11/05/2017
23:14:12
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Rencontre à Blonvillia : CLOVANIE - GRISOLIA

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Ce matin, la province de Blonvillia a l'honneur d'accueillir le plus gros investisseur du canal de Ieri, la Clovanie, qui détient cinquante-cinq pour cent des parts. Dans une volonté d'accentuer les relations entre les deux nations, le Prince Ludovico XIV a convié les vingt-six membres de la famille Impériale clovanienne. Pendant ces quelques jours à Grisollia, la Famille Impériale logera dans l'aile gauche du Palazzo di Grisolia, réservée aux invités de la plus grande importance.

En attendant l'arrivée du navire clovanien, son Altesse, accompagné de la Famille Princière, s'est rendu au port. Les journalistes du Grisolia Oggi sont également sur place ainsi qu'une foule de Grisoliens. Les représentants de la province de Ieri, dont les maires de Limain, de Mostra et de Peschiera, sont également présents.

Les habitants se pressent pour être les premiers à apercevoir le bateau arriver au loin. Soudain on entend un cri, puis des applaudissements, tout le monde se tourne vers l'horizon. C'est le bateau Impérial clovanien qui arrive !

Le bateau Impérial clovanien qui arrive au port de Blonvillia
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Le ciel de février avait apprêté son plus beau soleil pour l'arrivée de la Famille Impériale au port de Torri. Les matelots s'activaient de toutes parts autour des prestigieux voyageurs, et les clameurs du peuple grisolien se faisaient de plus en plus fortes à mesure que l'on s'approchait de la terre. Son Altesse Princière devait être de ces hommes debout sur le quai, qui attendaient noblement que ses invités ne fassent leur entrée dans la ville.

Sur le pont principal, les vingt-six membres de la Famille Impériale qui avaient été invités en terre grisolienne se préparaient pour le débarquement. L'Impératrice Lucie réprimandait non sans tendresse son fils Éric, l'héritier direct du trône, en lui réajustant pour la énième fois sa cravate. Le Prince Éric avait de nombreuses fois cherché chaussure à son pied chez les alliés de l'Empire, mais n'avait jamais pu concrétiser ses ambitions matrimoniales. Aussi sa mère espérait-elle qu'il trouvât peut-être un parti intéressant dans les filles du Prince Ludovico XIV. Son visage morne indiquait cependant qu'il n'était pas venu pour trouver une alléchante dot, lassé des déconvenues qu'avaient déjà entraîné les tentatives de mariage arrangé orchestrées par ses illustres parents.

Plus loin, le Prince Clément, frère de l'Empereur, faisait les cent pas, n'écoutant que d'une seule oreille ce que lui racontait sa femme Léane. Le couple provoquait beaucoup d'inquiétude dans les hautes sphères du pouvoir, et la stérilité de leur couche n'y était pas pour rien. Léane et Clément n'avaient donné aucune progéniture à la patrie depuis cinq ans maintenant qu'ils étaient mariés. Si un grand malheur advenait et que Clément était amené à devenir Empereur, le sort de la dynastie s'engouffrerait dans une sombre voie.

À sa droite, penché sur le bastingage, le Prince Louis sondait les flots du regard avec une grande pénétration. L'assassinat de son père il y a déjà quatre ans avait jeté sur son visage d'adolescent un voile noir que sa mère Noémie peinait à lever. Il semblait déjà avoir connaissance des cruelles lois divines qui, comme la mer, peuvent nous mener des îles les plus enchanteresses aux tempêtes les plus infernales.

L'Empereur conversait tranquillement avec ses cousins éloignés Alban, Félix et Philippe, lequel tentait tant bien que mal de tenir en place ses jumeaux André et Paul. "Bientôt dix-huit ans, et vous vous chamaillez encore... le service militaire ne vous fera pas de mal !" Leur petite sœur Honorine les regardait aussi d'un air supérieur, mais ne pouvait réprimer une lueur d'amusement dans son regard.

Puis, à deux pas de là, le reste des cousins et cousines de l'Empereur s'entretenaient de sujets plus ou moins importants. Le vieux Daniel, doyen de la famille, appelait Jérôme Grégoirévitch à se tenir plus droit, car n'est-ce pas, le Prince de Grisolia pouvait déjà tous nous regarder avec des jumelles s'il le voulait. La femme et la sœur de Jérôme, Albane et Odile, levaient les yeux au ciel en signe de lassitude. Ferdinand et son fils Augustin imaginaient le chantier déjà immense du canal de Ieri et le dépeignaient avec soin aux frères Damien et Charles sans pour autant jamais l'avoir vu de leurs propres yeux. Charles entendait sans écouter : il admirait la tenue de sa femme Augustine, laquelle racontait un vieux souvenir d'enfance à ses belles sœurs Pauline et Émilie. Le récit cent fois réécouté de cette vieille historiette amusait encore ces dernières, qui savaient à l'avance quand rire ou s'attendrir pour sublimer sa narratrice.

Enfin, le navire accosta au port de Torri. L'ensemble de la Famille pouvait contempler avec admiration l'immense montagne qui surplombait la ville. Sa Seigneurie Impériale était tellement absorbé par cette beauté qu'au moment de poser le pied sur le quai, il n'aperçut pas une corde laissée par terre, et s'étala de tout son long sur le sol. On se précipita pour le relever, espérant que cet événement passe inaperçu dans les esprits grisoliens. Le Prince Ludovico XIV vint à la rencontre de son homologue clovanien et le salua en lui souhaitant la bienvenue.



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Après avoir chaleureusement serré la main Sa Seigneurie Impériale et s’être assuré qu’il n’était pas blessé, le Prince Ludovico XIV présenta la Famille Princière, d’une taille bien moindre que celle de son homologue. En effet, il est le seul enfant de feu Alberto III et de la Princesse Douairière Elena, au plus grand regret de celle-ci.

Il présenta d’abord sa mère, la Princesse Douairière Elena, dont Sa Seigneurie Impériale baisa la main avec la plus grande délicatesse, comme s’il fût effrayé de la briser. Puis il présenta sa femme, la Princesse Chiara, dont le charme faisait rougir quiconque croisait son regard. Enfin, il présenta son fils ainé, Alfonso di Grisolia, héritier du trône, ainsi que ses deux filles, Sofia di Grisolia et Aurora di Grisolia qui ont hérité du charme de leur mère.

Une fois les présentations achevées, Ludovico XIV invite la Famille clovanienne à se diriger vers la grande place de Torri pour que commencent les festivités. Tous s’installent dans les luxueux fauteuils installés pour l’occasion, Ludovico XIV et l’Empreur côte à côte. Les meilleurs musiciens de la fanfare grisolienne entamèrent l’hymne nationnal, la Canzone di Grisolia, tandis que la Famille Princière se levait pour joindre leurs voix aux leurs. Puis, le Prince pris la parole pour souhaiter la bienvenue à la Famille Impériale au grand complet.

“Nous sommes honnorés de vous accueillir aujourd’hui à Grisolia et également très touchés par votre venue. Cette rencontre est plus qu’une simple visite diplomatique suite à votre investissement dans le canal de Ieri. Nous avons le plaisir d’accueillir votre famille au grand complet dans le berceau de la Principauté grisolienne, votre venue aujourd’hui traduit la volonté que nous avons de lier nos deux nations afin de faire face au futur ensemble. Nous espérons que vous apprécierez votre séjour à Blonvillia, les Grisoliens ont tous hâte de vous faire découvrir notre magnifique province ! Vous attendent : des visites historiques des plus grandes villes de Blonvillia, des rencontres avec les grands artisants, l’élite politique et la famille des Latini, propriétaire des orangeraies blonvilliaises !”


S’en suit une présentation des danses grisoliennes interprétées par les meilleurs danseurs grisoliens, accompagnées de chants a cappella. La foule, mais également les Familles Impériale et Princière, s’exclamèrent face à un tel spectacle.

À la suite de la représentation, le Prince propose à tous de se rendre au Palazzo di Grisolia afin que les invités puissent découvrir leurs appartements et se reposer de leur long voyage avant le dîner. De nombreuses voitures ornées du blason de la Famille di Grisolia les attendent déjà à quelques pas de la grande place.

En s’approchant du Palazzo di Grisolia, la Famille Princière voit les yeux de leurs invités s’écarquiller devant la grandeur et la beauté du palais qu’ils appercoivent au loin. Pour rejoindre le Palazzo di Grisolia, les invités doivent traverser les jardins fleuris parsemés de fontaines. Les oiseaux gazouillent depuis les arbres fruitiers tandis que les papillons virevoltent silencieusent ici et ailleurs. L’un d’entre eux se rapproche de Sofia di Grisolia et se pose sur le bout de son nez avant de s’envoler aussitôt vers le Prince Louis, il se pose sur sa main. Le jeune homme regarde alors la jeune fille, celle-ci rougit puis détourne le regard en souriant.

Une fois les grandes portes du Palazzo di Grisolia franchies, les Familles Impériale et Princière se trouvent dans la salle centrale du château, longue d’une trentaine de mètres, éclairée par un doux soleil traversant les quelques vingtaines de grandes fenêtres que comporte la pièce. Ces ouvertures s’allongent jusqu’au plafond, orné de moulures discrètes, quoique grandioses, et sont encadrées de longs rideaux d’un bleu pâle. Le centre de la pièce est occupé d'un lustre des plus sublimes. Sur le mur du fond, l'immense portrait de la Princesse Douairière Elena se dresse, elle semble poser sur quiconque pénètre la pièce un regard bienveillant. Le mobilier est parfaitement assorti aux longs rideaux et taillé dans le bois de la forêt la plus proche, connu pour sa résistance. On peut également apercevoir, en se rapprochant suffisamment du secrétaire, qu’une marqueterie parfaitement réalisée signée Rossi orne celui-ci. En observant ce détail, la femme de l’Empereur s’enquiert de la bonne santé d’Alice Rossi étant donnné son absence. La Princesse lui répondit que même si Alice Rossi a été offciellement présentée comme la compagne de son fils, elle ne pourra accompagner la Famille Princière dans ses rencontres diplomatiques que lorsqu’elle sera mariée à Alfonso di Grisolia.

Ils discutèrent encore une heure et demi dans la grande salle tant elle était chaleureuse, avant que l’Empereur ne tire sa révérence, suivi de toute sa famille.

La Famille Princière se félicita du bon déroulé de l’accueil de la Famille clovanienne avant de se retirer également pour se préparer au dîner.

Grande salle du Palazzo di Grisolia
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L'illustre troupe que constituait alors la Famille Impériale sur le port de Torri suivit avec émerveillement ses hôtes Grisoliens dans la magnifique visite prévue par les services du Prince. Tous ne purent réprimer leur admiration en contemplant les magnifiques paysages qu'offrait la montagne de Blonvilia. Les belles maisons de marin attirèrent le regard de Sa Seigneurie Impériale et de sa femme, par la poésie, emprunte de simplicité, qu'elles dégageaient. Les visages des Grisoliens venus assister à l'événement semblaient assurer à leurs invités qu'ils étaient pour toujours les bienvenus dans leur patrie, et les quelques échanges qu'entretinrent les cousins de l'Empereur avec les journalistes et les aristocrates grisoliens présents sur le quai rayonnaient d'entente et de joie. Rien de plus réconfortant après un long voyage que de savoir que son arrivée est aussi un jour de fête pour ses hôtes !

La présentation des membres de la Famille Princière fût le lieu d'un cordial échange de marques de politesse, chacun y allant de sa salutation la plus révérencieuse. Au fond, la plupart des membres de la famille de Pétroléon V connaissaient déjà les visages et les noms de ceux qu'ils saluaient pour la première fois, après avoir occupé leur voyage en bateau de jeux de mémoire ayant pour support l'encyclopédie de Grisolia.

Le petit discours prononcé par le Prince Ludovico XIV fut reçus dans les rangs clovaniens par des murmures d'approbation et d'admiration. On s'étonnait de ne pas s'être plus tôt lié d'amitié avec ces gens si convenables, qui savaient à ce point choisir les mots justes dans leurs dires, et accueillir si bien leurs invités, dans un mélange de solennité et de chaleur.

Augustine Hectorévitch se pencha vers l'oreille de sa cousine Pauline et lui murmura qu'Alfonso di Grisolia était un garçon tout fait charmant, un homme à marier qui lui irait comme un gant. Pauline sourit de la faiblesse de sa mémoire et lui rappela doucement qu'Alfonso di Grisolia était déjà fiancé à un des plus beaux partis du pays, ce qui ne manqua pas de faire rougir de honte Augustine. Celle-ci oublia bien vite son étourderie lorsque furent présentées les danses traditionnelles du pays. Sa jambe tressautait au rythme de la musique, et elle ne cacha pas la larme qui coulait sur sa joue au moment des chants a capella.

Une fois installés dans les luxueuses voitures qui leur étaient destinées, la parentèle de l'Empereur Pétroléon V se détendit à nouveau et échangèrent quelques remarques sur la délicatesse de l'art grisolien.

"Les traits de ces édifices me rappellent ceux des villes de Fortuna, ne trouvez-vous pas ? adressa l'Impératrice à son mari et souverain, qui ne répondit pas. Ils ont toutefois une identité qui les rend tout à fait unique. Admirez cette église, par exemple."

En effet, les rues se faisaient de plus en plus splendides à mesure que la voiture s'approchait du Pallazo di Grisolia. Une fois parvenus devant cet immense château, rayonnant de beauté et qui s'incorporait parfaitement avec son environnement, liant la mer et la montagne comme un trait d'union dressé par Dieu, les yeux des membres de la Famille Impériale s'écarquillèrent d'admiration.

Le Prince conduisit tout le monde à l'intérieur du magnifique palais, que les Clovaniens purent donc contempler de l'intérieur. Paradoxalement, le bâtiment paraissait encore plus immense une fois qu'on y était entré. La salle centrale, dans laquelle était maintenant réunie une foule de personnages aux noms plus illustres les uns que les autres, était décorée de moulures et de peintures qui élevaient naturellement les yeux des invités clovaniens. Daniel Michélévitch, du haut de ses cinquante-six ans, faillit se tordre le cou en suivant du regard les courbes sculptées dans le plafond du palais. On apprit qu'un dîner allait être donné par le Prince, et l'intérêt de chacun descendit des hautes sphères de l'architecture d'intérieur pour se loger dans leur estomac, lequel n'avait guère obtenu satisfaction depuis de longues heures.

Assurément, cette nouvelle relation diplomatique se présentait sous les meilleures hospices possibles.

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Lorsque l’heure du dîner sonna, tous les invités étaient attendus dans la salle à manger par la Famille Princière. Trente-deux personnes allaient s’attabler. Sous les ordres du Prince Ludovico XIV, les cuisiniers du Palazzo di Grisolia avaient préparé un dîner un peu spécial. À l’image de la province de Blonvillia, le repas rendra honneur aux délicieuses oranges de la région.

Un peu plus tôt dans l’après midi, le cuisinier s’était fait livrer les oranges les plus fraiches par la famille des Latini. Le menu que les domestiques énoncèrent aux invités est le suivant :

Entrée :

Insalata di avocado e arance.
Salade d’avocats aux oranges.

Plât :

Rana pescatrice arrosto in salsa sabayon all'arancia, con una spolverata di sedano rapa brasato.
Un rôti de lotte dans son sabayon orange, soupoudré de céleri-rave braisé.


Dessert :

Schiacciata alla fiorentina
Schiacciata à la florentine


Pendant le dîner on s’exclamait beaucoup à propos du repas, si original, mais qui plaisait à tous car toutes les assiettes étaient bien propres lorsque les domestiques les ramenaient en cuisine. L’Empereur Prétroléon V se régala tant qu’il demanda même à rencontrer le cuisinier.

Une fois le dîner terminé, les invités suivirent les hôtes dans la grande salle du Palazzo di Grisolia pour terminer la soirée autour de tables de jeux traditionnels. On riait beaucoup, de nombreuses affinités se créèrent ce soir là. Avant de souhaiter à tout le monde une douce nuit bien méritée, Ludovico XIV annonça le programme du lendemain.

“Avant de vous souhaiter une agréable nuit à tous, j’aimerais vous remercier encore d’être venu si nombreux chez nous. Nous nous sommes beaucoup amusés ce soir et j’espère que les prochains jours que nous passerons ensemble seront à l’image de cette soirée. Je vous propose, dès demain, de découvrir plus amplement la ville de Torri lors d’une visite historique avec notre meilleure guide, Madame Sabbatini. Vous la connaissez peut-être, elle est l’autrice de la grande majorité des ouvrages sur Blonvillia, et plus particulièrement sur la ville Princière. Évidemment, pour celles et ceux qui ne souhaiteraient pas, ou ne pourraient pas nous accompagner, vous pourrez rester au Palazzo di Grisolia avec ma mère, la Princesse Douairière Elena.”

Sur ces mots, tous partirent se reposer en vue de la journée qui les attendent.

Salle à manger du Palazzo di Grisolia
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L'ensemble de la Famille Impériale savoura le repas offert par le Prince comme s'il s'agissait du dernier, dégustant chaque mets avec une lenteur exquise pour en profiter le plus longtemps possible. Jamais on n'aurait cru qu'une telle voie pouvait être ouverte entre la langue et l'esprit, connectant la nourriture avec les plus hautes sphères de l'intellect. L'Empereur de Clovanie demeurait muet devant l'enchaînement des plats, dont les noms titillaient les papilles gustatives de la tablée. Entre deux bouchées de rôti, il s'exclama à l'endroit du Prince :

"Cher Prince, la réputation de vos oranges n'a pas menti, et Nous percevons dans ce zeste le zeste d'un... enfin, Nous percevons dans la saveur de ce zeste le geste d'un savoir-faire millénaire ! Oui, si je, enfin... si Nous devions choisir un arbre pour décrire votre Principauté, vous seriez sans aucun doute un très bel oranger."

D'un discret pincement à la cuisse, l'Impératrice intima le silence à son mari. À l'autre bout de la table, le Prince Louis Césarévitch regardait fixement son assiette vide. Une douce phrase susurrée à son oreille par Sofia di Grisolia, seconde fille du Prince Ludovico XIV, le tira de sa contemplation et détourna sa langue de l'activité culinaire pour lui faire prononcer quelques mots. Les yeux profonds de Sofia captivèrent le Prince, elle lui posa quelques questions sur la vie en Clovanie, d'une voix douce mais qui ne lui laissait pas de répit. Il avait beau vouloir s'en défendre par des réponses austères et lapidaires, Sofia lui répondait toujours par une question plus précise. Ainsi, à la fin du dîner, son visage s'était fendu d'un sourire, et il décrivait avec rêverie les traditions clovaniennes. Sa mère dut l'interrompre au moment de quitter la table.

Tous se levèrent à l'invitation du Prince et gagnèrent leurs chambres, l'esprit plein de hâte à l'idée des prochaines découvertes que leur réservaient leurs hôtes.

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Après une nuit réparatrice, la Famille Impériale rejoignit la Famille Princière pour commencer la visite de Torri avec la meilleure guide touristique, Madame Sabbatini.

Au cours de la matinée, Madame Sabbatini leur fit rencontrer les nombreux artisans de la ville. En effet, les meilleurs artisans de Blonvillia habitent tous Torri car ils se doivent d'être les plus proches possible du Prince, leur premier client, mais aussi pour la proximité qu'offre le port avec les autres provinces de Grisolia et les nations férues des spécialités grisoliennes. Parmi ces artisans, ils rencontrèrent notamment Monsieur Rossi, le plus grand marqueteur de Grisolia et dont la fille a été récemment présentée comme étant la compagne d'Alfonso di Grisolia.
Ils rencontrèrent également les pêcheurs de saupe, parfois commercialisée sous l'appellation de « daurade rayée », un poisson rare que l'on mange cru et frais, on ne peut le trouver qu'en mer de Leucytalée. Il est très prisé à Grisolia, seuls les plus aisés peuvent se permettre d'en déguster, et ce lors d'occasions exceptionnelles uniquement. Le Prince Ludovico XIV promit à l'Empereur Pétroléon V qu'il en goûterait avant de repartir en Clovanie.

Les invités eurent l'honneur de déjeuner au Palazzo di Grisolia avec les Conseillers en Chef de chacune des Bulles, Monsieur di Rizzo chef de la Bulle du Commerce, Madame Bianchi Conseillère de la Bulle de la Police et des Armées, Madame Brambilla cheffe de la Bulle de la Justice, Monsieur Angelo Conseiller de la Bulle de l’Enseignement et de la Recherche ainsi que Madame Puddu Conseillère de la Bulle de la Santé et Monsieur Marino chef de la Bulle de la Culture.

Dans l'après-midi, Vladimiro Latini, le chef de la famille des Latini, fit visiter ses célèbres orangeraies. Cette visite suscita particulièrement l'intérêt de la Famille Impériale qui avait tant apprécié le dîner de la veille.

"Cultiver les oranges n'est pas si facile que l'on pourrait le penser. Il faut, dans un premier temps, bien préparer son terrain. Le mérite revient à mes ancêtres sur ce point, en effet, ils ont créé une clôture naturelle en plantant des eucalyptus 3 ans avant de planter nos illustres orangers. Cette barrière naturelle sert de brise vent, qui pourrait abimer les agrumes, et les protège également des animaux. La densité de la plantation est également très importante pour le bon développement des orangers. Par exemple, en Afarée du Nord, la densité recommandée est de deux cent deux orangers par hectare alors qu'en Eurysie elle serait de trois cent trente-trois." expliqua Vladimirio Latini.

En fin de journée, les invités eurent le loisir de se balader le long de la célèbre promenade longeant la côte pour observer le coucher de soleil sur la mer de Leucytalée.

Lors du dîner, constatant l'épuisement de ses invités après une telle journée, le Prince Ludovico XIV promit que les prochains jours seraient moins chargés et que ses invités seraient libres de découvrir Blonvillia à leur rythme. La Princesse Chiara renchérit en proposant à la Famille Impériale de se diviser en petits groupes pour jouir de plus de liberté. En entendant ces mots, le regard de Sofia di Grisolia croisa celui du Prince Louis. "Souhaitera-t-il passer les prochains jours avec moi ?" pensa-t-elle.

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La Famille Imperiale se laissa guider par la main entraînante du Prince Ludovico XIV, qui fit passer Pétroléon V et sa parentèle devant les plus attirantes vitrines des savoirs-faire de la Principauté. Madame Sabattini guidait cette grande ballade avec une prestance incroyable inégalée, distillant au détour de chaque étape un peu de son immense savoir.

Monsieur Rossi impressionna beaucoup le Prince Clément, qui s’isola quelques secondes avec le marqueteur pour prévoir l’ameublement de la pièce qu’il comptait réaménager dans sa demeure de Leglibourg. Le Prince Louis conversait toujours avec la jeune Sofia, les deux adolescents semblaient s’entretenir de sujets éminemment importants, gardant malgré leurs sourires la tête baissée en signe de secret, tandis que le reste de la troupe avait toujours le nez en l’air, contemplant les merveilles de la nature grisolienne.

Chacun écouta avec le plus grand intérêt l’exposé de leur guide sur la culture des oranges grisoliennes, et put ainsi constater que ces dernières n’étaient pas le résultat d’un simple miracle de la nature, mais aussi d’un labeur durement effectué, s’étalant sur plusieurs années.

Le soir venu, alors que les deux familles désormais unies par une solide amitié étaient revenues au Palazzo di Grisolia pour une nouvelle soirée solennellement festive, un des majordomes attitrés à la suite de l’Empereur tendit à ce dernier une enveloppe cachetée. Cette enveloppe était de celles que seuls les souverains peuvent ouvrir.

Remerciant son majordome, Pétroléon V lut le pli et garda le silence en signe de réflexion. Il échangea quelques mots avec son épouse tandis qu’un murmure gêné parcourait leurs parents et nouveaux amis. Finalement, le souverain s’adressa à son homologue grisolien en ces termes :

 « Cher Prince, ou plutôt cher ami, puisque ces derniers jours ont tissé entre nous une affinité a laquelle Notre charge Nous a rarement accoutumé, les festivités que vous nous offrîtes depuis que nous sommes arrivés sur le sol de votre patrie ont laissé en nous tous une empreinte indélébile. Nous avons tissé des liens inoubliables, rencontré des hommes, des femmes et des paysages extraordinaires. Cependant, j’ai l’immense regret de devoir écourter cette magnifique escapade grisolienne, dans laquelle vous nous guidâtes avec la plus courtoise des manières.
En effet, il est de ces moments tellement édéniques qu’ils nous semble être emportés hors du temps, au-delà du cours naturel des choses de ce monde. Mais, fatalement, les astres, rythmant nos existences et nous rappelant aux obligations essentielles d’ici-bas, ne cessent jamais de tourner. Aussi ne faut-il guère nous laisser illusionner par le bonheur, si bienvenu soit-il pour nous, car toujours guette l’instant où nous devrons être rappelé devant l’implacable jugement du temps.
Cette fatalité s’applique plus qu’à quiconque aux souverains, voilà pourquoi je suis sûr que vous me comprendrez.
La situation politique de Clovanie Nous appelle auprès de Notre peuple. Au nom de toute la Famille Impériale, Nous vous remercions infiniment pour votre accueil, nous nous en souviendrons tous. Puisse notre amitié encore durer, au-delà des générations et des siècles à venir. »


Ayant ainsi exprimé sa gratitude au Prince, Pétroléon V se rassit et attendit la réponse de Ludovico XIV. Le Prince Louis, la mine déçue, regardait avec dépit la Princesse Sofia, contrarié de devoir mettre fin à ce nouvel âge qui s’ouvrait dans sa vie.
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Suite à l’annonce de nécéssité de départ immédiat de la Famille impériale, Ludovico XIV mis tout en oeuvre pour permettre que leur départ soit le plus rapide possible. Les domestiques Clovaniens et Grisoliens unissaient leurs efforts pour faire les valises de la Famille Impériale et les emmener au port. Ludovico XIV rassura l’Empereur Pétroléon V quand au fait que son départ précipité de la Principauté ne nuira pas à leurs relations.

La Famille Princière raccompagne la Famille Impériale jusqu’au port de Blonvillia. L’ambiance était pesante. Le Prince Ludovico XIV ne savait que dire de plus qu’il comprenait l’urgence pour l’Empereur Pétroléon V de rentrer en Clovanie et lui exprima toute sa sympathie.

Une fois les bagages de la Famille Impériale rangés dans leur bateau, les mots d’adieu des deux familles fusèrent. On percevait chez certains une tentative de retenir les larmes, tandis que chez d’autres un air grave prédominait. Lorsque vint le tour du Prince Louis de faire ses adieux à Sofia di Grisolia, elle remarqua chez lui une tout autre réaction. Le jeune Prince semblait déterminé. « Je ne comprends pas son comportement, il était comme absorbé par ses pensées, il m’a à peine saluée » se dit-elle.

La Famille Princière fit des signes d’adieu jusqu’à ce que les membres de la Famille Impériale ne soient plus que des points colorés sur leur bateau au loin. Une larme coula sur la joue de Sofia di Grisolia tandis que son père, le Prince Ludovico XIV, demandait à sa famille de renter en hâte au Palazzo di Grisolia car il avait des affaires à régler.
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