Posté le : 30 jui. 2024 à 14:31:12
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La Famille Imperiale se laissa guider par la main entraînante du Prince Ludovico XIV, qui fit passer Pétroléon V et sa parentèle devant les plus attirantes vitrines des savoirs-faire de la Principauté. Madame Sabattini guidait cette grande ballade avec une prestance incroyable inégalée, distillant au détour de chaque étape un peu de son immense savoir.
Monsieur Rossi impressionna beaucoup le Prince Clément, qui s’isola quelques secondes avec le marqueteur pour prévoir l’ameublement de la pièce qu’il comptait réaménager dans sa demeure de Leglibourg. Le Prince Louis conversait toujours avec la jeune Sofia, les deux adolescents semblaient s’entretenir de sujets éminemment importants, gardant malgré leurs sourires la tête baissée en signe de secret, tandis que le reste de la troupe avait toujours le nez en l’air, contemplant les merveilles de la nature grisolienne.
Chacun écouta avec le plus grand intérêt l’exposé de leur guide sur la culture des oranges grisoliennes, et put ainsi constater que ces dernières n’étaient pas le résultat d’un simple miracle de la nature, mais aussi d’un labeur durement effectué, s’étalant sur plusieurs années.
Le soir venu, alors que les deux familles désormais unies par une solide amitié étaient revenues au Palazzo di Grisolia pour une nouvelle soirée solennellement festive, un des majordomes attitrés à la suite de l’Empereur tendit à ce dernier une enveloppe cachetée. Cette enveloppe était de celles que seuls les souverains peuvent ouvrir.
Remerciant son majordome, Pétroléon V lut le pli et garda le silence en signe de réflexion. Il échangea quelques mots avec son épouse tandis qu’un murmure gêné parcourait leurs parents et nouveaux amis. Finalement, le souverain s’adressa à son homologue grisolien en ces termes :
« Cher Prince, ou plutôt cher ami, puisque ces derniers jours ont tissé entre nous une affinité a laquelle Notre charge Nous a rarement accoutumé, les festivités que vous nous offrîtes depuis que nous sommes arrivés sur le sol de votre patrie ont laissé en nous tous une empreinte indélébile. Nous avons tissé des liens inoubliables, rencontré des hommes, des femmes et des paysages extraordinaires. Cependant, j’ai l’immense regret de devoir écourter cette magnifique escapade grisolienne, dans laquelle vous nous guidâtes avec la plus courtoise des manières.
En effet, il est de ces moments tellement édéniques qu’ils nous semble être emportés hors du temps, au-delà du cours naturel des choses de ce monde. Mais, fatalement, les astres, rythmant nos existences et nous rappelant aux obligations essentielles d’ici-bas, ne cessent jamais de tourner. Aussi ne faut-il guère nous laisser illusionner par le bonheur, si bienvenu soit-il pour nous, car toujours guette l’instant où nous devrons être rappelé devant l’implacable jugement du temps.
Cette fatalité s’applique plus qu’à quiconque aux souverains, voilà pourquoi je suis sûr que vous me comprendrez.
La situation politique de Clovanie Nous appelle auprès de Notre peuple. Au nom de toute la Famille Impériale, Nous vous remercions infiniment pour votre accueil, nous nous en souviendrons tous. Puisse notre amitié encore durer, au-delà des générations et des siècles à venir. »
Ayant ainsi exprimé sa gratitude au Prince, Pétroléon V se rassit et attendit la réponse de Ludovico XIV. Le Prince Louis, la mine déçue, regardait avec dépit la Princesse Sofia, contrarié de devoir mettre fin à ce nouvel âge qui s’ouvrait dans sa vie.