11/05/2017
22:27:51
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[Burujoa - Maronhi] III. Cycle législatif - BongDang : « Le Non-Agir »

LE NON-AGIR

CYCLE LÉGISLATIF - BONGDANG
Empire du Burujoa / République Nationale-Socialiste de Maronhi


Cycle législatif - "Le Non-Agir"




山の上で
月も光る
花泥棒

Sur la montagne
La lune éclaire aussi
Le voleur de fleurs.





Sous un ciel couvert d'une pâle étendue de nuages, portée par le souffle léger du lointain, la délégation maronhienne descendit les marches de l'aéronef qui les avait porté de l'extrême-levant jusqu'ici. Dans la neige jinuienne de la piste d'atterrissage, se dessinait d'abord les pas des diplomates et gardes du corps, puis d'un couple et d'un enfant. Les représentants de la famille impériale du Burujoa qui les attendait pour les mener jusqu'au palais local découvrirent bientôt la Gran Man, accompagnée de son illustre inconnu de mari, et d'un mystérieux enfant qui, ne pouvait être que leur fils, mais dont le visage était parfaitement inconnu du grand public, que ce soit ici ou même en Maronhi.

Une semaine avant le départ, le chat domestique du couple mannal mourut. Il n'était point fort vieux, et ce n'était pas non plus un chat de palais, tout au contraire, c'était une créature vive, aventureuse. Sa vie fut donc mouvementée, mais aussi, comme il arrive généralement aux plus téméraires, elle connut une fin abrupte et prématurée. Ashitara, le tout jeune fils du couple, qui s'était entiché du félin, tomba donc dans sa première grande tristesse. La douleur était assurément démesurée mais elle était des plus naturelle ; en effet, le monde lui était encore une chose toute nouvelle, et il était loin de se douter que la peine qui lui était causée allait être le lot de toute une vie. Pour lui faire oublier cette peine, Awara se décida de partir avec son mari et son fils, espérant que ce dernier chasse, comme nous le faisons tous, les émotions trop fortes par la distraction. C'est ainsi qu'à trois ils s'envolèrent bientôt pour BongDang, assez spécialement car il n'était pas dans les règles du régime d'accorder le moindre rôle politique, même symbolique, à la famille du porteur du grand mandat mannal.

Bientôt arrivés dans une cour vaste comprenant un grand champ de neige, le jeune fils d'Awara, quelque peu happé par ce paysage qu'il n'avait jamais vu auparavant, se laissait aller à l'émerveillement d'un monde fait de neige. Lui qui n'avait connu des merveilles de la nature que le grand bois, découvrait ce qu'il nommait « le grand froid ». Il avait entendu parler de ces vastes étendues blanches, certains de ses camarades allaient même jusqu'à affirmer que la neige était aussi une invention des grandes personnes, mais jamais il n'aurait imaginé la sensation du froid doux et crissant sous ses pieds nus. Chaque flocon, délicat et éphémère, semblait danser autour de lui, et il tendait les mains vers le ciel, capturant ces petites merveilles glacées qui fondaient aussitôt sur ses paumes chaudes. Le sourire timide, il se restreignait pourtant à se laisser aller, comme prisonnier d'une pudeur dont il était lui-même maître. Il pouvait à tout instant oublier le malheur, il pouvait se rouler dans la neige et s'en remettre à la légèreté de la vie d'enfant, mais il se contraignait consciemment. Alors qu'il observait les flocons tomber dans le champ de neige, un homme de haute stature, très richement habillé, s'approcha doucement. Avec un sourire paisible, il s'accroupit à côté du garçon et ramassa un peu de poudre glacée dans sa main.

« Vois-tu, petit, » commença-t-il, « la neige tombe sans effort, elle recouvre le sol sans bruit, sans lutte. Elle ne cherche pas à être autre chose que ce qu'elle est. Comme la neige, il ne s'agit pas de rester immobile, mais d'accepter de suivre le courant naturel des choses, de ne pas forcer, de laisser les événements se dérouler selon leur propre rythme. »

Il laissa les flocons s'échapper de sa main, les observant fondre au contact de la terre.

« Nous aussi, dans la vie, nous devons parfois savoir laisser faire, ne pas trop en vouloir, ne pas trop nous accrocher. C'est ainsi que nous trouvons la paix, en agissant sans attachement, en étant comme cette neige, légère et tranquille, qui accomplit son rôle sans effort. »

Le garçon observa le sol, et les traces laissées par l'homme dans la neige, visiblement peu convaincu par l'idée.

« Tu sais ce que me dit ma femme ? »

Il tourna vivement la tête de gauche à droite, comme pour signifier son ignorance.

« Elle qui est chrétienne, me dit souvent que Dieu est bon, que toutes choses viennent de lui et que le Mal n'existe pas de lui-même.

- Pourquoi il arrive tant de malheurs alors ? »


L'homme sourit doucement au garçon, satisfait de cette interrogation, tant elle lui paraissait commune à toute l'humanité, et tant la quête de réponse le fascinait. Il prit un instant pour observer la neige qui continuait de tomber, chaque flocon trouvant sa place sur le sol, silencieux et serein.

« Le Mal, vois-tu, n'est pas une chose en soi, mais plutôt l'absence de bien, comme l'ombre est l'absence de lumière. Quand la lumière disparaît, l'ombre apparaît, mais l'ombre elle-même n'a pas d'existence propre. Les malheurs arrivent, non pas parce qu'un mal existe, mais parce que quelque part, un bien fait défaut. Quand les hommes choisissent de s'éloigner de la bonté, de l'amour et de la justice, cela crée un vide, un manque de bien, que nous ressentons comme malheur.

- Comme le froid ?

- Exactement, comme un froid glacial qui n'est rien d'autre que l'absence de chaleur. »


Les délégations maronhienne et burujoise marchaient côte à côte plus loin dans le champ. L'homme continua, posant doucement sa main sur l'épaule du garçon, comme pour lui signifier un soutien quelconque.

« Il est difficile de comprendre pourquoi le malheur frappe, surtout quand nous voyons des choses injustes ou douloureuses arriver. Ce que nous appelons "mal" peut aussi être vu comme une partie du plan de l'Infini. Ce n'est pas parce que l'Infini désire le mal, mais parce qu'à travers ce que nous voyons comme malheur, un autre bien peut naître. Imagine la terre, avant que la neige ne tombe. Elle est nue, exposée, fragile. Puis vient l'hiver, avec son froid mordant, et la neige recouvre tout, protégeant la vie en dessous. À première vue, le froid et l'hiver peuvent sembler cruels, mais sans eux, la terre ne se reposerait pas, les graines ne germeraient pas sous cette couverture blanche, et le printemps ne viendrait jamais. Le mal, dans ce sens, n'est pas un mal en soi, mais une étape nécessaire pour la naissance d'un autre bien. »

Awara, qui s'était écarté du cortège des délégations, s'approchait. L'homme laissa son regard dériver vers l'horizon enneigé, réfléchissant à la meilleure manière d'ancrer ses paroles dans le concret.

« Un livre parle d'un homme qui a tout perdu, ses biens, sa famille, sa santé. Cet homme, en grande souffrance, questionne l'Infini, cherchant à comprendre pourquoi ces malheurs lui sont arrivés alors qu'il a toujours été un homme juste. Et l'Infini lui répond, mais pas comme il l'attendait. L'Infini lui montre la grandeur et la complexité de ce qui est, lui rappelant que l'humanité ne peut pas toujours comprendre l'ordre des choses. Ce que l'homme apprend, c'est que la souffrance, même si elle semble injuste, fait partie d'un ordre plus vaste, d'un plan où chaque douleur a sa place et peut mener à un bien plus grand. Alors, quand tu te demandes pourquoi il y a tant de malheurs, souviens-toi que ce que nous voyons comme mal peut être une étape vers quelque chose de plus grand. Peut-être que le mal est là pour nous guider, pour nous faire grandir, pour nous faire découvrir un bien que nous n'aurions jamais connu autrement. C'est difficile à accepter, mais c'est aussi une manière de trouver la paix, même dans les moments les plus sombres.

- Vôtre Majesté »
, enjoignit Awara à une légère inclinaison de la tête, elle qui était arrivée sur le côté de l'homme.

« Vôtre Excellence », rétorqua-t-il, en inclinant de même la tête.

Awara et l'homme, qui n'était autre que l'empereur Tadashi, ayant trouvé un instant de tranquillité, échangèrent alors sur diverses choses, mêlant souvenirs, réflexions et anecdotes, laissant leurs mots s'enrouler comme les volutes d'un feu de camp, réchauffant l'atmosphère froide de BongDang. Ashitara marchait à leur côté, écoutant les prémices de la rencontre diplomatique qui les avait mené jusqu'ici, entrant par ces brefs échanges pour la première fois dans le monde des grandes personnes. Ce dialogue se prolongea jusque tard dans la journée, sachant pourtant tous deux que les discussions formelles commenceraient tôt dès le lendemain, et qu'elles inaugureraient un nouveau chapitre dans l'histoire des échanges entre la Maronhi et le Burujoa. Les officiels de ces deux contrées se préparaient pour l'occasion de cette nouvelle rencontre, faisant suite à une première et à une seconde entente, respectivement à Karaimu et Siwa, où ce qui devait se dérouler se déroula jusqu'ici sans grande peine.
BongDang prend sa revanche !

S’il devait y avoir une ville burujoise, juste une, pour représenter l’ennui, la tristesse, la grisaille, la solitude… N’importe quel Burujois aurait répondu, sans la moindre hésitation, BongDang, cette grande ville industrielle, poisseuse, miséreuse du Nord de la grande région d’Ylma-Jinu. BongDang a été pendant des décennies la ville des punitions, des frustrations, pour punir un fonctionnaire ou un employé sans avoir à le virer l’administration impériale, les grandes entreprises publiques comme privées envoyaient systématiquement leurs employés à BongDang. Dans la plupart des cas, les employés sanctionnés préféraient démissionner que de devoir aller vivre dans la “Grande ville triste”. Il en est de même pour de nombreux étudiants qui, à l'issue des concours d'admission, devaient se rabattre sur les misérables universités publiques de la capitale de la Jinu au lieu de la bouillonnante Flatterel ou de l’éternelle Karaimu. Même en Jinu, BongDang fait honte à ses habitants, on y préfère toujours la douce et tranquille CongYeong, l’historique capitale “du Nord” à la lugubre et moderne BongDang, la capitale indigne.
BONGDANG

Mais BongDang prend sa revanche, elle se modernise, s’embellit, retrouve ses monuments détruits au début du XXe siècle pour “faire de la place”. Depuis quelques années, elle devient même la vitrine d’une nouvelle forme de ville, où patrimoine et verdure cohabitent harmonieusement au service de ses habitants. Elle doit ainsi devenir la première ville du monde de plusieurs millions d’habitants sans voiture, où la marche, le vélo et les mobilités collectives sont roi. Chaque jour BongDang se transforme un peu plus grâce à un renouveau intellectuel tourné vers l’électronique, le digital, la robotique… Les nouveaux géants industriels burujois ne s’installent plus dans la trop prisée Karaimu mais dans la dynamique BongDang.

Malheureusement, la mauvaise réputation de BongDang a dépassé les frontières de l’Empire et s’est assez répandue dans les pays de culture nazumi et/ou à forte diaspora burujoise. C’est donc tout naturellement que l'élite politique maronhienne connaît la mauvaise réputation de BongDang et a été très réticente lorsque la diplomatie impériale leur a confirmé que le IIe cycle de négociations “législatif” se tiendrait bien à BongDang. Jusqu’au plus haut sommet de l’Etat maronhien, on tente de convaincre les Burujois de changer de ville, en vain. On proposa Souhoro, cité de la gastronomie, Kurofunaro, berceau de l’Empire, Touhara, pilier automobile burujois, CongYeong, capitale historique de la Jinu… Mais rien n’y fait, l’empereur Tadashi IV avait décidé que BongDang méritait ces négociations et par conséquent toute l’administration impériale, à commencer par sa soeur, Keiko Burujoa, la cheffe de la diplomatie, respecta cette décision, au risque de froisser leurs frères Maronhiens.

C’est donc avec une certaine réticence que la délégation diplomatique maronhienne chargée de négocier les règles judiciaires et législatives communes arriva à BongDang. Seule la Grand Man Awara n’en n’avait que faire des préjugés de ses collaborateurs, elle préférait faire confiance à son ami Tadashi IV. Quant au petit Ashitara, BongDang sera pour toujours son premier voyage, sa première découverte du Nazum, de l’étranger. Et quelle découverte ! Le petit garçon découvrit non seulement la neige, mais également une certaine vision de la modernité, sauce burujoise, les autorités locales chargées de l’accueil des Maronhiens firent tout pour leur en mettre plein la vue. Ainsi, la Grand Man et sa suite découvrirent d’abord un aéroport unique au monde, toute en rondeur, en grâce et en harmonie avec la nature. Ensuite, ils prirent place à bord d’un inédit train à suspension magnétique, jamais le petit garçon n’avait pris un train aussi moderne. On leur fait aussi goûter quelques spécialités locales, réputé pour être très épicé. Par la suite, ils découvrirent un BongDang magnifié par deux décennies de grands travaux, de bâtiments somptueux et de transformation radicale de la morphologie urbaine à coût de milliards et de milliards de Flairy. Enfin, tout ce beau monde est arrivé au palais de BongDang pour le début des négociations.

BONGDANG

Après leur première rencontre “anonyme” dans les vastes prairies enneigées entourant le palais, les deux familles impériales et mannales se présentèrent officiellement l’une à l’autre. La famille impériale eu de quoi grandement impressionner entre l’empereur Tadashi IV à la carrure énorme souligné par des habits à la hauteur de sa fonction, une impératrice Katherine Ière à la grâce naturelle indescriptible et enfin un prince héritier à la beauté légendaire, qui fait s’arrêter toutes les conversations quand il rentre dans une pièce et attire tous les regards dans la rue.

La Gran Man connaissait bien l’empereur Tadashi IV, l’impératrice Katherine Ière ou le prince Leonhardt. Les deux chefs d’Etat se serrèrent d’abord très chaleureusement les mains, en signe d’amitié mais aussi pour les photographes, avant de se faire une petite accolade très amicale. Dame Kouyouri est ensuite ravi de faire une bise à l'impératrice Katherine Ière, les Maronhiens sont bien peu habitués à ce geste des plus exotiques, mais la diplomatie passait avant tout. Enfin, voyant le prince héritier Leonhardt, elle fit un petit sourire camouflé avant de lui tendre maladroitement la main droite, n’osant pas lui faire la bise. Après cela, le mari d'Awara, après une convenable inclinaison, serra la main de l'empereur Tadashi et fit également la bise à l’impératrice Katherine Ière, donnant des sueurs froides au chef du protocole maronhien, puis salua discrètement le prince héritier.

Le drame arriva au moment de la présentation du petit Ashitara, plus timide qu’à l'accoutumée, le fils de la suprême leader maronhienne se cacha derrière sa maman. Elle le prit alors dans ses bras. L’empereur Tadashi IV tenda sa grande main droite vers la toute petite main d’Ashiatara et la lui serra “comme le font les grandes personnes mon petit bonhomme”. Après cela, l'impératrice Katherine Ière lui caressa tendrement la joue.

« Mais il faut pas avoir peur de nous, t'y bezo va. »

Mais le pire arriva avec la présentation de Leonhardt, le jeune prince héritier aux cheveux d'un blond éclatant. Hors, cette caractéristique capillaire est somme toute déjà rare en Ylma-Jinu, mais elle l'est encore plus en Maronhi. Encore pire, outre Scintillant, au sein des populations du plateau maronhien, l'on raconte toutes sortes d'histoires fantastiques sur les individus blonds de cheveux, de la même manière que que les individus aux mirettes azurées ; ce serait des malins, des esprits démoniaques, des êtres irréels, des sorciers, ou plus encore. C'est donc, tout logiquement que le jeune Ashitara grandit avec ces préjugés bien précis à l'esprit. Ainsi, quand Leonhardt s'avança vers Ashitara, le jeune garçon prit soudainement peur et se blottit aussi vite contre sa mère.

« Maman… Le monsieur est doré, comme dans les histoires… », murmura-t-il. Ce fut ses premiers mots sur ce qui lui semblait être un trait révélant la noirceur de l'âme de ce qui s'en trouvait affublé par la nature. Même s'il était au contact de l'impératrice Katherine Ière, qui était aussi blonde que son fils, cette dernière avait subtilement caché son imposante tignasse blonde sous une toque vomogorou en fourrure d'ours, l'empêchant de la suspecter elle aussi d'être atteint du même mal que sa progéniture.

Leonhardt essaya de détendre l'atmosphère avec un peu d'humour au premier degré : « Le vilain monsieur doré sera très méchant si tu ne lui dis pas bonjour. » Comme le protocole le prévoit dans ces moments-là, un domestique impérial donne discrètement un bonbon à la fraise, un des parfums préférés des petits Burujois, au prince afin qu’il le donne ensuite en récompense à Ashitara. Ce petit geste discret se reproduit à chaque fois qu’un sujet de l’Empire présente son enfant à un membre de la famille impériale. Mais si les bonbons à la fraise sont extrêmement appréciés au Burujoa, c’est tout le contraire en Maronhi ou ce fruit est parfaitement inconnu. Ashitara gouta le petit bonbon artisanal, mais en apprécia guère le goût. Après une moue de dégoût, il s’adressa à sa mère.

« Maman, j’ai raison, le monsieur doré est un sorcier, il veut m’empoisonner. » Toute la délégation burujoise ria joyeusement, les Maronhiens étant un peu plus gênés devant le comportement bien peu diplomatique du jeune fils du leader charismatique de la Maronhi. La brillante Keiko Burujoa rattrapa l’impair de ses services en donnant un second bonbon artisanal au petit Ashitara, cette fois-ci au gingembre, une saveur bien plus apprécié en Maronhi qu’au Burujoa.
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