11/05/2017
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[RP] Décapiter l'hydre

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Prologue

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L’histoire retiendra que Ransu Rasanen fit sa première apparition en tant que chef d’Etat à l’occasion de la nomination du gouvernement provisoire de l’oblast de Zladingrad. On glosa les jours suivants sur le message politique qu’il fallait y voir, certains supputaient un retour des Pharois sur la scène internationale, d’autre que Rasanen avait voulu se positionner comme un leader fort auprès de ses compatriotes pirates. L’explication tenait sans doute d’un peu tout cela mais plus certainement que c’était le Grand Capitaine Gabriel qui avait été à la manœuvre pendant la gestion de cette crise loduarienne, et qu’en prenant le relais Rasanen envoyait à la flotte noire le message simple et immédiatement compréhensible qu’il disposait d’alliés puissants. D’aucuns auraient voulu contester sa légitimité à prendre la tête du pays se seraient heurté au poids politique et militaire de l’armada du Chat voyageur, les pirates de Gabriel, groupe paramilitaire parmi les plus influents – sinon le plus puissant – du Pharois en ce début d’année 2014.

Pour le reste du monde, il s’agissait surtout d’identifier enfin celui qui serait l’interlocuteur privilégié de cette nouvelle – quoique pas si originale – organisation politique qu’on avait découvert sous le nom de Pharovihjie.
Pharois, on voyait, Vihjie, beaucoup moins. Dès lors les choses appelaient à des explications car c’était toujours le Pharois, là derrière, avec ses équipages, sa flotte militaire, ses alliances et sa capacité industrielle vertigineuse, autant dire que ça pouvait peser un peu, au moins un peu, et qu’on se demandait forcément quelle nouvelle lubie les avait pris, ces braves pêcheurs, et à quelle sauce on allait être mangé.

Un nouveau pavillon noir flottait sur les navires diplomatiques de la Pharovihjie, squelette quadrumane brandissant dans trois un trident dirigé vers un cœur sanglant, la quatrième à gauche levait un calice, ou un sablier. Vestige de l’ancien Pharois, le code couleur demeurait : noir pour la piraterie, blanc pour les mers polaires du nord, orange pour… à quoi correspondait le orange, déjà ? Les poètes y voyaient les premiers rayons de l’aube, d’autre l’éclair de la détonation d’un canon dans la nuit. A moins que cela ne représente simplement la bière qu’aimaient boire les marins.

Ransu Rasanen demeurait, pour ceux qui ne s’intéressent guère à la géopolitique, un personnage méconnu. Il avait été pendant dix ans le directeur de l’Université Générale d’Albigärk, l’Albigärk Yleisyliopisto en langues albiennes, autant dire que personne ne le connaissait. Les universitaires sont les gens les plus malheureux du monde, condamnés qu’ils sont à pédaler dans le désert ou dans la semoule quand il fait beau temps. Ils rendent rapports sur rapports, font des observations tout à fait pertinentes, élaborent des modèles théoriques d’une grande ingéniosité pour que presque systématiquement l’Etat et la société civile les ignorent et n’en fassent qu’à leurs têtes. L’universitaire est donc une personne frustrée, d’autant plus s’il s’est fourrée dans le crâne qu’il est très intelligent. Pourquoi diable personne n’écoute les gens intelligents ??
Heureusement pour nous, Ransu Rasanen n’était pas de cette engeance. Contrairement à son costume d’un noir uniforme, c’était une personnalité plutôt joviale et épanouie. C’est que contrairement à la plupart de ses collègues, Ransu Rasanen était écouté. Le brave homme avait eu pendant une décennie la main sur les arcanes les plus profonds de la société albienne, centres de formation de la CARPE, sociétés occultes, conspirations flamboyantes, rapports dissimulés. Comme Mainio en son temps il en avait tiré la conclusion qu’il savait, que sa position très particulière lui offrait un panorama complet de la société pharoise et de ses grouillements. Bien sûr c’était une illusion car personne ne peut tout savoir, mais Ransu Rasanen savait beaucoup et puisque le savoir, c’est le pouvoir, il avait réussi à faire croire aux bonnes personnes que du pouvoir, il en avait.

Et maintenant il dirigeait le Pharois, pardon, la Pharovihjie. N’était-ce pas splendide ? Tout à fait impressionnant d’ingéniosité et d’audace ? Il y avait là une histoire qui méritait d’être conté et elle le sera ! comme promis. D’ici là, revenons à Zladingrad.
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Zladingrad c’était un beau merdier comme on en faisait plus.

La région avait obtenu son indépendance pendant une guerre civile, pas de manière propre toutefois, avec de l’ingérence étrangère. Ce genre de truc, ça vous pourrit la gueule pour des années. Les autres pays du coin y avaient tous vu un joli casus belli façon « tiens tiens tiens mais que voilà » et les Loduariens qui tenaient la bride s’étaient retrouvés en mode Piper Perri entourés de tous les côtés par une OND aux dents longues, un Pharois pisse-vinaigre et tout le monde communiste qui regarde ses souliers sauf ce bon vieux Géorgi Marcos qui comme d’habitude avait ouvert sa gueule sans pour autant bouger son cul. Certains au Parti Communiste Pharois avaient même fini par murmurer qu’il préférait surtout ouvrir son cul pour éviter d’avoir à bouger sa gueule. Enfin bref, tout ça c’était assez vulgaire, comme la situation de Zladingrad.

Bien évidemment, Lorenzo y était allé comme un bourrin, bourrin et demi ceci dit car avec pas assez de soldat pour tenir la population sous un règne de terreur, il était assez évident que la situation allait rapidement devenir intenable et certains stratèges du Pharois avaient formulé la conclusion audacieuse qu’en tirant ses missiles depuis l’oblast, Lorenzo s’était comme qui dirait trouvé un prétexte pour se casser de la région en jouant les dingos. Mieux valait se faire dégager comme une mouche par un géant Pharois endormis que d’affronter une OND face à qui la défaite aurait été plus humiliante.

Résultat le pouvoir changeait de mains. Toujours pas au peuple, ceci dit, il attendrait son tour. Non, le pouvoir passait aux Pharois. Aux Pharovihjois, même, puisque les gus avaient trouvé le moyen de changer de régime pour la deuxième fois en deux ans. Pour les quelques-uns du fond qui n’auraient pas suivi, l’affaire avait été pliée en quelques jours à coups de menaces et de tractation secrètes, négociée dans un couloir au téléphone avec d’un côté l’OND qui exigeait des trucs inexigibles et de l’autre Lorenzo qui tentait de sauver les meubles. Personne n’était sorti satisfait des négociations, ce qui signifiait sans doute qu’elles avaient été bien menées.
Donc. Lorenzo se barrait de la région et interdiction d’y revenir s’il-vous-plait-merci. Il laissait quand même sur place un héritage de taille : un gouvernement provisoire composé d’un paquet de sympathisants communistes qui, on n’en doutait pas, allaient s’empresser d’organiser des élections libres et démocratiques n’est-ce pas ? A l’OND on avait obtenu des garanties de façon à tenir un peu mieux les mers du nord, région aussi riche que bordélique surtout depuis que la Loduarie y faisait des incursions et que les Pharois s’étaient mis en tête de racketter les navires de l’Empire du Nord. Ca aussi normalement c’était réglé. Le Grand Capitaine Gabriel et le camarade Sakari avaient formé un tandem de tous les diables, l’un négociant avec l’allié zélandien, l’autre avec le copain loduarien et à la fin, c’était Ransu Rasanen qui venait d’atterrir à Zladingrad.

Les connaisseurs du Pharois lèveront un sourcil mais le fait que le chef d’Etat se présente en avion était du genre nouveau. Par tradition les Pharois préféraient l’utilisation de leurs somptueux navires diplomatiques, le voyage était du coup plus long mais aussi plus impressionnants puisque c’était l’occasion de se faire escorter par quelques navires de guerre, autant dire que ça en mettait plein les yeux. Et puis on pouvait de toute façon travailler à bord, c’était confort.
L’aviation, c’était plutôt un truc d’Albiens. Sans doute pas complétement un hasard d’ailleurs si les plus grands aéroports et bases militaires accueillant des avions de chasse se trouvaient dans le sud du pays. Albigärk en personne abritait d’ailleurs l’Avaruusyliopisto, aussi appelée Université spatiale, dédiée à l’aéronautique de pointe et qui avait imaginé et conçu les chasseurs-bombardiers de dernière génération pharois. Fallait-il y voir un message ? Un retour en grâce de ces braves méridionaux, doux rêveurs et charmants hôtes ? Ou juste une démonstration – s’il en fallait – que la Pharovihjie ne se limitait pas qu’au contrôle des océans et savait également y faire en matière d’aérien ?

Chacun y verrait le message de son choix, toujours était-il que Ransu Rasanen venait d’atterrir et se dirigeait maintenant d’un air enjoué vers Vladimir Gorkov, fraîchement nommé Secrétaire Général provisoire de l'Oblast par l’armée loduarienne et approuvé, tamponné par les Pharois.

Vladimir Gorkov, comme Ransu Rasanen, était un universitaire. Académicien, comme on le présentait, et peut-être cela avait-il joué dans sa nomination au plus haut poste de l’Etat. Poivre et sel, vêtu d’un costume trois pièces sur lequel on avait brodé des écussons pour lui donner un air martial, il était plus âgé, plus grand et aussi mieux entretenu que son homologue Pharovihjois. A dire vrai, il n’était pas difficile de faire meilleure figure que Ransu Rasanen. D’un naturel sec, un mauvais éclairage – et celui du tarmac était abominable – lui donnait un air quasi cadavérique. Il avait les cheveux implacablement en bataille et les sourcils broussailleux. Ses joues creusées et son nez aquilin le faisaient ressembler à quelque chose de tordu, comme un crochet en fer. Heureusement qu’il souriait, sinon Ransu Rasanen aurait pu faire peur aux enfants.
La trentaine solidement entamée, l’ex-directeur de l’Université Générale d’Albigärk, désormais chef d’Etat de la Fédération Pharovihjoise, avait une aura de bibliothécaire plus que d’homme politique. Il était habillé en noir et portait sous son caban un col roulé qui le protégeaient du froid de la région. Comme souvent les Pharois, on l’aurait croisé assis dans la rue qu’on lui aurait donné une pièce.

- Vladimir Gorkov, je suis enchanté de vous rencontrer, avait-il dit en souriant et se faisant, par une sorte de miraculeuse alchimie, toute l’austérité brute qu’il transpirait s’était envolée. Il avait une voix douce, chaleureuse, et quelque chose dans l’architecture squelettique de son visage qui s’activait quand il retroussait la commissure de ses lèvres effaçait cette ombre de cadavre pour lui redonner une épaisseur d’humanité.

Vladimir Gorkov avait répondu de même, disant quelque chose sur le plaisir d’accueillir de si bons amis et de si grands alliés, et qu’il était honoré de recevoir une délégation pharoise sur le sol de l’oblast ce qui n’était pas arrivé depuis, oh, un sacré paquet de temps croyez-moi. Ransu Rasanen fit une plaisanterie quant au fait qu’une délégation, sans doute, mais qu’un paquet de contrebandiers avaient dû passer dans le coin quand même et Gorkov avait ri par politesse.
Tout du long, les flash des appareils photographiques avaient crépité et les deux hommes s’étaient retournés vers le parterre en souriant histoire de s’assurer que les unes des journaux à paraître le lendemain auraient de bons profils à afficher. Puis, Vladimir Gorkov avait passé sa main dans le dos du Pharois et d’un geste de bienvenue l’avait invité à se diriger vers les voitures qui les mèneraient le Palais du peuple, le nom qu’on avait donné au bâtiment qui accueillait le gouvernement et pas du tout le peuple, attention c’était trompeur.
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