11/05/2017
22:26:57
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[Sylva-Drovolski] Des minerais, du nucléaire et de l'agriculture

Ce n'est que très rarement que des avions étrangers atterrissent à Kotöum, non seulement à cause des fumées qui inondent la ville, mais aussi en raison de l'isolement dont souffre Drolvolski. Comme à son habitude, des volontaires commis d'office attendaient sur le tarmac l'arrivée de l'avion. Les ministres sortirent des Moskvitch 408. Maria Szuba, Ministre des Mines et du Labeur, était en compagnie de représentants de la BID, du LHV et de la CMD pour accueillir avec toute la dignité qu'il faut ces éminents invités.

"Bienvenue à Drovolski, j'espère que le voyage fut bon. Nous sommes tous trois des représentants industriels du pays, missionnés par l'Empereur lui-même pour convenir d'accords et vous faire visiter le pays. Malheureusement, l'Empereur n'a pas pu nous rejoindre en raison de sa volonté de préserver son état de santé."

Des gens du protocole tendirent de grands parapluies orange en vinyle de façon un peu brutale.

"Comme vous avez pu le voir, le vent souffle de l'ouest, ce qui signifie chez nous que des pluies acides risquent de tomber, aujourd'hui de type 3. C'est une précaution d'usage pour éviter tout incident. Nous ne devrions pas avoir de problèmes de particules fines, la CMD étant à l'est."

Invitant ses homologues à dire quelques mots, il leur montra le chemin vers les Moskvitch 408 pour rejoindre le train.
Voyager faisait partie des aspects du poste de Matilde, et elle l'appréciait. Découvrir de nouveaux paysages était jusque-là toujours plaisant... mais deviendra à partir de maintenant plaisant seulement la plupart du temps. Il en fallait beaucoup pour détester un pays du premier coup d'œil, et dans ce cas-ci, c'était un coup de tout. La vue d'un ciel en cinquante nuances de gris laissait penser que seul un masochiste pourrait se plaire ici, et les odeurs âcres changeaient trop des senteurs boisées que l'on retrouvait même au cœur des villes sylvoises. Drovolski était définitivement à l'antipode du Duché au niveau de l'environnement, qui semblait agresser Matilde sur tous ses sens. C'était également le cas de ses accompagnatrices, qui se dépêchèrent de suivre leurs hôtes.

-Bonjour à vous, et merci pour cet accueil. Je... des pluies acides ? Nous n'avons pas les habitudes à prendre avec ce genre d'évènement, nous vous suivons conséquemment pour nous mettre à l'abri !

Elle attrapa à ces mots le parapluie. Le langage corporel et autres protocoles étaient passés en second plan face à la précipitation de se mettre à couvert de cet enfer décoloré. Prit ensuite la parole Marguerite Pipirite, représentante du Pôle Nucléaire, en même temps qu'elle enfilait un masque.

-Cela ne vous dérange-t-il pas ? J'ai tendance à être allergique et, sans offense, l'air ici m'importune.

Matilde, entre deux toux, hésitait à demander la même chose, ne pouvait s'empêcher de subtilement presser le rythme en s'avançant légèrement devant la délégation pour la tirer.

-J'ai hâte de discuter des différents points à venir, il y a tant à dire !
Maria Szuba, un peu surprise des toux et des dérangements respiratoires, tout Drovolien encore en vie y étant nécessairement habitué.

"Bien sûr, vous pouvez vous masquer, les espaces publics et la grande majorité des bâtiments sont alimentés par de l'air filtré, ne vous inquiétez pas."

Une fois montée en voiture, elle se dirige vers les quais d'embarquement du train.

"Nos trains ne sont pas très rapides, nous aurons tout le temps de mieux nous connaître."

La coupant dans ses paroles, une voix monocorde retentit :

APPEL AUX TRAVAILLEURS, LE TRAIN DT001 À DESTINATION DE MESOLVARDE DESSERVIRA LE RÉSEAU MINIER VERBANA, LE LHV ET NOTRE TERMINUS LA GARE CENTRALE DE MESOLVARDE... MESOLVARDE TRANSPORT VOUS SOUHAITE UN VOYAGE SANS ENCOMBRE. EMBARQUEMENT DANS 3 MINUTES.

Avec un large sourire, Maria s'adressa à Matilde :

"Alors, que faites-vous chez vous ? Je suis curieuse de mieux vous connaître. Notre train arrive en gare très vite"
Marguerite hocha subrepticement un sourcil à cette question, ne s'y attendant visiblement pas. Elle n'avait pourtant rien de surprenant en soi, il s'agissait de faire passer le temps pendant le trajet. Matilde ne sembla pas plus que ça perturbée et répondit naturellement :

-Hé bien, je suis Ministre des Affaires étrangères avant tout, et remplis toutes les fonctions inhérentes : services des missives, échanges avec les pays, établissement du réseau diplomatique sylvois, gestion des crises et rencontre en Sylva ou à l'étranger avec des émissaires d'autres pays, rien de hors norme pour mon poste.
Mais je me doute que votre question était plutôt portée sur l'aspect personnel. Alors je me livre à la vie de cours, avec toute la noblesse et les élues sylvoise. Bien que ma mission soit avant tout tourné vers l'extérieur, c'est avec l'intérieur que je fais la liaison. Je me dois d'être au fait des courants idéologiques de Sylva pour faire concorder les doctrines internationales à suivre.
Cela a beau paraître très professionnel toujours, c'est intrinsèquement lié à la vie de cours que je mène. C'est là que je passe une bonne partie de mon temps libre. Autrement, j'ai quelques lobbys assez "classiques" dirons-nous : lecture et écriture, que ce soit de nouvelles ou poèmes, promenades et randonnées en forêt. Navigation également, ainsi que pêche. Ce sont des choses assez communes par chez nous.
En embarquant dans un train au design proche de celui de l'après-guerre, Maria s'exprima :

"Voici notre tout dernier train. Je suis heureuse qu'il soit en fonctionnement pour vous accueillir. Nous allons à 54 km/h sur rail et nous serons à la LHV dans peu de temps."

Un bruit électrique très impressionnant retentit et le train démarra brutalement.

"Je suis contente que vous soyez un peu libérés et que vous puissiez vous exprimer. Vous voyez ces gens dans des uniformes de différentes couleurs ? C'est pour distinguer les réseaux miniers. Ceux en bleu vont au complexe Verbana et ceux en rouge au complexe Socovia."

Peu de temps après, le train s'arrêta brutalement.

"APPEL aux travailleurs, complexe Verbana."

Le train repartit.
Les remarques de l'hôtesse intriguèrent les deux sylvoises. Marguerite interrogea d'un air taquin la première remarque :

-Ah ? Les trains ne fonctionnent pas d'habitude ?

Matilde fut elle intéressé sur la seconde remarque, qu'elle questionna avec sérieux plutôt que plaisanterie. Il s'agissait de sonder la situation sur place pour y adapter les discours :

-Qu'entendez-vous par la liberté de s'exprimer ? Enfin, j'entends ce que cela signifie, mais pourquoi cette remarque ? Craigniez-vous que nous soyons assez renfermées sur les discussions informelles, que Sylva ait une maigre liberté d'expression, ou plutôt par rapport à votre nation et ses coutumes et lois ?

En même temps qu'elle discutait, son regard glissait sur les couleurs des uniformes des mineurs. L'organisation du Drovolski lui laissait un certain mal-être. Tout était si pragmatique et matérialiste avec un souci d'optimisation déshumanisant. Quelle était la finalité de ce travail ? Entretenir une caste privilégiée ? Assurer une armée ? Apparemment, cela ne servait pas à la qualité de vie des citoyens. Et elle était pourtant d'une caste aristocratique accoutumée à la distinction entre prolétariat et bourgeoisie, mais le degré de spécialisation ici était tel que même elle en était marquée.
Maria répondit sur un ton joueur :

"Nos trains fonctionnent parfaitement. Nous voulions simplement vous montrer nos avancées avec ce prototype à grande vitesse. Rendez-vous compte, 54 km/h sur rail, c'est du jamais vu. Nous avions peur qu'il ne fonctionne pas, car les travaux sur les transports ne sont pas vraiment le cœur de nos activités de recherche."

Maria poursuivit :

"J'avais simplement peur que vous soyez impressionnés par les technologies de Drovolski et que vous ne vous exprimiez que très peu, mais mes doutes sont dissipés."

Maria, n'ayant jamais pu sortir de son pays ni savoir ce qu'il se passe à l'extérieur, ne savait pas que Drovolski, en dehors de quelques secteurs, était plus qu'en retard par rapport au reste du monde. Elle s'imaginait dans un pays pouvant briller par sa modernité et son efficacité industrielle. Pourtant, aux yeux du monde, Drovolski se résume souvent à des métaux peu chers et à un nucléaire abordable.

Le train s’arrêta.

"APPEL aux travailleurs, Laboratoire Henri Ventafalle."

Maria invita la délégation à la suivre dans une gare dont l'architecture semblait en décalage par rapport au reste de ce qu'ils avaient vu jusqu'alors. On aurait pu croire entrer dans une autre époque.

"Bienvenue à la gare du LHV. Nous allons nous diriger vers l'entrée des visiteurs."
Les regards des deux sylvoises se croisèrent aux propos de Maria. 54 km/h était peu, pour du transport de passager en particulier. Sylva n'était pas spécialement connue pour ses réseaux ferroviaires, comptant davantage sur son voisin le Péronas pour assurer une mise à niveau des infrastructures, mais c'était lent, même selon ses référentiels. Marguerite, ayant à faire aux questions logistiques, ne pu s'empêcher d'intervenir.

-Cela me semble très raisonnable comme vitesse, il n'est pas rare d'avoir des trains de marchandises allant à une centaine de kilomètres par heure voir plus. Seulement la moitié pour des passagers est conséquemment plutôt peu.

Matilde était de son côté presque inquiète. Les rapports qu'elle avait reçus lui avait donné une image d'un pays à la pointe, vivant dans l'opulence. L'expertise énergétique transpirait dans les résumés qu'elle avait consultés, à quoi servait donc tout ce courant généré si c'était pour vivre dans une telle austérité ? La première impression était toujours importante, et là, elle était diamétralement opposée à ses attentes. Elle resta malgré tout d'un irréprochable professionnalisme, ne laissant pas transparaitre ses doutes. Et qui plus est, elle était venue ici non pas pour des collaborations ferroviaires, mais d'ordres nucléaires et miniers.
Maria répondit prestement :

"En effet, nous manquons d'expertise pour faire des équipements électriques performants. Ce n'est pas vraiment un défaut, c'est plutôt un fait. Je ne savais pas que des trains pouvaient aller à 100 km/h, c'est impressionnant. C'est à mon tour de vous impressionner. Entrons dans le LHV."

Elle poussa une porte qui s'ouvrit d'elle-même, laissant apparaître le laboratoire, un ovni par rapport à tout ce qui avait été vu jusqu'alors, d'un luxe insolent et d'une technologie débordante. On voyait par les vitres les centrales du LHV et le complexe.

"Avant de parler directement du nucléaire, nous allons vous faire une petite visite du LHV en commençant par une pièce des plus historiques."

Un escalier s'ouvrit dans le sol dans un mouvement très fluide, invitant à descendre. Il s'agit du niveau 0 du VAC, un énorme dédale d'ordinateurs qu'on comprend obsolètes par leur fonctionnement mais d'un style récent qui rend ce complexe difficile à dater.

"Nous voici dans le VAC, c'est le premier poste de consommation du LHV. C'est la tête de Drovolski, n'est-il pas immense ? Il est composé de milliers de cellules de calcul et de milliers de cellules de mémoire. Poursuivons vers les zones de transmissions. Les voici. Nous n'avons pas vraiment de réseau au sens de l'internet de chez vous ; nous avons un réseau de télétransmission proche d'un télégraphe amélioré. On voit 560 voies de données et 89 voies électriques. C'est d'ici que sont envoyés les ordres de pilotage des installations de la CMD et de la SCM ainsi qu'une partie de leur alimentation, ce qui permet à la SCM de produire les produits chimiques dont la CMD a besoin et à la CMD de produire les minéraux et métaux selon son plan de production. Si j'ai bien fait ma visite, vous comprenez que le rôle du LHV est de tout faire pour maintenir la production de minéraux. Pour le contexte voici le consommation du pays. Nous allons maintenant voir comment y répondre, avec notre grand sujet : le nucléaire, en allant voir un réacteur en rechargement par le couloir d'accès au premier étage."

Maria fit un signe de la tête pour demander s'il y avait une question à poser maintenant.
Les installations étaient impressionnantes, quelqu'en soient le niveau technologique, cela restait une infrastructure d'envergure avec un potentiel notable. Mais surtout, c'était là un symptôme, un élément symbolisant parfaite le fonctionnement de Drovolski : centralisé, planifié, et surtout, productiviste. Alors que Marguerite se questionnait intérieurement sur l'ampleur des dispositifs de refroidissement, Matilde se tourna sur une autre question :

-Il y a un certain point qui m'intrigue. Votre nation se caractérise par deux points : d'un côté une volonté d'optimiser au mieux avec une énorme centralisation pour économiser les moyens, le tout dans ce qui serait considéré comme de l'austérité d'un point de vu extérieur. Cantines centralisées avec une alimentation de synthèse, habitations communes, transports publiques, les citoyens ont accès à relativement peu de bien et ce dans un esprit apparent d'économie, dites-moi si je me trompe.
De l'autre côté, vous travaillez beaucoup et avez une industrie extrêmement développée, ce qui sous-entend une production importante. Mais une production de quoi ? Uniquement de minerais et produits chimiques ? Mais à quel fin ? Cela ne sert pas à alimenter une société de consommation avec des usines de produits civils. Donc, vers quoi est tournée cette industrie ? C'est une question surprenante, mais ce point m'intrigue.
Maria, qui s'était préparée à cette question, répondit pendant que le SAS s'ouvrait vers la tranche 2 du LHV Ouest, un Mesol-1900.

"Notre économie est orientée vers les minerais et la chimie, car ce sont les principales ressources de notre territoire. Notre spécialisation rapide dans ce domaine nous confère un avantage concurrentiel. De plus, notre organisation sociale rend les coûts pour nos clients très bas et donc attractifs. Cette politique économique permet à notre pays de maintenir une forte industrialisation grâce à des matières premières bon marché et d'importer tout ce qui nous manque, en particulier les denrées alimentaires et les technologies que nous souhaitons recevoir en échange. En résumé, nous avons organisé notre pays pour qu'il soit le fournisseur de choix dans le secteur primaire au niveau mondial. Nos produits étant fongibles, nous sommes contraints de produire en très grande quantité pour maintenir notre attractivité industrielle et nos importations."

Maria glissa sa carte dans un lecteur et une porte blindée s'ouvrit. Elle invita Mathilde à la suivre en lui indiquant qu'elles venaient d'entrer dans le bâtiment réacteur.

"Bienvenue dans ce que nous faisons de mieux à Drovolski : les réacteurs nucléaires. Nous sommes dans le Mesol-1900, le réacteur le plus puissant conçu au LHV."
La réponse laissait dubitative Matilde, mais il y avait un point qui était certain : elle allait dans le sens des intérêts du Duché. Qu'importe que les habitants de ce pays acceptent de vivre tels des engrenages dans l'austérité, acceptant d'y dédier leur vie sous les mécanismes de l'endoctrinement ou on ne sait quel autre moyen de persuasion, la seule chose importante à la fin était de pouvoir s'approvisionner en minerais. Et la chose contentait largement Marguerite, après tout venu pour ça.
Arriva ensuite la visite du réacteur, l'un des sujets de la visite.

-Passionnant, dit Marguerite, je suppose que l'essentiel du combustible nucléaire est extrait ici ? Nous avons entendu parler de vos surgénérateurs également, fournissent-ils une part importante de votre matière première ? D'ailleurs, vos surgénérateurs revalorisent plutôt du thorium ou de l'uranium appauvris ?
Maria, très contente de la question, répondit aussitôt.

"Le Mesol-1900 est un surgénérateur. Il fonctionne à l'uranium et au plutonium. On extrait le minerai dans la zone minière CMD, on l'envoie au laboratoire et, juste à côté de nous, à COMEX et HURE, on le prépare pour en faire du combustible. Dans le cœur, il y a trois zones : une fissile, composée d'uranium enrichi et de plutonium, et deux fertiles, en uranium naturel, ce qui permet de régénérer du plutonium. La majorité de nos réacteurs fonctionnent exclusivement au plutonium, mais le démarrage se fait toujours à l'uranium enrichi. En effet, une fois le combustible des zones fertiles suffisamment irradié, on peut l'utiliser dans la zone fissile."

En se dirigeant vers le pont, elle dit :

"Vous avez de la chance, comme nous sommes en rechargement, on peut voir les trois zones. Elles sont concentriques, ce qui permet une bonne irradiation. Donc, si vous avez bien compris, vous n'avez pas besoin d'avoir d'installation d'enrichissement ; il vous suffit de déplacer le combustible de la bordure vers le centre et d'utiliser de l'uranium naturel en bordure. Nos réacteurs sont également compatibles avec le thorium, comme nos réacteurs FLO, mais il s'avère trop cher de changer de filière étant donné qu'il faudrait ouvrir de nouvelles mines et de nouveaux complexes industriels de fabrication de combustible."
Comme dans toutes les discussions plus techniques que diplomatique, Matilde fut quelque peu mise en retrait d'elle-même pour laisser Marguerite s'exprime :

-C'est absolument fascinant. Le Duché déploie de grands efforts pour atteindre de tels résultats en termes de surgénération. L'énergie est en effet un flux vital à la vie des citoyens et au développement industriel et toutes sociétés souhaitant se développer davantage et anticiper l'avenir doit catégoriquement y mettre les moyens. Nous avons comme vous le savez une attention particulière en Sylva pour le nucléaire, sans qu'elle égale vos avancées. Et développer des surgénérateurs fait partie de nos objectifs, puisque revaloriser l'uranium appauvri permet simultanément d'en prolonger l'énergie potentiellement extractible sur le long terme et d'en réduire les importations, assurant à la fois une anticipation sur le long terme et une consolidation de notre souveraineté. Pour dire, maitriser cette technologie permettre à Sylva de grandement réduire sa dépendance en se concentrant sur l'exploitation des stocks non utilisés d'uranium 238.

Elle fit une courte pause en contemplant le réacteur qui s'offrait à elles.

-Par ailleurs, le Mesol-1900 a attiré notre attention pour son emploi de l'hélium. Nous avons relativement récemment entrepris des travaux de développement sur la conversion directe de l'énergie, permettant des rendements extrêmes rejoignant ce que je disais précédemment, avec une réduction des besoins en combustible pour une même production. Nous avons notamment deux prototypes, un réacteur à fragment de fission exploitant directement un flux de particules à haute vitesse issues de la réaction à travers un générateur magnétoplasmique, et un second prototype fonctionnant à l'hélium. En vue de votre expertise dans l'emploi de ce gaz, nous pensons que des recherches conjointes permettraient de mettre à profit vos acquis pour accélérer les progrès. Dans ce modèle-là, de l'uranium sous forme de vapeurs fluorés est imprégné dans l'hélium, alors chauffé et accéléré au travers d'un générateur magnétoplasmique également. Ce n'est pas entièrement de la conversion directe d'énergie mais s'en approche et permet des hauts rendements, ce qui nous intéresse après tout.

-Il y a toutefois quelques points à préciser, intervint Matilde. Le modèle à hélium rencontre de nombreuses réticences pour des raisons sécuritaires. L'actualité a démontré que le bombardement d'un réacteur nucléaire malgré les conséquences est un acte plausible. Hors l'emploi de gaz est d'emblée problématique puisque bien plus prompt à se disséminer dans l'atmosphère.

-En effet, reprit Marguerite, une fuite de fluorure d'uranium dans l'environnement serait désastreux. Il y a par ailleurs une seconde réticence en cours d'analyse : que le rendement des réacteurs à cœur gazeux ne soit finalement pas supérieur au Mesol-1900 ce qui en réduirait la pertinence à néant. Je serais d'ailleurs curieuse de savoir si ont déjà été étudiés en Drovolski des réponses à ces frappes désastreuses ? Notamment pour lutter contre la prolifération d'hélium et particules radioactives en cas de brèche sévère.
En Sylva, la seule solution pour le moment proposée est de faire des réacteurs nucléaires souterrains. En plus d'accroitre leur résilience aux frappes aérienne, une brèche serait bien plus confinée que dans un réacteur en surface.
Maria, ayant quelques doutes quant au bon fonctionnement de la filière que Sylva tentait de développer, répondit directement aux interrogations que Marguerite avait suscitées.

« Tout d'abord, nous devons vous informer que le réacteur à fragments de fission ne peut générer du courant par conversion directe qu'avec des particules chargées. Ce mode d'exploitation contraint à l'utilisation de désintégration alpha, provoquée par des disques ou des filaments très hautement enrichis en matériaux fissiles pour maintenir la criticité du réacteur. Le problème est que, pour atteindre un véritable intérêt pour la conversion directe, il faut à la fois des températures très élevées et un flux très important. En effet, la conversion directe n'a de véritable intérêt qu'à l'état de plasma. Il faudrait donc un combustible très enrichi en émetteurs alpha et atteindre des températures extrêmes en les collimatant, ce qu'un réacteur à fragmentation de fission ne permet pas sans risquer de fusionner par induction de réactions nucléaires en son sein. À noter que les émetteurs alpha sont très coûteux et très rares. Il n'en demeure pas moins très intéressant de maintenir vos recherches dans ce domaine pour l'espace, où la fragmentation pourrait être utilisée pour déplacer des satellites avec un carburant virtuellement illimité.

fragments de fission
frag

Pour ce qui est de la conversion directe par ionisation d'hélium, ce choix semble plus plausible mais requiert des conditions d'exploitation extrêmes. En effet, faire chauffer de l'hélium par des réactions de fission jusqu'à ionisation et formation d'un plasma demande des températures extrêmes, ce qu'un cœur céramique (oxyde) ne peut pas maintenir sans fusionner. Le choix d'un cœur sous forme de gaz semble donc judicieux, mais je dois vous informer qu'il sera impossible de maintenir la réaction nucléaire. En effet, un gaz étant la forme la moins dense de la matière, il sera impossible de maintenir la criticité. De plus, le choix d'un gaz rendra impossible la modération de la réaction, qui pourrait s'emballer ou s'interrompre sans véritable contrôle. Cette technologie n'est donc viable qu'avec un combustible sans ces contraintes, soit un réacteur à fusion nucléaire. Nous pourrions donc envisager un programme de fusion nucléaire à l'horizon 2070, en couplant des générateurs magnétoplasmiques à notre savoir-faire dans la gestion des gaz.

L'autre possibilité est de chauffer l'hélium par des ondes radio, mais les réacteurs à fission en émettent très peu, ce qui nécessite une conversion électrique et fait donc chuter le rendement de l'installation de manière abyssale, sauf encore une fois dans un objectif de propulsion et non de production d'électricité.

Vasimr
Vasmr

Nos réacteurs Mesol-1900 suivent un mode de sûreté pour éviter un incident en cas de fuite et sont composés de quatre barrières de confinement, dont un dôme de protection. Je tiens à signaler qu'un incident de fusion de cœur sur un réacteur souterrain provoquerait la plus grande dispersion de particules dans l'environnement qu'on pourrait connaître, par une explosion thermique désastreuse en cas de contact avec une source froide, comme une nappe phréatique. Même avec un récupérateur de corium, nous ne sommes pas prêts à envisager cette éventualité et avons choisi de mieux protéger nos réacteurs en surface.

En résumé, un plasma c'est 19 000°C, un combustible nucléaire fusionne à 1 600°C et n'est pas critique (ne fonctionne pas) sous forme de gaz.»


Maria invite Mathilde et Marguerite à aller vers les réserves d'hélium et les échangeurs thermiques gaz-gaz.
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