18/02/2017
14:26:09
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Sommet du NORD PALTOTERRA sur la cause environnementale

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Avaient été invités au Bourg des Mahoganys l'ensemble des nations de Paltoterra du Nord : Alguarena, Grand Kah, Marohni, Péronas et bien d'autres pour ne citer que les plus influentes. La rencontre se tint dans le palais ducal, édifice où se tenait la Haute Assemblé, dans un grand bureau avec une tout aussi grande table finement ouvragée par les meilleurs ébénistes de Sylva. La journée était chaude, mais l'impopularité des clims se faisait sentir même dans le gouvernement sylvois. On avait conséquemment juste les fenêtres ouvertes, un toit et des murs bien isolés pour bloquer la chaleur étouffante du soleil, et quelques ventilateurs sur le plafond pour aérer la pièce, et c'était largement suffisant pour avoir une température fraiche. Des boissons glacées (non alcoolisées, tant que les discussions politiques ne seront pas terminées) étaient également à disposition même si on se doutait que les voisins paltoterrans étaient dans l'ensemble acclimatés aux températures tropicales voire équatoriales (peut-être même que les représentants alguarenos avaient froid ?).

Étaient présentes la Duchesse Alexandra Boisderose et la présidente Bernadette Vougier, cette dernière prenant la parole avec les formelles et presque répétitives salutations d'usage :

"Bonjour à tous. Je tiens dans un premier lieu à vous remercier comme il se doit pour votre présence, témoignant de l'attention portée à une ambition qui tient à cœur aux politiciens et sujets sylvois.

Comme dit, cette rencontre a pour but de nous entendre sur diverses questions environnementales au niveau maritime, plus précisément pour faire suite aux discussions à répétition sur les ZEE que l'on observe dans le monde. Pour tout vous dire, cette réflexion est née des mésaventures de pécheurs sylvois travaillant à Caratrad et au large de Kolisburg, amenant à des questionnements sur les ZEE et l'arrivée de rav... de pécheurs kolisiens. La présence de ces pécheurs au large de nos cotes ne représentait pas un problème : le Duché est vaste, ses côtes également, et ses ressources naturelles suffisent à soutenir largement notre population. Mais cela amène à deux questionnements.

Primo, si le Duché n'a aucune revendication au niveau des ressources marines à proximité de ses côtes, il ne saurait pour autant tolérer des activités nuisant à l'environnement : exploitations minières sous-marines relâchant des brumes de poussières nuisibles à la faune, forages pétroliers outranciers, déversements de déchets, vous l'aurez compris, la liste est longue.

Deuzio, le Duché s'oppose à l'accaparement arbitraire de ressources marines sur un globe ou n'existe actuellement aucun traité, aucune entente internationale sur le sujet, sans concertation avec le voisinage. Qu'est-ce qui justifie que Kolisburg revendique les ressources au large de ses côtes ? Pourquoi un poisson passant à moins de trois cent soixante-dix kilomètres de ses plages l'appartiendrait ? Sans entente sur la question, seul la force de la marine permet de légitimer une telle revendication, ce qui nous amène directement à des tensions.
Pourtant, il y a un élément légitime à cette question et qui s'intègre dans la continuité des luttes écologiques abordées plus tôt : l'alimentation d'un peuple. En Sylva, notre population ne déborde pas et dispose de larges surfaces agricoles et côtières pour subvenir à ses besoins. Il est conséquemment normal que par chez nous, nous trouvons déplacé de revendiquer ainsi des ressources marines quand nous ne connaissons aucune pression alimentaire. Mais les kolisiens vivent quant à eux entassés avec bien moins de surfaces agricoles et sommes toutes peu de zones côtières revendiquées pour la pêche. En un mot comme en cent, les ressources halieutiques à proximité immédiate constituent un besoin vital pour eux, ce qui explique leur agressivité, ça et leur incompétence diplomatique habituelle, mais c'est un autre sujet qui ne concerne pas cette rencontre.

Pour en revenir à notre sujet, voici l'axe de discussion que je propose :
-Mettre à plat l'état final recherché de manière concise, à savoir la préservation de l'environnement et les contraintes que cela implique. La chose se fait sur un axe avec divers degrés d'interventions pour un résultat variable. Si dire "nous souhaitons préserver la vie marine" est aisé, encore faut-il nous entendre sur le "jusqu'à où sommes-nous prêts à aller pour se faire ?". Voulons-nous mettre définitivement fin à la moindre gène occasionnée envers les poissons en interdisant la circulation de navires ? Certainement pas, et les normes auxquelles chacun sera d'accord pour consentir sont variables.
-Une fois défini l'objectif environnemental, il faudra intégrer des objectifs humains dans la continuité en tenant compte de la dépendance de nations aux ressources halieutiques. Sylva s'oppose aux revendications unilatérales de ressources marines, mais entend qu'une nation qui en dépend s'en approprie l'accès. Il convient donc d'intégrer ce critère de manière à ne pas autoriser une pêche extérieure si cela provoquait un déclin des populations de poissons, si une population humaine maintient son activité standard pour assurer son alimentation.
-Une fois l'ensemble des contraintes et objectifs définis, nous pourrons les mettre sur papier et nous accorder sur une entente internationale à appliquer dans un premier lieu en Paltoterra du Nord. L'objectif sera comme dit d'appliquer conjointement des exigences pour préserver l'environnement marin et les populations dépendant de la pêche sans nécessairement entrer dans le cadre de ZEE revendiquées.

Je reviens sur cette question des ZEE : pourquoi ne pas directement nous entendre pour reconnaitre mutuellement nos éventuelles ZEE ? Tout simplement parce que la problématique est plus large. Les eaux communiquent et si Sylva ravage sa biodiversité dans "sa" ZEE à coup de surpêche et déversement de déchets, peut-être que cela affectera ses voisins kah-tanais et alguarenos. Uniquement protéger nos ressources d'un point de vue strictement économique ne suffit pas. Et dans l'hypothèse où une dégradation localisée de l'environnement n'impacterait que la nation frontalière sans nuire aux nations voisines, nous ne pourrions pour autant tolérer un tel manquement, fut-il dans une ZEE reconnue.
Ajoutons à cela que la vie marine étant vaste et communicante, elle peut s'étendre au-delà des "standards" (elle accompagnait de gestes de mains ses guillemets pour insister sur l'absence desdits standards à l'échelle internationale) de distance des ZEE. Si Sylva revendique sur deux centaines de nautiques sa ZEE et qu'une nation vient déverser à deux cent dix nautiques des déchets nuisant à la faune, rien n'inculperait formellement l'auteur de ce méfait qui pourtant aurait un impact bien tangible. Définir directement des normes environnementales concrètes plutôt que de simples délimitations géographiques arbitraires selon des critères économiques permettrait de réellement préserver la biodiversité avec une réelle légitimité allant au-delà de l'accaparement des ressources.

Je vous remercie pour votre attention, et propose dans un premier temps un tour de table avec vos avis sur ces premières propositions et l'ordre de réflexion proposé."
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L'air circulait lentement dans la salle, brassé par le mouvement paresseux des ventilateurs. Rai Itzel Sukaretto observait les boiseries ouvragées du palais ducal, détaillant du bout des doigts la finesse des motifs sylvois, un sourire léger aux lèvres. Elle n'était pas une diplomate au sens classique du terme : la froideur feinte et la retenue des chancelleries l'ennuyaient profondément. Elle était là en tant que représentante du Grand Kah, mais plus encore comme une voix parmi celles qui, dans cette salle, tentaient de construire autre chose qu'un simple accord technique.

Rai prit la parole sans hâte, posant les mains devant elle sur la table finement ouvragée, et tapotant la surface du bois du bout de ses ongles.

« Je salue l'initiative sylvoise et les préoccupations exprimées ici. Il est rare qu'une nation propose de structurer un débat non pas à partir de la stricte protection de ses propres intérêts économiques, mais en posant un principe : celui de la préservation d'un bien commun qui ne saurait être réduit à un découpage administratif ou à un rapport de forces. »

Son regard se posa sur la présidente Vougier, avec l'ombre d'un sourire.

« Vous posez une question qui, au Grand Kah, nous parle profondément : celle de la légitimité des revendications sur les ressources naturelles. Qui peut dire qu'un poisson appartient à une nation, qu'un banc de corail est la propriété de tel ou tel gouvernement ? Ces logiques nous sont familières, car elles sont celles de la division artificielle des terres et des mers que nous avons combattues dans notre propre histoire. »

Elle se redressa légèrement, laissant planer une pause.

« Nous partageons votre refus de voir les océans se transformer en une nouvelle arène d'appropriation sauvage, où seules les marines de guerre détermineraient les zones d'exploitation et de pillage. Nous ne nous berçons pas d'illusions : l'histoire nous a appris que sans un cadre contraignant, les intérêts économiques écrasent toute autre considération, qu'il s'agisse de la souveraineté des peuples ou de la préservation du vivant. »

Elle hocha la tête, les yeux pétillants d'une malice retenue.

« Mais l'histoire nous a aussi appris que les traités ne valent que par la volonté de ceux qui les respectent. Et il est clair que certaines nations n'hésiteront pas à contourner des accords si cela leur assure une domination plus durable sur les ressources maritimes. C'est pourquoi, plus qu'une simple entente sur des principes, il nous faut des mécanismes de contrôle et de mise en application solides. Il ne suffit pas de définir des normes ; il faut garantir qu'elles ne soient pas foulées aux pieds par ceux qui préfèrent négocier avec des chalutiers-usines et des pétroliers plutôt qu'avec des diplomates. »

Son ton s'était légèrement durci, bien qu'aucune nation ne soit nommée. L'allusion était limpide. Elle reprit avec un ton plus léger, balayant l'assemblée d'un regard.

« Le Grand Kah adhère à votre approche, et nous pouvons travailler ensemble pour élaborer ces standards internationaux. Mais nous souhaitons aller plus loin. La question de l'exploitation des ressources marines ne peut être séparée de celle des responsabilités historiques. Il y a des nations ici qui ont pillé, pollué, surexploité leurs propres mers. Nous espérons qu'elles ne viennent pas, maintenant, donner des leçons d'écologie à ceux qui tentent simplement de survivre. Il ne peut y avoir d'égalité si nous feignons d'ignorer les asymétries de départ. »

Elle croisa les bras, marquant à nouveau une pause.

« Alors nous proposons ceci : pour garantir la souveraineté alimentaire des peuples sans ravager la biodiversité, il faut instaurer un principe de justice écologique. Ceux qui ont déjà surexploité devront être tenus à des standards plus stricts. Ceux qui ont historiquement bénéficié d'une domination sur les routes maritimes et les zones de pêche devront participer activement au financement de la transition vers des pratiques soutenables. Nous ne pouvons pas simplement nous entendre sur des normes sans nous interroger sur qui doit faire l'effort principal pour les respecter. »

Elle se pencha légèrement en avant.

« Nous ne rejetons pas l'idée d'un multilatéralisme environnemental. Mais nous refusons que ce soit un prétexte pour reconduire un ordre mondial où ceux qui ont déjà pris trop continuent à imposer leurs conditions. »

Elle ponctua son intervention d'un sourire.

« Notre chère Union est donc prête à participer à ce dialogue, à condition qu'il ne soit pas un exercice d'équilibrisme pour calmer les tensions, mais un réel engagement vers un changement structurel. »

La kah-tanaise se renfonça dans son siège, jouant distraitement avec l'une de ses bagues.

« Telle est notre position. »
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Bernadette hocha de la tête en signe d'appréciation des propos de Rai :

« L'expansion de l'organisation promue est en effet un but assumé de Kazannou. » La Duchesse eut un tic à ce propos mais ne se prononça pas davantage. « Mais c'est un but difficilement accessible et qui nécessitera de progresser par étape, d'où notre initiative de débuter simplement avec notre voisinage direct dans le Nord Paltoterra et de progressivement intégrer d'autres nations signataires. 

Vos propositions quant à l'intégration d'une forme d'équité écologique en fonction des responsabilités de chacun n'est pas à exclure. Si nous ne pouvons pas directement considérer les citoyens de maintenant comme responsables des actes de leurs prédécesseurs, ils sont par contre pleinement responsables des héritages dont ils jouissent. Les citoyens d'une nation hissée aux sommets économiques grâce à ces contrôles de ressources marines et routes commerciales, s'ils n'ont pas directement agi pour établir ces avantages, ils en profitent directement avec autant de mérite qu'ils ont la responsabilité des écarts passés.

Mais si nous ne pouvons que souhaiter des mesures pour encourager les nations qui ont le plus agit à cette destruction des environnements marins à montrer l'exemple en faisant évoluer leur industrie pour répondre à une dynamique plus saine, il faut encore convenir par quelles mesures concrètes, nous pouvons agir.
Le Duché de Sylva proposerait en ce sens un grand travail de coopération de nos organismes scientifiques marins pour opérer un suivi mondial des environnements marins et de leurs potentiels, corrélé avec une étude des besoins de chacun pour rationaliser un partage des ressources naturelles. L'objectif est de pouvoir contenter les besoins vitaux de chacun de manière durable et équitable.

Une fois un tel travail d'analyse établi et une bonne conscience de la situation acquise, nous pourrons définir plus précisément les objectifs à atteindre et les organismes dédiés à leur suivi. »
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