
Grosse ambiance
Les couloirs du siège de l'Internationale enflaient de monde jour après jour. Il faut l'avouer: ses initiateurs originels, les loduariens, n'avaient sans doute pas prévu que l'organisation prendrait une telle ampleur, à un point qu'il devenait difficile de trouver un consensus sur la gestion des nouvelles candidatures. Les membres de l'Internationale se posaient la question: comment s'assurer, avec cette avalanche de propositions, que le processus de sélection des candidatures était à la fois rapide et rigoureux. C'est ainsi que plusieurs "offres" s'affrontaient. Le secrétaire du PEV, Géorgi Marcos, avait procédé à la présentation de cinq candidatures par le mode d'action originel sur lequel s'étaient mis en accord les signataires du congrès fondateur. Néanmoins, la candidature du PCO d'Ostara fut mise de côté dans les fins d'une expérience, avec l'approbation de la nouvelle direction de l'Internationale, incarnée par la présidence du Negara Strana. En effet, cette candidature devait faire l'objet d'une rencontre entre les membres du PCO et quatre (ou cinq) représentants des principaux courants de pensée constituant l'organisation et son parlement. Le PCO, en même temps que de faire la démonstration de sa compatibilité avec les différents articles de la charte, serait ainsi un cobaye afin de tester cette méthode.
Le délégué du PEV, Géorgi Marcos, était arrivé le premier devant la salle de réunion où était censée de dérouler la réunion qui allait décider de l'avenir du PCO. L'architecture loduarienne avait son charme, le béton armé était commode, peu cher, et il ne fatiguait pas les yeux avec des couleurs chatoyantes. Les murs gris étaient ponctués de tableaux et de photographies ponctuant l'existence politique des loduariens ces dernières décennies. Pour plaire aux autres mouvances de l'organisation, on en avait rangé quelques unes et remplacé une partie par une décoration somme toute plus consensuelle. Une rangée de drapeaux des pays membres avait été placée dans la pièce. Et sur certaines étagères, des ouvrages de théorie stranéenne côtoyaient désormais les grandes figures du matérialisme eury-communiste. Des artisans affiliés au parti communiste loduarien et à d'autres formations sœurs étaient venues de bonne grâce pour y installer il y a quelques semaines une moquette verte soyeuse, qui restait toutefois dans le ton de "l'ambiance" du pays. La secrétaire de Géorgi était venue régler les derniers préparatifs avant de lever le camp: eau, vin...tout le matériel de buvette était prêt pour une rencontre qui, peut-être, célèbrerait la venue d'un nouvel arrivant.
En l'état des choses, le PCO était un candidat remarquablement..."normal". Le PEV n'entretenait pas forcément beaucoup de relations avec ce parti, et les informations sur ses activités étaient compliquées à dénicher. Du PCO on savait qu'il était un parti communiste eurysien somme toute assez classique dans son approche du socialisme. Un parti ancien, avec une théorie ancienne, mais dont les pratiques de terrain trahissaient une véritable volonté de modernisation du discours classique des matérialistes eurycommunistes. Toutefois, sans aucune véritable précision, cela pouvait dire tout ou rien. Dans les faits, les positions du PCO sur le rôle social du concept de parti, sur l'économie et les rapports entretenus avec la démocratie libérale...tout ceci était encore inconnu des membres de l'Internationale. Et question impérieuse, car elle conditionnera en grande partie l'issue de l'entretien: est-ce que le PCO était une formation dont le but clair constituait en une rupture claire avec un ordre établi par l'hégémonie libérale en cours dans le pays où elle exerçait son militantisme. Le PCO était-il la quête d'un changement profond ? Ou une simple béquille sociale ? Cette question était primordiale pour Marcos, qui plus que quiconque considérait les risques d'un entrisme, qui mènerait à une dérive de complaisance avec les "forces du marché".
Il ne restait donc plus qu'à attendre ses camarades délégués et l'invité de la journée. Marcos se retourna, et vit derrière lui un drapeau du PEV qui avait été installé pour l'occasion aux côtés des autres représentants de cette délégation, des nations illustres aux côtés du PEV. Une fierté pour une formation en pleine élection au pays, et en quête de reconnaissance internationale.