Ainsi, Marie-Hélène voyait son fils s’éloigner d’elle peu à peu, complètement absorbé par les réunions avec les Ministres Impériaux. Il signait déjà son premier décret il y a quelques jours, il allait aujourd’hui se marier. À seulement quatorze ans, Louis offrait déjà son corps, son âme et son cœur, disparaissant progressivement au profit du large spectre de la figure de l’Empereur, spectre qui s’empare de père en fils d’un homme désigné par l’impénétrable destin.
L’Empereur Louis se tenait donc en premier plan sur le quai, vêtu de l’uniforme traditionnel qu’on avait reproduit selon ses dimensions. Derrière lui, le Premier Ministre Impérial, Monsieur Bergé, attendait patiemment, en compagnie de plusieurs autres des Ministres clovaniens. Il y avait là aussi quelques hommes forts dont Monsieur Bergé s’était entouré pour garantir à l’exercice de sa charge des appuis solides dans le régime. Dans les rangs de ces alliés du pouvoir, on pouvait compter l’aide de camp Georges du Porche, qui avait grandement participé à la mise en place du procès de Marine, les maréchaux Plotin et Muradotte, ou encore les généraux Valencourt et Mastrignac. Surtout, le Grand Maréchal de Clovanie Paul Joffrin discutait à voix basse avec le Premier Ministre. En tant que second chef des armées derrière l’Empereur, il incarnait le troisième homme du régime et sa participation avait été très importante dans les décisions ayant suivi la mort de Pétroléon V, surtout dans celle concernant la régence. Tous les Ministres Impériaux s’étaient rangés du côté du Premier Ministre Impérial et du Grand Maréchal, et avaient appuyé leur décision de ne pas instaurer de régence. À vrai dire, il n’était un secret pour personne que ce choix était avant tout symbolique, et que chacun des Ministres avait une occasion inespérée de prouver sa valeur dans les prochaines années.
À mesure que le navire grisolien approchait, les regards se faisaient plus fréquents entre les personnalités présentes sur le quai. Les uns ajustaient leurs cols, les autres défroissaient encore leurs manches, seul l’Empereur Louis Ier gardait les yeux fixés sur le navire approchant, tentant d’apercevoir malgré la distance la silhouette de sa fiancée sur le pont du bateau.
Le navire en provenance de la Principauté accosta donc au port de Legkibourg, et la Famille Princière put poser le pied sur le sol d’une Clovanie nouvelle, transformée par les derniers événements. Seule Sofia avait pu découvrir le pays auparavant, le reste de l’illustre troupe n’avait jamais eu l’occasion de connaître cette douce nation. Une escorte cérémonielle entourait les membres de la famille du Prince, lequel s’avançait vers l’Empereur aux côtés de sa fille. Il savait qu’il repartirait sans elle du pays clovanien, et appréhendait déjà cet instant.
Louis Ier : Cher Prince, vous êtes le bienvenu, vous et toute votre Famille, en Clovanie.
Il porta son regard vers sa fiancée en souriant.
Louis Ier : Sofia, je suis très heureux de vous revoir, et je ne suis pas le seul.
L’ensemble des Ministres Impériaux et des officiers présents sur le quai adressèrent les salutations d’usage à tous leurs invités. Le Prince avait aussi amené avec lui quelques uns des Conseillers des Bulles de Grisolia, augurant de riches discussions dans tous les domaines concernés. La délégation embarqua dans un grand convoi d'automobiles officielles richement escortées par l'Armée Impériale, et se dirigea vers le Palais de la Gloire.
Après une longue visite de toutes les pièces du Palais, les femmes des deux familles entamèrent les discussions de préparation de la cérémonie de mariage.