22/02/2015
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Ministère des Sciences et de la Recherche

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MINISTÈRE DES SCIENCES ET DE LA RECHERCHE


Kyryl Antonenko, Ministre des Sciences et de la Recherche de l'État de Réclamation Nationale d'Hotsaline
Kyryl Antonenko
Ministre des Sciences et de la Recherche


Le Ministère des Sciences et de la Recherche a officiellement vocation à administrer le réseau universitaire hotsalien en distribuant le budget alloué à la recherche, tout en veillant à la répartition des compétences entre les différents établissements universitaires du pays. Dans les faits, ce portefeuille permet au Conseil de Réclamation Nationale de piloter la recherche dans un sens conforme à sa ligne politique, qu'il s'agisse de l'accomplissement d'objectifs stratégiques par un investissement dans le développement de technologies constituant un atout militaire ou économique, ou d'orienter les thèmes et la production des sciences historique et sociales de manière à doter le nouveau régime hotsalien des armes rhétoriques et intellectuelles pour légitimer son action et sa base idéologique.

Dirigé par Kyryl Antonenko, le ministère est contrôlé par le parti Renaissance à la demande de celui-ci, à l'instar d'autres administrations touchant de près ou de loin à la vie culturelle du pays (ministère de la Jeunesse et de l'Éducation, ministère de la Culture...). Ce renoncement au contrôle des ministères régaliens au profit de secteurs généralement perçus comme plus « secondaires » permet au parti de mettre en place la révolution culturelle qu'il souhaite pour l'Hotsaline. Concernant le Ministère des Sciences et de l'Éducation, il s'agit avant tout d'alimenter la politique de retour aux racines ethniques slaves hotsaliennes prônée par Renaissance. Une telle orientation passe, entre autres, par la concentration de la recherche historique sur l'étude de l'Eurysie centrale et orientale pré-chrétienne, des anciennes mythologies slaves, et des origines biologiques de la population hotsalienne et eurysienne. Des études qui se recoupent d'ailleurs avec d'autres domaines de recherche, comme l'anthropologie, la linguistique, la théologie, et même certaines sciences dites « dures », telles que la biologie ou la génétique. Au-delà de l'apport théorique que le fruit de ces recherches pourrait apporter à court terme aux ressources intellectuelles du Conseil de Réclamation Nationale, Renaissance et le reste du gouvernement ne perdent pas de vue le fait que la recherche menée aujourd'hui finira de toute manière par influencer, à moyen comme à long terme, le contexte culturel de l'Hotsaline de demain, et donc participe inexorablement à la révolution culturelle que le Conseil appelle de ses vœux.

Plus concrètement, les objectifs de la politique menée par le Ministère des Sciences et de la Recherche sont, entre autres, les suivants :
  • Rationnaliser les bases théoriques et renforcer la cohérence de la structure idéologique du gouvernement de coalition de l'État de Réclamation Nationale d'Hotsaline, et ce faisant pérenniser la cohésion entre les différents partis de la majorité autour d'une doctrine commune
  • Explorer les théories nouvelles du droit et des sciences politiques afin de moderniser la démocratie hotsalienne et guider l'action du Ministère de la Transition Démocratique et de l'Intégration Continentale
  • Apporter des arguments scientifiques à la vision ethno-différentialiste adoptée par la majorité du Conseil de Réclamation Nationale, et ainsi légitimer le nationalisme ethnique qui succède au nationalisme civique défendu par le gouvernement Kravchuk
  • Développer l'état des connaissances sur la mythologie païenne des anciens Slaves pour fournir des éléments nouveaux au reconstructionnisme rodnovérien, afin de renforcer la légitimité historique des nouveaux rituels et permettre l'émergence d'une nouvelle théologie païenne
  • Corroborer scientifiquement les théories mythologiques concernant les origines du peuple slave, en mobilisant la recherche historique et archéologique
  • Fournir des armes théoriques au Ministère des Relations Confédérales pour renforcer la cohésion des nations confédérées face à la menace germanique raskenoise


HISTORIQUE DES TRAVAUX



02/03/2014 - Des racines celtiques du peuple altarien, une solution locale à l'impératif anti-germanique kresetchnien
28/05/2014 - « Les Altariens seraient des Celtes ? D'accord... et alors ? »
30/01/2015 - Le libéral-identitarisme, ou la nouvelle idéologie hotsalienne
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Drapeau du Royaume de Kleterc
Une représentation probable des étendards de l'ancien royaume celte de Kleterc, reconstruit par les historiens d'après des descriptions issues de sources écrites


DES RACINES CELTIQUES DU PEUPLE ALTARIEN : UNE SOLUTION LOCALE À L'IMPÉRATIF ANTI-GERMANIQUE KRESETCHNIEN

Depuis l'avènement de l'État de Réclamation Nationale et de sa ligne idéologique libérale-identitaire, la mise en avant d'une rhétorique anti-germanique assumée était de plus en plus perçue comme un impératif incontournable en Hotsaline. Pour le Conseil, tous les moyens étaient bons pour favoriser les conditions de la réintégration des territoires occupés par l'Empire Raskenois, y compris l'exaltation des passions les plus viles, si cela était nécessaire. Elles n'étaient d'ailleurs pas perçues comme telles par la majorité des partis du gouvernement, qui avaient parfaitement intégré cette nouvelle approche ethno-raciale des problématiques sociales, historiques ou politiques, et dont la distinction claire qu'elle permettait entre l'Autre et le Nous se prêtait tout particulièrement à la poursuite des objectifs du Conseil en terme de réappropriation de sa souveraineté territoriale. En effet, la reconquête des terres occupées, qu'elle puisse se faire par des moyens politiques et diplomatiques, ou qu'elle nécessite un malheureux emprunt de la voie des armes, devait inévitablement passer par la mobilisation des masses populaires, dont un défaut d'adhésion à un projet aussi engageant ne pouvait avoir comme unique conséquence qu'un inexorable échec.

Si l'exaltation des racines ethniques slaves de la nation hotsalienne était un axe quasi-axiomatique de la ligne politique du Conseil de Réclamation Nationale, autant par conviction sincère de ses membres que par pragmatisme, il n'était pas forcément aisé de l'articuler avec le contexte confédéral dans lequel évoluait l'Hotsaline. La Confédération de Kresetchnie était, certes, majoritairement peuplée de Slaves, qui occupaient largement la République de Karbovotskie en plus du territoire hotsalien. Mais il n'en demeurait pas moins que l'inclusion du reste de ses États membres, francophones et germanophones, dans un narratif commun construit autour de la seul slavité s'annonçait difficile. D'autant que, dans le contexte de l'occupation du massif de Stina par l'Administration Militaire de Gradenbourg, le nouveau gouvernement hotsalien se faisait un point d'honneur à orienter le récit national autour d'une opposition atavique entre Slaves et Germains. La tâche était plutôt aisée à l'échelle nationale, dans un pays dont les mythes fondateurs érigeaient déjà les Hotsaliens en protecteur de l'Eurysie orientale slave face aux hordes germaniques occidentales, ensemencés sur ces terres par les dieux pour garder la muraille naturelle que constituait le massif de Stina. Sa reconquête des mains de Rasken devenait alors un devoir spirituel et moral qui incombait fatalement au peuple hotsalien.

Mais quid des nations germaniques qui faisaient partie intégrante de la confédération ? Les Gradenbourgeois n'étaient pas un problème en soi, dans la mesure où la plupart d'entre eux étaient de toute façon citoyens malgré eux de l'Administration Militaire de Gradenbourg. Le gouvernement gradenbourgeois en exil, pour sa part, n'était déjà plus qu'un pantin maintenu sous assistance respiratoire par l'Hotsaline, et ce depuis les premières années de son existence. Toutefois, la Kaulthie des Altars représentait un écueil plus épineux. Majoritairement germanophone, et convoité par la Kaulthie voisine, ce pays risquait d'avoir du mal à accueillir un nouveau narratif tourné contre les Germains, dont il partageait la langue. Cependant, ce n'était là qu'affaire de culture. Mais concernant l'aspect biologique - celui qui intéressait plus précisément les Hotsaliens - qu'en était-il de l'origine génétique des Altariens ?

La recherche historique récente fournissait des pistes très intéressantes à mettre en avant pour les relais de propagande hotsaliens dans la région. En effet, il était établi que les premières tribus à avoir peuplé le territoire de l'actuelle Altarie étaient tombées sous le coup des invasions de peuples celtes venues du sud, qui avaient mis un terme à l'expression de la culture d'origine, dite « Olyenne-Altarienne », pour laisser place à celle de la Tène, bien plus largement répandue sur le continent. L'installation et le développement des Celtes sur place avait permis l'émergence du Royaume de Kleterc, royaume celtique qui chuta à la suite de conflits internes qui prirent fin avec les invasions germaniques en provenance de Kaulthie. C'est cet épisode qui marque la prise de contrôle du territoire les Germains.

Toutefois, deux éléments délivrés par l'historiographie récente méritaient d'être soulignés. Premièrement, les premières invasions celtiques qui avaient conduit au remplacement des populations olyennes-altariennes par les Celtes avaient vraisemblablement constitué un phénomène migratoire violent qui avait provoqué une forte mortalité au sein de la population masculine autochtone, favorisant la substitution du patrimoine génétique d'origine par celui des envahisseurs celtes. Cette thèse était en partie corroborée par l'étude de la répartition des haplogroupes paternels dans la population altarienne d'aujourd'hui, mise en perspective avec les données génétiques issues de territoires où la prédominance celte était avérée. Par ailleurs, il apparaissait que les invasions qui avaient suivi avaient, certes, conduit à une prise de contrôle du pouvoir politique, et, dans une moindre mesure, économique par de nouvelles populations d'origine germanique, mais que ce phénomène résultait avant tout d'un remplacement des élites locales par les nouvelles. Il n'y avait donc pas eu de remplacement de population à proprement parler, et le métissage entre Celtes autochtones et envahisseurs germaniques ne s'était déroulé qu'à la marge. Là aussi, l'étude des différents clusters génétiques eurysiens venait appuyer cette hypothèse, les populations altariennes pouvant être affiliées à un cluster distinct de celui des populations kaulthes, qui se trouvait par ailleurs davantage corrélé à ceux d'autres populations dont l'origine celtique était avérée.

Ces thèses nouvelles concernant l'histoire du peuple altarien, bien que soutenues par la recherche génétique hotsalienne, en étaient encore au stade de la théorie, et n'étaient pas unanimement reconnues par la communauté scientifique kresetchnienne. Toutefois, elles avaient séduit le monde universitaire hotsalien, non pas seulement parce qu'elles en étaient originaires, mais aussi parce que ce qu'elles impliquaient était particulièrement commode pour la promotion locale du nouveau narratif ethno-centré des élites de Troïtsiv. Si les Altariens n'étaient non plus des Germains, mais des Celtes, l'anti-germanisme que le Conseil de Réclamation Nationale cherchait à faire valoir en Kresetchnie pouvait tout aussi bien gagner la Kaulthie des Altars, qui désormais ne faisait plus partie de cette menace germanique face à laquelle Slaves étaient censés protéger le monde de manière atavique. Les Altariens devenaient au contraire des victimes historiques de cette même menace, en tant que peuple celte auquel les Germains avaient imposé la culture, la langue, et surtout la domination politique. Il ne restait plus qu'aux relais de la propagande hotsalienne de s'emparer de ce narratif, que le ministère hotsalien des Sciences et de la Recherche s'efforçait pour sa part de faire renforcer par de nouveaux éléments historiques. L'essence celtique du peuple altarien expliquait jusqu'à la volonté naturelle d'indépendance vis-à-vis de la Kaulthie voisine : ils n'étaient tout simplement, dans leurs gènes, pas comme eux. Toute leur place était alors en Kresetchnie, la confédération des peuples celtes avourgeois et altariens, et des peuples slaves hotsaliens et karbovotskes, qui luttent pour leur survie dans une région cernée par des Germains agressifs et dominateurs.

Ce nouveau paradigme celtique ouvrait également des perspectives intéressantes quant à l'exportation du modèle identitaire néo-païen hotsalien aux autres États membres de la confédération. C'était un sujet qui trottait de plus en plus dans la tête des élites hotsaliennes, car si la montée en puissance de la rodnovérie causait des tensions à l'échelle nationale entre les nouvelles communautés païennes et les conservateurs chrétiens, il n'y avait pas de raison qu'il n'en soit pas de même à
l'échelle de la Kresetchnie. Le développement du néo-paganisme hotsalien au détriment de l'orthodoxie locale pouvait risquer de faire émerger des tensions religieuses au sein de la confédération, et Troïtsiv espérait pouvoir y remédier en exportant son modèle chez ses voisins, avec le lot de conflits internes que le développement d'une nouvelle religion peut engendrer. Il y avait peu de chance que les kresetchniens viennent s'en prendre à la rodnovérie hotsalienne s'ils avaient déjà leurs propres communautés néo-païennes à gérer parmi les leurs. Toutefois, la promotion d'un paganisme germanique de reconstruction en Altarie aurait pu poser des problèmes. Au-delà du rapprochement culturel et spirituel que le phénomène aurait pu susciter avec les Raskenois, ce qui devait être évité à tout prix, la mythologie germanique telle qu'elle était connue aujourd'hui, par la matière scandinave, ne collait pas vraiment à la situation géographique des Altariens. Mais s'il s'avérait qu'ils étaient en réalité celtes, ces écueils s'envolaient et la situation changeait du tout au tout.

Encourager une reconstruction du paganisme celtique en Altarie représentait certes un défi important, mais cela avait l'avantage de ne plus relever du non-sens historique et géographique, ni de représenter un risque politique. Promouvoir une variante locale du néodruidisme était une option envisageable, et envisagée. D'autant que la prévalence de la culture celtique, bien plus tardive en Altarie qu'en Eurysie occidentale, fournissait des sources historiques et archéologiques locales dont ne pouvaient pas se vanter de disposer les celtologues et les reconstructionnistes occidentaux, dont la tâche était fortement compliquée par l'importante rhêmisation de leur région, et l'extermination de la classe druidique qu'elle avait engendrée. En Altarie, le projet hotsalien de reconstruction n'en était encore qu'au stade de la conception théorique. Mais le Ministère des Relations Confédérales entendait bien, dans un avenir proche, reprendre en main le sujet pour lui donner des applications plus pratiques.

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Le carnyx, symbole de la culture celtique de la Tène
Le carnyx, symbole de la culture celtique de la Tène


« LES ALTARIENS SERAIENT DES CELTES ? D'ACCORD... ET ALORS ? »

Si les sources qui permettent aux historiens d'étudier la civilisation celtique antique sont de nature relativement diverse, leur travail s'appuie principalement sur trois piliers. Le premier est bien évidemment l'archéologie, qui permet de faire en partie la lumière sur les modalités de la vie quotidienne des Celtes anciens, bien que la périssabilité de leur matériau de construction principal, le bois, limite grandement l'étendue des connaissances qu'il est possible d'acquérir en la matière. Le second réside dans les écrits des Anciens, lesquels vont des évocations lointaines du peuple des Keltoï par les auteurs hellènes aux récits de conquête des généraux rhémiens, et donnent lieu d'entrevoir l'organisation de la société celte telle qu'elle était perçue par ses contemporains. Enfin, le troisième est l'étude philologique des sources vernaculaires médiévales, qui offrent un aperçu de ce que pouvait être la mythologie des Celtes anciens, une fois la part des choses faite entre les ajouts et corrections effectués par les auteurs chrétiens de l'époque pour conformer leurs textes au dogme de la religion nouvelle, et les éléments mythologiques natifs que l'analyse comparée permet de rattacher effectivement à l'origine indo-eurysienne de la civilisation celtique.

S'il est en revanche un domaine que les historiens de la civilisation celtique se sont explicitement refusés à intégrer dans leur champ d'étude, il s'agit de l'anthropologie. Se bornant à réduire l'identité des Celtes à leur seule langue, certains auteurs jugent en effet que le critère racial serait trop « hasardeux », plusieurs populations de races différentes étant en mesure de parler la même langue. On passera sur les arguments les moins pertinents (pour ne pas dire les plus loufoques) avancés par ceux qui prennent en exemple le fait que des populations extra-eurysiennes aient pu être amenées à se faire enseigner des langues celtiques dans le cadre de la colonisation. La raison principale demeure que l'étude des restes humains postérieurs au néolithique eurysien donnerait lieu à de trop grandes confusions de détails, dans la mesure où, si la civilisation celtique a pour origine les migrations indo-eurysiennes, il est fort possible que les populations néolithiques aient elles aussi été en partie celtisées. Toutefois, qu'importe si les Celtes sont le produit du mélange entre les envahisseurs indo-eurysiens et les peuples néolithiques autochtones ? L'union composite des civilisations mégalithiques et des fondateurs de la culture de Hallstatt peut tout à fait être considérée comme la base organique de la civilisation celtique. Quel problème cela poserait-il ? Encore faudrait-il seulement fournir l'effort de recherche nécessaire pour le démontrer ou l'infirmer.

Ce refus de se livrer à une étude anthropologique des Celtes par les historiens de la seconde moitié du XXe siècle relève bien moins de son inopportunité scientifique supposée ou de son infaisabilité technique que d'un choix motivé par des contraintes qui sont, en partie, politiques. Nul besoin de rappeler que certaines idéologies reposant sur des disciplines désuètes telles que la raciologie ont pu laisser une mauvaise empreinte au cours de cette période, amenant certains chercheurs à faire preuve d'une certaine prudence. Cette prise de distance est même toute explicite dans les écrits de certains historiens qui ne peuvent s'empêcher d'y faire directement référence, au cours de mises en garde qui parfois confèrent momentanément à leur travail des allures de plaidoyer politique. Par ailleurs, on ne peut ne pas mentionner le caractère totalement obsolète de la raciologie d'alors, laquelle reposait encore sur des critères purement phénotypiques. On voit d'ailleurs encore cette influence dans les travaux d'historiens qui assimilent une étude anthropologique des Celtes à celle des restes humains. Les concepts théoriques sur lesquels s'appuie cette discipline sont, d'ailleurs, tout aussi passés de date, pour ne pas dire qu'ils ont été totalement réfutés. C'est notamment le cas du polygénisme, qui avait encore voix au chapitre jusqu'au milieu du siècle dernier, arguant que les différentes races humaines étaient issues de souches biologiques distinctes et géographiquement séparées. Dans un pareil contexte, la langue celtique, et la religion qu'elle véhiculait, apparaissent alors comme l'unique critère pertinent pour la qualification de la « nationalité celtique » et la délimitation de son champ d'étude.

Toutefois, les récents progrès de la science viennent remettre en question ce paradigme. L'avènement de la fructueuse union de la génétique et de l'analyse statistique, donnant naissance à la clusterisation génétique, ouvre de tous nouveaux horizons. Cette nouvelle discipline permet des avancées spectaculaires dans la compréhension de l'histoire des populations et des migrations qui ont contribué à forger le substrat anthropologique sur lequel reposent les civilisations d'aujourd'hui. C'est d'ailleurs cette science nouvelle qui a permis de montrer que le peuple altarien a bien moins en commun, sur le plan génétique, avec ses envahisseurs germaniques qu'avec les populations celtiques endogènes.

Mais quelle est l'importance de toute cela, nous demanderont certains, sur le plan de la politique altarienne ? Ne sommes-nous pas définis par ce que nous sommes maintenant, davantage que par ce que nos ancêtres ont été ? La langue que nous parlons, la manière dont nous vivons, ne sont-ils pas de meilleurs témoins de notre essence que des gènes invisibles qui remontent à des générations ? En somme, les Altariens, bien que d'origine celte, ne sont-ils pas devenus, par la force des choses, des Germains ? On peut s'interroger sur les conséquences d'un tel raisonnement, qui pourrait nous permettre de nous revendiquer de n'importe quelle substance, dès lors que nous faisons en sorte d'en revêtir la forme. Un chat qui aboie deviendrait-il donc un chien ? Mais surtout, là encore, la recherche scientifique récente n'achève pas de démontrer le contraire. À seul titre d'exemple, on ne compte guère plus les études menées sur les enfants placés en famille d'accueil qui, bien qu'évoluant dans un milieu social radicalement différent de celui de leurs parents biologiques, continuent malgré tout de partager davantage en commun avec ces derniers qu'avec leur famille d'intention sur des aspects phénotypiques déterminants dans la définition du comportement, comme la capacité d'abstraction.

Par ailleurs, nous avons pu sembler valider, quelques paragraphes plus haut, la caducité du critère phénotypique dans la définition de l'identité des population. Mais cette obsolescence n'est, justement, que scientifique (au sens des sciences naturelles, évidemment). Pour ce qui est de l'aspect politique et culturel, il conserve, aujourd'hui encore, toute sa pertinence. Que voyons-nous lorsque nous sommes confrontés à l'altérité anthropologique ? Une morphologie, une couleur... ou un caryotype ? La réponse est évidente, et c'est elle qui détermine ce que tout un chacun définira naturellement comme appartenant aux siens, ou constituant l'Autre. Certaines pseudo-sciences contemporaines voudraient instiller l'idée que les conflits ethniques qui ravagent aujourd'hui encore l'Afarée sont des produits d'importation coloniaux, construits sur les bases de concepts eurysiens obsolètes, comme la raciologie ou la craniométrie. Rien n'est plus faux. Les Anciens en leur temps traçaient déjà sans difficulté la ligne de démarcation entre le « métèque » et le citoyen. Par ailleurs, là encore, les progrès de la génétique et l'avènement de la clusterisation viennent nous montrer que, même si les êtres humains conservent une importante base génétique commune, on n'en peut pas moins identifier des ensembles statistiques très nettement distincts. Et quand bien même, s'il dispose encore de l'usage de ses yeux et d'un minimum de bon sens, l'Altarien moyen verra rapidement que lui et les siens ont davantage en commun avec les populations celtiques de l'ouest eurysien qu'avec les peuplades germaniques aux cheveux blonds qui cheminent le long de la côte nord de Rasken et dans les forêts de Rimaurie.

L'état de l'art ne fait encore que gratter la surface de tout ce qu'il reste à découvrir concernant la celtitude anthropologique des Altariens. Mais il apparaît, à la lumière de tous les arguments précédents, que le narratif promu par Troïtsiv auprès de ses voisins méridionaux est voué à un avenir prometteur. L'édification d'une nouvelle identité altarienne fondée sur sa filiation celtique et la reconstruction d'un paganisme druidique contemporain sont loin d'être absurdes, et peuvent trouver un écho particulier auprès de toute une partie de la population de la Kaulthie des Altars, en perte de repères suite aux chamboulements politiques successifs qu'a pu connaître le pays, par ailleurs en proie à un morcellement géographique difficilement qualifiable. On pourra mentionner aussi le manque patent d'élites culturelles et politiques dans le pays, qui rend celui-ci particulièrement perméable aux produits d'importation intellectuels de ses voisins. Dans un tel contexte, les élites hotsaliennes affichent un optimisme légitime quant aux perspectives d'exportation de leur modèle culturel et politique. Les efforts de reconstruction sont avant tout orientés vers la réalisation d'une synthèse entre la doctrine des mouvements néo-druidiques qui peuvent déjà préexister en Eurysie occidentale, et les connaissances actuelles, bien que parcellaires, de la mythologie celtique achosienne, adaptées aux particularités locales et aux sources vernaculaires d'Altarie.

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Jeunes femmes en vyshyvanka qui prennent un selfie dans les rues d'une ville hotsalienne
Des gens habillés comme des Slaves du haut moyen-âge qui se prennent en selfie avec des smartphones dernière génération : c'est ça, l'Hotsaline post-Kravchuk !


LE LIBÉRAL-IDENTITARISME, OU LA NOUVELLE IDÉOLOGIE HOTSALIENNE

L'Hotsaline est souvent un pays difficile à cerner pour les observateurs extérieurs, du moins pour ce qui est de son identité politique. Beaucoup aimeraient pouvoir classer chaque régime et les principes qui le gouvernent dans des catégories évidentes, et on ne peut guère leur jeter la pierre lorsque l'on considère la manière caricaturale dont beaucoup de nations à travers ce monde s'efforcent de se conformer aux clichés les plus convenus (monarchies réactionnaires, tyrannies fascistes, dictatures communistes, démocraties libérales...). La nature composite de la coalition qui dirige l'Hotsaline et qui a voté sa constitution complique toutefois la classification de son régime. Celui-ci coche certaines cases de plusieurs des catégories précitées, sans se fondre entièrement dans aucune d'entre elles, tout en ne partageant rien avec d'autres... On peut se demander d'ailleurs si le gouvernement de ce pays possède seulement une véritable colonne vertébrale idéologique, tant la composition de sa majorité semble incongrue, mêlant à la fois libéraux-conservateurs, des ultranationalistes, des sociaux-démocrates, des identitaires... Ce sont pas moins de cinq partis qui se partagent le pouvoir, sur les sept qui sont représentés au parlement. Malgré des différences qui peuvent paraître insurmontables, toutes ces formations politiques sont parvenues à s'accorder sur une ligne de gouvernement commune, définie avant même la réforme de la constitution qui a conduit à la création de l'État de Réclamation Nationale, et qui forme une doctrine idéologique cohérente, parfois qualifiée par les commentateurs de libéral-identitaire. Un nom composite qui ne dit pas grand chose de la nature de cette ligne politique, que nous allons donc nous efforcer de caractériser ici.

A) UN PEUPLE, UNE RACE
---Difficile de dresser un portrait honnête du paysage politique hotsalien contemporain sans mentionner en premier lieu l'influence croissante des mouvements ethnonationalistes. Celle-ci trouve en partie sa source dans le développement du mouvement culturel novoslave, lui-même conséquence de l'invasion raskenoise de 1994 et de l'occupation partielle du pays qui s'en est suivie. Après la défaite et la grave crise économique et sanitaire qu'elle a entraînée, le retour à une stabilité toute relative a permis l'évanouissement du défaitisme qui s'était emparé des Hotsaliens à la suite du conflit, pour laisser place au retour d'un sentiment de fierté nationale et à une relecture des évènements des années 1990 sous un prisme nouveau. Présentée comme une manifestation de l'antagonisme atavique entre Slaves et Germains le long du Massif de Stina, la guerre a fait l'objet d'une abondante représentation dans les divers mediums d'un nouvel art aux accents romantiques, qui s'est imposé comme le principal courant à la mode de ce début de siècle en séduisant la jeunesse. Dépeignant le monde slave pré-chrétien avec un romantisme tout aussi idyllique, le novoslavisme a inscrit dans l'esprit des jeunes Hotsaliens l'idée qu'ils étaient les héritiers d'un peuple plurimillénaire, dont nulle christianisation ou autre influence extérieure ne saurait altérer l'essence profonde, de nature biologique. En découle une conception purement ethnique et raciale de la nation hotsalienne, dont sont naturellement exclues les minorités germaniques et ashkénazes du pays pour se recentrer autour d'un unique noyau communautaire. Le refus de toute forme d'universalisme constitue donc un axiome central de l'idéologie libéral-identitaire, qui doit s'adresser aux Hotsaliens, et uniquement aux Hotsaliens. S'il peut parfois s'appuyer sur certaines techniques scientifiques récentes, comme la clusterisation génétique, pour mettre en œuvre des politiques cohérentes avec sa vision de l'identité du pays (par exemple pour trier les habitants des territoires anciennement occupés par les Raches en fonction de leur patrimoine génétique), l'ethnonationalisme hotsalien ne se perd guère en rationalisations scientifiques et en argumentaires philosophiques interminables pour étayer sa position. Il assume au contraire le romantisme de sa vision, en rejetant le principe même de la primauté de la raison dans le domaine politique.

B) LE PARLEMENTARISME CONTRE L'AUTOCRATIE
---On ne peut prétendre saisir l'esprit des institutions de l'État de Réclamation Nationale d'Hotsaline sans remonter aux conditions politico-historiques dans lesquelles elles ont été instaurées. La réforme constitutionnelle de janvier 2014 fait suite au « coup d'État démocratique » du 5 décembre 2013, qui a vu l'état d'urgence être abrogé par la Rada après deux décennies de pleins pouvoirs du président Leonid Kravchuk. Virant au despotisme et à la tyrannie dans ses derniers mois d'existence, au cours desquels le président n'a pas hésité à user de ses pouvoirs « d'exception » pour faire directement incarcérer certains de ses opposants, le précédent régime présidentiel a laissé une profonde marque traumatique dans les esprits des membres de l'opposition. Si bien que lorsqu'est venu le temps de réformer les institutions de la République, ceux-ci ne se sont pas contentés de corriger les zones grises qui avaient permis l'émergence de l'autocratie, mais ont carrément changé la nature du régime pour en faire une république parlementaire. Finie donc l'indépendance totale de l'exécutif vis-à-vis du parlement : au sein de l'État de Réclamation Nationale, le pays est gouverné par un Conseil nommé, et éventuellement dissous, par la Rada. Un tel système nécessite donc de disposer d'une majorité absolue au parlement pour gouverner, laquelle peut être difficilement obtenue autrement que par des alliances de compromis qui se doivent d'être respectées, sous peine de voir le gouvernement être immédiatement dissous aussitôt la coalition majoritaire brisée. Aucun article constitutionnel ne permet plus à l'exécutif de s'octroyer des prérogatives d'exception, et la présidence tournante prévient mécaniquement que ne se prolonge le règne d'un seul homme. Perçue comme un modèle en perfectionnement constant, la démocratie hotsalienne se vit elle-même comme un point d'équilibre entre force et justice, contrairement à nombre d'autres régimes où la représentation et l'incarnation occupent une place jugée démesurée par les Hotsaliens.

C) UN ÉTAT DE DROIT À LA CARTE
---Pas de démocratie sans État de droit ! C'est un principe dont les Hotsaliens sont bien conscients, et qu'ils n'ont pas manqué d'intégrer à leur mécanique institutionnelle. Pensée avec comme objectif principal la prévention de toute forme d'arbitraire, la constitution se veut en rupture totale avec le précédent régime d'état d'urgence kravchukien, où le président pouvait, par une simple signature, faire condamner rétroactivement n'importe quel citoyen. La subordination du politique à la justice apparaît comme une nécessité pour protéger la société des éventuelles dérives du pouvoir. Or, elle est une réalité en Hotsaline, où l'État peut être attaqué et jugé comme n'importe quelle autre personne morale ou privée, dès lors qu'il enfreint la loi. Les institutions judiciaires bénéficient d'une certaine confiance de la part des tenants du libéral-identitarisme, au moins pour ce qui est des affaires de droit commun. En revanche, dès lors que l'on touche au droit constitutionnel, leurs considérations sont beaucoup plus prudentes. Contrairement au parlement ou au gouvernement, les juges ne sont généralement pas élus par le peuple. Ils sont issus d'une élite académique, ou éventuellement nommés par l'exécutif, mais n'ont pas de réelle légitimité à exercer un pouvoir politique. Or, statuer sur la constitutionnalité d'un texte constitue une décision politique d'une importance primordiale. Comment confier une telle responsabilité à des individus non élus, dont la neutralité n'est pas plus avérée que celle de n'importe quel autre citoyen ? On ne compte plus les « démocraties » libérales où les enjeux politiques ne tiennent plus qu'à la capacité de placer ses propres juges au sein d'une cour suprême ou d'un conseil constitutionnel, afin qu'ils réinterprètent la constitution à notre guise. Un modèle aussi opaque a déjà montré ses limites, si bien que le choix a été fait, en Hotsaline, de faire garder la constitution directement par le parlement, qui constitue par ailleurs la seule institution apte à le réformer. Par ailleurs, l'État de droit hotsalien ne s'éloigne pas de sa conception libérale occidentale par la seule éviction du pouvoir constitutionnel des institutions judiciaires, mais également par le refus de toute forme d'universel, y compris dans le droit. Si l'État hotsalien existe pour les Hotsaliens, et seulement pour eux, il en va de même de son droit, qui se divise en plusieurs couches en fonction de l'état civil des concernés (citoyens, étrangers, ou clandestins).
Voir aussi : Les impératifs du droit dans la nouvelle démocratie hotsalienne

D) LE NÉOPAGANISME COMME PROJET DE CIVILISATION
---Si la République d'Hotsaline est officiellement un État laïque, dans les faits, le néopaganisme rodnovérien bénéficie d'une bienveillance tacite de la part du gouvernement. Le soutien apporté au développement de la religion nouvelle est certes subtil, mais il existe, notamment par le biais de subventions accordées à des associations « culturelles », dont la fonction première est surtout de faire une apologie prosélyte du paganisme slave pré-chrétien. Cette orientation est évidemment cohérente avec l'ethnonationalisme majoritaire au sein du gouvernement, et l'influence du mouvement culturel novoslave. Le christianisme, de part son origine abrahamique, est perçue comme une religion allogène et sémitique, dont la doctrine universaliste vient empoisonner l'esprit des Slaves et des Eurysiens, peuples naturellement païens avant que le culte du Roi des Juifs ne vienne s'imposer à l'ensemble du continent pour y implanter ses valeurs nauséabondes. On aurait pu s'attendre à davantage de résistance de la part des franges conservatrices du Front de la Liberté, qui constitue la première force politique de la majorité, à la déchristianisation à marche forcée du pays. Mais la realpolitik oblige même les cadres les plus traditionalistes à reconnaître que l'orthodoxie, en perte de vitesse, n'est guère plus que l'apanage des catégories les plus âgées de la population, qui sont par ailleurs les dernières à voter à gauche, que ce soit pour les communistes du Parti des Travailleurs Hotsaliens ou les sociaux-démocrates kravchukistes de l'Union Sociale d'Hotsaline. La jeunesse, au contraire, est depuis longtemps acquise au mouvement novoslave et à la rodnovérie, qui apparaissent comme la tendance à la mode du moment, et la plus à même de défier l'autorité moribonde des anciennes générations. Le néopaganisme est notamment perçu comme un outil d'émancipation vis-à-vis des mœurs rétrogrades héritées de l'orthodoxie chrétienne, qui consistent à condamner des comportements pourtant tout à fait humains comme les relations hors mariages, les pratiques sexuelles non reproductives, l'égoïsme ou la xénophobie.

E) UN MILITARISME PUREMENT UTILITAIRE
---On pourrait être tenté de pointer du doigt le militarisme de l'Hotsaline post-kravchukienne pour la comparer à des régimes démonstratifs en la matière, comme les nationalismes fascistes ou les monarchies autoritaires. De fait, l'Hotsaline se militarise à vitesse grand V depuis quelques années, en multipliant tant ses effectifs que ses moyens matériels. Cependant, la différence entre l'Hotsaline et d'autres régimes dont le militarisme constitue un axiome idéologique, c'est que les Hotsaliens n'en tirent aucune gloire. Nul culte de l'héroïsme ou du prétendu « honneur » militaire, comme on peut le voir par exemple dans l'Empire de Karty. Nulle grande parade ou autre démonstration de gloriole destinée à impressionner les foules en faisant étalage de ses costumes d'officier parfaitement taillés et de ses gros canons. En Hotsaline, la militarisation est tout simplement un impératif de survie, dans une région du monde marquée par un voisinage agressif et des conflits territoriaux d'une intensité exceptionnelle. Malgré tout, l'influence de l'institution militaire dans la société va même en diminuant : là où elle était garante du respect des institutions sous la Première République, la récente révision de la constitution lui a fait perdre cette prérogative au profit du parlement. Il faut dire que l'armée souffre culturellement d'une mauvaise image en Hotsaline. Là où de nombreux pays y voient une institution noble, créatrice de héros et garante de l'intégrité de la nation, les militaires, et plus particulièrement les officiers, sont généralement perçus par les Hotsaliens comme des personnalités autoritaires et basses du front, qui vont risquer leur vie au front par attrait pour la violence ou manque de capacité à exercer un métier productif. Si le gouvernement essaye de combattre cette image pour accomplir ses objectifs de recrutement, lui-même continue de voir l'armée comme une perte financière à laquelle pourraient se substituer des investissements bien plus judicieux pour assurer l'avenir du pays, mais un contretemps malheureusement nécessaire pour garantir la survie de l'État.

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