Posté le : 24 août 2024 à 23:09:53
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La scène était tout simplement incroyable… Un engouement, une ferveur pour le camarade Marquez, à laquelle il ne s’attendait guère. À certains égards, on pouvait presque discerner une rougeur fugace sur son visage, trahissant sa surprise et sa sensibilité, alors même qu’il incarnait la figure du révolutionnaire, de l’icône socialiste. Voir cette jeunesse stranéenne l’acclamer avec tant d’aplomb lui rappelait ses propres années de jeunesse, lorsqu’il prononçait ses premiers discours fédérateurs sur le campus de sa faculté, préfigurant ainsi les prémices de la révolution historique qui allait suivre. Retrouver cette effervescence dans les rues d’un pays situé à plus de 10 000 km de chez lui renforçait sa conviction intime que, peu importe le lieu, le peuple qui l’habite manifeste une volonté commune qui transcende toutes les cultures: c’est la soif de liberté d’existence, le désir de vivre selon ses propres termes et de s’émanciper autant que possible de toute contrainte. Sol Marquez aimait à dire: « J'aime les peuples où la négation de l'autorité est son socle fédérateur. Moi, je n'ai pas encore rencontré un homme qui m'est dit, en face, je veux absolument obéir à quelqu'un ou à quelque chose, je veux définitivement être une lavette. Nous sommes tous des anarchistes, au fond de nous. ». C’est dans cet esprit que Marquez percevait la révolution : l’anarchie devait prévaloir pour balayer toute force colonisatrice. Et de leur côté, les Negara Strana faisaient écho à cette dynamique ayant vigoureusement botter le cul des Fujiwans.
En somme, le camarade Sol Marquez adressa ses salutations à Madame Kawaya Haryanto et Madame Calista Yulianti avec une attention toute particulière, prenant le temps nécessaire pour tisser un lien, forgeant ainsi une complicité empreinte d’un singulier sentiment de bien-être. Habituellement chaleureux, Marquez tend à négliger le protocole diplomatique qu’il trouve excessivement contraignant, une opinion mûrie depuis le désordre de son bureau à Caribeña. Il se l’imaginait, tel un enfant n’ayant jamais participé à de telles rencontres; ainsi, lors de sa première visite au Negara Strana, il se permit presque de renier toutes ses préconceptions sur les protocoles, jugés ennuyeux, rigoureux et interminables, s’engageant à s’adapter du mieux qu’il pouvait. C’était, finalement, un apprentissage sur le vif. Par moments, cependant, son caractère authentique refaisait surface, sa franchise indomptable perceptible comme une démangeaison littérale.
À son arrivée dans le bureau de la Première Commissaire du Peuple, il prit ses aises avec désinvolture, explorant l’espace les mains dans les poches, avant de se ressaisir. Franchement séduit par une décoration qu’il jugeait peu conventionnelle pour son pays, il ne put s’empêcher de commenter, avec un rire: « C’est joliment agencé ici, vous avez un véritable art de la décoration, cela porte un goût résolument rouge, ahaha. »
Camarade Sol Marquez prit donc place à la grande table, soigneusement disposée pour les discussions, où il identifia d’emblée, d’un regard vif en pénétrant la salle, le siège qui lui était destiné. Il déposa même son béret noir à ses côtés sur la table et entama la conversation d’un ton plus formel, se posant véritablement en leader de la Révolution de son pays et conscient de la portée historique de cette rencontre. « Mesdames, permettez-moi de vous exprimer à nouveau ma gratitude pour votre accueil chaleureux. Je ne manquerai pas de le souligner à votre Président, un homme charmant qui a su me mettre à l’aise dès notre première rencontre. Il possède un je-ne-sais-quoi de spécial, ce monsieur. Si je suis ici aujourd’hui, c’est parce que je sollicite l’aide des révolutionnaires du monde entier, mais aussi pour mieux comprendre vos projets et vos idées, celles qui restent méconnues du grand nombre. Je sais bien que la confiance se gagne avec le temps et les actions, mais ne pourrions-nous pas établir dès maintenant une relation de confiance mutuelle? Allons droit au but. Avez-vous pour ambition de promouvoir la libération des peuples opprimés à l’échelle mondiale, dans une approche interventionniste semblable à celle du Grand Kah? J’aimerais cerner l’étendue de vos aspirations pour orienter notre discussion. »