Le camp de vacances des Collines du lac. Ma nouvelle colonie de vacances, un endroit génial. J'y étais depuis six jours. Au bâtiment 8. Et je m'éclatais.
Les gars de mon groupes adoraient faire des blagues stupides. Ils étaient super ! Par contre, Rudy, notre surveillant, n'était pas un rigolo. Il mesurait près de deux mètres et avait un ventre énorme. Il avait de grosses moustaches grises et un crâne lisse comme une boule de billard. Personne ne l'avait vu sourire.
Mon sport préféré dans ce camp était le base-ball. Avec les copains, on formait la meilleure équipe de la colo. Et les autres m'avaient élu meilleur lanceur alors que j'étais le plus jeune. Je n'ai que douze ans ! Franchement ce camp était génial.
Il y avait juste un petit problème : pendant toute cette semaine, je n'avais pas reçu de courrier. C'était étonnant. L'année dernière, mes parents m'avaient déjà envoyé quatre lettres et un colis rempli de bombons. Mais cette année c'était le grand désert. Pas même une carte postale ou une lettre d'un pigeon voyageur.
C'est pourquoi ce jour la quand Rudy distribua le courrier je fus le premier à sortir du bâtiment. J'étais persuadé de recevoir quelque chose. Mais rien !
- Je n'y crois pas ! Ma mère avait dit qu'elle m'écrirait souvent !
Je n'étais pas fâché, juste contrarié. Je ne devais pas être le seul à ne pas recevoir de lettres mais mes parents avaient promis.
Trois jours plus tard, j'étais toujours sans nouvelle. Je demandai à Rudy de vérifier au bureau de poste. Il me dit qu'il s'en chargerai. Je me mis à imaginer les choses les plus folles : mes parents m'avaient peut être écrit à la colo où j'étais l'année dernière, ou alors il y avait eu un tremblement de terre et ils étaient restés coincés dans la maison ou encore pire ils étaient morts dans un accident de voiture …
Finalement je décidai de téléphoner chez moi. Je voulais savoir ce qui se passait. Le lendemain après la distribution, j'allai voir Rudy :
- Rudy, j'aimerais appeler chez moi, discuter avec mes parents
- Pas de coups de téléphone aux parents sauf cas d'urgence, dit-il en secouant la tête. C'est le règlement.
- Mais il y a urgence !
Rudy ne le croyait pas.
Le jour suivant Rudy cria, tandis que j'achevais de faire mes lacets :
- Le courrier ! Lewys Anderson. C'est ton tour de chance ! Mme Jefferson - celle qui tient le bureau de poste - l'a retrouvé au fond d'un tiroir. Elle ne sait pas comment elle a atterri là, et elle va voir si il n'y en a pas d'autres.
Je lui arrachai la lettre des mains et l'ouvris d'un geste sec.
Hélas, nous ne pouvons pas venir te voir le jour des visites. Nous nous reverrons en août.
PS : Surtout, ne nous écrit pas.
Quoi ? Qu'est ce que ça voulait dire ? Je tournais la lettre dans tous les sens. Etait-ce une blague de mes copain ? De très mauvais gout en tout cas.
C'était impossible ! Ils avaient promis ! Ils venaient toujours. Mais le plus étrange était le post scriptum. Pourquoi ma mère demandait une chose pareil ? Une boule d'angoisse me noua la gorge et j'eus brusquement envie de pleurer.
Une autre lettre arriva l'après-midi suivant. Ouf ! J'allais surement avoir une explication.
Nous allons t'envoyer vivre chez ton oncle. Il viendra te chercher le 28. Nous pensons que c'est mieux ainsi.
PS : Ne nous écris pas.
Quoi ? La feuille tremblait dans mes mains. Il a 87 ans et vit en maison de retraite. Un frisson glacé m'envahit et mes yeux se remplirent de larmes.
Je devais absolument atteindre le téléphone. J'étais seul. Le reste du camp était occupé avec la distribution du courrier. Bien. Je poussais la fenêtre et rentra dans le bureau. Je pris le téléphone et composa le numéro.
- Maman ! Qu'est ce qu'il se passe ?
- Nous sommes absent pour le moment. Veuillez nous laissez un message après le "bip" sonore.
Oh non ! Le répondeur ! J'entendis des bruits à l'extérieur, pas le temps de laisser un message !
A l'instant même où j'allais entrer dans le dortoir, la porte s'ouvrit en grand. Rudy était là.
- Tu vas avoir des problèmes, Anderson. Tu es en retard. Rejoins vite ton groupe .
Mais avant ça je courus à mon casier prendre mes affaires pour la balade nocturne de ce soir. Et c'est alors que mes yeux tombèrent sur l'enveloppe. Je relus l'adresse : Lewys Anderson, Camp des Collines du parc.
Mais oui ! Moi j'étais au camp des Collines du lac. Tout devint clair : ces lettres n'étaient pas pour moi. Je poussai un profond soupir de soulagement. Il devait y avoir un autre Lewys Anderson là-bas, au camp situé en de l'autre côté du lac. Et il avait probablement reçu mes lettres !
Je savais ce que j'allais faire. Pendant que les autres se baladeraient dans les bois, moi, je traverserais le lac et rendrais une petite visite à l'autre Anderson, au camp des Collines du parc.
Le moment de la balade nocturne venu, je profitais de l'obscurité pour m'enfuir et me faufiler vers l'embarcadère à travers les broussailles.
Les barques de la colonie se balançaient. Je grimpai dans l'une d'entre elles. Je m'emparai des rames et m'éloignai du bord. Les lumières du camp diminuaient à mesure que je progressais sur le lac.
Enfin j'aperçus un embarcadère. Je descendis sur le ponton. Puis avec ma lampe j'éclairais un large panneau de bois. Je parvins à déchiffrer les mots "Camp des Collines du parc".
Où se trouvait leurs occupants ? Pourquoi n'y avait-il aucune lumière ? Etrange !
J'avançais vers le bâtiment le plus proche. Je vis un garçon très maigre accroupi sous le porche.
- Excuse moi, est ce qu'il y a un Lewys Anderson dans ce camp ?
Il leva son bras en direction de la porte sombre menant à l'intérieur de la bâtisse.
Je poussai la porte. Ma lampe éclaira une pièce vide. J'allais tourner quand je repérai un mouvement sur ma gauche. Quelqu'un était caché dans un coin d'ombre.
- Qui est là ? dis-je.
- Qu'est ce que tu veux répondit un voix ? d'un ton menacant.
- Euh … Je cherche Lewys Anderson.
- Tu l'as trouvé. Qu'est ce que tu veux ?
Je ne pus lui répondre, l'ambiance des lieux était trop angoissante et mon cœur battait trop vite.
- Qu'est ce que tu veux ?
J'avalai ma salive avant de répondre.
- J'ai ton courrier.
- Mon quoi ?
- C'est ton courrier. Des lettres de tes parents. J'aimerais que tu me donnes les miennes si tu les as.
- Qui es tu ?
- Je m'appelle Lewys Anderson. Je suis …
- Va-t'en ! cria-t-il. Ils ne doivent pas savoir que tu es là !
- Ecoute, essayai-je de m'expliquer. J'aimerais récupérer mes lettres et je partirai ensuite …
- Va-t'en ! hurla-t-il. Sauve toi vite !
Cette fois, je n'insistai pas et quittai le bâtiment en courant. Je remarquai au passage que le garçon de l'entrée avait disparu.
J'errai quelque temps dans la colonie qui semblait abandonnée. Les herbes m'arrivaient aux genoux. Soudain je sentis l'odeur d'un feu de camp non loin. Je me dirigeai vers la lumière et m'accroupis derrière un rocher. Des centaines d'enfants étaient assis autour du feu. Ils étaient assis en cercle. Ils se donnaient tous la main et se balançaient d'avant en arrière en disant des incantations maléfiques. Comme une sorte de secte.
Un frisson d'angoisse me parcourut le dos. "Quel est donc cet endroit ?"
Je me levais pour fuir quand une main squelettique se referma sur mon bras. C'était le garçon du porche ! Il m'entraina vers le feu. Je tentai de me dégager mais sans le pouvoir. Les enfants réunis autour du feu se tournèrent vers nous. Ils avaient le regard vide, les yeux bancs et étaient d'une maigreur horrifique. Ils ouvrirent le cercle pour nous laisser passer. Je sus alors ce qui allait se passer : ce garçon allait me jeter dans les flammes !
Le garçon finit par me lâcher et je m'enfuis en courant. La peur me donna des ailes. Je rejoignis le ponton et bondis sur la barque. Je traversai le lac sans m'arrêter et regagnai la colo tout essoufflé.
Rudy faisait les cents pas devant mon bâtiment.
- Rudy ! Rudy !
- Anderson ! Où était-tu ? Les autres te cherchent partout. Et tes parents ont appelé …
- Ecoute moi, je dois te raconter une chose horrible.
Et la je déballai toute l'histoire.
-Qu'est ce que tu racontes, Anderson ? Nous sommes la seule colonie installée sur les rives du lac.
- Non Rudy c'est faux ! insistai-je. Je l'ai vu ! C'est le camp des collines du parc.
D'un aire pensif, il me répondit :
- Il y avait bien une colo sur l'autre rive. Mais un incendie a ravagé les bâtiments, il y a une trentaine d'années.
- C'est impossible ! m'écriai-je. Viens je vais te montrer.
Je me retournai pour partir, mais Rudy me retint par le bras :
- Il est trop tard, nous tirerons cela au clair demain matin.
- Mais …
- Nous en reparlerons demain, trancha-t-il d'un ton sans appel. Maintenant tu montes te coucher.
Je regagnai mon dortoir.
- Je sais ce que j'ai vu !
Je pris mes lettres et ma lampe de torche et m'enfouis sous les couvertures pour ne pas réveiller mes voisins de chambre.
-Je ne suis pas fou ! murmurai-je. C'est bien marqué là : Lewys Anderson. Camp des Colonies du parc.
C'est alors que je remarquai un détail qui me laissa sans voix.
Le cachet de la poste ! Il portait la date du 10 juillet … 1970.
Légende racontée à tous les enfants du Wazackstan comme une sorte de tradition pour les sensibiliser à respecter les consignes des adultes et ne pas sortir des sentiers battus.