10/11/2014
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[Activités Intérieures] Lutte pour le pouvoir en Paltoterra Oriental

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Mais je vous aime par-dessus tout, vous les phares :
Dans l'orage et la tempête, vous marchez seuls,
Depuis les horizons inhabités, vous êtes vus par tous.
- Aleksei Gastev

"New Planet" (1921) by Russian painter Konstantin Yuon

La révolution puis la guerre n'avait épargné personnes, de telle façon qu'il ne restait en somme qu'une seule catégorie d'individus disposant d'une certaine audience et n'ayant pas été éliminés, poussés à l'exil ou condamnés pour un crime lié à la Communaterra : les artistes. Dans la région cela n'avait cependant pas grand-chose de nouveau et l'une des "zones" les plus pacifiées de l'ancien Communaterra avait été dirigée par une étrange alliance entre brigadiers internationaux restés après la guerre civile et artistes s'improvisant politiciens révolutionnaires. Le dispositif proposé par le gouvernement provisoire, alliant conseillers kah-tanais et figures de proue issues du monde des arts, proposait en somme une expérience relativement similaire. C’était en tout cas ainsi qu’on avait rationalisé un choix bien moins maîtrisé qu’il n’était imposé par les évènements. Mais on ne pouvait admettre que la victoire militaire ne débouchait pas sur une victoire politique, et celle-là ne pouvait être qualifiée ainsi sans l’illusion, au moins, d’un contrôle total de ses débouchés. Il n’en était rien et les kah-tanais savaient qu’il n’était pas possible de réellement calmer la bête. La Communaterra était une enfant terrible, mais l’enfant de circonstances qui n’avaient pas évoluées. On avait expurgé le mouvement, arraché ses racines et décapité le corps comme un vieux monarque, mais il y avait le reste : cette radicalité révolutionnaire, ce désir de Nouveau, si fort, si unique, qu’il avait de quoi effrayer jusqu’aux plus minoritaires des partis kah-tanais. La vérité c’est que ceux-là avaient depuis longtemps colonisé l’imaginaire politique et militant de la région, et qu’après le Communaterra, c’était peut-être bien à eux de s’élever, de faire là-bas ce qu’ils n’avaient pas pu faire à la maison. De faire dans ce pays brisé ce qu’un Grand Kah trop fonctionnel n’avait jamais rendu possible. La Révolution totale, la remise en question de chaque chose.

C’était une autre interprétation, en tout cas. Peut-être naïve, ignorant là encore la part importante de hasard qui avait amené à la recomposition actuelle du territoire. Ignorant aussi les efforts particuliers d’une femme, Iris Leonid Pavalanti, qu’un opportunisme à toutes épreuves et une saine dose d’intelligence avaient amenées au sommet de cette jeune administration. Dans un pays qui avait soumis aux leaders régionaux et aux logiques de culte, elle n’avait jamais brillé qu’en tant que femme de l’ombre. Des débuts de la révolution à la déclaration de guerre, elle avait été la femme de main de Fridà Kalò, la présidente du Comité Populaire de la Zone d'Artadozonejo. C’est depuis les commissariats d’Artopolis qu’elle avait observée le mouvement se déliter, se bouffer de l’intérieur, et acquis une conviction qui lui avait sans doute sauvé la vie : ils étaient tous fous. Fous à lier. Les Fridà, les Lyudmila Pavlitchenko, les Xaïomara. Tous les présidents de zone, les membres de Comité, les "militaires", représentants, voix et visages du mouvement. Ils étaient tous fous. Elle les aimait car ils étaient ses camarades, elle les aimait, car elle avait vaincu les vieux régimes avec eux, mais elle savait. Savait pour les purges. Savait pour les fosses communes. Savait aussi pour la défaite qui s’annonçait : elle avait un regard extérieur sur les évènements. Un regard dépassionné. C’était peut-être sa plus grande qualité, d’ailleurs. Cette absence de passion.

Elle les avait vu, durant les réunions. Ces teigneux colériques, ces menteurs décomplexés, qui répétaient sans cesse que l’on pouvait gagner la guerre ; qu’un quelconque miracle révolutionnaire balayerait les kah-tanais, provoquerait la fin du vieux monde, dépasserait jusqu’aux lois de la physique. Ils faisaient mine d’ignorer que la victoire n’était pas une question de plan, de méthode, de stratégie, mais de chiffres, et qu’aucun de ceux-là n’était en la faveur de la Communaterra.

Celle qui, pendant quelques années, avait tenté d’organiser l’éducation et la culture du mouvement savait qu’il ne restait donc qu’assez peu de solutions : sauver la révolution d’elle-même, ou acter son écrasement militaire et sa subversion par l’étranger. Le choix du moins pire s’imposait. Faute d’égo ou de passion, elle ferait le nécessaire.

La vérité, bien-sûr, c’est qu’elle avait peur. Mais elle ne pouvait pas le dire ni se l’avouer ainsi. Il ne s’agissait pas de prudence, pour elle. Ni même de sa propre survie. Non. C’était pour le bien commun. Incidemment, il s’avérait que le bien commun et le bien d’Iris Leonid Pavalanti coïncidaient parfaitement.

Elle avait eu peur très tôt, en fait. Lors de la révolution qu’elle avait rejointe malgré sa stature de bourgeoise éduquée, lors des premières purges, puis des suivantes aussi. Lorsque des hommes d’Anarka avaient tentés d’entrer au sein Artadozonejo, que des brigadiers internationaux les en avaient empêchés, que cela avait provoqué une crise sur tout le territoire. Peur lorsqu’elle voyait, tout autour d’elle, des gens disparaître dans le silence, l’indifférence ou l’ignorance feinte. Lorsqu’elle comprit sur a survie ne tenait peut-être qu’à son amitié auprès de Frida. Celle-là avait le mérite de ne pas s’intéresser à la politique des Républiques, fût-elle fédérale ou extérieure. Elle régnait sur son petit domaine et protégeait les siens de ses impétueuses camarades, lesquelles la voyaient comme une modérée tout juste tolérable en vue de sa popularité.

Elle avait dû donner d’autres gages pour ne pas finir comme Alexandre Verlumino. Le président du Comité Prolétaire de la Zone de Riĉaĵlando avait été tué par les forces de la répression, dans sa capitale même. On avait saccagé Athéopolie : une émeute contre-révolutionnaire, prétenduement. On en avait surtout profité pour tuer des lettrés, d’anciens propriétaires terriens, des universitaires divergents ou des journalistes modérés. Seule Artadozonejo restait sûre. Et pour combien de temps encore ? Si Alexandre Verlumino avait été tué, c’est parce qu’il était à la fois populaire et modéré. Lorsqu’on proposa à Iris de prendre sa place à la tête de sa Zone, elle fut terrifiée, comprenant très bien qu’un jour ou l’autre, ce sera à son tour de finir assassinée en pleine rue, son corps retrouvé en plusieurs morceaux de chair et d’os brisés, dans les caniveaux de la ville nouvelle.

Elle fit mine de refuser. Trop humble. Puis la tension grimpa avec le Grand Kah, et son instinct de survie lui dicta de prendre dès que possible des mesures pour survivre à la guerre. Elle savait qu’il y en aurait une. Elle savait que ni l’égo ni la radicalité de ses amies ne leur permettrait une autre ligne de conduite que la guerre.

Alors elle avait finalement accepté de prendre la tête de la zone puis, parce que la situation le permettait, parce qu’elle en avait besoin, parce qu’elle savait très bien comment les choses fonctionnaient ici-bas, les ayant observées depuis sa position privilégiée, elle se prépara à survivre.

Elle organisa ses propres milices, éleva quelques fidèles qu’elle rassembla au sein de comités et d’une garde républicaine. Prépara la défense de son territoire, sans jamais préciser contre qui, et donna des gages à tous ceux qui en exigeaient : les modérés terrifiés de ce qui allait suivre, les radicaux qui n’avaient plus d’yeux que pour la guerre. Quand elle se déclencha enfin, elle laissa les présidents de Zone se rassembler en réunions stratégiques et meetings, assista sereinement au déclin rapide de leurs moyens d’action et de leur santé mentale. Combien de ces réunions s’étaient finis en disputes violentes ? Combien d’autres en crises de nerfs, en invectives, en vœux pieux ? « La guérilla aura raison d’eux ». « Un des nôtres vos cents des leurs ». « Les kah-tanais sont des imbéciles, ils tomberont dans nos pièges ». Et la réalité, sourde à ces discours, d’une ligne de front qui reculait, se fracturait. De forteresses cachées bombardées sans interruptions. De tunnels éventrés. De champs de mine passés et déblayés.

D’un naturel pessimiste, Iris ne donna que quatre mois à la Communaterra contre les six qu’elle prit finalement à tomber. Elle prit rapidement contact avec les kah-tanais, démontra qu’elle n’était pas liée aux grands crimes que l’Union reprochait au mouvement, puis s’associa aux envahisseurs. Ils avaient besoin d’une administration d’occupation, elle pouvait leur fournir. Elle s’y prit vite et très bien.

Ce n’était pas bien compliqué de prendre le pouvoir, quand il n’y avait personne pour s’y opposer. Les fous l’avaient regardé faire sans comprendre. Elle siégeait dans sa capitale, mais étendait ses réseaux de l’autre côté des territoires pris par l’Union. Quand celle-là arriva sur son sol, elle rendit les armes sans combattre et partit en campagne. Le plus difficile, elle le savait, serait de devenir une héroïne plutôt qu’une traitresse. Pas que la population s’en soucierait vraiment. Elle voulait la paix et accepterait son visage quel qu’il soit. Mais Iris avait besoin des radicaux. Besoin de leur obéissance. Besoin qu’ils ne se brusquent pas et l’admettent à leur tête. C’était ça, ou prolonger inutilement la guerre civile.

C’était si bizarre. Si facile, aussi. La femme de l’ombre dépassionnée, la cheffe de zone depuis quelques mois à peine, ce visage morose et concentré, s’était métamorphosée en une leader populiste. Derrière les lignes, les kah-tanais se souciaient assez peu de politique. Ils menaient cette guerre sans importuner les comités, lesquels continuaient lentement de se désagréger. Sans la contrainte de la Communaterra, plus rien ne les obligeait à suivre son système d’organisation, lequel avait provoqué famines et effondrement économique. Cependant le mal était déjà fait et de telle façon que les comités étaient presque incapables de se relever seuls. Le pays dans son ensemble devenait un taudis. Les kah-tanais avaient des options et des solutions à proposer pour résoudre la crise humanitaire, mais on avait du mal à les accepter, de peur que quelques fanatiques de la communaterra, passés dans la clandestinité n’assassinent quiconque attrape cette main tendue. Iris se composa auxiliaire de l’occupant et, avec son soutien, mis son armée privée au service des comités libérés. Sa « garde républicaine » devint une formidable milice, s’organisa en épine dorsale de l’effort humanitaire. Et montée sur un camion, Iris traversait le pays, donna des discours, proclamant tour à tour la fin de la Communaterra, de la disette, les prochaines grandes réformes qui amélioreraient la vie de tout le monde. On ne savait pas précisément pourquoi les kah-tanais la laissaient faire, mais on s’en moquait bien : pendant qu’un régime pourrait à l’Ouest de la ligne de front, quelque chose d’autre naissait à l’est du pays. Pendant six mois de guerre, Iris créa sa propre administration sur les ruines de la Communaterra, élimina ses concurrents, fit disparaître les pires radicaux. Elle ramena le peuple au sein des villes, justifia l’existence d’une administration indépendante auprès des kah-tanais, lesquels lui imposèrent d’abord des politiques économiques, puis lui laissèrent progressivement de plus en plus de marge de manœuvre. Enfin, quand les derniers jours de la guerre furent proches, elle déploya ses miliciens derrière la frontière. Ses anciens camarades la haïssaient pour beaucoup, mais la réciproque n’était pas vraie. Elle voulait cependant assurer la paix et, pour cela, devait les empêcher de nuire. Devait les garder sous sa protection, loin des kah-tanais qui les tueraient à coup sûr, loin aussi d’une liberté qu’ils exploiteraient pour continuer leur lutte imbécile.

Dans les derniers jours de la guerre, elle arriva à enlever quelques-uns des derniers cadres de la Communaterra et, en participant aux derniers assauts contre les places fortes du mouvement, couvrit son gouvernement de sang. Maintenant la Communaterra la haïssait. Maintenant les Kah-tanais étaient satisfaits. Elle avait sacrifié le sang de ses frères et de ses sœurs à ce nouveau Dieu, ce nouveau Soleil. Repu, il consentit à la laisser exister. Fit d’elle la gardienne de cette terre meurtrie. On la laissa libre d’y faire ce qu’elle voulait. Despote et vassal. Une fois de plus soumise aux caprices d’une entité dont dépendrait toute son existence.

L’instinct de survie d’Iris n’était que provisoirement satisfait et, elle le savait, ce qui suivrait lui serait entièrement imputé.
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La foule attendait, dehors. Elle était venue de toutes les communautés rurales environnant l’ancienne capitale à bord d’autocars, de camionnettes, des rares trains qui roulaient à nouveau. Elle s’était massée dans les rues, redécouvrant avec surprise les rues propres et déblayées de Nekompromisa. Un effort important avait été mis en œuvre pour que le moment soit à la hauteur de l’enjeu historique et les services de communication kah-tanais s’étaient pour leur part montrés très avenant en prêtant le matériel et les techniciens nécessaires à son immortalisation. Le reste dépendrait en grande partie d’Iris, laquelle faisait présentement les cent pas dans le grand salon orné du capitole. Elle s’était préparée à ce moment, passant plusieurs nuits à rédiger et corriger son discours. Du reste elle connaissait la foule pour avoir passé les derniers mois à son contact. Traverser le pays pour rencontrer ses citoyens, leur tenir des discours fiévreux sur l’avenir de la nation et la survie de son peuple.

Cette fois, cependant, c’était très différent. Les citoyens étaient venus à elle, à son appel, et elle s’adresserait à tout le pays. Plus spécifiquement, elle officialiserait la nouvelle forme de son administration et de ses emblèmes. Elle entrerait dans l’histoire non pas comme une figure de la révolution ou comme une artisane de la paix avec les kah-tanais, mais bien en tant que cheffe d’État. Et ensuite ? Ensuite il faudrait réparer les milliers d’erreurs que ses prédécesseurs avaient faits. Mais ce n’était pas ce qui l’agitait à ce point. Pas ce qui la poussait à traverser, encore et encore, l’immense hall, piétinant son tapis rouge sous le regard inquisiteur des portraits officiels.

Tout son état-major était là. Les chefs de la garde républicaine, installés près d’une table où l’on avait placé de l’alcool dans des bouteilles de cristal, les figures qui avaient émergées au sein de son administration d’urgence, celles et ceux qui composeraient les rangs de son cabinet gouvernemental. Une belle bande de seconds couteaux, s’il fallait être honnête.

Et dans un angle lointain de la pièce, Mauve. Elle regardait toute la scène d’un air parfaitement neutre, faisant parfaitement mine d’ignorer qu’un certain nombre de celles et ceux qui se trouvaient ici avaient célébrés la mort de son prédecesseur. Lothar Nal Meliorus. Ses peintures de guerre, formant une croix rouge caractéristique, suffisait à rappeler ce fâcheux incident à toutes les personnes présente.

Les portes doubles du salon s’ouvrirent sur Ehara Kagami. La pièce centrale de la garde républicaine et, à tout point de vue, l’âme damnée d’Iris. Celle-là s’arrêta nette et pivota dans sa direction, acquiesçant alors qu’elle avançait vers elle.

« Oui ?
Tout est sûr. On ne te tirera pas dessus au balcon.
– Et pour le reste ? »

Elle secoua la tête. Mauve haussa un sourcil mais ne dit rien. Iris acquiesça. Elle ne semblait pas beaucoup plus apaisée.

Estele Zorita entra depuis le balcon. Ancienne peintre, elle avait pris la relève d’Iris à la tête de sa Zone lorsqu’elle avait pris la route. Pour beaucoup son pouvoir était indissociable de cette anarchiste veste. Elle fut rapidement rejointe par Macos Cortés, autre figure importante de la modération politique qui se contenta d’acquiescer. Estele frappa ses mains l’une contre l’autre.

« Ils sont prêts à te voir.
– J’entends ça.
– Ils attendent ce moment depuis des semaines. »

Iris acquiesça et se dirigea vers le balcon, ses sergents sur les talons. Mauve croisa les bras et leur adressa un vague signe de tête alors qu’ils passaient les rideaux pour déboucher à l’extérieur.

Dehors une marrée humaine couvrait la place, dressant des bannières et des pancartes. Des projecteurs installés sur des bâtiments voisins projetèrent leurs faisceaux sur la place puis remontèrent sur le balcon. Positionnée derrière son micro, Iris avait dressée les bras pour réclamer le silence.

« Camarade !

Très chères citoyennes et citoyens du Paltoterra oriental ! Je viens à vous aujourd’hui non pas comme celle qui viendra mettre un terme à la révolution mais bien comme celle qui ayant pris conscience de ses limites et de tous nos échecs, espère l'amener à son accomplissement ! 

Nous sommes réunis ici et en ce jour sur le siège de nos vieilles institutions, non pas comme un peuple divisé et meurtri mais comme ce que nous avons toujours été et toujours appelé, de nos vœux, à devenir ! Des prolétaires unis ensemble contre nos ennemis véritables ! La disette, la pauvreté, la souffrance ! Et luttant ensemble pour obtenir enfin ce qui, au-delà d'être nos objectifs, est ce que chaque être humain mérite et ce que nous avons combattu pour mériter ! La justice, l'égalité, un toit, à manger, du pain et pas de discours ! 

Il me faut hélas adresser un mot à toutes celles et ceux que l'expérimentation du Communaterra aura meurtri et blessé. Combien de centaines d'entre nous, combien de miliers, ont perdu la vie ? De faim, de maladie ? Dans cette guerre imbécile où nous avons été traînés par la folie d'une minorité ?

Nous avons voulu courir avant d'apprendre à marcher.

Nous nous sommes trop empressés et en avons payé le prix. Nous avons prêché, prêché jusqu'à plus soif, les avenirs chantants, mais n'avons pas pris la peine de les réaliser. Nous avons cru que la rhétorique, que l'idée amènerait le fait. Alors que l'idée doit alimenter le fait et ne pas se passer de lui. Ah ! Comme je comprends celles et ceux qui, par-delà nos frontières, ont ironisé, puis ont craint. Comme je comprends celles et ceux qui nous voyaient comme des bêtes. Mais nous ne sommes pas des bêtes. Nous n'avons jamais été des bêtes. Nous sommes des êtres humains libres, et plus libres encore que beaucoup de celles et ceux qui ironisaient sur notre sort.

Nous sommes des Communes unies. Des Soviets. Des comités. Des conseils. Des syndicats. Des républiques ! Nous sommes un peuple immense et unifié, nous sommes un peuple libéré ! Et nous sommes un peuple qui attend l'avenir. Et au-delà de l'attendre, un peuple qui le fera, advenir !

Nous avons le courage de nos besoins, de nos ambitions. Nous avons maintenant les moyens d'y parvenir. La vieille garde est morte éliminée par cette guerre qu'elle a tant voulue et provoquée, la vieille garde a été balayée ! Et combien sont morts pour la protéger ? Beaucoup ont cru que ce serait la fin de notre rêve. Beaucoup de nos ennemis ont espéré que ce serait le cas. Beaucoup de nos amis ont pleuré cette fin. Aujourd’hui, la situation a évolué : une jeune garde prendra la relève. Je le sais-je ne suis moi-même pas tout à fait une nouvelle venue sur la scène, à la Tribune. Et beaucoup ont déjà vu mon visage.

N'ai-je pas été chef d'une zone ? Officiée à l’Est du pays puis partout ailleurs pendant six mois de guerre ? Mais si j'ai autant travaillé, si j'ai tant été visible, c'est qu'il fallait bien que quelqu'un ici se dresse et dise, dise à nos ennemis militaires que la guerre n'était pas une fatalité ! Et que parce que nos ennemis sont communs, la fin, l'injustice, l'iniquité, parce que nous combattons les mêmes démons, alors une entente était possible ! Et c'est plus qu'une entente que je vous apporte ! C'est la promesse d'un renouveau de grandes choses !

Oui, nous nous dirigeons enfin vers de grandes choses. Et j'y veillerai personnellement. Je ferai en sorte enfin que le Paltoterra oriental s'érige non pas comme une puissance de guerre, non pas comme une force qui renversera la table et qui brûlera le vieux monde qui l'écrasera dans un sang, dans une marée radicale de destruction, mais. Comme quelque chose de tout autre.

Oui, nous voulons tuer le vieux monde. Ce n'est pas pour tuer tous ses fils, toutes ses filles. Tuer le vieux monde ne veut pas dire noyer le monde sous le sang. Nous ne noierons personne.

Au contraire nous construirons. Construirons des routes, des villes, des industries, nos planterons des champs et des jardins. Les fleurs pousseront dans le sillon que creusent nos pas. Et nous marcherons d'un pas décider vers un devenir qui sera celui que nous avons décrété de construire, celui que nous souhaitons voir advenir ! Plus question, ici, plusquestion de nous soumettre à quelques leaders d'opinion, à une petite masse d'avant-gardistes prétendant mieux connaître que tout le monde ce qui devrait être fait pour le bonheur de chacun ! La révolution s'est faite sur des promesses : que chacun aurait son mot à dire, qu’il n'y aurait plus de chef de guerre, de noblesse, de petits rois insupportables !

Et nous avons failli. Nous avons failli parce que nous avons cru, réellement cru que nous représentions à nous, à nous seuls, La Révolution, une forme réelle et objective d'avant-garde révolutionnaire. Nous pensions pouvoir incarner mieux que tous les autres la matérialité historique nécessaire à l'accomplissement de ce que nous attendons pourtant tous ! Le fait est que nous avons manqué de vision, peut-être. OU au contraire nous avions trop de visions, trop de vision pour nos moyens, trop de vision aussi pour nos méthodes et nous avons appris dans le sang.

Ainsi je ne pleure pas la mort de mes camarades. Oui, nous avions fait la révolution ensemble. Et oui, ils sont morts en pensant sincèrement nous défendre. Encore que je crois voir un certain cynisme dans celles et ceux qui ont provoqué cette guerre que nous ne pouvions gagner. Et au contraire, je me dois de remercier ceux qui, ayant gagné cette guerre, ont fait tout le nécessaire pour ne pas nous humilier. Car enfin, si j'ai tout fait, tout organisé avec la révolution et les révolutionnaires pour mettre un terme à la faim. Si j'ai tout fait pour ramener les gens dans les villes, si j'ai tout fait pour arrêter les purges, pour qu'on ait plus peur de ceux qui purgeaient, si j'ai tout fait pour ramener la paix et rétablir l'équité au sein de nos belles communes… Aurais-je pu le faire sans la bienveillance des kah-tanais ? Aurais-je seulement le faire sans l'accord de la Confédération ?

Ne prétendons pas une seule seconde que nous avons repoussé nos adversaires ! Non, ils ont gagné, puis ils nous ont laissé reconstruire, car ils n'ont jamais été nos ennemis et que nous sommes dressés face à eux comme un peuple uni certes, mais à cause d’un mensonge. Et je sais que ces paroles ne font pas plaisir à tous et chacun. Je sais que ces paroles me font de nouveaux ennemis, mais je ne les crains pas, car il faut dire la vérité et que contrairement avait prédécesseur, je ne mentirais pas . Jamais. Je suis là pour dire les choses, je suis là pour faire la révolution et je suis là pour reconstruire un monde, et on ne construira pas un monde sur des mensonges : nos bases sont réalistes, matérialistes et vérifiables.

Alors, j'ose le dire. C'est parce que le Grand Kah nous a adressé une aide humanitaire formidable, c'est parce que des milliards de dev-Lib ont été investis dans notre économie. C'est parce que des médicaments sont rentrés massivement avec les forces d'occupation qu'aujourd'hui vous êtes vacciné, qu'aujourd'hui vous n'avez plus faim, plus soif et qu'aujourd'hui vous pouvez réinvestir ces villes dont vous a chassé de force il y a 3 ans.

Et ne pensez pas une seule seconde que cela me fait plaisir. Ne pensez pas une seule seconde que je suis heureuse de vous dire que celles et ceux qui ont tué 30 000 de nos braves soldats pour mettre un terme au crime de mes prédécesseurs sont aussi responsables de notre survie. Ne pensez pas que je ne préférerais pas vous dire que nos médicaments viennent notre belle commune. Que notre nourriture vient de nos champs, que nos vêtements viennent de nos industries. Oui ! C'est pas que je préférerais vous dire.

Ne pensez pas que je ne préférerais pas vous dire que tout ce que nous recevons vient de chez nous et que notre autarcie est réelle. Seulement notre autarcie n'a jamais fonctionné. Autarcie a mené à la famine, aux maladies, aux épidémies. Alors que pouvons-nous faire, que devons-nous faire ? Eh bien, ce que nous avons toujours espéré faire :construire.

Nous construirons des hôpitaux encore pour commune, des cliniques, des centres de soins. Nous construirons des écoles, des maisons, des logements pour toutes celles et ceux qui n'ont plus rien. Distribueront des vêtements. Nous bâtiront nos industries textiles, nous répondrons enfin de nouvelles méthodes pour gérer l'économie, et nous mettrons un terme à ce besoin impétueux que nous avons d'être aidés par le Grand Kah.

Nous recouvrerons notre indépendance économique, et alors nous pourrons enfin dire que la révolution a été accomplie par nos propres moyens. Mais en attendant, nous sommes leurs obligés et en attendant, nous devons reconnaître que nous avons été vaincus et que le temps n'est certainement pas à la vengeance, car notre pays même ne supporterait pas, non, ne pourrait pas survivre à la vengeance.

C'est pourtant la vérité. Elle ne me fait pas plaisir. Mais si nous désirions seulement nous venger si nous venait l'idée stupide, imbécile de nous dresser contre ceux qui nous ont tendu la main, qui resterait-il de notre pays ? Vraiment ? Nous nous noierions dans le sang et les larmes. Le Grand Kah a balayé nos forces pour éliminer nos anciens tyrans. Quelques extrémistes radicaux qui manquaient de vision, qui manquaient de finesse, qui manquaient à vrai dire de tout espoir de faire advenir la révolution réelle. Ce qui pourrait lui arriver demain, si, après une telle défaite, nous prenions le chemin de la vengeance, ce serait l'écrasement fort et simple de notre nation. Le Grand Kah nous laisse reconstruire, mais est attentif. Et il n’est pas seul : si nous le faisions afin d’accomplir une vengeance, pensez-vous seulement que le Duché au Nord nous laisserait faire ? Pensez-vous que l’NOD n'enverrait pas ses bâtiments de guerre nous écraser dans le sang ?

Nous devons ranger notre ego, ravaler notre douleur et nous concentrer sur nos objectifs réels. Le nationalisme est une perte illusoire et nous le savons. Nous concentrer sur les idées nationalistes, c'est nous concentrer sur la perte de notre nation, mais aussi sur la perte de nos intérêts véritables. C'est une chose qui alimente les fascismes, qui alimente ces fausses démocraties, ces oligarchies. C'est une chose dans laquelle nous devons pas nous perdre. Alors nous devons oublier le nationalisme et oublie cette fierté imbécile qui nous a déjà guidé la catastrophe une fois. Ne pas la laisser guider la catastrophe une seconde fois. Pour cela j'espère pouvoir porter une voix, celle d'un gouvernement provisoire, qui étendra ensuite à devenir un gouvernement je l'espère perpétuel, juste, équitable et parfaitement démocratique. Ce gouvernement provisoire n'existera que le temps de quelques missions qui seront gérées par des commissions. Ces commissions seront gérées par des experts et des méritocrates, des individus hautement révolutionnaires, mais aussi, surtout, hautement pacifiques, dont le seul intérêt sera celui non-pas d'idéologies, mais des habitants, des citoyens. Des héros qui ne chercheront pas à s’élever plus haut que nos montagnes et qui se rappelleront que l'on doit marcher avant de courir. Qui se rappelleront que l'on doit régler des problèmes de la faim et régler les problèmes de la maladie. Que l’on doit régler les problèmes du logement, que l’on doit régler les problèmes de la criminalité, que l'on doit faire en sorte qu'il y ait des routes entre chaque ville et des villes pour chaque habitant commue, et dans ces villes de logement pour chaque citoyen.

Et que chaque assiette de chaque habitant soit pleine et que chaque enfant de chaque habitant soit éduqué et que chaque habitant ait son mot à dire dans chaque commune. Et que chaque territoire ait ses communes, et ses syndicats, et ses républiques. Et que notre Union ne soit plus seulement une idée révolutionnaire mais un fait accompli, vérifiable et matériel. Que l'expérience révolutionnaire devienne pas un tombeau, une fosse commune immense.

Oui ! Que ce faux départ ne soit pas l'avortement de notre révolution, mais une expérience de laquelle nous apprendrons pour nous redresser plus fort que jamais. Oui, la vérité c'est qu'il faut craindre, il faut craindre, car nous avons encore beaucoup de choses à apprendre et de très nombreux ennemis. Oui ! La République socialiste de Loduarie a installée un régime fantoche au large de nos îles. Et qui sait ce que ce régime accueil ? J’ai ouï dire qu’il pourrait accueillir Anarka, qui était en mission en Loduarie.

Elle est mon adversaire proverbial, sans doute parce qu'elle était le plus radical de ceux qui nous ont menés à la perte. C'est une amie, une vraie camarade. Je lui souhaite aucun mal, alors je lui dis et je lui demande de lâcher une bonne fois pour toutes les rênes de ce pouvoir qui lui a été offert par ces monstres eurysiens. Je lui demande de nous rejoindre lorsque nous lui tendons la main et de marcher à nos côtés. Oui, il faut impérativement que cette que ce régime fantoche insulaire prenne fin, sans quoi cela pourrait être des navires de guerre, des missiles, des armes pointées dans notre direction, et jamais nous l'atteindrons la paix.

J'ai aussi, oui, dire qu'il y avait en Sylva des gens qui voulaient exploiter notre économie, profiter de notre défaite monstrueuse pour nous imposer un système capitaliste que nous désirons pas. Mais Sylva n'est pas tout à fait le danger que vous voulait en faire mes prédécesseurs, Sylva peut être raisonner. Sylva a des intérêts qui peuvent se joindre aux nôtres. Sylva veut des ressources que nous pouvons lui vendre, Sylva à des capitaux que dont nous pourrions profiter. La vérité, c'est que nous devons accepter le commerce avec ces gens.

Enfin, il y a la Mahronie. Ce pays crypto-fasciste, dirigé par une clique d’oligarque et se rapprochant sans cesse un peu plus des monarchies les plus brutales du Nazum. Eh bien, à ces gens nous disons : La paix ! Nous ne voulons que la paix et nous ferons en sorte de n'avoir que la paix. Qu'ils se gardent calme, qu'ils se tiennent calmes et nous garderons calme et nous tiendrons calme. Nous voulons la paix et nous ferons en sorte de la maintenir. Notre technique ne sera plus celle de la guerre, mais celle de la négociation, de la diplomatie.

Nous ne prétendrons pas , parce que nous avons des protecteurs puissants au sein du Grand Kah, être autorisé à mener toutes les guerres que nous le souhaitons, et nous n’en souhaitons de toute façon aucune. Si nous restons avant tout révolutionnaires, et si nous restons avant tout internationalistes, cette révolution mondiale que nous souhaitons voir advenir n’adviendra pas par les moyens qu’ont envisagés nos ancêtres. Il ne s'agira pas d'une espèce de guerre mondiale où des milliards de prolétaires en armes s'abattront sur les rives de milliards de pays, et d'oligarchie, et de Royaumes infâmes.

Non, non, cette vision est déplacée. Cette vision date d'une époque. Nous n'avions pas idée que la guerre pouvait être industrielle. Nous ne savions pas que la guerre pouvait faucher non pas quelques centaines de milliers de morts, mais il y a des millions et des millions de morts. Cette vision d'une guerre totale contre le capitalisme est une vision ancienne, une vision utopiste si j'ose utiliser un terme pareil pour désigner une chose si terrible. La révolution mondiale aura lieu car nous prouverons par l'exemple que nous sommes le modèle supérieur. Le Grand Kah. Ce pays pourtant socialiste et craint de beaucoup. Et peut-être celui qui attire le plus d'immigration chaque année. Et des millions et millions de gens ont, à travers l'histoire, choisi notre modèle et l'ont rejoint. Et les régimes les plus solides parmi ceux-là tiennent à travers l'histoire. Comme ces régimes libertaires qui se dressent depuis deux siècles parfois, tandis que les régimes plus autoritaires, se prétendant du socialisme armé, du socialisme qui mènera la révolution par la guerre, ne durent que quelques années avant d'être balayé par leur propre peuple.

Bien souvent, nous ne devons pas faire l'erreur de croire que nous pourrons vaincre par les armes, où qu’il serait souhaitable de vaincre par les armes. Nous devons assurer notre propre défense et assurer la solidité du modèle internationaliste à l'international. Nous devons obtenir des alliances décisives avec tous ceux qui respectent notre ligne de conduite et nous assurer une bonne fois pour toutes que la révolution tienne et que les peuples fassent leur propre révolution. Fussent-elles une révolution citoyenne par les urnes, une révolution armée contre l'injustice ou une révolution syndicale par la grève ! Il existe des milliers de leviers d'action et ce que nous puissions faire, c'est éduquer les peuples pour les aider à faire comme nous leur révolution, mais en aucun cas leur imposer selon des modalités qui leur conviendraient pas.

Cela étant, il est encore trop tôt pour parler de telles choses, car notre pays, malgré sa capacité d'action renouvelée, en est encore au stade de sa propre reconstruction et nos besoins sont très nombreusx. Aujourd’hui e compte vingt-quatre millions de nos concitoyens et c'est vingt-quatre millions de bouches à nourrir. C’est aussi vingt-quatre millions de personnes qui ont été traumatisées par la violence terrible d'une révolution qui s’est adonnée à des purges, à des conflits ignobles. Et je dois tirer à mon tour le constat et faire la critique du culte de la personnalité qui a eu lieu et que mes amis ont entretenu, peut-être contre leur gré, mais avec des résultats que nous regrettons encore un seul jour.

C’est pour cela que je dois saluer celle qui était avant moi la cheffe d'État de ce régime. Qui a tenté, dans les brefs mois de son règne, d’établir une ligne diplomatique plus claire, plus neutre, plus apaisée. Mais qui a raté tant par la force de ses propres convictions, qui la poussaient toujours vers la radicalité que par celle de son entourage dont elle ne s'était pas séparée. Et par là, j'entends que je ne compte pas m'entourer d'une bande d'exaltée et de névrosés. Et que je lutterai sans cesse contre la contre l’immodération, la radicalité imbécile. Contre ce qui pourrait nous pousser non pas à amener cette belle et nouvelle union de communes vers un avenir glorieux, mais la tirer dans ses vieux penchants sordides.

Alors oui ! Je m'adresse à vous non pas comme la fossoyeuse de cette radicalité, mais comme celle qui espère lui donner un nouveau visage. C'est à dire que nos objectifs doivent être pris à la racine et menés à leur fin par des moyens logiques. La guerre que voulaient certains n'était pas logique. La révolution par les armes que voulaient certains n'était pas logique. Et si leuri politique d’armement aurait pu être légitime elle n’aurait pas dû être accompagnées des crises diplomatiques successives qui étaient provoquées par leurs propres paroles. En d'autres termes. Je me presse face à vous, pour porter une forme d'espoir et cette forme d'espoir, je vous le dis, porte le nom du gouvernement provisoire.

De nouveaux étendards noir et rouge porteront haut et fiers le symbole de cette gouvernance. Et des députés en mission seront envoyées dans tout le pays pour aider à recréer ce qui doit l'être et à réorganiser entièrement la structure de notre gouvernance. La Garde républicaine qui a fait son office devient dès maintenant. La carte rouge intercommunale, la garde noire confédéral. Ces 2 entités distinctes assureront la sécurisation du pays contre les poches de résistance de celles et ceux qui encore trop radicaux pour accepter notre offre de paix, trop radicaux pour comprendre nos efforts, prêts à mourir en imbéciles, luttant contre la réparation de notre pays et de notre révolution. Nous mettrons un terme à toute forme d'adversité extérieure par la diplomatie, nous mettrons un terme à toute forme d'adversité intérieure, par les mains tendues, par le pardon, mais s'il le faut absolument, par le contre le terrorisme et l'extermination de nos adversaires.

Enfin, nous ferons en sorte qu'il n'existe dans ce pays plus de faim, plus de soif, plus de froid, plus de haine, et que cette horrible chose qui a été notre deuil quotidien depuis maintenant plus d'un siècle, depuis la colonisation, depuis bien avant la révolution et qui a contaminé la révolution, qui en a fait ce bourbier infâme, cette fosse commune, que cette tristesse infâme, que cette injustice prenne fin. Je ne vous promets pas des jours heureux, car il n'existe pas de jour heureux. Je ne vous promets pas une joie de vivre renouvelée, car la révolution n'est pas la joie de vivre. Elle est la justice. Il est le rôle de chacun de trouver sa propre joie de vivre, mais le rôle de tous d'assurer la justice. Alors voilà ce que je vous promets, la justice et l'équité. Et voilà ce que mon gouvernement vous propose, la justice et l'équité.

Le reste dépend entièrement de vous, car nous sommes un peuple libre et nous sommes un peuple démocratique et nous sommes ensemble. Le nouveau phare et la nouvelle lumière du continent. Oui, mes amis, ensemble, camarade, nous y arriverons, et nous marcherons vers la victoire ! Maintenant, citoyens et citoyens, peuple des communes, lève-toi, lève-toi et chante avec moi, car le sang de nos ancêtres à huilé la roue de l'histoire, et la sueur de nos efforts l'huilera à nouveau ! 
»

Elle s'essuya le front, et leva une dernière fois le poing vers la foule, qui entamait un chant révolutionnaire à la suite de militants proches du nouveau régime.
2111
Ce terrible bon vieux temps

Certains matins elle était encore surprise de ne pas se réveiller à Nekompromisa. Elle voulait marcher dans les rues de la capitale, ressentir l'effervescence de ce lieu où les hommes de vision se libéraient chaque jour des chaînes de la médiocrité que le reste de l'empire exaltait. Elle voulait s’arrêter près des quais, humer l’air. Respirer le parfum salé de la mer et du port.

Ces jours étaient loin derrière elle.

Elle se souvenait encore des slogans qu'avaient criés les miliciens attaquant la boutique de son père. Le bruit du verre brisé la hantait. Tout ça pour une question de sang, et d'argent. Des brutes fanatiques. Envieuses, avec ça. Si l'empire avait toujours été dur, la guerre civile l'avait rendu cruel. Ils avaient dû se cacher, entrer dans la clandestinité, partir à l'Est. Tout ça à cause de la bigoterie mesquine des masses.

Gabrielle Rosenthal refoula une vague de sentiments contradictoires. Le passé appartenait à ceux trop faibles pour affronter l'avenir. Et elle n'était pas faible. La richesse que sa famille avait perdue durant la guerre était peut-être considérable, mais l'expérience qu'elle y avait acquise valait bien plus encore : ne jamais faire confiance à la foule. Au fond, Gabrielle savait qu'elle reprendrait ce qui lui avait été volé par ces parasites. Elle le reprendrait avec dommages-intérêts.

Si la fuite avait été terrible, la ville où elle avait atterri ne l'était pas. Artopolis était éblouissante et devenait chaque jour plus audacieuse, tandis que le reste du monde s'enfonçait de plus en plus dans la mollesse. Certes, la ville avait ses propres superstitions et subissait notamment celle du socialisme, mais c'était un mal beaucoup plus apprivoisé que l'anarchisme débridé de l'Ouest du pays, et que ce nouveau protestantisme, au sud. Avec un peu d'effort, elle pourrait un jour ressembler aux paradis que quelques valeureux construisaient au nord, derrière la frontière du duché.

Gabrielle pensa à ce qu'aurait été sa vie si la guerre civile n'avait pas eu lieu. Aurait-elle simplement hérité de l'entreprise de son père et poursuivi ses fonctions à sa tête ? Tout bien considéré, il semblait que la Révolution l'avait aidée à gravir les échelons, puisqu'elle était maintenant l'une des membres les plus hauts placés de la Convention Générale du gouvernement provisoire.

Peut-être existait-il un destin, et peut-être avait-il des plans pour elle. Elle quitta son lit, ragaillardit par cette idée.
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