11/05/2017
16:20:03
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La réminiscence des troubles - Velsna (DiGrassi) - OND - Achosie

La réminiscence des troubles



Cela faisait bien longtemps que le Triumvir DiGrassi n'avait pas prit l'avion. Le commandement aérien velsnien lui avait assuré qu'il ne serait pas dérangé dans l'espace aérien national malgré les affres de la guerre civile. Retour sur l'île des celtes, au pire des moments. Depuis plus de deux mois, ses pensées étaient entièrement tournées vers la résolution de ce conflit, qui certes touchait à sa fin, mais qui laissait le temps à d'autres plaies de se rouvrir et de s'infecter. De vieilles blessures que l'on cautérisait décennie après décennie avec les moyens du bord. L'Achosie était cet éternel serpent de mer qu'aucun gouvernant velsnien n'avait réussi à traiter convenablement. Les troubles, comme on les appelait, étaient terminés depuis plus de 15 ans. Mais il avait fallu un seul attentat pour ruiner le processus de paix, une illustration de sa grande fragilité. Le Sénat velsnien arbitrait du peu qu'il pouvait les conflits entre autochtones et les cités de Strombola et de Velathri, dont les positions étaient de plus en plus rigides au fil des mois. DiGrassi avait eu beau aller en Afarée, se réfugier à Cerveteri, revenir au continent pour débarquer une armée à Umbra, encore et toujours il se retrouvait avec des mauvaises nouvelles de l'Achosie dus son bureau. L'éternel poil à gratter de la République testait l'Homme qui avait déjà par une fois réduit l'AIAN à néant. S'en était trop également de l'attitude d'un gouvernement achosien dont la volonté d'effectuer l'enquête consécutive à l'attentat était pour le moins...aléatoire, au grand dam d'une Velsna qui était empressée d'en finir avec ce dossier et de passer à autre chose.

Dans cet avion, DiGrassi avait troqué son habit militaire pour le costume civil qu'il avait abandonné depuis des mois. Sa mine s'était dégradée avec le conflit: il ne dormait plus et mangeait peu. De plus, la compagnie avec laquelle il s'était entouré paraissait fort désagréable, tout particulièrement le 1er magistrat de Strombola, Erica Stradivaci, qui avait insisté pour que sa cité soit représentée à ce sommet. Elle avait beau se targuer d'être un soutien de DiGrassi en ses terres, elle était une femme rustre, méprisante et à la conversation pauvre, presque autant que celle d'un achosien. En revanche, DiGrassi avait la plus grande des estimes pour l'ordonnateur du Sénat, spécialiste en droit et doyen de l'assemblée, Gabriele Zonta, qui l'accompagnait de ses conseils et de sa sagesse. Le vieil homme, 89 ans, était fatigué par le voyage, mais sa présence était indispensable. Dans une société qui privilégie la vieillesse comme garante de la bonne tenue des institutions, quelle compagnie ne fut pas meilleure que celle du vieil homme qui présidait les séances du Sénat en vertu de son âge, avant le coup d'état de Scaela en tout cas. DiGrassi lui posait des questions par moment, rien que des questions, car Zonta détestait qu'on fasse semblant de lui faire la conversation. Zonta était un sénateur, et rien d'autre que cela. Il n'avait jamais rien été d'autre ces quarante dernières années. Il se permettait de tutoyer l'un des personnages les plus puissants de la République en vertu de cet âge vénérable:
- Toi qui est strombolain de naissance, Matteo, est-ce que tu t'es intéressé à l'Histoire avant ce sommet ?
- L'Histoire de quoi ?
- lui demanda le triumvir - Mon histoire avec les achosiens me suffit à connaître le dossier, sénateur doyen.
- Il faut inscrire ses actes dans le temps long, Matteo, si tu veux régler ce problème achosien une bonne fois pour toutes. Cela ne suffit pas de se réduire à ce qu l'AIAN a pu faire il y a vingt ans. Appuie toi sur l'Histoire, et sur nos lois, et je suis persuadé que ce dossier sera bientôt derrière nous. Nos lois nous ont toujours permis de nous sortir de toutes les situations. Et nous pourrons reprendre nos tractation à plus important que quelques hommes peints en Achosie.


Il n'y avait pas chez DiGrassi une anxiété quelconque. Deux jours plus tôt, il était à 30 kilomètres du ligne de front. Il y avait plutôt un empressement de résoudre un problème séculaire et s'en récolter les lauriers. Le vieux sénateur l'interpella de nouveau:
- Dans toute cette affaire, Matteo, ce ne sont pas les achosiens qui m'inquiètent. Nous savons bien comment ils se comportent et réagissent, ils sont prévisibles. Mais l'OND, pense tu cela habile d'avoir confié l'arbitrage d'une telle réunion à des étrangers ?
- Si il faut faire un arbitrage, autant qu'il soit reconnu par nos voisins après tout.
- lui répondit-il - l'OND est une bête à plusieurs têtes qu'il faut parfois nourrir pour ne pas lui donner faim, sénateur-doyen. Il faudra nécessairement assurer des relations cordiales avec eux. L'après guerre se profile, et il nous faudra reconstruire un réseau diplomatique. J'ai donné à l'OND de quoi s'occuper amplement ces derniers temps avec ces histoires de bateaux, de loduariens et d'autres mondanités, assez pour avoir la paix. Je connais les onédiens: les teylais sont des chercheurs de gloire, les tanskiens sont des va-t-en guerre, les nordiens des anti-communistes et les caratradais...eux sont particulièrement intriguant et discrets. Ils aiment être rassurés, et ils seront rassurés.
- N'oublie pas également que le Sénat a déjà cédé beaucoup de concessions aux achosiens, Matteo. Si la négociation échoue, beaucoup de personnes te le reprocheront, que tu sois vainqueur de cette guerre ou non. Sois respectueux envers nos cités libres, ferme avec les achosiens et courtois avec l'OND.
- Je m'en souviendrai, sénateur-doyen.



L'avion se posa enfin à Caratrad, là où les autres délégations les attendait déjà sûrement...
Torsten posait droit dans le cortège devant accueillir la délégation velsnienne mais aussi celle de l'Achosie. Il ne savait que se poser droit. Jamais une jambe moins alignée que l'autre, aucune main dans la poche, aucun cheveux ne dépassait. Son costume marron en tweed était parfait. Une cravate au nœud prince Albert qui semblait neuve quand elle avait 20 ans et une montre au poignet soigneusement réglait. Rien ne dépassait mais surtout rien ne dérogeait. A l'instar de son bureau, son costume était ordonné. Il semblait tel un mannequin qui pouvait rester ici des heures. Et cela il le pouvait. Dans sa tête, des ordonnances et des règlements défilaient quand il ne parlait pas.

Il était un orphelin de la nation. Un de ceux au destin particulier. Il avait fait, depuis ses douze ans, un "internat coor", il avait été formé à l'administration. Il en était devenu l'âme. Son esprit ne tournait plus qu'autour d'un vocabulaire bien tanskien. fédéralisation législative, égalité fédérale, ordonnance du congrès, projet de loi provinciale, proposition de règlement central. Tout était pour lui connu comme sa poche, et il y naviguait sans jamais s'y perdre. Son acharnement parfaitement naturel qui ne lui donnait jamais l'impression de travailler l'avait amener à ressortir parmi la masse des 40 000 administrateurs de la Fédération. Son talent inné au détachement sentimental dès lors que l'intérêt de la fédération rentrait en compte l'avait rendu plus qu'administrateur, il l'avait rendu célèbre dans la bulle tanskienne du Congrès Fédéral. Qui ne rêverait pas d'un conseiller à l'administration qui semblait ne jamais trahir la moindre opinion politique sur les sujets règlementaire ? Tout le monde c'est certain. Il avait donc finit conseiller de la première Ministre et intégrait son cabinet en 2010. Votait-il pour elle ? Aucun dans le cabinet ne le savait, il pourrait accomplir son travail pour une fédéraliste, un socialiste ou même un centralisateur se disait-on. Et il l'accomplissait, c'est tout ce qui comptait. Sa vie personnelle était ignoré de la plupart, pour les autres membres du cabinet, Torsten était l'administration, rien d'autre.

Il avait été envoyé ici auprès de l'ambassadeur de Tanska en Caratrad. Il gèrerait les aspects règlementaires là où l'administrateur s'occupait du politique. Bref, il travaillait quand l'autre parlait.

Torsten
Aux grands maux les grands remèdes. Bien que les relations avec la Grande République de Velsna n'aient fait que s'empirer ces derniers mois, les deux Consuls ne s'attendaient pas à ce que cela mène à une médiation internationale. Pour un événement d'aussi haute importance, Cledwyn Binion et Meilyr Lewis avaient arboré le Grand Uniforme Consulaire, composé d'une courte veste noire, d'un pourpoint noir couvrant une chemise blanche ornée d'une cravate pour la partie haute, et du kilt consulaire descendant jusqu'aux genoux et dont une partie s'attache sur l'épaule, orné d'un magnifique sporran pour la partie inférieure.

Grand Uniforme Consulaire
Image d'illustration


Les décisions prises récemment par les deux consuls étaient lourdes et risquées, en particulier la suspension de l'enquête concernant l'attentat de l'AIAN visiblement chère aux yeux des Velsniens. Binion et Lewis savaient que cela avait remis de l'huile sur le feu, attisant encore plus l'éternelle rancœur de DiGrassi contre le peuple achosien, mais de telles décisions sont parfois nécessaires, et les deux hommes ne comptaient pas arriver à cette réunion la queue entre les jambes. Le plan était rodé, les diverses issues de cette rencontre envisagées, et rien n'était censé mal se passer. Ce voyage à Caratrad ne risquait néanmoins pas d'être de tout repos…
La belle forteresse médiévale de Beaver en hiver. Crédits à la ville de Grantstead.


Les cloches sonnaient treize heures lorsque la grassomobile transportant le Triumvir s’arrêta pile en face de la grande porte du château de Beaver (prononcé localement « beevuh »). Celui-ci avait été reçu exactement 45 minutes auparavant à l’aéroport de Bryngaerdinas Pil-Camford. Le gouvernement caratradais, désireux d’éviter tout heurts potentiels avec les minorités ou les sympathisants de la cause achosienne, avait organisé la rencontre diplomatique en amont de la Lygore, dans un Kentware moins sensible à la « question achosienne ». Les différents participants avaient été reçus depuis le matin par différents comités d’accueil, mais le natif de Strombola était le dernier attendu. Rapidement accueilli à l’aéroport par le visage familier de Padraig Cunningham, une escorte inhabituellement importante l’avait accompagné jusqu’à la forteresse médiévale surplombant Grantstead.

Le château était ancien, plus ancien que Caratrad, et bien plus ancien que la République d’Achos. On disait que des fortifications se dressaient sur cette colline depuis que les hommes de l’île fondaient le fer. Quoi qu’il en ait été, l’âge des bâtiments encore debout se devinait facilement : de fortes tours médiévales encadraient de leur masse trapue quoique élégante une cour étroite, laquelle servait à accéder aux différents aménagements parfois creusés au sein même du rempart. Le calcaire des murs donnait une apparence accueillante à l’édifice, qui autrement aurait semblé écraser la petite ville à ses pieds d’une masse menaçante. La bibliothèque du château, où allait se dérouler les discussions, offrait une vue spectaculaire de la vallée de la Lygore. Le fleuve n’était pas gelé, mais une neige tardive avait recouvert les douces collines kentoises d’un voile, voile blanc qui révélait juste assez du paysage pour rendre l’âme rêveuse et l’esprit contemplatif. La neige avait en tout cas été un excellent prétexte pour allumer un feu dans la bibliothèque, qui donnait à la pièce une aura de confort et de tranquillité.

Padraig Cunningham ressentit une pointe de regret en voyant un fauteuil rembourré tiré près de la cheminée. Surmontant avec difficulté son amour très caratradais des fauteuils et des feux, il introduisit par formalisme Mme. Stradivaci, puis ses compagnons, auprès des présents. Ils étaient déjà cinq à être installés autour de la table, avec encore quatre sièges laissés vides. On avait d’ailleurs choisi cette pièce spécifiquement pour sa table ronde, faite de centaines de kilos d’un chêne suffisamment massif pour résister au poing de n’importe quel invité mécontent. La table elle aussi était plus ancienne que la République d’Achos, un âge vénérable que le tanskien Torsten n’avait pas hésité à rappeler aux consuls achosiens. A sa droite, l’ambassadeur tanskien semblait terriblement embarrassé par la remarque de son collègue, tandis qu’à sa gauche se tenait une caratradaise rousse rigidement assise dans son tailleur bleu. Tous se levèrent à l’entrée des délégués velsniens. Après les présentations et salutations d’usage, durant lesquelles on désigna Mrs. Margaret Hanmer comme présidente de la commission « affaires étrangères » du Parlement, Cunningham lança enfin les discussions :

« Bien. Je vais commencer, mesdames et messieurs, par vous remercier d’être présents ici aujourd’hui. Je n’ignore pas qu’il est toujours difficile de demander la médiation d’un tiers, en particulier dans une relation aussi chargée d’histoire que celle que partagent la République d’Achos et la République de Velsna. Toutefois, j’espère que nous parviendrons ici à fonder les bases d’un dialogue commun, ce qui, je crois, sera à l’avantage et de la République de Velsna et de la République d’Achos. Je tiens aussi à rappeler que je parle aujourd’hui tant comme représentant de mon gouvernement que comme représentant des États-membres de l’Organisation des Nations Démocratiques, à qui revient en partie l’initiative de cette rencontre. C’est donc dans l’esprit de cette Organisation que je vous invite à faire vos déclarations, c’est-à-dire en vous souciant avant tout de la paix et de la sécurité des populations civiles de Strombola, d’Achosie et de Velsna en général. »

Caratrad était certainement l’un des pays de l’OND dont la diplomatie velsnienne s’était le moins soucier. Au fond, il y avait peu à en dire, et dans la mentalité de la toute nouvelle orientation politique depuis la fin de la guerre civile, un bon voisin est celui auquel on n’a pas à parler. DiGrassi ne misait pas sur un isolationnisme total, loin de la là. Mais il percevait avant tout l’OND comme un bloc d’intérêts convergeant, et ne voyait pas la pertinence de discussions bilatérales entre Velsna et un Etat onédien ne parlant qu’en son nom. Aussi, cette rencontre allait être une bonne occasion de mettre plusieurs dossiers sur la table, certains plus pressants que d’autres.

Durant les premiers moments de la visite, ce fut le sénateur-doyen Gabriele Zonta qui fit le plus entendre parler de lui. Il regardait tout de ses yeux qui avaient vu bien des choses à cet âge, commentait tout, se renseignait sur tout. Il fit remarquer auprès de ses hôtes en se renseignant sur l’appareil de construction de la partie basse du château : « C’est intéressant, excellences. Cette bâtisse est comme un puzzle constitué d’appareils différents. Sûrement elle a dû être restaurée et reconstruite un certain nombre de fois. Mais je ne reconnais pas la façon dont les premières assises sont disposées. Ce n’est pas du gros appareil de taille achosien certainement, ces moellons et ces assises de briques par intermittence me rappellent plutôt le rémien tardif, Vème siècle peut-être ? Les rhémiens ont-ils voyagé aussi loin au nord ? Je ne m’en souviens plus. Mais voyez ces moellons parfaitement recrtangulaires au centimètre près et de petite taille. Et regardez le mortier : sa couleur est différente à tel ou tel endroit du mur : c’est la marque typique de nombreuses réfections. Des générations successives ont pris soin de cet endroit, il va sans dire. »

Il faut dire que le Sénateur-doyen, dans la lignée des sénateurs se voulant également savants, avait rédigé dans sa jeunesse une « Grande Histoire de l’ile celtique », dans le plus pur style de l’Histoire-récit velsnienne, constituée de faits scientifiques et agrémentés de panégyriques à la gloire d’anciennes figures politiques de Velsna. A ce titre, DiGrassi était dans doute un sujet très intéressant pour lui, et le deviendrait pour d’autres sénateurs. Le vieux sénateur, accessoirement chef des ordonateurs su Sénat, s’arrêta longuement sur la bibliothèque dans laquelle la réunion aurait lieu. A ses côtés, le magistrat strombolain avait un pas plus pressant, et n’avait guère l’attention aux détails de son compère. DiGrassi, lui, conformément à ses habitudes se murait dans un silence traditionnel comme il le faisait avant toute réunion. Parler peu, parler bien. Le vieux Zonta tenait une lettre depuis le début du voyage, frappée du cachet du Sénat des Mille de Velsna.

Lorsque ceux-ci entrèrent dans cette pièce, étant apparemment les derniers arrivés, ce fut Gabriele Zonta, en sa qualité de vieillard (ce qui dans la système politique velsnien, signifiait qu’il était nécessairement un individu d’exception, pour avoir survécu politiquement aussi longtemps à son fonctionnement rude) qui annonça la délégation à ses compères. « Excellences onédiens, achosiens. Hôtes de Caratrad et de son royaume, c’est un honneur que d’être accueillit par des hôtes tels que vous. Par moi-même, le Sénat des Mille de la Grande République vous salue, et place cette réunion sous le signe du dialogue et du respect mutuel. Nous pouvons désormais prendre place. Puisse les augures de Dame Fortune être favorables à la paix. ». Le Triumvir aida le vieil sur ses appuis à prendre sa chaise et à s’y affaler. Le sénateur-doyen posa sa simple et si petite enveloppe cachetée sur la table. A la charge du Triumvir de se faire le transporteur du reste du dossier.

Les places furent prises et il n’y avait plus entre les délégations que cette table massive sur laquelle tous croisaient les mains…ou posaient les coudes pour les malpolis. DiGrassi, après une visite silencieuse, prit enfin la parole. :
- En premier lieu, et avant de débuter toute tractation, vos paroles sont celles que tous devraient adopter comme credo lors de cette rencontre. Il va de soi qu’un respect mutuel constituera l’une des solutions pour répondre aux…problématiques auxquelles nous faisons face. Voilà donc les bases desquelles notre délégation part, et les causes qui nous ont conduit à cette situation. Comme vous le savez, l’année 2013 a été marquée par une reprise d’activité de l’AIAN, une organisation terroriste, responsable entre autres des troubles d’Achosie du nord survenues des années 1970 à 1997. Nous pensions que tout cela était derrière nous, mais il semblerait qu’un groupuscule s’en réclamant ne fut pas de cet avis. Résultat des courses : une dizaine de morts et plusieurs dizaines de blessés. Jusque-là, rien ne mêle Achos à cette affaire. Nous ne sommes pas des barbares : nous savons faire la différence entre des bouchers et un gouvernement légitime. Mais la suite des évènements a compliqué la chose. Il se trouve que les deux individus suspects de l’attentat se sont précipités à la frontière achosienne, lesquels ont passé sans difficulté apparente. C’est le moment qu’à choisit Achos pour se proclamer compétente dans cette affaire en vertu de la nationalité achosienne des suspects, alors même que le crime a été perpétré sur notre sol.

S’en sont suivis des négociations houleuses entre nous afin de nous répartir lesdites compétences dans le cadre d’une enquête commune, que les achosiens ont dans un premier temps refuser en bloc, se déclarant compétents pour enquêter sur notre territoire, dans une démonstration d’audace qui aurait fait pâlir nombre de rhéteurs velsniens de haut vol. Nous avons rapidement coupé court à cette comédie et avons fait la proposition d’un consensus : nos deux services de renseignement et de police allaient devoir travailler de concert dans un strict partage des données et des informations. Achos a accepté la proposition, en échange de quoi ils s’engageaient à garder en détention les deux suspects, ce que nous leur avons concédé dans le respect de leur nationalité.

Cette solution aurait dû régler le problème. Mais nous avons commencé à nous rendre compte du manque de fiabilité et d’honnêteté de nos homologues en plusieurs occasion. En effet, il semblerait que le gouvernement achosien se saisisse de chaque occasion pour ralentir ou suspendre cette enquête, tout en faisant étalage d’une agressivité et d’un bellicisme certain à l’égard de la Grande République. En une occasion, ces derniers ont prétexté les troubles ayant lieu en métropole velsnienne pour garnir lourdement leur frontière, alors même que l’Achosie du nord était intégralement pacifiée et totalement dénuée de troupes et de conflit. Le Triumvirat a dû réagir, et a mobilisé une partie de l’armée républicaine pour répondre à cette menace. Par ce moyen, nous avons convaincu Achos du marché suivant : chacun de nos parties s’engageait à démilitariser cette frontière en y laissant une garnison restreinte de 1 000 soldats chacun, le tout sans armement lourd. Achos a accepté.

Mais Achos ne s’est pas priée pour se faire parjure, encore une fois, de cet accord. Alors que d’une main, ces derniers appelaient les puissances onédiennes à l’aide pour une menace inexistante, de l’autre main, elle s’est mise dans la tête de contacter le gouvernement kolisien afin de s’en faire le protégé, eux-mêmes avouant un rapprochement en cours entre eux. Regardez vous-même. Inutile de vous rappeler à quel point Kolisburg est un Etat-voyou, dont la politique étrangère est aussi irascible qu’imprévisible, et que ces derniers se sont faits un apanage de mettre à l’épreuve la bienveillance, aussi bien de l’OND comme de la Grande République. Je n'ose imaginer ce qui se passerait si ces derniers avaient accès à nos frontières par le biais d'Achos. Enfin, cerise sur le gâteau, Achos s’est saisie du prétexte fallacieux d'un sénateur de province d'un groupe d'opposition n’exerçant aucun pouvoir politique réel, pour tout simplement faire arrêter l’enquête et violer notre accord. Bien entendu, nous avons condamner ces propos, mais rien n'y a fait et Achos refuse de revenir sur sa position. Dans cette situation, comprenez, messieurs, qu’en vertu d’un accord bafoué par trois fois de suite, nos services diplomatiques ont commencé à hausser le ton de la conversation.

Nous sommes coincés dans cette situation. Et parce que nous respectons le droit, nous avons fait le choix de proposer à l’OND un arbitrage neutre et impartial de cette affaire. Cette réunion est donc là, pour nous, une tentative de désamorcer cette situation et d’en finir avec cette affaire définitivement. Comprenez que nous préférons amplement cette voie qu’une escalade militaire qu’Achos semble appeler de ses vœux.

Dans cette situation, voici donc ce que nous demandons d’Achos, une liste qui nous semble relativement raisonnable, à la fois au vu de la situation, et dans le respect du principe de souveraineté que nous appliquons aussi bien aux achosiens qu’à nous-même :
. La reprise immédiate de l’enquête sur base de l’accord sur lequel nous nous étions entendus à l’origine. (Non-négociable)
. La promesse de la République d’Achos de ne pas laisser Kolisburg mettre le pied sur l’île celtique. (Non-négociable)
. La promesse de la République d’Achos de ne recourir à aucune forme d’escalade frontalière, en échange de quoi nous ferons de même.
. La tenue du procès scellant l’enquête sur un sol neutre, arbitré par des juges impartiaux, le tout dans un Etat respectant les droits humains élémentaires.
. L’éventuel emprisonnement des suspects, en cas de culpabilité avérée, se fera encore une fois, sur le sol neutre d’un Etat dont le respect de l’état de droit sera avéré.

Voici donc pour la base de nos demandes. Il va de soi que nous sommes preneurs de suggestions avisées et que nous nous doutons bien qu’un éventuel accord final ne rassemblera peut-être pas tous ces points. Néanmoins, c’est sous cette forme qu’à notre sens, ce dernier sera le plus constructif, et mènera à une situation de paix durable.


Lorsque DiGrassi acheva sa prise de parole, il rabattit les feuilles de son dossier sur la table et croisa les mains, en fixant ses homologues achosiens. Il esquissa quelque chose qu'il n'était pas habitué à faire: un sourire.
Les deux consuls écoutèrent attentivement le discours de leur homologue velsnien, tout en prenant des notes ici et là. Quand le plaidoyer de DiGrassi fut terminé, Meilyr Lewis, le plus âgé et expérimenté des deux consuls, prit une gorgée d'eau, se racla la gorge et commença à son tour son discours :


""Excellences velsniennes et tanskiennes, excellences caratradaises nous faisant l'honneur et le privilège de nous accueillir en un si beau lieu, je vous salue, au nom de la Sérénissime République d'Achos, de son Sénat et sous la bonne grâce de Dieu. Cette réunion, bien que particulière par sa thématique, a pour noble cause celle de préserver la paix, et nous nous devons tous et toutes de respecter cette cause sacrée.

Le premier point abordé par notre homologue velsnien est celui de l'attentat opéré par l'Alliance de Libération de l'Achosie du Nord, ou A.I.A.N, l'année passée. Cet événement, de par sa nature tragique, a immédiatement suscité l'émoi de notre gouvernement d'un côté, et l'inquiétude de l'autre. Ainsi, forts de nos nombreuses années à interpeller des suspects potentiels et des membres avérés de l'organisation, nous avons immédiatement posté des hommes à la frontière entre notre territoire et l'Achosie du Nord velsnienne. De ce fait, nous avons pu de manière, je vous l'accorde, surprenante et rapide, interpeller deux hommes déjà connus de nos services de renseignement pour leur potentielle appartenance à l'AIAN, passant la frontière armés. Nous avons donc immédiatement fait part de cette prise aux autorités velsniennes. Ainsi, lorsque vous dites que les suspects sont "passés sans difficulté apparente", vous omettez un élément que nos autorités vous ont communiqué immédiatement, à savoir qu'ils ont été interpellés immédiatement. Notre seule erreur dans cette affaire a été de ne pas avoir prévenu plus rapidement Velsna de la dangerosité de ces individus avant que cela ne soit trop tard, et nous nous en excusons.
Vient ensuite la question épineuse de notre implication dans cette enquête. De par la constitution achosienne, nous ne pouvions et ne pouvons pas transférer ces prisonniers, car ceux-ci se sont trouvés être de nationalité achosienne. C'est dans cette optique que nous avions, dans un premier temps, accepté un programme de collaboration entre nos deux entités enquêtrices. Cela étant dit, plusieurs événements sont venus perturber cet accord, et nous allons revenir dessus un par un, afin de faire comprendre au mieux nos décisions et leur justification.
Premièrement, la guerre civile velsnienne, qui même si l'issue semble maintenant se dessiner, est restée incertaine pendant de longs mois. De ce fait, le rapport d'enquête que vous demandiez avant la guerre légitimement ne pouvait être transmis en toute sécurité à une autorité velsnienne compétente. Lorsqu'un pays est dépourvu d'un gouvernement légitime, communiquer de telles informations est fort peu éthique. Nous avions ainsi choisi d'attendre la fin du conflit pour faire part du compte rendu d'enquête promis, quelle que soit l'issue de cette guerre. Peut-être trouvez-vous cela excessif, et nous le concevons, dans ce sens nous nous excusons de vous avoir occasionné plus de soucis dans cette période difficile. Néanmoins, notre décision fut et reste légitime.
Deuxièmement, la question de notre choix récent de suspendre l'enquête. Nous avons pris cette décision suite au violent discours proféré au Sénat de Strombola par l'Union des Chasseurs de Strombola à l'encontre des populations achosiennes et de notre pays. Nous savons d'ores et déjà que vous jugez cette prise de position de notre part excessive, mais nous souhaiterions revenir sur les différents éléments qui justifient cette décision. De un, l'effroi suscité par la présence d'un tel groupe dans un Sénat d'une nation se disant démocratique comme la vôtre. Lorsque, 65 ans plus tôt, les représentants sénatoriaux de l'AIAN tenaient de tels discours dans notre Sénat, se détournant ainsi de la cause noble de la libération des peuples pour emprunter la voie du massacre et du terrorisme, nous les avons répudiés et bannis de nos instances politiques sans autre forme de procès, et les responsables de ces discours incitant à la haine furent arrêtés et jugés pour leur crime ! Nous comprenons bien que vos instances n'ont pas vraiment de pouvoir sur les cités libres qui composent votre nation, mais à quel prix ? Vous ne pouvez donc pas assurer que des groupuscules encore plus haineux que l'UCS prennent le pouvoir dans une de vos cités libres ? Cela est inquiétant. Ce qui est plus surprenant encore, c'est que vous, Matteo DiGrassi, pourtant chef des Chasseurs de Strombola, ne semblez en réalité avoir aucun contrôle sur vos troupes, au point où celles-ci vous font face au Sénat de Strombola. Voilà encore un élément des plus inquiétants. Comprenez donc que notre décision est punitive. Punitive à l'encontre d'un des plus puissants pays du monde incapable de mettre des garde-fous, mettant ainsi en danger bon nombre de populations. Nous avons donc, d'une manière que vous pouvez qualifier de puérile si cela vous chante, décidé de suspendre, et nous disons bien suspendre, non arrêter l'enquête en attente d'excuses officielles de la part de l'UCS. Cela nous permettra de nous assurer que ce groupe est bien contrôlé, et que Velsna a encore la main sur ses terres. De deux, et cela nous permettra de faire le lien avec le deuxième grand sujet à aborder dans cette rencontre, après que nous vous ayons notifié de notre décision de suspendre l'enquête, vous avez immédiatement abordé la question militaire, en signifiant, et je vous cite, que le transfert de prisonniers "se fera s'il le faut manu militari et avec la puissance de la coercition si vous n'êtes pas enclins à exfiltrer ces derniers de bonne grâce". Encore, donc, un énième ultimatum de votre part, vous qui prônez la discussion et la diplomatie, cela est assez paradoxal. Nous pouvons comprendre que notre entêtement en ce qui concerne nos décisions peut être rageant, mais tout de même, cela est quelque peu disproportionné comme réaction.

Nous abordons ainsi le deuxième point d'orgue de cette rencontre, à savoir les récentes tensions militaires entre nos deux pays, et les différents événements en découlant.
Premièrement donc, la mise en place de notre Dispositif de Défense National à la frontière entre Achos et Velsna, suite à l'éclatement de la guerre civile velsnienne. Bien que nous ayons déjà justifié et légitimé maintes et maintes fois cette décision, nous revenons une fois de plus dessus. Nous avons ordonné la mise en faction de 3000 hommes à la frontière, afin de créer une barrière solide permettant de contenir un potentiel débordement du conflit interne que subissaient nos voisins, afin de protéger au mieux nos citoyens. En aucun cas cette manœuvre avait pour but de préparer une action offensive, qui aurait de plus été un vrai suicide pour notre nation. Tout est pourtant dans le nom, Dispositif de DEFENSE national. Nous avons bien compris, de par les nombreux rappels des autorités velsniennes, que cela était inutile et extravagant de mettre en place un tel dispositif, sachant que l'Achosie du Nord ne faisait l'objet d'aucun trouble lié à la guerre. Mais, à la lumière de ce que nous avons appris sur le Sénat de Strombola, sur le manque de contrôle qu'exerce la Capitale sur les cités libres composant la Grande République, qu'est-ce qui pouvait garantir à notre pays qu'aucun groupuscule armé, profitant d'un moment d'inattention de la métropole décide d'attaquer sans foi ni loi nos pauvres concitoyens ? Je vais vous le dire, RIEN. Rien ne garantissait à la République d'Achos que le conflit ne pouvait pas échapper au contrôle des autorités velsniennes. Ainsi, nous continuons de considérer cette décision comme légitime. Ce qui l'est moins en revanche, c'est la réaction velsnienne, qui comme effrayée par un tel mouvement à ses frontières bien que nous ayons clairement établi qu'il s'agissait d'une manœuvre défensive, a décidé à son tour de mettre en faction sa propre armée de son côté de la frontière. Et, jugeant que notre armée équipée de matériel défensif et de riposte était bien trop dangereuse face à ses soldats entraînés à l'attaque et avides de guerre, la Grande République de Velsna n'hésita pas à nous envoyer un ultimatum, nous sommant de réduire le nombre de troupes à la frontière de 3000 à un millier. Un ultimatum, face à une armée de protection, voilà donc un comportement représentatif de la paix et de la diplomatie ! Nous avons de plus accepté cet ultimatum, exposant donc plus encore notre frontière à de potentiels débordements, car nous n'avions pas d'autre choix. Vous ne nous avez donc pas convaincus d'accepter vos propositions, vous nous y avez contraints.
Deuxièmement, notre gestion de nos relations extérieures. Là, que ce soit moi ou mon confrère, sachez que nous sommes dans l'incompréhension et l'incrédulité la plus totale. De quel droit vous estimez-vous compétent pour décider à la place de notre gouvernement légitime qui la Sérénissime République d'Achos prend comme allié ? De quel droit pensez-vous que vous avez votre mot à dire sur ce sujet ? De ce que je sache, monsieur, nous sommes un pays libre depuis 1590, et de ce fait, vous ne pouvez ordonner quoi que ce soit quant aux relations extérieures de notre nation. Vous estimez, de plus, que nous ne pouvons jouir de notre territoire comme bon nous semble, et ainsi y faire circuler les troupes de n'importe quel pays ayant notre accord ? Remballez, Monsieur, vos propositions impérialistes, elles ne passeront pas avec la Sérénissime République d'Achos. Cela étant dit, sachez que les négociations avec Kolisbourg sont pour le moment en stand-by, au vu des récents événements impliquant le pays, si cela peut vous rassurer.


La situation étant maintenant expliquée, les différents éléments ayant été abordés, nous allons maintenant revenir sur les propositions velsniennes. Cledwyn ?"

Le deuxième consul, qui avait profité du discours de son confrère pour rédiger les réponses officielles de la République d'Achos, se leva alors à son tour et s'exprima avec un ton solennel :




  • "Sur la reprise de l'enquête, la Sérénissime République d'Achos se dit prête à reprendre sous condition. L'UCS devra fournir ses excuses publiques.

  • Sur la promesse de ne pas accueillir de troupes kolisiennes, la Sérénissime République d'Achos refuse. Elle est souveraine de son territoire et accueillera qui elle le veut, quand elle le veut.

  • Sur la promesse de ne recourir à aucune forme d'escalade à la frontière, la Sérénissime République d'Achos accepte.

  • Sur la tenue du procès en pays neutre, la Sérénissime République d'Achos accepte.

  • Sur le potentiel emprisonnement des suspects en territoire neutre, la Sérénissime République d'Achos se voit contrainte de refuser, de par sa constitution. Tout prisonnier de nationalité achosienne, interpellé en Achosie, doit être jugé en Achosie.

Voilà, messieurs, les réponses officielles de la République d'Achos aux requêtes velsniennes. Nous nous tenons prêt à négocier ces divers propositions. Cela étant la nature même de cette rencontre, ce serrait contre-intuitif de se fermer à toute discussion.



Les deux hommes se regardèrent d'un air grave, ils savaient que ces décisions n'allaient pas plaire à DiGrassi, mais elles étaient pour eux les plus justes et les plus respectueuses de la constitution achosienne.


Cette fois, c’est le vieux sénateur Zonta qui monta au créneau lorsqu’il entendit certains des éléments de langage. Ce dernier avait toujours sa voix chevrotante et douce.

- Excellence. J’ai cru entendre dans votre discours quelques irrégularités et erreurs qui sont de mon devoir de souligner. L’UCS n’a pas grand-chose à voir avec les régiments des chasseurs de Strombola, que son excellence DiGrassi ne dirige pas par ailleurs, et dont le commandement est rattaché à la cité de naissance. L’UCS est une formation politique faisant la part à un passé fantasmé, et ceux-ci se sont tout simplement réappropriés le nom de l’unité. Il est intolérable de faire l’amalgame entre les défenseurs séculaires de la sécurité des velsniens de Strombolaine, et ce parti. A ce compte-là, nous ferions tout aussi bien de croire la conception de la démocratie des loduariens lorsqu’ils évoquent une « démocratie communiste » dans leur constitution. Ce faisant, les chasseurs de Strombola dont vous faites mention ne sont pas les mêmes personnes que celles que vous désignez sous le nom d’UCS. J’espère avoir été éclairant sur cette question, et sur cette confusion manifeste…qui n’enlève rien, bien entendu, au respect dont votre délégation doit recevoir de notre Sénat. Bien entendu.

A propos de ce groupe, je me dois de revenir sur cette affaire. Nous sommes une République d’hommes et de femmes libres de leur parole et de leurs actes, excellence, contrairement à certains pays. Nous rejetons leurs propos, évidemment, mais nous ne pouvons les forcer à adopter notre discours. Les relations entre Velsna et les cités-libres qui composent notre nation d’Hommes libres, reposent sur un profond respect des droits de ces cités : de leur culture, de leurs traditions et surtout, de leurs lois. La censure n’existe pas, et le Sénat des Mille n’est pas composé de tyrans qui ont le pouvoir dire quoi faire et quoi penser. C’est une relation de confiance profonde qui unit le protecteur au protégé, souvent depuis des siècles, pas un mariage forcé. Ce faisant, non, nous n’ordonnerons pas à ce groupe parlementaire provincial, minoritaire soit dit en passant, de vous formuler des excuses publiques. Tout simplement car aucune de nos lois force ces derniers à le faire.

Quant à cet ultimatum, le Bureau du Triumvir en a effet émis un à votre encontre, excellence, nous ne l’avons jamais nié, pour la simple raison que vous vous êtes montré plusieurs fois incapable de respecter les termes des accords qui nous lient. Nous n’avons que peu de patience pour les parjures en notre assemblée, et ce ne sont pas les insultes d’un groupe isolé qui constituent selon nous, un motif valable de blocage. Si cette situation devait se perpétuer, nous serions dans l’obligation de vous considérer comme un Etat-voyou fournissant une aide implicite à un groupe terroriste. Et cela serait tout à mon regret. Mais maintenant que le conflit velsnien touche à sa fin, je suppose que cela serait normal que vous repreniez cette enquête sans vous servir de nouveau du motif de l’insécurité et de l’instabilité, n’est-ce pas ?

Ensuite, évoquons cette affaire frontalière et kolisienne. Vous êtes tout à fait en droit, en tant qu’Etat souverain, d’exercer un rapprochement avec qui vous voulez. Ce que vous faites de votre indépendance n’a jamais été le sujet de notre propos. Cependant, en tant que diplomate, je doute que vous ayez la naïveté de croire que vos alliances n’ont aucune conséquence sur la scène internationale. De notre point de vue, votre Etat, avec qui Velsna connait des relations tendues, vient de s’allier avec un autre Etat, beaucoup plus dangereux de réputation dans ses manœuvres et sa conception de la politique. Eux, contrairement à nous, et vous, ne se soucient guère du droit de souveraineté de qui que ce soit. Vous vous engagez à la désescalade d’un côté, tout en pactisant avec une nation connue pour son instabilité de l’autre. Avouez tout de même, excellence, que ces deux positions sont pour le moins contradictoires.

De même, je trouve pour le moins incongru d’évoquer la mise en faction d’une armée de 3 000 hommes sur une frontière totalement dégarnie en invoquant une troupe « de protection ». Aucun de nos ultimatums à votre encontre n’a été mal placé à notre sens, et se fondaient tous sur des manœuvres militaires à votre unique initiative. La Grande République ne fait jamais rien d’autre que de répondre à une forme d’impudence de votre part, un besoin puéril et vulgaire de provocation, qui n’a pour but que de raviver de vieilles cicatrices dans une province qui était jusqu’il y a peu pacifié et vivant dans le règne de la tranquillité civile. Il n’existe pas d’armée de protection ou d’armée d’agression, excellence. Toutes les armées ont la capacité de tuer. Et en vous mobilisant aux portes d’un territoire dénué de la moindre garnison, vous avez agit en agresseur.


Le Premier magistrat de Strombola et chef de la majorité parlementaire strombolaine en faveur de DiGrassi, qui ne tint plus sur sa chaise, n’hésita pas à couper le sénateur-doyen, malgré la différence de rang et d’âge entre les deux hommes. Des trois hommes, il était celui qui avait le plus à perdre dans cette affaire :
- Tout juste, excellence doyen. Moi je fais ce que je peux pour que les esprits s’échauffent, je dis à mes administrés qu’on va retrouver les terroristes avec l’aide du gouvernement achosien. Vous avez fait votre pudeur de gazelle, à paniquer quand il n’y avait rien en face, et vous avez suspendu l’enquête. Et maintenant je me retrouve avec des sondages qui donnent 500 sièges aux chasseurs de Strombola. On est dans la panade jusqu’au cou par votre faute, et il ne faudra pas vous étonner si dans deux mois vous devez vous retrouver à discuter avec des types qui veulent expulser 90 000 achosiens du nord de votre côté de la frontière !

Il y eu un silence : tout le monde comprit que le magistrat n’avait pas le droit de couper la parole du doyen du Sénat velsnien selon tous les protocoles. Un regard réprobateur vint de DiGrassi, mais Zonta reprit comme si de rien n’était :
- Mais je pense, malgré ces positions de votre part, excellence, que nous pouvons toujours parvenir à un accord juste. Nous sommes dans l’incapacité de forcer des citoyens d’une cité libre de retirer des propos sous peine de tyrannie, pas plus que nous ne retirerons nos requêtes à l’égard d’Achos. Mais nous pouvons retirer notre proposition quant à l’éventuelle détention des suspects si leur culpabilité serait prouvée. Votre constitution vous interdit la détention d’achosiens en territoire étranger ? Bien, nous retirons cette demande en ce cas.

Le sénateur-doyen était vieux, mais ne connaissait visiblement pas l’épuisement par le verbe. DiGrassi lui, s’était à nouveau muré dans un silence contemplatif.


Cunningham profita du silence qui suivit les paroles de Zonta pour s'engouffrer dans la brèche :

"Excellences, avant de laisser leurs excellences achosiennes répondre, je me permets une rapide intervention : puisqu'il semble que les deux parties soient d'accord quant à la tenue d'un procès sur un territoire neutre, même si les peines devront être purgée en territoire achosien, je peux vous soumettre deux propositions : d'abord, soyez assurés que la justice de Sa Majesté se tient évidemment à disposition au cas où l'on déciderait de faire appel à elle dans cette affaire. Cependant, il se pourrait qu'on se trouve dans une situation bien délicate où il faudrait faire concorder un des droits caratradais avec le droit achosien ; un cauchemar légal, en somme. Ce cauchemar pourrait être réglé à coups d'accords et de lois spécifiques, mais il me semble que ce serait un travail laborieux et surtout très long.

Cela m'amène à la seconde proposition : vous n'ignorez sans doute pas qu'il existe au sein de l'Organisation des Nations Démocratiques une instance de travail portant sur la constitution d'un tribunal international. Cette instance, d'ailleurs présidée par le Royaume-Uni, pourrait voir son travail aboutir à la faveur de l'affaire qui nous occupe. En effet, ne serait-ce pas là une excellente opportunité de voir des pays comme les nôtres, attachés au droit et à son respect, incarner réellement les idéaux qu'ils prônent ? Ce tribunal international serait par nature un organe de promotion de la justice et du respect des droits élémentaires si élégamment mentionnés par l'Amiral il y a quelques minutes. En tant que pur organe international, ce tribunal serait proprement inattaquable, d'autant plus que, du moins sur cette affaire, les Républiques d'Achos et de Velsna pourrait y participer. La rédaction des statuts et règlements du Système Judiciaire International étant presque terminée, il ne serait guère difficile de les faire ratifier sous quelques semaines, sous réserve de votre accord et de celui des membres de l'OND, évidemment. Outre l’impartialité, l’avantage d’un tel tribunal serait la simplicité pour juger dans une affaire aussi épineuse que celle-ci."
Zonta paru davantage intrigué que DiGrassi par la proposition des caratradais. C'était là des paroles sages qu'un vieil Homme politique tel que lui savait reconnaître. Le spectre du conflit en Achosie du nord dans les années 1970 avait fait tant de dommages que même un arbitrage de la part des étrangers de l'OND paraissait une meilleure solution que de laisser pourrir la situation actuelle. Cette guerre de l'AIAN avait déjà bien trop épuisé la Grande République par le passé. Il ne fallait pas la recommencer. Une chose était certaine, pour sûr: parmi le gouvernement velsnien, le Conseil Communal, personne n'avait la volonté d'assister à un nouveau bourbier qui portait le nom d'Achosie. On ne pouvait toutefois pas dire la même chose des notables locaux de Strombola qui depuis leur propre Sénat, se montraient bien plus hostiles, les cicatrices encore vives de l'attentat encore inscrites sur la peau. Le doyen du Sénat s'appuya sur sa canne en répondant au caratradais:
- Votre excellence Cunningham. Vous êtes là une bien bonne personne à n'en point douter, au vu de la proposition sage et avisée que je viens d'entendre. C'est là une idée que nous aurions dû aborder tout de suite plutôt que de nous perdre en atermoiements. Si nos homologues achosiens sont d'accord, nous suivrons cette proposition. A la condition bien entendu, que ce tribunal hypothétique repose sur des statuts solides et que ces derniers ne soient pas bâclés. Si ces excellences achosiennes acceptent, cela fera tout du moins, un problème à se soucier allégeant nos épaules. Et nous avons tous bien d'autres choses à penser. Je suppose. Mais en premier lieu, et avant de concevoir la tenue du procès, il faudra déjà qu'Achos procède à cette enquête de concert avec nos autorités, ce que ces derniers ont été réticents à faire jusque là.

Et au passage, je suppose que nous pourrions également évoquer le rôle de ce tribunal dans le cadre d'une autre affaire: celle des ambassadeurs partisans du traître Scaela qui sont toujours détenus par divers nations de l'OND. C'est là aussi une affaire entre la Grande République et votre organisation qui mériterait un dénouement clair.
Torsten n'avait pas bougé de toute la discussion. L'invisibilité l'aurait gagné si il en avait les moyens. Il écouté, inlassablement et il ne disait rien sans qu'aucun de ces gestes ne trahissent une forme d'envie de s'exprimer ni même une quelconque respiration. Cela déstabilisait nombre de ces interlocuteurs au sein du Congrès Fédéral bien plus habitués aux discussions animés qu'au ton parfaitement plat de cet homme pourtant haut placé dans l'architecture gouvernementale et dans le cadre de l'administration tanskienne.

- Excellences, je note que nous sommes proche d'une avancée sur la question de la justice mais un point est à soulever auprès de la République d'Achos. En effet, Son Excellence Meilyr Lewis a mentionné il y a quelques instants les réponses officielles de son Etat. Vous avez indiqué accepter la tenue d'un procès en pays neutre d'une part, ce qui est une nouvelle ravissante. Néanmoins dans un second temps vous avez aussi affirmé que tout prisonnier de votre nationalité et interpellé en Achosie se doit d'être jugé en Achosie. Cela est votre législation et je ne la commenterais pas. Permettez moi cependant d'y voir une forme de contradiction si le procès neutre que nous semblons tous ici valider venait à mettre des Achosiens sur le banc des accusés. En effet, si dans leur ensemble lesdits accusés venaient à être de plusieurs nationalités, certains jugés en Achosie et d'autres en pays neutre, nous pourrions être amené à voir une forme de double justice se former pour un unique et même procès.

Si l'extradition le temps d'un procès vous paraît impossible, il est toujours envisageable que des jugements d'achosiens puissent être fait par le tribunal à l'étranger, en l'absence du prévenu ou des prévenus restés en Achosie. Leurs défenses serait elle effectuée évidemment par leurs avocats comme toute justice digne de son nom le permettrait. La peine purgée, si condamnation il y a évidemment, nous ne pouvons ici condamner personne à l'avance, se ferait alors en Achosie. De cette façon là, nous aurions droit à un procès juste sur des bases solides demandées par Velsna tout en respectant l'impossibilité de l'extradition de l'Achosie sans pour autant échapper aux peines le cas échéant.

Monsieur le Sénateur,
S'adressant Zonta, les anciens ambassadeurs velsniens en plusieurs pays de l'Organisation des Nations Démocratiques se sont vu accorder un droit à l'exil dans le cadre de nos politiques nationales respectives interdisant les extractions d'individus poursuivis et pouvant être condamné à la peine capitale. Je sais l'importance politique que cette situation peut avoir pour vous, mais elle l'est aussi pour nous. Un point de discussion évident qui ne saurait être réglé en de telles conditions.
DiGrassi entendit bien son homologue tanskien et ses positions, et observa une légère correction à l'égard de sa position:
- Excellence ambassadeur Torsten. Il convient de tempérer cette déclaration de votre part: la peine capitale ne s'applique plus en Grande République depuis lors de l'annonce de la remise de mon mandat au peuple de Velsna. Je ne suis ici qu'en intérim. Ce faisant, à l'heure actuelle, ces citoyens ne sont plus sujet à aucune mise en danger d'aucune sorte, vis à vis de leur intégrité physique, et le droit velsnien l'interdit de fait. Mais je comprends que ce sujet se doive d'être abordé en un autre lieu et un autre temps.

Quant à votre proposition de synthèse de nos propositions vis à vis du droit achosien, celles-ci sont les bienvenues et nous n'en voyons aucun inconvénient. Toutefois, je rejoins la position de son excellence doyen Zonta: si procès il doit y avoir, il faut qu'une enquête sérieuse soit menée. Et pour l'instant, force est de constater que ce n'est pas le cas actuellement pour les raisons que nous avons exposé.
Meilyr Lewis écouta les arguments de ses pairs. DiGrassi commençait sérieusement à l'énerver, et l'ambassadeur Tanskien, ici pour Dieu seul sait quelle raison, qui en rajoutait une couche, avait le don de l'agacer. Il prit une longue gorgée d'eau et soupira en répondant à DiGrassi:

"Bien, je vois bien que nous n'arriverons pas à trouver un terrain d'entente quant aux excuses qui serait pourtant normale. Néanmoins, cela met en valeur un problème au sein de la société velsnienne, le manque de respect de la culture achosienne. Que notre passé historique traduise une certaine rancœur, nous pouvons le comprendre, mais cela ne justifie pas la haine, la discrimination et la marginalisation des minorités Achosiennes présentes en Achosie du Nord. Pour une nation se disant démocratique, pensez-vous qu'il est normal d'interdire à une partie de votre population de célébrer ou de vivre comme elle le souhaite ? "L'AIAN", me rétorquerez-vous, l'AIAN est un groupe terroriste, une infime partie de la population nordo-achosienne, essayons de ne pas faire de généralité. Et, cet irrespect, cette intolérance et cette discrimination, vous le témoignez jusque dans vos missives. Vous les finissez toutes par " vainqueur des achosiens". Avons-nous été en guerre avec Velsna ces cinquante dernières années ? Non ! La dernière guerre entre nos deux nations remonte au XVIIIème siècle si jamais vous aviez oublié vos cour d'histoire. Vous n'êtes pas le vainqueur des achosiens monsieur, vous avez gagné contre un groupuscule terroriste cent fois moins puissant que votre propre armée. Votre gloire est similaire à celle que vous auriez acquise en écrasant une fourmilière. Vainqueur semble d'ailleurs être un terme que vous devriez enlever, car si vous aviez gagné, nous n'en serions pas là aujourd'hui.
Ainsi, plus que des excuses, les relations entre la Sérénissime République d'Achos et la Grande République de Velsna ne pourront évoluer vers le bien tant que Velsna ne traitera pas Achos d'égal à égal. Et nous ne parlons pas uniquement en rencontre diplomatique internationale, nous connaissons vos talent d'acteur, mais également au sein de la société Velsnienne et dans les actions de la Grande République de Velsna. Voilà comment nous reformulons notre demande."



Cledwyn Binion acquiesça à la suite du discoure de son collègue et repris en ce tournant vers l'ambassadeur Torsten en changeant de sujet:

"Pardonnez la confusion. La langue de mon collègue semble avoir fourché. Oui, la constitution achosienne autorise les jugements à l'étranger du moment qu'ils se déroulent selon le droit Achosien. Elle empêche néanmoins la détention de citoyens achosiens en dehors d'Achosie. Ainsi, les peines encourues à la fin de celui-ci doivent être exécutées en Achosie. Néanmoins, nous sommes conscients de l'Enfer administratif que cela représenterait, et sommes ainsi enclins à faire des concessions pour que les suspects soient jugés selon un droit commun entre les pays concernés plus qu'envers un droit purement achosien."

Il se tourna ensuite vers Padraig Cunningham :

"Votre proposition semble donc parfaitement adaptée à notre situation et la Sérénissime République d'Achos est prête à travailler vers la résolution de ce différend, du moment que ces excellences velsniennes acceptent les conditions que mon collègue s'est permis à juste titre de rectifier"
Pour la première fois depuis le début de l'entrevue, il semblerait que Matteo DiGrassi changea d'expression du tout au tout, à l'écoute de son homologue achosien. Il avait ce regard, le même qu'il a eu si peu de fois dans sa vie, en des moments où sa main droite était prise d'une vive tremblote, à l'heure des choix. Meilyr Lewis parlait, parlait et parlait encore... Il a cessé d'écouter au deuxième tiers de son laïus. Sa main tremblait, et son genou droit s'agitait sous la table. Le vieux Gabriele Zonta, se tant à ses côtés, le regarda, et cogna discrètement cette jambe sans repos. La jambe cessa enfin de se balader, et le stratège desserra l'étreinte de son poing. Sa voix était marquée, comme par la remontée d'experiences passées que l'on aimerait jamais se remémorer:
- Je n'ai pas choisi ce titre que vous évoquez, excellence. On me l'a octroyé. Je n'en voulais pas. Pas plus que je n'ai choisi de naître en Achosie du Nord. J'ai l'impression, excellence, que vous ignorez de quoi vous parlez. Vous êtes né au sud de la frontière, vous n'avez rien connu de ce conflit, et pourtant, vous venez me le rabattre comme si vous en étiez partie prenante. Permettez moi, étant donné que vous en êtes fort ému, de vous faire part de mon expérience, et de ce que j'ai tiré de tout cela.

Je me souviens encore comme si c'était hier. J'avais 8 ans. Tous les matins, des soldats nous accompagnaient jusqu'au bus qui nous emmenait à l'école. Des soldats. A la maison, je me me souviens encore de ma mère qui ne refusait, ne serait-ce que le fait que je sorte jouer dehors, parce que la maison du voisin avait pris feu, ou qu'une voiture à deux pâtés de maison de là avait explosé avec une femme et ses enfants à l'intérieur. Et quand on entendait la sirène des pompiers et des policiers, on me disait de ne pas sortir, et on me donnait des distractions, on me disait d'aller jouer dans le salon. Mais ma mère n'a jamais pu cacher son inquiétude, je savais déjà à quoi ressemblait le visage d'une personne constamment terrifiée du haut de mes 9 ans. Là encore, je n'ai pas choisi.

J'ai été mobilisé à 17 ans. Je ne me suis pas engagé volontairement, j'ai été enrôlé par ma cité. Pensez vous que j'ai aimé cette guerre, que c'était des vacances ? Un moment de détente ? Non. Mais je l'ai fait.

Non, vous ne savez rien de l'Achosie du nord. Vous ne savez rien des aspirations de ses habitants. La plupart veulent vivre en paix, mais c'est cette minorité de terroristes qui fait tout depuis des décennies pour que cela n'arrive pas. La achosiens du nord sont libres, excellence. Ils ont une maison, un travail, des enfants et des passions. Ils vont dans leurs églises, car le culte achosien est scrupuleusement respecté. Lorsqu'ils vont à l'école ils continuent de parler leur langue, sans que jamais on leur reproche, librement. Ils sont une minorité, 30% de la population au maximum, mais nous les respectons en tant que citoyens de plein droit, sans aucune forme de mise à l'écart ou de discrimination. Aussi, lorsque vous faites allusion à des sévices et des persécutions imaginaires, je vous prierais de réaliser cet exercice de rhétorique en présence de personnes qui ne sont pas natives d'Achosie du Nord. Votre emportement vous joue des tours.

Vous voulez des excuses ? Notre concession en ce qui concerne la proéminence du droit achosien en est déjà une en soi. Nous vous avons déjà tout donné: nous vous avons fait part de cette invitation à cette médiation et nous avons donné suite à presque toutes vos demandes. Alors cessez donc de faire valoir les complexes qui vous animent et votre victimisation systématique afin que nous puissions enfin avancer sur la question de l'enquête et du procès. Nous avons tous nos démons, mais nous devons avancer.



La main droite de DiGrassi avait cesser de trembler, et il enchaîna sur les propos de son compère, Cledwyn Binion:
- Nous acceptons vos demandes concernant l'encadrement du procès et le droit achosien. A parti de l'instant où les services de la Segreda velsnienne ont une participation active à cette enquête, cela fera l'affaire...je suppose.

Il se tourne ensuite vers son homologue tanskien:
- Je pense, excellence, que c'est à vous de nous proposer un texte qui reflète les propositions qui ont été retenues aujourd'hui. Nous attendrons donc le document.
"Si vous n'avez pas choisi ce titre, rien ne vous oblige, alors, à signer avec." Meilyr Lewis repris la parole à la fin de la tirade de DiGrassi. Son ton était froid, sec. Il s'exprimait très peu fort et avec très peu d'accent. Ses yeux fixés sur le velsnien, on aurait dit une statue qui parlait. Véritable contraste avec son caractère explosif, ce changement de comportement se traduisait par la profonde colère qu'il éprouvait suite aux paroles du diplomate.

"Cessez d'ailleurs d'essayer d'attendrir l'assemblée avec le récit de votre enfance. Mais revenons au sujet principal, pensez-vous sérieusement qu'Achos n'a pas subi de conséquences des agissements de l'AIAN ? C'est manquer de respect aux centaines de victimes des attentats de l'AIAN à Achos, d'une part, et minimiser l'impact économique que cela a eu sur le pays de l'autre. Non monsieur, la vie n'était pas rose à Achos. Les investisseurs, à la suite des agissements de l'organisation, ont tous abandonnés le pays, et nous avons alors subi la pire crise économique de notre histoire, crise dont nous nous relevons seulement. Le quart des entreprises du pays ont dû fermer, des centaines de milliers de gens à la rue, je ne pense pas que nous n'avons rien connu de ce conflit, voyez-vous.

Ensuite, vous vous présentez comme un soldat malgré lui enrôlé dans la machine de guerre Velsneinne. Pensiez-vous à cela lorsque vous avez fait tirer à brûle-pourpoint, littéralement, au canon de campagne sur des prisonniers ? Cela n'est pas le comportement d'une personne qui a souffert de la guerre dans son enfance. J'irais même jusqu'à dire que cela est très barbare!

Vous dites enfin que nous ne connaissons rien à la population nord-achosienne, que nos critiques sur la discrimination de leur population sont infondées, mais le discours au sénat de Strombola dit le contraire. La population achosienne de souche est malmenée, et cela est devenu la norme à Velsna. Et cessez de vous prétendre proche de ces populations, vous descendez d'une famille de colons velsniens comme le signale votre patronyme. Et , en parlant de patronyme, de nombreux achosiens se voient obligé de changer leur nom de famille, leur identité propres en somme pour un nom "plus velsnein" afin de pouvoir progressez socialement, trouvez vous ça normale monsieur ? Qui plus est et comme je l'ai déjà mentionné, si votre surnom qui vous a été attribué vous déplait, et bien arrêtez de signer toutes vos missives avec !Car vous donnez plus l'impression de chercher la provocation. Et, si vous voulez d'autres exemples, n'avez-vous pas mis en vente une Corvette sobrement nommée Le vainqueur d'Achos ?Qu'on vous ait attribué votre surnom, cela est encore compréhensible, mais si la Grande République de Velsna ne cherchait pas à discriminer les Achosiens, pourquoi baptiser un navire de la sorte !"


Il s'arrêta, soupira un grand coup et repris d'un ton beaucoup moins froid :

"Rien ne sert néanmoins de passer notre temps à mettre sur la table l'entièreté des tensions entre Achos et Velsna, il faut mettre à profit cette médiation. Le rapport d'enquête sera donc transféré à l'autorité velsneinne et l'enquête pourra reprendre, mais, en échange, nous souhaitons que des accords soient pris pour protéger l'identité culturelle nord-achosienne. Ces accords, si vous acceptez notre proposition, seraient axés sur une reconnaissance de la culture achosienne en Achosie du Nord et un respect des coutumes achosienne dans la mesure du raisonnable. Ainsi, les minorités achosiennes pourront garder leur patronyme, par exemple. Nous espérons également un effort de la part du Sénat velsnien pour faire appliquer et ainsi arrêter les surnoms et sobriquets douteux.
Que pensez-vous de cette proposition ? Nous ne demandons rien de plus, mais nous ne demanderons rien de moins."
DiGrassi réagit immédiatement à la question de ses origines:
- Il n'y a pas un habitant de Strombolaine qui n'a pas plusieurs origines...N'importe qui le sait.

Le doyen Gabriele Zonta, qui s'était éclipsé de la conversation depuis plusieurs minutes, reprit la main sur la discussion, voix chevrotante et posée à la rescousse de la médiation:
- Excellence Lewis. Je ne pense pas que piocher un discours d'un parlementaire d'une assemblée locale, qui plus est issu d'une opposition ne s'étant jamais approché du moindre gouvernement, ne représente pas un exemple pertinent d'une supposée injustice que subiraient les populations achosiennes. De même, nous ne pouvons interdire à la Société des arsenalauti de Velsna de nommer les navires sortant de ses cales sèches en référence à des conflits remontant à huit siècles. Si vous êtes sensible à ce genre de détail, alors je pense qu'il faille faire un travail d'introspection de votre côté.

Du reste, la situation en Achosie du Nord, ou strombolaine, suivant la façon dont en entend nommer cette région, est stable depuis presque vingt ans, et ce grâce au traité qui a été signé en 1997 avec ce qui restait de ces forces terroristes. Son excellence DiGrassi y a eu un grand rôle qu'il a lui-même tendance à minimiser. Et il convient de rappeler que les évènements dont vous avez fait mention se sont tenus après que ces terroristes de l'AIAN aient fait exécuter presque 200 civils qu'ils retenaient en otages. Du reste, ils n'avaient pas le statut de prisonniers de guerre, étant donné qu'ils n'appartenaient à aucune armée, et je connais que peu d'hommes qui auraient pu retenir leurs coups après la vue d'un tel massacre.

La Strombolaine est désormais en paix, si ce n'est les actes isolés de ces gredins de l'AIAN, dont la force de frappe est devenue marginale. Néanmoins, ces derniers ont encore une influence nuisible sur nos relations communes. Et c'est de leur faute si nous sommes tous ici aujourd'hui. De ce que j'entends de vous, l'AIAN est responsable de d'autant de sévices de votre côté que du nôtre. Nous ferions donc mieux de nous entendre sur ce dossier.

Toutefois, comprendrez que votre énième revendication n'est pas acceptable. A la fois sur un plan politique et administratif. En premier lieu, nous ne pouvons exiger des cités de Strombola et de Velathri ce genre de mesures. Nous ne sommes pas des tyrans: ces cités sont constituées d'hommes libres et de femmes libres, et notre gouvernement n'a pas l'autorité de leur imposer des lois portant sur la culture et les mœurs des habitants de la région. Ensuite, il convient de rappeler que vous êtes les représentants d'une nation étrangère, d'un gouvernement étranger, et que vos exigences n'ont pas à avoir une quelconque influence sur la manière dont s'écrit la loi au nord de la frontière qui nous sépare. Les achosophones qui font part intégrante du corps civique velsnien sont déjà libres de garder leur patrimoine culturel, religieux et linguistique. Si certains adoptent des noms de familles qui ne sont pas achosiens, si certains se mettent à parler d'autres langues que leur langage maternel, c'est avant tout pour répondre à des besoins sociaux et non à des contraintes. Il n'est pas de la responsabilité de notre Sénat de se soucier de la langue parlée par une partie de ses administrés. Nos institutions sont régies par un corps civique et nous sommes une nation politique, pas un État régit par des questions ethniques. En vertu de toutes ces raisons, il ne sera donc pas possible de répondre favorablement à cette demande.

Toutefois, son excellence Matteo DiGrassi pourra emmètre une demande auprès de ces excellences du Sénat pour faire effacer ou modifier la partie de sa titulature qui est pour vous un point problématique. Vous pourrez l'ajouter à la très longue liste des concessions que nous avons faites par bonne volonté.

Bref. Attendons donc que nos amis tanskiens fassent la synthèse de ce qui a été proposé jusque maintenant, que nous puissions conclure cette affaire promptement. Du haut de mes 88 ans, je daigne ne pas mourir de vieillesse ici.
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