11/05/2017
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Les péripéties d'Ateh Olinga (récits)

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Le progressisme


Les mouvements de foule allaient et benaient au grand palais présidentiel d’Opango. Pour dire, l’Ouwanlinda était fort prit par les affaires de l’Afarée, et l’occupant des lieux était bien décidé à ce que la grande nation d’Afarée du sud joue un rôle plus actif dans le continent. Toutes ces organisations internationales en revanche, l’UAA en tête, ce n’était pas là la vision qu’avait l’Amiral Président Ateh Olinga de la souveraineté et de l’indépendance à laquelle il était définitivement attachée. Pour lui, l’UAA n’était qu’une organisation à la visée impérialiste destinée à se confronter aux intérêts et au destin exceptionnel du peuple ouwanlindais. Récemment, ces derniers s’étaient bien compromis auprès d’un régime que d’aucun ne qualifierais de génocidaire. L’Amiral-Président est ressorti outrer de ces nouvelles, lequel a donc proposé au gouvernement de la Diambé un règlement pacifique di conflit…sans réponse. Un tel refus, il l’interprétait comme une marque de lâcheté et de complicité vis-à-vis du massacre de près de 150 000 musulmans de Diambé. Lui qui se voyait comme le protecteur et chef spirituel de tous les chrétiens et musulmans d’Afarée, il ne pouvait pas le laisser passer.

Toujours est-il qu’il faut bien gérer les autres affaires de la superpuissance ouwanlindaise, aussi bien que les affaires plus privées. L’Amiral Président ne faisait guère la différence entre les deux, si bien que l’on voyait souvent ses enfants jouer autour en pleine réunion du conseil des ministres, que Olinga n’écoutait guère assidument dans tous les cas. Ainsi, en plein exposé du « ministre du respect » Barnabas sur le rapport d’activité des (rares) hôpitaux de l’Ouwanlinda ces derniers mois, ce dernier jouait avec son fils de six ans sur ses genoux, dont il faisait déjà passer une myriade de petits tests au quotidien afin de savoir s’il était digne un jour, de prendre la suite de son père à la tête du pays. Il sortait de sa poche un vieux florius velsnien, une monnaie porte bonheur datant de la décolonisation, et le mettait devant le nez de son fils :
- Ateh Junior. Je sens que tu es destiné à de très grandes choses. Mais aussi que tu aimes les choses qui brillent. Regarde cette pièce, je vais faire un tour de magie : je vais la faire disparaître, et tu vas dans quelle main elle est.
Olinga cache la pièce et tend à son fils ses deux mains fermées, puis il reprend :
- Alors Ateh Junior, quelle main ? Il est où le florius à ton avis ?
Le gamin, tout sourire, désigna sa main droite :
- Raté, c’était la gauche Ateh. Mais ce n’est pas grave, on va recommencer en plus facile.
Cette fois, Olinga ne fit pas de tour de magie et mis la pièce bien en évidence dans sa main gauche devant son fils, voulant semble-t-il, qu’il gagne tout de même cette pièce L’enfant, toujours aussi souriant, lui désigna encore la main droite, provoquant l’irritation du père :
- Mais ce n’est pas possible ! je l’ai caché devant toi ! Bon ce n’est pas grave, prends la pièce. Mais je vais avoir une discussion avec ta mère pour savoir comment cela se fait que tu sois aussi crétin.

Le moment père-fils fut interrompu par le raclement de gorge du Ministre Barnabas, qui nécessitait l’attention du dictateur :
- Oui, ministre du respect ? Il y a quelque chose que je devrais savoir ? Est-ce que tous les ouwanlindais se respectent ? Vous avez organisé cette enquête d’ailleurs, le porte à porte que j’avais demandé pour demander aux citoyens s’ils se sentaient respectés ?
- Euh…oui bien sûr Amiral-Président. Tout le monde se respecte. (il mentait, aucune enquête n’avait été lancée.)
- Très bien ! Je vois que votre nomination porte ses fruits. Mais pour a prochaine réunion je voudrais voir les résultats de cette enquête de mes yeux. Préparez donc les données que vous avez collecté.
- Oui, Amiral-Président, mais ce n’est pas le sujet dont je voulais m’entretenir avec vous. Comme vous le savez, vous avez conféré à mon ministère la responsabilité de faire respecter l’édit d’interdiction de la polygamie.
- Oui, car chez nous, nous respectons les femmes. J’ai appris cela dans un livre Kah-tanais. C’est à la mode chez eux si paraît.
- Oui exact Amiral-Président, c’était brillant de votre part de terminer ce livre. Toutefois je me dois de signaler que cet édit a du mal à s’appliquer dans toutes les régions du pays. Nos chefs de village font souvent état de contrevenants, quand ce ne sont pas les chefs de village eux-mêmes qui en sont coupables. Nous ne devons donc d’adopter une conduite à suivre concernant ces derniers.
- N’ayez crainte, ministre du respect, je suis déjà sur le coup.
- C’est-à-dire, Amiral-Président ?

- Allons, mon bon Barnabas. Je vois que vous travaillez beaucoup pour la gloire de l’Ouwanlinda, aussi je me permets parfois d’empiéter sur vos compétences. Mais ce n’est pas contre vous. J’ai donc pris la décision d’inviter l’un de ces chefs de village à une petite visite de nos jardins, pour lui faire comprendre que désormais en Ouwanlinda, nous respections les femmes. D’ailleurs, je crois qu’il est déjà arrivé. Vous me suivez, monsieur le ministre ?
- Euh…bien sûr Amiral-Président.


Les deux hommes se promenaient dans les jardins du président, constitué de plantes qu’il avait lui-même fait venir de toute l’Afarée. C’était un endroit de repos ponctuel pour celui qui avait la lourde charge d’assurer la sécurité de l’Etat. Et c’était également un lieu idéal pour discuter à l’abri des regards indiscrets. Barnabas était certainement l’un des seuls individus dans son conseil des ministres auquel il vouait une confiance véritable, aussi il lui plaisait de s’entretenir parfois avec lui. Et c’était l’occasion de le mettre au test de ses convictions :
- Ministre Barnabas. Puis-je vous poser une question personnelle ?
- Toujours, Amiral-Président.
- Pour vous, qu’est-ce qu’un Ministère du respect ? Comment vous voyez votre rôle au sein de mon gouvernement, Barnabas.
- Eh bien. Comme vous l’avez dit, il s’agit de donner à l’Ouwanlinda des réformes visant à en faire un pays progressiste tout en oubliant pas ce qui fait de nous des ouwanlindais.
- Oui, très bien. Mais ça, c’est la fin. Je veux que vous me disiez comment vous en arrivés là. Comment vous faites pour que le respect soit garanti pour tous les ouwanlindais ?
- Par le dialogue et la compréhension mutuelle, évidemment. Vous savez, ce livre kah tanais que vous avez lu la semaine dernière en parle.
- De quoi ? Tabar le tatou ? Oui, j’ai beaucoup aimé, surtout quand Tabar réussi à retrouver sa famille de tatous à la fin, par ses bonnes actions. Mais heureusement qu’il y avait les images, sinon je ne l’aurais pas lu jusqu’au bout. Mais que se passe-t-il quand une personne en particulier ne veut pas comprendre la notion de respect. Quelqu’un qui est agressif, qui est bélliqueux, et qui fait énormément de mal aux autres par ses actions, qui refuse de comprendre. Que faire ?


Barnabas fut de plus en plus gêné par cette conversation. Il ne savait pas quoi répondre, d’autant qu’il connaissait déjà certains penchants de la personne. Dans ces situations-là, il fallait laisser Ateh dérouler sans le déranger. Aussi, il se fendit simplement d’un « Je ne sais pas, Amiral-Président ». Les deux hommes arrivèrent devant l’endroit de méditation favori d’Ateh : la fosse aux alligators. Celle-ci était magnifiquement spacieuse et décorée de crocodiles en bronze. Il y avait là une dizaine de bêtes qui s’agitaient à la vue de leur maître. Mais il n’y avait pas de chef de village au rendez-vous. Ateh trépignait devant les crocodiles comme un enfant qui retrouve ses animaux de compagnie :
- Regardez les faire la fête, Barnabas ! Hé hé ! Le saviez-vous : je peux reconnaître chacun d’entre eux par leur prénom. Mais ma préférée, c’est la mémère qu’il y a là. Sophie. Allez mange ça Sophie !
Un domestique lui avait apporté un plat de viande découpée en morceaux que l’Amiral-Président lançait.
- Elle a déjà 25 ans, mais elle est encore toute jeune dans sa tête ! – lui dit Ateh – Mangez mes amours ! Les crocodiles sont comme le peuple ouwanlindais, je les aime comme mes enfants, et ils ont faim de droits et surtout, de respect. Allez-y, Barnabas, donnez-leur de la viande, je vous en prie.


Barnabas savait bien qu’il ne s’agissait pas là d’une proposition, mais d’un ordre. Il se servit dans la plat, un morceau d’une certaine taille, puis le lança aux animaux qui se jetèrent dessus avec une vivacité stupéfiante. L’un d’entre eux le goba d’une seule traite, et broya les os en un coup de mâchoire.
- Ah c’est Stéphane qui l’a eu ! Bien joué Stéphane ! Il est rapide comme l’éclair celui-là. On dirait un zélandien qui voit un diamant par terre ! Vous savez ce que j’apprécie le plus chez les alligators, Barnabas ?
- Quoi donc Amiral-Président ?
- Les gens peuvent mentir, être mauvais par nature. C’est la nature humaine. Mais la nature des alligators est différente : ils sont guidés par leur faim, et pour cette raison, ils sont beaucoup plus honnêtes que nous. Ils ne mentent jamais.


Il y eu un silence, dans ces moments, Barnabas savait qu’il fallait appuyer les paroles ampoulées de l’Amiral Président :
- Ce sont des mots sages. Mais sur un autre sujet, ne devions-nous pas attendre l’arrivée d’un invité ? Le chef de village ?
- Ah lui ! Oui…qui vous fait dire qu’il n’est pas déjà avec nous en ce moment, monsieur le ministre ?


Olinga lui fit un signe du regard en direction du plat de friandises pour alligators. Barnabas comprit.
- On ne peut pas transiger avec la réaction et le conservatisme, mon aimé Barnabas. Il faut prendre le problème à bras le corps pour faire de la grande nation Ouwanlindaise un pays moderne. Fini la polygamie, fini les conflits religieux, fini la pauvreté ! On vit dans un monde nouveau, Barnabas, et ceux qui n’y ont pas leur place ne vont pas encombrer notre chemin. On n’est pas en Diambée ici. Par contre il y a juste un truc qui me pose soucis, un dilemme.
- Oui, Amiral Président ?
- Voyez-vous, c’est assez long de couper en corps en morceaux. Ça fait beaucoup de travail, j’ai dû engager des domestiques en plus rien que pour ça. Mais le truc, c’est qu’il faut le faire, sinon les alligators digèrent mal. Les cheveux, les ongles, les bijoux et les vêtements, ils n’y arrivent pas. Et Sophie se fait vieille. La dernière fois, on lui a jeté un touriste velsnien avec…comment les eurysiens appellent ça….une perche à selfie. Il a fallu que j’envoie un domestique pour aller chercher la perche, pour pas qu’ils tombent malades en mangeant ce gros bâton. Bref, la vie c’est parfois fatiguant même pour les alligators.
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Le grand plan de l’Ouwanlinda



Il y avait là, au milieu de la pièce du palais d’Olinga réservée aux réunions du Conseil de guerre de l’Ouwanlinda, une grande table trônant en son centre. Elle n’était pas ronde, elle n’était rectangulaire, ni carrée. Elle avait une forme…étrange. La forme d’un pays. Barnabas fit son entrée, et il cru voir trouble lorsqu’il vit deux Ateh Olinga qui l’attendaient déjà. Deux Ateh Olinga ? Ah non…les différences étaient bien visibles…un sosie. Encore un autre.
Ateh accueillit Barnabas avec de grands éclats de rires, que son double essaya d’imiter piteusement.
- Avoue que je t’ai bien eu, Barnabas ! Tu croyais que je m’étais dédoublé, pas vrai ?

Barnabas avait cet air dépité qu’il traînait partout avec lui, presque triste. N’importe quel regard extérieur aurait pu conclure qu’il était un homme éternellement malheureux. Et parfois terrorisé par l’Amiral-Président, selon ses sautes d’humeur :
- Oui en effet, Amiral-Président. Je n’aurais jamais pu vous confondre avec cet homme blanc de 46 ans que vous avez choisi comme doublure… Sur ce, pourquoi vous vouliez me voir ? J’ai l’impression que la table à changé depuis ma dernière visite des lieux. On dirait…
- Oui ! On dirait le Gondo !
– interrompit, fier, Ateh – Regarde cette finition. Entièrement sculptée dans le meilleur bois de l’Ouwanlinda. Avec des parties laquées pour le relief forestier et les collines…et regardez ces petites figurines qu’on peut balader dessus !

Le ministre du respect avait sous le nez ces petites statuettes : des petits chars, des petits soldats de bois, ou encore deux petites figurines représentant Ateh Olinga et Barnabas.
- Je suis pas peu fier de l’avoir commandé aux meilleurs ébénistes du pays !
- Cela me rappelle une série…
- se rappela Barnabas –
- Oui ! Tout juste, Barnabas. La série kah tanaise qu’on a regardé le mois dernier. Avec la reine des dragons là….Eh bien aujourd’hui, c’est moi la reine des dragons ! – fit-il, en plaisantant à moitié, riant de lui-même –
- C’est une brillante dose d’auto-dérision, Amiral-Général…
- Oui, mais il y a que moi qui le droit de me moquer de moi, alors cesse ces sourires Barnabas !
- Oui excellence…donc vous vouliez me voir ?


Ateh Olinga déplia avec fierté une baguette télescopique et pointa la table-carte :
- Comme tu peux le voir, Barnabas, j’ai un grand plan pour libérer le Gondo, et pour faire vaincre les forces des combattants de la liberté et de la Révolution. D’abord, nous embarquons à bord de la grande et puissante flotte de l’Ouwanlinda.
- La flotte de l’Ouwanlinda ? Je croyais que nous avions perdu nos navires à l’occasion de votre dernière grande chasse à la baleine annuelle, Amiral-Président.
- On avait dit qu’on ne parlait plus de ça, Barnabas ! Des fois, je puis te jurer que tu m’énerves presque autant qu’un velsnien pilleur d’or. Bon je reprends. Nous embarquons à bord de la grande flotte de l’Ouwanlinda, qui en fait est la flotte de notre camarade, le capitaine Gabriel. Mais je suis persuadé qu’il acceptera de renommer sa flotte en « Grande flotte de l’Ouwanlinda ».


Ateh trace avec sa baguette un trajet en mer le long de l’Afarée jusqu’au Gondo :
- Là, nous débarquerons dans cette baie, et nous rejoindront l’armée des révolutionnaires. Nous percerons le front jusqu’à la capitale gondolaise, avec la force de nos guerriers de la liberté. Ensuite, on entre dans le palais résidentiel…

L’Amiral-Président pointe la figurine d’un petit personnage en costume :
- …et là, je défierai le président du Gondo dans un combat singulier à la machette. J’en ai déjà aiguisé plusieurs pour les tester. Bien entendu, je gagne le combat et je m’empare du drapeau Gondolais et de l’aigle qu’ils nous ont volé. Et nous le ramenons au pays…

Le chef de guerre semblait particulièrement fier de son plan. Il bomba le torse devant Barnabas :
- …Alors. Qu’est ce que tu en penses, mon fidèle second.
- C’est…sophistiqué, Amiral-Général
– répondit instinctivement Barnabas, dont le comportement était dicté par la crainte – Néanmoins…je m’interroge sur le nombre de navires dont nous aurions besoin pour déplacer autant d’hommes, et pour organiser des lignes de ravitaillement.
- Les navires ? Ne t’en fais pas, Barnabas, j’en ai prévu quatre.
- Quatre ? Mais nous avons plusieurs milliers de soldats, Amiral-Général.
- Et alors ? S’ils se serrent, je suis sûr qu’ils pourront tous rentrer. Et puis pour le ravitaillement, tu crois que j’en avais besoin quand j’étais en guerilla contre les colons velsniens ? J’ai vécu dans la forêt ! Et je me suis nourri de racines ! J’attends à ce que tous mes guerriers soient capables des mêmes sacrifices. Sinon, ce sera la preuve que ce ne sont pas de vrais ouwanlindais. Bref. Tu peux t’en aller Barnabas, je voulais surtout te montrer cette table. Et quand je serai au loin au Gondo, tu as intérêt à bien nourrir mes bébés. J’ai l’impression que Stéphane traverse une mauvaise passe. Il mange moins ces temps-ci. Tout comme moi, il sent quand il y a des traitres dans son entourage.

- Euh…oui Amiral-Général, comptez sur moi.
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De quoi Ateh Olinga est-il le nom ?




Fabrizio Colonna, professeur de sciences politiques à la faculté de Philosophie politique de Velsna, tente de comprendre, au sein de plusieurs études, ce qu'il nomme le phénomène Olinga. Depuis 1994, le dictateur gouverne le pays: 20 ans au pouvoir constitue un exploit d'une certaine manière, pour ce type de personnage. Sans culture politique, passablement illétré, et que l'on pense d'une intelligence limitée, le professeur Colonna tente ainsi d'expliquer les secrets d'une pareille longévité pour un régime qui du reste, peut-être considéré comme étant partouclièrement violent, mais qui paradoxalement, suscite une adhésion relativement constante de la population ouwanlindaise. Lumière sur cette question.

Le 3 février 1994, après quinze années de guerre civile, poncutée de deux renversements de gouvernement, d'une guerre fratricide entre les quatre etchnies du pays: swouli, zouli, tikka et hatti, et d'un génocide ciblé sur ces derniers, un jeune seigneur de guerre du nord-est du pays effectue une entrée triomphale dans la capitale d'Opango. Une armée que l'on ne pourrait considérer comme telle que de nom, tant il s'agit en réalité d'une coalition hétéroclite de groupes paramilitaires divers et de guerrilleros qui quelques années auparavant, n'étaient que de simples villageois. Cette armée, parlons-en, et pour comprendre ce qui fait son caractère exceptionnel, il faut avant tout reprendre le contexte de cet Ouwanlinda post-colonial.

Pour commencer à comprendre Ateh Olinga, il faut bien prendre connaissance de ce contre quoi il se bat depuis ses quinze ans, date à laquelle on suppose, avec quelques incertitudes,, que ce dernier s'est engagé dans une milice locale de son village de Fapango, qui deviendra sous son règne la ville de Lac-Croco. Depuis le départ des velsniens dans les années 1970, l'Ouwanlinda n'avait jamais eu le droit à une certaine stabilité. Du reste, il va sans dire que la colonie a été négligée durant plusieurs siècles par des velsniens qui n'y voyaient là qu'une simple étape transitoire vers les épices du Nazum, et qui n'y ont développé un tissu urbain que sur les côtes, peuplées par des afaréens de l'ethnie hatti. Convertis au catholagnisme au cours des XVIème et XVIIème siècles, les membres de cette ethnie se distinguèrent très rapidement de leurs voisins par la proximité croissante des eurysiens, et très rapidement, se forme une petite élite locale faisa nt office de relais dont les velsniens manquaient cruellement entre le pouvoir de la cité eurysienne et les locaux. A compter de cette date, et jusqu'à la décolonisation, l'administration locale n'est donc pas directement composée de velsniens, mais de hatti christianisés, qui s'improvisent en référence sociale vis à vis des trois autres ethnies du pays. Les velsniens comprennent le bienfait, tout à fait temporaire comme nous le verrons plus tard, de la constitution d'une hiérarchie sociale stricte au sein de cette colonie, un exemple tout à fait singulier puisqu'il ne se présente que dans cet endroit précis de l'Empire colonial velsnien.

Hatti, zouli, tika, swouli...que sont finalement ces ethnies à l'arrivée des velsniens, et que sont-elles devenues lors de leur départ ? Paradoxalement, le concept d'ethnie est tout à fait différent en Ouwanlinda, à l'époque des grandes découvertes, que pour les eurysiens. Ces ethnies, contrairement à ce que l'on peut penser, ne sont alors pas à considérer comme des peuples à part entière, tel que l'on entend, avec des langues distinctes, des habitus culturels uniques. En réalité, la répartition géopgraphique même de ces ethnies nous fait comprendre qu'il n'y a pas forcément d'unité de ces populations, et qu'au sein de ces ethnies, il y a des subdivisions que les velsniens vont négliger, avec pour commencer, celle de la cellule familiale et le "village". Et il est intéressant de constater que dans un même village peuvent cohabiter des individus d'ethnies différentes. En réalité, à l'arrivée des velsniens, un hatti n'est pas tant un individu qui distingue par une identité culturelle, mais par son appartenance sociale: le "hatti" est avant tout un propriétaire terrien. Ou un laboureur, là où le swouli est un cultivateur, ou celui à qui la terre est louée. Les ethnies ouwanlindaises sont donc à l'origine davantage des strates sociales d'une même société que des identités distinctes.

La grande rupture qui survient est avant tout le fait des velsniens, qui sans même en avoir la volonté politique, vont instiller progressivement au fil de l'époque moderne par le biais de la diffusion des idées, des concepts au sein de la société ouwanlindaise qui vont provoquer un développement de plus en plus accru des antagonismes au sein de celle-ci. Ce processus se fait très progressivement, et par étapes. Il faut noter en effet, qu'à partir du XVIIIème siècle, lorsque la conquête velsnienne est achevée, et que le maillage administratif de la cité sur l'eau clairement défini, le mécanisme d'ascenseur social qui était encore possible, quoique très difficile, semble se figer, dans un premier temps de manière officieuse. Le swouli ne peut alors plus devenir hatti, et inversement, au gré des réussites et des echecs personnels. Jamais les velsniens ne formaliseront clairement cet état de fait, car Velsna elle même, à contrario d'un certain nombre de pays eurysiens d'alors, ne se sert pas de leviers issues de théories racistes pour justifier sa présence. Mais ceux ci ne feront rien pour enrayer ce processus, qui du reste arrange les administrateurs hatti comme il arrange les colons. La recherche du statut quo permanent des velsniens entérine alors une modification majeure dans la société ouwanlindaise, qui va s'avérer dramatique sur le long terme.

En parralèle, la conversion des régions côtières du pays au détriment des sunnites à l'intérieur des terres, convertis depuis le XIème siècle, accentue le fossé qui sépare les hatti des trois autres ethnies de la colonie. La frontière n'est alors plus seulement sociale, mais religieuse. L'obligation d'être hatti pour accéder aux postes de l'administration parachève le processus de distinction, et l'indépendance ouwanlindaise va s'avérer être l'une des plus douloureuses d'un pays afarée à compter du milieu du Xxème siècle.

La montée des revendications indépendantistes va provoquer l'apparition, à partir des années 1960, d'une multitude de mouvements de guerrilla. Mais il est important de noter que ces mouvements, pour la quasi totalité, ne sont pas le reflet d'une entente entre les ethnies du pays. Swouli ne combattent pas avec hatti ou zouli dans le cadre d'un projet commun, mais dans celui de revendications distinctes. Les mouvements hatti n'ont pas l'intention, par exemple, une fois l'indépendance décrochée, de transformer la société coloniale, mais plutôt d'en prendre la tête. Il ne s'agit pas de ce que l'on pourrait qualifier d'une contestation du pouvoir, mais d'une tentative d'appropriation. Une vision des choses que ne partagent pas les swouli, les tika et les zouli. Dans le contexte de l'indépendance de la majeure partie des anciennes colonies eurysiennes d'Afarée, Velsna est contrainte par la force des choses de plier baggage: évènement acté le 21 mai 1975. La colonie de l'Ouwanlinda cesse alors d'exister au profit d'une entité indépendante sur le papier, qui arrange pour ainsi dire les anciennes puissances. Les velsniens ont alors préféré négocier cette indépendance, tout naturellement, avec les hatti davantage qu'avec les swouli. L'Ouwanlinda des velsniens laisse place à l'Ouwanlinda des hatti. Dans les faits donc, l'indépendance ne change rien pour les swouli, tika et zouli, et fait naître un sentiment de frustration et d'injustice qui va être cultivé pour deux décénnies, jusqu'à la catastrophe.

Dans ces premières années post-coloniales, qu'est-ce qu'Ateh Olinga, l'homme au centre de notre tableau. Eh bien...il n'est qu'un enfant d'une dizaine d'années à cette date, mais c'est là bien assez pour que l'ancien régime laisse des traces sur sa personne. Nous pouvons là nous attarder sur le premier trait de caractère qu'il développe, et qui va par la suite marquer le régime olinganien: la brutalité. L'Ouwanlinda d'Ateh est un régime violent, il faut le souligner, ou du moins il aspire à provoquer le changement par une certaine dose de violence, mais celle ci est explicable par le contexte dans lequel cet Ouwanlinda, celui d'Ateh, a été crée. Ateh Olinga n'est alors qu'un enfant d'une dizaine d'années, issu d'une famille swouli sunnite, dont on sait qu'ils ne possèdaient tout comme les swouli, pas la propriété de la terre qu'ils cultivaient. Nous pouvons supposer qu'Ateh développe très tôt conscience de cette réalité, au vu du fait qu'il est averé que son père appartenait à une milice indépendantiste swouli qui figure parmi celles qui ont été désarmées de force par le nouveau régime hatti au ledemain de l'indépendance effective. De sa mère, on sait de source probable que celle-ci a été executée par balle lors d'une descente dans l'actuelle localité de Lac-Croco par une milice hatti pro-velsnienne durant ces évènements. D'Ateh et de sa jeunesse, on sait de son éducation qu'il est formé aux travaux agricoles au sein de la terre locative que ses parents cultivent, et qu'il ne sait pas lire avant un certain âge, étant donné le fait que les swouli n'ont que peu accès à une quelconque forme d'éducation par decret gouvernemental (voté dés l'indépendance).

Ateh atteint donc l'adolescence durant cette période, et donc l'âge de constater par lui même les premières conséquences des politiques du gouvernement hatti, qui sont par bien des aspects la continuation de la lenter évolution des rapports entre ethnies en fin de période coloniale. Plus que jamais les hatti prennent le contrôle d'un pays dont les populations sont compartimentées de manière de plus en plus systématique. Ce qui était implicite durant la période coloniale devient sous le gouvernement hatti un fait indiscutable et incontestable, et le fondement de toutes les relations sociales. La loi hatti vient entériner des réalités implicites. L'ethnie hatti s'enferme dans une sorte de "lager" juridique (référence aux cercles de chariots que les colons velsniens, à une certaine époque, utilisaient pour se protéger dans ces régions), constitué d'un arsenal législatif devant être le résultat de siècles de changements induits par l'exterieur sur une société traditionnelle ouwanlindaise, qui du reste, n'avait jamais été conçue à de tels changements.

Le 7 septembre 1975, le gouvernement hatti enétirne une réforme profonde. En premier lieu, les mariages mixtes entre ethnies sont interdits, ce qui constitue un fait inédit puisque, comme nous l'avons rappelé, les barrières ethniques nétaient pas déterminées par une répartition géographique distincte, et que les unions mixtes étaient somme toute monnaie courante avant la division progressive de la société ouwanlindaise. Quelques semaines plus tard, une autre loi entérine l'interdiction d'accès aux métiers de l'encadrement et du commerce aux swouli, aux zouli et aux tikka, ce qui vient confirmer une dynamique de stratification sociale déjà à l'oeuvre. Ces deux lois, mais surtout la première, jettent les fondations d'un discours de particularisme ethnique, qui a vite fait, dans les milieux intellectuels hatti, de dériver en une théorie raciste dont la thèse est de plus en plus acceptée, non seulement par l'élite hatti, mais qui va avoir une répercussion sur les swouli, zouli et tikka éduqués, qui vont diffuser un contre-récit, mais se fondant en mirroir de ces thèses, et qui enferment donc le discours autour du thème de la race.

Dans ce contexte de plus en plus explosif qui voit réapparaître, quelques années à peine après l'indépendance, des milices paramilitaires zouli, tikka et swouli opposées au nouveau régime, quant à lui progressivement soutenu par un corps expéditionnaire velsnien, Ateh Olinga fait ses premières armes. Si il n'est pas réputé doué en écriture ou toute autre activité invitant à la reflexion et à la prospection, on reconnaît en ce jeune cultivateur swouli, un jeune homme dont la force fait forte impression. De carrure impressionante, voire effrayante (Ateh Olinga fait 1m95, ce qui est bien au dessus du commun de l'Ouwanlinda des années 1970-80), le jeune homme est donc rapidement repéré par une milice swouli contrôlant la région du Lac-Croco, commandée par un certain Diou Burkanda, un partisan vétéran de la guerre d'indépendance, dont les actions remontent pour les premières dans les années 1960.

C'est à cet instant que le parcours d'Ateh Olinga aurait pu ne pas être très différent de celui de milliers de scouli sunnites, enrôlés au sein de groupes armés prônant un mirroir du contrat racial que les hatti avaient instauré. Olinga aurait très bien pu devenir l'un de ces zélotes sunnites qui feront tant parler d'eux dans les années suivantes, à la chute du gouvernement hatti. Mais il n'en fut rien: la figure de Diou Burkanda allait s'avérer extrêmement formatrice pour le jeune swouli, et il se trouvait que celui-ci avait une vision tout à fait différente de la société ouwanlindaise que la plupart de ses comptemporains, une vision d'un véritable état-nation ne prenant plus en compte le critère jugé arbitraire des ethnies et des castes séculaires. Non pas que Burkkanda n'était pas nationaliste et conservateur sur certaines questions: cela, il l'était de manière irréfuttable, et il n'était en rien formé aux thèses socialistes dont certaines influenceraient plus tard un Ateh Olinga en pleine formation. Olinga inscrit donc sa naissance en tant que fait politique dans un groupe paramilitaire swouli, l'un des rares dont le projet politique n'est pas la continuation de la société coloniale velsnienne. On lui enseigne la haine du colon, et de ce modèle post-colonial qui est considéré à raison comme la source de la plupart des prooblèmes du pays. Au delà de l'idéologie, dont Ateh a toujours été plus ou moins dépourvu, s'appuyant sur un agrégat empirique de diverses experiences et leçons données tout au long de sa vie (il n'a jamais lu le moindre ouvrage de théorie politique), celui-ci est formé aux armes et aux techniques de guerrilla dans le terrain très familier de la jugnele des grands lacs de l'est du pays. On estime qu'il intègre ce groupe dés ses quinze ans, mais il est parfois difficile de distinguer faits véritables et propagande. Reste que les actions de ce groupe commencent à faire du bruit, et le N12, comme ceux-ci se nomment eux même, mènent diverses actions dans ce cadre de guerre civile, à la fois contre le gouvernement hatti soutenu par des troupes velsniennes, mais également contre les chefs de guerre swouli, qui commencent à se fédérer en une clique dont le vieux Diou Burkanda reste à l'écart.

Ateh gravit progressivement les échelons au sein du groupe, et ce d'une manière fulgurente. Si l'intelligence des lettres celui-ci n'a pas, il se montre sous divers aspects sur le terrain: non seulement il est un soldat considéré comme extrêmement discipliné, mais il est égalalment capable de réacticité en cas d'improvisation et de d'imprévu. C'est à cette époque que des journalistes velsiens commencent à s'intéresser au N12, et Quotidia lui attribue un qualificatif évocateur (il d'agit de la première mention d'Olinga dans un média, alors qu'il est le second de Burkanda): "Au dessus de ses épaules, il n'y a que de l'os". Une manière de souligner le caractère de ce soldat, qui est prompt à obéir à n'importe quel ordre émanant de ses supérieurs, jusqur'aux plus suicidaires, et ce sans la moindre appréhension.

Nous sommes alors en 1983, et Ateh a 23 ans. Il est encore jeune, et pourtant, cela ne l'empêche pas de prendre la tête du N12 à la mort de Burkanda, dans des circonstances troubles (sa mort n'a jamais été expliquée, et ce qui est sûr est qu'il ne serait pas mort au combat). La succession se fait alors sans la moindre opposition, et Ateh est prêt à devenir un fait politique. Reste à trouver le coup d'éclat qui convient à la carrure de la personne.



La "bataille" de la voie Biaggi, et le début du fait politique olinganien

1983 est une année charnière dans l'existence du mouvement N12, que l'on nommera bientôt "Armée de libération olinganienne" ou "ALO". En effet, prendre la tête d'un mouvement armé ne suffit pas: l'Ouwanlinda compte alors des dizaines de chefs de guerre de groupes paramilitaires plus ou moins importants, contrôlant une grande part du territoire ouwanlindais. Car il faut le préciser: le gouvernement hatti a pour ainsi dire déjà perdu le contrôle de larges portions de térritoire où la population swouli, tikka ou zouli est importante. Dans les faits, le gouvernement ouwanlindais contrôle encore les littoraux ouwanlindais, et quelques grands axes de communication: routes et voies ferrées menant à des agglomérations importantes ou moyennes à l'intérieur du territoire, protégées entre autre par des contingents velsniens. L'enjeu est important pour un chef de guerre nouvellement nommé et qui doit faire ses preuves auprès de ses propres hommes: il faut frapper un grand coup qui aura une portée importante, à la fois pour ses partisans, mais aussi pour els populations civiles, même si l'opération en elle même n'a qu'une importance stratégique limitée sur l'instant. On peut ainsi souligner dés cette période, une certaine intelligence politique de la part d'un individu dont on dit souvent avec une relative naiveté qu'il ne s'agit que d'une brute sans capacité de réflexion. Ateh Olinga montre en effet une perception de la realpolotik relativement développée. Il se borne ainsi, dés son arrivée à la tête de l'ALO, à développer une forme de popularité vis à vis des populations vivant sur le territoire contrôlé par l'organisation, sous la forme de distribution de cadeaux et de pots de vin. Il identifie ainsi les chefs de village comme un relais politique important et qu'il ne faut en rien négliger, et se constitue, pour un chef de guerre ouwanlindais, l'un des territoires dont le contrôle est le plus ferme.

Pendant que l'armée gouvernementale hatti et les autres groupes swouli sont en en affrontement ouvert, le groupe de l'ALO amasse ainsi patiemment ses ressources, se ménageant pour finalement intervenir au moment opportun, alors que celui-ci n'a qu'un nombre d'alliés limités: Ateh Olinga est alors en froid avec la clique des chefs de guerre swouli, tout en étant en guerre ouverte avec le gouvernement hatti (dans les faits, les actions sont encore peu nombreuses car les forces gouvernementales ne considèrent alors pas le groupe de l'ALO comme une cible prioritaire). La situation entre Ateh et la clique swouli s'achève de dégénérer en conflit, somme toute relativement larvé au cours de l'année 1983, compte tenu des escarmouches de plus en plus continuelles sur le territoire de l'ALO, qui pousse Olinga à déclarer la guerre de manière impulsive à la clique. S'en suit plusieurs coups de mains meurtriers de part et d'autre, mais qui n'est pas suivi par une attaque de grande envergure par l'ALO, car Olinga a un projet bien plus ambitieux, qui pourrait faire changer de dimension à son organisation. En effet, ce dernier a compris qu'il serait beaucoup plus payant sur le plan politique, d'ouvrir un front contre un adversaire gouvernemental, qui d'une part est phase d'affaiblissement au nord de la région de Lac-Croco, et dont la popularité auprès de la population est en plein effondrement, après des années de politique ségrégationniste et de complicité avec les velsniens. Ateh décide alors de jeter toutes ses forces dans un projet résoluement ambitieux, que la plupart des stratèges militaires d'alors ont qualifier de suicidaire: mobiliser l'ensemble de ses forces dans la prise d'un convoi militaire sur voie ferrée, escorté par le corps expéditionnaire velsnien constitué de militaires de carrière lourdement équipés. L'objectif stratégique serait alors de provoquer la perturbation de la chaîne d'approvisionnement des bases militaires gouvernementales au nord est du pays, dans les zones frontalières du territoire tenu par l'ALO. Mais au delà de cet aspect, il y a aussi un coup symbolique identifié par Ateh: celui d'être le premier chef de guerre ouwanlindais à défaire le corps expéditionnaire velsnien dans le cadre d'un affrontement armé, ce dont aucun membre de la clique swouli ne peut encore s'enorguillir à cet instant.

Le convoi, en partance d'Opango le 21 juin 1983, doit serpenter le long d'une ligne contrpolée par les forces gouvernementales, mais dont la région traversée, peuplée de villages essentiellement zouli et tikka, sont particulièrement hostiles, pour bifurquer ensuite vers l'ouest, en direction de Kalinga, que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de "Triompbe d'Ateh". Par le biais de renseignement, la date du départ du convoi est connue plusieurs semaines à l'avance, ce qui laisse à Ateh et aux membres de l'ALO, le temps tisser un réseau embryonnaire dans tout le nord est du pays. Olinga négocie par la paix ou par la force l'accès à ce territoire par sa milice, de même qu'il obtient le soutien armé de certains chefs de village à qui il promet une part du butin considérable se trouvant à bord du convoi de trains. Pour faire diversion, l'ALO lance une série d'attaques dans d'autres régions du pays, éloignées du théâtre des opérations, et transmettent même aux autres seigneurs de guerre swouli de fausses informations les encourageant à organiser des attaques contre les forces gouvernementales au même moment. Le 21 juin, lorsque le convoi part d'Opango, tout est alors en place pour une opération qui allait rester en mémoire comme l'émergeance d'Ateh Olinga en tant que figure politique alternative dans un pays en guerre civile.

Méthodiquement le convoi est retardé une première fois dés que celui-ci s'éloigne de la région centrale du pays, sous contrôle du gouvernement. Les obstacles sur la voie comme des arbres abbatus provoquent un premier arrêt, mais Ateh n'ordonne pas immédiament le harcèlement du "long serpent", préférant dans un premier temps jauger la réactivité des forces en déplacement, en amont et en aval du convoi. Celui-ci, compsoé de plusieurs trains blindés, fait état d'une grande disparité dans leur niveau de protection: les velsniens occupent l'avant de l'immense colonne, tandis que les forces gouvernementales, dont les troupes conscrites sont d'une motivation et d'une qualité discutable, en occupent le reste. Le convoi continue, après une demi journée d'arrêt, le long de son trajet, entrant en territoire zouli dont l'allégeance a été négociée plusieurs semaines auparavant par Olinga. Ces derniers entrent alors dans un territoire hostile dont ils ne sortiront pas pour beaucoup. A peine quelques heures après le redémarrage de la colonne, de nouveaux ostacles sont disposés à vingt kilomètres du premier arrêt. Le problème pour les forces gouvernementales, est que la première alerte a convaincu les troupes velsniennes de partir en recconnaisance en avant, étirant ainsi grandement la disposition des forces le long de la voie ferrée: leur train de tête s'arrête à 15 kilomètres du suivant, ce qui permet à l'ALO de déclencher le plan.

A 19h, les premiers coups de feu éclatent sur les velsniens, depuis des hauteurs forestières difficiles d'accès. En parralèle, le train suivant est également sous le feu, Ateh ayant prévu que les forces gouvernementales tentent de sauver l'avant garde velsnienne par tous les moyens, ce qui sera le cas, puisque les combats qui s'y engagent sont certainement les plus sanglants et difficiles de l'affrontement. Ateh y a affecté ses meilleurs élements, tandis que les plus inéexpérimentés des membres de l'ALO sont chargés de mener des attaques de diversion sur les colonnes arrières. Enfin, une dernière brigade est positionnée au nord d'Opango pour empêcher tout repli. Tout du long, Ateh laisse les milices zouli alliées attaquer jusqu'au petit matin du 22 juin. Bien que le gouvernement hatti ait été mis en alerte, ses forces sont trop étirées dans le pays pour venir d'une quelconque manière en aide au convoi. Le contengent de l'ALO resté en arrière devra essentiellement subir des assauts des conscrits hatti piégés dans la nasse. La vision s'ensemble est la suivante: les olinganiens sont parvenus à creer deux poches d'encerclement, et la première grande victoire de cette opération a été la reddition du train blindé suivant celui du corps expéditionnaire velsnien, coupant ainsi définitivement le contact entre les deux forces. Ces derniers cependant, tentent dés l'aurore, d'effectuer une percée, tentant de prendre à leur charge une partie du matériel à bord du train blindé. Un contingent velsnien est toute fois laissé à bord, et défend le chargement de manière acharnée, face à l'assaut de plusieurs milliers de rebelles coalisés. Les pertes olinganiennes sont lourdes, mais assumées par son commandement, qui escompte épuiser en moral et en munitions l'adversaire retranché. A 16h, le 23, la partie du corps expéditionnaire qui avait tenté une sortie est contrainte de revenir aux abords du train sous la pression des olinganiens. Au sud, les troupes dee l'ALO, bien moins nombreuses et équipées que celles affectées contre les velsniens, échouent à retenir une partie de la masse gouvernementale: ce sont 700 soldats hatti qui parviennent à se dégager du guêpier, mais au prix de la perte d'une très grande majorité des équipements et chargements à bord des trains. Au soir du 23, il n'y a plus que le corps expéditionnaire velsnien qui ne tient plus qu'un seul train, celui de l'avant. Là encore, Ateh peut compter sur un renforcement constant de la part des locaux, là où les velsniens ont quasiement épuisé leurs réserves de cartouches et d'explosifs. Le 24 à midi, le corps expéditionnaire, qui comptait 300 soldats deux jours plus tôt, est réduit à une cinquantaine d'hommes épuisés, et se rend sous les coups de 14h, non sans avoir négocier le fait de pouvoir repartir à condition de laisser sur place l'intégralité de leur matériel et de leurs armes. Toutefois, il est averé qu'Ateh a procédé à l'execution dommaire d'une dizaine d'entre eux pour l'exemple, avant de relâcher les autres, comme promis.

Le retentissement de cette victoire est immense: le nom d'Ateh devient connu dans tout le pays, et suscite un début d'adhésion parmi d'autres ethnies que les swouli, à laquelle il fait partie. La défaite gouvernementale est célébrée dans une part importante du pays, et le début d'un mythe Olinga naît au sein de la population. Cette bataille est une date pivot dans la construction du récit propagandiste du régime olinganien, et on suppose que c'est lors de cet évènement que le chef de guerre s'est emparé du fameux revolver velsnien à crosse d'ivoire en permanence à sa ceinture, toujours en 2016. Pourtant, sur le plan militaire, cette victoire constitue alors un fait relativement mineur: les approvisionnements des bases gouvernementales reprennent peu après cette défaite et la voie ferrée est à nouveau sécurisée, cette fois avec des renforts conséquennts. Le corps expditionnaire velsnien obitent lui aussi de nouveaux renforts très rapidement, mais c'est avant tout l'impact psychologyque qui apparaît énorme, et qui constitue un facteur permettant d'importants soulèvements ultérieurs dans des zones que le gouvernement hatti contrôlait alors. Mais la conséquence stratégique la plus importante reste le butin immense, en matériel et en argent, dont Ateh Olinga s'empare, et qui permet d'entretenir son mouvement qui sans cela, ne se serait peut-être pas inscrit dans la durée.


La chute du régime hatti et le génocide de l'Ouwanlinda, les heures sombres:


Si Ateh Olinga est devenu un héros vis à vis des populations du nord est du pays, la chance est de courte durée pour le groupe de l'ALO. En effet, les rebelles olinganiens ont trouvé leur compte dans le cadre des affrontements entre le gouvernement hatti et la clique swouli. Il faut bien comprendre que l'ALO est alors composée d'à peine quelques milliers de membres, peu pourvus en matériel malgré la prise considérable qua été le raid de la voie Biaggi. Ateh Olinga doit avant tout sa survie au fait que les deux camps principaux de cette guerre civile ont des proprités plus importantes que mla repression d'un petit groupement para militaire. Entre 1983 et 1988, l'ALO va se cantonner dans son territoire du nord est du pays, se renforcçant graduellement sans prendre part aux grands évènements de la guerre civile. C'est durant cette période qu'il est rejoint par Barnabas (biographie dans le post concerné), qui provoque, par ses conseils de plus en plus récurrents et la place qu'il obtient aux côtés d'Olinga, un changement progressif de dimension du mouvement d'Ateh, qui passe de révolte locale à un mouvement disposant de revendications politiques réelles. Cependant, ce travail en profondeur du hatti chrétien mettra des années à porter ses fruits.

Or, la donne va changer de manière radicale avec l'effondrement du régime hatti en 1988, car si l'impopularité du régime permettait jusque là à Olinga d'administrer une petite partie du pays sans la moindre conséquence, la junte militaire swouli entend exercer un contrôle total du territoire, et reprendre une par une les poches où des seigneurs de guerre indépendants avait la réalité du pouvoir, et parmi lesquels figure Ateh Olinga. Qui plus est, la clique swouli bénéficiait alors encore d'une popularité conséquente, en particulier auprès des populations autrefois persecutées qu'ils prétendaient représenter, et qui lui permettait d'afficher sans grande protestation le début d'un programme qui allait se concrétiser comme étant connu sous le nom de "Génocide ouwanlindais". En effet, dés leur arrivée au pouvoir, la junte swouli a moins révoqué les édits de ségregation existants qu'elle ne les a retourné contre les hatti, anciennement au pouvoir. Ironiquement, l'outil coercitif que ces derniers avaient mis en place durant près de deux décennies n'a pas été démentelé, mais a constitué la fondation de la tentative d'extermination à venir de leur ethnie. La recherche de la revanche est ainsi devenue la démarche systématique du gouvernement de la junte, et qui mis plusieurs années avant de se concrétiser en un massacre de masse accepté par la population swouli. En effet, un génocide est un acte politique qui nécessite la mise en place d'un cadre qui lui est favorable. Préparer les esprits des swouli au passage à l'acte, et à l'acceptation allait être une entreprise longue, qui prendrait près de sept années. Les campagnes médiatiques se succèdent donc dans le pays durant plusieurs années, ciblant les hatti de manière systématique: à la radio, à la télévision, dans les journaux ou tout autre espace d'expression de masse. Dans le même temps, la clique swouli met en place en parralèle une "campagne anti-gang", qui vise les chefs de groupes paramilitaires n'ayant pas déposé les armes ou ne s'étant jamais ralliés à la clique. Si les chefs de guerre hatti qui se sont retranchés après le chute de leur gouvernement sont les cibles principales, l'ALO d'Olinga a également été affecté par l'ordre.

La position d'Olinga, malgré sa participation à la chute des hatti, devient rapidement intenable et sur proposition de Barnabas, l'ALO doit se résigner à abandonner sa politique d'emprise territoriale sur l'enclave que l'irgannisation a mis plusieurs années à se constituer. Le territoire swouli, dont la région de Lac-Croco, passe en l'espace de quelques semaines sous la coupe du gouvernement ouwanlindais, et l'ALO doit se replier en territoire hatti, tika et zouli, là où Ateh et Barnabas (de son nouveau nom de guerilla) ont passé plusieurs années à nouer des alliances avec les divers chefs de villages et chefs de guerre locaux. Il va sans dire que cette retraite réfléchie et en bon ordre ne se serait pas faite sans le concours de Barnabas, celui-ci convainquant Olinga et avec raison, qu'une guerre asymétrique était davantage viable sur le long terme, et que l'ALO ne disposait pas encore de la force de frappe suffisante à un conflit ouvert. L'année 1989 voit les prédictions de Barnabas se réaliser: la province olinganienne de Lac-Croco est ennvahie, alors même que la plupart des forces de l'ALO avait quitté le territoire pour les provinces hatti. C'est le début d'une véritable guerre de guerrilla entre l'ALO et le gouvernement de la clique swouli contre lequel Olinga est en rupture de banc, d'autant que l'arrivée de Barabas est venue donner une consistance un peu plus tangible au projet politique de l'ALO. Ce groupe n'est plus désormais la seule incarnation d'une ambition césariste, bien que l'écrasante personnalité d'Olinga fait qu'il s'agit là d'un aspect de son régime à venir qui sera toujours présent, mais il y a désormais la moise en évidence d'un ensemble de revendications plus nombreuses. Cette clarification était la bienvenue puisque le logiciel d'Olinga se limitait à la lutte contre le gouvernement hatti soutenu par l'ancienne puissance coloniale, gouvernement qui avait disparu, faisant perdre par là même une partie de la fonction originelle de l'ALO. Désormais, l'ALO promeut non seulement la fin du système de caste perpetué encore une fois par le nouveau gouvernement swouli, ainsi que le rejet de ses visées génocidaires progressives, mais aussi l'émergeance d'une forme de solidarité nationale, que l'on peut toutefois encore difficilement appeler du socialisme (qui n'est pas encore très appréhendé par le chef de l'ALO). Barnabas expose alors à Ateh l'idée d'un service national dédié aux ressources de premières nécessités: entretien des infrastructures publiques, eau, électricité et distribution de nourriture, idée qui se concrétisera sous Olinga en la "Société générale des eaux et des chaussées ouwanlindaises". Le programme esquissé par Olinga et (surtout) Barnabas vise surtout au débloquage de l'ascenseur social dont l'immobilisme avait participé à la construction progressive des identités ethniques du pays, ainsi que par le recours aux chefs de village comme premiers intermédiaires du gouvernement, en lieu et place des autorités religieuses ayant exacerbé ces différences.

Ce projet est séduisant, assez pour rallier à l'ALO une bonne part des anciens chefs de guerre hatti, ironique compte tenu de leurs anciennes inimitiés. Toutefois, ceux-ci sont dans une position similaire à Olinga, addition des forces ou pas, et sont pour le moment contraints à la clandestinité dans le centre-nord du pays, ces mêmes régions où Olinga avait réalis2 son plus grand fait d'armes quelques années plus tôt, et où ce dernier bénéficie alors d'une grande sympathie. L'ALO, malgré une situation difficile, est en train de muter, de l'armée d'un seigneur de guerre qui comptait certes déjà des éléments d'ethnies différentes, à une véritable force détachée des anciennes identités et portée par une fin différente de celles de tous les autres groupes paramilitaires, le projet d'un nouvel Ouwanlinda, exorcisé d'un modèle politique instable ayant provoqué plusieurs décennies de conflit.

Toutefois, ce n'était alors en 1989 qu'un voeu pieux, et l'ALO ne pourrait pas grand chose au vu de ses moyens pour arrêter le processus de massacre de masse des hatti orchestré par la junte militaire swouli. Les premiers mois de l'année 1990 voit le massacre d'entre 1 et 2 millions d'hatti (les estimations, dans un pays àà l'administration aussi défaillante que l'Ouwanlinda, ne sont pas encore claires), en l'espace de 90 jours. Dans ce cadre, l'ALO s'improvise refuge pour ces derniers en plusieurs points: pour ceux qui veulent se battre, l'Armée de Libération les enrôle. Pour les civils qui entendent fuir les régions littorales, les plus touchées par les tueries, l'organisation met en place des fillières d'évacuation qui permettent aux hatti de se replier vers des régions forestières dont la junte a graduellement de plus en plus de mal à assurer le contrôle. Le génocide cependant, a un effet devastateur à long terme sur la junte: d'une part, ces actions parachèvent le rapprochement entre les chefs de guerre hatti et Olinga, ce qui n'était pas encore totalement assuré avant 1990, malgré des actes de réconciliation antérieurs. Mais l'action de l'ALO en faveur de la défense des hatti, par le biais des fillières d'évacuation et des actions armées directes, va accelerer l'agglomérat de toutes les oppositions au régime swouli sous une même bannière, ce qui n'était pas le cas auparavant, en dépit d'alliances ponctuelles entre chefs de guerre. A la fin de 1990, la totalité des groupes paramilitaires hatti se sont ainsi ralliés à Ateh, intégrant sa hiérarchie militaire, et dissolvant leurs propres groupes au sein de l'ALO. C'est à cette période que le volet religieux du programme politique d'Olinga se fait plus clair, prônant pour un Etat sécularisé (et non laic) garantissant la sécurité des des deux communautés religieuses du pays, sunnites et catholans, tout en excluant toute forme d'autorité religieuse des structures de pouvoir du pays.

L'ALO gagne ainsi progressivement en popularité parmi le hatti, qui représentent alors tout de même entre 30 et 40% de la population ouwanlindaise. Un soutien de poids, qui est rapidement complété par celui de la plupart des chefs de villages zouli et tikka, les deux autres minorités du pays, qui jusqu'ici, avaient été ballotées de manière variable entre les différents régimes au pouvoir. Sur ce point, Ateh bénéficiait là encore de son inconstestable victoire du Raid de la voie Biaggi en 1983, à l'issue duquel il avait respecté sa parole auprès des chefs de villages de ces deux ethnies, en partageant une part du butin avec ces derniers. Ces changemejnts d'allégeance permettent progressivement à l'ALO de "sortir du bois", et de pouvoir se lancer à nouveau dans une forme de guerre conventionnelle avec une junte affaiblie, victime de sanctions internationales du reste du monde et en proie à un effondrement économique. Or, si les swouli soutenaient en majorité le gouvernement jusqu'à présent dans ses actions, l'argument économique des hatti "suçeurs de sang" figuraient parmi ce qui était mis en avant par les autorités afin de légitimer le massacre de ces derniers. La junte exacerbait la menace de l'ennemi intérieur en échange d'une promesse de rétablissement de la croissance économque. Or, l'année 1990 entamée voyait l'inverse se produire: entre les sanctions, la perte progressive du contrôle de territoires au profit de l'ALO et les dépenses militaires nécessaires à son endiguement, les caisses de l'état sont pour ainsi vides, et le besoin d'un serrage de vis fiscal se fait de plus en plus sentir. Le gouvernement de la junte, dont le soutien des populations swouli est le socle de sa stabilité, est en train de basculer, ce que les chefs de l'ALO vont pleinement exploiter. Si c'est par la guerre que le régime de la junte sera achevé, les fondations de celui-ci ont été minés par toute cette série de facteurs.

En parralèle à cet affaiblissement, les forces de l'ALO, en reprenant le contrôle de territoires, principalement peuplés de hatti, de zouli et de tikka, forment une première esquisse de ce qui deviendra le gouvernement ouwanlindais que l'on connaît sous Olinga. Les théories de Barnabas , fondées sur la prise de décision des autorités villageoises, et leur contact constant avec le Conseil de guerre d'Ateh nouvellement formé, commencent à être mises en application. Ce Conseil de guerre, formé par un ensemble hétéroclite des anciens compagnons d'armes d'Olinga et de seigneurs de guerre de différentes ethnies, plis récemment ralliés à lui, s'assurent de la gouvernance executive, et procèdent au démentèlement progressif des relais locaux de l'Assemblée des Quatre ethnies, le corps représentatif des ethnies ouwanlindaises crée sous la période coloniale, et qui est pour Olinga l'incarnation des problèmes inter-ethniques et inter-religieux du pays. Si Olinga ne supprimera jamais officiellement cette institution, elle ne deviendra rien de plus que la chambre d'enregistrement des lois votées par le Conseil de guerre, et par Olinga lui-même.

La guerre ouverte dure près de deux ans, et se constitue en une avancée continue et régulière de l'ALO, du nord vers le sud, vers la capitale ouwanlindaise. Il faut noter les exactions importantes de la part de tous les bélligérents durant cette période, y compris par l'ALO, dont la vengeance vient s'abbattre de manière quasi systématique sur les collaborateurs revendiqués ou suspectés du régime. On estime ainsi que ce sont 70 000 civils qui sont éxécutés ou portés disparus durant l'offensive olinganienne. Nul doute que les élements hatti de cette armée composite sont ceux dont la partcipation à ces massacres, le plus souvent en plein territoire swouli, ont été les plus actifs. Cette politique de terreur, nonobstant, ne vient pas déroger aux pratiques de la guerre alors en vigueur en territoire ouwanlindais, les politiques de terreur étant alors monnaie courante de la part de la quasi totalité des groupes paramilitaires.

Finalement, Ateh Olinga effectue son entrée dans Opango le 21 décembre 1991, date à laquelle est proclamée "La République d'Ouwanlinda" que l'on connait aujourd'hui, et dont la gouvernance de l'ALO des territoires qu'il contrôlait était une préfiguration des pratiques politiques que le pays possède en 2016. Toutefois, il est avéré que cette victoire ne s'est pas non plus faite sans certaines mesures de purges dans les rangs de l'ALO, en particulier d'élements qu'Olinga jugeait "opportunistes" en raison d'un ralliement tardif à la cause. Parmi les éléments notables de l'ALO ayant été victimes du régime olinganien, on peut citer certains chefs de guerre swouli dont l'allégeance est passée de la junte à l'ALO durant les derniers jours du conflit. En cause, Olinga s'engage avant même la fin de la guerre en une traque de ce qu'il considère comme des co-responsables du génocide ouwanlindais. Encore de nos jours, plusieurs procès par an d'anciens responsables swouli se tiennent, entre auxtre entreprises mémorielles de la part du régime. De manière générale, Ateh Olinga a fondé la légitimité de son régime sur le besoin de tirer un trait définitif sur les évènements des années 1980 et 1990, se considérant lui-même comme le protecteur des quatre ethnies ouwanlindaises. Dans un contexte si chaotique et dans la mesure où il incarnait à ce moment le seul horizon politique crédible, il semblerait que la plupart des ouwanlindais aient accepté le nouveau gouvernement, à défaut de tous le soutenir, d'autant que le pays sortait alors d'une spirale infernale de conflits étalés sur plusieurs décennies, et que l'épuiqement général a probablement aider à préreniser l'Ouwanlinda olinganien.

Nous pouvons tirer plusieurs constatations de la fin de cette guerre, et des premiers mois du régime olinganien. En premier lieu, nous ne pouvons que constater la violence omniprésente de la politique ouwannlindaise depuis l'indépendance, qui explique en partie les attitudes d'Olinga à l'international. L'Amiral-Président a en effet été un individu, habitué à grandir, puis évoluer, dans des environnements hostiles à toute forme de règlement apaisé des conflits, de sa naissance à sa prise de pouvoir. Assez logiquement, tout comme la violence était le language du régime hatti, comme il était celui du régime de la junte, c'est là devenu un mode de communication tout aussi ordinaire du régime olinganien. Mais la différence fondamentale entre l'Ouwablinda d'Olinga, et toutes les situations par lequel le pays est passé au cours de son existence, réside dans l'utilité qui est faite de la violence. Là où elle nourissait un projet ségrégationniste, puis génocidaire, Olinga a conçu la violence comme une forme de rétribution à l'égard de ceux qui avaient été précedemment victimes des régimes antérieurs au sien. Le concours de Barnabas a été lui au crucial afin de faire du régime olinganien une forme de rupture vis à vis du passé, ponctué par des réformes dont le seul but a toujours été orienté dans la seule fin d'empêcher la reprise des anciens mécanismes sociaux ayant aboutit au génocide ouwanlindais. A ce titre, toute forme de violence religieuse ou ethnique est depuis considérée très gravement, et punie de manière systématique par la mort. Le régime olinganien reprend ainsi les codes de communication de la société ouwanlindaise traditionnelle où la violence est omniprésente, mais dans le but de stopper, selon les dires de Barnabas, le "processus éternel d'auto-destruction de la nation ouwanlindaise".
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La "naissance" de Barnabas



"Regarde moi, et dis le moi: penses tu être assez naif pour croire que les velsniens ont un jour quitté l'Ouwanlinda ? Penses tu qu'ils ne se sont pas servi des tiens comme de simples gardes du corps de leurs trésors ? Les velsniens n'ont jamais quitté ce pays, car ce ne sont que des hommes de pierre et de fer, des hommes sans parole. Les hatti, les zouli, les swouli...chrétiens et musulmans...ce ne sont là que des prêtes noms de pacotille, des choses qui ne valent pas de faire la guerre. La seule guerre qu'il n'y ait jamais eu, c'est celle qui a poussé nos compatriotes à s’entre-tuer plutôt que de réaliser que ce prétendu gouvernement n'avait jamais été le nôtre. Celle de l'alligator contre la hyène !!! "

L'Histoire récente de l'Ouwanlinda est compte tragique se déroulant en plusieurs actes, une histoire horrifique que l'on se raconte pour se faire peur, et il est parfois invraisemblable, rien que le fait de concevoir que tout ce qui s'y est passé eut été réel. Un mauvais rêve qui ne finit jamais. Comment a t-on pu en arriver là, l'Ouwanlinda a t-il été un jour une nation heureuse ? Pas vraiment, et c'est peut-être là le premier de tous les problèmes: le peuple ouwanlindais, en dehors des années récentes olinganiennes marquées par une plus grande stabilité, n'a jamais fait l’expérience du calme et de la tranquillité.

Il serait faux de penser que tout a démarrer du fait des arrivants velsniens. Ces derniers n'ont simplement fait que tirer partie de la misère déjà bien installée et provoquée par les divisions tribales et religieuses. Mais ils les ont rendu systématiques, et n'ont fait que figer une société violente en une réalité immuable d'où il était impossible de sortir. Si on était d'une ethnie chrétienne, on appartenait forcément à une élite notable du littoral: favorisée et éduquée. Si l'on était d'une ethnie musulmane, comme celles qui vivent à l'intérieur des terres, on était forcément un cultivateur ou un pasteur. La stabilité exigée par l'exploitation commerciale de l'Ouwanlinda a ainsi nécessiter de "coincer" une société dans un état de castes et de divisions bien visibles et identifiables par tous. Car l'Ouwanlinda vit avec une malédiction: son sous-sol est l'un des plus riches du monde. Diamant, or, pierres précieuses, argent... Si bien que ce qui n'était au départ qu'une halte commerciale au départ du Nazum s'est muée en colonie d'exploitation, qui n'a cesser d'exister qu'en 1975.

Mais les velsniens étaient-ils vraiment partis ? C'était là une bonne question, un paradigme dans lequel vivent encore aujourd'hui beaucoup de pays afaréens: est-on vraiment indépendant ? Une indépendance sur le papier ne suppose pas forcément une indépendance de fait. La liberté est avant tout liée a des facteurs socio-économiques davantage qu'à un bout de papier, et à des dynamiques internes. L'Ouwanlinda ne fit pas exception: il était difficile d’affirmer un quelconque niveau d'autonomie tant que la métropole usait de tant de leviers de pouvoir sur le sol même du pays. Au delà même de la situation de dépendance, les velsniens, au lendemain de l'indépendance, avaient conservé un pied a terre indéniable sur le plan politique, car la décolonisation ne s'est pas accompagnée de l'effondrement du système de castes implicite qui avait pris racine sous leur joug, bien au contraire. L'Ouwanlinda était toujours cette mosaïque de groupes sous la domination d'un autre, car les chrétiens de l'ethnie hatti qui remplissaient les fonctions d’administration et dont tous les autres groupes étaient dans une situation de subordination, étaient toujours bel et bien à la tête du pays. Une élite post-coloniale s'assurant d'un statut-quo, ne mettant en rien en danger les intérêts socio-économiques velsniens dont les entreprises étaient encore implantées dans le pays, en particulier dans la filière minière.

Cette situation, celle d'une absence totale de changement, de la naissance d'un sentiement de frustration généralisée de la part des autres ethnies, ne tarda pas à provoquer les premiers problèmes, d'autant que l'armée velsnienne n'était finalement jamais véritablement partie du pays, celle ci se consacrant à la formation d'une armée ouwanlindaise, tout en s'assurant de points de contrôle stratégiques au travers du pays. Tout juste cela n'avait été qu'une passation de clés, un changement de propriétaire dont le nouveau n'avait touché à aucune meuble, ou déplacer aucun objet dans la maison. C'est de ce genre de situation, banale frustration à l'origine, que naissent les situation catastrophiques, comme celle qui allait suivre cette courte période de reprise apparente du pays de la part des hatti. Le calme avant la tempête.


Qui était Barnabas dans ce contexte ? Qu'est-ce que Barnabas incarnait face cette situation ? En premier lieu, il convient de dire qu'il n'existait pas de Barnabas à ce moment là, car de nom, il n'était point nommé. Barnabas n'était pas Barnabas, mais un simple étudiant en sciences politiques de l'université d'Opango, membre chrétien de l'ethnie hégémonique des hatti. Au premier abord, rien de prédisposait cet homme à devenir l'un des porte étendards d'une lutte armée contre une faction au pouvoir vers laquelle la sociologie aurait dû pousser cet homme à se diriger. Barnabas était le représentant parfait d'une petite élite locale en devenir qui devait remplacer à plus ou moins long terme les velsniens sur le départ, ou du moins faire office de courroie entre les élites nouvelles hatti en Ouwanlinda et les milieux politiques eurysiens. Élève réputé brillant, promis à une longue carrière dans la haute fonction publique ouwanlindaise, lui même aspirant à un rôle de secrétaire particulier auprès du ministre de la défense de l'époque, Balthzar Taddei, accessoirement son oncle. Seulement, plusieurs événements vont pousser Barnabas à tourner son attention vers des alternatives plus radicales.

L'indépendance et les années 1970 et 1980 en Ouwanlinda correspondent à l'arrivée au sein de la jeunesse éduquée du pays des grandes théories eurycommunistes et communalistes, qui transcendent le simple cadre politique de ma religion et de l’ethnie dans un Ouwanlinda encore très largement marqué par les rapports traditionnels entre individus. Celui qui allait devenir Barnabas se retrouve attiré vers une synthèse, entre nationalisme et socialisme, et un corpus d'idées visant à l'indépendance complète de l'Ouwanlinda de toute puissance étrangère. Pour cela, il va puiser dans tout ce qui peut potentiellement, au sein des idéologies qu'il étudie en détail, lui apporter un avantage matériel qu'il pourra réutiliser dans une situation concrète. Si cet autodidacte ne devient pas à proprement parler un « camarade », il prend acte du besoin de dépasser les rapports inter-ethniques et inter-religieux, voire de dépasser le cadre ouwanlindais pour faire la proposition d'une Afarée organisée et assez puissante politiquement pour résister aux vues des puissances eurysiennes. Cette première formation, celle de la pensée, n'était au début qu'un simple jeu pour ce jeune homme à l'abri du besoin, la première étape dans un processus dont Barnabas n'était ni conscient, ni entièrement responsable. Car sa pensée en construction allait bientôt se heurter à la réalité de ce qui était l'Ouwanlinda, et parfaitement concorder avec ses problématiques.

Barnabas avait un bagage théorique, certes, et il commençait à en prendre conscience, mais ce dernier fut bien inutile lorsque l'on en fit rien. Cultivé, il l'était. Intelligent ? Il l'était indéniablement. Mais il était également en souffrance de plusieurs éléments, qui lui manquaient cruellement. En premier lieu, c'était là un parfait inconnu : un jeune diplômé promis à des tâches subalternes dans l'administration. En rien ce profil ne saurait se constituer en celui d'un individu suscitant une adhésion sincère, d'autant que celui ci ne s'était jamais considéré comme un orateur, ou même une tête de proue. Il lui fallait conseiller, indiquer le chemin à une personnalité déjà connue des ouwanlindais. Populaire et ouverte à ses idées. Une page blanche sur laquelle écrire. Aussi, en parallèle de ses tâches auprès de divers gouvernements locaux, Barnabas commence à tisser des liens, à se quérir, à s'informer, car l'Ouwanlinda était en réalité une mosaqieu au centre duquel le gouvernement central des hatti, de plus en plus fragile, était aussi de plus en plus ignoré. Les chefs de guerre locaux apparaissaient et disparaissaient au gré de leurs victoires ou de leurs défaites. Barnabas franchit alors le pas de la rébellion contre son gouvernement, tout d'abord dans la discrétion et la clandestinité. Il lui fallait trouver la voix qui lui manquait, qu'il ne serait jamais, le seigneur de guerre parfait. Un Homme qui puisse présenter plusieurs avantages : en premier lieu, ne pas présenter un caractère trop identitaire ou attaché à son identité tribale, et qui provoquerait le rejet de la part des populations qui ne seraient pas de son ethnie. Un homme qui n'aurait que faire de ces problématiques culturelles, mais également religieuses. Car le pays était toujours éternellement divisé dans ce prisme bipolaire de la coexistence entre catholans et musulmans sunnites, au delà même des querelles inter-ethniques. Et la plupart des chefs de guerre ouwanlindais, quelque soit leur camp, était de l'avis de Barnabas, prisonniers de cette conception de la politique. Là encore, il lui fallait une feuille vierge, et c'est exactement ce que le hatti a trouvé en la personne d'Ateh Olinga.

Ainsi, ayant épluché durant de longues semaines les profils de plusieurs leaders de groupes d'opposition armée au régime, Barnabas tombe sur ce qu'il nomme lui même «une « perle rare ». En effet, Ateh Olinga constitue dans le paysage de cet Ouwanlinda des années 80 une anomalie. Leader alors jeune et charismatique, le swouli semble être en rupture de ban totale avec la plupart des autres groupes armés de cette ethnie. Qui plus est, l'obscure chef de guerre ne semble pas, à contrario de la plupart de ses homologues, de faire de distinction de religion ou de culture entre ses soldats, ses unités étant constituées d'éléments mixtes. Un fait rarissime dans cette nation post-coloniale marquée par un rapport ethno-racial entre les individus. Onlinga n'a que faire de ce genre de question, et ne semble être qu'un « chef brigang » en roue libre, vivant au jour le jour avec son groupe dans la région forestière du Lac-Croco, dont il chasse scrupuleusement toutes les autres forces, qu'elles soient gouvernementales, velsniennes ou celles d'autres chefs de guerre, et ce avec une facilité déconcertante. Malgré une gestion chaotique, la population locale semble le tenir en haute estime, et il se trouve même que la présence d'Olinga semble avoir provoquer la fin des conflits inter-ethniques dans cette petite région reculée du pays, dont peu calculent alors l'existence.

L'occasion est trop belle pour ce rebelle autodidacte: Ateh Olinga semble être la solution désignée à l'impasse que traverse le pays, dans cette dynamique de conflit civil et ce contexte d'effondrement progressif du gouvernement central hatti. Le 17 juin 1988, Barnabas fait la demande à son gouvernement de son envoi auprès d'Ateh Olinga en tant qu’émissaire devant s'assurer d'une alliance avec ce dernier dans la lutte contre les autres seigneurs de guerre swouli. Du moins, c'est là la théorie, car dans les faits, Barnabas a fait preuve d'une manœuvre ingénieuse dans le seul but de prendre contact avec Olinga, et ainsi le « jauger ».

La rencontre entre les deux hommes fut celle de deux mondes qui jusque là, s'ignoraient mutuellement. Le gratte papier rencontra le chef de guerre. D'aucun dirait que ce genre d’événement est condamné à l'echec. Barnabas se rappelait souvent avoir été terrifié à l'abord du camp de brousse de cet homme si intriguant, si fantasque et étrange, que même les habitants de la région le surnommaient « Casse-pierre », ce qui indiquait bien son caractère trempé, malgré sa popularité apparente. Barnabas eu peur d'être victime de son ethnie et de sa provenance sociale, mais une fois en face de l'Homme, il n'en fut rien. Au contraire, Ateh Olinga vit avec une certaine fascination cette arrivée. Jamais membre du gouvernement honni lui avait été envoyé, mais rapidement, Olinga comprit que les intentions de Barnabas n'étaient pas si simples, et ses propos allaient bien au delà de la simple curiosité de la rencontre. Si bien qu'Olinga proposa au fonctionnaire de rester plusieurs semaines au camp et enn sa compagnie, en guise d'observation. Ce serait là une désertion de poste manifeste pour cet émissaire, mais le chrétien pensait toujours à ce stade qu'il pourrait faire marche arrière. Bien entendu, il n'en serait pas le cas, et Barnabas, malgré sa prudence, malgré son caractère observateur, ne le vit pas. Et il fut également victime de l'enchaînement d’événements indépendants de sa volonté.

Les deux hommes s'entendent bien, et leurs visions respectives se complètent. Ou du moins, elles n'entrent pas en contradiction de manière radicale. Barnabas remarque même qu'Ateh commence à intégrer à son discours des thèmes qui lui sont propres, malgré le fait que ce dernier n'en comprenne pas forcément toute la teneur. Et enfin, l'homme est charismatique, même auprès du diplômé. Il est inspirant, il parle fort et il parle bien. Et par dessus tout, ce dernier possède sa propre histoire, qui vient raisonner avec celle de ses soldats, qui lui semblent d'une fidélité sans faille. Barbanas en entend beaucoup, de l'histoire de ces hommes, et semble être conquis par un éventail de discours et témoignages évoquant l'époque des velsniens, puis celle du joug des hatti. Les mains coupées, les exécutions sommaires, les razzias dans les villages...Ateh était avant tout populaire, car de tout cela il avait subit le même traitement que la plupart des hommes qu'il dirigeait. Barnabas quant à lui, découvrit un autre aspect du régime qu'il servait, et qui le convainquit de s'en éloigner davantage. C'était là une étape importante, pas la dernière nonobstant.

Ateh avait des envolées lyriques, les mots qui collaient au discours de Barnabas, mais aussi des manies et des rites propres à son groupe armé. L'homme savait instaurer une forme de cohésion de groupe autour de sa personne et de sa cause. Parmi ces petites manies, celle qu'il avait d'associer des figures fortes de la mythologie locale ouwanlindaise à son groupe. Il passait pour fou, à se prendre pour un alligator des grands lacs. Mais petit à petit, il transformait ces comparaisons en symboles de résistance, à la fois face au gouvernement hatti, à leurs soutiens velsniens, et aux autres seigneurs de guerre. Et plus il faisait cela, plus sa popularité grandissait.

"Regarde moi, Barnabas, et dis le moi: penses tu être assez naif pour croire que les velsniens ont un jour quitté l'Ouwanlinda ? Penses tu qu'ils ne se sont pas servi des tiens comme de simples gardes du corps de leurs trésors ? Les velsniens n'ont jamais quitté ce pays, car ce ne sont que des hommes de pierre et de fer, des hommes sans parole. Les hatti, les zouli, les swouli...chrétiens et musulmans...ce ne sont là que des prêtes noms de pacotille, des choses qui ne valent pas de faire la guerre. La seule guerre qu'il n'y ait jamais eu, c'est celle qui a poussé nos compatriotes à s’entre-tuer plutôt que de réaliser que ce prétendu gouvernement n'avait jamais été le nôtre. Celle de l'alligator contre la hyène !!! "

Une fois l'esprit conquis, la dernière étape du ralliement du chrétien fut de celles dont on n'est pas responsable, et il est des fois où les événements poussent les individus dans un direction ou une autre. Barnabas est une figure apparue au bon endroit et au bon moment. Ce privilégié de l'ethnie hatti ayant bénéficié d'un capital social que ne lui aurait pas permis une autre condition que la sienne allait être le témoin impuissant de l'effondrement rapide du régime ouwanlindais au cours des années 1980. Les hatti, qui composent environ 40% de la population, se retrouvent ainsi dans une guerre ouverte avec le reste de sa population, malgré les promesses d'une augmentation générale du niveau de vie, malgré les promesses de libéralisation...car c'est le fondement même du régime qui l'a rendu si fragile: une légitimité minée par une indépendance marchandée, un pays subissant encore la domination économique de l'ancienne puissance coloniale, un gouvernement contrôlé par les anciens seconds de ces derniers, qui se complaît dans une forme de statut quo dont personne ne tire profit, sauf les hatti. La chute fut rapide et brutale, car en l'espace de deux mois, entre juillet et septembre 1988, Opango est prise par des milices swouli du sud du pays. Dés lors, la situation s'inverse, les et hatti sont systématiquement exclus de l'administration d'un gouvernement provisoire qui dans les faits, ne contrôle guère plus de 20% du territoire ouwanlindais. Tout cela durant l'intervalle au cours duquel Barnabas était sur le territoire d'Olinga. Le chrétien était désormais l'émissaire d'un régime qui n'existait plus. Il était de fait, coincé auprès de cet homme qui praissait désormais comme son seul protecteur. Ateh Olinga, durant cette période, ne s'est pas fait prié pour prendre part à un certain nombre d'assauts contre les forces gouvernementales hatti, soutenue par des militaires velsniens sur le départ. On dit ainsi que c'est à l'occasion de l'un de ces accrochages que celui-ci aurait obtenu le revolver velsnien à crosse d'ivoire qui est devenu l'un des principaux attributs de son pouvoir.

De leur côté, les autres chefs de guerre swouli se divisèrent rapidement, car l'ethnie est en réalité subdivisée entre l'autorité d'un certain nombre de seigneurs de guerre se refusant à l'autorité des autres. Qui plus est, et il faut l'admettre : aucun d'entre eux n'a une expérience du gouvernement, ni de la subtilité dans l'équilibre qui doit être crée entre les quatre ethnies du pays afin de s'assurer de sa bonne gestion. Les swouli ayant prit le contrôle du gouvernement finissent par se diviser en deux grandes factions, et ce furent finalement les intégristes sunnites qui prirent le dessus. Rapidement, la situation de l'ethnie hatti devint sujet à questionnement au sein du nouveau gouvernement. Les swouli ont prit le pouvoir certes, mais les traces de décennies de domination politique de leurs adversaires ont alors laissé un profond ressentiment, dont le nouveau gouvernement allait se servir afin de perpétrer les actes parmi les plus inhumains de cette période post-coloniale. Au delà du simple fait religieux, l'avènement des nationalismes issus des anciennes divisions tribales exacerbées par les velsniens, ont fait naître chez certains groupes d'intellectuels ouwanlindais la nécessité de la fondation d'un véritable Etat-nation. Pour beaucoup de swouli durant les années 1980, l’assimilation des autres ethnies relève d'un impératif qui vient progressivement s'imposer dans les discours publics et les médias. Les hatti, zouli et tikka sont ainsi vu comme un obstacle de plus en plus encombrant dans cette entreprise, dont il convient de se débarrasser d'une manière ou d'une autre.

A partir du début de l'année 1989, on assiste ainsi à la propagation de ce discours dans toutes les strates de la société, relayées par un éventail de relais: médias généralistes ou régionaux, discours de la classe politique de l’État swouli, approbation des autorités religieuses sunnites... Les premières victimes de cette dynamique sont les hatti, récemment déchus de leur autorité sur l’État et perçus comme les principaux concurrents du nouveau gouvernement. Objet de suspicion contre lesquels il est aisé de faire monter une détestation remontant dés l'époque coloniale. Sous les yeux impuissants du reste de l'Afarée, un contexte pré-génocidaire prend alors place, auquel le groupe armée d'Ateh Olinga, recroquevillé sur le territoire isolé qu'il contrôle depuis la petite agglomération de Lac-Croco, est bien l'un des seuls chefs de guerre swouli à ne pas y prendre part. Sur conseil de Barnabas, Olinga rompt ainsi définitivement avec le gouvernement central d'Opango contrôlé par les swouli, et entre dans une forme d'isolationnisme, tout en commençant timidement à prendre contact avec les seigneurs de guerre tikka, zouli et même les chrétiens hatti. Il s'agit alors de temporiser, tout en se dédouanant de l'action d'Opango, dont beaucoup n'ignorent pas le but de toute cette entreprise de déshumanisation de près de 40% de la population ouwanlindaise. La propagande swouli fait endosser à l'ethnie hatti de plusieurs sobriquets : « cafards », « cancrelats », « serpents »...et d'autres comparaisons faisant des hatti des « ennemis de l'intérieur ».

Cette politique de mise de côte systématique de la minorité hatti est parfaitement mise en exergue par un document gouvernemental distribué auprès des populations swouli, définissant les rapports sociaux à entretenir, à la fois entre swouli, mais également vis à vis des hatti. Ce document est sobrement nommé : « Les impératifs du swouli », et résume bien le prisme racial dans lequel le gouvernement s'est alors enfoncé.

"Les impératifs du Swouli"
1) Tout swouli devrait savoir que toute femme hatti, peu importe qui elle est, travaille dans l’intérêt du groupe ethnique hatti. En conséquence, nous devons considérer comme traître chaque swouli qui:
- se marie avec une femme hatti
- emploie une femme hatti comme concubine.
- emploie une femme hatti comme secrétaire, employée, ou la prend sous sa protection.
2. Tout swouli devrait savoir que nos filles swouli sont davantage aptes et consciencieuses dans leur rôle de femme, épouse, et mère de famille. Ne sont-elles plus honnêtes que les serpents hatti ?
3. Femmes swouli, soyez vigilantes et essayez de ramener vos maris, frères et fils à la raison.
4. Chaque swouli devrait savoir que tout hatti est malhonnête en affaires. Son seul but est la suprématie de son groupe ethnique. Ainsi, chaque swouli qui fait une des choses suivantes est un traître :
- fait un partenariat économique avec un hatti
- investit son argent ou celui du gouvernement dans une entreprise hatti
- prête ou emprunte de l’argent à un hatti
- donne des privilèges à un hatti en affaires (obtention de licences d’importation, prêts bancaires, sites de construction, marchés publics, etc.).
5. Toutes les positions stratégiques : politiques, administratives, économiques, militaires et dans la sécurité devraient être assurées uniquement par des swoulis.
6. Le secteur de l’éducation (élèves, étudiants, professeurs) doit être en exclusivement swouli.
7. Les forces armées de l'Ouwanlinda devraient être exclusivement composées de swoulis. L’expérience du régime hatti nous a servi de leçon. Aucun militaire ne doit se marier avec une hatti.
8. Les swoulis devraient arrêter d’avoir pitié envers les hattis, qu'importe leur situation.
9. Les swoulis, qui qu’ils soient, doivent être unis et solidaires et se sentir concernés par le sort de leurs frères swoulis uniquement.
- Les swoulis à l’extérieur ou au sein de l'Ouwanlinda doivent constamment chercher des amis et alliés à la cause swouli, par commencer au sein de leurs frères swoulis.
- Ils doivent systématiquement contrer la propagande hatti.
- Les swoulis doivent être inflexibles et vigilants envers leur ennemi hatti commun.
10. Les préceptes de notre race doivent être inculquées à chaque swouli, à tous les niveaux. Chaque swouli doit largement diffuser cette idéologie. Tout swouli qui persécute son frère swouli pour avoir lu, diffusé, et appris cette idéologie est un traître.

Barnabas endosse alors, au sein de l'organisation d'Ateh, un rôle de plus en plus important dans ce contexte de ralliement des forces de l’ethnie hatti à Olinga. Celui-ci est reconnu par Ateh pour ses qualités organisationnelles sont le chef de guerre a conscience de ne pas être pourvu, tandis que c'est sous les conseils du chrétien que l'organisation paramilitaire du sunnite élargit son réseau de recrutement aux membres de toutes les ethnies du pays, en plus de l'ouvrir aux chrétiens hatti. De plus en plus, le chef de guerre Olinga est vu comme un protecteur de la plupart des minorités ethniques du pays.

Le 2 février 1990, les années de propagande anti-hatti par le gouvernement swouli trouvent leur concrétisation dans un grand appel radiophonique à un massacre généralisé de cette population. Ce que l'on nommera plus tard le « génocide de l'Ouwanlinda » s'ouvre au matin, pour s'étendre sur une période de 90 jours, sans interruption. La capitale est le lieu des massacres les plus importants, la plupart de déroulant selon des moyens rudimentaires : à la machette ou au couteau. Il n'est pas rare d'assister au massacre de familles hatti par leurs propres voisins, et le degré de violence bouscule jusque aux rapports interpersonnels. Les unions mixtes qui étaient fréquents malgré les divisions tribale pré-coloniales, viennent faire exploser les liens inter-familiaux au nom d'une supposée division raciale. On assiste ainsi à des scènes où des milices swouli forcent des membres d'une famille à en massacrer une autre partie. Tout acte de protection des populations hatti par des membres de l'ethnie swpuli est vu par le gouvernement comme un acte de trahison qui équivaut au même sort. On estime ainsi qu'un quart de la population hatti est éradiquée en un peu plus de trois mois. A ce jour, le bilan définitif du génocide des hatti de l'Ouwanlinda est estimé à 2 millions d'individus.

Face à cette situation, Ateh Olinga est l'un des seuls chefs de guerre swouli à ne pas appliquer de tels ordres sur son territoire, et vient même à en déclarer de manière officielle, la guerre au gouvernement swouli en mars 1990. Cette période est probablement l'une des plus difficiles d'Ateh Olinga, peut-être même davantage que durant l'époque où son groupe armé se battait contre le gouvernement hatti et leurs mercenaires velsniens. Le groupe est pourchassé dans la jungle ouwanlindaise, et subit un certain nombre de revers.

En parallèle, la situation catastrophique des hatti et leur extermination systématique provoque un violent sursaut des groupes paramilitaires de cette ethnie, qui se se multiplient sur tout le territoire. La guerre civile reprend de plus belle. Mais c'est ce contexte de génocide, qui paradoxalement, va renforcer la position d'Ateh. Son groupe est ainsi le seul multiconfessionnel et multi-ethnique du pays, et le seul groupe dont le chef n'est pas swouli, et qui ne s'est pas rendu coupable de crime contre l'humanité. Naturellement, l'attitude du gouvernement swouli va fédérer les oppositions contre lui, qui vont s'incarner en la personne d'Ateh Olinga. Le nom d'Olinga devient graduellement, malgré les revers militaires de ce dernier, un cri de ralliement d'une large partie de la population, dépassant le simple cadre ethnique. Ateh Olinga a crée sans le vouloir un sentiment national, uni autour de sa personne, identifiée comme celle d'un héros se vouant à la protection, non seulement des minorités hatti, mais commençant à réunir les peu nombreux zouli et tikka, prenant conscience que le projet génocidaire du gouvernement pourrait bien se reproduire contre eux. Dans le même temps, il faut au pays un dirigeant issu de l'éthnie majoritaire du pays pour ne pas provoquer, d'un autre côté, le rejet des swouli. En ce sens, le profil d'Ateh Olinga était tout trouvé.

On suppose que c'est à cette période que Barnabas s'impose, lui aussi, comme une personnalité populaire, en particulier auprès des chrétiens. Celui-ci est de plus en plus identifié comme le porteur du nom de code/de guerre que lui a donné Olinga, en référence d'un épisode biblique: « Barnabas ». Les deux hommes nouent une amitié teintée de crainte de la part de Barnabas pour le caractère emporté et vif de son compère de rébellion, d'autant que sa traque par le gouvernement swouli. Dans ces moments de clandestinité, on sait également qu'Olinga va instaurer son système de « sosies » de sa personne, pour sa plus grande sécurité, et qui perdure de nos jours. Le gouvernement fait ainsi parfois face à des actes multiples commis par Olinga dans la même journée, à des points du territoire éloignés de plusieurs centaines de kilomètres. Ce n'est pas tant par les armes que par l'usure du pouvoir qu'Ateh et Barnabas vont provoquer l’effondrement du régime. Le désamour progressif de la population swouli vis à vis de son gouvernement revêt de plusieurs facteurs, dont les rebelles d'Olinga ont manifestement profité : les sanctions internationales suite au génocide, l'effondrement économique du pays, l'organisation de plus en plus efficace des milices olinganiennes et chrétiennes, toutes ces raisons ont raison au fil des mois de la stabilité du régime. Le gouvernement swouli revit alors la même situation que celui des hatti qui l'a précédé, avec la perte du contrôle de la plupart de ses territoires entre les mois de septembre et de décembre 1991.

Après d'intenses combats, c'est donc au tour de la milice d'Olinga d'effectuer une entrée triomphale dans la capitale le 21 décembre 1991. Si ce dernier met immédiatement fin à la politique de répression des hatti, cela ne doit pas occulter le fait que son groupe paramilitaire s'est également rendu coupable de crimes de guerre pendant et après sa conquête du pouvoir. En effet, nombre de milices swouli n'ont pas déposé les armes avant 1995, et la campagne qui a suivie la prise de la capitale a donné lieu à un certain nombre de massacres venant alourdir le bilan du génocide des hatti. Peut-être Olinga devait donner aux ethnies autrefois marginalisées un prix à payer aux swouli. On considère que la guerre civile prend fin dans l'année 1996, après la conclusion d'accords dans le cadre d'une réunion de tous les chefs de villages du pays, réunion forcée par Olinga qui lui accorde des pouvoirs étendus afin de reconstruire l'Ouwanlinda... Nul doute que Barnabas, dans la stabilisation du nouveau régime, a eu un rôle majeur qu'il possède toujours.
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