10/05/2016
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Section Histoire - Encyclopédie Nationale d'Estalie

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Section Histoire de l'Encyclopédie Nationale d'Estalie :

Ici sera répertorié l'ensemble des articles, résumés et extraits des ouvrages de l'Université de Mistohir en charge d'assurer la documentation historique de la nation estalienne par la réunion des archives, preuves archéologiques et récits/écrits historiques ainsi que l'ensemble du travail de la frange historienne estalienne et étrangère sur l'Estalie depuis sa fondation. L'ensemble des sources de la section Histoire de l'Encyclopédie sont issus des travaux des historiens de l'Université de Mistohir par défaut, les travaux des autres universités estaliennes sont accréditées sous le nom de celle de Mistohir compte tenu de la réglementation du 17 Août 1965 sur la centralisation de la documentation historique et de la fonction professionnelle des historiens.


Sommaire :

  • Préhistoire et Antiquité classique sytalienne (Xe siècle av. J-C - IIIe siècle ap. J-C).
  • Antiquité tardive slavovite (IIIe-VIIIe siècle).
  • Fondation de l'Estalie par Estan le Grand (750-785).
  • Le Haut-Moyen Âge estalien (VIIIe-XIe siècle).
  • Le règne de Spoliosky Ier (1051-1081).
  • Le règne de Palioki II, le Tueur de Kartaliens (1081-1125).

  • Annexes :

  • L'économie médiévale estalienne (VIIIe-XIIIe siècle).
  • Religion et culture médiévales estalienne (VIIIe-XIIIe siècle).
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    "Ce que nous nommons l'Estalie n'est qu'une construction médiévale récente en elle-même, le nom lui-même provient du premier du Royaume d'Estalie. Autrefois, ces terres étaient sauvages et peu convoitées mais leur exploitation et leur découverte par un nombre réduit de peuples de passage vont transformer l'Estalie en Eldorado finement gardé."

    Jozef Guduniak, historien estalien (1924-1998).

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    Préhistoire estalienne :

    La première trace d'une présence humaine dans le territoire estalien remonte aux premières grandes migrations venant d'Afarée des premières grandes espèces humaines que sont les Homo Erectus puis plus tard les hommes de Néandertal. La première trace d'Homo Erectus sur le sol estalien remonte à environ 2 millions d'années avant notre ère, durant le Paléolithique inférieur. On sait de sources sûres aujourd'hui que l'Estalie n'était pas une terre accueillante d'un point de vue géographique et climatique. Si les plaines orientales de l'actuelle Estalie étaient certes fertiles, la région avait une température moyenne assez basse et un taux d'humidité très élevée : la pluie était fréquente sur le sol estalien et la météo souvent rude. A l'ouest, il semblerait que de grandes forêts comblaient les vallées situées entre les différentes chaînes de montagnes estaliennes. Ces zones boisées étaient très denses en végétation et la faune locale y était assez abondante mais aussi hostile. On sait par exemple que le climat froid a favorisé la prolifération des Machairodontinae, une famille de félins à dents de sabres dont le dernier spécimen le plus récent retrouvé à ce jour dans le monde se trouvait en Estalie, éteint il y a environ 10 000 ans de cela. De fait, la faune hostile et le climat difficile faisait que l'Estalie n'était que peu peuplée par rapport aux régions alentours, les mouvements de migrations qui suivront la première d'Homo Erectus démontrera que l'Estalie agissait presque comme un repoussoir pour les populations qui faisaient le détour de la région pour s'installer plutôt autour.

    Ce manque de migrations intenses des espèces humaines qui se suivront dans les migrations depuis l'Afarée va mener à un taux de remplacement des espèces assez lent sur le territoire : on retrouve généralement les fossiles parmi les plus récents d'espèces disparues comme les Homo Erectus dont le spécimen le plus récent retrouvé date de seulement 150 000 ans avant notre ère (à une époque où l'Homo Erectus avait, dans la plupart des continents, complètement disparu) et de même pour le Néandertal dont les traces les plus récentes datent de seulement 30 000 ans avant notre ère. Le règne d'Homo Sapiens tels que nous le connaissons aujourd'hui est donc plus récent en Estalie du fait du faible peuplement de la région et l'accueil peu chaleureux que proposait la région. Ainsi, on retrouve une présence d'Homo Sapiens en Estalie qui date, pour le plus vieux fossile retrouvé à ce jour, d'il y a 45 000 ans.

    Pourtant, celle-ci semblait avoir aussi changé au fil des millénaires sur le plan géographique : le climat se réchauffait de manière globale et il semblait qu'à l'est de l'Estalie moderne, les grandes plaines favorisaient la croissance démographique locale. En effet, c'est alors que la population grandissait dans la partie orientale de l'Estalie que se développa le pastoralisme nomade qui entraîna à son tour à la formation de premières tribus nomades. Ce fut le mode de vie de l'est de l'Estalie tandis que les régions montagneuses de l'ouest semblaient se rapprocher davantage d'un mode de vie sédentaire, se nourrissant principalement de la pêche des grands lacs occidentaux. Ironiquement, on pense par ailleurs que l'agriculture a été implantée en premiers lieux dans de petites zones défrichées à l'ouest de l'Estalie, dans des régions pourtant moins avantageuses sur le plan agricole qu'à l'est dont la terre était alors bien plus fertile et favorable au développement de l'agriculture. Néanmoins, il semblerait que le pastoralisme prévalait alors et ce mode de vie va subsister pendant une longue période.


    Antiquité sytalienne :

    On sait déjà fort bien que l'Estalie n'existait pas avant au moins le VIIIe siècle après J-C. Pourtant, cela n'a pas empêché un certain lot de peuples de toutes origines, aujourd'hui disparues, qui ont peuplés et ont parfois établis le centre de leur pouvoir sur le territoire estalien actuel. Parmi ces peuples, le plus connu n'est rien de moins que les Sytaliens, apparus sur le sol estalien à partir du Xe siècle avant J-C. On ne connaît pas bien leurs origines ethniques même si on suppose, compte tenu de l'histoire génétique des habitants bas-estaliens aujourd'hui qu'ils provenaient des steppes situées plus à l'est de l'Eurysie et devaient certainement être d'origine tataro-mongole même si on retrouve aussi des gènes issus des peuples persanes d'Afarée. Il est plus probable que les Sytaliens soient un mélange des deux, même si certains historiens contestent qu'un couplement génétique entre les deux groupes génétiques ait pu se produire à cette période, la distance navale entre les deux aires culturelles étant alors très importante et qu'un tel couplement aurait été certainement remarqué dans les sources grecques de l'époque, la civilisation hellénique se trouvant au carrefour de ces deux civilisations. Il faut de surcroît nuancer l'appelation même des Sytaliens : le nom de Sytalien est un nom issu de l'historiographie classique grecque pour définir de manière plus générale les peuplades nomades vivant au nord de la civilisation hellénique. Il était donc très probable que ce peuple sytalien ne soit pas pleinement uniforme mais certainement un amas de principautés, de royaumes et de tribus de différentes origines n'ayant en commun rien d'autre que leur mode de vie. Et pour cause, nous en savons un peu plus sur leur mode de vie.

    On souligne chez les Sytaliens deux caractéristiques assez propres : leur nomadisme pastoral alors bien adapté aux biomes dans lesquels les Sytaliens évoluaient et un style guerrier alors très différent de celui du monde grec qui en faisait l'historiographie. Le nomadisme sytalien était un modèle économique bien adapté à la géographie locale et pratiqué de façon rigoureuse avec des migrations saisonnières caractéristiques où des itinéraires bien précis étaient tracés entre les différents pâturages fixes qui étaient partagés entre les tribus sytaliennes. Les Sytaliens élevaient majoritairement des bovins et des ovins mais aussi et surtout, des chevaux. Le cheval était l'animal le plus polyvalent de l'élevage sytalien : il fournissait les montures pour la guerre, servait de force de traction pour les voyages et était aussi utile pour l'alimentation des Sytaliens qui mangeaient régulièrement la viande de cheval et se servaient régulièrement du lait de jument pour en faire du lait fermenté ou du fromage qui était généralement revendu à prix d'or sur les marchés côtiers helléniques. Les Sytaliens utilisaient généralement des chariots aménagés et servant directement d'habitats à la fois pour loger mais aussi pour se déplacer lors des migrations saisonnières. Généralement, es Sytaliens étaient redoutés par les populations plus au sud d'eux, notamment les différentes Cités États helléniques qui, pour la plupart, devaient délaisser le contrôle de la périphérie du monde hellène aux tribus sytaliennes. Cela avait pour effet que les Sytaliens dominaient concrètement le commerce entre le nord (l'Eurysie centrale) et le sud (l'Eurysie méridionale). De fait, les Sytaliens dominaient les peuples sédentaires de la périphérie hellénique et y récupérait du blé afin de le revendre aux Hellènes. Les guerres récurrentes entre les tribus sytaliennes apportait aussi un commerce très lucratif d'esclaves qui était revendu ensuite aux cités états helléniques. En échange, les Sytaliens importaient généralement du vin, de la céramique ou de l'orfévrie.

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    Néanmoins, ce système économique nécessitait une chose essentielle : les Sytaliens devaient faire la guerre en permanence afin de conserver le contrôle des routes commerciales, maintenir le flux constant d'esclaves issus des guerres et surtout car la guerre chez les Sytaliens était sanctuarisée comme un rituel sacré dans leur religion polythéiste. Bodukiak, le dieu de la guerre dans le panthéon sytalien, est quasiment le seul dieu de tout le panthéon sytalien a nous être parvenus des sources helléniques pour la simple et bonne raison que c'était le dieu fondateur de toute la mythologie sytalienne : il était le dieu principal, le Roi même des autres Dieux et il aurait fondé le monde en plantant la Flèche Fondatrice dans le sol infertile de la steppe. De fait, la guerre était périodique, comme les saisons et les migrations, ne pas faire la guerre durant l'année du calendrier sytalien était souvent l'arrêt de mort du chef de la tribu en question qui était jugé trop faible pour faire survivre la tribu. Donc la steppe était dans un état de guerre permanent et les Sytaliens y ont développés une façon de faire la guerre alors très unique pour l'époque que la plupart des peuples des steppes qui les suivront vont reprendre et améliorer en fonction de leurs époques jusqu'à l'apparition de la poudre à canon. Cavaliers hors pair, les Sytaliens ne possédaient pas d'étriers ou de selles très rigides mais étaient capables d'être des archers à cheval redoutables au combat, utilisant pour la première fois de l'histoire les tactiques que l'on connaît désormais bien du style guerrier des steppes : le harcèlement à distance, la retraite feinte, le rempart mobile des chariots renforcés contre les projectiles adverses. La plupart des guerriers sytaliens étaient des archers à cheval, très légers et portant un arc composite de petite taille mais très puissant tandis que l'aristocratie sytalienne composait la majorité de la cavalerie lourde sytalienne (dont les armures étaient souvent d'origine hellénique d'ailleurs) qui chargeait et massacrait les rangs adverses une fois suffisamment affaiblis par le harcèlement des archers montés. On sait aussi que de sources sûres, les hommes n'étaient pas les seuls à combattre, les jeunes femmes célibataires se battaient également à l'égal des hommes durant les campagnes et on sait que cette particularité féminine des Sytaliens va marquer l'imaginaire hellénique, les populations nord helléniques devenant hantés par des mythes de féroces guerrières sytaliennes venues du nord égalant à elles seules dix hoplites. Ces légendes démontrent certainement que les guerrières sytaliennes étaient certainement aussi redoutées que leurs homologues masculins et devaient certainement recevoir un entraînement militaire similaire aux hommes. Des pratiques rituelles liées à la guerre étaient aussi de vigueur, les Sytaliens avaient notamment l'habitude de boire le sang de leurs victimes aux festins de victoire, utilisant généralement les crânes comme des coupes à boire et utilisant la peau écorchée des vaincus comme tapis. La plupart des historiens du XIXe siècle avaient émis l'hypothèse que ces descriptions helléniques étaient largement exagérées afin de bien faire la différence entre le monde hellénique et le monde barbare mais on a su retrouver à partir de 1972 des sites archéologiques sytaliens où on a retrouvé des crânes spécialement conçus pour servir de coupes à boire, ce qui prouve qu'il y avait bien un type de rituel très similaire à celui décrit par les sources helléniques. Enfin, on sait qu'au-delà de la collection de crânes, les Sytaliens avaient généralement l'habitude d'apporter quelques crânes accrochées à leurs montures durant les batailles afin de terrifier leurs ennemis.

    D'un point de vue religieux et culturel, même si on ne connaît pas en détail le panthéon sytalien, on est sûrs que les Sytaliens concevaient une vision très spécifique de la vie après la mort. Pour eux, la vie après la mort était conçue comme une prolongation de la vie terrestre dans un autre monde et qu'il était certainement possible de transférer des objets dans l'au-delà aux côtés des défunts. Ainsi, la plupart des chefs de tribus sytaliens avaient le droit à de très fastes sépultures remplies d'or, de mobilier de luxe et bien souvent, des dizaines de servantes étaient sacrifiées afin d'accompagner le chef de tribu dans l'au-delà. De plus, les guerriers avaient aussi droit à une sépulture, certes commune, mais les sépultures guerrières sont toujours accompagnées de bannières militaires appropriées, représentant un animal ou un Dieu. Dans d'autres cas, ce sont les bannières d'armées vaincues, généralement des cités helléniques mises à sac par les nomades sytaliens, qui sont déposées dans les sépultures guerrières.

    La sédentarisation des Sytaliens (IIIe siècle av. J-C) :

    A partir du IIIe siècle avant J-C, les Sytaliens commencèrent petit à petit à se sédentariser et à fonder une société proto-urbaine autour de certaines villes fortifiées très imposantes. Ainsi, sur le site antique de Fransoviac (située à 28 kilomètres à l'est de la ville actuelle), on sait que la ville de Fransoviac existait déjà au IIIe siècle avant J-C et était certainement la plus grande ville de la région. Pour cause, elle fut un grand centre d'échanges des commerçants à la fois sytaliens, helléniques mais aussi celtes, germaniques et tatares. Fransoviac était alors le point névralgique de tout le commerce de l'Eurysie centrale pendant plusieurs siècles. De plus, c'était une ville bien gardée, les fondations de la ville montrant les imposantes palissades sytaliennes comme plus imposants encore que les oppidums celtiques plus à l'ouest du continent ce qui montre que les Sytaliens étaient certainement un peuple très adaptatif, capable de vivre dans un mode de vie nomade mais aussi capable de se sédentariser et de construire de grandes bâtisses. On pense que durant ce siècle-là, Fransoviac était certainement la ville la mieux fortifiée du continent et sa population était également très dense par rapport aux villes antiques contemporaines. La découverte de Fransoviac et de son antique démontre tout de même une grande fertilité de l'Eurysie centrale et de ses grandes plaines à l'époque pour qu'une population aussi grande puisse s'y installer.

    A partir de -195, on a la trace officielle d'un premier royaume sytalien réellement émergent avec Fransoviac pour centre de pouvoir. Ce royaume, nommé par les historiens rémiens le Royaume Thucylisien, était un imposant royaume semi-urbain et semi-nomade qui était surtout redoutée pour ses conquêtes d'une part et par la férocité habituelle du style de guerre des Sytaliens. Dès -187, les Thucylisiens vont s'étendre dans tout l'est de l'Estalie actuelle, soumettant les royaumes et tribus sytaliennes en déclin une à une jusqu'à atteindre la côte orientale eurysienne en -154 sous l'égide du Roi Usus II. C'est alors l'apogée de ce que l'on nomme rapidement l'Empire Thucylisien.

    Cartographie de l'Empire Thucylisien à son apogée en -154.

    Comme la plupart des empires de la steppe néanmoins, l'Empire Thucylisien va rapidement s'avérer instable à contrôler et gérer pour ses nouveaux conquérants. En effet, à part l'ouest de l'Empire, les populations côtières étaient souvent des petites cités états sédentaires à la culture très différente de celles des Thucylisiens. Ainsi, l'Empire va subir une première période de déclin à la mort du fils d'Usus II, Hammurab Ier, en -109. A la mort d'Hammurab, celui-ci n'a aucun héritier légitime à faire succéder au trône impérial : son fils unique est mort d'une chute de cheval durant l'été -111 et entre temps, il n'a pas eu de nouvel héritier. S'engage alors la guerre de succession thucylisienne entre -109 et -95 entre les favoris d'Hammurab, notamment ses généraux. La guerre de succession est violente et touche quasiment tout l'Empire. Les cités côtières orientales réussissent à reprendre leur indépendance au milieu des affrontements entre Sytaliens. La guerre oppose trois anciens généraux d'Hammurab : Frankovi (qui contrôle rapidement Fransoviac et l'ouest de l'Empire, se remariant avec la veuve d'Hammurab pour asseoir sa légitimité), Usus au sud-est et Kurioka au centre et l'est du territoire.

    Cartographie de la guerre de succession thucylisienne.
    En brun : Frankovi / en rouge : Kurioka / en bleu : Usus.

    La guerre de succession est probablement une des plus grandes guerres à grande échelle qui ait secoué alors l'Eurysie centrale slavo-tatare dans l'histoire même de cette partie du continent. En effet, en plus des Sytaliens eux-mêmes qui composaient la grande majorité des troupes des trois prétendants au trône impérial (ainsi que leur violence coutumière envers leurs adversaires comme avec les civils sur place), les trois armées vont aussi engager un grand lot de mercenaires et d'auxiliaires venus de toute l'Eurysie, notamment des auxiliaires rémiens et helléniques et des mercenaires germaniques. La guerre fut donc certainement très violente, débutant en -109 par une première campagne de Frankovi contre la ville de Glusia appartenant à Kurioka. Les Sytaliens n'étant que peu accoutumés à la guerre de sièges, ils vont beaucoup faire appel à des ingénieurs militaires rémiens pour guider leurs sièges. Glusia fut rapidement prise et exposait alors toute la steppe occidentale de Kurioka qui décida de contre-attaquer. Durant l'hiver -109/-108, il va décider de prendre l'initiative et d'attaquer le camp retranché de l'armée de Frankovi dans les alentours de la petite ville de Calusia. En cette saison hivernale, surtout cet hiver qui est particulièrement rude, les Sytaliens ont tendance à mettre fin aux combats pour reposer leurs montures et s'occuper en partie de leur bétail. La bataille de Calusia est donc une affaire de pure ruse de la part de Kurioka qui brise la tradition centenaire des Sytaliens. Même d'un point de vue tactique, il surprend tout le monde en menant en début d'engagement une charge générale de sa cavalerie lourde. Les soldats de Frankovi sont tout bonnement massacrés, n'ayant pas le temps de saisir leurs montures, une partie des hommes sont à l'extérieur du camp et sont poursuivis comme des bêtes sauvages par les cavaliers légers de Kurioka. La défaite est humiliante pour Frankovi mais celui-ci réussit à rétablir ses réserves l'année suivante et commence en premier à engager des mercenaires non-sytaliens, notamment des hoplites helléniques afin de parer les charges de cavalerie de Kurioka. Malgré sa victoire reluisante à Calusia, Kurioka ne peut reprendre Glusia dans la foulée. Ainsi, une seconde campagne s'engage en -108. Cette fois-ci, les deux armées, fortes d'environ 45 000 hommes chacun, s'affrontent à la bataille de Paidrac. La bataille est d'une boucherie sans nom entre les deux camps et tandis que les flèches pleuvent et accumulent les blessés dans les deux camps, la charge finale des deux cavaleries aristocratiques s'accompagne d'une véritable joute entre fantassins helléniques et rémiens (Kurioka engageant à son tour des Rémiens pour contrer les phalanges helléniques).
    Illustration de la bataille de Paidrac. Les archers à cheval composent la grande majorité des deux armées.

    Finalement, au bout d'une lutte acharnée entre les deux adversaires, Kurioka finit par remporter définitivement la décision et réussit même à tuer le fils cadet de Frankovi alors à la bataille en écrasant le flanc droit par une manœuvre surprise. Cette victoire, une fois de plus, ne permet pas à Kurioka d'exploiter pleinement son succès étant donné que Frankovi prépare déjà une nouvelle armée pour poursuivre une troisième campagne et Usus commence à progresser lui aussi. Engageant des pirates rémiens, Usus réussit à s'emparer de toute la côte de l'Empire et les villes côtières clés de la région. Pleinement appuyé sur la côte, Usus peut maintenant mener deux armées pour ratisser l'est du territoire de Kurioka. L'après-bataille de Paidrac est une suite de campagnes et de contre-campagnes de pillage entre les trois belligérants, chacun n'ayant pas les moyens de mener des sièges à grande échelle sur les villes de leurs opposants. Cette situation dure jusqu'en -101 lorsque Frankovi est assassiné. Son fils aîné, amputé d'un bras à la suite d'une escarmouche en -103, est à peine respecté (les amputés dans la société sytalienne sont vus comme des indésirables car ne pouvant plus monter convenablement à cheval) par ses pairs et même sa belle-mère, Jakila (la veuve d'Hammurab) le rejette. Jakila, voyant que le fils de Frankovi n'a pas la stature de devenir empereur, elle coopère avec les conspirateurs nobles de la capitale qui assassinent le fils de Frankovi peu après. La mort de la lignée de Frankovi laisse le suspend du successeur que les conspirateurs vont nommer. Détestant la politique de Kurioka qui promouvait le partage des pâturages et cherche à protéger la petite paysannerie (qu'il considère comme le squelette de l'économie et des levées militaires), ils se rallient à Usus qui s'attache davantage à défendre la caste de la noblesse plutôt qu'à assurer les intérêts de l'Empire avant tout. Kurioka profite de l'agitation et dès -100, Glusia lui ouvre les portes par la ruse et Kurioka entre dans la deuxième plus grande ville du pays sans combattre. Puis en -99, il mène une campagne victorieuse contre les armées mal dirigées anciennement fidèles à Frankovi dont la mort a laissé un vide absolu dans la cohésion militaire de ses troupes. Cette campagne s'achève en -98 par la prise et le sac de Fransoviac, Kurioka ordonnant le massacre pur et simple de la population qu'il considère comme mondaine et corrompue par les Dieux pour avoir expressément tenter de s'en prendre à l'unité impériale. En -97, il retourne la totalité de son dispositif militaire contre Usus. Finalement, en -95, Usus meurt de maladie, peut-être de la grippe, et ne laisse aucun descendant derrière lui. Lassés par plus d'une décennie de guerres, les partisans d'Usus donnent leur reddition et reconnaissent définitivement Kurioka comme l'empereur légitime des Thucylisiens.

    Kurioka fut un grand empereur : il va réformer la justice, promouvoir le pouvoir économique des petits propriétaires agraires, pousser à la sédentarisation des Sytaliens, favoriser le commerce des grandes villes mais surtout, il va conserver l'intégrité de l'Empire. En effet, après cette sanglante guerre de succession, l'Empire est affaibli et nombreux sont les peuples minoritaires et les cités aux abords de l'Empire qui souhaitent se détacher de l'autorité impériale ou décident de ne pas renouveler leur tribut envers l'Empire, alors source de financement importante pour l'empereur. Kurioka va donc mener plusieurs campagnes de répression au cours de son règne afin de conserver l'intégrité territoriale de l'Empire et en soumettant aux tribus les peuplades alentours, préférant les soumettre à un tribut rémunérateur plutôt qu'à dépenser inutilement dans la pacification et la conservation de ces territoires. Finalement, Kurioka meurt en -78 et est succédé par son fils, Kurioka II. Celui-ci, fort d'un Empire consolidé par son père, va surtout combattre l'expansion rémienne qui commence à se sentir. Tandis que l'actuelle Sitadie tombe aux mains des Rémiens durant cette même période, Kurioka II tente de prendre la région aux Rémiens pour que celle-ci agisse comme Etat tampon entre les deux empires. La géographie locale et l'utilisation d'auxiliaires sitades connaissant bien la région par les Rémiens permet à ces derniers de repousser successivement quatre campagnes thucylisiennes entre -75 et -58. Finalement, Kurioka meurt durant sa dernière campagne en Sitadie en -58 face aux troupes rémiennes qui capturent et assassinent Kurioka II durant sa captivité, croyant à tort que celui-ci n'avait pas de descendant. Les Rémiens avaient étés trompés par de fausses rumeurs dans les faits et à sa mort, Kurioka II est succédé par son fils de 17 ans, Ctésofa.

    Ctésofa était jeune lorsque les Rémiens décidèrent de lancer une expédition punitive contre les Thucylisiens en -56 afin de s'emparer des régions côtières impériales. Sur mer, les Thucylisiens sont rapidement dominés par les Rémiens mais sur terre, la logistique rémienne est catastrophique et Ctésofa se révèle rapidement comme un solide tacticien en ce qui concerne le harcèlement de troupes. Les Rémiens tenteront de prendre plusieurs villes côtières mais à chaque fois, le blocus terrestre est violé en permanence par la cavalerie sytalienne qui reste hors de portée des armes rémiennes. Finalement, la mort du consul menant la campagne en -54 obligent les Rémiens à rebrousser chemin. Ces derniers reviendront néanmoins en -51. Une fois de plus, ils seront écrasés à la bataille de Cara, les légions rémiennes étant encerclées par la cavalerie légère thucylisienne avant d'être copieusement massacrée par la charge finale des cavaliers lourds. La bataille de Cara fut si catastrophique pour les Rémiens que cela engendra des troubles politiques au sein même de l'Empire, ce qui permit aux Thucylisiens de vivre en paix pendant quelques décennies. Sous le règne de Ctésofa, les Rémiens ne tenteront plus aucune expédition après Cara et Ctésofa put alors se consacrer au développement économique de son empire, développant notamment un remarquable système postal et commençant à investir dans une marine de guerre pour au moins protéger les côtes des pirates.

    En -17, Ctésofa meurt et est succédé par son fils Kurioka III. Cependant, celui-ci doit faire face à l'opportunisme rémien habituel. Contrairement à son père, Kurioka III n'est pas un brillant stratège et ne peut empêcher la perte de la façade côtière de l'Empire en -16. Les Thucylisiens entrèrent sous son règne dans la seconde et dernière phase de déclin de l'Empire. En effet, la perte de la côte orientale va lourdement affecter le commerce avec l'Empire et les Rémiens, afin d'affaiblir leurs rivaux, vont bloquer les routes commerciales menant au sud de l'Eurysie et à l'Afarée. Ne devant plus que commercer avec les Germains à l'ouest, les Thucylisiens subissent une brutale dépression économique suivi d'un retrait du tribut de la plupart des peuplades avoisinantes. Kurioka III, incapable de rétablir la situation, sombre alors dans la paresse mondaine de la capitale tandis que les tribus sytaliennes qui composent la base de soutien primordiale de l'empereur gagnent en autonomie. La perte de moyens financiers de l'administration impériale permet à des satrapes locaux de gagner en autonomie et ces derniers agissent parfois dans une indépendance complète. La crise sociale et politique provoquée par l'inaction de Kurioka III va finalement mener l'empire à sa chute. En l'an 18; Kurioka III est assassiné par sa propre Cour et est remplacé par un général populiste, Usus, qui se proclame empereur en tant qu'Usus III. Ce Coup d'Etat ne provoque pas une guerre civile immédiate, Usus III réussissant à réprimer une partie des satrapes sans forcément les éliminer complètement. Les Rémiens décident alors d'achever cet empire gênant en l'an 25 en menant une campagne éclair visant Fransoviac, la capitale impériale. A la bataille de Glosovia, alors que les Thucylisiens sont en claire supériorité numérique face aux Rémiens, Usus III n'arrive pas à s'entendre avec les satrapes qui dirigent chacun leurs propres armées et qui s'arrachent la gloire de la victoire alors que la bataille n'est même pas encore engagée. La désorganisation et l'indécision thucylisienne profite aux Rémiens qui chargent le dispositif trop serré des Thucylisiens. Le combat qui s'ensuit est un massacre abominable, la noblesse sytalienne est massacrée par les légionnaires et la cavalerie lourde rémienne.
    Illustration de la bataille de Glosovia, le tombeau de l'Empire.

    On ne sait pas vraiment ce qu'il advient d'Usus III après la bataille. Certains disent qu'il serait reparti à Fransoviac pour organiser la défense de la capitale, d'autres disent qu'il aurait été capturé et exécuté par les Rémiens, d'autres encore qu'il aurait été trahi et assassiné avant la bataille par un satrape avec qui il aurait eu une discorde personnelle mais il est tout simplement plus probable qu'il soit mort au combat comme beaucoup de nobles et de satrapes au cours de la bataille. En l'an 26, les Rémiens finissent par prendre l'imposante Fransoviac et rasent la ville. La capitale impériale est rasée de la carte et l'empire, lui, s'effondre définitivement et disparaît.

    De la chute de l'Empire aux Premiers Slaves (Ier- IIIe siècle apr. J-C) :

    La suite de l'histoire de l'actuelle Estalie après la chute de l'Empire Thucylisien est assez flou en ce qui concerne les sources rémiennes sur le sujet. Néanmoins, il est probable que la région a continué à être dominée par les Sytaliens pendant un moment encore, notamment par les descendants des satrapes de la fin de l'Empire qui fondèrent à leur tour des petites principautés essayant de reprendre péniblement le même modèle semi-nomade et semi-urbain de l'Empire sans vraiment égaler son fonctionnement dans sa forme antérieure. Certaines tribus sytaliennes sont revenues aux vieilles traditions nomades et continuèrent de mener des guerres entre eux, ne s'attaquant que rarement aux limes de l'Empire Rémien. On sait également que Fransoviac fut reconstruite quelques décennies après sa destruction par les Rémiens. Enfin, d'un point ethnologique, il semblerait que les Sytaliens aient finis par se mélanger à d'autres peuples de la steppe venus de l'est, menant petit à petit fin à l'identité culturelle sytalienne et se syncrétisant avec la culture d'autres peuples d'origine turcique. En Estalie, il semblerait que les Sytaliens présents aient abandonnés leur mode de vie nomade et se soit entièrement sédentarisés.

    Cette situation durera jusqu'à la fin de l'Antiquité classique. A partir du III-IVe siècle, la région de l'actuelle Estalie va voir apparaître une nouvelle peuplade qui va devenir l'ethnie majoritaire de l'Estalie : le peuple slave.
    15500
    "La théorie du lieu de naissance du peuple slave est aujourd'hui controversée et sujet à débat. Certains pensent que les Slaves seraient apparues dans les montagnes du nord de Samara, d'autres pensent à un métissage entre les populations locales et les peuples vikings venus du nord. D'autres encore pensent qu'il n'y a pas de lieu d'apparition concret et les historiens désignent pour cela l'existence de peuples proto-slaves comme à Prodnov. Et pourtant, il se pourrait que depuis un moment, l'historiographie se penche sur le cas estalien."

    Jozef Guduniak, historien estalien (1924-1998).


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    Les Premiers Slaves (IIIe siècle -Ve siècle) :

    Il serait inconvenant de parler de l'histoire estalienne sans aborder un des points les plus controversés de l'histoire de l'Eurysie centrale : d'où viennent les Slaves ? Les historiens ont évidemment émis plusieurs théories et ont tentés de retracer l'histoire génétique des Slaves pour comprendre leurs origines. Il existe donc plusieurs théories à leur sujet, parfois contredites par les études scientifiques ou par des sources historiographiques qui nous viennent tout droit des auteurs helléniques et rémiens qui font mention des Slaves dès le Ier siècle après J-C. Des théories suggèrent plusieurs choix de provenance de l'est de l'Eurysie, la plus populaire considère que les Slaves étaient issus de peuples proto-slaves situés dans une périphérie entre le Prodnov et le Rusgorod actuel ainsi que le sud de ces deux Etats mentionnés, les montagnes samariennes et le nord de la Kartvélie actuel (où il est très tôt fait mention de peuples slaves vivant au nord, même si les historiens pensent plus probablement à des Proto-Slaves plutôt qu'à un peuple véritablement slave au sens médiéval du terme), comme on a pu le constater dans certaines sources sytaliennes. Il aurait été alors possible que des peuples mongoloïdes venus de l'est auraient déferlés sur la région et aient séparés les peuples locaux entre une partie qui se refugia plus en amont de la côte et une autre partie qui migra au sud-ouest. C'est certainement la théorie qui est la plus en vogue dans l'historiographie moderne mais depuis presque quarante ans, l'historiographie estalienne semble développer une autre théorie.

    En effet, il semblerait que les premières traces d'une écriture cyrillique slave et donc des premiers écrits de la culture slave moderne aient étés retrouvés à l'ouest de l'Estalie moderne, aussi appelée l'Horistia. Non seulement on sait que les Slaves avaient tendance à emprunter une certaine étymologie hellénique dans la construction de leur langage et dans ce cas-là, on peut postuler que l'apparition des Slaves en tant que tels se soit déroulé plus au sud de l'Eurysie. De surcroît, on peut ajouter plusieurs points quant à cette théorie : que les Mongoloïdes qui auraient étés la source de la première grande migration proto-slave soient des Sytaliens ou des descendants de ceux-ci et que certaines sources sytaliennes affirment que des peuples "qu'ils avaient pourtant chassés aux quatre coins de la Terre" se soient refugiés dans l'Horistia moderne, bloquant toute expansion des Sytaliens à l'ouest de Fransoviac. Autre point : peu après le sac de Fransoviac par les Rémiens, on note une vague d'immigration inattendue venant de l'ouest et en peu de temps, la quasi-totalité de la région se sédentarise, ce qui est très inhabituel pour un peuple semi-nomade comme les Sytaliens. Enfin, l'emplacement de l'Estalie est stratégique et expliquerait les épisodes d'invasions slaves successives des territoires germaniques de l'Eurysie centrale dans la même période et dans les siècles qui suivront. En bref, l'historiographie estalienne considère que si les proto-slaves proviennent certainement de l'est de l'Eurysie orientale, la véritable culture slave est apparue en Horistia. Vu comme une théorie révisionniste, l'hypothèse n'est pourtant pas ignorée et sert encore aujourd'hui d'identité nationale forte aux Estaliens qui se considèrent toujours comme les gardiens de la culture slave, eux qui en seraient les dignes fondateurs.

    Au-delà de l'apparition ethnique des Slaves dans une région à la fois fortement protégée au sens géographique dans l'Horistia sauvage, sur le plan politique, les Premiers Slaves s'organisaient sous la forme d'une confédération tribale. Ainsi, durant plusieurs siècles, la confédération tribale dite des Slavovites va dominer politiquement l'Horistia et mener régulièrement des raids dévastateurs à l'ouest comme à l'est. Il semblerait par ailleurs que les Slavovites soient à l'origine de la destruction du dernier satrape sytalien de la ville actuelle de Gardinov vers l'an 204, terminant ainsi le long règne de ce peuple sur la région depuis des siècles.

    La confédération tribale des Slavovites fonctionne de telle façon pour que les Slavovites, de manière générale, restent souvent unis face aux menaces extérieures. Ce qui explique certainement le recensement d'un nombre finalement peu élevé de conflits à l'intérieur du territoire des tribus slavovites, souvent car combattre des tribus appauvris étaient moins rentables pour les guerriers de ces tribus que s'unir pour piller les peuplades avoisinantes. Souvent, les tribus en tant que telles s'établissaient autour d'un lien du sang concret ou imaginaire, d'un ancêtre commun ou d'une proximité géographique évidente. Chaque tribu était divisé dans un ordre très simple entre clans. Ces clans, plus ou moins nombreux en fonction des tribus, permettaient notamment à la tribu d'être fonctionnelle militairement. En effet, en cas de guerre, les clans contribuaient de façon équitable aux troupes partant en guerre et contribuaient également de la même façon à la défense de leurs colonies. Chaque tribu était dirigé par un chef de tribu, lui-même élu à la majorité par l'assemblée des chefs de clans. Même s'il était chef de tribu, le chef élu n'avait pourtant qu'un pouvoir nominal sur les autres chefs de clans, ceux-ci pouvant se faire la guerre et nouer des alliances au gré de leur volonté. Le seul rôle du chef de tribu consiste uniquement à garantir l'existence éternelle des clans qui composent la tribu (de façon métaphorique, bien souvent les clans disparaissaient ou se construisaient au gré des chefs, des disputes familiales ou de l'agrandissement des clans qui menait inéluctablement à leur division) et à coordonner les clans lors des guerres extérieures à la tribu. Quant à la confédération en elle-même, c'était surtout un réseau d'alliances tacites animées principalement par le lien du sang et la tradition religieuse dans laquelle les Slavovites étaient intimement convaincus qu'ils se devaient mutuelle assistance contre les étrangers. Ainsi, la confédération était surtout un amas d'accords de fraternité, de solidarité et de défense mutuelle entre les tribus de la région. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'Horistia fut toujours impossible à envahir pour les envahisseurs étrangers durant cette période. La connaissance du terrain, l'unité des Slavovites quand il s'agit de combattre un ennemi commun, la difficulté du relief et surtout la manière de combattre des Slavovites écartait naturellement les envahisseurs.

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    En effet, l'art de la guerre slavovite était particulier mais en même temps dévastateur pour tous ceux qui les affrontaient. Tout d'abord, il est étonnant de constater qu'étant donné le faible nombre de chevaux en Horistia, les Slavovites étaient rarement des cavaliers (même si leurs compétences équestres n'avaient pas à rougir des peuples qui les entouraient) donc la majorité de leurs troupes se trouvaient à pied. Pour autant, même sans chevaux, les Slavovites avaient une grande facilité à se disperser en petits groupes pour piller efficacement et rapidement des régions entières, empêchant généralement l'ennemi de riposter efficacement et de limiter sévèrement les pertes en cas de combat. Car oui, les Slavovites n'étaient pas nombreux compte tenu de la démographie de leur terre natale, ils se battaient souvent contre des peuples aux zones bien plus fertiles et donc favorable à la croissance démographique et capables de lever de plus amples armées. Pour autant, même en infériorité numérique constante, les Slavovites étaient redoutés à la guerre. En effet, ces derniers avaient développés une guérilla très efficace dans les marais, les montagnes et les forêts denses où ils se réfugiaient généralement lorsque les armées ennemies contre-attaquaient après un pillage. Les guerriers slavovites se battaient généralement avec des boucliers ronds, au javelot, à la lance ou avec un arc. Rares étaient les haches ou les épées, ces armes étant généralement réservés à la haute noblesse et aux guerriers les plus expérimentés. De plus, même si les Slavovites étaient surtout redoutés pour la petite guerre qu'ils menaient en permanence contre des armées plus importantes, cela n'empêchait nullement les Slavovites d'être victorieux lors des batailles rangées. Bien souvent, la tactique slavovite consistait généralement à écraser les flancs adverses afin d'encercler le centre et de l'écraser à son tour. Pour cela, les Slavovites disposaient un centre assez mince qui retenait aisément grâce à un mur de boucliers le centre ennemi alors bien plus nombreux tandis que les ailes, souvent plus dégarnies que le centre, devaient lutter contre la terrifiante charge du gros de l'infanterie slavovite. Bien souvent, les Slavovites étaient victorieux au combat dans des combats en infériorité numérique bien souvent. Ainsi, leur valeur au combat était très reconnue durant l'Antiquité tardive et les Rémiens eux-mêmes engageront les Slavovites comme mercenaires pendant des siècles.

    Sur le reste, il est évident que les Slavovites étaient très largement polythéiste dans une région qui était empreint très largement du paganisme slave. On sait que le paganisme slave sur lequel se tournait les Slavovites était probablement la version la plus authentique du paganisme slave d'antan (beaucoup de pays slaves passés à la religion chrétienne ont souvent détruits les artefacts païens, or on sait que les Slavovites sont le peuple slave qui a conservé le plus longtemps sa tradition polythéiste païenne dans une Eurysie alors très christianisée) avec un culte des ancêtres omniprésent. On sait aussi que la religion païenne slave était très animiste, anthropomorphique envers les objets de la nature dont les Slavovites appréciaient la nature soi-disant divine. Contrairement à beaucoup de polythéismes de l'époque, le paganisme slave n'avait pas de panthéon structuré, celui-ci se construisait au gré des évènements de ce que les Slavovites nommaient les esprits ou les démons de la nature à qui les Slavovites donnaient des noms différents en fonction des siècles. Si on sait également d'autres peuplades slaves ultérieures que le paganisme slave a fait preuve de beaucoup de syncrétisme, ça n'a pas été le cas du paganisme slavovite qui rejetait de façon systématique les apports des polythéismes étrangers, ce qui rend le paganisme slavovite assez authentique, sauvegardé des influences polythéistes extérieurs comme le panthéon hellénique par exemple.

    Enfin, on sait des sources de traduction rémiennes que la tradition juridique des Slavovites était principalement orale, l'écrit y était rarément pratiqué en dehors du commerce et de certains traités qui ont étés écrits généralement par des chroniqueurs étrangers ayant côtoyés les Slavovites. Le droit oral stipulait généralement que le chef de tribu, aussi nommé le prince dans la langue slave, était le chef de l'armée et avait des devoirs comme celui de protéger son peuple, décider de la teneur des procès, réglementer le commerce, décider de la paix ou de la guerre et de construire de nouvelles colonies fortifiées (qui deviendront les futures villes de la région). Ce traité oral, nommé par les Rémiens "Le Traité Slavovite" sous un air péjoratif à la base, était sacré pour la société slavovite et le prince qui était surpris en train de violer le traité pouvait être légitimement exécuté par ses pairs.

    L'ère chaotique (Ve-VIIIe siècle) :

    La confédération slavovite n'a évidemment pas été éternelle et a fini par s'effondrer à son tour. Les raisons sous-jacentes de l'effondrement complet de la confédération sont peu claires mais plusieurs raisons sont évoquées, souvent de façon simultanée. Tout d'abord, une guerre fraternelle destructrice qui aurait eu lieu entre la tribu dite des Norkad, une célèbre tribu reconnue surtout pour avoir terrifié la Tcharnovie et
    les peuplades alentours durant l'Ere du Chaos, et la tribu des Korad, une tribu qui avait été connue pour être le principal fournisseur de mercenaires slavovites aux Rémiens. Or, vers le début du Ve siècle, la guerre d'indépendance novirienne d'Antov le Libérateur contre les Rémiens bouleverse grandement les affaires entre les Korad et les Rémiens et rapidement, les Rémiens n'ont plus les moyens de payer les Korad. Ceux-ci, perdant leur seul source de revenus profitable depuis des siècles, ne peuvent pas se tourner vers les Noviriens, alors trop puissants pour eux seuls (les autres tribus refusant de les aider). Alors les Korad se tournent vers les Norkad, qui ont récemment pillés la Tcharnovie et qui ont amassés une large fortune grâce à cela (et aux mines d'or qui commençaient à se développer à cette époque). Envieux, le chef des Korad, qui était le cousin germain du chef des Norkad, aurait assassiné ce dernier de façon déloyale et aurait lancé ses troupes sur les villages des Norkad pour y massacrer hommes, femmes et enfants. Les deux tribus vont se chercher des alliés pendant toute la guerre fratricide, menant à une dislocation progressive de la confédération et à la guerre entre Slavovites. Une autre raison fut certainement l'ère d'instabilité qui secouait la région. En effet, les alentours de l'Horistia avaient étés fortifiés au fil des siècles et les pillages moins rentables face aux fortifications adverses. Les Slavovites, peu expérimentés dans la guerre de siège, ne pouvaient que se briser les dents sur les murailles adverses. Les pillages avaient donc réduits au cours du IVe siècle pour laisser place au commerce. Or, l'instabilité liée à la chute de l'Empire Rémien et aux grandes migrations des populations nomades de l'est va réduire à néant le commerce et ruiner les Slavivotes. Enfin, en 401, une peste bubonique particulièrement sévère touche toute la confédération et tuent de nombreuses personnes dans une région déjà fort peu peuplée.

    Les guerres médiévales slavovites étaient rarement décrites par les chroniqueurs eux-mêmes comme des batailles romantiques remplies de gloire et de triomphe des vainqueurs. La culture guerrière slavovite était une des plus violentes de l'époque et impliquait la mort de la majorité des combattants lors de combats particulièrement violents, même pour l'époque.

    La guerre fratricide entre les Korad et les Norkad continuera pendant presque un siècle avant que finalement, les deux tribus finissent par disparaître presque au même moment lorsque leurs chefs respectifs décèderont durant la grande bataille de Volursk en 498 où la majorité des guerriers présents s'entretueront presque tous dans un des bains de sang les plus horribles et pourtant peu étudié du Haut Moyen-Age. La bataille marque la fin de la période tribale des Slavivotes qui, en conséquence de cette bataille sanglante, vont accepter d'importer des idées étrangères à leur système politique. C'est à cette période que les Slavivotes vont subir deux changements majeurs. Le premier est la découverte et l'adoption relativement précoce d'une forme de féodalisme, on voit apparaître des duchés, des comtés et autres principautés dans l'Horistia. Le second évènement sera le début des échanges démographiques plus intenses entre l'Horistia et les plaines fertiles à l'est de l'actuelle Estalie. C'est à cette époque que l'Horistia va débuter sa première phase de développement économique la plus intense dans une caractéristique très visible chez les géologues qui étudient l'histoire naturelle de l'Horistia : l'apport des peuplades slaves de l'est va mener à une marche en avant de l'agriculture. La région, alors densément boisée, est défrichée à grande vitesse et l'Horistia, autrefois une grande forêt entourée de vastes montagnes, est devenue rapidement en quelques décennies une grande vallée fertile entourée de montagnes (sauf les régions frontalières de l'Horistia qui sont restées densément boisées, artefact historique de ce que fut naturellement autrefois la région). Ce changement de relief et l'explosion démographique apportée par la généralisation massive de l'agriculture permet rapidement aux petites féodalités présentes dans la région de lever de grandes armées. Les Slavovites avaient perdus en revanche leur art à faire de la guérilla et privilégiait désormais les méthodes de combat plus rémiennes et latines, misant toujours sur une infanterie solide mais qui était désormais lourdement équipée d'épées et de haches, d'armures lourdes et surtout, c'est à cette période que les Slavovites vont développer une cavalerie de choc redoutable utilisant souvent des haches à deux mains leur permettant de faucher littéralement des dizaines d'ennemis en une seule charge. Si d'un point de vue politique, l'Horistia et même l'est de l'Estalie stagnent dans des conflits et des alliances constantes entre les seigneurs de la région qui tentent chacun de s'accaparer du pouvoir supplémentaire ou de maintenir simplement l'équilibre des forces, l'art de la guerre slavovite va subir une telle révolution dans sa façon de procéder. Une façon de faire que les universitaires médiévaux vont contester mais force est de constater que cette nouvelle façon de se battre fera la force des Slavovites puis des Estaliens face aux royaumes étrangers, faisant de ces guerriers parmi les plus redoutés du Moyen-Age eurysien.
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    "La fondation du Royaume d'Estalie relève du mythe mais son existence réelle au fil des siècles laisse une vague de mystère quant à sa création et celle de son fondateur, ce que les Estaliens nomment Estan le Grand. Les origines de cet homme ou même les preuves physiques de son existence sont encore difficiles à trouver en dehors des récits des chroniqueurs médiévaux dont l'exagération était le cœur de métier. De ce fait, l'origine de l'Estalie reste encore à ce jour une question ouverte, malgré les pistes actuelles."

    Jozef Guduniak, historien estalien (1924-1998).


    Illustration d'Estan le Grand datant du XIXe siècle.


    L'arrivée d'Estan le Grand en terre slavovite (750-781):

    Les pistes de l'origine d'Estan le Grand sont assez vagues pour la plupart. La plupart des sources font état qu'Estan viendrait de l'ouest féodal. On peut imaginer que ces sources semblent les plus prometteuses et les plus sérieuses du fait des récits à propos d'Estant, que ce soit son mode de vie largement rattaché aux coutumes germaniques ou simplement la description dont en faisait les chroniqueurs de l'époque. Plusieurs pistes nous poussent à penser qu'Estan n'était pas slavovite : les chroniqueurs insistaient sur plusieurs points, notamment sur son absence d'appartenance à aucun des anciens clans ancestraux slavovites qui régnaient en tant que seigneurs féodaux dans l'Horistia, l'insistance sur sa provenance en dehors des querelles des seigneurs locaux ainsi que le dialogue énoncé par un des chroniqueurs entre Estan le Grand et un missionnaire de l'église de Juxins, celui-ci racontant comment Estan semblait très au fait de la religion chrétienne et semblait parler le même langage. Or, à l'époque, l'absence total de système éducatif commun entre les royaumes chrétiens occidentaux et les duchés d'Horistia slavovites ne pouvait signifier qu'une seule chose, c'est que Estan devait certainement avoir vécu un certain temps en terre chrétienne pour avoir appris leur langue et avoir des connaissances pertinentes sur le christianisme.

    Les contes médiévaux de l'époque ne mentionnent qu'assez mal les débuts d'Estan le Grand en terre estalienne et le pourquoi du comment de son ascension, du moins en dehors des récits mythologiques. Le récit mythologique le plus commun des débuts d'Estan raconte qu'Estan, récemment arrivé en terre estalienne, avait amené avec lui une cohorte d'esclaves qu'il avait réussi à obtenir grâce à ses talents de guerrier-mercenaire en dehors des terres estaliennes. Tombé amoureux du culte païen slavovite, il aurait gravi les collines du Krenaya dans l'unique but de trouver un point en hauteur suffisamment haut pour montrer aux dieux son adoration par le sacrifice d'une partie des esclaves qu'il avait ramené. Alors Skyria, Dieu des Cieux, serait alors intervenu pour empêcher le sacrifice des esclaves d'Estan. Au lieu de cela, face à l'amour et la fidélité pure d'Estan envers les dieux, Skyria lui accorda le mandat divin de fonder le Royaume d'Estalie afin d'unir les "Vrais Slaves" sous une seule bannière et mettre fin au dessein des seigneurs féodaux slavovites empêtrés dans des guerres féodales permanentes, à la recherche de pouvoir et de terres pour agrandir leurs duchés. Skyria était exaspéré des guerres permanentes entre les Slavovites et Estan serait alors le remède à la civilisation des Premiers Slaves et, à travers ses qualités guerrières, son charisme inébranlable, ses compétences d'intendance et son amour inconditionnel aux dieux, il serait l'unificateur de l'Estalie, le Royaume des Dieux Slaves contre les hérésies étrangères.

    Pour les historiens, il est au moins clair que ce récit mythologique révèle certaines informations véritables sur Estan : ce dernier était visiblement un mercenaire étranger et selon toute vraisemblance, il devait certainement être venu avec une cohorte d'esclaves mais aussi de colons et de soldats à la recherche d'une vie meilleure et d'un pouvoir plus large dans une région isolée des grands royaumes occidentaux et où tout semblait possible. La région était déjà connue pour sa production minière massive en or et les duchés et comtes de l'Horistia ne se gênaient absolument pas, pour financer leurs guerres, à vendre massivement l'or extrait en dehors de la région, ce qui fit de l'Horistia la plaque tournante du commerce aurifère de l'Eurysie centrale pendant près de trois siècles. Quant à la chronologie exacte des évènements, on sait que Mistohir a été fondé dans les alentours de 750 ce qui correspond certainement avec le début du Royaume d'Estalie en lui-même et des conquêtes territoriales d'Estan le Grand.

    On en sait cependant bien plus que sur les moyens qu'Estan a utilisé pour parvenir à la fondation de son Royaume en tant que tel. Tout d'abord, en cette période, le christianisme orthodoxe avait déjà commencé à infiltrer l'Horistia et à remplacer petit à petit le paganisme slave traditionnel des Slavovites. De ce fait, en se revendiquant comme le protecteur de la foi paganiste slave, Estan réussit à rallier à sa cause un grand nombre de guerriers et de soutiens au sein des duchés où les ducs s'étaient déjà convertis au christianisme pour la plupart et avaient donnés des prérogatives importantes à l'église de Juxins qui exerçait alors une grande influence sur la poussée du christianisme dans la région. C'est ainsi que Estan put largement exploiter cette faille parmi les sujets du duc de Bolioska lorsqu'en 758, Estan le Grand va remonter la Prioka jusqu'à la ville minière principale de l'Horistia. Dès lors, alors que les villages se révoltaient contre le duc chrétien de Bolioska, Estan trouvait des partisans parmi les murailles des châteaux et fiefs du duché, ce qui lui permit de prendre simultanément plusieurs places fortes par la ruse, parfois sans même combattre. Ainsi, en 759, lorsque les troupes d'Estan assiègent la ville de Bolioska, la résistance des troupes ducales sont assez faibles, rapidement minés par la désertion des soldats paganistes, ne laissant qu'une faible minorité de guerriers chrétiens pour défendre la ville qui est rapidement prise. La flambeau du paganisme slave qu'utilisait habilement Estan était relativement efficace contre les seigneurs chrétiens de la région, lui permettant ainsi de causer la discorde dans les rangs adverses et d'utiliser la religion comme moyen de pression sur les éventuels partisans lors des batailles et des sièges.

    Néanmoins, Estan ne comptait pas uniquement sur la ferveur religieuse du paganisme local étant donné qu'il devait aussi combattre des seigneurs eux aussi paganistes avec des armées généralement fidèles à leur seigneur. Dès lors, il fallait innover. En effet, après la prise de Bolioska, Estan avait formé un fief riche en ressources dans le nord de l'Horistia mais manquait généralement d'hommes. C'était souvent le plus gros problème des seigneurs féodaux de la région : celle-ci, malgré l'accélération démographique liée à la déforestation et l'agriculture, l'Horistia n'était que faiblement peuplée par rapport à ses voisins et chaque homme tué au combat était difficile à remplacer. Or, les batailles telles que les Slavovites avaient l'habitude de faire, étaient généralement très meurtrières, même pour les standards médiévaux eurysiens de l'époque. On évitait souvent donc les batailles rangées et on préférait dès lors la petite guerre, moins chère humainement. Néanmoins, pour Estan, la petite guerre était longue et coûteuse sur le long terme car elle ciblait surtout les populations civiles et donc le coeur de l'économie de ses territoires. Or, la richesse était alors la seule grande différence entre Estan et ses rivaux locaux, il devait conserver cet atout, quitte à obliger l'ennemi à accepter une bataille rangée en réunissant de grandes armées visant directement les capitales de ses adverses, de sorte à ce qu'ils s'obligent à riposter en mobilisant à leur tour toutes leurs forces.

    C'est là qu'Estan tire son épingle du jeu : Bolioska devenant rapidement sous son règne un grand gisement d'or qui lui permet d'enrichir rapidement les caisses de la Couronne, il décide d'utiliser ces richesses dans la formation d'une cavalerie lourde, étrangement ressemblante à la chevalerie ouest-eurysienne. Cette cavalerie, largement protégée et lourdement équipée, était bien mieux équipé que la plupart des unités slavovites de l'époque. En effet, malgré leur vaillance, les Slavovites n'avaient que peu d'expérience dans la lutte contre la cavalerie et étaient parfois faiblement armés pour parer les charges de cavalerie lourde, n'ayant jamais vraiment eu affaire à des forces de cavalerie lourde coordonnées et ayant toujours privilégié entre eux la cavalerie légère plus adaptée à leur façon de combattre. Sauf que pour Estan, la cavalerie lourde constituait le coeur même de sa force armée et il y prêtait une attention particulière à leur formation et leur coordination au coeur des combats. C'est d'ailleurs à Estan que l'on doit l'insertion de plusieurs tactiques de cavalerie au cours du Moyen-Age réutilisés abondamment par les armées estaliennes durant leur histoire que ce soit la charge de cavalerie franche, la charge par échelonnage, l'enveloppement, la chevauchée, l'écran de cavalerie ou encore les attaques de cavalerie concentriques qui ont tous étés utilisés à un moment donné durant les batailles d'Estan contre les autres seigneurs de l'Horistia.

    Illustration d'une bataille médiévale durant l'ère d'Estan le Grand.

    Ainsi, à partir de l'an 768, Estan va lancer une longue campagne contre une coalition des seigneurs féodaux du sud de l'Horistia basés autour des ducs de Pendrovac et de Detruskia qui rassemblent avec la plupart des comtes méridionaux de l'Horistia dans le but de combattre l'hégémonie gênante d'Estan sur le nord de l'Horistia, quasiment conquise par Estan et ses troupes. La guerre contre le sud de l'Horistia va durer presque une décennie entière, les deux camps luttant non plus pour la conquête de quelques fiefs entre eux mais bien pour la suprématie totale de l'Horistia entre un ancien ordre féodal slavovite et le centralisme de la royauté d'Estan qui cherchait à créer un royaume centralisé où il serait alors le seul souverain et le plus puissant à commander le reste de ses vassaux qui n'auraient militairement pas les moyens de l'exproprier du pouvoir. De ce fait, ce sont deux visions très différentes du destin de l'Horistia qui se présentent. Au début, Estan l'emporte largement sur ses adversaires, surpris par la cavalerie lourde d'Estan qui écrase littéralement les formations d'infanterie. A deux reprises, Pendrovac est assiégé par les forces d'Estan, celui-ci fait venir des ingénieurs militaires venus de l'ouest et du sud afin de parvenir à prendre la très bien fortifiée Pendrovac. C'est seulement en 774 après un assaut extrêmement meurtrier qui mènera finalement à la première destruction de Pendrovac. Celle-ci, ayant grandement résisté aux troupes d'Estan, fut saccagée une fois prise et réduite en cendres sous les ordres d'Estan qui avait décidé de raser complètement la ville de la carte. Cette destruction n'était pas purement gratuite et démunie de tout sens stratégique : les troupes d'Estan étaient rarement réputées pour leur pitié envers leurs ennemis vaincus et les pillages étaient fréquents. De ce fait, la prise d'une ville aussi importante que Pendrovac avait fait réfléchir beaucoup de sujets et le camp sudiste quant à leur sort face à Estan. En effet, se rendre était parfois préférable d'être massacré impunément par le vainqueur. Néanmoins, cela n'empêchera pas le duc de Detruskia d'être tout aussi combatif que son défunt compère de Pendrovac, sauvagement décapité au cours de la prise de sa ville. Celui-ci résistera longtemps, essayant d'innover à son tour par la mise en place d'une force de lanciers capable de résister aux assauts de la cavalerie estalienne. Cependant, Estan était un fin tacticien, utilisait énormément le relief et la météo à son avantage, quitte à être patient lors de ses campagnes, lui permettant de contre-carrer les lanciers adverses par des charges sur les flancs ou l'arrière lorsqu'il pouvait se le permettre. Le duc de Detruskia, sans être un mauvais commandant, ne faisait pas le poids face à Estan et devait se résoudre à subir une guerre de sièges au lieu de tenter désespérément d'écraser en bataille rangée les forces d'Estan, notamment après le massacre abominable de la bataille de Jaovik où les troupes detruskiennes sont prises en embuscade dans les forêts à l'ouest de Detruskia, criblées de flèche puis pris en étau par l'infanterie lourde d'Estan qui y massacre un grand nombre d'ennemis. Les récits mythologiques autour de cette bataille sont nombreux, notamment la bénédiction qu'aurait eu en public Estan de la part du Dieu de la Guerre, ravivant le moral de ses troupes qui se battirent comme des lions, enhardis par la bénédiction divine qu'ils avaient reçus. La prise de Detruskia après un long siège d'un an et demi en 777 met fin à cette grande guerre de l'Horistia et marque alors la fondation officielle du Royaume d'Estalie, Estan se proclamant Roi d'Estalie dans les ruines de Detruskia avant d'être couronné au Grand Temple paganiste de Mistohir (l'actuelle cathédrale de la capitale).

    Carte du Royaume d'Estalie à sa fondation en 777 (soit toute la région de l'Horistia).

    Après la fondation de l'Estalie en 777, Estan le Grand va limiter davantage les conquêtes, estimant nécessaire de mieux gouverner le Royaume qu'il avait nouvellement fondé, notamment en consolidant son emprise sur le territoire conquis auprès de populations parfois peu enthousiastes à son règne. Pour cela, Estan sera le premier monarque de son temmps à centraliser fortement le pouvoir de la Couronne, nommant des baillis et des sénéchaux royaux pour administrer les régions qui, pour la plupart, relevaient directement de l'autorité du monarque. La féodalité, sans être abolie, avait été restreinte par Estan le Grand qui y voyait un contre-pouvoir à son influence. Pour lui, si ses adversaires ont échoués à le contenir, c'est car les grands seigneurs slavovites qui lui ont faits face étaient limités par l'engagement limité de leurs vassaux et les luttes d'influence entre ces mêmes vassaux qui réduisait ainsi leur efficacité face à un ennemi commun une fois sur le champ de bataille. Se jurant de ne pas répéter les mêmes erreurs que ses rivaux, Estan avait donc que peu compter sur la noblesse et avait donc la plupart de son propre royaume sous l'emprise du domaine royal. Rapidement, dès 780, Estan va mettre en place le Code Estanien, un ensemble de codes juridiques visant à établir une juridiction de base en matière de droit religieux, privé, pénal, fiscal et administratif. La principale caractéristique de ce Code était assez nouvelle pour l'époque : celle de faire du Roi la seule autorité juridique de référence dans tout le Royaume. Agissant comme le juge suprême du Royaume, le Roi était le seul à établir, modifier ou supprimer des règles de droit dans le Royaume. Le Code en lui-même est aussi assez innovant pour l'époque car il prend une tournure très favorable envers les plus pauvres : il protège la plupart des sujets du Roi de l'esclavage ou de la servitude (notamment en facilitant les procédures d'affranchissement et en garantissant les droits des affranchis comme s'ils étaient nés libres), encourage la petite propriété paysanne, il punit sévèrement la corruption au sein des administrations royales, elle allège largement les sanctions faites aux femmes en ce qui concerne l'adultère et permet aux femmes sans dot de recevoir l'héritage de leur époux. Enfin, le Code établit ce qu'on peut apparenter pour l'époque des cours martiales visant principalement à faire appliquer un droit militaire spécifique dans le but de punir les déserteurs mais aussi les nobles qui pourraient se soulever, le but étant pour le Roi d'avoir un instrument de répression juridique contre les nobles et empêcher les nobles fêlons de réintégrer pleinement la société après une rébellion afin d'éviter des récidives de rébellion.

    La mort d'Estan le Grand et la guerre de succession d'Estalie (781-785) :

    Malgré qu'Estan fut un Roi réformateur pour son époque et largement consciencieux à la fois du sort des plus faibles mais aussi de son propre pouvoir, celui-ci avait rencontré une sévère opposition de la noblesse spoliée qu'il avait soumise au cours de sa vie de conquête et qu'il avait tenté vainement d'amadouer pour éviter une nouvelle phase de guerres féodales au sein du nouveau Royaume d'Estalie. Néanmoins, cela n'empêchera pas Estan de ne pas voir venir sa mort. En effet, alors qu'Estan préparait une nouvelle campagne militaire afin de conquérir les riches régions de l'est de l'actuelle Estalie, Estan est sauvagement assassiné dans son sommeil par plusieurs conspirateurs au sein de sa Cour. En première ligne se dressait alors le Grand Chancelier du Roi, Portisky Skoviliosnov. Celui-ci, nommé Grand Chancelier après la prise de Bolioska, avait été resté fidèle jusqu'à là à Estan durant ses conquêtes de l'Horistia. Néanmoins, après l'écriture du Code Estanien, le Grand Chancelier ne put remarquer le mécontentement sévère qu'avait apporté ce codé juridique auprès de la noblesse. De ce fait, le Grand Chancelier se prit à accepter de participer au complot et grâce à son charisme et son aura, il va réussir sans mal à convaincre le reste de la noblesse spoliée d'Estalie de le nommer Roi à la place d'Estan, le but étant de faire modifier le Code Estanien en supprimant les contre-mesures visant la noblesse, en supprimant les sénéchaux royaux pour accorder des fiefs à la descendance noble des anciens seigneurs féodaux slavovites, une nouvelle génération de nobles qui se sentait lésée par la perte des fiefs de leurs ancêtres et qui souhaitaient donc récupérer ce qui leur était légitime. Néanmoins, Portisky ne put se proclamer Roi immédiatement. En effet, si Estan n'avait pas eu de descendance biologique à proprement parler, il avait adopté un fils, Berkovac, qui était donc le successeur légitime de son père adoptif. Pour Portisky, son ascension au trône serait inacceptable : le jeune homme avait non seulement l'ambition de punir les conspirateurs de l'assassinat de son père mais était favorable de conserver l'héritage légal de son père adoptif ainsi que sa philosophie au pouvoir. En bref, pour Portisky, Berkovac n'était qu'un Estan II qu'il fallait abattre pour pouvoir accéder au trône et faire accomplir ses promesses auprès de la noblesse. Fort d'un soutien noble important, Portisky va prendre d'assaut Mistohir. La ville est prise en quelques heures à peine mais alors que les troupes conspiratrices prennent d'assaut le Palais Royal, Berkovac réussit à s'enfuir in extremis et fuit la capitale pour se réfugier à Detruskia. De là commence la guerre de succession pour le trône de l'Estalie.

    Depuis Detruskia, Berkovac lance un appel aux armes contre la conspiration nobiliaire de Portisky. Malgré l'opposition passée envers Estan et ses guerres meurtrières, beaucoup se rallient à son fils adoptif. En effet, pour certains nobles, notamment dans le sud, Portisky est un natif de Bolioska qui fera tout pour favoriser les nobles issus des familles du nord et ainsi permettre de dépouiller plus largement le sud. Pour le peuple local, le Code Estanien était assez bien vu et l'ambition de Portisky de supprimer la plupart des avantages juridiques que le petit peuple avait gagné avec ce Code était vu comme une menace pour les paysannerie. Ainsi, durant l'hiver 781-782, Berkovac va réussir à rassembler presque 35 000 hommes, dont une majorité de vétérans ayant combattus aux côtés d'Estan de son vivant.

    Au printemps 782, Berkovac passe à la contre-offensive, voulant rapidement mettre fin à la guerre et pensant que Portisky, par son manque de légitimité, aurait des troupes mal coordonnées à lui opposer. La bataille a lieu sur la plaine de Votria, juste au sud de Mistohir. Berkovac est confiant dans la loyauté et l'expérience de ses troupes et peut opposer 35 000 hommes face aux 20 000 que propose Portisky. Dans un excès d'orgueil, Berkovac ordonne une attaque frontale de sa cavalerie contre l'infanterie de Portisky. Or, Portisky, si ce dernier était relativement novice dans la matière militaire, s'appuyait largement sur un état-major de nobles expérimentés, certains ayant combattus Estan autrefois notamment. De ce fait, ça et l'espionnage permit à Portisky d'aménager le terrain avant la bataille, à l'abri des regards. Ainsi, la charge de la cavalerie de Berkovac fait face à une retraite feinte, les troupes de Portisky mimant une panique totale et fuyant à l'approche des cavaliers lourds redoutés de Berkovac. Cependant, la retraite se renverse en piège : l'avant-garde se réfugie derrière une seconde ligne de lanciers, non visibles dû aux premières lignes qui faisaient figure d'écran. Les lanciers sont de surcroît aidés par des piques positionnés et camouflées sous le sol. Les cavaliers lourds de Berkovac s'écrasent contre le centre ennemi. La charge est alors désordonnée, les cavaliers de derrière enjambent les cadavres des chevaux des premières lignes et se dispersent dans une mêlée indescriptible où les cavaliers, parfois à terre, se battent avec l'énergie du désespoir. Remarquant que son centre ne perce pas, Berkovac décide de charger à son tour avec sa garde personnelle pour raviver le moral de ses troupes et ordonne à l'infanterie de charger frontalement à son tour. La bataille qui s'ensuit est chaotique, parmi les plus sanglantes que va connaître l'Eurysie médiévale. Néanmoins, après plusieurs heures de massacre à grande échelle, Portisky va faire signe à ses troupes en réserve de mener un encerclement. Les flancs légitimistes ne tiennent pas face à l'assaut de Portisky et rapidement, la grande majorité de l'armée légitimiste est menacée d'encerclement. Berkovac comprend que malgré sa supériorité numérique, il n'arrivera jamais à remporter ce bras de fer sanglant et finit par ordonner la retraite. La retraite qui s'ensuit est aussi meurtrière que la bataille elle-même, les troupes de Berkovac sont poursuivies par la cavalerie légère ennemie et malgré la grande bravoure des légitimistes, la plupart des soldats légitimistes sont massacrés durant la retraite. Sur les 35 000 hommes de l'armée de Berkovac, seuls 5000 atteignent Detruskia, pour la plupart affreusement mutilés et blessés, le nombre d'hommes encore valides est restreint.

    La bataille de la plaine de Votria est parmi les plus meurtrières du Moyen-Age eurysien, elle va profondément marquer les esprits estaliens par l'héroïsme des légitimistes face à ce qu'on nomme communément dans le monde intellectuel estalien la "tempête de l'Histoire des Skoviliosnov", synonyme d'une lutte sanglante et désespérée face au destin implacable des combattants et des preux.

    Pour Portisky, la victoire à Votria est une aubaine qui lui permet, l'année suivante, d'assiéger Detruskia en 783. Detruskia, située en hauteur et entourée de remparts imposants que Berkovac a pris soin de renforcer davantage, semble imprenable pour les troupes de Portisky. La population et la garnison, même si celle-ci est restreinte suite aux pertes de l'année précédente, sont déterminés à protéger la ville, assurés de leur bon droit de protéger et servir le souverain légitime de l'Estalie. Pourtant, Portisky adopte une tactique de siège très méthodique, il patiente calmement, harcèle périodiquement la ville et après avoir bien préparé ses engins de siège et préparer solidement la sape des murs, il lance l'assaut final en hiver 783. Dans la neige ardente de l'hiver estalien, les béliers et les tours de siège s'avancent et se posent contre les portes et les murailles de la ville tandis que des brèches sont faites à plusieurs endroits dans la ville. Profitant de sa supériorité numérique, Portisky attaque sur plusieurs fronts, prenant d'assaut toutes les brèches et presque chaque pan de la muraille face à une garnison qui faiblit en hommes chaque jour à cause du manque de provisions et aux attaques quotidiennes. Après plus d'une journée de combats acharnés dans les rues de la ville et sur les murailles, les troupes de Portisky prennent la ville mais Berkovac réussit à fuir de nouveau la ville en faisant une ultime percée avec la charge de la cavalerie. Alors que le bastion de la résistance à Portisky brûle, Berkovac est obligé de rester acculé dans les régions boisées du sud de l'Horistia.

    En 784, Berkovac se replie avec les quelques milliers d'hommes qui lui sont restés fidèles dans les marais de Sarnol, dans l'extrême sud du pays. Conscient que ses forces sont trop peu nombreuses face aux imposantes armées de Portisky pour une bataille rangée, Berkovac mène la petite guerre traditionnelle slavovite aux troupes de Portisky en tendant des embuscades cavalières aux troupes de Portisky ainsi qu'à leur ravitaillement. Portisky réagit en divisant ses forces en détachements spécialisés et grâce à l'utilisation de guides locaux, il réussit à contre-carrer petit à petit les troupes de Berkovac lors des affrontements. Finalement, en automne 784, Portisky obtient l'information que Berkovac loge dans le village de Jarnogrod avec la majorité de ses troupes. Lançant un assaut nocturne, l'armée de Portisky prend par surprise le village et les troupes légitimistes. La surprise est totale et alors que le camp légitimiste est clouée au sol par les archers adverses, la cavalerie lourde de Portisky sème un chaos indescriptible dans la froideur nocturne, ne laissant que les flèches enflammées des archers pour illuminer le tout. Pris de panique, beaucoup de légitimistes fuient, en vain, ces derniers étant encerclés et rapidement massacrés sans aucune forme de pitié par leurs assaillants. D'autres restent, livrent leur dernier baroud d'honneur et se battent héroïquement contre des assaillants presque cinq fois plus nombreux. Berkovac ne peut plus s'enfuir cette fois-ci et il est capturé au cours de la bataille de Jarnogrod. En janvier 785, il sera décapité en place publique à Mistohir, mettant fin définitivement à la guerre de succession d'Estalie.

    La bataille de Jarnogrod, le baroud d'honneur des légitimistes.

    Portisky Ier est donc couronné Roi à Mistohir et met au pouvoir une dynastie bien connue de l'histoire estalienne car celle-ci va régner jusqu'au XXIe siècle et va accompagner l'histoire de l'Estalie jusqu'à la Révolution de Novembre 2013. Cette dynastie, elle se nomme les Skoviliosnov.
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    "Que ce fut hier ou encore aujourd'hui, les régions d'Eurysie Centrale sont imprégnés par l'instabilité politique et économique permanente, comme si cette région était vouée aux affrontements permanents entre les peuples qui l'habitent. Le Moyen-Age estalien est, dans une certaine mesure, une succession de périodes instables et de conflits incessants coupés de trop brefs épisodes de prospérité. La question est de savoir si ça a vraiment changé aujourd'hui encore."

    Peinture du XIXe siècle nommée la bataille de Mistohir, en référence à la bataille éponyme qui se déroula en 1329.


    Le Haut Moyen-Age estalien :

    Après l'arrivée au pouvoir de Portisky Skoviliosnov sur le trône du nouveau royaume d'Estalie, le nouveau monarque devait faire face à une situation hautement complexe. En effet, Portisky Ier devait contenter le plus possibles les nobles qui l'avaient aidés à prendre le pouvoir contre Estan le Grand et son fils adoptif tout en préservant le mieux qu'il pouvait son autorité royale sur le territoire afin d'éviter de devenir trop faible et d'être à son tour renversé par un quelconque noble ambitieux. En effet, la position du Roi aux débuts de l'Estalie n'est pas celle d'une figure respectée et légitime comme cela fut le cas par la suite dans l'histoire estalienne. La dynastie des Skoviliosnov n'avait qu'une très faible légitimité et ne pouvait compter que sur le soutien tacite et temporaire des nobles qui pouvaient très bien retirer leur approbation du jour au lendemain. Portisky va donc grandement favoriser les familles nobles afin d'apaiser ces dernières : il distribue des terres à ses vassaux, il accorde des privilèges fiscaux et politiques aux nobles et à travers le capitulaire de Pendrovac en 791, il accorde l'hérédité des fiefs confiés aux familles nobles. Le domaine royal à proprement parler se contente alors de Mistohir et de ses alentours. Pourtant, Portisky tente d'imposer des contre-pouvoirs, notamment une Assemblée des Grands qu'il réunit annuellement à Mistohir afin de rendre justice, de récupérer les doléances de la noblesse et donner une importance au moins symbolique à sa fonction royale (l'Assemblée des Grands donnait une certaine importance aux rites avant le début de la réunion, l'Estalie était encore polythéiste à cette période et pratiquait des sacrifices d'animaux avant chaque réunion notamment). Portisky réussira à se maintenir au pouvoir malgré les conspirations qui vont rapidement apparaître au sein d'une noblesse parfois revancharde, nostalgique de la période slavovite et ne voyant l'Estalie que comme une création artificielle des conquêtes d'Estan le Grand alors grandement méprisée, notamment au sud du pays. Portisky meurt en 801 de causes inconnues et c'est son jeune fils, Karov, qui lui succède. Karov doit faire face à son tour aux divisions issues de la noblesse et les soutiens de son père commencent à se retourner contre lui.

    Finalement, face au manque de légitimité et la faible autorité de Karov, alors à peine âgé de 19 ans, le duc de Bolioska se révolte avec l'appui de plusieurs barons dans le sud du pays, prenant rapidement en étau l'ost royal qui est rapidement défait au printemps 802. Néanmoins, face à cet affaiblissement de l'autorité royale, le royaume d'Estalie paraît particulièrement vulnérable pour les royaumes étrangers et alors que le duc de Bolioska entame le siège de Mistohir, le duché de Kartalie déclare la guerre au Royaume d'Estalie.

    Kartalie.
    Carte du duché de Kartalie au début du IXe siècle.

    L'invasion kartalienne est dans un premier temps fulgurante et l'ouest de l'Horistia tombe rapidement entre les mains des troupes kartaliennes qui n'ont aucun mal à défaire un à un les armées des barons estaliens alors divisés et attaquant généralement chacun de leurs côtés. L'unité estalienne semble absente du conflit dans la première année du conflit, les nobles organisant leurs propres ost. On constatera même des affrontements récurrents entre le duché de Pendrovac et celui de Detruskia, les deux familles y régnant considérant déjà l'Estalie comme un royaume destiné à chuter et préférant s'accaparer le plus possible de territoires afin de participer au dépècement du royaume. Néanmoins, une succession d'évènements vont sauver in extremis le royaume de la disparition complète. La première n'est rien de moins que la mort du duc de Bolioska en 803, tué d'une flèche dans l'œil sous les remparts de Mistohir. La mort du duc et l'absence d'héritier majeur (le fils du duc n'a alors que cinq ans) provoque une lutte d'influence entre les comtes de l'ancien duc qui finissent par s'affronter les uns contre les autres sur les rives de la Prioka. Karov, voyant cela, réussit à rallier une partie des comtes dans ses rangs, reconstituent en partie son propre ost et éliminent le reste des troupes ducales. Il entre triomphalement dans la ville de Bolioska durant l'été 803, agrandit le domaine royal et réussit de ce fait à obtenir le soutien de la plupart des nobles du royaume (sauf du duc de Pendrovac qui refusera de fournir l'ost royal). En 804, à la bataille de Janosya, les troupes royales écrasent l'armée kartalienne après de rudes combats et obligent le duc de Kartalie à signer la paix durant l'hiver 804-805, mettant fin à la première guerre estalo-kartalienne. Pourtant, malgré cette victoire sur les Kartaliens et la consolidation de son pouvoir, le règne de Karov ne sera pas de tout repos et le nouveau roi estalien manquera à plusieurs reprises de se faire renverser par la noblesse estalienne qui n'a qu'un respect que très modéré voire absent pour la fonction royale. Ainsi, Karov va combattre pendant plusieurs années la famille des Pakovic, illustre famille noble qui dirige alors le duché de Pendrovac depuis l'époque slavovite. Les Pakovic vont lutter pendant plusieurs années contre l'autorité royale de Karov qui tentera par les moyens militaires de faire taire l'opposition. Entre 805 et 816, la politique royale s'oriente principalement vers la répression des nobles félons comme les ducs de Pendrovac qui réussissent à plusieurs reprises à défaire l'ost royal. Finalement, Karov engage des mercenaires orientaux en l'an 816 et dans une manoeuvre en étau massacre les troupes ducales d'Holiak II, duc de Pendrovac, à la bataille de Ganoviv. Pendrovac est assiégée mais face à la défaite sur le champ de bataille, Holiak II accepte de prêter serment de fidélité et de vassalité envers le roi Karov. Si sur le principe, le duc de Pendrovac se soumettra à l'autorité royale, dans les faits, sa politique (comme celle de la plupart des vassaux du roi à cette époque, alliés ou opposants à celui-ci) reste relativement indépendante autant sur le plan politique que militaire ou économique.

    En 817 éclate la première guerre de succession de Kartalie. En effet, à cette époque, le duc de Kartalie, Robero Ier, meurt sans enfant et c'est alors son beau-fils, Koliak, comte de Sauvadok, s'empare alors de la possession ducale grâce au soutien de la majorité des barons du duché. Néanmoins, Karov n'est pas de cet avis et souhaite mettre sur le trône son fils cadet, Dimitry, à la tête du duché, son fils cadet étant le neveu de Robero Ier (étant donné que la seconde épouse (la première étant morte en 802 lors du siège de Mistohir) de Karov n'était autre que la sœur du duc de Kartalie, promise au roi d'Estalie à la paix de 805). Pour Karov, c'est surtout un prétexte tout trouvé pour s'emparer de la Kartalie alors encore à l'époque un vaste carrefour commercial qui s'était enrichi sur la fuite des marchands suite à la chute du Kraal. Pour Karov, l'obtention de ce duché pour sa famille était un moyen d'agrandir à la fois le territoire du royaume mais également un moyen d'avoir de nouvelles rentrées fiscales grâce au commerce et de nouveaux effectifs mobilisables pour les armées royales. La guerre ne se passe pas comme prévu : les troupes estaliennes sont prises en embuscade dans la chaîne de Kartalia et écrasée en novembre 817. De là, Karov enchaîne les incursions en Kartalie et malgré les nombreuses défaites estaliennes, celui-ci réussit finalement à prendre Sauvadok en 829 et réussit à mettre sur le trône son fils Dimitry en tant que duc de Kartalie. Cependant, il s'avère rapidement que Dimitry est instable psychologiquement et après un épisode où il tuera plusieurs gardes de sa Cour en juillet 829, son père décidera de prendre en charge les affaires du duché personnellement, délaissant Dimitry dans un état de régence constant.

    Finalement, Karov décède en 831. Lui succède alors son fils aîné à la tête du royaume, Portisky II. Cependant, Portisky II accepte mal la possession de la Kartalie par son jeune frère et tente de destituer son frère afin de s'accaparer personnellement du duché. Rapidement, Dimitry est soutenu dans son rôle par les nobles kartaliens qui se rallient au duc pour combattre les troupes estaliennes qui sont rapidement défaites. Dès lors, la défaite de Portisky II aux Portes Chaudes le 8 Mars 832 mène à la fin des incursions estaliennes dans la région. La suite n'est pas de bonne augure pour le jeune duc kartalien : celui-ci est destitué et assassiné et alors remplacé par Koliak qui avait fui en Haute-Kartalie (sud de l'actuelle Kartalie) après sa défaite en 829. C'est à cette époque par ailleurs que la Kartalie va pleinement se convertir au christianisme. Cette différence religieuse entre une Kartalie nouvellement chrétienne et une Estalie encore polythéiste va mener à la fois à des escarmouches frontalières fréquentes entre Estaliens et Kartaliens mais va surtout mener à une augmentation régulière du moral des troupes kartaliennes, trempées dans le fanatisme religieux face à l'ennemi païen estalien. La conversion de la Kartalia va accentuer également celle de l'Estalie, qui se convertira massivement au christianisme le siècle suivant. Le règne de Portisky II est quant à lui assez peu intéressant, ce dernier allant surtout devoir lutter contre son troisième frère, Holiadok, qui va s'appuyer sur les Pakovic pour tenter de s'emparer du trône. Holiadok sera finalement vaincu à Kolograd en 836 et sera décapité en place publique sous l'ordre de son frère aîné.

    C'est le fils unique de Portisky II, Saliov, qui devient roi d'Estalie à son tour en 860. Saliov sera le premier roi estalien qui va véritablement dessiner le contour des institutions royales estaliennes sous son règne. En effet, au-delà de l'Assemblée des Grands dont le rôle était devenu relativement symbolique vers la fin du règne de Portisky II, Saliov comprend que pour affirmer son autorité, il devait agrandir le domaine royal estalien et pour cela, il va enchaîner les conquêtes, les achats de terres et les mariages avec les différentes familles nobles du royaume. sa politique de mariage entre sa dynastie et la famille des nobles puissants du royaume va quelque peu apaiser les tensions, y compris avec les Pakovic, Saliov ira jusqu'à se marier avec la fille du duc de Pendrovac afin de s'assurer de la paix entre les deux familles. La situation se calme donc en Estalie : les conflits entre vassaux sont moins fréquents, l'agriculture se structure autour du système féodal de dépendance des hommes libres à leurs seigneurs et certaines villes comme Mistohir commencent à grandir progressivement. Mistohir devient rapidement le nouveau carrefour commercial de la région lorsque Sauvadok est ravagé par la peste en 869, faisant fuir la classe marchande qui s'y trouvait alors. Vers la fin du règne de Saliov, néanmoins, le christianisme effectue une large poussée sur le territoire estalien et le capitulaire de Bolioska de 898 met fin à l'illégalité du culte chrétien. Alors que le roi estalien vieillit dans sa capitale, les tensions vont commencer à remonter vers la fin du IXe siècle avec la conversion de la plupart des nobles méridionaux du royaume au christianisme. En opposition à la noblesse nordiste, conservatrice et traditionnaliste, les nobles vont s'affronter dans une importante guerre de religion entre 899 et 902 qui mènera à la défaite des polythéistes. Néanmoins, l'absence de système éducatif fort en Estalie mène rapidement à une pénurie du clergé en terme d'hommes de foi et Saliov, fidèle à la foi slavovite, refuse d'aller plus loin en soutenant la propagation de l'implantation de l'Eglise en Estalie. Saliov meurt en 908, laissant à son fils Palioki le soin de régler le problème du christianisme.

    Rapidement, Palioki comprend l'importance du christianisme et se convertit quelques mois seulement après son couronnement. Rapidement, les effets de la christianisation du roi se font sentir : Palioki reçoit rapidement le soutien du clergé et de la nouvelle Eglise d'Estalie qui commence à faire son apparition. Si le monde universitaire estalien de l'époque, encore farouchement polythéiste, s'oppose à Palioki, ce dernier reçoit néanmoins le soutien de la majorité de la noblesse devenue elle-même chrétienne à son tour. Non seulement la ferveur religieuse se montre très forte dans les hautes strates de l'aristocratie estalienne mais celle-ci devient un vecteur d'unité pour l'Estalie. Palioki sera le premier roi a être sacré, alors par l'évêque de Mistohir, en 910. Le sacre de Palioki ouvre une nouvelle ère pour l'Estalie car cette ère, chrétienne de fait, va entamer la structuration d'un sentiment d'appartenance estalien de plus en plus fort basé sur trois principes fondamentaux : l'héritage culturel slavovite, la religion chrétienne et la personne désormais sacrée du roi.

    Sacre de Poliaki en 910.

    L'ère chrétienne (Xe-XIe siècle) :

    La période dite de l'ère chrétienne comme elle est souvent surnommée par les historiens estaliens est une période de consolidation du Royaume d'Estalie et de ses institutions politiques, économiques et culturelles. C'est sous cette période que les fondements de l'identité nationale estalienne vont naître mais c'est également à cette époque que la féodalité chrétienne va se structurer et prendre racine dans la société estalienne de façon définitive. En effet, jusqu'à là, le principe de la féodalité telle que l'a connue la grande majorité de l'Eurysie durant cette période avait certaines particularités au sein de l'Estalie médiévale polythéiste : les accords verbaux étaient fréquents et les serments de fidélité n'avaient qu'une faible valeur, l'honneur des familles nobles ne passait pas par le respect des traités et de la parole donnée (briser sa parole et ses promesses était chose courante) mais par la victoire militaire. C'est la guerre qui caractérisait ce système : l'absence de grande pression fiscale sur la population, la mobilité des paysans et le changement courant de familles régnantes sur les comtés faisait que la noblesse n'avait qu'une faible implantation sur les territoires qu'elle contrôlait. La principale source de financement de ces nobles était donc le pillage et en l'occurrence la récupération des trésors (qui désigne la totalité des biens matériels et monétaires d'une famille noble) des familles adverses afin de s'enrichir et consolider son pouvoir. Ce système empêtrait l'Estalie dans une sorte de guerre éternelle où le roi n'était au final qu'un aristocrate parmi tant d'autres essayant de gratter des territoires à ses voisins. Après la christianisation de l'Estalie, le système féodal va changer dans sa composition et sa structure et va incorporer un nouvel acteur dans le jeu politique et économique du royaume : l'Eglise.

    Sous l'ère chrétienne, les frontières des fiefs seigneuriaux se figent de plus en plus, les familles s'implantent durablement dans les comtés et les duchés qui leur appartiennent et les descendants de ces familles, grandissant principalement dans le monde rural, s'attachent à la terre. Dès lors, à partir de Polioka, l'imposition fiscale va commencer à s'effectuer. Evidemment, pour éviter les révoltes, la plupart des revenus fiscaux de ces impôts revenaient en grande majorité aux seigneurs eux-mêmes qui étaient chargés de récolter l'impôt pour le "compte" du roi. Néanmoins, l'instauration des premières taxes royales comme le charriage (une taxe sur le transport des céréales entre les fiefs), les droits de péage, le tonlieu (taxé sur le bénéfice des marchés), la gabelle (impôt sur le sel) ou encore le cens. Ces impôts, dont la plupart du revenu revenait au seigneur inféodé, assurait néanmoins au roi une légère avance financière sur les autres seigneurs, disposant des revenus de son propre domaine royal et d'une faible partie des revenus fiscaux du reste du royaume. Le domaine royal fut divisé en deux prévôtés (celui de Mistohir et celui de Bolioska), chacun dirigé par un prévôt royal qui se chargeait de rendre justice en l'absence du roi et de récolter les impôts pour lui. Les prévôts royaux étaient ici nécessairement des hommes d'Eglise qui étaient généralement considérés comme le meilleur parti pour l'administration royale étant donné que ces derniers étaient les plus lettrés et avaient interdiction de porter les armes et de pratiquer une quelconque violence. Ces prévôts étaient donc tout à fait loyaux envers le Roi et permettait une plus grande large autorité royale sur son propre domaine. Bien sûr, cela n'empêchait pas les abus. Il est à noter que sous l'ère chrétienne, l'économie rurale va non seulement se stabiliser et provoquer une montée démographique intense du royaume d'Estalie mais va également mener au développement du servage. Cette pratique, déjà présente à l'époque slavovite, va s'accentuer sous l'ère chrétienne, du moins entre le Xe et le XIIe siècle. Les alleutiers se font alors plus rares, les terres libres sont accaparées généralement par la noblesse ou le clergé (les monastères deviennent notamment parmi les plus importants propriétaires fonciers du royaume) et les manses sont alors gérées par des serfs. L'esclavage, cependant, pratique récurrente à l'époque slavovite, disparaît complètement au Xe siècle sous l'impulsion de l'Eglise d'Estalie qui déclare en 955 que posséder un esclave est un péché, faisant très rapidement disparaître la pratique de l'esclavage au cours du Moyen-Age estalien. Quant aux serfs, il faudra attendre le XIIIe siècle pour que soit mis en place par l'Eglise les villes franches, des bourgades où le droit de suite (qui fait qu'un serf fuyant la terre qui lui est assigné restera un serf peu importe où il se situe) ne s'applique pas et donc de ce fait, ces villes affranchissent les serfs en masse. La pratique du servage disparaîtra définitivement vers le XVe siècle. Quant aux obligations du vassal, longtemps ignorées par les nobles dans l'Estalie polythéiste, la morale chrétienne reprend le dessus et les obligations vassaliques commencent à être prises en compte, respectées et parfois sacralisées (souvent par le monarque lui-même). Ces obligations, naturellement lourdes pour le vassal, sont à la fois morales et matérielles entraînant des droits et des services. La fidélité n'exige pas seulement que le vassal ne dise et ne fasse rien qui puisse nuire à son seigneur, elle oblige à se dévouer pour lui, à sacrifier jusqu'à sa liberté. En tant qu'otage et garant, il est personnellement et financièrement investi des engagements contractés par son suzerain. Même le château du seigneur ne lui appartient pas pleinement, le suzerain peut lui demander en principe les clefs du château afin d'y poser une garnison. Le seigneur doit évidemment en temps de guerre intégrer le service de l'ost ou de la chevauchée sous la bannière de son seigneur. Le suzerain, en retour, a aussi ses propres obligations à tenir : il lui est défendu de léser son feudataire, d'immédiatiser ses hommes, de construire des forteresses sur le fief de son vassal ou d'augmenter sans son avis les redevances financières qui lui doit. Généralement, il était pourtant fréquent que ce traité vassalique ne soit que partiellement respecté. L'organisation judiciaire de la féodalité estalienne, en cas de litige entre deux seigneurs, débouchait généralement sur le combat judiciaire (notamment la pratique du duel ou de la joute qui était fréquente afin de résoudre les conflits entre nobles sans pour autant partir en guerre) mais pouvait déboucher sur des guerres privées entre seigneurs, le suzerain n'avait qu'une faible autorité judiciaire sur les autres nobles, aussi inféodés à lui soient-ils.

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    Par ailleurs, ce sera Polioka qui va accentuer en premier lieu le développement de la bourgeoisie dans les grands centres urbains du pays. En effet, il va favoriser dès le début de son règne les mouvements communaux et les associations professionnelles, sociales et religieuses des grandes villes afin de favoriser la bourgeoisie marchande qui s'y développait progressivement. Dès lors, il va favoriser l'urbanisation progressive de l'Estalie, notamment de Mistohir en tant que telle. Néanmoins, le règne de Polioka restera très agité malgré la christianisation et le sacre qui lui conféra une certaine légitimité et consolida l'emprise royale sur l'Estalie. Il va essayer pendant plusieurs années de combattre la petite féodalité environnante qui détroussait les passants et persécutait les moines, domptant de nombreux châtelains dispersés dans et autour du domaine royal qui longait en somme la vallée de la Prika. Malheureusement, le roi ne pouvait se présenter partout à la fois, les évêques l'appelant généralement à l'aide face au brigandage fréquent de ces châtelains dont certains restaient néanmoins puissants. Excommuniant les ennemis qu'il ne peut combattre, Polioka tente de réunir des assemblées de paix à partir de 924 afin de calmer la petite noblesse mais ces assemblées n'ont qu'une valeur purement morale. A l'extérieur, Polioka va principalement mener une politique de bon voisinage, cherchant à s'attirer les grâces des successeur de l'Empire Kral dominant alors la région mais rapidement, à partir de 916, l'entente entre l'Estalie et certains royaumes successeurs va se dégrader, les deux blocs cherchant à consolider leur emprise sur les comtés se situant dans la zone frontalière, notamment autour de l'actuelle ville de Reich où les nobles pro-estaliens et pro-Kral vont s'affronter à plusieurs reprises avant de tomber sous l'influence Kral. En 923, alors que la guerre entre les successeurs du Kral et l'Estalie semble plus que probable, Polioka convoque l'empereur les plus grands rois successeurs à l'entrevue de Nicerois. Polioka, fervent chrétien, propose aux rois le rétablissement de la paix dans l'Eglise et propose une réforme du clergé commun aux deux monarques. Les monarques se firent le baiser de paix, entendirent la messe ensemble et finissent par s'entendre et signer un traité de paix. Néanmoins, un des rois présents à l'entrevue décède en 924 et au mépris de son traité avec le défunt roi, Polioka lance l'offensive en été 924 et s'empare de nombreuses villes frontalières de l'Empire. La guerre est particulièrement violente entre les successeurs du Kral et l'Estalie, l'ost royal estalien est en infériorité numérique permanente mais le développement de la cavalerie lourde estalienne, l'ingéniosité tactique de Polioka et le soutien tacite de la plupart des seigneurs à l'ost permet aux Estaliens de remporter plusieurs victoires et de s'emparer de la plupart de l'actuelle Transgoskovir. On pourra noter que la guerre en Estalie était une affaire principalement de nobles, la guerre étant réservée à cette petite élite aristocratique dont la guerre était le métier depuis la jeunesse : les armées estaliennes étaient donc naturellement faibles numériquement (les hommes libres étaient rarement mobilisés et lorsque c'était le cas, ils servaient dans des fonctions défensives comme gens d'armes pour la protection des garnisons et du ravitaillement) mais les cavaliers estaliens étaient particulièrement redoutables et bien équipées. Polioka réussira à mettre le siège sur la capitale impériale mais disparaît en juillet 931, probablement assassiné par un agent kral. Il laisse le trône à ses deux fils, Enrick et Portisky, qui se firent alors une guerre de succession en face des murs de la capitale kral pour déterminer le successeur du trône. Face à cette courte guerre civile à l'étranger, les Krals en profitent et écrasent les troupes estaliennes. Portisky est tué dans la retraite de l'armée estalienne et Enrick est proclamé roi sur le chemin de la retraite. La défaite estalienne devant les portes de la capitale impériale mena rapidement à la fin de la guerre en 934 lorsque les dernières places fortes impériales occupées furent libérées.

    Le règne d'Enrick ne fut pas non plus de tout repos : il devait débuter son règne à la fois par la guerre contre le Kral mais également face aux révoltes du duc de Detruskia. En effet, en 933, le duc de Pendrovac décède sans succession. Son unique fils, Padric, est un bâtard et le duc de Pendrovac, avant de mourir, demande humblement au roi de se porter tuteur de son jeune fils. Enrick, pensant pouvoir acquérir la loyauté indélébile du futur duc de Pendrovac en devenant son tuteur, accepte les dernières volontés du vieux duc. Or, son cousin éloigné, le duc de Detruskia, ne reconnaît pas le bâtard du duc et se lance dans une guerre contre le duché de Pendrovac pour récupérer le titre. Enrick doit donc mobiliser ses troupes pour protéger le duché. Finalement, c'est au bout de quatre ans de guerre et d'un siège interminable de Detruskia qu'en 937, le duc de Detruskia reconnaît la légitimité du duc de Pendrovac.

    On notera qu'Enrick s'attachait particulièrement à rendre l'Eglise d'Estalie relativement indépendante, essayant de privilégier les intérêts du clergé national face à l'Eglise de Juxent. On l'accusa de pratiquer la simonie et le parti réformiste ne l'épargnait pas mais la vraie raison de sa défiance envers Juxent était qu'avec le temps, l'Eglise de Juxent était devenue très conciliante envers le Kral, l'ennemi politique de l'Estalie d'alors. Estimant le Juxent comme un instrument politique des Kral, il chercha donc à séparer l'Eglise d'Estalie, c'est d'ailleurs à cette période que le roi reconvertit le Grand Temple paganiste de Mistohir en cathédrale.

    En 955, Padric, devenu adulte, va se retourner contre son ancien tuteur, profitant d'une révolte populaire à Bolioska contre l'augmentation de la gabelle par le roi, pour tenter de s'emparer du sud du prévôté de Mistohir. La bataille de Hojadik sera une amère défaite pour les troupes royales, Enrick manque de s'y faire tuer. Face à la menace imminente des troupes de Padric contre Mistohir, Enrick appelle au secours le duc de Nitoskiolov, alors petit duc non-estalien situé à la bordure est du royaume d'Estalie. Le but était que celui-ci face diversion à l'est pour obliger les troupes de Padric à rebrousser chemin. Cela ne manque pas car les troupes de Nitoskiolov mettent le siège devant Pendrovac. Néanmoins, les troupes ducales sont vaincues par Padric en 956 et après une campagne très rapide, Padric réussit à prendre Nitoskiolov en 958. Néanmoins, le temps que la campagne du duc félon s'achève, Enrick réussit à mobiliser le soutien des autres nobles du royaume (convaincus de la trop grande puissance de Padric qu'ils considèrent désormais comme une menace) et en 959, Padric est tué lors de la bataille de Jakovilov. Sans héritier, Enrick décide de s'emparer du titre de duc de Pendrovac et intègre le duché de Nitoskiolov au royaume d'Estalie. Néanmoins, il sera obligé de céder le titre de duc à un cousin éloigné de la famille des Pakovic, Holiak III, qui reprend le contrôle du duché grâce au soutien des autres Grands du Royaume. Enrick agrandit donc le Royaume d'Estalie mais reste bloqué quant à l'agrandissement du domaine royal. Il meurt en 970 et est succédé par son fils unique, Portisky III.

    Le règne de Portisky est un des plus longs de l'histoire estalienne (48 ans de règne entre 970 et 1018) mais aussi un des plus vides : jamais le pouvoir du monarque sur son propre royaume n'avait été aussi faible sous son règne que dans tous ceux qui vont suivre. C'est l'apogée de la puissance des féodaux. Pourtant, son règne ne débute pas trop mal : il participe à une guerre en 971 entre le duché de Kartalie et une coalition de comtes de la Haute-Kartalie, Portisky III cherchant à défendre la duchesse régente d'alors contre le prétendant haut-kartalien au duché. Si les troupes estaliennes et kartaliennes sont dans un premier temps victorieux, Portisky III va faire l'erreur d'obliger la duchesse kartalienne à marier son fils en bas-âge avec la fille de Portisky III. Ce mariage, que les Estaliens vont forcer la main aux Kartaliens, va renforcer l'influence des haut-kartaliens dans la région qui reçoivent des partisans de la petite noblesse kartalienne qui s'estime lésée par ce mariage. Finalement, Portisky III oblige le duché à prêter allégeance au roi d'Estalie. La duchesse perd toute légitimité aux yeux de ses sujets et en peu de temps, Sauvadok est prise : la duchesse et son fils sont massacrés et les haut-kartaliens mettent sur le trône du duché leur prétendant qui expulsent rapidement les Estaliens du territoire kartalien en 975.

    Suite à cette démonstration de faiblesse de la royauté estalienne, le pouvoir royal va entrer dans une nouvelle période de déclin de son pouvoir. Entre les prévôtés du domaine s'intercalaient des petites seigneuries dont les possesseurs ne respectaient que ceux qui savaient se défendre. La plupart des offices de la couronne étaient alors tenus, à titre héréditaire par ces mêmes seigneurs qu'on trouvait régulièrement en guerre avec le roi durant son règne (les évêques en charge de ces prévôtés avaient étés expulsés de force au fil du temps). Le roi ne pouvait plus quitter Mistohir sans se heurter à la petite féodalité qui infestait les routes. Quelques campagnes furent bien menées mais force est de constater que l'autorité royale dépassait désormais difficilement les murailles de Mistohir.

    En 992, la comtesse de Vital, petit comté du sud du duché de Pendrovac, craignant de voir son mari Foulkov la traiter comme il le fit avec ses deux anciennes épouses qu'il avait rejeté par la suite comme de viles courtisanes, et persuadée d'avoir assez de noblesse et de beauté pour plaire au roi, lui envoya une lettre d'amour pour proclamer son amour au roi. Le roi Portisky III fut très touchée de la déclaration d'une femme aussi belle et voluptueuse et consentit au crime de recevoir la comtesse à Mistohir et s'empressa de répudier la reine Margot qui lui avait pourtant donné deux fils. Il épousa la comtesse de Vital. De pareils incidents n'étaient pas rares dans le milieu féodal estalien où les mariages se nouait et se rompaient avec une facilité déconcertante tant l'Eglise était encore tolérante, incapable de changer les mœurs du mariage estalien issu de la tradition païenne. Néanmoins, ici, le mauvais exemple venait du plus grand prince d'Estalie, surtout que Portisky III n'était pas connu pour être un très bon chrétien. Excommuniés à plusieurs reprises par l'Eglise d'Estalie à partir de 995, le roi d'Estalie et sa nouvelle épouse adultère se soucièrent peu de l'anathème et trouvèrent deux évêques qui acceptèrent de les marier. Ainsi, jusqu'en 1004, le roi Portisky III vécut sous les malédictions de l'Eglise. Non seulement les prélats mais aussi les hauts barons et les Grands du Royaume s'associaient au roi pour résister aux volontés de l'archevêque de Mistohir qui, sous les demandes incessantes du Pape de Catholagne (le schisme entre catholicisme et orthodoxie n'avait pas encore eu lieu), cherchait à poursuivre l'anathème. Le duc de Pendrovac prit particulièrement la défense du roi, entrant même en armes dans la cathédrale de Mistohir :

    "Le Roi, mon seigneur, m'a mandé que, sans égard pour sa personne et pour moi, vous vous disposiez à l'excommunier dans une ville qu'il tient de sa couronne : il m'a sommé, par la fidélité que je lui dois, de m'y opposer de toutes mes forces. Je vous déclare donc que je ne souffrirai pas un pareil attentat ; et si, malgré ma défense, vous osez le commettre, je vous jure, par la foi que je lui ai vouée, que vous ne sortiez pas d'ici impunément."
    Les légats ne se laissèrent pas intimider et excommunièrent malgré tout le roi une fois de plus. Cet épisode, célèbre sous le nom de la Menace Portiskyenne, gardera ses traces dans l'histoire estalienne, donnant l'image dans l'imaginaire collectif du noble estalien arrogant, incroyant et osant défier toutes les formes d'autorité, y compris celle de Dieu. Un épisode qui va marquer la littérature estalienne au XIXe siècle et va inspirer nombre de romans à ce sujet par ailleurs.

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    Finalement, au concile de Mistohir en 1004, les deux époux se soumirent puis, en dépit de leur serment, continuèrent leur vie commune. La papauté, là de cette situation, laissa les choses stagner, laissant flotter une victoire apparente sur Portisky III même si le roi d'Estalie était sorti victorieux de cette confrontation avec l'Eglise. Néanmoins, vieilli et épuise avant l'âge par ses infirmités et ses vices, Portisky III ne régnait plus que de nom. le prince hértier, Enrick, fils de sa première épouse, avait été armé chevalier en 998 et avait été associé à la couronne sans avoir été sacré pour autant. Sous le titre de duc de Mistohir, il remplissait en vérité la plus importante des fonctions royales qui consistait principalement à repousser les incursions récurrents des royaumes et peuples étrangers comme celle des royaumes kartvéliens au nord ou les Ilageois et les Kartaliens à l'ouest. Il se chargeait également de punir les brigandages des châtelains du domaine royal, une tâche qu'il va remplir avec succès par ailleurs. De l'an mil à 1018, la politique militaire du royaume est entre les mains du prince héritier. Néanmoins, si le jeune prince est maître de l'armée royale, le palais reste aux mains de la comtesse de Vital, sa belle-mère. Elle dispose, en tant que reine, des offices de la couronne, elle donnera l'archevêché de Mistohir à son frère et vendra les bénéfices de l'Eglise au plus offrant. Jalouse d'Enrick, qu'elle craint et déteste et qu'elle voudrait éliminer pour mettre sur le trône les deux fils qu'elle a eu avec Portisky III, Flaurus et Holiak, elle essaie en vain de le faire emprisonner par le duc de Kartalie lors d'une campagne de 1008. Elle va payer des clercs qui s'engagent à le tuer et tentera même de l'empoissonner, des tentatives d'assassinat à laquelle le jeune prince s'en tire in extremis. Portisky III tente de protester contre les pratiques de son épouse et s'indigne mais, toujours faible, prie son fils de lui pardonner. Il végéta encore quelques années avant de mourir en 1018. La haute et la basse noblesse s'agitaient, menaçaient de ne pas reconnaître le prince héritier. Enrick II, entouré de quelques fidèles et de quelques évêques, se fit couronner à la hâte dans les alentours de Bolioska.


    Il est important que nous fassions un aparté sur la monarchie et sa situation à l'arrivée sur le trône d'Enrick II. Il faut savoir que sous Enrick II, l'identité de la monarchie estalienne va commencer à changer, utilisant notamment les appellations impériales de l'Empire Rémien. En effet, estimant être les successeurs légitimes des Rémiens dans la région (chose courante à l'époque), les Skoviliosnov vont copier le cérémonial impérial de la cour rémienne. Ils s'entourent par la suite d'un gouvernement bien spécifique comprenant un archichancelier, un chambrier, un bouteiller et un connétable. Un collège de clercs est attaché à la chapelle familiale. Le palais du Roi commence alors à être rempli de petits et grands officiers. Les barons et les évêques des provinces voisines y viennent faire des séjours temporaires, cet ensemble incohérent de conseillers à demeure et de courtisans de passage semble rester au centre de l'organe principale du gouvernement. Le roi lui-même, personne sacrée et inviolable, jouit d'un pouvoir théoriquement sans limites car il le tient de Dieu et doit l'exercer dans sa plénitude sur toute l'étendue du royaume. Il a pour mission de défendre le pays contre ses ennemis extérieures, de faire régner l'ordre au dedans, de rendre justice, de protéger les faibles et les opprimés et surtout l'Eglise et ses membres. Toujours en théorie, sa volonté se confond avec la loi. Le roi s'aide généralement des conseils et de l'appui des Grands du Royaume, réunis au sein de l'Assemblée des Grands, mais cette consultation au XIe siècle n'a aucun caractère obligatoire depuis fort longtemps : c'est une nécessité de fait à laquelle il se soumet quand il lui plaît et dans des conditions déterminées par lui seul. A côté du roi, la reine et l'héritier présomptif associés au trôné, reçoivent une double cérémonie d'onction et de couronnement. Aucune constitution fixe ne règle d'ailleurs la transmission du pouvoir même si elle s'applique dans les faits par primogéniture de l'aîné. Au début de l'Estalie, les nobles étaient souvent à tendance élective, souhaitant pouvoir désigner un roi eux-mêmes tandis que les Skoviliosnov avaient réussis à imposer le modèle du droit héréditaire sur le trône.

    Dans les faits, la monarchie estalienne du XIe siècle est impuissante : le soi-disant souverain est un simple baron qui possède seulement en propre les bords de la Prika soit quelques comtés. Le domaine royal, soutien insuffisant de cette majesté théorique, n'est ni la plus vaste, ni la plus riche des seigneuries dont la réunion forme l'Estalie. Moins puissant que cerrains de ses grands vassaux, le Roi vit, comme eux, du produit de ses fermes et de ses péages, des redevances de ses paysans, du travail de ses serfs, des impôts déguisés qu'il prélève sous la forme de dons volontaires sur les abbés et les évêques de la région. Ses greniers lui fournissent le blé, ses celliers le vin, ses forêts la venaison. Il passe son temps à la chasse, pour son plaisir ou pour alimenter la table, et voyage constamment de villa en villa, d'abbaye en abbaye, obligé de mettre à profit ses droits de gîte et de changer souvent de séjour pour ne pas épuiser les ressources de ses sujets.

    De ce fait, la royauté de cette époque est ambulante dans un va-et-vient perpétuel entre Mistohir et Bolioska où le passage du Roi, marqué par une escorte d'une petite troupe de chevaliers, de clercs, de scribes de la chapelle, forment l'escorte ordinaire de la famille royale. Ce n'est qu'à certaines occasions que les évêques et les barons grossissent les rangs du cortège royal. La Cour peut changer de caractère à souhait ; un jour une armée prête à combattre, un autre une assemblée où se discute la religion ou la politique, un autre un tribunal qui prononce ses arbitrages, rend des arrêts ou assiste aux joutes entre champions de justice. L'administration y est donc rudimentaire : les prévôts et les maires qui sont à la fois fermiers, receveurs, juges et agents de police exploitent ses propriétés. Ils apportent au roi une partie de ses revenus, en nature ou en argent, et gardent le reste pour leur salaire. Le système de gestion est rudimentaire mais n'en reste pas moins dangereux. Ces officiers ne songent qu'à pressurer les sujets du Roi, à les voler ou à transformer leur charge en seigneurie indépendante de fait. Les habitants redoutent parfois plus les prévôts du roi que la petite féodalité qui les pillent. Dans les bourgs ou les cités où le Roi n'est pas le seigneur unique, il possède quelques maisons et une grosse tour que des vicomtes ou des châtelains gardent en son nom mais ces commandants militaires abusent aussi de leur pouvoir odieux aux bourgeois qu'ils rançonnent ou même au roi lui-même en dépouillant les produits dus au fisc ou en se perpétuant de façon héréditaire dans leur fonction.


    Avec Enrick II, quelque chose de nouveau se manifeste dans notre histoire. La disproportion qui existait entre la supériorité du titre royal et la faiblesse réelle du roi commence à diminuer. La monarchie concentre son action sur un plus petit espace, restreint son rôle de puissance générale et prend même, pour un temps, l'allure d'une seigneurie localisée. Mais elle gagne en solidité ce qu'elle perd en surface. Agissante et bien vivante, elle acquiert, pour la première fois, le prestige qui tient non plus à la majesté du rang et à la gloire des souvenirs mais à la valeur personnelle, à la force déployée et aux succès obtenus. Sous Enrick II, fondateur d'une tradition qui devait se transmettre à travers les siècles, commence l'immense évolution qui se poursuivra jusqu'au milieu du XVIIIe siècle.

    Le début du règne d'Enrick II devait d'abord débuter par une victoire militaire contre sa belle-mère et ses demi-frères en 1018 non loin de Mistohir. Néanmoins, Enrick II fit l'erreur de pardonner Holiak, l'un de ses demi-frères (Flaurus ayant été tué au cours des combats). Après avoir consolidé son emprise sur le trône, il nomme en tant que chancelier et sénéchal d'Estalie un certain Garlan, clerc de l'église de Mistohir, archidiacre de la cathédrale de Mistohir, c'était un homme intelligent et actif qui s'empara rapidement dès le début du règne d'Enrick II toutes les grandes charges de la couronne, dirigeant en même temps la chapelle familiale, le palais et l'armée. Au début favori du Roi, il va s'attirer les foudres de la Reine et de l'Eglise elle-même et devint finalement suspect pour le roi lui-même lorsqu'il s'allia avec Holiak, le demi-frère du roi, et tenta de rendre héréditaire la charge de sénéchal. Il fut renversé en 1027, chassé du palais, dépouillé de toutes ses charges et traité en ennemi public. Lui et Holiak vont mener une guerre pendant trois ans entre 1027 et 1030 afin de mettre Holiak sur le trône. Finalement, à la bataille de Detruskia de 1030, Enrick II réussit à vaincre le Garlan et fait exécuter les deux conspirateurs.

    Au début de son règne, pour Enrick II, il fallait que le chef de la dynastie eût l'argent et des soldats ; et la première condition pour en avoir était d'augmenter le domaine, la propriété directe du souverain. Enrick II use de tous les procédés d'acquisitions territoriales possibles : achats, échanges, confiscations, conquêtes, tout lui fur bon pour devenir le plus grand propriétaire du centre de l'Horistia. Par malheur, cette terre du roi était hérissée de forteresses appartenant à des châtelains pillards, seigneuries indépendantes de fait, que les rois précédents du siècle dernier avaient laissé s'enraciner. Brûler et raser ces donjons, dégager les villes et les abbayes, rétablir les communications entre les prévôtés du domaine, faire la chasse aux brigands, permettre enfin au paysan de labourer, au moine de prier, au marchand de circuler en paix sur les routes : tel est le travail de haute police que Enrick II exécuta. La tâche était ardue : les seigneurs bandits ne combattaient pas seuls et avaient l'adresse de lier leur cause avec celle des grands seigneurs et des rois étrangers hostiles à la monarchie estalienne. Il fallut au total près de 34 années de guerres incessantes entre 1018 et 1042 pour dégager complètement le domaine royal de ces seigneurs brigands et permettre la stabilisation des terres royales autour de la Prika.

    Orgueilleux de sa force physique, Enrick II aimait la guerre pour elle-même, sacrifiant sans hésiter au plaisir de se battre son devoir de chef d'armée et sa dignité de roi. Il faut reconnaître Enrick II avant tout comme un roi guerrier qui appréciait la chose militaire, son administration étant généralement délaissée à son gouvernement. Les guerres qu'il mena ne s'arrêtaient pas pourtant aux limites du domaine royal. Il va mater à plusieurs reprises les barons rebelles et forcer les grands seigneurs à respecter son autorité : une tâche inachevée car les rois estaliens prendront plusieurs siècles pour venir à bout du particularisme des grands seigneurs féodaux. Il mena également plusieurs guerres contre les royaumes kartvéliens et le duché de Kartalie afin de consolider les frontières royales et s'emparer des régions minières (souvent pour le compte de ses vassaux en échange de leur fidélité).

    Couronnement d'Enrick II.

    Néanmoins, on peut s'interroger sur la résistance d'Enrick II qui échappât à tant de périls et d'ennemis qui auraient pu écraser le domaine royal aisément. Ce miracle s'explique en partie par l'alliance entre Enrick II et le clergé. Evêques et abbés mirent à son service, non seulement la chevalerie de leur vasselage mais aussi des cadres d'infanterie organisés et des milices de paroisses conduites par leurs curés qui faisaient partie intégrante des troupes royales face aux châtelains brigands. Ainsi, Enrick II se servait de l'Eglise pour dompter les châtelains comme il savait utiliser son alliance avec l'épiscopat pour tenter d'introduire l'influence morale de la Royauté dans les grands fiefs. Ainsi, dans le duché de Pendrovac, relativement puissant et indépendant, il confirme les possessions et les privilèges de l'évêque de Pendrovac en 1021 au détriment du duc et il fera de même l'année suivante pour l'évêque de Detruskia. Enrick II doit beaucoup à l'Eglise mais lui donne beaucoup aussi. Il la défend contre les brigands féodaux de la grande et petite féodalité, il intègre des clercs à son gouvernement. Ses conseillers politiques et ses ambassadeurs sont des abbés issus de Mistohir ou des évêques. C'est en somme un soldat qui chevauche au milieu de clercs et de moines, il prodigue terres et privilèges aux évêchés, aux chapitres et aux abbayes. Il patronne le mouvement de régénération monastique qui se produisait alors dans toute l'Eurysie chrétienne.

    A la fin de son règne, qui s'achève à sa mort en 1051, le prestige de la royauté estalienne remonte et cela se voit grâce à deux évènements. La première, c'est l'alliance entre l'Empire Ilageois et le Royaume d'Estalie contre le duché de Kartalie. Si la guerre contre la Kartalie fut globalement un échec, l'armée estalienne ayant été écrasée dans les montagnes de Kartalia et les Ilageois vaincus à leur tour en rase campagne, l'alliance démontre l'importance de la monarchie estalienne aux yeux des souverains étrangers. Ainsi, en 1051, lorsque meurt Enrick II, une nouvelle période s'ouvre pour la monarchie estalienne : une période de montée en puissance et de remise en question progressive mais réelle du système féodal autant par les rois eux-mêmes que par les contestations populaires qui vont se faire plus pressantes à partir de la seconde moitié du XIe siècle.

    Carte de l'Estalie en 1051 à la mort d'Enrick II.
    Légende :
    Limites jaunes : limites du Royaume d'Estalie.
    En bleu : le domaine royal.
    En vert : les duchés (vassaux puissants).
    En beige : les comtes, baillis et autres seigneurs féodaux.
    En rouge : duché de Kartalia.
    En violet : les comtés de la Haute-Kartalie.

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    "L'Estalie est un pays qui appuie son histoire sur le rôle d'un panthéon de personnages illustres comprenant principalement des rois qui ont étés d'une importance significative que ce soit dans la réalisation de l'unité nationale estalienne, dans la gestion de certaines crises ou dans la modernisation de l'Etat. Ainsi, si Estan le Grand est le fondateur mythique du pays, Portisky Ier le premier roi de la dynastie des Skoviliosnov et Poliaki le premier roi chrétien, Spoliosky Ier est très certainement le premier roi véritablement moderne de l'Estalie."

    Le XIe siècle, après Enrick II, fut marqué autant par les conflits internes de l'Estalie comme les guerres extérieures contre les royaumes païens orientaux.


    Le Grand Spoliosky Ier :

    Après Enrick II :

    En 1051, Enrick II meurt et laisse derrière lui un royaume en pleine transition entre un féodalisme fragmenté et une monarchie qui tend à se centraliser mais dont la position reste globalement fragile. Bien qu'Enrick II ait consolidé le domaine royal, l'autorité du Roi reste inégale sur le territoire du royaume avec un domaine royal localisé autour de certaines régions stratégiques autour de la Prika, avec la présence de vassaux souvent plus puissants que le roi lui-même et très autonomes dans leur politique. Leur allégeance est de fait très précaire, surtout dans les zones éloignées comme à Nitoskiolov ou Pendrovac dont les ducs restent globalement très autonomes du contrôle royale qui doit jouer de compromis avec les élites locales pour éviter un détachement complet des ducs de la Couronne. Le roi doit donc s'appuyer sur l'Eglise qui devient alors un allié majeur de la couronne mais qui est également en elle-même une force politique relativement indépendante de la royauté ; les évêques et les abbayes, bien que proches du roi, restent alliés au Roi principalement dans l'objectif de conserver leurs privilèges ecclésiastiques, ne laissant aucune marge de manoeuvre au roi afin de réformer le clergé. De plus, si les baronnies de plusieurs seigneurs brigands ont étés marginalisés et pacifiés, Enrick II n'a pas concrètement éliminé ces seigneurs en question, les obligeant seulement à soumettre à l'autorité de la Couronne ; la mort d'Enrick II laisse donc présager un nouvel épisode de révolte des barons brigands contre Mistohir. La situation administrative est également fragile : le réseau administratif embryonnaire introduit par Enrick II comme l'encadrement des prévôts et des baillis permet une certaine centralisation du pouvoir mais l'administration dépend toujours largement de la loyauté de ces dits agents et de leurs propres moyens, ce qui donne une voie ouverte à la corruption. L'armée royale n'est pas non plus permanente, devant se reposer sur des contingents féodaux et des milices religieuses qui entravent la mobilisation rapide des moyens militaires par le roi. Quant à l'économie, la croissance reste fragile avec les dévastations causées par la guerre même si l'économie semble redémarrer réellement au milieu du XIe siècle tandis que les terres ecclésiastiques prospèrent pour la plupart grâce aux donations royales mais creuse néanmoins un fossé entre la petite noblesse et les communes qui se sentent délaissées au profit des terres ecclésiastiques. Enfin, la centralisation de la fiscalité, si elle permet de plus larges revenus pour la Couronne, a aussi entraîné des tensions avec les barons et avec la paysannerie.

    Le fils d'Enrick II se nommait Spiolosky Ier. Né de l'union entre Enrick II et la princesse impériale des Illageois, Martina, Spiolosky Ier était l'héritier de deux traditions politiques. Sa légitimité était assez difficile à tenir au début de son règne : en effet, Enrick II n'a consenti qu'à avoir des enfants assez tard et Spiokosky était né en 1048, il n'avait donc que trois ans lorsque son père décéda et qu'il hérita du trône royal et rapidement, sa mère meurt de la dysentrie l'année suivante en 1052. Orphelin à quatre ans, en minorité et donc obligé de faire face à la régence de l'Assemblée des Grands, sa minorité est marquée par les guerres d'influence entre les grands du Royaume qui profitent de la minorité du roi pour faire avancer leurs propres pions. Dès 1052, la mort de la mère-régente oblige l'archevêque de Mistohir à tourner son attention auprès d'un prétendant au trône qui se revendique comme Holiak, le demi-frère d'Enrick II qui avait été exécuté par ce dernier en 1030. Evidemment, aujourd'hui, on sait que ce "Holiak II" n'était qu'un usurpateur qui s'était joué de sa ressemblance physique avec le véritable Holiak pour revendiquer la Couronne. L'archevêque de Mistohir, craignant que la minorité du jeune Spiolosky entraîne une guerre civile dans tout le royaume, fit couronner Holiak comme co-monarque d'Estalie, une situation alors inédite dans l'histoire de la royauté estalienne car dans les faits, la monarchie était devenue duale avec deux rois (les lois estaliennes ne pouvant déshériter Spiolosky). Néanmoins, l'archevêque, soucieux de l'avenir de l'enfant, le plaça sous sa tutelle pour le protéger des intrigues des Grands du royaume tandis qu'Holiak fut contraint très vite de désigner un collège de prélats et fut obligé de nommer le duc de Pendrovac comme chancelier du Royaume, ce dernier le menaçant d'assiéger Mistohir s'il n'obtempérait pas. Néanmoins, cette nomination ne va pas satisfaire les autres grands ducs du royaume qui cherchent alors à réduire la puissance du duc de Pendrovac et à partir de 1053, une guerre éclate entre le roi Holiak II, allié au duc de Pendrovac, contre les ducs du nord de l'Estalie, le duc de Detruskia et le duc de Nitoskiolov . L'objectif de la coalition anti-Holiak est alors de renverser le souverain et de remettre en place la monarchie unitaire sous la minorité de Spiolosky afin d'établir une Assemblée des Grands où les ducs pourront se partager les charges publiques du Royaume et donc éviter que les fidèles d'Holiak II et du duc de Pendrovac ne monopolisent le gouvernement royal. La guerre dure près de dix ans avec la mise en place de campagnes et de contre-campagnes incessantes dans tout le royaume, la cavalerie est abondamment utilisée entre les deux camps pour effectuer des chevauchées dans les campagnes et les alentours des fortins des vassaux de chaque camp afin de ruiner économiquement le camp adverse. La lutte pour le pouvoir laissa d'ailleurs le champ libre à la noblesse d'Estalie qui usurpa biens et châteaux du domaine royal à travers l'ensemble des provinces. Parler d'anarchie serait exagéré mais le rapport de force tournait de toute évidence à l'avantage des barons. En outre, les populations païennes autour de l'Estalie commencèrent à profiter de l'instabilité politique du royaume (et surtout de son exploitation accru des mines d'or) pour effectuer des pillages réguliers dans le royaume. La jeunesse de Spoliosky se déroula donc au milieu de ce tourbillon politique et guerrier, ballottée entre les divers prétendants à la régence. Finalement, en 1063, Holiak II est tué durant la bataille de Tasita dans les alentours de Bolioska.

    Bataille de Tasita.

    La bataille de Tasita provoque un choc au sein de la capitale estalienne, surtout lorsque les troupes ducales du nord débutent le siège de Bolioska dans la semaine qui suit la mort d'Holiak. Cependant, alors que la guerre semble tourner en défaveur des partisans d'Holiak, Spoliosky réagit enfin. Agé de quatorze ans, considéré comme un enfant débordant d'énergie, il fait valoir sa majorité et épouse la fille du duc de Detruskia, Constansia alors âgée de 25 ans, afin de retirer le duché de Detruskia de la guerre et rallier le duc à sa cause. Fort d'une légitimité nouvelle grâce à son alliance avec Pendrovac et Detruskia, Spoliosky Ier se fit couronner roi à Mistohir et dès le début de son règne entama le rassemblement de l'ost afin de pacifier son royaume.

    Le règne de Spoliosky Ier peut se découper en trois phases, bien que cette division soit un peu trompeuse étant donné l'évolution de la situation entre les différentes parties du royaume. Son couronnement royal le 22 novembre 1063 ainsi que la victoire de Nuova en 1080 contre le grand-duché d'Entraskiov en seraient les charnières mais d'autres dates importantes scandent son action. Sa reprise en main et la réforme du royaume d'Estalie donnèrent lieu à des faits marquants : la répression des barons (1063-1068) et des paganistes de l'est (1069), la création de l'université de Mistohir (1070), la rédaction du Remux Augustus qui fut la première codification à l'échelle d'un Etat depuis l'Empire Thucylisien qui sera complété par des nova statuta qui vont réorganiser la fiscalité. Enfin, les croisades orientales de 1074-1080, sanctionnée par le traité de Bolioska en 1080.

    Mais revenons au début du règne de Spoliosky Ier afin de comprendre comment ce jeune roi va contrôler petit à petit son royaume d'une main de fer. En octobre 1063, après avoir épousé Constansia, il était alors entré dans la pubertas, il était donc techniquement encore mineur mais en capacité d'exercer ses droits de souverain. Dès janvier 1064, il se retourne contre son ancien tuteur, l'archevêque de Mistohir, qui souhaite alors élire un nouvel évêque à Bolioska qui lui soit favorable (l'ancien évêque étant mort à Tasita parmi les fidèles d'Holiak). Néanmoins, Spoliosky Ier est obligé de céder dans ce bras de fer avec l'archevêque, ce dernier lui menaçant de retirer l'appui des milices paroissiales du clergé si celui-ci n'obtempérait pas. Les germes du premier conflit entre la Couronne et l'Eglise vont s'implanter dans cette première confrontation entre Spoliosky Ier et l'Eglise d'Estalie : qui, du roi ou de l'Eglise d'Estalie, contrôlerait les nominations des prélats du royaume d'Estalie et, par ce biais, s'assurerait une partie de la domination politique ? Spoliosky Ier va cependant rapidement bénéficier du soutien des institutions royales mises en place par son père et du personnel administratif. C'était heureux car, d'emblée, il eut affaire à forte partie, aux prises avec les pillards païens, les troupes du duc de Nitoskiolov qui assiégeaient alors Pendrovac et la rébellion des ducs du nord qui assiégeaient Bolioska. Les ressources manquaient tant le domaine royal avait été amputé sous le règne d'Holiak II qui avait non seulement été saisi par des baillis et comtes opportunistes mais aussi par les donations faites par Holiak II pour se rallier des partisans : des domaines et des châteaux avaient été cédés, la perception de certaines taxes transférée à des féodaux et non au roi. Spoliosky Ier s'efforça de récupérer ce qui avait été perdu. Dès le printemps 1064, il fit vérifier les privilèges octroyés sur les domaines de la Prika et exigea la restitution des biens et des droits usurpés et mènent plusieurs campagnes jusqu'en février 1065 pour récupérer ses domaines de la Prika et restaurer dans l'ensemble le domaine royal de son père. En novembre 1065 cependant, Bolioska tombe enfin sous le contrôle des rebelles et ces derniers descendent la Prika, ralliant à eux les baillis et les comtes expropriés récemment par Spoliosky Ier. L'Eglise d'Estalie est obligée de se rallier à la Couronne pour faire face au danger, l'archevêque de Mistohir ayant peur que l'Assemblée des Grands (simple tutelle des Grands du Royaume) ne s'attaque directement aux privilèges ecclésiastiques et exproprie les terres de l'Eglise alors les plus riches du royaume. L'archevêque de Mistohir prend la tête de l'opposition et forme une coalition avec le roi, le duc de Pendrovac et le duc de Detruskia. En septembre 1066, les troupes rebelles sont vaincues à Nurakov. Fort de cette victoire, Spoliosky Ier contre-attaque et lance sa marche vers le nord, appuyé par ses conseillers les plus fiables : le connétable Gakov, le camérier Rika et son porte-parole, le logothète Adrea qui seront les trois conseillers les plus proches du roi durant tout son règne. Sur sa route, afin de provoquer des dissensions dans les duchés du nord, il promet rapidement la liberté des élections épiscopales dans les duchés du nord afin de rallier à lui le clergé local. Spoliosky Ier dût continuer à faire des concessions à l'Eglise d'Estalie afin d'obtenir le soutien des milices paroissiales, composante essentielle de ses armées : droit d'appel à l'Eglise pour les prélates, renonciation aux droits de dépouille et de régale, liberté des élections épiscopales. Le roi perdait certaines ressources ainsi qu'un moyen de pression avec les élections épiscopales, dans un royaume où les évêques étaient de puissants acteurs du jeu politique. L'archevêque de Mistohir obtenait en outre la reconnaissance de certaines propriétés ecclésiastiques ; enfin, Spoliosky Ier promettait enfin de lutter contre les hérétiques et les païens et de protéger l''Eglise contre les raids païens. En outre, l'engagement était garanti par les princes du royaume, la plupart des ducs partisans du roi étaient présents lors de la mise en place de la bulle de 1066, les laïcs avaient ici l'occasion d'affirmer leur importance politique.

    Le roi avait donc fait beaucoup de concessions mais d'un autre côté, parti de presque rien, il avait rallié à lui la plupart des princes d'Estalie, les villes, le clergé et avait repris l'initiative sur les rebelles. Il renouvela par ailleurs son alliance avec l'Empire Illageois en novembre 1066 qui va lui offrir un appui stratégique décisif, une somme de 20 000 ducats et l'avantage de ne plus dépendre uniquement de l'Eglise d'Estalie et de bénéficier d'un soutien financier de l'Eglise de Juxent. Les combats autour de Bolioska en 1066 ne lui permirent toutefois pas d'emporter la décision et ce fut seulement la victoire des Illageois sur les ducs rebelles à Bavina en 1067 qui scella le sort de la guerre. L'armée rebelle ne pesait plus rien et rapidement après Bavina, la quasi-totalité des ducs du nord vont se soumettre presque sans combats durant l'année 1067. Le duc de Nitoskiolov fera de même en 1068, lui aussi sans combattre et en levant le siège de Pendrovac.


    La façon de gouverner de Spoliosky Ier mérite que l'on s'y attarde quelque peu. Dès 1068 commencèrent ce qu'on appelle dans le règne de Spoliosky Ier les "années de voyage" durant lesquelles le roi d'Estalie va sillonner son royaume en tenant ses cours en de multiples lieux dans le but de restaurer surtout l'ordre et la paix. La situation après les guerres dont il héritait s'avérait délicate : Holiak II avait multiplié les mises en gages des terres royales afin de solder ses troupes. Spoliosky Ier fit montre de générosité après la guerre. Le duc de Pendrovac fut le premier à en bénéficier : en décembre 1068, il reçoit la confirmation des privilèges qui lui furent délivrés sous Holiak II et obtient plusieurs forteresses et le droit de ne se rendre qu'aux Diètes convoquées à proximité de ses terres. Il y avait de quoi motiver la fidélité des autres nobles. Le clergé vit ses privilèges confirmés ; le duc de Nitoskiolov reçut la forte somme de 3000 ducats en prévision des dépenses de guerre du duc pour faire face aux pillages païens venus de l'est. Cette politique se poursuivit tout au long du séjour des années de voyage. Partout en Estalie se répandit la rumeur de la générosité du roi avec laquelle il donnait aux uns et aux aytres, confirmait d'anciens privilèges ou titres de propriété, en délivrait de nouveaux, accordait sa protection et arbitrait les conflits. Il reçut partout les solliciteurs, seigneurs laïcs et ecclésiastiques, délégués des monastères et représentants des communautés urbaines. L'évêque de Bolioska obtint l'entière exploitation des mines d'argent du nord de l'Horistia situées dans son diocèse. Spoliosky Ier confirma les ambitions féodales des prélats : l'évêque de Detruskia qui venait de créer de nouvelles paroisses dans le sud du pays obtient que les domaines de l'Eglise du diocèse de Detruskia tiennent de lui l'ensemble de leurs droits (châteaux, péages, monnaies) à la manière de vassaux et lui prêtent hommage et fidélité. Le roi acceptait donc que le pouvoir territorial des évêques se renforce grâce aux liens féodaux-vassaliques. Il s'en portait garant ; ainsi, en avril 1069, il interdit qu'aucune monnaie frappée dans l'une des villes du duché de Detruskia imite celles émises par l'évêque de Detruskia. De même, en faveur de l'Eglise d'Estalie, Spoliosky Ier prohiba en 1069 la création de nouveaux péages ou de nouveaux ateliers monétaires. Il faut garder en mémoire le caractère individuel et singulier de ces décisions : ce sont la plupart du temps le fruit d'une démarche des bénéficiaires. Un privilège accordé à un monastère ou à une ville n'est pas étendu aux autres : le roi ne généralise pas ses faveurs. Le risque de cette politique était évident : combien de temps les Grands du royaume soutiendraient-ils un souverain dont le domaine et les revenus diminuaient au rythme de ses gratifications ? Il n'y avait pas vraiment d'alternative pour le jeune roi. Les privilèges octroyés n'étaient d'ailleurs pas toujours préjudiciables à l'autorité royale.

    Illustration d'une des diètes royales tenues durant les "années de voyage" (1068-1074).

    Sa politique devait à la fois assurer l'exercice du pouvoir, répondre aux nécessités matérielles d'un futur départ en croisade à l'est et satisfaire aux contraintes nées des alliances avec les princes. Il fut aidé par des conseillers de qualité (Gakov, Rika et Adrea que nous avons déjà nommés) mais aussi d'autres conseillers très souvent issus de la noblesse comtale ou de celle inférieure encore comme Justinka, nommé maréchal du royaume en 1069 et qui dirigeait le personnel de la Cour en veillant à la protection du roi et à l'équipement des troupes de l'ost. Les ministériaux royaux que va mettre en place très tôt Spoliosky Ier au sein de sa Cour fournirent nombre d'officiers fidèles, dotés de fiefs et affectés à la garde de châteaux du domaine royal. La chancellerie resta sous le contrôle de Konrad, le duc de Pendrovac, déjà chancelier sous Holiak II, et qui avait agi avec une remarquable efficacité jusqu'à là. Ces hommes aidèrent le souverain à se familiariser avec les rapports de force locaux et à mesurer les possibilités de son action.

    Spoliosky I n'oubliait pas néanmoins de rétablir et de consolider la base territoriale de sa propre dynastie, notamment au centre de l'Horistia. Il veilla à l'intégrité de ses biens et de ses rentrées fiscales ; il ne négligea non plus aucune occasion d'accroître son patrimoine. L'administration des biens patrimoniaux et du domaine royal fut améliorée, leur encadrement étoffé et confié à des hommes de qualité. Le territoire du domaine royal est divisé en circonscriptions, les officia, données en fiefs à des fonctionnaires avoués (des prévôts de fait) qui prêtent serment au roi et lui rendaient des comptes. Chargés des missions judiciaires, administratives et militaires, la garde des biens royaux (terres, villages, forêts) mais aussi des églises et abbayes placées sous la protection du roi leur incombait ; ils prélevaient diverses taxes sur les revenus des moulins, des mines, des ateliers monétaires et des marchés ainsi que de l'impôt dû par les bourgeois et les juifs. Restituant ces rentrées au roi, ils en gardaient ce qui était nécessaire à l'exercice de leur fonction. Au-dessus d'eux, placés à la tête de provinces englobant plusieurs circonscriptions, se trouvaient des procurateurs cumulant la fonction de juge avec celle de bailli territorial. En quelques années, Spoliosky Ier fut ainsi des territoires du domaine royal un solide bastion de la puissance des Skoviliosnov.

    Il prit aussi des mesures en faveur des villes. Celles-ci se répartissaient en trois catégories juridiques : celles qui relevaient d'un seigneur laïc ou ecclésiastique, celles qui s'étaient émancipées de la tutelle de leur évêque (les villes libres) et celles qui relevaient directement de l'autorité royale (les villes royales) qui lui prêtaient hommage et lui versaient l'impôt ; la plupart d'entre elles étaient situées dans les biens patrimoniaux et le domaine royal à proprement dit, encore que ce ne fût pas systématique. Il érigea des agglomérations au rang juridique de ville : dix-huit nouvelles villes royales furent ainsi créées dans le domaine royal entre 1067 et 1069, souvent en échange d'exemptions fiscales sur quelques années.

    Illustration d'époque de la ville de Mistohir.

    Il cherchera toujours à garantir la hiérarchie féodale : il autorise les confiscations de fiefs opérées par les princes aux dépens de leurs vassaux et renonce à s'emparer des biens de ces vassaux, sauf avec l'accord des princes dont ils relèvent. Les princes ecclésiastiques font ainsi écran entre leurs vassaux et le roi. En outre, Spoliosky Ier s'engageait à ne pas chercher à s'emparer des biens d'un prince décédé ainsi qu'à en défendre la transmission, en respectant la coutume en usage dans la terre. Il renonçait par conséquent à augmenter par ce biais son patrimoine ou les terres de la Couronne. Il interdit par ailleurs que l'on bâtisse des châteaux sur les terres d'Eglise et ordonne que l'on détruise ceux existant. Il vise ici nommément les avoués qui abusaient de leur fonction en transformant leurs droits d'avouerie en véritables droits seigneuriaux, ce qui était très légion sous Enrick II. Le roi, toutefois, ne s'inclut pas dans la prescription et semble donc se réserver la possibilité d'ériger ses propres forteresses dans les terres d'Eglise. Il restreignit par ailleurs la perception des droits royaux dans les lieux de réunion des diètes : c'est seulement pendant la durée de ces assemblées et dans les deux périodes de huit jours les précédant et les suivant qu'il encaisserait le montant des taxes commerciales et des revenus issus de la frappe de la monnaie. Le reste du temps, ils seraient perçus par le prince seigneur de la ville. Cette restriction dans l'exercice des droits royaux venait corriger les abus des ministériaux royaux qui les exigeaient en permanence. Désormais, le roi ne les percevrait donc plus qu'en de rares occasions. Les droits princiers assurant des rentrées fiscales (perception de tonlieux et frappe de la monnaie) sont garantis et protégés par le roi, notamment contre la concurrence de nouvelles monnaies. Spoliosky Ier renonce lui-même à installer des péages ou des ateliers monétaires à son profit sans l'accord des princes.


    Après les guerres contre les ducs rebelles, le roi doit assurer la paix et donc faire respecter le droit. Dès 1068, Spoliosky Ier oriente sa politique intérieur vers une politique de paix dans une foule d'arbitrages, notamment dans les affaires féodales, dont le règlement des édits de paix successifs que Spoliosky Ier va écrire entre 1068 et 1070 reposait plus sur la personne du roi et les coutumes que le droit en lui-même. Elle s'exerçait à l'encontre de ceux qui troublaient l'ordre public, elle venait au secours des sujets qui faisaient appel à son jugement et constituait un élément essentiel de l'action royale. Ainsi, Spoliosky Ier proclama des mesures en faveur de la paix dans un premier édit de paix en 1068 qui établit que "les monnaies injustes, les taxes injustes, les guerres civiles et toutes les injustices sont, sauf accord et conseil du roi et des princes, interdites par le roi et les princes sous peine de mort", ce que Spoliosky Ier va confirmer en novembre 1069 dans un nouvel édit qui dresse la liste des interdits et affirme la puissance royale sur l'ensemble du Royaume en faisant prévaloir le décrit écrit sur la force, fût-elle employée au service d'une cause juste. Des catégories précises de personnes sont protégées par le roi (clercs et moines, femmes, paysans juifs) dans des lieux précis (églises, villages), sur les routes terrestres ou les voies fluviales ; la poursuite et la détention d'un ennemi étaient permises à condition de ne pas s'en prendre à ses biens ; la violation de la paix était punie de mort (la décapitation frappait les homicides et les auteurs de viols ou de rapts de femmes, l'amputation de la main sanctionnait les agressions ayant entraîné des blessures). Toute une série de cas précis était envisagée (protection des biens, interdiction détaillée des actions militaires) afin d'assurer un retour à l'ordre. Un troisième édit en 1070 s'oriente vers la préservation de la paix et la lutte contre les violences illégales au moyen de sanctions sévères. Le premier article protège les clercs, les moniales, les femmes, les paysans et les marchands. La propriété est garantie : nul ne peut être expulsé de ses biens sauf à la suite d'un jugement. Les juges doivent quant à eux rendre justice dans les quinze jours.

    Illustration de la signature du Remux Augustus par Spoliosky Ier en 1071.

    Enfin, pour terminer sur la politique intérieure de Spoliosky Ier, on peut citer en 1071 la mise en place du Remux Augustus aussi nommées les assises de Mistohir dont le nom initial (en latin) s'inspire très largement de l'Empire Rémien lui-même et de sa centralisation bureaucratque. Cette forme de constitution médiévale (même si le terme de constitution est ici anachronique) instaure l'idée d'une sainteté de l'Etat, faisant de la contestation du pouvoir royal une sorte d'hérésie, le pouvoir devant se concentrer dans les mains du roi, conseillé par un gouvernement, la Curie. Le pouvoir judiciaire repose sur des fonctionnaires royaux nommés par le Roi. L'Assemblée des Grands est réformée pour devenir un Parlement où siègent les barons, les prélats et les délégués des grandes cités. Ce Parlement n'a aucun pouvoir législatif ni même de prérogatives consultatives ou de contrôle, il a simplement la charge de nommer un régent en cas de minorité du dirigeant. L'Etat est aussi rationalisé dans son fonctionnement avec une standardisation des procédures judiciaires en direction de tous les sujets estaliens, tous égaux devant la loi. Le roi nomme tous les fonctionnaires pour un an renouvelables, les justiciers ne pouvant administrer leur région d'origine. Enfin, il limite la pratique de l'usure aux seuls juifs et normalise les poids et mesures dans tout le Royaume. Les assises de Mistohir sont assez révolutionnaires pour l'époque, ces assises vont continuer à s'appliquer pendant très longtemps et seront considérées comme l'une des premières expressions de l'Etat moderne.

    Les croisades orientales (1074-1080) :

    Si Spoliosky Ier est bien connu en Estalie, ce n'est pas tant pour sa politique intérieure mais bien pour la démonstration de sa piété et son rôle dans les premières croisades orientales menées par l'Estalie dans le seconde moitié du XIe siècle. En effet, en 1074, le duc de Nitoskiolov est pris d'assaut par une coalition de duchés païens orientaux qui se sont réunis autour du Royaume de Sytalie (nom donné dans les sources médiévales pour désigner l'est de l'Estalie actuelle) dominant Fransoviac et ses alentours. Le duc de Nitoskiolov lance donc son appel à l'aide au roi d'Estalie et sous l'impulsion de l'archevêque de Mistohir, après le pillage de la riche abbaye de Nitoskiolov par les païens, et qui rappela à Spoliosky Ier sa promesse de défendre l'Eglise des hérétiques et des païens, le Roi décida de rassembler l'ost mais pas seulement. En effet, si le terme de croisade au sens strict est souvent détourné pour nommer les campagnes militaires estaliennes à l'est, on ne peut mettre sous silence le caractère très religieux de ces campagnes militaires. En effet, il est assez rare de remarquer que de façon assez exceptionnelle, l'ost royal n'était pas seulement composée des habituelles milices et des forces issues du domaine royal mais avait reçu une vive participation du reste de la vassalité féodale du royaume, y compris des grands ducs. L'explication de la récente centralisation du pouvoir et des manoeuvres de concessions fournies aux Grands ne suffit pas, selon les historiens, à expliquer cet engouement pour les guerres contre les païens. L'explication se trouve à la fois dans le domaine politique et religieux. Tout d'abord, la montée en puissance de l'Eglise dans toutes les couches de la société, y compris au sein des affaires de la noblesse, permet à l'Eglise d'imposer davantage sa volonté aux nobles, y compris aux plus puissants, pour les forcer à se battre ; sans oublier que la participation directe des vassaux à ces campagnes était non seulement un moyen pour ces derniers de se concilier avec l'Eglise mais aussi d'étendre leurs domaines féodaux à l'est du royaume et ainsi accroître leur puissance. D'un point de vue religieux, le christianisme ainsi que la création d'une forme de culture chevaleresque liée fortement à la piété religieuse avait imprégné plus largement les nobles qui étaient investis moralement de la mission de laisser de côté leurs différends entre chrétiens lorsqu'il s'agissait de combattre les païens pour protéger ses frères. Cette morale chevaleresque était alors au XIe siècle très présente dans le mode de pensée des nobles médiévaux, ce qui explique notamment la grande loyauté presque sans faille des nobles durant les campagnes de Spoliosky Ier et ce malgré les différends politiques que pouvaient avoir certains Grands du Royaume entre eux.

    La première campagne de 1074 devait principalement viser en premier lieu l'armée du duché de Suvishir qui était responsable des pillages sur le duché de Nitoskiolov. Rapidement, Spoliosky Ier franchit les montagnes à l'est de l'Horistia et descend dans les vastes plaines de l'est. Rapidement, l'armée estalienne remporte plusieurs succès initiaux contre les troupes païennes du duc de Suvishir en libérant notamment la route qui relie Nitoskiolov à Pendrovac mais rapidement, l'hiver arrive et l'ost doit prendre ses quartiers dans la ville de Nitoskiolov . Durant cet hiver, Spoliosky Ier prévoit une offensive majeure afin de défaire le duc de Suvishir dans une bataille rangée avant de foncer sur Suvishir et écraser le duché. Cependant, durant ce même hiver, les païens s'organisent et se coalisent afin de faire face à ce qui leur semble être une campagne de conquête pure et simple de toute la région. Le duc de Suvishir envoie donc un appel à l'aide au royaume de Sytalie qui envoie des contingents pour renforcer les troupes suvishiriennes regroupées dans les plaines de Krasnovich, à l'est de Nitoskiolov. Spoliosky Ier, de son côté, doit faire face à plusieurs problèmes. Son ost est assez hétéroclite, composé à la fois de milices du domaine royal mais aussi en grande majorité de contingents fournis par ses grands vassaux qui sont parfois réticents et qui ne répondent pas toujours pleinement aux ordres stratégiques du roi. De plus, les conditions hivernales du l'hiver 1074-1075 sont particulièrement rigoureuses ce qui rend difficile l'envoi de renforts supplémentaires venant de l'ouest du royaume. Enfin, si l'armée estalienne est globalement considérée comme très puissante pour l'époque (avec un usage régulier de la cavalerie lourde, une des plus redoutables d'Eurysie ainsi qu'un héritage du combat d'infanterie lourde des Slavovites qui est resté globalement dans les combats à pied en Estalie) et tactiquement supérieure, le nombre d'Estaliens n'excède pas plus de 20 000 hommes contre 30 000 du côté suvishirien qui dispose généralement de fantassins plus légers et surtout des cavaliers légers et des archers montés bien plus mobiles que les unités lourdes estaliennes.

    Spoliosky Ier guidant les troupes chrétiennes durant la campagne de 1074.

    Entre mars et juin 1075, Spoliosky Ier établit une base avancée à l'est de Nitoskiolov et recrute en masse des éclaireurs mercenaires afin de surveiller les mouvements suvishiriens tandis qu'il se charge surtout de réorganiser son système logistique qui avait été aprêment mis à l'épreuve durant l'hiver. En mai, il passe à l'offensive et engage l'armée païenne à Krasnovich. L'armée estalienne, bien que moins mobile, peut compter sur une cavalerie lourde supérieure et une infanterie bien disciplinée. La stratégie du roi estalien est don de construire des retranchements le jour précédant la bataille pour protéger ses lignes arrière et piéger la cavalerie ennemie en simulant une retraite de ses archers. Une fois l'ennemi tombé dans le piège, la cavalerie lourde estalienne profita de l'engagement trop proche de la cavalerie suvishirienne pour lancer une charge dévastatrice dans les rangs païens. A la vue du massacre de leur cavalerie, l'infanterie suvishirienne se replia mais en essayant de se replier, la cavalerie lourde estalienne les poursuivent et font un véritable massacre, Spoliosky Ier ordonnant de ne faire aucun prisonnier. La victoire est éclatante malgré des pertes estaliennes assez importantes, notamment parmi la petite noblesse sans oublier que l'étendue de la région oblige Spoliosky Ier à dégarnir son armée pour poster des garnisons dans la région orientale du duché afin de consolider l'emprise estalienne sur la zone.

    Charge de la cavalerie estalienne à la bataille de Krasnovich en 1075.

    Après la bataille, durant l'été 1075, Spoliosky Ier cherche à consolider son pouvoir royal en récompensant ses vassaux les plus fidèles en offrant plusieurs marches à l'est du duché de Nitoskiolov afin de renforcer la loyauté des grands ducs et de consolider l'emprise estalienne sur ses nouvelles conquêtes orientales. Fort de cette victoire, l'archevêque de Mistohir fait le déplacement jusqu'à Nitoskiolov afin de bénir l'ost. Cette cérémonie religieuse, symbolisant la victoire chrétienne sur le paganisme, va sérieusement motiver les troupes pour la suite des combats et va mener par ailleurs à la présence de plus en plus directe de prélats au sein même des troupes afin d'exalter la ferveur religieuse des troupes. En automne 1075, à la nouvelle de la défaite de Krasnovich, les duchés païens de Suvishir, d'Entraskiov et d'Embarstoï, craignant une conquête estalienne, s'unissent sous la direction du roi de Sytalie, Dyrus Ier. Celui-ci mobilise des troupes supplémentaires et entame des raids de sa cavalerie sur les lignes de ravitaillement estaliennes, obligeant les marches orientales estaliennes à rester en position défensive permanente et aux garnisons de protéger les routes. En novembre, Spoliosky Ier souhaite mettre hors jeu la Sytalie en prenant Velista, un fortin qui contrôle les principales routes entre Fransoviac et la plupart des duchés païens environnants. Cependant, le siège du fortin s'avère difficile dû à la guérilla incessant des défenseurs païens et des cavaliers sytaliens qui harcèlent depuis l'extérieur le camp des assiégeants. Le siège est donc très éprouvant pour les Estaliens mais le fortin finit par tomber en décembre au prix d'un hiver encore rude et d'importantes pertes.

    En 1076, Krasnovich et Velista sont certes sécurisés mais les territoires pris par l'Estalie restent instables, l'armée estalienne subissant des raids fréquents des forces païennes. Le coût de la campagne devient également de plus en plus important au fil des pertes et des soldes, ce qui oblige une levée d'impôt exceptionnelle en début 1076 qui provoque plusieurs émeutes anti-fiscalité dans le centre de l'Estalie qui seront certes réprimées par les baillis locaux mais qui obligera certains effectifs à rester en Estalie pour mater la révolte. De leur côté, les païens se sont organisés sous la houlette de Dyrus Ier qui a rassemblé une confédération militaire bien coordonnée autour de sa personne et qui vise alors à reprendre non seulement les territoires conquis mais aussi à affaiblir l'armée estalienne que Dyrus Ier sait bien trop puissante pour être affrontée dans une bataille rangée. Dès février, des raids incessants sont lancés autour de Velista où siège l'armée royale. Epuisés, l'armée estalienne doit combattre en mars 1076 les païens à la bataille de Velitsa où les avant-postes estaliens sont pris simultanément avec les convois de ravitaillement. Spoliosky Ier, craignant l'anéantissement total de l'armée, ordonne de diviser ses forces pour encercler les assaillants. Finalement, la cavalerie lourde sauve une fois de plus les Estaliens qui brisent les lignes ennemies au prix de lourdes pertes. Les troupes païennes sont ainsi repoussées mais l'armée estalienne est éclaircie par les pertes humaines et elle a de plus en plus d de mal à tenir les territoires conquis. A partir de mai, l'Eglise d'Estalie cherche à soutenir l'initiative royale en réunissant un synode à Pendrovac, ce synode établissant ainsi une structure ecclésiastique dans les territoires nouvellement conquis par la Chrétienté. Le synode établit ainsi la fondation de monastères et d'abbayes fortifiées à proximité des garnisons royales afin de contribuer non seulement à la fortification de la région mais aussi pour entamer la christianisation des populations locales, ces abbayes ayant pour objectif de réunir les dièles chrétiens et former des milices locales qui devront ainsi grossir les rangs de l'armée estalienne. En août, Spoliosky Ier décide de repasser à l'offensive et de prendre Embarstoï, ville essentielle vers la route de Fransoviac. Rapidement, le roi estalien met en place un siège prolongé en coupant les routes commerciales et le ravitaillement de la ville mais les païens utilisent des techniques défensives ingénieuses pour contrer le siège estalien, notamment des sorties nocturnes afin de détruire les machines de siège estaliennes. Après deux mois de siège, un assaut général est ordonné. Spoliosky Ier, la bannière du Christ en main, monte sur les remparts avec sa garde rapprochée et mène l'assaut en personne sur les fortifications de la ville. Les païens se battent certes avec l'énergie du désespoir mais le moral élevé des Estaliens, guidés par leur roi et alors plus nombreux que les défenseurs, permet aux Estaliens de prendre le contrôle de la ville et de piller complètement la ville. La victoire permet ainsi aux Estaliens de finir l'année sur une victoire essentielle, les païens sont complètement défaits et obligés de quitter la région qui est rapidement consolidée par les forces chrétiennes.

    En 1077, même si la victoire semble être du côté estalien, les difficultés pour les Estaliens commencent tout de même à s'accumuler et la lassitude commence à gagner le pas sur la ferveur religieuse. En effet, les garnisons estaliennes subissent de graves pertes contre les raids de la cavalerie païenne, les lignes de ravitaillement sont fragiles et doivent faire face à des raids constants de la cavalerie et à des hivers successifs particulièrement rudes qui bloquent les routes. L'Eglise, quant à elle, fait ce qu'elle peut pour ramener des renforts auprès des troupes royales en mobilisant nobles, chevaliers et milices en promettant indulgences et légitimité divine à tous ceux qui partent en croisade, même si les troupes envoyées ont un équipement et une discipline moindre que les vétérans déjà sur place de l'armée royale. Du côté païen, la perte d'Embarstoï (et la mort du duc d'Embarstoï durant le siège) sème le doute sur le leadership du roi de Sytalie sur la confédération militaire païenne. Certains duchés comme le duché de Suvishir prévoit de négocier une trêve séparée avec les Estalies pour éviter le même sort qu'Embarstoï. Cependant, à Fransoviac, Dyrus Ier est assassiné par une faction radicale alors dirigée par son fils Dyrus II, qui appelle l'ensemble des membres de la confédération à mobiliser toutes leurs forces pour expulser les Estaliens de la région. De janvier à mars, Spoliosky Ier réorganise son armée en trois forces distinctes : un corps principal dirigé par lui-même à Embarstoï qui comprend la majorité de l'armée et des éléments lourds de celle-ci ; une force mobile de cavaliers légers et de fantassins légers issues des levées et du mercenariat dirigés par le duc de Pendrovac qui sont chargés de combattre les raids païens et un détachement plus léger encore qui doit protéger les lignes de ravitaillement et qui est dirigé par le duc de Detruskia. Fort de cette nouvelle organisation, Spoliosky Ier décide de consolider ses arrières en s'attaquant au grand duché d'Entraskiov qui continue de mener des raids dans le nord de l'Estalie. L'armée estalienne doit s'avancer dans les forêts de l'Ostan pour assiéger Entraskiov mais sur le chemin de la capitale du grand duché, l'armée estalienne est prise en embuscade durant la bataille de la forêt d'Ostan. Les archers entraskioviens commettent un véritable massacre dans l'infanterie lourde estalienne et malgré la protection des armures et des boucliers, l'infanterie est clouée au sol. Surpris par cette tactique inhabituelle venant des païens, les Estaliens voient avec horreur l'infanterie entraskiovienne charger sur leurs rangs clairsemés par les flèches ennemies. Le combat au corps à corps est brutal et sanglant, l'infanterie païenne n'est pas spécialement très expérimentée et reste de moins bonne qualité mais ils sont bien plus nombreux et bénéficie de l'effet de surprise. Les combats sont d'une rare violence, les païens ne font aucun prisonnier dans les rangs estaliens. Le roi s'en sort in extremis et réussit à faire une percée dans le dispositif païen avec Gakov (qui sera tué dans la bataille par ailleurs) et à donner une porte de sortie à ce qui reste de l'armée estalienne qui, malgré des pertes affreuses, conserve les rangs et réussit à se replier en ordre. La bataille est un échec estalien retentissant : sur les 25 000 hommes présents, seuls 5000 réussissent à fuir l'embuscade. Les Estaliens sont obligés de retourner dans leurs quartiers d'hiver par la suite à Embarstoï, incapables de reprendre l'offensive. La défaite d'Ostan force Spoliosky Ier à adopter une stratégie plus défensive afin de consolider ses gains et mobiliser de nouvelles troupes après le massacre à Ostan, sentant de surcroît que Dyrus II en profitera pour lancer l'offensive sur une armée estalienne affaiblie.

    Embuscade de la forêt d'Ostan en 1077.

    A l'aube de 1078, la croisade estalienne semble avoir atteint un point critique. après quatre ans de combats incessants, les territoires conquis sont toujours instables et les raids païens, même si ceux-ci ont faiblis, continuent de harceler les garnisons et la logistique estalienne. Dyrus II continue de rallier toujours plus de partisans et utilise de grandes quantités d'or afin de payer des mercenaires venus de toute l'Eurysie orientale. Spoliosky Ier décide donc de construire de nouvelles fortifications dans les territoires orientaux, notamment des fortins et des tours de guet afin de protéger les routes commerciales et maximiser la réaction de la cavalerie légère estalienne en cas de raid sur les lignes de ravitaillement. Les abbayes fortifiées sont intégrées au réseau défensif. Spoliosky Ier réorganise également le commandement militaire et forme un conseil de guerre qui se compose davantage des meilleurs commandants afin de mieux coordonner les opérations ; il recrute davantage de mercenaires étrangers, notamment des cavaliers et des archers afin de combler les pertes et renforcer la diversité des capacités de son ost. En octobre, Dyrus II lance enfin son offensive afin d'essayer de reprendre Embarstoï. Le 18 octobre, Spoliosky Ier vient à sa rencontre à Rylas, une localité entre Embarstoï et Fransoviac. L'armée païenne est alors composée d'environ 15 000 hommes comprenant 5000 archers suvishiriens, 6000 fantassins entraskoviens (en partie de simples levées paysannes) et 4000 cavaliers sytaliens (l'élite de l'armée païenne composée principalement de la fine fleure de la noblesse de Fransoviac). En face, l'armée estalienne ne peut compter que sur 11 000 hommes dont 4000 fantassins lourds, 3000 archers et arbalétriers, 2500 cavaliers lourds et 1500 miliciens. La bataille se déroule sur une vaste plaine légèrement vallonée bordée à l'ouest d'une rivière et à l'est d'une forêt dense, ce qui permettra aux païens de dissimuler leurs troupes tandis que la plaine favorise surtout la charge de cavalerie brutale des Estaliens et leur formation défensive. Dans la matinée, à l'aube, ce sont les Suvishiriens qui entament la bataille en lâchant une pluie de flèche sur les rangs estaliens. Néanmoins, cette fois-ci, les archers et les arbalétriers estaliens ripostent et obligent les archers suvishiriens à se replier. Les entraskoviens tentent donc de lancer une attaque frontale sur les premières lignes estaliennes mais l'infanterie lourde estalienne, en formation compacte et organisée, repousse l'assaut sans problème. A midi, la cavalerie de Sytalie, alors dissimulée dans la forêt, sort de sa cachette et s'en prend au flanc droit estalien. La surprise est totale et rapidement les premières lignes estaliennes vacillent. Spoliosky Ier, en bon stratège, engage sa réserve de cavalerie lourde et mène lui-même la charge de contre-attaque contre l'élite païenne. Les cavaliers estaliens, mieux protégés, repoussent la cavalerie de Sytalie dans une mêlée sanglante. Dyrus II tente de rétablir la situation lui-même en guidant sa garde royale dans la bataille mais il échoue et est forcé de retourner dans les rangs de son armée avec ce qui reste de sa cavalerie. Le flanc droit stabilisé, Spoliosky ordonne la charge générale de sa cavalerie au centre du dispositif païen et ordonne à l'infanterie à son tour de charger. La Croix en tête du dispositif, la charge impitoyable des Estaliens fait un véritable carnage dans les rangs païens, la panique s'installe dans les rangs ennemis qui fuient en courant, laissant une poignée de cavaliers nobles lutter contre la tempête estalienne en approche. Dyrus II tente de rassembler ce qui reste de l'armée. La légende veut que ce soit Spoliosky lui-même, à la tête de la charge de cavalerie, qui aurait tué le roi de Sytalie lui-même d'un coup ferme dans le crâne. Dans tous les cas, que la légende soit vraie ou pas, Dyrus II meurt durant cette bataille, l'armée païenne est complètement écrasée et il ne restera absolument rien de celle-ci après la bataille de Rylas. La bataille va complètement disloquer la confédération païenne qui va perdre le maillon qui conservait son unité, c'est-à-dire Dyrus II. De leur côté, les Estaliens récoltent 2000 morts et 3000 blessés dans leurs rangs.

    Charge finale de la cavalerie estalienne à Rylas en 1078.

    La victoire de Rylas permet à l'Estalie de consolider son avancée durant l'année 1079 : Spoliosky Ier réussit à signer une paix séparée avec le duc de Suvishir, le roi impose la mise en place d'un impôt sur les païens présents dans les territoires conquis à la fois pour financer le recrutement de nouvelles troupes (et ainsi alléger la charge fiscale sur les Estaliens chrétiens à l'ouest) et inciter la conversion des païens pour ne plus payer l'impôt, le roi promettant une exemption fiscale aux populations se convertissant. Il enjoint l'évêque Theras de Dorsin de mener des mission évangéliques régulières dans l'est du royaume afin de convertir les populations locales. Les temples païens sont rasés et des églises sont construites dans chaque village conquis. Néanmoins, cette politique d'évangélisation brutale mène au printemps 1079 Embarstoï à se révolter. Volsyn Kren, un noble de l'ancien duché d'Embarstoï, mène plusieurs milliers d'hommes à la révolte et détruit de nombreux avant-postes estaliens. Finalement, Spoliosky Ier pourchasse lui-même Volsyn Kren et le capture en août 1079 et le fait exécuter publiquement avec la totalité des autres chefs rebelles.

    Finalement, en 1080, Spoliosky Ier remporte la dernière grande bataille des croisades orientales du XIe siècle lors de la bataille de Nuova. Le grand-duché d'Entraskiov accepte alors de mettre fin aux raids sur le territoire estalien suite à la bataille, afin d'éviter une invasion estalienne, et sont forcés de se convertir au christianisme et de laisser passer les missions religieuses de l'Eglise d'Estalie. La même année, la régence de Fransoviac (la mort de Dyrus II laissant le trône vacant, celui-ci n'ayant aucun fils, les nobles se disputent alors pour la succession du trône) envoie une ambassade au roi d'Estalie et lui propose la signature d'une paix. Le traité de Bolioska met fin aux croisades orientales définitivement. Néanmoins, malgré la gloire et le prestige sans précédent de Spoliosky Ier qui s'était alors érigé comme un champion du christianisme et comme un roi-croisé exceptionnel ainsi qu'un stratège hors pair, la fin du règne du roi va s'avérer brutale. En effet, en janvier 1081, Spoliosky Ier est subitement touché par la malaria lors d'une visite d'Embarstoï que Spoliosky Ier souhaitait alors fortifier (quitte à superviser parfois lui-même la construction des nouvelles fortifications). La malaria l'emporte le 18 Janvier 1081 à l'âge de 33 ans. A la fin de son règne, Spoliosky Ier aura consolidé le Royaume d'Estalie et la position du Roi à partir d'une situation politique relativement difficile et à travers les croisades, il mènera une nouvelle période d'expansion du Royaume. L'autorité royale s'en trouve non seulement renforcée mais Spoliosky Ier établit les bases de l'Etat moderne estalien qui va rapidement devenir un des royaumes les plus emblématiques du Moyen-Age eurysien. L'héritage de Spoliosky Ier est à la fois administratif et politique mais aussi religieux et surtout culturel, ce roi étant l'emblème même du héros chevaleresque et romantique du Moyen-Age, pieux et bon combattant qui va inspirer la littérature médiévale estalienne pendant des siècles.

    Photographie d'une représentation de Spoliosky Ier au synode de Pendrovac, cathédrale de Mistohir.
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    "On aura de cesse de dire que le Moyen-Age estalien était violent mais le règne de Palioki II fut rien de moins que la première apogée de cette violence guerrière qui marqua tant les esprits médiévaux. Il faut imaginer que l'Estalie après Spoliosky Ier était remplie de guerriers désaffairés qui, sans leur chef, n'étaient plus que simples brigands. Alors, pour ne pas se dévorer de l'intérieur, la royauté estalienne tourna cette foule sanglante vers ses voisins, solution largement viable pour l'époque."

    De la guerre au Moyen-Age ? Qui l'eut cru ?


    La régence d'Adrea et de Iaroslav (1081-1086) :

    La mort de Spoliosky Ier est un véritable drame pour le Royaume à ce moment-là : le roi, à peine âgé de 33 ans, meurt subitement de la malaria en janvier 1081 alors qu'il est au sommet de son pouvoir et du prestige que lui a rapporté sa politique réformatrice et ses victoires militaires à l'est. Au moment de sa mort, il n'a alors que deux enfants. Tout d'abord, son fils aîné, Palioki, seulement âgé de cinq ans (né en 1076) ainsi que son fils cadet, Konstantin, âgé de trois ans. Une fois de plus, l'Estalie se retrouve comme au début du règne de Spoliosky Ier sans roi majeur à la succession et doit donc laisser place inéluctablement à une régence dans l'attente de la majorité de Palioki. Constansia, la reine-mère, assume alors la régence. Cependant, Constansia savait pertinemment que comme sous la minorité de son défunt époux, les Grands ne se lésineraient pas pour accroître leur pouvoir durant cette période où la royauté est de nouveau affaiblie et bien incapable de réprimer les ambitions des grands féodaux et bien que l'apparition d'un nouveau Holiak II semblait peu probable, les conflits entre féodaux en l'absence de tout arbitrage royal rend le Remux Augustus difficile à appliquer dans les faits. Ainsi, Constansia décide de se reposer sur le logothète Adrea, ancien porte-parole du roi, qui par sa position administrative très élevée sous Spoliosky Ier, avait largement les capacités de devenir le chef d'Etat du pays de facto, bien que nominalement, la reine restait la régente. Constansia ne faisait pas entièrement confiance en Adrea, celui-ci avait ses propres ennemis de surcroît, notamment le duc de Pendrovac, Konrad, qui était devenu son rival pour l'accession au poste de régent effectif du royaume. En plus de la rivalité entre Konrad et Adrea, un troisième prétendant faisait son apparition : Iaroslav Nicas, un général de l'armée royale qui, suite à la mort de Spoliosky Ier avait repris le commandement des garnisons et des troupes royales situées dans les marches orientales. En effet, la mort du roi avait donné un regain de moral aux royaumes païens de l'est et ces derniers estimaient que le moment était adéquat pour frapper et reprendre les terres conquises par les croisades estaliennes. Cependant, les efforts de Iaroslav pour maintenir le contrôle du terrain conquis lui valut un certain respect au sein de l'armée mais aussi auprès de la population et du clergé. En avril 1082, après un an de complots entre Konrad et Adrea, Iaroslav retourne à Mistohir et accuse rapidement Adrea de ne pas financer le maintien des territoires orientaux et dénonce le logothète qui chercherait à conspirer contre lui. Il trouve rapidement un soutien auprès de l'archevêque de Mistohir qui, avec le soutien d'une bonne partie de la noblesse, réussit à faire nommer auprès de la reine le jeune général chef des armées orientales du Royaume. Adrea, pris au piège, tenta de négocier avec son rival Konrad afin que les deux unissent leurs forces pour éliminer Iaroslav, Adrea lui promettant le poste de chef des armées d'Orient si Konrad accepte. Peu susceptible d'accepter, Konrad dévoile la correspondance à Iaroslav et les deux hommes s'allient pour renverser Adrea. Celui-ci tenta de fortifier Mistohir avant l'arrivée des deux hommes et de leurs troupes mais à l'approche de Iaroslav, les troupes de la ville se soulèvent contre Adrea et ouvrent les portes de la ville. Adrea fuit in extremis de la ville et s'exile hors d'Estalie. Iaroslav est acclamé régent par ses troupes, une décision que la reine est obligée de valider pour éviter que sa propre tête rejoigne celle des soutiens d'Adrea.

    Rapidement après avoir pris le pouvoir, Iaroslav tente de consolider son pouvoir et épouse la reine Constansia en août 1082, malgré l'opposition du clergé qui voit d'un mauvais oeil le mariage : c'est le deuxième mariage de la reine et l'Eglise d'Estalie estime qu'une pénitence de deux ans est nécessaire avant qu'elle puisse de nouveau se marier. La nature exacte de la relation entre Iaroslav et Constansia est mal documentée à ce sujet : certains historiens estiment que les deux étaient amants au moment de la prise de pouvoir de Iaroslav, ce qui lui a permis de se faire accepter sans grand mal par la reine comme régent. Néanmoins, d'autres historiens estiment que Constansia était une femme qui agissait avant tout dans son intérêt et celui de ses fils, il est probable qu'elle n'ait jamais eu réellement de sentiments réels pour le jeune général qui n'était pas spécialement connu pour sa beauté ; quant à Iaroslav, il est certainement possible qu'il fut séduit par la beauté de la reine, dépeinte dans les chroniques pour sa beauté sublime. Dans tous les cas, le mariage entre Iaroslav et Constansia reste une véritable énigme pour les historiens aujourd'hui, même si la thèse du mariage politique est privilégiée par l'historiographie estalienne.

    Durant l'été 1083, Iaroslav repart vers l'est. En effet, pour lui, la guerre contre les païens à l'est était une croisade et un objectif personnel. En 1083, la situation des royaumes orientaux était peu reluisante. Le Royaume de Sytalie est empêtrée dans une guerre de succession particulièrement sanglante et le duc de Suvishir est mort au début de l'année 1083 d'une attaque cérébrale. En peu de temps, Iaroslav oblige le duché de Suvishir, affaibli par la mort de son duc et ne pouvant compter sur l'aide des Sytaliens en pleine guerre de succession, à devenir vassal et protectorat du royaume d'Estalie, Iaroslav oblige le nouveau duc, alors à peine âgé de 17 ans, à se convertir au christianisme et à accueillir un évêque dans la ville de Suvishir. Pourtant, malgré cette réussite diplomatique, Iaroslav est incapable de soumettre le royaume de Sytalie. La raison est qu'à l'ouest, la situation change et celle-ci est bien moins réjouissante. En effet, quand il s'agissait de l'ouest, Spoliosky Ier savait qu'il fallait de la diplomatie, surtout avec les très belliqueux Kartaliens mais on avait rarement vu pire diplomate que Iaroslav. Le pouvoir lui était monté à la tête, les chroniques le dépeignant au fur à mesure comme arrogant et autoritaire. Il fournit un excellent exemple de son manque de finesse en 1084 quand une ambassade arrive de Kartalie pour se voir remettre des subsides annuels accordés autrefois par Spoliosky Ier pour conserver la paix à l'ouest et permettre aux Estaliens de mener leurs croisades orientales. Ces subsides, qui étaient pourtant relativement modestes compte tenu des moyens financiers de la Couronne d'Estalie, sont refusés par Iaroslav qui s'en prend violemment aux ambassadeurs en traitant leurs compatriotes de mendiants hideux et crasseux gouvernés par un prince qui ne se vêtait que de peaux de bêtes, puis ils les fit fouetter avant de les renvoyer à Sauvadok, les mains coupés. Rapidement, il progressa et s'empara de plusieurs places fortes à la frontière avec la Kartalie mais ne pouvant trop dégarnir les garnisons orientales, il va conclure un accord avec l'Empire Tchère situé plus à l'ouest pour l'aider à soumettre les Kartaliens. Les Kartaliens ne purent résister, Sauvadok fut prise et les Kartaliens soumis. Néanmoins, une large partie de la population kartalienne va fuir la domination estalienne et migrer plus à l'ouest et fonder une myriade de principautés indépendantes et divisées. Dans ses rapports avec l'Occident, la diplomatie d'Iaroslav restait calamiteuse dans l'ensemble puisque sans s'en rendre compte, Iaroslav avait remplacé un ennemi faible et peu menaçant par un empire agressif et expansionniste à ses frontières occidentales.

    L'empereur tchère de l'époque souhaitait en effet à cette époque unir les Eglises de Juxent et d'Estalie sous l'autorité de Juxent et pour ce faire, il envoya un ambassadeur aguerri à Mistohir : Lutprand. Le rapport de Lutprand concernant sa visite à Mistohir est incontestablement un des récits les plus réjouissants qui soient d'une mission diplomatique à la cour de Mistohir, et on ne sera pas surpris qu'il n'ait eu que peu de bien à dire. Tout d'abord, il y avait la personnalité rugueuse du régent en lui-même. Lutprand était tout ce que Iaroslav détestait : un beau parleur rusé, que rendait plus dangereux encore son latin parfait et un hérétique grand teint aux yeux de Iaroslav. Pour couronne le tout, il représentait un aventurier germanique qui se faisait appeler empereur, un titre qui n'était porté que par les Rémiens aux yeux des Estaliens : c'était donc un usurpateur à leurs yeux. Lutprand n'en fut pas moins profondément blessé par la manière dont il fut reçu :

    "Le palais où nous étions relégués ni du froid, ni de la chaleur ; de surcroît, nous nous sommes retrouvés surveillés par des gardes armés. C'était si loin de la résidence du régent que lorsque nous y sommes arrivés, nous étions épuisés. Pour aggraver les choses, le vin estalien était tout à fait imbuvable, mêlé de poix, de résine et de plâtre. Nous sommes arrivés à Mistohir et nous avons attendu sous une pluie battante devant le portail jusqu'à la onzième heure. Ce n'est qu'alors que Iaroslav ordonna qu'on nous laisse entrer à pied, parce qu'il ne nous considérait pas dignes de chevaucher, et nous fûmes escortés jusqu'à la demeure misérable dont j'ai parlé, sans eau et pleines de courants d'air. Le 6 juin, je fus conduis devant le duc de Pendrovac, Konrad, maréchal de la cour, et nous nous épuisâmes en une furieuse discussion concernant vos titres. Il ne vous appelait pas "empereur" mais, quoi de plus insultant, roi !"
    Image de Lutprand devant le régent Iaroslav en 1084.

    Le lendemain, Lutprand eut sa première audience avec le régent qui alla, nous dit-il, droit au but. Iaroslav regrettait de ne pas avoir reçu ses hôtes plus courtoisement, mais au vu de la conduite de leur maître, il n'avait pas le choix. Son maître, rétorqua Lutprand, avait libéré les territoires à l'ouest de l'Estalie de la tyrannie des libertins, des prostituées et des infidèles païens ; si Iaroslav et ses prédécesseurs étaient les successeurs des Rémiens qu'ils prétendaient, pourquoi avaient-ils autorisé une telle dégradation ? Si, en revanche, Iaroslav voulait bien donner la main de Konstantin, le fils cadet de Spoliosky Ier, à la fille aînée de l'empereur tchère, plusieurs concessions étaient exigées, notamment celle de confier à l'Estalie les territoires à l'ouest de son royaume, ce que Lutprand refusa avant de partir quelques jours plus tard. Face à l'affront qu'était cette entrevue, une guerre éclata entre les Estaliens et les Tchères à partir de 1085, une guerre qui va rapidement stagner en une guerre frontalière où les sièges vont s'enchaîner, les deux armées se refusant à s'affronter sur le champ de bataille (les Estaliens étant trop peu nombreux pour supporter les pertes d'une bataille rangée et les Tchères ayant peur des troupes estaliennes réputées redoutables, même en petit nombre et face au génie stratégique de Iaroslav en tant que général).

    Il était évident, vu son caractère, ses manières et son apparence, que Iaroslav serait incapable de susciter l'affection de ses sujets. Ils détestaient la façon dont il favorisait sans vergogne les deux fractions de la société qui représentaient son propre passé : l'armée et l'aristocratie. La garnison royale dans la capitale, à ses yeux, ne pouvaient rien faire de mal ; la nuit, les rues résonnaient des jurons des soldats ivres, au point que les citoyens honnêtes craignaient de quitter leurs maisons. La fortune des puissants connut un changement plus spectaculaire encore. Naguère, quand une propriété était en vente, les propriétaire des terres voisines avaient un droit de préemption ; à présent, les propriétés en vente allaient au plus offrant, presque inévitablement à un gentilhomme riche qui voulait agrandir sa propriété. C'est ainsi que les riches devinrent plus riches et les pauvres plus pauvres ; le peuple estalien n'avait aucune raison de dissimuler son mécontentement. L'Eglise d'Estalie constituait une autre source d'opposition. Les énormes richesses des monastères choquaient la sensibilité puritaine du régent ; d'immenses étendues de superbes terres agricoles étaient en jachère à cause de la mauvaise gestion. On ne s'étonnera pas qu'il ait eu une attitude sans compromis : il interdit tout transfert de terres à l'Eglise, quelles que fussent les circonstances. Cette nouvelle édictée par le régent déclencha une tempête de protestations de la part des moines comme du clergé séculier, mais le pire était à venir : un décret institua qu'aucun nouvel évêque ne pourrait être nommé sans l'approbation personnelle du régent (et à fortiori du roi). Finalement, affectant le riche comme le pauvre, l'homme d'Eglise comme le laïc, le soldat comme le civil, arrivèrent les impositions que Iaroslav avait élevées à un niveau sans précédent pour financer ses incessantes batailles. Le mécontentement s'accrut. Le dimanche de Pâques de 1086, alors que les tournois de chevalerie étaient sur le point de commencer, une rumeur prétendit que le régent avait prévu de faire tuer au hasard une partie de la foule rassemblée pour assister au tournoi. Ce n'était sans doute nullement l'intention de Iaroslav mais plus tard, lors d'une interruption entre deux duels, quand il donna l'ordre à certaines compagnies de gardes armées de descendre dans l'arène (c'était peut-être une mise en garde, mais les simulations de batailles étaient courantes lors des tournois), la foule réagit immédiatement à la panique. Ce n'est qu'après que de nombreux spectateurs eurent été écrasés ou piétinés à mort qu'on se rendit compte que les soldats n'avaient menacés personne et que le régent était toujours dans sa loge. Deux mois plus tard, le jour de l'Ascension, alors que Iaroslav traversait Mistohir en procession après les matines, on entendit des insultes fuser de la foule ; en quelques instants, le régent se retrouva entouré d'un attroupement hostile. Comme toujours quand il était physiquement en danger, il ne trahit aucune émotion et continua sa lente progression sans regarder ni à droite ni à gauche ; mais sans sa garde personnelle, il aurait bien pu ne jamais renter vivant au palais. Le matin suivant, Iaroslav donne l'ordre qu'on fortifie le palais royal afin de le rendre complètement hermétique. A l'intérieur de cette immense enclave, il construisit ce qui ressemblait à une citadelle privée qu'il occuperait avec sa famille. Dès lors, il était clair aux yeux de tous que, pour la première fois de sa vie peut-être, le régent avait peur. Son aspect se fit plus sombre encore, sa pratique religieuse plus morbide et plus morose. Il ne dormait plus dans un lit mais sur une peau de panthère jetée par terre dans le coin de sa chambre.

    Ce qui finit par pousser les choses à bout fut le destin de la Kartalie. En janvier 1087, le prince Siméon unifie les principautés kartaliennes indépendantes restantes et se proclame roi de Kartalie, se préparant à reprendre la terre natale des Kartaliens aux Estaliens alors que Iaroslav doit lutter contre les Tchères à l'ouest et face aux brigands païens à l'est. Il nous faut à ce stade ramener le projecteur sur la reine-mère Constansia. Quels qu'aient été ses sentiments envers Iaroslav, on ne peut douter qu'elle soit tombée passionnément amoureuse de son compagnons d'armes, Konrad, duc de Pendrovac. On a des doutes sur le degré auquel le duc la payait en retour ; bien d'autres considérations que l'amour ont pu le pousser à agir comme il le fit. Mais la reine restait toujours aussi belle et la posséder ne dut pas lui paraître désagréable. Sa première tâche fut de convaincre Iaroslav qu'il s'était montré injuste envers son ancien allié, à qui après tout il devait probablement sa position. Iaroslav accepta sans hésiter de rappeler Iaroslav à condition qu'il reste dans la maison des Hôtes, à l'extérieur des murailles de la capitale et ne vienne au palais que sous invitation expresse. A l'évidence, du point de vue des amants, la situation était loin d'être idéal : mais avant peu, le duc prit l'habitude de franchir les remparts de nuit jusqu'au coin du palais où la reine l'attendait et où tous deux complotaient froidement le meurtre du régent. Il n'était plus difficile de trouver des complices. On fixa la date de l'assassinat au 10 décembre 1087. Dans l'après-midi de cette journée, les principaux conspirateurs, déguisés en femmes, pénétrèrent dans les appartements féminins du palais sous prétexte de voir la reine qui les dispersa dans diverses pièces où ils pourraient attendre sans témoins le signal qu'elle leur donnerait. L'obscurité venait tôt en ce mois de décembre et, à la nuit tombée, commença une tempête. Les conspirateurs n'osaient pas agir sans Konrad, mais pourrait-il, avec la tempête, franchir les murailles ? Pendant ce temps, il revenait à Constansia de dissiper les soupçons de son époux. Elle lui dit qu'elle avait décidé de rendre une visite rapide à deux jeunes princesses kartaliennes qui venaient d'arriver en ville. Elle n'en avait pas pour longtemps, qu'il ne ferme pas la porte de leur chambre. Iaroslav ne souleva aucune objection. Pendant un moment, il lut un ouvrage de piété et pria. Puis il enfila son cilice et s'étendit par terre pour dormir. Dehors, la tempête continuait, il neigeait beaucoup et Konrad avait du mal à franchir les murailles de la capitale. Il était presque minuit lorsque ses complices entendirent le sifflet étouffé qui annonçait son arrivée. En silence, on laissa pendre une corde à la fenêtre et, l'un après l'autre, les conspirateurs furent hissés dans le bâtiment. Un eunuque les attendait pour les conduire à la chambre du régent. Il y eut un moment d'inquiétude quand on trouva le lit vide mais l'homme montra le coin de la chambre où leur victime reposait sur sa peau de panthère, profondément endormi.

    Réveillé par le bruit, Iaroslav tenta de se lever mais un des conspirateurs le frappe violemment de son épée. Il avait visé le cou mais la victime dévia la lame qui le frappa en diagonale au visage. Couvert de sang, le régent en appela à la Sainte Vierge tandis qu'on le tirait au pied du lit sur lequel Konrad s'était assis. Il resta impassible pendant que son ancien compagnon lui reprochait son ingratitude, lui donnait de furieux coups de pied et lui arrachait cheveux et poils de barbe à pleines poignées. Quand Konrad eut terminé, ce fut le tour des autres, chacun ayant une vielle rancune à exprimer. On l'acheva enfin d'un coup d'épée au cœur. Quelques minutes après, les hommes de Konrad étaient dans les rues enneigées de la ville pour crier à chaque carrefour : "Konrad, régent et sauveur de l'Estalie !" La garde royale, l'épée à la main, arriva juste à temps pour voir la tête de Iaroslav brandie triomphalement à une fenêtre. Les hommes se figèrent sur place. Ils auraient défendu Iaroslav vivant jusqu'à leur dernier souffle ; mort, ils ne voyaient pas pourquoi le venger. Ils avaient maintenant un nouveau maître. Le lendemain, la cité était silencieuse, comme désertée : l'archevêque de Mistohir avait décrété un couvre-feu. A la tempête avait succédé une immobilité étrange, et un épais brouillard recouvrait la ville. Le corps de Iaroslav gisait sous la fenêtre d'où il avait été jeté, affreux tas recouvert de neige tachée de sang. Quand la nuit fut tombée, on le hissa dans une caisse en bois en guise de bière et on l'emporta jusqu'à l'église des Apôtres où il fut inhumé dans un sarcophage. C'était une sépulture honorable mais Iaroslav, saint et hideux, magnifique et insupportable, aurait mérité une meilleure fin.

    La régence de Konrad (1086-1092) :

    Pour la seconde fois en moins de cinq ans, la régence d'Estalie était arraché par un membre de l'aristocratie. Les deux fois, l'usurpateur, un général couvert de gloire, avait réussi grâce aux machinations de la reine Constansia dont les fils avaient étés placés sous sa protection. Entre Iaroslav et Konrad existait cependant une différence cruciale. Bien que ni l'un ni l'autre n'eussent légitimement droit à la régence, Iaroslav l'avait accepté sur invitation de la reine, Konrad l'avait conquis par la violence. L'archevêque de Mistohir, toujours inflexible, ne pouvait rejeter le nouveau prétendant mais il lui imposa des conditions que Konrad fut contraint d'accepter, et la première concernait Constansia. Il n'était pas question que Konrad devienne régent avant que la reine ne soit écartée pour ne plus jamais se montrer à Mistohir. Konrad n'hésita pas. La reine, humiliée et le cœur brisé, fut embarquée sans cérémonie dans une résidence surveillée dans les marais au sud de Detruskia. L'archevêque demanda ensuite que le régent fasse pénitence en public, dénonce tous ceux qui avaient été complices de son crime et abroge tous les décrets de son prédécesseur contre l'Eglise. Ces conditions furent acceptées sans hésitation et le jour de Noël 1086, deux semaines après le meurtre, le régent fut nommé par le Parlement, dans les faits sous le contrôle de l'archevêque.

    Peinture du XIXe siècle représentant Konrad, duc de Pendrovac.

    Comparé à Iaroslav, Konrad s'en sort remarquablement bien ; il est en effet difficile de concilier l'image du meurtrier brutal avec celle du chevalier sans peur et sans reproche dépeint dans les chroniques. Elles soulignent non seulement sa valeur mais aussi sa gentillesse et sa générosité, son intégrité et son intelligence, son courage et son panache. Elles parlent de sa beauté (cheveux blonds foncés, barbe rousse, regard clair et direct de ses yeux d'un bleu surprenant) en dépit de sa petite taille, son agilité et sa force extraordinaires. Il possédait un charme naturel qui conquérait tous les cœurs et bien que veuf, ses manières avec les femmes restaient irrésistibles. Bref, il contrastait de manière stupéfiante avec son prédécesseur dont le sombre ascétisme semblait plus sinistre encore comparé à la joie de vivre du nouveau régent. Mais la vertu qui le rendit plus cher à ses sujets fut sa générosité. Il distribua l'essentiel de sa fortune à ceux qui avaient le plus souffert des récentes moissons désastreuses. Rien d'étonnant, dès lors, si celui qui avait perpétré un des meurtres les plus horribles de l'histoire de l'Estalie devint un de ses souvenirs les plus aimés.

    Et heureusement pour lui, car après la mort de Iaroslav, le front avec les Tchères s'effondre et sans aucun mal, l'armée impériale tchère pénètre en territoire estalien et marche sur Mistohir. Konrad tenta de négocier mais il fut vite clair qu'il ne pourrait éviter la guerre. Les Estaliens avaient été confrontés à des dangers semblables dans le passé, mais les menaces les plus récentes venaient des païens orientaux dont la force restait relativement définie. Maintenant, ils étaient confrontés à une nation dont les frontières s'étendait à travers l'Eurysie centrale, englobant des peuples entiers dont on connaissait à peine les noms, et capables, disait-on, de la sauvagerie la plus horrible. Mais l'armée estalienne était prête. Cette fois, Konrad savait qu'il devait rester dans la capitale ; sa position n'était pas suffisamment assurée pour qu'il puisse se permettre une campagne à l'extérieur. Il avait une confiance absolue dans ses commandants dont l'un, Keroskov, était son beau-frère et le second, Foka, était le neveu de Iaroslav et eunuque. C'était le seul membre de la famille de Iaroslav à avoir échappé à l'exil après l'assassinat de son oncle. Les deux généraux reçurent l'ordre de ne pas livrer bataille si ce n'était pas indispensable ; peut-être que la vue de l'armée estalienne suffira à l'empereur tchère de battre en retraite. Mais l'empereur était décidé à croiser le fer. Les armées se retrouvèrent à 10 kilomètres à l'ouest de Mistohir, l'engagement commença lorsque les cavaliers montés tchères furent massacrés dans une embuscade puis plusieurs jours plus tard, une bataille féroce s'engage entre les deux armées frontalement le 15 Janvier 1087. Pour les Estaliens, ce fut un triomphe là où pour les Tchères, ce fut un massacre. C'est une armée humiliée et presque anéantie qui repassa les montagnes estaliennes, il faudra un an aux Tchères pour se remettre de cette humiliation.

    Au printemps 1087, Konrad était prêt pour le second round. Il commanderait cette fois en personne son armée au mieux de sa forme. Mais juste avant qu'il ne parte, des nouvelles arrivèrent de l'est : le duc de Suvishir, désormais majeur, se souleva contre la tutelle estalienne et rompit son lien de vassalité avec l'Estalie. Le régent agit avec sa rapidité habituelle : Konrad envoie rapidement des ambassadeurs au duc de Suvishir en lui promettant d'épargner sa vie et ses propriétés s'il se soumettait. Mais le duc refusa et marcha vers Embarstoï. Le régent n'avait plus le choix : il demanda à Keroskov de marcher à l'est avec ses troupes pour réprimer l'insurrection du duc de Suvishir. A nouveau, Konrad enjoignit son beau-frère de tout faire pour éviter de verser le sang et d'offrir à tous ceux qui se soumettraient la garantie qu'ils ne seraient pas châtiés. Keroskov ne fut que trop heureux d'obéir : Keroskov avait accepté sous la demande Iaroslav à l'époque de prendre sous sa tutelle le jeune duc de Suvishir en tant que tuteur. Ainsi, quand ses éclaireurs lui annoncèrent que le camp suvishirien était en vue, il ne tenta pas d'attaquer et choisit plutôt d'envoyer un certain nombre d'agents secrets déguisés en mendiants pour suborner les rebelles. Ils y réussirent à merveille. Chaque nuit, de plus en plus de partisans suvishiriens désertaient, et le duc finit par ne plus disposer que d'une armée de quelques centaines de combattants. Il alla sa réfugier avec sa famille derrière les remparts de Suvishir mais Keroskov le suivit et assiégea immédiatement la ville. Le duc va tenir autant qu'il put avant de conclure un accord avec Keroskov qui accorde la vie sauve à tous les habitants de la ville et une absence de pillage en échange de sa soumission, condition que Keroskov accepte. Le régent ordonne qu'on fasse prier les vœux de moines au jeune duc et qu'on l'envoie dans un monastère dans l'est du Royaume. Peu de souverains auraient traité un rebelle avec autant de clémence en Estalie.

    Juste avant la semaine sainte de 1088, Konrad quitta Mistohir pour la Kartalie. Il était d'humeur enjouée : l'empereur tchère n'avait pas réussi à lancer une attaque d'envergure et végétait toujours aux frontières avec la Kartalie. La vision du régent en armure dorée redonna vie aux hommes qui prirent la direction de Sauvadok. A son grand soulagement, les Tchères ne tentèrent pas de lui bloquer les chaînes de montagne kartaliennes, les Tchères fêtant Pâques et pensant que les Estaliens feraient de même. Le mercredi de la semaine sainte, les Estaliens surgit des montagnes surplombant les plaines au nord de Sauvadok où se trouve le camp tchère. Konrad attaqua sur le champ. La bataille des plaines de Sauvadok est furieuse et indécise. Ce n'est qu'après avoir chargé lui-même avec la garde royale que Konrad écrase le flanc des troupes tchères qui s'éparpillent en désordre, fuyant à l'ouest avec la cavalerie estalienne à leurs trousses. Quelques jours après la bataille, les cavaliers estaliens défont la garde impériale tchère et capturent l'empereur. Les deux souverains, à la demande de l'empereur, se retrouvèrent face à face et les deux hommes finirent par conclure une paix et s'accordèrent pour rétablir les anciens traités commerciaux entre leurs deux nations. Ainsi, Konrad met fin à trois années de conflit interminables avec les Tchères tout en conservant ses liens commerciaux avec l'Ouest et en conservant la Kartalie.

    Si la guerre des Trois Couronnes fut relativement courte, ce fut le seul moment de l'histoire estalienne où la dynastie des Skoviliosnov fut réellement en passe de perdre le trône au profit d'une autre dynastie prétendante. Ce n'est pas pour rien qu'une partie de la cinématographie historique estalienne reprenne cet épisode de l'histoire estalienne en long et en large, tant cette période est chargée en histoire et en enjeux pour l'avenir du pays.

    Au début du printemps 1091, Konrad lance son offensive à l'est et prend le contrôle de Fransoviac après un très court siège et après avoir écrasé sans grande difficulté les troupes de Sytalie alors longuement affaiblies par la guerre de succession ayant suivi après la mort de Dyrus II. Kersès Ier, nouveau roi de Sytalie, doit se replier à Gardinov, plus à l'est, avec les restes de sa Cour et de son armée dans un exode aussi épuisant que sanglant. Mais quand il rentre à Mistohir en fin 1091, Konrad est mourant. Nos trois sources les plus fiables accusent toutes son chambellan, Holiak. Elles nous disent que le régent, apprenant que les propriétés les plus prospères qu'il traversait appartenaient à son chambellan, ne cacha pas son intention de lui demander des explications. On rapporta ses paroles à Holiak qui prit ses dispositions. Une semaine plus tard, alors que Konrad dînait avec le duc de Detruskia, il fut empoisonné par un poison à action lente. Il eut le temps malgré tout de céder toutes ses richesses aux pauvres et aux malades et à demander à la Sainte Vierge d'intercéder en sa faveur avant d'être alité et de finalement mourir en janvier 1092 après six ans de régence. Que devons-nous déduire de cette histoire d'empoisonnement ? On soupçonnait toujours une trahison en de telles circonstances. Si Holiak avait été coupable, serait-il resté au pouvoir comme il le fit, régent d'un jeune roi ? Et quel était ce mystérieux poison, si lent à agir et pourtant si atrocement efficace ? N'est-il pas beaucoup plus probable que Konrad mourut, comme des milliers de soldats plus humbles dans les guerres en Eurysie centrale et orientale, de typhoïde, de malaria ou de dysenterie ? Oui, mais nous ne pouvons être certains. Konrad est un mystère dans la mort, tout comme il en était un dans la vie. Durant sa courte régence, il va s'avérer être un excellent dirigeant en battant les Tchères, les Kartaliens et les Sytaliens et en étendant encore davantage les frontières du royaume. Il avait été admiré tant par ses alliés que par ses ennemis pour son courage, son esprit chevaleresque, sa compassion. Sa personnalité aussi radieuse que son armure dorée nous laisse éblouis. Pourtant, elle ne peut nous aveugler au point d'effacer une autre vision, plus sombre : celle d'un pitoyable tas de chair recroquevillé au pied d'un lit tandis qu'un personnage, maigre, nerveux et d'une force immense, baisse les yeux sur lui avec mépris et le roue de coups de pied.

    Le début du règne de Poliak II (1092-1097) :

    Peinture du XIXe siècle représentant le couronnement de Poliak II en 1092.

    Avec la mort de Konrad, qui n'avait pas eu d'enfants, la voie semblait dégagée pour que le jeune fils aîné de Spoliosky Ier assume le pouvoir. Poliak avait tout juste seize ans (qui est l'âge de la majorité pour les rois d'Estalie) et son frère en avait quatorze. Tous deux auraient pu être plus dissemblables. Konstantin n'avait jamais montré le moindre intérêt pour les affaires publiques ; Poliak impressionnait tout le monde par la rapidité de son esprit et son inépuisable énergie. Il n'était certes pas un intellectuel et ne montrait aucune inclination pour l'érudition et la littérature mais restait tout de même vif d'esprit et intelligent. De plus là où les rois estaliens précédents se pavanaient dans un cérémonial flamboyant à la Cour, Poliak II réduisit l'étiquette au minimum et porta des vêtements ordinaires tout à fait inconvenants pour un roi, d'autant qu'ils n'étaient pas très propres. Physiquement aussi, il ressemblait peu à son père ni à son grand-père : il était petit et large d'épaules, avec des yeux bleu pâle et portait une grosse barbe ; ce n'était qu'en selle que ce superbe chevalier devenait vraiment lui-même. Sur un autre point néanmoins, il ressemblait à son père : il menait une vie d'une austérité assez exceptionnelle. Il mangeait peu, buvait moins encore et évitait les femmes. Il est un des très rares rois d'Estalie à ne s'être jamais marié. Dès qu'il fut couronné roi en 1092, il décida de gouverner et de ne pas seulement régner, et avec un frère cadet trop heureux d'être libéré de toutes responsabilités, cela n'aurait pas dû poser problème mais deux obstacles se dressaient sur son chemin. Le premier était son grand-oncle Holiak, le chambellan du défunt Konrad qui avait attendu depuis trente ans qu'une telle situation se produise pour prendre le pouvoir à son tour. Le second obstacle était la nature même du trône. Les rois étaient certes tenus par le principe de l'hérédité mais leur autorité était variable en fonction de leur soutien par l'armée ou la noblesse. Maintenant que trois nobles s'étaient emparés de la régence en moins de dix ans, le principe d'hérédité était devenu fragile, surtout dans l'esprit de l'aristocratie. Ne fallait-il pas réserver le trône royal à des hommes mûrs qui auraient fait leurs preuves à la guerre plutôt qu'à des petits jeunes gens qui ne s'étaient donné que la peine de naître ?

    C'est ainsi que pendant les cinq premières années du règne de Poliak II (1092-1097), Poliak II vécut en grande partie dans l'ombre de son chambellan et que, pendant huit ans, il devait défendre son trône contre deux généraux qui étaient résolus à le lui arracher. Le premier était Keroskov, qui avait été nommé chef des armées orientales par Konrad avant sa mort, et l'autre est Foka, le neveu de Iaroslav. Keroskov fut le premier à agir : seulement deux mois après la mort de Konrad et le couronnement de Poliak II, il prétend que le Parlement n'a pas exprimé son souhait de mettre fin à la régence et exige que la régence lui soit confiée et après avoir vaincu les armées royales dans l'est, il pose le siège devant la capitale à l'automne 1093. La situation était dramatique : le siège allait en faveur de Keroskov et la ville, mal défendue, était sur le point de tomber. Le chambellan Holiak retourna la situation en confiant le contrôle des armées à Foka : sa loyauté était certes incertaine mais Foka avait l'ambition d'être lui-même régent, il ne pouvait donc pas avoir Keroskov dans les pattes et accepta la proposition d'Holiak. Obligeant à lever le siège de Mistohir, les armées de Foka et de Keroskov vont s'affronter durant trois années de guerre civile entre 1093 et 1096. Au printemps 1096, Foka voyait que la situation lui devenait de plus en plus défavorable face à Keroskov et proposa au rebelle un défi singulier. Courageusement (Foka était un géant de deux mètres, très intimidant), Keroskov accepta et s'engagea avec son rival dans une joute. Soudain, Keroskov fut touché à la tête et tomba de son cheval. Il fut extirpé par ses hommes, inconscient, alors que le reste de son armée, face à la chute de son chef, déserta. La guerre s'acheva. Néanmoins, malgré la défaite de Keroskov, l'emprise de Poliak II sur le trône restait incertaine car ses deux rivaux étaient toujours en vie. Keroskov se remit très vite de sa blessure et se réfugia à Gardinov, à la cour de Kerkès Ier, tandis que Foka, plus fort que jamais, allait à coup sûr chercher à s'emparer du pouvoir. C'était pourtant un répit très bienvenu qui permit au jeune roi de se préparer à ce qui l'attendait. Pendant cette guerre civile, il se familiarisera avec le fonctionnement interne de l'armée, de l'Eglise, des monastères et de chaque ministère de son gouvernement. En 1097, il était prêt, si ce n'est que son grand-oncle Holiak se dressait encore sur son chemin. Au début, le chambellan était sincèrement attaché au jeune roi mais il commit l'erreur de continuer à le traiter comme l'enfant qu'il n'était plus. Poliak II, frustré à chaque pas, comprit qu'il devait se débarrasser de lui. Les raisons pour ce faire ne manquaient heureusement pas. La corruption du chambellan était de notoriété publique, et elle lui avait apporté une énorme fortune. Plus grave encore, on venait de découvrir qu'il correspondait en secret avec Foka. La capitale s'éveilla un matin du printemps 1097 et apprit que l'homme le plus craint du royaume avait été arrêté et exilé et ses propriétés confisquées.

    Siméon, la bataille des portes d'Estan et la guerre des Trois Couronnes (1098-1100) :

    Poliak II était enfin maître chez lui. Mais en 1098, le royaume devait affronter une nouvelle menace : Siméon, roi autoproclamé de Kartalie, avait envahi la Kartalie occupée par l'Estalie depuis 1083 avec les conquêtes de Iaroslav. Durant l'été 1098, après une série d'incursions réussies, il reprend enfin Sauvadok aux Estaliens. Apprenant la nouvelle, Poliak II se met personnellement en marche pour reprendre la ville mais avant d'atteindre son objectif, il s'arrête au milieu des montagnes kartaliennes pour attendre son arrière-garde : erreur désastreuse puisqu'elle permit à Siméon de contrôler les montagnes environnantes. Le 19 août 1098, aux portes d'Estan, un étroit corridor dans la chaîne de montagnes kartalienne, Siméon prend en embuscade l'armée estalienne. La grande majorité des soldats estaliens sont massacrés dans l'embuscade. Poliak II, qui s'était entraîné à être le souverain le plus efficace que l'Estalie n'ait jamais connu, en fut amèrement humilié mais il fut également en colère. Fuyant la bataille in extremis, il retourne à Constantinople en jurant solennellement de prendre sa revanche sur la nation kartalienne (et on verra qu'il tiendra parole).

    Dans l'esprit collectif des Estaliens, la bataille des Portes d'Estan est un des plus grands désastres de l'histoire militaire estalienne ; en revanche, dans la culture kartalienne, c'est à l'inverse un des évènements les plus mis en avant par l'historiographie et la culture kartalienne, les régimes politiques successifs s'en serviront comme propagande anti-estalienne jusqu'à la Grande Guerre d'Estalie.

    Les nouvelles de la bataille parviennent rapidement à Gardinov où Keroskov est alors persuadé que le trône est enfin à sa portée. Avec des hommes, de l'argent et des provisions forunies par Kerkès Ier, il retourne en Estalie en septembre 1098, prend aisément Fransoviac et s'y proclame roi d'Estalie. Il réussit sans mal à provoquer la sédition de la noblesse orientale : les marches orientales se joignent à Keroskov, le duc de Suvishir et d'Entraskiov le rejoignent. Pour la plupart des nobles militaires orientaux, l'armée royale était leur chasse gardée ; sans un des leurs aux commandes, la tragédie des portes d'Estan était logique, preuve indubitable que l'on aurait jamais dû leur retirer la couronne des mains. Mais à qui pouvaient-ils la remettre ? Keroskov se rend rapidement compte que parmi les partisans qui l'ont rejoints, la majorité sont davantage favorables à Foka qu'à lui-même et conscient de ce soutien, Foka proclame à son tour sa prétention au trône d'Estalie, s'emparant des duchés de Pendrovac et Nitoskiolov en octobre 1098. Des deux prétendants, il était désormais le plus fort mais il ne pouvait se permettre d'avoir Keroskov lui marchant sur les talons. Il proposa alors à Keroskov de se partager le royaume en deux : la partie occidentale, l'Horistia, reviendrait à Foka et la partie orientale, nouvellement conquise sous Spoliosky Ier, reviendrait à Keroskov. Keroskov accepta et se jeta dans le piège dans une entrevue avec Foka. Foka le fait arrêter durant l'entrevue et le fait emprisonner. C'est le fils de Keroskov, Bardan, qui prend alors la relève de son père mais conscient que toute offensive de sa part pourraiit pousser Foka à exécuter son père, Bardan reste inactif. Foka lança donc son offensive à partir de novembre sur deux fronts, visant ainsi Mistohir afin de mettre hors jeu Poliak II d'un côté tandis qu'une autre partie de son armée doit s'emparer de Fransoviac pour éliminer Bardan le plus vite possible et ses soutiens sytaliens.

    Poliak II garde la tête froide. Il avait désespérément besoin de l'aide de l'étranger et cette aide ne pouvait venir que des Tchères. Les Tchères, en échange d'une renégociation des traités commerciaux en leur faveur, acceptèrent de prêter main forte au roi estalien, envoyant près de 6000 hommes équipés en renforts. Cependant, le temps que les troupes tchères arrivent, Poliak II devait temporiser : les Tchères étant en guerre, l'arrivée des troupes serait pour l'année prochaine. Il devait tenir autant qu'il pouvait d'ici là, menant principalement une politique de terre brûlée afin de ralentir l'avancée des troupes de Foka. Finalement, en décembre 1099, les troupes tchères entrèrent dans la capitale estalienne et Poliak II prit le commandement de ses nouvelles troupes venues de l'ouest, traversa la Prika et attaqua par surprise le camp retranché de l'armée de Foka. Les soldats de Foka, réveillés en sursaut, sont impuissants. Leurs assaillants firent virevolter sans pitié épées et haches jusqu'à ce qu'il soient dans le sang jusqu'aux chevilles. Rares furent les soldats de Foka qui sauvèrent leur vie. Trois sous-officiers furent livrés au roi : pour l'exemple, il en fera pendre un, empalera le second et crucifiera le troisième. C'est à ce moment de faiblesse de Foka que Keroskov réussit à fuir sa prison et réussit à rejoindre Fransoviac et lève le siège de la ville menée par Foka lui-même. En mars 1100, Poliak II envoie son frère Konstantin à la tête d'une armée afin de profiter de la faiblesse de Foka et de sa défaite à Fransoviac peu de temps après pour prendre Pendrovac. C'est l'unique fois où Konstantin, ce prince inconsistant, mènera une armée sur le champ de bataille, Poliak II devant de son côté s'emparer d'Entraskiov au nord aux fidèles de Keroskov. Le 13 avril, les troupes de Poliak II ne sont qu'à quelques kilomètres à l'ouest d'Entraskiov où Keroskov s'est dépêché de mener lui-même son armée pour défendre le duché. La bataille d'Entraskiov d'avril 1100 est un massacre pour les rebelles : la cavalerie royale disperse les troupes rebelles, la plupart sont tués tandis que le reste fuit dans les zones boisées environnantes. Ce n'est qu'après de grandes difficultés et après avoir frôlé la mort plusieurs fois que Keroskov réussit à rallier les survivants de son armée. Il tenta donc de contre-attaquer avec le reste de son armée lorsque l'armée de Poliak II se réorganise après les combats. Cependant, la charge des cavaliers qui lui restent est impitoyablement écrasé par les archers royaux et Keroskov lui-même prend une flèche dans l'oeil, tombant rapidement de son cheval et meurt quelques minutes plus tard, ses hommes sont incapables de l'extirper du champ de bataille ravagé par les nuées de flèches. Il sera retrouvé mort par la suite par les soldats royaux. La nouvelle de la mort de Keroskov à Entraskiov finit de désintégrer son camp : son fils est trahi par ses partisans et livré à Foka qui l'exécute de sang-froid mais Foka ne peut éviter que l'armée sytalienne réinvestisse Fransoviac et reprenne la ville.

    Foka est le dernier prétendant restant. Sauf que Foka se faisait vieux, sa vue baissait et ses chances de remporter la guerre étaient minces. Poliak II lui proposa un compromis particulièrement généreux que Foka va accepter immédiatement. Foka et Poliak II vont se rencontrer une dernière fois durant l'été 1100. Poliak engagea la conversation en demandant conseil au vieil homme : comment pouvait-il se protéger contre une autre révolte des puissants ? Foka lui recommanda de leur tenir la bride serrée, de les taxer au maximum, de les pressurer financièrement et de les persécuter délibérément et injustement ; ils seraient alors bien trop préoccupés pour nourrir tout projet d'ambition personnelle. Toute sa vie, Poliak se souvint de ces paroles.

    La guerre contre les Kartaliens :

    Le Royaume était enfin en paix, l'autorité de Poliak II dans le Royaume était devenue incontestable et Poliak II s'attela rapidement à rétablir les lois et les règlements que son père avait promulgué au cours de son règne. Néanmoins, la guerre reprend rapidement au printemps 1102 lorsque sa nouvelle armée, qu'il avait lui-même entraînée et renforcée, lança une nouvelle campagne en Kartalie afin de se venger de l'affront des portes d'Estan quatre ans plus tôt. Néanmoins, Poliak II n'était pas spécialement partisan des grandes batailles décisives : il prenait des places fortes une à une, cherchait à prendre le contrôle des routes, souvent sans combattre, mener des embuscades contre le ravitaillement ennemi et placer des garnisons pour consolider sa position. Pour Poliak II, le succès dépendait d'une organisation sans faille, l'armée agissant comme un corps unique parfaitement ordonné. Même lors des batailles rangées, il mettait en ordre une armée extraordinairement disciplinée pour les standards médiévaux, interdisant à ses hommes de briser les rangs et punissant tout acte héroïque individuel de démobilisation immédiate. Les soldats estaliens se plaignaient régulièrement des inspections régulières du roi mais ils lui faisaient confiance parce qu'ils savaient que leur roi ne les mèneraient jamais dans une opération sans être certain de la victoire. Dans de telles circonstances, l'avancée en Kartalie était lente mais sûre. Néanmoins, Siméon aussi avait une carte à jouer : il était chez lui. Tôt ou tard, Poliak II devrait s'occuper d'un autre front et ce sera alors au tour des Kartaliens de reprendre le territoire perdu. Et en effet, au printemps 1106, le duché de Suvishir est envahi par le royaume de Sytalie, désireux de rétablir sa domination régionale sur les territoires conquis par Spoliosky Ier. Mais bien que le roi ait préfér prendre son temps en Kartalie, il était aussi capable d'une vitesse surprenante. Il rentra à bride abattue à Mistohir avec autant d'hommes que possible, mobilisa autant de réservistes qu'il put afin de constituer une armée assez large de 40 000 hommes afin de repousser les Sytaliens à l'est. La solution pour la rapidité de son armée était sans précédent dans l'histoire estalienne : il fournit des montures à toute son armée. Chaque soldat reçut deux mules, une pour lui et une autre pour son équipement. Ainsi, en fin avril 1106, il aligna 17 000 hommes en armes prêts à combattre face aux troupes sytaliennes qui faisaient le siège de Suvishir, le trajet depuis Mistohir ne durant que seize jours. Une semaine supplémentaire aurait sûrement suffi aux Sytaliens pour prendre la ville mais Poliak II arriva à temps et sauva celle-ci, l'armée estalienne étant supérieure en nombre et écrasant dans le dos les troupes sytaliennes qui fuient en désordre vers Fransoviac. Quelques jours plus tard, il part au nord, saccage la région de Fransoviac et laisse derrière lui un vaste champ de désolation puis il rentra à la capitale.

    Sur le chemin du retour, il prit le temps d'observer la campagne qu'il traversait. C'était sa première visite en Estalie orientale depuis son enfance et il fut horrifié par la splendeur des domaines édifiés par les puissants sur les terres qui appartenaient légalement soit à la couronne royale soit aux communautés villageoises locales. Bon nombre de ces personnages nobles commirent l'erreur de le recevoir en grande pompe et cet étalage de richesse le rendit furieux. Le 1er Janvier 1107, une novelle royale déclare que toutes les prétentions territoriales, pour être valides, devaient remonter au moins à 1081, c'est-à-dire à la mort de son père, bien conscient que c'est durant la période de la régence et dans les années qui ont suivis la mort de son père que les puissants ont accumulés le plus de terres. Toutes les propriétés acquises depuis cette date devaient être immédiatement rendues à leur propriétaire précédent ou à sa famille, sans compensation ni paiement pour quelque amélioration que ce soit. Même les décrets royaux, y compris ceux signés par Poliak lui-même, ne pouvaient être admises comme instruments de défense. Quant aux dons accordés par son grand-oncle, le chambellan Holiak, ils étaient automatiquement annulés et considérés comme inexistants, à moins d'avoir étés validés de la main même du roi. Pour l'aristocratie estalienne, les conséquences furent calamiteuses, perdant la plupart de leurs grands domaines à l'est, certaines familles nobles sont réduites à l'état de mendicité et d'autres au stade des simples paysans qui els servaient naguère ; mais à ces paysans ainsi qu'aux petits propriétaires locaux qui constituaient traditionnellement la colonne vertébrale des levées des armées royales, la voie était ouverte pour qu'ils reprennent les terres de leurs ancêtres.

    En 1114, Poliak II reprend enfin le conflit en Kartalie, Siméon ayant entre temps réussit à reprendre une partie importante des territoires perdus durant la première campagne. Néanmoins, la Haute-Kartalie reste occupée et maintenant, Siméon doit faire face à un ennemi qui se déplace aussi vite que lui, ne lui permettant plus de prévoir des embuscades ou de procéder à des attaques surprises face à une armée qui semblait par ailleurs indifférente aux conditions météorologiques parfois extrêmes de l'Eurysie centrale autant en été avec la canicule qu'avec les tempêtes de neige de l'hiver. En 1114, Poliak II franchit les montagnes kartaliennes afin de s'emparer de Sauvadok une bonne fois pour toutes. Siméon n'a d'autre choix que de le confronter à la sortie d'un des défilés par lequel passait l'armée estalienne, le défilé de Resbalo, qui était le chemin le plus direct vers Sauvadok depuis l'Estalie. La bataille de Resbalo est pourtant assez brève : les Kartaliens sont rapidement défaits par une charge massive de la cavalerie lourde estalienne, l'infanterie kartalienne panique et s'enfuit à l'approche de la chevalerie estalienne. La bataille lui permit cependant de capturer une large partie de l'armée kartalienne. Aux prisonniers, Poliak II leur réserve un châtiment terrible : il va couper les mains de la quasi-totalité des soldats prisonniers, couper les jambes de la moitié d'entre eux et forcer l'autre partie à traîner leurs camarades sans jambes avec des cordes attachées aux avant-bras, les officiers ont les yeux crevés et sont marqués au fer rouge du symbole de la Couronne d'Estalie. Puis il renvoie tout ce beau monde à Sauvadok. A la vue de son armée affreusement mutilée, Siméon aurait eu une crise d'apolexie et serait mort deux jours plus tard. Malgré la mort de Siméon, les Kartaliens vont se battre pendant quatre ans. Il faudra attendre février 1118 pour que les troupes estaliennes prennent enfin Sauvadok, réduisant à néant la résistance kartalienne après quatre ans de guerres et surtout de massacres, Poliak II se montrant impitoyable envers la population et menant de nombreux massacres face aux Kartaliens, au point où les Kartaliens en seront traumatisés (dans le langage kartalien, dire qu'on "a la Poliak" signifie qu'on est animé d'une soif de sang démesurée ; de même, Poliak II a tellement traumatisé les générations futures kartaliennes que celui-ci est rentré dans le folklore kartalien comme un dévoreur d'enfants (bien qu'on n'ait strictement aucune preuve de telles accusations)).

    La cruauté de Poliak II après Resbalo est tristement plus connu que la bataille elle-même ; elle est l'archétype de ce Moyen-Âge estalien comme l'imagine la culture populaire aujourd'hui : cruelle, sanguinaire et très violente. Cette bataille est probablement celle qui a forgé le mythe de la violence médiévale par excellence.

    A la guerre, Poliak II s'était montré impitoyable et cruel. Dans la paix, il se montra néanmoins modéré et compréhensif. Les Kartaliens n'étaient pas ses ennemis mais ses sujets, et en tant que tels méritaient des égards. On maintint en Kartalie les impôts délibérément bas, et il devint loisible de les régler non pas seulement en or mais aussi en nature. L'Eglise de Kartalie, indépendant de celle de Juxent et d'Estalie, fut intégrée à l'Eglise d'Estalie, le patriarche kartalien de Sauvadok est rétrogradé au simple statut d'évêque mais il reste néanmoins autonome des directives de l'archevêque de Mistohir, sa nomination reste une prérogative royale. L'aristocratie kartalienne, loin d'être purgée, est intégrée à la hiérarchie estalienne, tant sociale qu'officielle ; plusieurs de ses membres reçurent des postes importants, et les autres ne créèrent pas d'ennuis.

    Malgré la fin de la guerre en Kartalie, Poliak II ne se reposa pas sur ses lauriers : il continua de mener de nombreuses guerres à l'est pour consolider son emprise, établir des garnisons et des places fortes contres les raids des Sytaliens. Son énergie n'était pas amoindrie et il organisait même activement une future guerre contre l'Empire Tchère à l'ouest pour s'emparer de l'actuel Trangoskovir mais il meurt subitement en Noël 1125 à Mistohir à l'âge de 49 ans avant de pouvoir débuter son expédition. Il avait été un phénomène, lui qui sans efforts avait dominé l'Eglise et l'Etat, grâce à sa capacité à associer la vision stratégique d'un grand chef de guerre à l'attention méticuleuse qu'un sergent instructeur porte aux détails, il s'était avéré être un des plus brillants généraux que l'Estalie ait connu. Plus remarquable encore est le fait qu'en dehors de ce qui devait inévitablement entourer un personnage royal, il n'attachait aucune valeur au prestige. Ses campagnes n'entraînaient aucun coup de tonnerre, aucun éclair. Sous son commandement, l'armée ressemblait au flot de lave sortant d'un volcan et qui avancement lentement mais inexorablement. Après son humiliation de jeunesse aux portes d'Estan, que jamais il n'oublia et dont la guerre contre les Kartaliens eu un sens, fut une longue revanche ; il ne prit que peu de risques, et ne déplora que peu de pertes. Mais bien que ses soldats lui fissent confiance, jamais ils ne l'aimèrent. Personne ne l'aima jamais. Le trône d'Estalie ne fut jamais occupé par un homme plus seul, et ce n'est guère surprenant : Poliak était laid, sale, grossier, rustre, philistin et d'une cruauté presque pathologique. Bref, il était profondément éloigné de l'image chevaleresque dont on se fait d'un roi, surtout si on contraste avec son père qui était le parangon parfait de la vertu chevaleresque du Moyen-Âge. Seule la grandeur de son royaume comptait pour lui. Il n'est pas étonnant qu'entre ses mains, l'Estalie atteint une véritable période de prospérité malgré les guerres. Sur un plan seulement, il échoua : il ne laissa pas d'enfants. Bien que son attitude envers les femmes reste un mystère, n'aurait-il pu se forcer à prendre épouse et engendrer un fils ou deux, pour le bien du Royaume ? Mourant sans succession, il en assurait virtuellement le déclin.
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    L'économie et la société médiévale estalienne (I):

    Représentation du XIe siècle montrant des paysans estaliens en plein labourage.

    Cet article est une annexe de la trame historique de la section historique de l'Université Nationale de Mistohir. Compte tenu des informations complexes et nombreuses du domaine traité, il est possible que cet article soit modifié ou soit sujet à des ajouts de nouveaux chapitres au fil des ajouts des historiens (au fil de mon inspi quoi).


    Si l'histoire des règnes et les grandes lignes de l'Histoire estalienne est intéressante et constitue le cœur du travail de l'Université Nationale de Mistohir, il est aussi nécessaire pour les lecteurs et apprentis historiens de connaître également les fondements de cette société médiévale qui a énormément évolué et dont les fondements ont étés au cœur de l'identité estalienne naissante entre le VIIIe et le XIIIe siècle. Ces 500 ans d'intervalle entre la fondation du Royaume d'Estalie et la fin du Moyen-Âge classique au XIIIe siècle. Nous devons donc comprendre comment, durant cette intervalle, la société estalienne s'est formée et surtout comment l'économie féodale de l'époque pouvait fonctionner.
    I/ Nature de l'économie estalienne.

    Une économie originale :

    Du fait du manque de sources en particulier quantitatives, il existe peu d'ouvrages synthétiques ayant pour objet d'étude l'économie estalienne de cette période alors qu'on en compte un grand nombre pour l'économie slavovite par exemple. En effet, toute étude de l'histoire de l'économie estalienne pose le problème de l'Etat et la place qu'il occupe dans l'organisation du marché et de l'économie. Dans un monde médiéval où l'Etat est souvent absent ou rêvé, la situation estalienne propose aux historiens un objet d'étude pour ne pas dire "exotique" dans le sens où l'Etat joue un rôle par l'intermédiaire du roi et de son administration. A la différence de l'Occident eurysien, où des canonistes et des spécialistes s'intéressent à l'économie, les intellectuels estaliens s'intéressent peu à la question et leurs idées se déduisent plus qu'elles ne s'expriment. Malgré tout, ils placent leurs conceptions de l'économie dans un cadre classique marqué par deux influences : un idéal antique d'autosuffisance inspiré des Rémiens (autourgia en grec) et ceux tirés des écrits patristiques chrétiens de la charité et du juste prix. Ainsi, depuis la christianisation de l'Estalie, les Estaliens considèrent l'activité du laboureur comme une activité normale, saine et naturelle alors que celle du grand propriétaire peut entraîner ce dernier vers l'avarice et la cupidité. La vertu chrétienne donne au labeur du paysan et de l'artisan la faculté de transformer l'argent plutôt mal vu en un argent bien acquis. Pour le marchand, le risque pris a le même pouvoir. La richesse peut même être méritoire si le riche l'utilise pour rendre service aux autres, qu'il loue sa terre ou qu'il prête son argent avec intérêt. Les juristes du XIIe siècle assuraient notamment que le prêt à intérêt est légitime car il est vu comme un partenariat entre l'emprunteur et le prêteur dont l'intérêt est la part des bénéfices. Tous les intellectuels se rejoignent pour condamner le seul argent mal acquis : celui qui est issu des exactions des nobles et pire que tout, celui acquis par les fonctionnaires qui abusent de leurs pouvoirs.

    La définition et la description de l'autosuffisance et l'autarcie(samoukupniste en haut-estalien, les deux termes ont la même signification dans le vocabulaire) sont les autres apports théoriques des penseurs estaliens, pour autant qu'ils y pensent. Kekaumov, un aristocrate du XIe siècle souvent cité, pose comme modèle une gestion de domaine qui "assure une abondance de blé, de vin et de toutes choses d'autres, semences, réserves" ; pour ce faire, le propriétaire doit planter des arbres de tout type et acquérir du bétail. De même, il ne doit être ni emprunteur, ni prêteur. Mais pour l'aristocrate, il reste un levier dont les autres sujets du roi ne disposent pas : il peut toujours obtenir du roi une fonction avec les salaires et les privilèges qui en découlent. Toutes ces conceptions semblent placer le propriétaire, grand ou petit, hors du marché et de ses activités. Cependant, même Kekaumov indique que ce n'est pas entièrement vrai puisque, quand le propriétaire veut acheter quelque chose, il lui manque toujours l'argent. En fait, il s'agit d'une autosuffisance alimentaire fournissant le nécessaire, tempérée par l'achat de produits de luxe, de marchandises non essentielles et de domaines fonciers.

    Mais aux Xe et XIe siècles, la gestion des grands domaines monastiques montre que cette samoukupniste n'est pas aussi sclérosante qu'il y paraît. Dans sa novelle de 965, Portisky III exige des monastères qu'ils participent à l'économie d'échange et surtout qu'ils deviennent enfin rentables ou pour le moins assurent l'équilibre. A la fin du Xe siècle, le moine Antanov de Bolioska (une des plus grandes figures du monachisme oriental), recevant de la part du roi des capitaux énormes, rompt apparemment avec l'exigence morale de la samoukupniste : il décide des investissements énormes (moulins, adductions d'eau sur plusieurs kilomètres), tout en multipliant les références à la samoukupniste dans les prières de son monastère. Ses successeurs restent fidèles à cette pensée en devenant, au milieu du XIe siècle, des commerçants très avisés qui écoulent leurs productions sur le marché de Mistohir. La pensée chrétienne apporte sa pierre à l'équilibre, amenant toute une série de définitions, celles du "juste prix" et de la "juste valeur". La définition du "prix" présuppose une transaction alors que la "valeur" sous-entend une évaluation. Le prix, donc, est le fruit de l'accord des deux contractants et correspond au résultat de la loi de l'offre et de la demande. Il peut également être imposé ou seulement régulé par l'Etat, bien que nous n'ayons aucun exemple de "maximum". Le seul exemple approchant est celui du prix de la terre qui est fixé par l'Etat d'après la coutume locale : la valeur fiscale de la terre est le fruit d'un prix administratif modifié par l'évaluation du marché. Néanmoins, la liberté des prix semble une des lois intangibles du commerce estalien, du moment qu'ils sont fixés après une négociation d'où la ruse ou la contrainte ont été exclues. Cela ne signifie pas nécessairement une franchise absolue mais ce qui doit être évité ou réprimé, c'est le velichesnibiti, "l'énorme préjudice" pour le vendeur, condition suffisante pour annuler un contrat à l'époque. Ainsi, la négociation, bien que libre, s'appuie sur des bases morales et sociales pour éviter les dommages "extrêmes". L'Etat a pour mission de tempérer les effets de la dureté des temps, tout en affirmant que le profit est légitime et qu'acheter le moins cher possible est humain.

    Etat et économie :

    Tout le débat de l'économie estalienne est bien évidemment dominé par la figure royale : quelle que soit la période, tous les chroniqueurs sont émerveillés par la richesse royale qui semble parfois inépuisable. En effet, sous la plupart des rois, on compte en moyenne des versements en or et en produits de luxe de la part des rois estaliens envers les pays étrangers afin d'acheter la paix qui se comptent à 2 tonnes d'or par an. Cette richesse semble se maintenir même au XIIe siècle malgré les guerres et si on sait effectivement que les rois commencent à avoir des difficultés de trésorerie à la toute fin du XIIe siècle, ce n'est qu'au milieu du XIVe siècle que ces difficultés financières commencent réellement à poser de sérieux problèmes aux rois estaliens. Le débat historiographique à ce sujet n'est pas tout jeune et remonte à 1935. Dans les années 50, les économistes ont cherché à établir une typologie des économies ; ils ont utilisé l'Etat et ses interventions comme des critères et ils se sont intéressés au cas médiéval estalien : il est certain que le roi et son administration parviennent à maintenir une présence et un rôle dans l'économie . Ils sont plus présents et plus efficaces que les autres pouvoirs chrétiens ouest-eurysiens lorsqu'ils tentent de contrôler les autres agents économiques. Cela commence dès le Xe siècle avec le développement d'une législation et d'une réglementation sur le marché (Livre des Listes des Impôts). Pour le dire simplement, tout repose sur le maintien de la fiscalité, souci constant du roi : les richesses en nature et en monnaie qu'il tire sont réintroduites dans les circuits économiques. C'est encore plus vrai avec l'exigence du paiement en monnaie de l'impôt dès le VIIIe siècle sous Estan le Grand, il sert avant tout à financer les officiers de l'armée et les membres de l'administration. Ensuite, ces sommes retournent sur le marché et favorisent les échanges commerciaux monétarisés. Cette politique a des conséquences qui vont au-delà des échanges commerciaux, ainsi toute l'économie du Royaume est transformée par cette exigence royale d'un impôt payé en monnaie.

    De cette politique découle une série de problèmes annexes : cette politique royale est-elle volontaire, ou est-ce un "développement collatéral" de la nécessité de financement de l'armée ? Le manque de sources, bien souvent, laisse la question sans réponse. De plus, le roi n'est pas le seul à agir de cette manière, il existe autour de lui des élites jouant le rôle d'agents économiques qui fonctionnent de la même manière avec leurs sujets, les Grands du Royaume en premier lieu. L'Eglise profite aussi des mêmes atouts que l'Etat et, hormis la monnaie, obtient des revenus fiscaux ou parafiscaux, profite des structures étatiques et utilise le même personnel. La situation est identique pour les élites laïques, même si c'est moins net et surtout plus discret dans les sources. D'un point de vue historiographique, ces notions impliquent des visions assez tranchées de l'économie médiévale estalienne. Certains historiens, aujourd'hui dépassés, faisaient jouer à l'Etat tous les rôles : il organisait tout dans l'économie, préfiguration d'une centralisation économique qui serait l'écho de la centralisation politique. Il doit être possible de trouver un compromis entre l'omniprésence et l'absence totale de l'Etat de la scène économique. Il faut chercher la réponse ailleurs et ne pas oublier que la vision des historiens dépend des sources dont ils disposent et du massage qu'ils délivrent volontairement ou non.

    II/ La société estalienne.

    Les bases de la société médiévale :

    Selon les estimations des historiens, la population de l'Estalie médiévale du XIIe siècle oscillait entre 7 et 8 millions d'habitants. Au sommet se tenait évidemment le Roi et la famille royale, toujours plus nombreuse avec de nombreuses branches cadettes ; puis venaient tous les serviteurs de la Couronne, la Cour ou l'administration royale de Mistohir que l'on nommait plus communément la droujina. Cependant, cette droujina n'était pas complètement unifiée en une seule classe aristocratique, elle était en réalité divisée entre une droujina aînée (les Grands du Royaume et les hautes fonctions administratives) et la droujina cadette (les petits seigneurs, les postes administratifs secondaires, les courtisans). Bien entendu, cette vision aristocratique de la droujina va changer au fil des siècles et relativement s'unifier progressivement avec la centralisation progressive du pouvoir royal pour s'unir autour d'une seule classe de nobles et de seigneurs. On peut aussi citer la bourgeoisie, qui fait son apparition réelle au début du XIIe siècle à Mistohir et que l'on nomme les lioudi. Avec l'augmentation de l'importance des villes dans l'économie estalienne, notamment de la capitale, cette classe sociale va évidemment prendre de plus en plus de poids sur le plan économique et politique au fil du Moyen-Age estalien. Enfin, on retrouve le gros de la population, les smerdy, désignation qui regroupe tous les gens du peuple, majoritairement paysans et ruraux (soit 90% de la population estalienne). Il faut noter que leur statut est ambivalent en fonction de la période médiévale et du siècle : au départ, en grande majorité, les paysans estaliens étaient majoritairement des hommes libres et petits propriétaires indépendants de l'emprise de leurs seigneurs mais par la suite, le Kripak va prendre de plus en plus d'importance au fur à mesure que l'aristocratie va renforcer son emprise sur l'économie et donc sur les paysans. Les raisons de l'extension du Kripak ne découlent pas uniquement du renforcement aristocratique, il arrivait fréquemment que la liberté des paysans soit réduite à cause de leur incapacité à rembourser des prêts consentis par le maître des sols.

    Les gens d'Eglise constituaient un groupe à part : il comprenait un clergé séculier, qui pouvait se marier et avoir des enfants, les moines et les nonnes, et tous ceux qui, à titre divers, étaient au service de l'Eglise d'Estalie. Cette base de serviteurs de l'Eglise gérait les hôpitaux et les hospices, faisait la charité, s'occupait de l'éducation et bien sûr des activités religieuses à proprement dites. On pouvait noter que parmi les serviteurs de l'Eglise, on comptait également une classe bien spécifique que l'on nommait les izgoï, souvent des serfs du Kripak affranchis par leur seigneur ou par l'Eglise et qui étaient destinés souvent à travailler les champs des propriétés ecclésiastiques et des monastères à la place des moines et des hommes d'Eglise. Ils étaient donc au service de l'Eglise.

    Le développement de l'aristocratie :

    Le grand médiéviste Ogorksy a tenté de décrire la mise en place de l'aristocratie méso-estalienne dans toute une série de travaux en 1983. Il en avait une vision pessimiste : vus comme une série d'exploiteurs, les nobles estaliens sont la cause des crises du XIVe et XVe siècle à tous les points de vue. Sur le plan économique, ils seraient la cause de la ruine du système rural en mettant à bas une organisation mise en place au VIIIe siècle et considérée comme idéal par le médiéviste socialiste qu'était Ogorksy. Sur le plan politique, la faiblesse des rois avant Enrick II au XIe siècle fait du pouvoir royal un enjeu de luttes entre clans aristocratiques. Cette forte thèse est rapidement remise en cause, nuancée et critiquée dès les années 80. Il est donc nécessaire de réétudier le lien "évident" entre la crise de la société estalienne et l'affirmation de l'aristocratie. Il est indispensable de séparer l'idéal social estalien (l'absence de médiation entre le roi et ses sujets) de la réalité qui montre l'existence d'une aristocratie intermédiaire entre le roi et ses sujets. Non seulement elle existe mais elle est même indispensable au fonctionnement du Royaume ; cependant, il est très difficile pour elle de s'affirmer comme pouvoir intermédiaire. Dans la définition de l'aristocratie, il faut intégrer son rôle essentiel dans l'économie. Peu à peu, les aristocrates mettent la main sur l'économie paysanne en imposant le système du Kripak (l'équivalent du servage en Estalie, bien que l'on s'approche bien plus du système de la paréquie grecque ici). Longtemps considérée comme indispensable à l'économie de l'Etat, la fiscalité devient accessoire au cours du XIe-XIIe siècle. Dès lors, cela devient logique : l'Etat accorde des exemptions fiscales aux nobles de manière mesurée et contrôlée. Ce n'est pas un danger puisque les impôts sont moins importants dans son budget. On peut donc comprendre cette aberration apparente d'un Etat qui se "suicide" fiscalement tout en laissant le champ libre à la domination économique et sociale des campagnes par la grande propriété des nobles. Quant à l'Etat, celui-ci s'assure des revenus en pratiquant lui aussi les techniques de la grande propriété et surtout en maintenant un contrôle strict de la ville de Mistohir.
    La "mistohirisation" de l'économie estalienne :

    La capitale estalienne est le dernier problème apparent de l'économie et de la société estalienne. Véritable "chasse gardée du roi", celui-ci cherche à y interdire tout autre pouvoir que le sien, dépensant sans compter pour acquérir les faveurs de la population de Mistohir et tentent de contrôler la société et l'économie de la ville. Il est possible que cette situation favorise l'impression de blocage, d'immobilisme de l'économie commerciale estalienne. En effet, Mistohir a longtemps été considérée comme une ville sans élite commerciale, sans dynamisme marchand jusqu'à l'établissement des premières routes commerciales ouest-est en Eurysie centrale au IXe siècle. Mais en fait, l'économie de la ville est très dynamique car elle doit répondre aux exigences d'une population qui croît sans cesse entre le VIIIe et le XIIe siècle. Il est impossible qu'une ville endormie puisse faire naître un dynamisme démographique. Sans essor de l'économie urbaine, et ici mistohiroise, pas d'essor démographique. Guduniak a développé le concept de "mistohirisation" en partant du domaine politqiue, où il est évident que tout se joue à Mistohir, lieu de pouvoir et lieu d'obtention du pouvoir. De ce fait, l'idéologie du Royaume d'Estalie est avant tout celle d'un royaume centralisé qui ne tolère que peu ou pas de contre-pouvoirs, et ce dès Estan le Grand. Là où le concept devient fondamental, c'est qu'il est ensuite étendu à d'autres domaines comme le religieux (la place de l'archevêque de Mistohir dans la hiérarchie religieuse de l'Eglise d'Estalie), l'économie et la société. Et on constate en effet que chez les auteurs et intellectuels originaires de la capitale, la plupart éprouvent une aversion et un mépris pour tout ce qui se trouve au-delà des murs de la ville. Ce comportement des mistohirois est insensé, car si toutes les cités sont consumées de l'intérieur par toutes sortes d'exactions, ils ne pourront plus s'enrichir, une fois taries les sources qui les nourrissent. Face à Mistohir et l'Etat se développent donc non seulement des sentiments autonomistes mais des sentiments aussi contrariés : les producteurs de l'Horistia préfèrent notamment traiter avec les Kartaliens ou les peuples occidentaux et germaniques qui assurent des revenus plus solides. Les productions agricoles sont vendues directement aux étrangers une fois que ceux-ci ont obtenu des droits commerciaux et ne passent plus par l'intermédiaire de Mistohir. Il en découle une richesse provinciale contrastant avec les difficultés de la capitale qui subit les contrecoups de la concurrence étrangère.

    Ainsi, c'est toute la société qui est aspirée par la capitale. Cette concentration, cette centralisation exceptionnelle concernent également l'économie. Certes, la vie des nobles de province semble être à l'opposé des lettrés de Mistohir, les propriétés monastiques paraissent éloignées de Mistohir mais, en fait, qui, sinon les aristocrates de Mistohir et le premier d'entre eux, le roi, irriguent les provinces de leurs richesses par la fondation de monastères ? Finalement, en poussant un peu le trait, on arriverait à faire des monastères de Bolioska des annexes de la vie mondaine de Mistohir ! Dans tous les cas, leur économie est dépendante en grande partie de la situation à Mistohir. En dernier lieu, la documentation est elle aussi marquée par la "mistohirisation" : nous avons en effet une vision métropolitaine de la campagne, les sources fiscales sont loin d'être provinciales et même l'hagiographie est souvent issue de milieux lettrés de Mistohir. Dans la mentalité des élites estaliennes, Mistohir est la seule véritable ville, Pendrovac reste une "petite ville" de province et Bolioska est considérée comme une ville sans importance. Mistohir est donc le modèle incontournable de vie sociale et mondaine. Mais si les aristocrates "doivent" résider à Mistohir, c'est également parce que leur présence dans la ville est indispensable à leur carrière pour obtenir de l'avancement ou des pensions. Intrigues, conspirations et système de cour fonctionnent à plein régime dans la haute société estalienne.

    III/ Nature de la fiscalité.

    Ancien système :

    L'ancien système fiscal slavovite était basé sur le réseau de cités entre tribus qui collectaient l'impôt foncier. Mais ce système s'est effondré pendant l'ère chaotique entre le Ve et le VIIIe siècle. Selon les historiens, l'Horistia connaît une phase de "ruralisation" de l'économie et comme la monétarisation est faible sous l'époque slavovite, les échanges en nature prennent de plus en plus de place et le collecte en nature de l'impôt devient la règle. Même si le fonctionnement de ce système durant l'ère chaotique reste assez mal connu, il semble que les différentes administrations des principautés slavovites utilisaient le principe de l'impôt de répartition. En passant par toute une série de niveaux (cités, communautés villageoises, etc.), l'impôt est "réparti" entre les contribuables selon des modes de calcul assez complexes. Ce système n'a qu'une seule qualité : l'Etat peut facilement affermer la perception pour telle ou telle ville ou village, mais il demeure impossible à améliorer, onéreux en cas de perception directe et très impopulaire. Estan le Grand puis ses successeurs cherchent alors à le perfectionner.
    Le calcul de l'impôt foncier :

    Au cours du VIIIe siècle, le système est modifié radicalement, désormais le calcul de l'impôt foncier (mayno) est basé sur le principe de la quotité et devient proportionnel à la richesse foncière. Un tel principe implique l'établissement d'un cadastre. Quoi qu'il en soit, malgré le manque de sources, le travail de la création d'un cadastre est achevé sous Karov puisque Portisky II en ordonne la révision et que l'administration ne procède qu'à de "simples" mises à jour du cadastre. Jusqu'à la fin du IXe siècle, les fonctionnaires le révisent théoriquement tous les trente ans avec des réfections partielles faites de temps en temps. Le principe de calcul relie le montant de l'impôt à la valeur de la terre : un boisseau (on va prendre cette unité bien française avant le métrique, c'est déjà assez compliqué comme ça) de surface de terre de première qualité (irriguée) "vaut" théoriquement un demi-livre, soit 120 deniers ; un boisseau de troisième qualité (pâture) implique une valeur d'un tiers d'un livre soit 80 deniers ; un boisseau de vigne vaut trois livres soit 720 deniers. Le contribuable paie 1/24e de cette valeur comme un impôt annuel. Malgré l'apparente simplicité des chiffres, les historiens doutent qu'ils n'aient jamais été appliqués néanmoins.
    La mesure de la terre :

    L'unité de mesure de la terre était le schoinion, une unité de mesure typiquement hellénique. C'est une mesure fiscale qui varie selon la qualité de la terre ; il vaut 10 orgyiai (soit 21,3 mètres, unité de mesure hellénique) dans les régions riches avec des terres de bonne qualité comme la région centrale de l'Horistia ou les terres proches de la Prika. Ailleurs, notamment dans le sud plus marécageux de l'Horistia et le sud-ouest proche des montagnes kartaliennes, il en vaut 8. Ainsi, les propriétés sont "plus grandes" fiscalement dans les régions riches et paient donc plus d'impôts. En outre, dans certaines régions et à certaines périodes, l'administration modifie les facteurs de calcul. Par exemple, les fonctionnaires procèdent à des abattements de 10% avant le calcul de la surface des terres centrales de l'Horistia. Un carré théorique de 45 000 m² (soit près de 213 mètres de côtés) compte donc plus de 50 boisseaux fiscaux avec des terres de première qualité, il est réduit à 40,5 boisseaux avec les abattements. Les modifications portent toujours sur le mode de mesure, jamais sur l'impôt : les rois et les fonctionnaires du cadastre "soumettent la géométrie à la fiscalité". Ainsi, après Poliaki II, Konstantin Ier va notamment introduire une légère augmentation de l'orgyiai et donc diminue les surfaces imposables pour réduire le poids de la fiscalité, sans réduire le taux d'imposition.
    Le paiement des impôts :

    A côté de l'impôt, les rois ordonnent le recensement des garçons pour les soumettre ensuite au viskovisbir comme ce fut attesté dès Estan le Grand au VIIIe siècle. Ce viskovisbir est une sorte d'équivalent ambivalent de l'ost chez les médiévaux occidentaux, c'est un impôt qui pèse sur chaque foyer comptant au moins un homme en âge de se battre, peu importe son statut (propriétaire ou kripak), qui a pour but de financer les troupes royales et dans le cas où le foyer ne souhaite plus payer le dit impôt, il doit envoyer un des hommes en âge de se battre à l'ost royal lorsque celui-ci est convoqué. Néanmoins, cette taxe disparaît au milieu du XIe siècle.

    Dans les campagnes du Royaume, en dehors des deux impôts de base que sont l'impôt foncier et le viskovisbir, il faut ajouter toute une série de taxes et d'exactions supplémentaires. Jusqu'au XIe siècle, elles visent théoriquement à financer la perception des impôts mais il s'agit en fait d'augmentations déguisées de l'impôt foncier. Le premier à le faire, ce sera Enrick II qui augmentera l'impôt foncier pour financer les fortifications de Mistohir. Spoliosky Ier introduit une charte fiscale qui impose une perception permanente pour le fonctionnement de l'administration. Au XIe siècle, la règle incorpore ces augmentations dans l'impôt en les ajoutant aux frais des percepteurs. A la fin du IXe siècle, sous le règne de Poliaki II, le total de la surtaxe se monte à 24% de l'impôt et il est dû aussi en or. Pour le paysan, la perception des impôts ne s'arrête pas là car une multitude de nouvelles taxes finance le fonctionnement de l'administration et de l'armée, ainsi le naturalni alimente en nature les nobles et leur entourage. Au XIe siècle, pour un petit propriétaire qui doit entre un 1/2 et 3 livres, le naturalni se monte à une miche de pain, un poulet, quatre litres de vin et un boisseau d'avoine (sot 12,8 kilos). Et l'imagination des percepteurs est sans limite, taxant tout ce qui peut l'être (pâture, bêtes de labour, ruches, etc.). Enfin s'y ajoutent des levées exceptionnelles et des corvées qui assurent une source de revenus considérables aux percepteurs et couvrent une bonne partie des besoins locaux de l'Etat. Le droit de gîte des fonctionnaires ou le logement des troupes sont jugés insupportables mais les fonctionnaires s'accrochent à cette source de revenus. Il est intéressant de remarquer que toutes ces augmentations sont instituées sans provoquer de grandes contestations populaires. Cette passivité face à la multiplication des impôts est la marque de l'expansion économique se déroulant dans la même période. De cette manière, l'Etat ne fait que prélever une partie de l'accroissement des richesses. A partir de Sportisky II, l'impôt foncier et les diverses exactions sont payées en monnaie d'or. En cas d'excédent, il est à noter que l'Etat rend toujours la monnaie en pièces de bronze ou d'argent afin que l'Etat conserve le plus d'or, le bronze et l'argent ayant une valeur essentiellement fiduciaire.

    IV / Le trésor royal et la monnaie.

    Soldes et redevances :

    La participation de l'Etat à l'économie ne concerne pas seulement le prélèvement fiscal, il est fondamental de comprendre que c'est davantage par ses dépenses que l'Etat irrigue également l'économie. Comme le montre les études des fortunes aristocratiques du Xe siècle, il est évident que les fonctionnaires (militaires et civils) participent par leurs dépenses à l'activité économique. Les prélats seraient payés selon un catalogue datant de 911/912 avec des salaires variant de 10 à 40 livres pour les plus importants. Le montant peut apparaître énorme mais les fonctionnaires ont des frais importants comme le financement de leurs gardes, leurs services administratifs ou l'entretien des palais. Au total, avec les officiers subalternes, on considère que le roi peut distribuer plusieurs tonnes d'or annuellement. A cela, il faut ajouter les dépenses des soldes militaires : les soldats permanents employés dans les garnisons royales sont payés 5 à 10 fois plus que les levées dont le service n'est pas permanent. Cette solde est augmentée par les redevances pour les officiers et les soldats reçoivent également des distributions de grain et des vêtements. Pour les fonctionnaires civils, en particulier ceux des finances, le système est mal connu pour les VIIIe-IXe siècle. En revanche, au Xe siècle, les historiens sont mieux renseignés. Il est fort probable que, malgré quelques aménagements dus aux guerres que connaît le Royaume, le système continue au XIe siècle avant d'exploser après Konstantin Ier, il est en particulier toujours géré par le secrétaire des finances du Royaume. Certains postes sont donc affermés dans les départements financiers. Ainsi, au Xe siècle, les prix des postes de notaires ou de fonctionnaires au sein du secrétariat des finances de Mistohir varient entre 1440 livres et 4680 livres. C'est parce qu'ils génèrent d'énormes revenus liés à l'exercice de la charge qu'ils ne comportent bien évidemment pas de redevances.

    La plupart des ventes d'offices concernant des dignités liées au service du roi. Sans postes réels, ces dignités attribuent également un rôle social qui définit le degré de familiarité entre le détenteur et le roi, ainsi pour le primofitsini (littéralement le premier des fonctionnaires), elle correspond à son admission à l'Assemblée des Grands puis au Parlement. Elles confèrent en plus une redevance, c'est-à-dire une pension et c'est pour cela que le roi exige un prix d'achat toujours élevé et jamais remboursé. Seuls certains courtisans parviennent à l'obtenir gratuitement. La plupart des grands officiers militaires et civils reçoivent leurs redevances dans les jours précédant Pâques en mains propres du roi, ce qui rappelle la relation directe entre le fonctionnaire et le roi. Elles sont payées en monnaie d'or, parfois en argent, très rarement en bronze mais peuvent être complétées par des paiements en nature (vêtements de soie de grande valeur notamment) soit pour honorer le récipiendaire, soit pour économiser du numéraire, la soie importée du Nazum correspondant à une valeur de substitution. Il est également évident que la périodicité du versement de la redevance dépend en grande partie de la nature du poste occupée (annuelle pour les fonctionnaires et dignitaires de Mistohir, elle est évidemment moins régulière pour les troupes permanentes des garnisons royales et on doit admettre un salaire mensuel pour les mercenaires employés par la Couronne).

    La dignité est un investissement économique car elle constitue une rente dont la redevance constitue l'intérêt et se monte à 2,5-3,5%. Seuls quelques jeunes primofitsinis peuvent espérer un taux de 5,55 ou 8,33M s'ils ne passent pas par les rangs intermédiaires et n'achètent pas les dignités afférentes. Enfin, les dignitaires peuvent acquérir une redevance augmentée et reçoivent 7 livres pour chaque livre versée, amenant le taux à 9,7% au Xe siècle. Le cas général procure donc un rendement inférieur à celui du prêt à intérêt limité à 4% pour les dignitaires. De plus, les capitaux initiaux sont perdus et la rente est viagère. L'attachement des aristocrates estaliens ou des membres des corps de métiers à Mistohir à ce système est donc lié aux à-côtés mondains et sociaux qui sont une des raisons de l'achat de telles dignités : une fois dignitaires, ils espèrent pouvoir participer à la distribution de fonctions lucratives de l'administration fiscale ou palatiale. De ce fait, après coup, cela devient très rentable pour les hautes dignités qui, certes, immobilisent des capitaux énormes mais procurent des revenus importants. Enfin, dernière irrigation de l'économie, les rois multiplient les donations diverses qui sont des récompenses distribuées lors de cérémonies célébrant les campagnes victorieuses, dont il existe aussi des équivalents civils qui sont donnés lors des fêtes religieuses ou civiles.
    Les réserves en or de l'Etat :

    Les historiens disposent de peu de chiffres, sauf pour le milieu du IXe siècle. Ils ont permis d'établir des estimations assez audacieuses pour le budget impérial à 2,8 millions de livres de dépenses générant un surplus de 0,3 millions par an. On estime que les revenus proviennent à 85-90% de l'impôt foncier en général et à 10-15% des taxes commerciales, ce qui est logique avec une population à 90% rurale. Tout au long des IXe-Xe siècles, les historiens mentionnent quelques trésors royaux impressionnants : en 860, Portisky II laisse à son fils Saliov près de 7 millions de livres dans son trésor. Lui-même, en 908, accroît le trésor à près de 8 millions de livres mais Poliaki aurait tout dilapidé durant ses guerres et Enrick Ier se retrouva en 934 avec seulement 21 600 livres. Après quelques générations de "bonne gestion", Poliaki II laisse 14,4 millions de livres derrière lui, accumulés principalement grâce aux pillages de Fransoviac et de la Kartalie et par les confiscations faites aux nobles rebelles. Cela explique le peu d'empressement fiscal de Poliaki II.

    Tout au long de la période, les rois estaliens impressionnent leurs contemporains par leurs richesses. Etonnant, au cours du XIIe siècle, alors que l'idée commune a tendance à présenter Konstantin Ier et ses successeurs comme des rois aux abois, alors même que leur domaine royal arriverait à leur échapper, ils parviennent encore à mobiliser des sommes énormes. Ainsi, Konstantin Ier réussit à mobiliser 288 000 livres contre les Tchères et cela n'assèche pas longtemps le trésor de l'Etat puisque ce roi prodigue distribue 36 000 livres pendant son règne. Certes, on peut considérer qu'il n'a plus les capacités financières de son frère Poliaki II qui donnait un livre par mois pour la cathédrale de Mistohir, rassemblait 300 livres contre les Tchères et fournissait 150 000 livres de dot et de frais pour l'achat de la loyauté des nobles durant ses campagnes militaires contre les Kartaliens. Cela implique d'une part un maintien des ressources royales (impôts et revenus directs) mais également un maintien ou constant apport de métaux précieux.

    Structures monétaires :

    A la fondation de l'Estalie, l'ancien système slavovite finansovi-komisar (littéralement commissaire aux finances) disparaît. Ses prérogatives échoient aux différents secrétariats des logothètes et le mashinopisni récupère l'autorité sur la monnaie. En 899, Le Klétorologe de Filotov mentionne un "maître du monnayage" mais la conservation du métal est du ressort du logothète des entrepôts d'Etat. Finalement, sur une période de presque cinq siècles, l'Etat parvient à maintenir une réelle stabilité des systèmes monétaires, un au démarrage, l'autre à la fin et un intermédiaire. Tous les trois reposent sur un trimétallisme dont on ne doit pas exagérer la rigidité. L'or à trop fort pouvoir d'achat sert d'outil de thésaurisation, par exemple, au milieu du Xe siècle, le prix d'un bœuf s'élève à trois livres et cette somme correspond également à la solde des soldats en expédition militaire à ce moment-là. On voit donc toute de suite la grande difficulté technique qui résulte du manque de monnaie divisionnaire pouvant assurer une fluidité des échanges. Sans cesse, on constate une difficulté à fournir aux populations des moyens techniques de payer les sommes dues, toute une politique monétaire des années 780-1190 tourne autour de cette question de l'augmentation de la masse monétaire plus importante permet un volume des échanges plus grand et accentue également les rentrées fiscales. Pendant trois siècles (VIII-XIe siècle), la monnaie d'or reste globalement stable malgré quelques petites variations : ainsi, elle connaît un affaiblissement relatif à partir de 790 qui passe de 98% à 96,5% et son poids de 4,41 à 4,36 grammes ce qui permet un léger gain du métal et une augmentation de la masse monétaire. Mais la situation est rétablie sous Karov.
    V / L'agriculture.

    Cultures :

    Les cultures dominantes au sein de l'agriculture estalienne sont bien évidemment les céréales, dont les principales sont le froment et l'orge. On constate l'introduction de céréales secondaires pendant la période, preuve que ce n'est pas une agriculture routinière. Cependant, à la fin du XIe siècle, principalement à l'est du pays, on ne cultive plus que le blé et l'orge. Toute la variation de la place des différentes céréales dépend principalement des conditions géographiques et économiques : ainsi, Leo, évêque de Detruskia du Xe siècle, se plaint du manque de froment dans les zones reculées du sud du duché. Certaines variétés de céréales rustiques persistent comme l'olyra, céréale "archaïque" ou le blé "barbu" qui persiste dans la région d'Entraskiov jusqu'au XIIe siècle. Globalement, les céréales de printemps se développent, combinées avec le froment, ce qui implique une rotation des cultures connue depuis l'époque slavovite et décrite par les agronomes slavovites. Il semble bien qu'à la rotation biennale s'ajoute une alternance entre le blé et les céréales de printemps. Donc, en plus du froment, les Estaliens pratiquent la culture d'une orge panifiable qui pousse partout et qui est mentionnée dans les textes, le millet, qui est attestée par les listes d'exemptions. Enfin, l'avoine est considérée comme une mauvaise herbe ou reste cantonnée au fourrage durant l'époque slavovite mais elle est cultivée pour le grain au XIe siècle pour l'alimentation animale, notamment pour les chevaux de l'armée royale.

    Les structures commerciales ont également des implications sur les cultures, ainsi le commerce vers Mistohir conditionne le développement des céréales dans les régions voisines de la capitale comme le montre l'étude des sceaux des saviduchis : ces fonctionnaires sont chargés de l'approvisionnement des greniers royaux (duchis), des troupes et des fonctionnaires. Deuxième base de l'agriculture traditionnelle estalienne : la vigne est présente dans tout l'est du pays. Cette activité est considérée comme très lucrative près des villes et elle fournit du numéraire aux paysans mais elle est soumise à des crises saisonnières. Loin des centres urbains, cette culture, indispensable au culte chrétien, participe aussi à l'alimentation des populations à qui elle procure un apport calorique indéniable. Les études des historiens permettent en revanche de mieux connaître les cultures maraîchères dans le système agricole estalien et montrent que l'alimentation estalienne est dépendante des apports en légumes. C'est ce qui ressort des chapitres des Géoponiques estaliennes et qui permet de contrebalancer le poids traditionnel des blés dans l'historiographie, même si on ne doit pas oublier que cet ouvrage est d'abord lu par les seuls aristocrates. Malgré la présence de cultures de plein champ autour de Mistohir et des villes importantes, les légumes sont principalement issus des jardins à côté de la maison ou des enclos dans les murs de la propriété. Il est possible que la domination des cultures intercalaires rende les jardins toujours présents dans le paysage et que de ce fait, paradoxalement, ils finissent par s'y fondre. Les légumes secs sont cultivés un peu partout, que ce soit les lentilles, les ers, les pois, les fèves, les fèveroles, les pois chiches, les vesces ou les lentilles jaunes. Ils s'ajoutent aux légumes courants (lupin, endive, salade verte, aneth, carotte, chou blanc, cresson, poireau, radis, betterave, courge, melon, épinard, navet, oignon, fenouil, artichaut, aubergine, etc.). Enfin, les plantes liées aux textiles du XIe siècle sont cultivées dans l'Horistia et sont bien présentes : le lin (qui fournit également de l'huile), le chanvre, le coton, etc. Pour ce qui est de l'élevage, nous retrouvons les animaux traditionnels : chevaux, ânes et mules qui n'ont pas à être ferrés, bovins de toutes sortes (buffles), chèvres, moutons, cochons, volailles et même des abeilles. Dans une novelle de Konrad, il est même mentionné que quelques chameaux ont étés acquis par des monastères à travers le commerce venu d'Afarée.

    Outillages et équipements :

    Il faut associer les enseignements de l'archéologie à ceux de la documentation iconographique des miniatures même si cette dernière ne donne pas un aperçu toujours valable car elle présente un outillage figé. Comme le montrent les découvertes archéologies, la présence du fer dans l'outillage des campagnes estaliennes est importante au IXe et Xe siècles à l'instar des campagnes ouest-eurysiennes mais sans que l'on sache si ces résultats sont la norme ou s'ils sont exceptionnels. Ainsi, les prospections archéologiques attestent de la présence de forges rurales à Bolioska, Pendrovac et Entraskiov. Les actes de monastères mentionnent des forgerons de villages et il est possible que les gains de productivité possibles à cette période soient liés à cet essor de la métallurgie. Mais les outils agricoles obligent à confronter les mots aux choses : le lisgon par exemple, issu du vocabulaire grec, désigne à la fois la pelle-bêche au tranchant plein et la bêche à deux dents. Globalement, les outils dans la lignée des outils introduits par le monde rémien avec qui le monde slavovite a été longuement en contact et où dominait alors l'outillage à main. Il existe bien quelques évolutions comme une manche plus long de la faucille pour protéger la main. La serpe est utilisée pour la moisson mais également pour l'entretien des vignes. Les instruments de labour comprennent la bêche, parfois en bois avec un arc métallique à encastrer (notamment en Kartalie). La houe, le hoyau à deux branches ainsi que la pioche et la hache sont également utilisés. L'araire à soc métallique symétrique est conforme également à ce qu'on retrouve sur les miniatures. Les techniques sont parfaitement adaptées aux sols et à l'outillage et les paysans maîtrisent les labours croisés qu'ils allient au défonçage à la bêche. L'attelage reste simple avec des bœufs en file, sans joug frontal. Ainsi, l'outillage est léger et adapté aux sols mais il reste rudimentaire et fournit une faible productivité.

    Les moulins représentent la principale "innovation", bien qu'il faille davantage parler de généralisation ou du moins de multiplication. Ce phénomène peut se dater au Xe siècle mais plus sûrement à la fin XIe siècle et au début du XIIe siècle. Ils sont installés sur des dérivations ou des canaux d'irrigation et les nombreuses mentions de moulins fournissent la preuve de la multiplication des entreprises d'irrigation dans les campagnes estaliennes. Techniquement, les moulins à eau sont de deux types : le moulin "rémien" (car la technique est importée du monde rémien dès l'Antiquité) utilise la roue horizontale entraînant directement la meule. Il sera d'ailleurs toujours d'usage au XIXe siècle dans certaines régions rurales. L'autre, le "slave" (car l'innovation est pour le coup issue d'Estalie) emploie la roue verticale ce qui le rend 40 fois plus efficace que les moulins utilisant les ânes. Le type le plus achevé utilise également une dérivation de la rivière. Ces moulins à eau deviendront les plus communs, on en comptabilise plus d'un millier dans tout le Royaume au XIIe siècle. Néanmoins, on constate que dans certaines régions, notamment en Kartalie, on maintient les moulins à traction animale et l'utilisation des ânes. Pourquoi la préférence kartalienne n'est-elle pas donnée au modèle le plus efficace ? Premièrement, les moulins à bras subsistent car ils sont impossibles à taxer. Deuxièmement, ce n'est pas nécessairement une régression technique mais parfois le moulin "rémien" ou à traction animale est la seule solution face aux difficultés climatiques (trop froid ou trop sec) ou de sécurité (rivières coupées). Troisièmement, le principal problème des moulins "slaves", c'est l'eau et la dérivation qui nuit aux autres propriétaires. Quatrièmement, il existe des raisons techniques, en effet, la roue horizontale est plus efficace en montagne et plus économique. De plus cette roue s'adapte bien aux régions planes avec de petits accidents de terrain. Enfin, en Horistia, le développement des moulins est lié à l'essor de la seigneurie, où les grains sont moulus dans des structures plus légères et par les paysans employant de nombreux meuniers.

    Métallurgie et innovations techniques :

    Le fer est un minerai coûteux, par conséquent les outils sont précieux et leur vol est réprimé. De plus, leur fabrication nécessite des quantités importantes de fer dont les forgerons ne disposent probablement pas ce qui oblige à la refonte fréquent d'objets existants. Les Géoponiques estaliennes préconisent la présence d'un forgeron par village qui se consacre plus à l'entretien et la prolongation des outils qu'à la fabrication proprement dite puisqu'il est indispensable de faire subir aux outils une trempe des parties tranchantes. Cependant, si les outils en fer sont trouvés en nombre, les témoignages archéologiques semblent montrer une rareté des forges : à Detruskia, on a retrouvé la présence de restes de charbon, de morceaux de minerai de fer ce qui indique une activité de fonderie et de production de petits objets en fer ou de réparation mais en Kartalie, pas de trace d'une telle activité sauf trois galettes de fer utilisées pour le rapiècement. Les patronymes liés aux "forgeons" se diffusent et regroupent à la fois les forgeons et les maréchaux-ferrants voire les aiguiseurs car il est très difficile de forger et d'entretenir les lames pour le simple paysan.

    Les innovations techniques ouest-eurysiennes sont également peu adaptées à la situation estalienne car la charrue à soc de fer arrache les sols et un araire donne pleine satisfaction dans les plaines alluviales de l'Horistia. Par conséquent, on trouve peu de mentions de charrues dans les sources : deux dans les domaines autour de Bolioska à la fin du XIe siècle, dont une en fer et au XIIe siècle autour de Pendrovac où il n'y a que 4 trains de labour avec du métal. Cependant, il en a été trouvé lors des fouilles à Jarnogrod ce qui fait penser que leur usage est connu mais délibérément écarté, au moins dans les grands domaines.

    Techniques de production :

    Il est évident que les paysans estaliens mettent en pratique les techniques d'entretien les plus classiques pour éviter l'épuisement des sols : les systèmes de rotation des cultures sont variés et ne peuvent être généralisés de manière systématique. D'une part, la littérature agronomique estalienne ne semble pas connaître la jachère alors que quelques cas concrets la décrivent ou la laissent entrevoir, notamment au XIIIe siècle. D'autre part, le système cultural tourne autour d'une rotation biennale dont le calendrier fixe les dates des différents travaux des champs mais dans la réalité, il existe de nombreux aménagements. A Pendrovac, l'étroitesse des parcelles rend la rotation biennale obligatoire mais les Géoponiques estaliennes mentionnent des alternances entre céréales d'hiver et légumineuses, ou céréales d'hiver et céréales de printemps avec la pratique de secondes semailles sur les terres en jachère. Les sources archéologiques mentionnent plutôt le rôle des légumineuses à l'est du pays au Ve-VIe siècle, au VIIe siècle autour de Pendrovac et dans les listes d'exemption au XIe siècle. Les documents monastiques du XIe siècle mentionnent des répartitions de semailles variées.

    Cependant, il existe des contraintes économiques dans le choix des rotations : ainsi, elles dépendent de la taille des troupeaux qui nécessite une place plus grande pour les céréales de printemps. De même, près des villes, la demande plus forte permet d'augmenter la production de blé. De plus, l'utilisation plus importante de légumineuses dépend à la fois de la demande, de la crainte de mauvaises récoltes en grains ainsi qu'une volonté manifeste de régénérer les sols. Enfin, l'utilisation des champs complantés demande beaucoup de travail. Les paysans doivent toujours faire face au même problème : le maintien de la fertilité des sols. Pour cela, l'approvisionnement en eau est primordial et les légumineuses sont nécessaires pour leur apport en produits azotés. De même, l'amendement des sols est recommandé par les Géoponiques estaliennes qui préconise l'emploi de déjections d'oiseaux, d'ânes (le plus efficace) voire de bétail. Elles préconisent également la fabrication d'un compost dans des fosses où sont déposées des urines et des plantes. Mais les seules références pratiques de compostage se trouvent dans les grandes propriétés à partir du IXe siècle. Il semble d'ailleurs qu'une partie de ces améliorations soit réservée à la zone des jardins. Dans la plupart des cas, les descriptions ne les mentionnent pas mais ils sont évidemment clos et reçoivent le plus de travail et d'engrais. Situés généralement près des habitations et donc près des sources d'eau, ils sont irrigués. D'ailleurs, c'est l'accès à l'irrigation qui explique les rares cas de jardins éloignés des habitations, le long des canaux de moulins par exemple.
    Religion et culture.

    Le christianisme, pivot de la civilisation médiévale estalienne.


    Religion :

    Les Estaliens ont connus successivement deux religions : le paganisme slavovite et le christianisme orthodoxe. La foi primitive des Slavovites déifiait les forces de la nature, ce qui en faisait une variété d'animisme, et rendait un culte aux esprits des ancêtres. Au sein d'un panthéon nombreux (en changeant à vrai dire régulièrement au fil de l'histoire), le plus emblématique restera Péroun, dieu du tonnerre et de la foudre, qui était le plus respecté au sein du panthéon. La religion des Slavovites n'était ni très élaborée, ni très organisée sur le plan institutionnel. Les efforts des rois estaliens successifs avant Poliaki ou même des chefs et seigneurs slavovites avant la fondation de l'Estalie de renforcer la religion ont étés de courte durée, et la conversation au christianisme a en vérité été très rapide. En revanche, l'efficacité de ce baptême de l'Estalie reste une question très controversée. Certains historiens comme Goboulinsk, ainsi que d'autres historiens de l'Eglise d'Estalie, assurent que la nouvelle religion n'a exercé, pendant plusieurs siècles, qu'une influence très superficielle sur les masses ; celles-ci seraient restées obstinément païennes au plus intime de leurs convictions et dans leur pratique quotidienne, et auraient réussi à faire pénétrer au sein même du christianisme nombre d'anciennes superstitions. Certains spécialistes parlent de devoïvérié, c'est-à-dire de double foi, terme déjà employé à l'époque par les hommes d'Eglise pour désigner ce phénomène considéré comme indésirable.

    L'étude du christianisme orthodoxe estalien n'est elle-même pas exempte de difficultés pour les historiens. Riche de contenu et relativement bien connu, il révèle l'énorme influence de l'Eglise de Juxent, à la fois origine et modèle, et les changements qui furent nécessaires pour l'adapter à l'Estalie. La religion qui en résulta a été l'objet d'éloges immérités, de la part de ceux qui l'ont considérée comme un type supérieur, intrinsèquement estalien, de christianisme, et de blâmes tout aussi excessifs, l'accusant de n'être qu'une copie superficielle. Au moment de faire le bilan, il importe de souligner que, sur certains point, et non des moindres, le christianisme orthodoxe estalien était bien incapable, non seulement de surpasser les églises orthodoxes voisines, mais même de l'imiter. Ni la théologie, ni la philosophie, par exemple n'ont trouvé de terrain propice en Estalie au cours du Moyen-Age, et n'ont rien produit d'important. En fait, les ouvrages religieux de l'Estalie médiévale suivaient en général de très près leurs modèles religieux étrangers, et n'apportaient que des contributions minimes au trésor commun de la chrétienté. De même, le mystique resta complètement étrangère à l'Estalie médiévale. Dans un certain sens, pourtant, le christianisme orthodoxe estalien a bien connu une croissance et un développement originaux. C'était, après tout, la religion de tout un peuple qui venait de recevoir le baptême, avec sa mentalité, ses exigences particulières, ses propres traditions morales et esthétiques. Ce qu'on pourrait appeler l'estalisation du christianisme orthodoxe se manifesta par l'apparition de saints autochtones, par le développement original de l'architecture et de l'art religieux, dans la vie quotidienne de l'Eglise orthodoxe estalienne, dans l'influence sans partage qu'elle exerçait sur la société et la culture estaliennes.

    Les saints d'Estalie, qui, soit dit en passant, n'étaient quelquefois canonisés qu'avec beaucoup de retard, et malgré une forte opposition de l'Eglise de Juxent, apparemment peu soucieuse de conférer trop d'éclat à la jeune Eglise d'Estalie, comprenait bien entendu Poliaki, qui avait décidé le baptême de l'Estalie ; Spoliosky Ier, grand roi croisé d'Estalie, ainsi que certains princes et prélats. Parmi ceux-là, on peut citer Boris et Iaroslav de Detruskia qui méritent une mention particulière parce qu'ils reflètent, dans leur vie et dans leur canonisation, la vie politique et la mentalité médiévale estaliennes. Ces deux frères, eux-mêmes fils de Saint-Wladimir, ancien duc de Detruskia, furent assassinés par leur demi-frère Sviapol au cours de luttes fratricides durant le règne d'Holiak II. Ils furent mis au nombre des saints en tant que victimes innocentes de la guerre qui faisait alors rage dans tout le Royaume, mais aussi parce que, dans le cas de Boris tout au moins, ils préférèrent mourir plutôt que de prendre une part active au conflit. Saint Antoine, ayant vécu au Xe siècle, et Saint Theodorov, qui a vécu au XIe siècle, furent, parmi les hommes d'Eglise canonisés, les plus remarquables. Tous deux étaient moines, tous deux ont contribués à fonder le monachisme estalien, tous deux ont participé à la création et à l'organisation des grands monastères d'Estalie. Pourtant, ils étaient tous les deux très différents l'un de l'autre, par leur personnalité, par leur sensibilité religieuse, par l'influence qu'ils ont exercée sur le christianisme orthodoxe estalien. Antoine, qui avait prononcé ses vœux à Juxent, et dont le nom même était étranger aux patronymes habituels estaliens, l'inventeur de la vie monastique, suivit la voie classique, celle de l'ascétisme et de la lutte pour le salut de l'âme individuelle. Son disciple et successeur, Theodorov, bien qu'extrêmement ascétique dans sa vie personnelle, travailla surtout à développer la communauté monastique, et mit l'accent sur le devoir social de l'Eglise, tenue de venir en aide à ceux qui en avaient besoin, au Roi par ses conseils, aux pauvres en les nourrissant. Les conseils pouvaient, au besoin, devenir des avertissements, ou même des condamnations publiques. De nombreux ouvrages de Saint Theodorov, traitant de sujets variés, ont été conservés. Sous la direction et à l'imitation du monastère de Groto (monastère à l'est de Mistohir fondé par Theodorov), les couvents essaimèrent à travers tout le Royaume ; contrairement à ce qui allait se passer plus tard, cependant, les monastères en Estalie restaient souvent dans les villes ou au moins proches de celles-ci.

    L'Eglise d'Estalie, on l'a déjà dit, fut dotée de vastes domaines, et, en dehors de ses fonctions spécifiquement religieuses, joua un rôle essentiel pour ce qui est de la charité, des soins aux malades, de l'hébergement des voyageurs. Le droit canon s'appliquait non seulement à tous ceux qui étaient rattachés à l'Eglise mais aussi à la population toute entière en matière de moralité et d'observance religieuse. Comme nous le verrons, l'Eglise tenait également une place centrale dans l'éducation, la littérature et les arts. L'influence globale de la religion sur la société et sur la vie quotidienne de l'Estalie est beaucoup plus difficile à déterminer. On a souvent parlé de christianisme estalien en termes enthousiastes, en évoquant le sentiment de joie qui l'anime, la valeur qu'il accorde à l'homme et à ses œuvres. On a soutenu qu'il avait un sens profond du cosmos, qu'influencé peut-être par le paganisme slavovite, si proche de la nature, il avait mis l'accent sur la transfiguration, en Dieu, de l'univers tout entier. On a dit encore qu'il exprimait particulièrement l'aspect kénotique du christianisme, c'est-à-dire qu'il adorait avant tout le Christ dans son humilité, et Son sacrifice, alors que les Rémiens ou l'Eglise de Juxent présentaient d'abord Dieu le Père, maître du ciel et de la terre. Quoi qu'on pense de ces jugements (et ils semblent bien contenir une part de vérité, malgré la complexité des problèmes abordés et le caractère fragmentaire et tendancieux de nos sources), les principes chrétiens ont bel et bien modifié la vie des Estaliens.

    Langue et littérature :

    Même la langue parlée par les Estaliens se ressentit de leur conversion au christianisme orthodoxe. L'apparition d'une langue écrite, utilisant l'alphabet cyrillique, est liée au baptême de l'Estalie. L'alphabet avait été mis au point à l'origine par Saint Cyrille et Saint Méthode (je reprends ici les vrais saints à l'origine de l'alphabet cyrillique, m'en voulez pas), les premiers apôtres du monde slave dans la seconde moitié du IXe siècle (soit un demi-siècle avant la conversion de l'Estalie) à l'intention du peuple estalien. Plus exactement, on estime à l'heure actuelle que c'est l'alphabet glagolithique, plus ancien, qui fut inventé par Saint Cyrille, et que le cyrillique, élaboré un peu plus tard, fut l'oeuvre de l'un de ses disciples estaliens. Certains témoignages, il est vrai, inclinent à penser que les Slavovites connaissaient déjà l'écriture bien avant, notamment avec l'existence de nombreux traités entre la confédération slavovite et les Rémiens, et le fait que ces traités ont étés traduits dans une version primitive mais bien visible du haut-estalien. Il n'en reste pas moins que de la conversion date l'implantation définitive et permanente de l'écriture cyrillique en Estalie. Répétons-nous : la liturgie elle-même, mais aussi les offices moins importants, et toutes les activités de l'Eglise, se déroulaient en un slavon haut-estalien d'Eglise, facile à comprendre pour les fidèles, et non en grec, ou en latin comme à l'ouest de l'Eurysie. Une littérature, consacrée au départ aux rites religieux, se développa rapidement, et bientôt aborda également d'autres domaines. La langue utilisée par cette littérature estalienne était traditionnellement considérée identique au slavon haut-estalien d'Eglise, langue littéraire issue d'un dialecte slavovite transmis depuis le IIIe siècle environ. Mais récemment, certains spécialistes ont proposés une théorie très contestable : la langue parlée et écrite dans la société estalienne aurait été de tout temps le moyen-estalien, soumis, il est vrai, à une forte influence du slavon haut-estalien que ces mêmes spécialistes estiment être une langue estalienne mistohirisée. La meilleure solution serait peut-être d'admettre que beaucoup d'oeuvres littéraires de la période médiévale ont été écrites en slavon haut-estalien d'Eglise, d'autres en moyen-estalien (un vieux-slavon ou un vieux-slavovite à cette époque pour beaucoup de spécialistes) et d'autres encore faisant l'amalgame entre les deux. En tout état de cause, les Estaliens écrivaient une langue plutôt riche et bien développée ; en confrontant une traduction haute-estalienne du XIe siècle avec l'original, une chronique rémienne, on a constaté que le texte estalien possédait l'équivalent exact de 80% des termes grecs employés. La conversion au christianisme avait eu pour conséquence, naturellement, une invasion de mots grecs, prédominants dans le domaine religieux, et présent dans beaucoup d'autres mais aussi un certain nombre d'emprunts aux moyens-estaliens.

    La littérature estalienne comprenait deux parties très différentes : la création orale, et les œuvres écrites, attribués à des auteurs individuels. L'essentiel du folklore médiéval estalien est très probablement perdu, mais ce qui en reste suffit à en démontrer la richesse et la variété. Ce folklore remontait à la nuit des temps, et il avait évolué encore pour s'adapter aux changements de la période médiévale. On a remarqué, par exemple, que les chants de mariage estaliens reflétaient plusieurs étapes successives de relations sociales : mariage par enlèvement, mariage par rachat et mariage par consentement. Les lamentations funéraires, elles aussi, expriment l'attitude des Premiers Slaves devant la mort à une époque très reculée. Ces chants, et d'autres, qui font partie du folklore estalien, possèdent des qualités lyriques et artistiques universellement reconnues. Le folklore médiéval estalien comprenait également des dictons, des proverbes, des devinettes et des contes merveilleux de genres différents. Mais ce sont surtout les poèmes épiques, que l'on nomme des byliny, qui retiennent l'attention. Elles font partie d'un vaste cycle épique, comparable à bien des égards à d'autres cycles en Eurysie de l'Ouest, le cycle homérique hellénique, par exemple, ou la poésie épique de l'Eurysie de l'Est. Les bylines (en mot francisé) content les exploits des bogatyri, de puissants guerriers issus des Premiers Slaves, qu'on peut diviser en deux catégories : les bogatyri aînés, et beaucoup plus nombreux, les bogatyri de la nouvelle génération. Les premiers, les aînés, dont on sait en vérité peu de choses, appartiennent à une antiquité relativement reculée ; avec eux, l'épopée empiète sur la mythologie, et parfois devient un mythe elle-même. Ils sont souvent associés aux forces et aux phénomènes naturels. Les cadets de la nouvelle génération, dont on a conservé la trace dans quelques 400 chansons de geste, reflètent beaucoup mieux l'histoire slavovite et estalienne, encore que leurs exploits relèvent en général, eux aussi, du fantastique et du miraculeux. De façon significative, l'épopée en fait les compagnons d'Estan le Grand, à la cour duquel commence et s'achève l'action de nombreuses bylines. Ils combattent les ennemis mortels de l'Estalie : le Jidovine (guerrier mongoloïde de l'Est, redouté et craint), le dragon Toyranine, etc. Les bogatyri cadets sont une combinaison toute estalienne de la chevalerie, du christianisme et de la lutte incessante des Estaliens christianisés contre les païens orientaux.

    Ilya, Dobrynia et Alioch sont les héros préférés de ces épopées. Ilya, le plus puissant, et à bien des égards le plus intéressant des trois, est un paysan qui resta paralysé jusqu'à l'âge de 33 ans avant d'être guéri miraculeusement afin de défendre la Sainte Estalie contre ses ennemis païens. Ses exploits fantastiques de guerrier ne l'empêchent pas d'avoir un grand sens moral, et même de répugner au combat, sauf en dernier recours. Si Ilya représente davantage les masses rurales de l'Estalie, Dobrynia appartient visiblement à la classe supérieure et représente les valeurs aristocratiques : son attitude, ses manières sont très différentes de celles du guerrier paysan ; du reste, plus que les autres bogatyri, il semble être souvent rattaché à un compagnon mythique d'Estan le Grand. Alioch, comme l'indique son patronyme (Alioch Popo, Popo désignant ici "fils de pope"), vient du milieu clérical ; il est hâbleur, il a les dents longues, et il ne manque pas d'astuce, ce qui lui permet souvent de vaincre ses adversaires autrement que par la force. En dehors de ce grand cycle estalien, nous connaissons quelques bylines orientales mais il est vrai que la plupart des bylines restent des récits issus de la culture de l'Horistia.

    La littérature estalienne, on l'a déjà dit, est étroitement liée à la conversion de l'Estalie. Elle comprenait des livres liturgiques, des recueils de récits tirés de l'Ancien Testamant, canoniques ou apocryphes, connus sous le nom de Paleia, d'après un terme grec qui désigne l'Ancien Testament ; des sermons et autres compositions didactiques, des hymnes, et des vies de saints. Parmi les oeuvres les plus remarquables, on peut citer les hymnes composés par Saint Cyrille, un recueil de vies de saints du monastère de Groto, le Patérikon et les écrits d'Hilar, métropolite de Mistohir. Les chroniques de cette époque méritent aussi une mention particulière. Bien que souvent écrites par des moines, bien que pénétrées des principes chrétiens qui étaient le fondement de la civilisation estalienne, elles appartiennent davantage à la branche historique qu'à la branche religieuse de la littérature. Les spécialistes apprécient, dans ces premières chroniques estaliennes, le sens de l'Histoire, le réalisme, l'abondance du détail. Elles montrent clairement quels étaient les principaux problèmes de l'Estalie médiévale, par exemple les croisades à l'est ou les questions omniprésentes de la succession à la Couronne. Elles nous ont transmis enfin, et c'est le plus important, les faits historiques saillants de la période médiévale. En 1111, la Grande Chronique avait été écrite par deux moines estaliens, Nauliov et Syslov. Les copies les plus anciennes qui nous soient parvenues datent du XIVe et du XVe siècle. La Grande Chronique constitue la base de toutes les chroniques générales estaliennes plus tardives. Des chroniques régionales, comme celle de Fransoviac ou de Pendrovac, existaient également à l'époque médiévale, et beaucoup nous sont parvenues. Les oeuvres littéraires profanes sont très variées, allant de la remarquable Instruction Monomaquienne à la plus fameuse Campagne d'Entraskiov qui est un compte-rendu poétique écrite en 1078 d'une expédition malheureuse de Spoliosky Ier et qui mena à l'embuscade de la forêt d'Ostan en 1077 ; écrit en vers et en prose rythmée, il a suscité beaucoup d'admiration et d'innombrables controverses.

    Architecture et arts :

    De même que la littérature estalienne se divise naturellement en œuvres orales, ou populaires, et en œuvres écrites, de même l'architecture estalienne se partage en édifices de bois et constructions de pierre. L'architecture en bois, comme la poésie populaire, remonte souvent aux Slavovites et aux Premiers Slaves. L'architecture en pierre et la littérature écrite, liées toutes deux à la conversion de l'Estalie, ont toutes deux subi l'influence fondamentale du christianisme. On ne doit pas pour autant les négliger comme étant de simples copies de ce qui se fait déjà dans le reste du monde chrétien, car dès l'ère chrétienne (Xe-XIe siècle), elles ont connu une évolution originale dans un milieu nouveau, et donné naissance à des oeuvres de valeur. L'emprunt, assurément, est au coeur même de l'histoire des cultures.

    Comme le bois est éminemment combustible, aucun édifice en bois de la période médiévale estalienne ne subsiste ; en revanche, nous connaissons deux douzaines, ou à peu près, d'églises de pierre. Elles empruntent habituellement leur modèle rémien le plan de bas, celui d'une croix composée de carrés ou de rectangles, ainsi que bien d'autres caractéristiques. Mais, dès le début, elles manifestent également des tendances proprement estaliennes, comme la prédilection pour les coupoles (plusieurs au moins, parfois bien davantage), et surtout dans le nord de l'Horistia, les murs épais, les petites fenêtres et les toits à forte pente, pour résister aux rigueurs du climat. Les architectes des grandes églises estaliennes venaient souvent du sud, vers le monde hellénique, mais il y avait aussi parmi eux des indigènes. La cathédrale Sainte-Marie de Pendrovac, commencée en 1037, est généralement considérée comme l'un des plus splendides monuments estaliens de la période médiévale. Construite par des architectes estaliens, et d'après des églises de Théodosine, elle a la forme d'une croix faite de carrées, cinq absides à son extrémité orientale, du côté du sanctuaire, cinq nefs et treize coupoles. L'intérieur est somptueusement décoré : colonnes de porphyre, de marbre et d'albâtre, mosaïques, fresques, et autres ornements. A Bolioska, une autre cathédrale Sainte Marie, tout aussi majestueuse et somptueuse que celle de Pendrovac, fut construite en 1052 et devint le centre de la vie urbaine et régionale. Mais le plus remarquable du point de vue artistique reste tout de même l'abbatiale Saint-Georges, situé dans le monastère du même nom, près de Mistohir. Bâtié par un artisan estalien entre 1110 et 1124, avec ses trois absides, ses trois couples, ses murs de pierre blanche sans ornement, elle donne une impression inoubliable de grâce, de majesté et de simplicité.

    C'est au XIIe siècle et dans la première moitié du XIIIe siècle que l'architecture estalienne produisit ses œuvres les plus impressionnantes. On y retrouve bien la fusion des traditions locales avec l'art roman venu d'Occident, certaines influences est-eurysiennes et évidemment celle du monde hellénique. Parmi les édifices qui subsistent, il faut citer, à Detruskia, la cathédrale de la ville qui servit plus tard de modèle à la grande cathédrale de Fransoviac et à la collégiale de Sainte Marie à Gardinov. La cathédrale de Detruskia, construite entre 1166 et 1171 est un rectangle avec trois absides et une coupole unique, elle reste remarquable par l'harmonie de son plan, la grâce de ses formes et de sa décoration. L'Estalie médiévale a a également connu d'autres formes d'art, liées surtout à la décoration des églises. Sainte Marie de Pendrovac, d'autres églises et cathédrales estaliennes, étaient richement ornées de mosaïques et de fresques. La peinture d'icônes était arrivée, elle aussi, du monde hellénique avec le christianisme. Bien que toutes ces formes d'art fussent dominées par la tradition hellénique, bien que de nombreux maîtres travaillant en Estalie fussent venus de Théodosine, une école proprement estalienne commençait cependant à se dégager. Elle était promise à un brillant avenir, surtout en ce qui concerne la peinture d'icônes : Saint Alyp, du monastère de Groto, et d'autres pionniers estaliens, furent à l'origine de ce qui allait devenir le mouvement artistique le plus remarquable de l'histoire estalienne. Des oeuvres de valeur de l'époque médiévale subsistent, tant dans le domaine de l'enluminure et de la miniature en général, que dans les différents arts décoratifs. En revanche, la sculpture en ronde-bosse, condamnée par l'Eglise d'Estalie, était absente des édifices du culte ; les Estaliens et les autres peuples orthodoxes devaient se contenter de statuettes et de bas-reliefs. Le bas-relief connut d'ailleurs une évolution intéressante qui atteignit son apogée dans la collégiale Sainte-Sophie de Pendrovac (plus de mille sculptures). Les divertissements populaires, où un théâtre primitif s'alliait à la musique, étaient l'oeuvre de jongleurs ambulants, les skomoro, que l'Eglise d'Estalie s'efforçait de réduire au silence, comme ennemis de la morale et vestiges du paganisme slavovite.

    L'éducation :

    Le degré de diffusion, le niveau de l'éducation dans l'Estalie médiévale restent des questions très controversées, obscurcies de surcroît par les éloges démesurés et les condamnations excessives. Au crédit de la civilisation estalienne, il faut porter le fait qu'à l'évidence, la culture décrite ci-dessus n'aurait jamais pu se développer s'il n'y avait pas eu de gens instruits. De plus, beaucoup de spécialistes ont faits la remarque les oeuvres de cette époque, notamment celles déjà cités comme les chroniques, parlent avec beaucoup de respect de l'instruction. De manière plus concrète, nous avons des mentions éparses d'écoles à Mistohir et dans d'autres villes, de monastères encourageant la science et les arts, de seigneurs connaissant plusieurs langues étrangères, collectionnant les livres, protégeant les lettrés et favorisant, de manière générale, l'éducation et la culture. En outre, les récentes découvertes montrent qu'un grand nombre d'artisans et d'autres couches de citadins, et même, dans une certaine mesure, les paysans dans les campagnes, savaient lire et écrire. Il semble pourtant que le gros de la population, et surtout les masses rurales, était illettré, et très ignorant.
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