"Ce que j'ai vu en un mois ? La couardise, la trahison et le mensonge. Que Dieu préserve notre peuple, il n'y a plus que Lui pour les empêcher de s'entretuer."
Piotry Husak.
Nous sommes alors le 12 Septembre 2013. Cela fait désormais un peu plus d'un an que le Royaume d'Estalie est plongée dans une crise financière catastrophique pour tous les pans de l'économie nationale. Le chômage, alors naturellement faible en Estalie tout au long du XXe siècle, atteint des records historiques jusqu'à 38% de taux de chômage pour le mois d'Août 2013. Malgré l'évidence de réformes et de mesures d'urgence, le Parti Libéral semble incapable de réagir. La crise financière, provoquée par une bulle spéculative sur l'immobilier, entraînée principalement par l'acquisition de plus en plus précoce de logements individuels de la jeunesse et par une augmentation des investissements immobiliers des épargnants estaliens a mené à l'effondrement de la Faboruya Bank, alors la plus importante banque privée du pays au moment de la crise. Le Parti Libéral, se refusant d'appliquer des mesures interventionnistes en pensant que le marché serait capable de réguler soi-même et qu'une intervention étatique ne pourrait qu'aggraver les choses, la crise s'est aggravée. La plupart du secteur bancaire a suivi la Faboruya Bank dans la tombe et leurs débiteurs, c'est-à-dire la plupart des entreprises privées qui constituaient le tissu économique principal du pays, voient alors leurs crédits se resserrer rapidement. Le resserrement du crédit engendra une vague de licenciements qui engendra à son tour une augmentation du déficit public du fait de l'augmentation des aides sociales aux nouveaux chômeurs. L'assurance-chômage estalienne était alors très généreuse pour les standards internationaux (comme dit précédemment, le chômage en Estalie était très faible depuis plus d'un siècle, l'Estalie arrivait aisément au plein emploi et pouvait donc se permettre de fournir des aides sociales très généreuses aux rares chômeurs qui constituaient le chômage structurel et conjoncturel du pays).
Cette situation économique catastrophique fit chuter la production nationale et la récession s'installa. Le Parti Libéral, l'année 2012 passée, tenta de réagir mais ses mesures d'urgence furent au choix trop tardives soit manquaient d'efficacité concrète. Ce manque d'efficacité s'expliquait principalement par le factionnalisme ambiant au sein du parti dominant de la scène politique estalienne : des décennies d'absence d'opposition politique sérieuse au Parti Libéral avait favorisé la création de factions au sein du Parti, tantôt néolibérales, tantôt plus conservatrices ou encore interventionnistes. Les décisions qui arrivaient à péniblement être appliqués étaient des mesures de compromis essayant de contenter les deux extrémités du parti sans jamais s'orienter pleinement dans une seule direction. Ainsi, pour donner un exemple concret, le gouvernement décida en Février 2013 de recapitaliser près de 84 banques privées en difficulté dans tout le pays pour résoudre le problème d'insolvabilité des fonds propres de ces mêmes banques mais refusa de mettre en place une société nationale de restructuration des actifs afin de récupérer les créances douteuses des banques afin d'alléger leur bilan et améliorer leur solvabilité. Résultat : la recapitalisation (estimée à 112 milliards de Jovyz (la monnaie royale de l'époque)) a été un échec sur le long terme. Sur les 84 banques recapitalisées, 25 banques ont finis par faire faillite malgré tout, entraînant leur clientèle avec eux.
Ces mesures d'une timidité à peine voilée ont agrandis le trou béant que constituait alors les finances publiques, la dette nationale avait atteint 194% du PIB national, le budget social a dû être restreint, ce qui a jeté des centaines de milliers d'anciens travailleurs dans la rue. En Août 2013, alors que le chômage atteignait un record historique dans l'histoire contemporaine estalienne et que le Parti Libéral semblait avoir perdu toute crédibilité aux yeux de la majorité, le gouvernement continua de restreindre le budget en licenciant un quart du personnel éducatif du pays, notamment dans les études supérieures. Cette austérité budgétaire, en réalité imposée par le CCE (Conseil Créancier d'Estalie - composé des détenteurs de la dette publique estalienne principalement), mis le feu aux poudres dans les universités et le reste du mois d'août fut agité par des manifestations étudiantes massives. Le Parti Populaire Estalien, alors présent dans la clandestinité depuis 2005, réussit aisément à rallier les masses et malgré des protestations généralement publiques, la police royale est incapable de réprimer ces manifestations publiques d'un parti pourtant illégal. Malgré l'ascension politique de ce parti qui pourrait bien utiliser les masses pour prendre le pouvoir par la force, le gouvernement libéral de Schetosky, alors Premier Ministre depuis Avril 2013 suite à la démission de son prédécesseur, refuse de mobiliser l'armée. Le Premier Ministre se refusait en effet à réprimer par le sang des étudiants et de transformer l'Estalie en dictature.
Face à l'indécision de Schetosky, les éléments conservateurs et nationalistes du pays se retrouvaient affolés face à l'instabilité des grandes villes. Le gouvernement de Schetosky était détesté de tous, de la gauche jusqu'à la droite. Or, la droite conservatrice voyait alors la recrudescence des activités du PPE comme une menace claire envers la monarchie auquel les conservateurs étaient très attachés. Cette frange conservatrice était particulièrement virulente chez les hauts gradés de l'armée royale. Le 4 Septembre 2013, un militant anarchiste, Léon Hugaski, est tué accidentellement par les forces de la police royale et le lendemain de la mort de Hugaski, celui-ci est alors déjà érigé en martyr par les manifestants. Le 5, près d'une centaine d'extrémistes anarchistes armés d'armes contondantes réussissent à percer le dispositif de la police autour du Parlement de Mistohir et parviennent brièvement à entrer dans l'hémicycle. L'entrée des anarchistes n'est pas une coïncidence anodine : au moment où les anarchistes entrèrent, ils interrompent alors une procédure de vote visant à accroître les pouvoirs de l'armée royale en cas de crise intérieure grave (une disposition alors absente de la Constitution de 1905). L'image est marquante : un citoyen lâchant une fumigène juste devant la tribune du Premier Ministre avant de crier "Plutôt mort qu'enchaîné !" en direct à la télévision devant toute la nation. C'est un coup politique mais aussi médiatique absolument magistral qui provoque un redoublement de l'intensité des manifestations. Celles-ci ne se contentent plus d'étudiants protestant contre l'austérité budgétaire et l'immobilisme gouvernemental mais c'est bien tous les corps sociaux du pays qui commencent eux aussi à descendre dans la rue. Le 8, face à une telle agitation et une demande accrue d'adhésions au sein du PPE, Pyotri Husak énonce un discours à Pendrovac, en face de la statue du Mémorial de la Bataille de Pendrovac. Ce discours est volontairement anti-monarchiste et anti-capitaliste, désignant le secteur de la finance, les banques, la haute finance internationale et les bourgeois comme la cause première de la souffrance du prolétariat. Sans inciter explicitement à prendre les armes, Husak calomnie entièrement la monarchie et le Parti Libéral qui "devront répondre de leurs actes devant le peuple libre d'Estalie". C'est ce discours qui va provoquer la réaction d'une armée royale alors attentiste.
Le 10 Septembre, le général Rudaviak, dirigeant la 2e Brigade mécanisée, proclame un pronunciamento à l'encontre du Parti Libéral qu'il accuse d'immobilisme. Ce manque de réaction et de ligne directrice claire laisse la place au PPE que Rudaviak estime comme une force terroriste subversive qui ne cherche qu'à provoquer la guerre civile dans la terre sacrée des Estaliens pour le compte d'organisations extrémistes étrangères. Les blindés de l'armée royale entrent dans la capitale et après quelques brefs affrontements avec la Garde Parlementaire, le général Rudaviak entre dans le Parlement et proclame un gouvernement militaire provisoire qui, au nom de Sa Majesté d'Estalie, se chargera de rétablir l'ordre public dans les grandes villes et d'exterminer la menace anarcho-communiste par tous les moyens envisageables.
La répression qui s'ensuit est violente. Les deux semaines qui suivent le Coup d'Etat, l'armée royale ouvre le feu à plusieurs reprises sur les manifestants et tue en quelques jours plusieurs centaines de personnes (environ 850 personnes selon certains organismes humanitaires indépendants). Malgré une répression féroce et l'incarcération de milliers d'opposants politiques, en partie des anarcho-communistes mais aussi beaucoup de libéraux refusant tout bonnement que leur pays ne devienne une dictature militaire, Rudaviak a du mal à consolider son pouvoir. Le Roi Svelaskia Ier, sans renier le général, ne semble pas vouloir s'associer à lui et à part une clique militariste triée sur le volet, la loyauté de l'armée royale est plus que douteuse tandis que son soutien populaire est inexistant. Le coup mortel au régime de Rudaviak se produit le 24 Octobre lorsque la 1ère Brigade Blindée fait défection, fait pendre en place publique les officiers loyaux à Rudaviak et fraternise avec les manifestants dans la ville de Suvishir. La nouvelle entraîne une réaction dans tout le pays : d'abord à l'est puis progressivement d'est en ouest, les soldats fraternisent avec les citoyens et refusent de se plier aux ordres de leurs officiers. Le 30 Octobre, Husak appelle enfin à la Révolution dans un discours télévisé mémorable au Parlement de Fransiviac, alors complètement ralliée à l'opposition anti-Rudaviak. En quelques jours, c'est la déroute pour les loyalistes : les forces armées se rallient aux manifestants et Mistohir, que Rudaviak comptait fortifier, est infiltrée par des commandos du PPE qui s'infiltrent rapidement dans le Parlement et assassinent Rudaviak et une partie de ses fidèles. Alors que le 2 Novembre, le drapeau anarchiste flotte sur le Parlement, le Roi Svelaskia Ier fuit la capitale et Husak proclame le lendemain la Fédération des Peuples Estaliens dans un hémicycle rempli de citoyens, d'ouvriers, de soldats et de paysans armés jubilant d'enthousiasme à la proclamation d'Husak.
Or, comme nous le verrons bientôt, cette déclaration ne sera que le début des problèmes pour l'Estalie.