisse simplement demander comment allait son enfant chérie.
Comment se passaient ses Ă©tudes ? Ses lectures ? Ses activitĂ©s qui, dans de rares occasions, lui permettaient de s'Ă©chapper dans les ruelles de cette capitale qui l'aimait de loin — mais qui l'attirait irrĂ©pressiblement au dĂ©triment malheureux des estomacs ulcĂ©rĂ©s de son escorte.
La Princesse rĂ©pondit avec douceur, ponctuant sa beautĂ© naturelle par quelques sourires fugaces, racontant l'embarra qui fut le sien durant le cours de politologie. Elle venait de terminer un ouvrage qu’elle jugeait proprement insupportable : La Bureaucratie cĂ©leste — recherche sur l'Ă©conomie et la sociĂ©tĂ© du Grand Ling traditionnel.
Elle Ă©voqua aussi sa visite au jardin botanique de Neijing avec l'une de ses cousines, et sa correspondance naissante avec le jeune Leonhardt Burujoa — ainsi que sa mĂšre l’y avait encouragĂ©e, « pour le bien de nos Maisons », avait-elle dit.

Son pĂšre l'Ă©coutait sans interrompre, notant chaque dĂ©tail, comme s'il les gravait Ă  mĂȘme la pierre du temps.
Durant quelques instants, il n'y eut plus de trĂŽne, de guerre, de cartes Ă  lire. Simplement un pĂšre s'autorisant un regard ouvert vers la tendresse.

Mais cette parenthĂšse devait se refermer, et la raison du moment revenir — comme un rĂ©veil aprĂšs un rĂȘve. Le murmure des pas sur les dalles anciennes annonçait l'arrivĂ©e du Premier Ministre ZHOU Lee.
Il Ă©tait de ces silhouettes que la dure politique avait forgĂ©es : droit malgrĂ© les annĂ©es, que personne ne pouvait lire sans qu’il y consente, oĂč la peau comme les cheveux portaient le poids des annĂ©es au service de l'Empire et des Hommes. On l'appelait, Ă  l'abri des regards, Oncle Pingtie — Fer Paisible.
La presse, moins affectueuse, avait préféré : la tranquille main de fer.
Il l'aimait moins, assurément.

ZHOU Lee regarda Sa MajestĂ© et, d’une vigueur qu’on n’aurait pas soupçonnĂ©e, s’inclina profondĂ©ment devant son souverain.
Il se releva seulement lorsqu’il y fut autorisĂ©, et s’inclina avec la mĂȘme dĂ©fĂ©rence devant la PremiĂšre Princesse d'Empire, Marquise de la GrĂące Étendue, Son Altesse ImpĂ©riale Ling Lihua qui accepta sans mot dire de reprendre son rĂŽle laissĂ© de cĂŽtĂ© quelques instants plus tĂŽt.


L'Empereur salua en retour ZHOU Lee et lui dit calmement.
- Nous vous remercions d'ĂȘtre venu si promptement, Monsieur le Premier Ministre. Le thĂ© est tiĂšde, je le crains, mais la saison l'impose. Prenez donc place.
Le Premier Ministre, par excÚs de zÚle ou profond respect, s'inclina à nouveau légÚrement avant de prendre place entre la jeune princesse et son monarque.
- MajestĂ©, c'est toujours un honneur d'ĂȘtre conviĂ© Ă  votre table, surtout lorsque l'heure n'est ni Ă  celle des chiffres, ni Ă  celle des dĂ©crets. Il regarda un instant Lihua. Et c'est un privilĂšge rare d'ĂȘtre le tĂ©moin d'un moment de pure quiĂ©tude dans les jardins de la CitĂ© Pourpre.
- La quiĂ©tude est, hĂ©las, un luxe que les siĂšcles nous prĂȘtent parfois, mais jamais sans nous le rappeler ensuite. Lui rĂ©pondit Ling Jiajing dans un faible sourire.

Son Altesse impériale avait une haute estime pour ZHOU Lee qui, à l'occasion de quelques entrevues dans les coursives du palais impérial, toujours été de bons conseils. Par instant, il avait eu pour la jeune femme tous les traits de l'oncle bienveillant. Jamais n'avait-il été questions d'intentions ou de gestes déplacés. ZHOU Lee était un fidÚle serviteur de l'Empire, de la Maison Ling et plus important encore, de Ling Jiajing.
Cette fois encore, malgrĂ© sa maladie se rĂ©veillant quelques fois, notamment Ă  l'occasion de nuits blanches pour prĂ©parer la politique de l'État, il Ă©tait venu en serviteur du Grand Ling sur ordre de son Empereur. Le Protocole Ă©tait une chose que la DĂ©mocratie n'avait jusqu'ici jamais dressĂ©e. Ainsi allait la vie dans les Jardins de la CitĂ© Pourpre. Les fleurs y connaissaient les secrets d’État, et les pivoines parfois s’ouvraient sous les mĂȘmes cieux que les armĂ©es. La transition entre les confidences d’un pĂšre et les inquiĂ©tudes d’un souverain n’y tenait qu’à une inflexion de voix. ZHOU Lee le savait bien.

- Votre pÚre, Sa Majesté Ling Chongsheng, n'aurait pas mieux dit. Répondit Lee en souriant à Ling Jiajing.
L'Empereur hocha la tĂȘte puis, aprĂšs un court silence, reprit oĂč il en Ă©tait.
- Le monde se trouble, Premier Ministre, et il se trouble bien vite. Il bruisse comme les feuilles avant l'orage. La Ramchourie est un nouveau creuset, et les dieux savent ce qu'on y laisse fondre.
- Oui... Une guerre civile qui s'internationalise tout autant qu'elle s'Ă©ternise, des Xin qui relĂšvent la tĂȘte aprĂšs des dĂ©cennies d'errance... Et l'Eurysie, Ah ! L'Eurysie. Toujours prompte Ă  jouer les oracles aprĂšs avoir jetĂ© les allumettes qui ont embrasĂ© ce coin lĂ  du Nazum.
- Croyez-vous que les Xin nous consultent ?
- Non, je ne le crois pas. Pas encore du moins. Mais ils nous observent, tout comme nous les observons. A dĂ©faut d'ĂȘtre frĂšres, nous sommes de vieux rivaux qui lisent la mĂȘme carte.
- Et que nous dit-elle ?
- Qu'il vaut mieux ĂȘtre prudent sur ce que nous pourrions faire ou dire. Les Xin chercheront coĂ»te que coĂ»te la victoire de la Clique de Xun.
- Est-ce un problĂšme ?
- En tout cas, ce n'est pas nécessairement une solution.
- Nous avons aidé, pendant un temps, le Gualintang et le Royaume Constitutionnel nous est idéologiquement proche.
- Et nous pourrions continuer d'aider les démocraties ramchoures mais pas au prix d'une entente cordiale avec le Xin.
L’Empereur pinça lĂ©gĂšrement les lĂšvres. Un souvenir peut-ĂȘtre. Un avertissement ancien.
- Oui, vu la vitesse avec laquelle ils se dĂ©veloppent Ă  nouveau, il n'est peut-ĂȘtre pas sage d'agacer un vieux concurrent devenu jeune Ă©talon.
- Comme il est bon de ne pas s'enfermer dans les conclusions antiques de Thucydide.
L'Empereur regarda son Premier Ministre en arquant un sourcil, ses yeux se portĂšrent un instant vers la jeune Lihua qui semblait captiver par cette conversation.
- Alors ? Que faire ?
Lihua se racla la gorge.
- Peut-ĂȘtre, PĂšre, Monsieur le Premier Ministre, devrions-nous tendre une main vers le Xin. Nous sommes tous des Ushongs comme des Cathayens aprĂšs tout.
ZHOU Lee sourit puis s'adressa Ă  la princesse.
- A dire vrai, votre Altesse, vous avez en partie la réponse mais nous sommes avant tous des lingois, des Qin, des Zixian tout au plus.
Lihua, qui n’avait pas encore toute l’expĂ©rience, mais portait dĂ©jĂ  la luciditĂ© de l’époque, ne dĂ©tourna pas les yeux.
- Nous partageons une histoire commune, Monsieur le Premier Ministre, lui répondit Lihua en souriant, autant que nous partageons un but commun.
- Et quel est ce but, selon vous ?
- L'Occident n'est-il pas déjà bien trop au Nazum ?
Ling Jiajing tiqua sur les mots de sa fille dont il connaissait que trop bien l'exactitude.
- Oui, alors que nous parlons sans ĂȘtre d'accord sur notre ethnie profonde, les Occidentaux distribuent les clĂ©s de royaumes qu'ils ne connaissent pas.
- Oh, l'Eurysie n'est pas la seule qui s'intéresse aux richesses de la Ramchourie. Plus proche de chez nous aussi se trouvent certains sourires qui se transforment en coup de poignard sitÎt les regards ailleurs. Surenchérit le Premier Ministre avec le calme qui lui était connu.
- Pensez-vous au Kah ?
- Le cas Kah. il serra sa machoire comme pour contenir la naissance d'une pensĂ©e enfantine puis reprit. Les stranĂ©ens, le Wanmiri... Le monde s'intĂ©resse d'avantage Ă  la Ramchourie que la population ramchoure elle-mĂȘme.


La brise de tout Ă  l'heure devenait un vent, faisant frĂ©mir les cycas endormis autant que les bosquets de camĂ©lia — comme s’il avait attendu cet instant prĂ©cis pour se faire entendre — tandis que les trois figures restaient figĂ©es dans un marbre de doute dont ils partageaient les veines. Partout autour, ces jardins chantaient l'Ă©poque d'un monde plus stable, d'une Ăšre oĂč la diplomatie parvenait distancer la tragĂ©die. Mais l’époque, comme tant d’autres avant elle, avait tournĂ© la tĂȘte. Les ramchours qui ne se battaient pas pour manger un jour de plus, pleuraient leurs villes ravagĂ©es et leur vie d'avant ; les Xin armaient leur influence Ă  coups de traitĂ©s et de livraisons anonymes ; les nations occidentales, quant Ă  elles, n'avaient que les mots pour consoler ce qu'elles contribuaient Ă  fracturer. Était-ce en quĂȘte d’un profit lĂ©ger mais sĂ»r — ou d’un ancrage plus profond et durable ?

Dans les coursives de la CitĂ© Pourpre comme dans les salons secrets de Neijing, les cartes changeaient plus vite que les promesses. L'Empire avait Ă©tĂ© saluĂ© — timidement — pour son accueil massif de refugiĂ©s. Leur nombre, avait-on dit, s'Ă©tait vu croĂźtre de douze mille nouveaux diables depuis le dĂ©but de l'annĂ©e, saturant au passage les centres de Kagami, Lanling et Yunhe. Dans les coulisses, il y avait eu du mĂ©pris pour la neutralitĂ© selective du Grand Ling autant qu'il y avait de factions dĂ©mocratiques pour la courtiser, Ă©piĂ© par les observateurs des cliques rivales. Il y avait eu les accords avec le Fujiwa — avant que la sĂ©nilitĂ© ne le rattrape — discrets mais dĂ©cisifs. Il y avait eu les lettres interceptĂ©es, les images satellitaires, les soupçons autant qu'il y avait eu de livraisons humanitaires pour les uns comme pour les autres. Il y avait eu les mises en garde et les appels Ă  l’action, mais Sokcho et ses Accords avaient tardĂ© Ă  rĂ©pondre
 Et il y avait maintenant l'irracible lassitude. Celle de voir une guerre se muter en un puits sans fonds, une arĂšne oĂč chaque geste devenait Ă  la fois pari sur l’avenir et dette diffĂ©rĂ©e.
Les diplomaties de toutes les nations impliquées s'étaient livrés à des joutes verbales, presques aussi tranchantes que les sabres des soldats ramchours.

Pourtant, au sein mĂȘme du chaos, lĂ  oĂč les songes et les priĂšres se mĂȘlent aux cris et aux espoirs, le nom du Grand Ling Ă©tait encore chuchotĂ©. MurmurĂ©e dans les camps de rĂ©fugiĂ©s, dans les chancelleries extĂ©nuĂ©es, dans les discours d'intellectuels ramchours rĂȘvant d'un État moderne aprĂšs un lendemain enfin calme, la Maison ImpĂ©riale semblait pouvoir porter une responsabilitĂ© plus grande que ses frontiĂšres. Non pas celle d'un sauveur — personne n’en croyait plus aux sauveurs et l'Empire n'avait pas les moyens d'en offrir un — mais celle d'un tĂ©moin que l'Histoire, tĂŽt ou tard, appelait Ă  parler.
Cela, Ling Jiajing le savait. Il l'avait compris dans les yeux de sa fille, dans le ton de son Premier Ministre, dans les correspondances qu'il avait avec tous et toutes ici et lĂ , dans le frĂ©missement mĂȘme des branches du Gingko au dessus d'eux. Il n'Ă©tait plus question de rester muet plus longtemps. Mais, une question demeurait : Fallait-il parler ?
Fallait-il parler maintenant ? Fallait-il parler fort ? Fallait-il, peut-ĂȘtre, faire bien plus que parler ? Ou bien, fallait-il faire parler l'industrie lourde et d'elle, fallait-il que le feu hurle en s'extirpant avec violence de son tunnel striĂ© d'acier et d'Ăąme.
Le vent avait modifiĂ© l'instant. L’atmosphĂšre s’était densifiĂ©e. Le dossier ramchour, Ă©talĂ© comme une blessure sur la table, appelait une dĂ©cision.


- Et nous ? Devons-nous continuer d’observer, alors que notre nom est encore murmurĂ© entre les collines de Ramchourie ? Demanda Ling Jiajing en regardant droit dans les yeux ZHOU Lee. Le silence des trĂŽnes, disait-on, n’est jamais Ă©ternel

- Non, Majesté. Mais certains silences sont stratégiques.
- Certes mais n'abusons pas trop de silences stratégiques à présent.
- Bien, si nous devons parler, alors ce ne doit ĂȘtre ni trop tĂŽt, ni Ă  demi-mot.
Ling Jiajing esquissa la naissance d'un sourire.
- Vous me connaissez
 Je ne parle jamais qu’en versets entiers.
- Alors que Votre MajestĂ© parle, tous Ă©coutent. Mais chaque mot engage plus que l’instant : il sculpte l’aprĂšs.
- Et que sculpte notre silence, sinon l’idĂ©e que nous avons fui le marbre ? RĂ©pondit Ling Jiajing, se pinçant la lĂšvre. Ce n’est pas le moment d’attendre qu’une autre main taille notre place dans l’histoire.
- Sauf si cette main nous la tend. Et qu’en retour, nous la coupons proprement.
LĂ  encore, Lihua se racla la gorge pour se manifester.
- PÚre, Monsieur le Premier Ministre, puis-je me permettre ? Elle n'attendit aucune réponse. Parfois, ce ne sont pas les versets qui tranchent, mais les chiffres. La situation logistique dans la région frontaliÚre ne permettrait pas un engagement direct sans risquer de lourdes pertes, non ?
ZHOU Lee regarda la princesse, extrĂȘmement surprit.
- Oserais-je vous demander d'oĂč tenez-vous cela ?
- La jeunesse à cette chose que les générations précédentes n'ont plus, nous ne nous voilons pas la face sur nos capacités. Elle lui sourit doucement. Notre empire n'a pas une armée capable de rivaliser avec celles des eurysiens ou de couper la main du Xin sans risquer d'y perdre beaucoup. Il est bien plus stratégique et bien plus réaliste de nous remoderniser autant que d'activer toute notre diplomatie au service des ramchours.
Ling Jiajing regarda sa fille. Il se devait d'ĂȘtre fier car autrement, il aurait Ă©tĂ© aussi mauvais empereur que pĂšre.
- La PremiÚre Princesse a excellement bien parlé, comme toujours. Dit-il, ne dissimulant plus son sourire. Ne revons pas au dessus de nos moyens.
Le Premier Ministre acquiesça lentement.
- Mais rien ne nous empĂȘche de rĂȘver juste, Votre MajestĂ©. Il marqua une lĂ©gĂšre pause avant de reprendre. Il faudra toutefois maintenir nos options ouvertes. Contactons Beiyfon en premier pour y Ă©tablir une ambassade permanente. Officiellement, pour un dialogue sur la stabilitĂ© rĂ©gionale mais officieusement pour sentir comment le vent tourne.
- Beiyfon nous est Ă©trangĂšre depuis bien longtemps, murmura l’Empereur. Mais il suffit parfois d’un pli pour qu’un vent de menace devienne une brise d’alliance.
Lihua roula des yeux, se pensant plus discrÚte qu'elle ne l'était à l'évidence. Sous le regard de Ling Jiajing et ZHOU Lee, elle rougit avant de se racler la gorge.
- Mais avez-vous pensé à la possibilité que le Xin se ferme à nous ?
ZHOU Lee lui sourit avec une douceur paternelle.
- C'est possible bien qu'impropable pour l'heure. Il reprit aprÚs un léger bruit de bouche. Si cela devait se produire, il nous faudrait nous tourner vers ce que nous avons délaissé trop longtemps. Le Cercle Cathayen.
Ling Jiajing haussa un sourcil.
- Le Cercle ? N'est-il pas silencieux lui aussi ? Le Xin n'en est-il pas membre fondateur ?
- Eh bien si, il est silencieux. Dit ZHOU Lee. Dormant, mais pas mort. Nos poĂštes disaient bien : mĂȘme le jade enfoui rĂȘve de lumiĂšre.
Si nous ne pouvons imposer une force, alors nous devons rallumer une conscience. Il est temps que les peuples de culture commune sachent que leur silence construit aussi leur tombe.

Lihua hocha la tĂȘte. Quelques instants durant, elle avait Ă©tĂ© le tĂ©moin privilĂ©gier de la politique d'État. Quelques instants durant elle avait bien plus que 19 ans.
- Alors faisons-les parler. Les Ramchours ne doivent pas croire qu’ils sont seuls. Ni que leur mĂ©moire ne rĂ©sonne qu’entre deux collines.
Un long silence suivit, dense mais fertile.
Ling Jiajing se leva lentement, son regard embrassant Ă  la fois le passĂ© et l’avenir.
- Que le DĂ©partement d'État prĂ©pare les lettres de crĂ©ances. Et que le monde se souvienne que mĂȘme en versets
 nous savons encore Ă©crire l’Histoire.


Le vent d'automne n'en finissait pas de faire parler les arbres du jardin et soulever quelques feuilles dorées du ginkgo bicentenaire. L'Empereur leva les yeux vers la ramure, comme pour y chercher une réponse que nul conseiller ne pouvait formuler pas plus que son thé n'avait pu. Face à lui, toujours assise les mains sur les genoux, Lihua demeurait immobile. Sa silhouette était droite malgré le poids invisible des jours à venir.
ZHOU Lee, lui, se leva et recula d'un pas pour saluer l'Empereur et Son Altesse Impériale ; comme s'il avait accompli ce qu'il était venu poser, ce pourquoi il avait été convoqué : un doute, une direction. Nul mot ne fut ajouté, hormis pour se saluer. Ce silence-là, tissé entre le bruissement des feuilles et les pensées lourdes d'avenir, n'était plus stratégique mais solennel.
Tandis que le vieux Pingtie avait été congédié par l'Empereur, Lihua regarda son pÚre qui lui sourit puis il se leva et l'invita à marcher avec lui vers un autre endroit tout aussi chargé d'histoire et de regards.
Et alors qu'ils s'Ă©loignaient lentement de l'arbre, on aurait pu croire que mĂȘme les pierres du jardin retenaient leur souffle, conscientes que sous la lumiĂšre pĂąle de l'automne lingois, quelque chose venait de commencer.


Armoiries de l'empire du Grand Ling
9297
Situation par défaut GL
GOUVERNEMENT ZHOU II
Le second mandat d'Oncle Pingtie.

Ce fut un soleil paresseux de novembre qui chassa pĂ©niblement la brume entassĂ©e aux pieds du 1824 Renjing Avenue oĂč ZHOU Lee avait passĂ© la nuit — une de plus, en cinq ans — loin des projecteurs, des camĂ©ras et des cris de liesse du prĂ©somptueux Parti.
Dans le Grand Salon, encore tiĂšde de la veille, les lampes allumĂ©es tenaient en estime les ombres de la nuit, bientĂŽt rejointes par le dieu solaire et ses pĂ©nĂ©trants rayons. Elles veillaient sur des dossiers empilĂ©s, des tasses de thĂ© froid et les derniĂšres statistiques du scrutin fraĂźchement dĂ©pouillĂ©. Dans un coin du bureau d’acajou, un exemplaire dĂ©jĂ  lu du LDNS de la veille mourrait oubliĂ© par son propriĂ©taire. ZHOU Lee, penchĂ© sur ses notes, relisait la lettre qu’il avait rĂ©digĂ©e pour son successeur. Le fait est qu’à Oncle Pingtie allait succĂ©der Oncle Pingtie lui-mĂȘme.
Était-ce par paresse ? Était-ce par manque de conviction ? Était-ce par manque de temps ? Nuls ne pouvaient dire pourquoi le Premier ministre n’avait vu la veille autrement que comme un soir banal. Pourtant, tout un peuple s’était dĂ©placĂ© depuis six heures du matin jusqu’à vingt-heure pour faire entendre sa voix. Ils avaient murmurĂ© Ă  la discrĂ©tion de l’isoloir le sien pour au moins 32,4 % des suffrages exprimĂ©s, loin de la majoritĂ© absolue nĂ©cessaire pour barrer seul le navire Grand Ling. Dans l’horrible bataille, ZHOU Lee avait dĂ» ĂȘtre, une fois encore, le prĂȘtre de la tempĂ©rance et le chef du compromis. RĂ©unissant toute l’énergie que les affaires de l’État ou que Crohn ne lui avait pas encore pris, il Ă©tait parvenu de justesse Ă  rĂ©aliser une coalition avec le Yongdidang et ses 10,1 % ; certains Gonghezhexianeses plus attachĂ©s Ă  l’enveloppe qu’aux vƓux rĂ©publicains de leur office ; mais Ă©galement avec les plus loyalistes du Minzhujundang dont le chef de fil Ă©tait nĂ©anmoins connu pour ĂȘtre ouvertement opposĂ© au Lianhedang Zhouiste.
Si l’amitiĂ© du Yongdidang Ă©tait plus facilement acquise depuis la derniĂšre union des droites de 2013, le Gonghezhexian en avait Ă©tĂ© exclu, ce que n’avait pas fait manquer de rĂ©agir la cheffe du mouvement, la conservatrice nationaliste KUN Meng Yao.
Tandis que ZHENGFEI Wanzhou, succĂ©dant Ă  son pĂšre ZHENGFEI Yuze en 2011 Ă  la tĂȘte du Minzhujundang, n’avait pu cacher sa grande joie d’ĂȘtre aussi importante pour le maintien du Lianhedang au pouvoir et avec lui, de la droite Ă  la tĂȘte du Gouvernement face Ă  une gauche qui, fallait-il le rappeler, aurait Ă©tĂ© plus encline Ă  ouvrir les bras au socialisme dĂ©sinhibĂ© importĂ© du Grand Kah ou du Negara.

C’est dans ce climat difficile que l’honorable ZHOU Lee avait dĂ» composer ses forces pour contrer le Huanqindang de NYOMAN Ketut — qui avait remplacĂ© LAOYUN Lina Ă  la prĂ©sidence du parti moins d’un semestre plus tĂŽt. À gauche, l’union semblait plus difficile pour le plus grand plaisir du Premier ministre. En effet, le jeune parti montant s’était attirĂ© les foudres du trĂšs historique Shegongdang dont l’honorable dĂ©putĂ© NYOMAN Ă©tait originaire. Pis encore, le Jinbudang s’était proposĂ© pour former une coalition avec les forces shegongdanganese qui acceptĂšrent en Ă©change de compromis sur le programme.
Le Huanqindang cherchait Ă  inspirer le renouveau parmi la jeunesse fraĂźchement diplĂŽmĂ©e et Ă©veillĂ©e, principalement citadine. Il se disait ou se voulait conscient des problĂšmes modernes et internationaux, exprimant une opinion tranchĂ© sur le cas Ramchoure ou sur le Chandekolza. Mais le plus souvent, il se trouvait surtout impliquĂ© dans la cause climatique et opposĂ© fermement Ă  la politique gouvernementale de ZHOU Lee. LassĂ©s des historiques Shegongdang et Jinbudang desquels on ne pouvait plus rien espĂ©rer de novateur et qui subissait l’acerbe critique d’une jeunesse trop hyperactive pour de lentes institutions arriĂ©rĂ©es et leur oligarchie socialiste.
Ce que la configuration politique et les pronostics n’avaient pas envisagĂ©, avait Ă©tĂ© la prĂ©sence de quatorze indĂ©pendants qui se revendiquaient tous sans Ă©tiquettes. Leur allĂ©geance allait aux idĂ©es et non aux partis et formaient un socle pivot intĂ©ressant quoique marginal.
En rĂ©sumĂ©, ZHOU Lee pouvait compter sur les cent cinquante-et-un siĂšges du Lianhedang auquel s’adjoignaient les quarante-sept du Yongdidang, vingt-et-un des trente-neuf siĂšges du Gonghezhexian, dix des seize siĂšges du Minzhujudang et cinq indĂ©pendantistes. Cette officieuse coalition de deux cent trente-quatre dĂ©putĂ©s assurait au Lianhedang d’ĂȘtre pour cinq ans encore Ă  la tĂȘte du Gouvernement au prix, il Ă©tait Ă©vident, de quelques dĂ©partements ou commissions.
La majoritĂ© Ă©tait inconfortable pour le Parti, sans la bĂ©nĂ©diction des chefs de fils ; un coup de pression pouvait ramener les dĂ©putĂ©s glanĂ©s ci-et-lĂ  vers leur office lĂ©gitime. À cet effet, ZHOU Lee voulu proposer — dans l’opposition parfaite de son propre parti — les affaires Ă©trangĂšres Ă  ZHENGFEI Wanzhou. Il espĂ©rait qu’une femme monarchiste renvoie une bonne image du Grand Ling Ă  l’étranger, d’autant plus que celle-ci Ă©tait la fille d’un trĂšs respectĂ© politicien, Ă  qui, devait-on le More Politics! Act de 2008.
Au Gonghezhexian et son chef NYOMAN Ketut, on promit les cordons d’une bourse bien garnie au pays oĂč l’or, s’il n’était pas le Roi, n’en Ă©tait pas moins le prince. Cet effet eut pour consĂ©quence de diviser un peu plus les rangs Zhouiste et commencer Ă  s’interroger sur la suite du vieil homme.
Oncle Pingtie n’était pour autant pas encore trop isolĂ© et il donna le reste du gouvernement Ă  diverses personnalitĂ©s du parti. Certaines furent reconduites dans leur fonction ainsi que ZHANG Mei pour la DĂ©fense ; CHOI Sun pour l’IntĂ©rieur ou CHEN Li pour le Commerce et l’Industrie.
Le poste de Procureur SuprĂȘme fut offert Ă  LIANG Yuwen, un ethniste Qin et du reste, un brillantissime procureur Ă  qui, devait-on la cĂ©lĂšbre maxime largement enseignĂ©e en Ă©cole de Droit :

« Quand un homme mutile l’innocence, ce n’est pas une faute : c’est une trahison du genre humain. Et si la justice ne parle pas aujourd’hui, alors c’est l’humanitĂ© elle-mĂȘme qui restera muette. »
L’Instruction fut confiĂ©e Ă  TACHIBANA Ren, un enseignant-chercheur rĂ©putĂ© de l’universitĂ© d’Hoshiyama dans le Lanhu. Ce dernier Ă©tait Ă  l’origine de la thĂ©orie de la ResponsabilitĂ© CrĂ©atrice qu’il avait formulĂ© dans son ouvrage « L’Esprit et la Machine », inspirant au passage la crĂ©ation de nombreux comitĂ©s d’éthiques intĂ©grĂ©s dans plusieurs laboratoires de recherche du pays.
S’il avait fallu confier les rennes de la SantĂ© Ă  quelqu’un, c’était assurĂ©ment Ă  DEVENDRA Arun qui pouvait se targuer d’avoir rĂ©alisĂ© la premiĂšre transplantation utĂ©rine intergĂ©nĂ©rationnelle du monde en coopĂ©ration avec une Ă©quipe de chirurgien taylais. Son exploit avait permis Ă  une fille d’avoir un enfant deux ans plus tard avec l’utĂ©rus transplantĂ© de sa mĂšre que LGTV avait affectueusement surnommĂ© l’Enfant de deux mĂšres.
Enfin, les Communications revinrent Ă  SURYANATA Devi en raison de ses nombreuses annĂ©es Ă  la tĂȘte de Great Ling Telecom durant lesquelles il dĂ©veloppa le rĂ©seau 4G et fibre du pays avant de se tourner vers la 5G.
Enfin, la gestion de la Maison ImpĂ©riale revint Ă  ZHANG Junzheng qui fut le numĂ©ro deux du DĂ©partement aprĂšs SIDAO Jia durant dix ans. ZHANG Ă©tait connu pour ĂȘtre un monarchiste convaincu et, bien qu’il soit conservateur de principe, agissait par pragmatisme pour la survie de la Maison ImpĂ©riale. Il n’était loyal qu’envers l’Empereur, aussi, il accepta cette mission quand ce dernier le lui demanda. Car, si tous les autres SecrĂ©taires du Cabinet de Sa MajestĂ© Ă©taient factuellement nommĂ©s par le Premier ministre, c’était Ă  l’Empereur exclusivement que revenait cette tĂąche concernant le DĂ©partement de la Maison ImpĂ©riale.

Fort d’un cabinet principalement technique, ZHOU Lee espĂ©rait rĂ©aliser une seconde performance pour ce mandat naissant. La tĂąche colossale qu’il allait aborder Ă  l’État de l’Union Ă©tait nommĂ© dans l’intimitĂ© du 1824 Renjing Avenue, Les Trois Colosses.
  • Un : Il comptait s’attaquer Ă  la fiscalitĂ© du pays et la rendre moins oppressante.
  • Deux : Il allait s’occuper d’une rĂ©forme sociale en profondeur qui diviserait, car augmenteraient automatiquement les dĂ©penses de l’État fĂ©dĂ©ral.
  • Trois : Il achĂšverait son mandat par une rĂ©forme Ă©conomique pour lutter contre la stagnation de la croissance.
Il ne fallait pas se mĂ©prendre, Oncle Pingtie ne servait qu’un but : Celui de financer l’armĂ©e pour se prĂ©parer Ă  l’inĂ©vitable changement de ton du continent. Les Xin voudraient tĂŽt ou tard rĂ©cupĂ©rer le TrĂŽne du Dragon dans son intĂ©gralitĂ© et le Grand Ling Ă©tait une douloureuse Ă©pine dans leurs pieds fragiles.Si le premier mandat avait permis des rapprochements diplomatiques d’envergures avec diffĂ©rentes puissances comme Sylva, Burujoa, Lermandie ou Westalia ; il n’avait pas empĂȘchĂ© le Jashuria d’ignorer la menace montante d’un empire ushong rĂ©unifiĂ© entre les mains de l’impitoyable dynastie Xin.
ZHOU Lee comme le Grand Ling n’avait aucune crainte envers l’empire des Xin mais une maxime lingoise disait :
« Le sage prĂ©voit ce que le destin feint d’ignorer, car il sait que dans la clartĂ© du jour, il faut prĂ©parer sa lampe pour la nuit », laquelle avait Ă©tĂ© adaptĂ©e aux plus jeunes gĂ©nĂ©rations et aux touristes par : « Le sage prĂ©pare le pire, mais il n’oublie pas d’imaginer le meilleur. », en d’autres termes, ZHOU Lee voulait tenir le Grand Ling prĂȘt face Ă  son voisin turbulent.
MalgrĂ© l’inimitiĂ© du Jashuria et des nazumĂ©ens pour les eurysiens, il Ă©tait peut-ĂȘtre temps pour Neijing de se tourner une seconde fois vers ceux qui avaient aidĂ© Ă  l’industrialisation de l’Empire voilĂ  plus d’un siĂšcle. Les offices de Teyla recevraient bientĂŽt un courrier, tout comme Sylva voir, certainement, Velsna.

Oh, il fallait y compter, l’opposition parlementaire ne serait pas docile aux rĂ©formes zhouistes par principe plus que par idĂ©ologie. Quant aux alliĂ©s, certains chercheraient la gloire du moment plutĂŽt que la loyautĂ© inconditionnelle pour le bien de la Nation. Enfin, et c’était Ă  prĂ©voir, la Maison ImpĂ©riale et Sa MajestĂ© particuliĂšrement, chercheraient Ă  s’éloigner de son rĂŽle d’arbitre et de maĂźtre. D’aucuns auraient jugĂ© l’épopĂ©e de ZHOU Lee similaire en tous points aux antiques mythes eurysiens comme les condamnations de Sisyphe et des DanaĂŻdes, mais elle Ă©tait fondamentale, pour le Premier ministre. Ainsi dĂ©barassĂ© de celle-ci, ZHOU pourrait quitter la vie politique et la tĂȘte du Gouvernement pour profiter de sa maison de campagne du Hexie oĂč il finirait ses jours avec son chien, sa femme et sa maladie.
Le Premier ministre leva ses yeux de l’enveloppe fibrĂ©e sur laquelle, deux jours plus tĂŽt, il avait rĂ©digĂ© Ă  la plume « A mon successeur ». Il soupira doucement et dĂ»t se dire que c’était un sacrĂ© gĂąchis que d’user un beau papier comme celui-ci pour rien.
Ce matin-là, le Premier ministre ZHOU semblait aussi paresseux que le soleil et il songea un instant à aller enfin se coucher. Mais pour l’heure, il fallait retourner travailler. Dans cinq ans, il irait dormir.

Armoiries de l'empire du Grand Ling
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SOCIÉTÉ - LANHU, L'ARCHIPEL DES NAUFRAGÉS DU FUJIWA.
Par HAN Cheung - 10 décembre 2017


Au large du continent nazumĂ©en, l'archipel du Lanhu ploie sous le poids des vagues venues du Sud. Depuis l'effondrement de l'État du Fujiwa — ce 11 octobre dernier — des dizaines de milliers de rĂ©fugiĂ©s ont trouvĂ© asile sur ses Ăźles dĂ©jĂ  saturĂ©es, oĂč la mĂ©moire, la langue, les visages et les mythes portent encore la trace de leur antique parentĂ©. Entre les lanhaneses, hĂ©ritiers d'une culture mĂ©tisse nĂ©e du Shogunat, mais façonnĂ©e par l'empire du Milieu, et les exilĂ©s fujiwans dĂ©munis en quĂȘte d'une terre Ă  laquelle se raccrocher, se dessine une confrontation silencieuse : celle de l'hĂ©ritage et de la lĂ©gitimitĂ©.
L'archipel n'est pas une terre neutre. Il y a des millĂ©naires, l'ethnie wano [NDLR : du nom du premier Ă©tat fujiwan bien que nĂ© en 250] y a laissĂ© une empreinte durable, inscrite dans les coutumes, les rĂ©cits et les rituels. Mais cet hĂ©ritage n'a jamais Ă©tĂ© figĂ© : il a Ă©tĂ© rĂ©interprĂ©tĂ©, transformĂ©, mĂȘlĂ© aux influences lingoises pour finalement donner naissance Ă  une culture propre ; celle des Nara.
Aujourd'hui, l'arrivĂ©e des exilĂ©s ravive cette mĂ©moire. Pour certains, l'archipel devient une « terre de renaissance » voir de « seconde chance », un lieu oĂč refonder un Fujiwa post-shogunal au sein du Grand Ling. Pour d'autres, il s'agit d'une tentative de rĂ©imposer une authenticitĂ© perdue, au risque d'effacer des siĂšcles de mĂ©tissage ou bien de chercher Ă  lĂ©gitimer une conquĂȘte qui n'en fut jamais une. Ainsi, la crise migratoire rĂ©vĂšle moins un choc de populations qu'une lutte de rĂ©cits : qui incarne le vĂ©ritable hĂ©ritage de l'État du Fujiwa ?

Loin d'ĂȘtre simplement marquĂ© par sa double empreinte ancienne, le Lanhu est un territoire exigu, saturĂ© et vulnĂ©rable de 41'991 kmÂČ pour 7,5 millions d'habitants oĂč son relief accidentĂ© limite toute expansion et accentue la pression dĂ©mographique. Sa capitale, Yukiharano, concentre dĂ©jĂ  1,8 million d'habitants dans sa couronne, tandis que l'Ăźle de Takarajima — sur laquelle elle se trouve — abrite 3,12 millions d'Ăąmes qui se partagent 19'753 kmÂČ. Face Ă  elle, la majestueuse Ăźle Miyagajima se coiffe de 4,24 millions d'habitants habilement rĂ©partis sur 22'000 kmÂČ et doivent composer avec un relief tout aussi escarpĂ©.
L'archipel n'est pas seulement exigu et densément peuplé : il est aussi riche en ressources stratégiques. Ses fonds marins, qui ne dépassent jamais les 800 mÚtres de profondeur, recÚlent d'abondants gisements de pétrole et de gaz offshore. Cette manne énergétique constitue l'un des rares atouts économiques propres à la province et est le premier employeur de l'ßle, emploi indirect compris.
À cette richesse s'ajoute un rĂ©cif corallien d'une biodiversitĂ© exceptionnelle, vĂ©ritable rĂ©serve halieutique qui nourrit une partie de la population et alimente les marchĂ©s rĂ©gionaux. Toutefois, ce patrimoine naturel subit les constantes agressions du forage qui fragile les Ă©cosystĂšmes, de concert avec le rĂ©chauffement de l'ocĂ©an dont les mĂ©faits font blanchir irrĂ©sistiblement les coraux. La plus grande force du Lanhu est Ă©galement ce qui le tue.

Alors, quand les exilĂ©s fujiwans s'installent dans les Ăźles en quĂȘte d'un paradis perdu, ce sont les tensions qui s'exacerbent. Plus de bouches Ă  nourrir, plus de pression sur les ressources naturelles, plus de dĂ©pendance aux importations de la mĂ©tropole. Le Lanhu devient un archipel qui s'Ă©touffe, pris dans un Ă©tau. Cet Ă©tau ne se referme pas seulement sur ses Ă©cosystĂšmes, il enserre aussi ses services publics, son marchĂ© du logement et son Ă©conomie locale.
La Santé, déjà ensué par la densité, ploie sous la charge : les files d'attente s'allongent et selon les autorités provinciales, les admissions aux urgences ont bondi de 18 % en trois mois, faute de structures adaptées.
Les universités, déjà saturées, ont enregistré 12'000 nouvelles inscriptions pour le premier semestre de 2018, au grand damne des locaux, contraints de suivre des cours dans des amphithéùtres surpeuplés ou en distanciel.
Et l'Emploi ne fait pas mieux. Les agences d'intérim et les bourses d'emplois déclarent voir leurs registres enfler pour atteindre 30 % de nouveaux demandeurs sur ce trimestre uniquement.
« Chaque matin, je reçois des diplĂŽmĂ©s fujiwans qui sont prĂȘts Ă  bosser dans le premier Ramen King du coin » confie une conseillĂšre sous couvert d'anonymat.
Le résultat, lui, ne se fait pas attendre : les salaires stagnent, la précarité augmente et les lanhaneses les plus modestes prennent de plein fouet l'hydre de la concurrence déloyale.
Le secteur de l'immobilier, sans doute le plus impactĂ©, est devenu un champ de bataille silencieux oĂč aucun combattant n'est Ă  arme Ă©gale. Dans certains quartiers jusqu'ici populaire de la capitale, les loyers bondissent et les experts estiment que dans deux ans, ils atteindront 25 % de hausse. La situation commence Ă  se faire sentir sur les locaux qui commencent Ă  quitter le centre pour la pĂ©riphĂ©rie dĂ©jĂ  fortement saturĂ©e.
« Je ne pensais pas vivre un jour Ă  cinq dans un 40 mÂČ », explique Mei, une employĂ©e de commerce.

Yukiharano, capitale du Lanhu.
Yukiharano, capitale du Lanhu. L'üle de Miyagajima est visible au loin. 🔎


Au milieu de cette cacophonie ambiante, la pauvreté matérielle se drape d'une inquiétude plus discrÚte, celle de l'identité Nara que beaucoup croient menacée. Les plus farouches locaux opposés à l'accueil des réfugiés fujiwan voit en chaque nouvel arrivant un concurrent économique et un fragment d'un monde supplantant un autre. Ils redoutent de voir leur fragile métissage dilué et lutte avec acharnement pour la préservation du syncrétisme lanhanese.
En face, les fujiwans craignent qu'on les force à abandonner leur mémoire et l'histoire de l'antique royaume d'Aichi. Et dans ce théùtre de misÚre quotidienne, les affrontements éclatent entre fujiwans et lanhaneses.
Ils étaient 8'562, hier, à défiler dans les rues de Yukiharano pour protester contre la discrimination qu'ils subissent de la part des locaux. Et pour au moins 137 d'entre eux, c'est en garde à vue qu'ils ont fini pour acte de vandalisme.
La semaine prochaine, ce sont les syndicats qui appellent Ă  la grĂšve gĂ©nĂ©rale contre les politiques provinciales d'accueil et la non-protection des locaux sur le marchĂ© de l'emploi. Selon ces mĂȘmes syndicats, soutenus par une partie de l'aile gauche de la Cour LĂ©gislative, il faut attendre au moins 251'000 manifestants, mais la prĂ©fecture de police prĂ©fĂšre se prĂ©parer au double pour limiter la casse.

La crise civilisationnelle du Lanhu a cessĂ© d'ĂȘtre une affaire de localitĂ©. Elle trace sa route vers les infinies plaines de la mĂ©tropole et dans les salons huppĂ©s oĂč la politique et l'odeur de cigarette se noient dans la lourdeur de l'atmosphĂšre feutrĂ©e.
A Neijing, elle vient de pĂ©nĂ©trer les rangs de la Cour LĂ©gislative oĂč les dĂ©putĂ©s s'insurgent, crient et ne s'entendent pas. Dans les rĂ©unions de travail du Cabinet, elle est sur toutes les lĂšvres jusqu'aux eunuques du Palais Pourpre et Ă  la table de l'Empereur, on s'interroge, on extrapole et on rassure.
Mais le cas des réfugiés fujiwans continue de questionner et l'interrogation qu'il porte à du sens : Comment diable concilier l'accueil des exilés fujiwans, orphelins de patrie et cousin, l'équilibre fragile comme primordial du Lanhu et la stabilité ethnique, économique ou sociale de l'Empire ?
Dans l'empire des Huit Nations, l'État fĂ©dĂ©ral est sommĂ© de devenir juge de paix. Et alors une seconde question se pose : doit-il trancher entre mĂ©moire et survie, ou admettre que l’hospitalitĂ©, en s’institutionnalisant, pourrait faire naĂźtre une neuviĂšme nation dans le concert des ethnies du Grand Ling au risque d'abimer la deuxiĂšme du pays ?

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