25/02/2015
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[WIKIPOLKA] Encyclopédie culturelle

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Encyclopédie culturelle de Polkême



Sommaire
Lexique de la région de Polkême

• Architecture et organisation du territoire en Polkême
1. Toit pointu et murs de pierres : la maison polk et son imaginaire
2. Le jardin polk : entre désir d'autonomie alimentaire et cœur de la socialisation villageoise

• Sobriété énergétique et mobilités douces en Polkême : vélo, train, cheval et marche à pieds1. Rapport doux au territoire : de puissants déterminants historico-culturels
2. Archaïsme ou sobriété ? cheval ou vélo ? la mobilité polk au paradoxe de la modernité
3. Praticité concrète, défis du quotidien

• Visions de la PolkêmeLa toque polk
Le champ de fleurs polk
Le chapeau pointu polk

• L’invention du pacte racial polk : intégration et exclusion1. L’intégration de la Brann à l’aube du nationalisme polk
2. Les internats blêmes : symbole honteux de l’histoire des politiques de polkisation de la Pal ponantaise
• 3. La division raciale du travail en Polkême : anatomie d'un pacte faustien

• Argutie compliquée : sur l’état de la pensée stratégique polk en 2015 et depuis cent ans ; et sur ses conséquences économiques et sociales1. Polkême : rêve multiséculaire d'autosuffisance
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Lexique de la région de Polkême
Extrait du dictionnaire royal polk, édition 2014, "à l'usage de l'étranger"


C
Cosaque - nom commun. masc. historique et ethno. nom donné aux peuples cavaliers de la Brann et des régions slaves bordant les territoires historiques tatares. Hybridation tataro-slave s'étant faite pendant le Moyen-Âge, les peuples slaves de ces régions adoptent progressivement les mœurs nazuméennes et se nomadisent, d'abord pour résister aux incursions des hordes du Nazum puis pour reproduire leurs méthodes de conquête et de pillage contre les slaves du nord et de l'ouest. Ont longtemps vécu de manière semi-intégrée à leurs voisins à qui ils fournissaient une cavalerie irrégulière. Fonctionnent de manière clanique au sein de sociétés guerrières assurant leur propre protection.
- nom commun. masc. cavalier léger de l'armée régulière polk. Pendant longtemps réservé aux seuls cavaliers de la région de la Brann, devient progressivement un terme générique pour désigner les bataillons montés sous l'autorité d'un Baron. Dans l'imaginaire et la hiérarchie militaire moins prestigieux que le hussard.
- relatif aux cosaques.
- fam. inélégant, irrespectueux, sauvage. Ex : "c'est un vrai petit cosaque". Emploi adj. Ex : "parle moi sur un ton moins cosaque !"
H
Hussard - nom commun. masc. cavalier cuirassé de l'armée régulière polk. Militaire à cheval chargé du maintien de l'ordre. syn. gendarme. Particularité de l'armée polk, son relatif retard technologique en matière d'aviation est compensée par la qualité historique de ses armes à feu (dont a d'ailleurs hérité la Transblêmie). Les hussards sont des militaires montés, habilités à parcourir les steppes comme les territoires montagneux de Polkême là où des véhicules auraient davantage de mal à circuler. Reconnaissables par leurs uniformes, ils portaient autrefois le casque ailé, remplacé depuis le milieu du XXème siècle par de simples chapka. Les couleurs des tissus varient en fonction de leur bataillon. Généralement armé d'un fusil polk à stabilisateur et à silencieux pour pouvoir tirer à cheval sans souffrir du recul ni effrayer l'animal, ils portent également un équipement par-balle et un sabre télescopique. Si certains hussards revêtent encore la cuirasse aujourd'hui, elle n'est là que pour l'apparat et les cérémonies en présence de dignitaires étrangers. Prestigieux. Prérogative royale : les bataillons de hussards forment le cœur du pouvoir militaire en Polkême, la Couronne les envoie soutenir les barons en difficultés sur leurs terres. On ne parle pas de hussard pour les cavaliers relevant d'un niveau administratif inférieur à la Couronne.
- histo. autrefois : militaire d'un corps de cavalerie légère en Polky, conçu d'abord pour combattre les cavaleries tatares et cosaques, devient à la Renaissance un cavalier lourd suite à l'intégration des cosaques de la Brann dans l'armée polk.
M
Mage - nom commun. masc. en Polkême, titre de juge et d'huissier itinérant. Les mages ont un rôle d'observateurs et de médiateurs, ils parcourent la Polkême où ils règlent les conflits de voisinage, pratiquent la médecine douce et le droit, et délivrent des conseils. Ils rendent également compte à leurs supérieurs de l'état du pays, région par région. Parce qu'ils ont l'autorité judiciaire et que leur parole est respectée, ont un pouvoir performatif sur le monde comparable à de la magie. Peuvent par la parole modifier le rapport des hommes aux choses. Se distingue du scientifique par son travail de non-réification, s'en tient une approche humaniste et anthropocentriste du réel.
- histo. sorciers héritiers du syncrétisme polk pagano-catholan. Parfois comparés à des prêtres animistes ou chaman. Voir section dédiée de l'encyclopédie.
P
Pal - nom propre. région de Polkême.
Synonyme : Blême. la distinction est subtile et souvent pas très importante, d'ailleurs les deux termes tendent à se confondre. Il s'agit d’appellation historiques plus ou moins vieillies. Si l'on veut être précis, ce qu'on appelle parfois "les territoires de Blême" correspondent au pourtour Eurysien de la mer Blême, aux frontières de l'ancien Empire rémien. Elles forment une zone tampon et historiquement disputée entre les populations helléniques à l'ouest, slaves au nord et tatares à l'est. Le qualificatif Pal (pâle) est le terme utilisé par les rémiens pour désigner plus précisément les populations occupant les régions de Pal ponantaise (sous domination polk) et de Pal levantaise, à cheval sur l'actuel territoire de translavya. On parle donc de Blêmiens de manière indistincte pour tous les peuples bordant la mer Blême et de Pal ponantais et levantais pour désigner une identité administrative régionale.


Polk - nom commun. le mot Polk est antérieur au toponyme de Polkême, on en retrouve des traces écrites dès le IIIème siècle dans les archives de l'Empire Rêmien. Si l'on pense qu'il s'agirait d'un nom donné par les Rêmiens aux habitants des régions de Polky bordant le volpolk, l'absence d'adjectivation sous la forme polkien (polk + ien ; décalque de rêmien) fait dire aux linguistes que Polk serait en fait une dérivation progressive du mot germain folk : le peuple. On pourrait donc y voir la trace d'anciennes migrations du peuple Polk en provenance d'Eurysie centrale.
- adj. invariable. ce qui a trait à la région de Polkême, à son peuple ou à sa nationalité. Ex : une chanson polk, le drapeau polk.


Polkême - nom propre. fem. la Polkême est un néologisme apparu au XVIIIème siècle. Il est construit sur le radical du nom des deux régions de Polky (du nom du fleuve volpolk qui les traverse) et du suffixe -ême, emprunt à la langue grecque pour signifier la royauté, l'Empire. On retrouve cette construction chez plusieurs toponymes de la région, très certainement inspirée du prestigieux Empire de Rême. Polkême pouvait donc se traduire littéralement en "Royaume des Polky", devenu Royaume de Polkême par l'usage. Le déterminant LA n'est d'usage que pour désigner l'entité politique de Polkême. En l'absence de déterminant, on désigne le territoire historique de Polkême. On parlera ainsi du gouvernement de la Polkême mais des barons de Polkême. On dira "je vais visiter la Polkême" mais "je fais de la randonnée en Polkême".
T
Tatare - nom commun. savant. peuple habitant la steppe eury-nazuméenne, d'origines nazuméenne, vivant autrefois en dessous des régions sibériennes du Nazum et ayant traversé le détroit. Désigne progressivement l'ensemble des populations nomades entrées en conflit avec les peuples slaves et leur ayant disputé le pourtour de la mer Blême. Bien qu'on parle parfois de tatares pour les peuples occupant l'actuelle translavia, les peuples nomades nazuméens furent pour parti repoussés et hybridés aux slaves lors des incursions varnaciennes sur le territoire de l'actuel Drovolski. La catégorisation de tatare en Eurysie est donc davantage politique que fondée ethniquement ou culturellement, ces peuples s'étant largement mélangés aux peuples slaves pendant toute la fin du Moyen-Âge.
- nom commun. vulgaire. désigne dans le langage courant les peuples à l'est de la Polkême, exception faite du peuple Blême. Catégorisation ethno-culturelle approximative, parfois péjoratif. Ex : "le peuple tatare est brun de peau et noir de cœur".
- relatif à ces populations. Apparait dans certaines expressions polk de façon dénigrantes, syn. de barbare. Ex : "un vrai travail de tatare"
V
Voda - nom commun (vieilli). masc. désigne à l'origine un officier militaire des légions de Rême. Au Moyen-Âge, permet progressivement de nommer un seigneur de guerre fieffé de Polkême.
Aujourd'hui : -suff. une seigneurie ; un bourg ; une ville fortifiée. Apparait sous la forme suffixale ou affixale N-de-voda signifiant l'appartenance d'un territoire à un baron. En Polk courant, peut être utilisé dans le langage oral par construction pour indiquer que l'on parle du lieu associé à un nom. Ex : "mama-de-voda" : "chez maman / chez ta maman". Connoté prestigieux.


Vol - déterminant. Indique un titre de noblesse. Contrairement au fonctionnement des titres dans beaucoup de pays, le Vol n'indique ni un territoire ni un fief mais un titre honorifique en lui-même qui se place donc devant un nom propre. Il prend toujours une majuscule, même en milieu de phrase. Lorsqu'il est utilisé sans nom propre, il se transforme en nom commun et peut être utilisé comme synonyme de seigneur ou, à l'oral, de personne respectable, digne de noblesse. Ex : "moj Vol mi je povišal plačo" : "mon patron m'a donné une augmentation". Peut s'utiliser de manière ironique dans des locutions figées. Ex : "moj dober Vol" : "mon cher supérieur". Volvoda, la capitale de la Polkême, peut donc se traduire littéralement par "ville des nobles" ou "ville des seigneurs".

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Architecture et organisation du territoire en Polkême



1. Toit pointu et murs de pierres : la maison polk et son imaginaire

L’un des aspects les plus certainement atypique de la Polkême est son architecture. La campagne polk se confond avec la banlieue de ses grandes villes dans un continuum de petites maisons, de champs et de jardins, donnant l’impression d’un pays tout entier habité mais où la nature serait pourtant omniprésente. Parfois qualifiée de "maison de sorcière", l'architecture polk est loin de se résumer à une question d’esthétisme, bien que cela puisse avoir son importance d’un point de vue symbolique et de rayonnement à l'international. Le mode d’habitation polk est un déterminant majeur dans l’organisation de la société, de son tissu économique et de ce qu’il nous faut bien qualifier de particularisme culturel, tant cela a un impact sur les représentations politiques et sociales en Polkême.

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La maison Polk, qu’est-ce que c’est ?

Individuelle, construite de pierres, de bois et d’ardoises, elle est reconnaissable par son toit pointu aux courbes organiques, ainsi que par son intégration dans les espaces naturels, généralement un jardin qui l’entoure et avec lequel elle se confond (voir section dédiée de l’encyclopédie). Si les plus anciennes demeures sont en pierre apparente, les plus modernes (et les plus luxueuses) se distinguent en raison de leur style art nouveau grâce à des boiseries ou de la ferronnerie imitant des motifs floraux et végétaux. La maison polk est basse, elle dispose souvent d’un sellier sous-terrain mais dépasse rarement deux étages. Exiguë pour conserver la chaleur, elle s’organise en général autour d’une petite pièce à vivre où se trouve le chauffage, séparée de l’extérieur par un sas. Les fenêtres en saillies forment des alcôves permettant de faire entrer la lumière tout en agrandissant artificiellement des pièces par ailleurs petites, là encore dans un soucis d’isolation. De grandes campagnes publiques d’équipement des ménages menées dans les années 70 ont généralisé l’usage du poêle à bois dans les foyers polk. Les tuyaux circulent le long des murs et chauffent toute la maison. Les saisons automnales et hivernales peuvent être particulièrement froides en Polkême et atteindre régulièrement les -10°C. Du fait du climat continental (très chaud en été, très froid en hiver) la neige recouvre régulièrement la campagne et y reste épaisse, parfois de plusieurs mètres, dans les régions montagneuses. Le mode de vie polk, volontairement frugal en termes de consommation d’énergie, s’accommode de ces températures en déplaçant les lits dans la pièce centrale au plus dur des saisons froides. Lorsque les enfants sont jeunes, tout le monde partage parfois la même couche et les canapés vendus dans le commerce proposent presque tous la possibilité de se transformer en couchette collective en cas de besoin. L'usage des baldaquins ou des couchettes incrustées dans les murs permet de créer des alcôves à l'intérieur de la maison et doublement isolées du froid.

Si la maison polk se recroqueville sur elle-même pendant l’hiver, elle s’ouvre sur l’extérieur au printemps et en été. Ses ouvertures sont conçues pour permettre une bonne aération de sorte à chasser l’humidité qui tend sinon à s’accumuler en raison de sa localisation et de ses matériaux organiques. Riche en forêts et en carrières, la Polkême se sert majoritairement d'un mélange de bois et de pierre comme matériaux de construction traditionnels. Les matériaux modernes de construction comme l’acier et le béton sont interdits par la loi au nom de la préservation de « l’harmonie du paysage des campagnes ». Si ces restrictions ne sont pas sans poser quelques problèmes, le secteur du BTP est très développé et une part conséquente de l’effort national est consacrée à l’aménagement et l’entretien du territoire. Depuis quelques décennies, la Polkême a engagé un virage cherchant à viser au maximum l’autonomie énergétique, les maisons sont donc de plus en plus dotées de pompes à chaleur, d’éoliennes et de panneaux solaires. Les centres d’agglomérations qui se sont installées au bord d’un cour d’eau bénéficient également de l’énergie hydraulique grâce à des roues à aube individuelles ou gérées par la municipalité (voir section dédiée à l’énergie dans l’encyclopédie). Le sellier et la cave permettent de garder les aliments à basse température toute l’année, les méthodes de construction traditionnelles, avec des pièces pour partie enterrées, permettent de créer des ilots de chaleurs ou de fraicheur selon la saison.

Souvent petite, la maison polk accueille aisément une famille dont les enfants sont en bas-âge mais les jeunes adultes quittent tôt le foyer parental, dès leur majorité atteinte. S’il est courant d’habiter un temps en collocation et « maisons de jeunesses » pendant les études, l’idéal de réussite et les injonctions à former une famille font que la maison individuelle reste la plupart du temps un objectif de vie. Même en ville où la densité d’habitation est plus forte, l’espace urbain reste extrêmement étalé, formant de larges agglomérations où la ville se mélange aux champs, pâturages et aux jardins. En dehors des centres historiques, les agglomérations polk sont extrêmement identifiables, structurées comme de vastes zones pavillonnaires étalées dans des espaces semi-forestiers. L'idéal pavillonnaire ou l'idéal de la maison individuelle participe activement aux représentations sociales et politiques en Polkême : l'individu y est indépendant, propriétaire, mais fait également parti d'un collectif où chacun, avec sa maison et son rôle social, est bien identifié dans le paysage. Les rares éléments de distinction sociale (en dehors de la classe noble qui occupe elle des manoirs bien plus volumineux) sont discrets et subtiles. Une maison dépassant trois étages ou disposant d'une entrée surélevée, à laquelle on accède par un escalier de pierre, est signe de richesse. Certaines demeurent aménagent également des espaces dans leur jardin pour permettre aux chevaux d'y manœuvrer. Cela peut être le signe que le foyer possède un fiacre ou bien qu'il entrepose des matériaux lourds sur sa propriété et a besoin d'espace pour les charger et décharger. Le travail manuel étant très important, tout ce qui rend plus difficile l'accès aux espaces de rangement sera perçu comme le signe que le propriétaire occupe des fonctions d'intellectuel ou d'érudit.

Du fait de l'étalement des zones habitées en Polkême, le voisinage n'y est pas anonyme. Contrairement aux grands centres urbains classiques, le fait de ne pas vivre les uns sur les autres rend tout le monde identifiable. Cette individualisation du voisinage participe au mode de vie polk au quotidien où l'entraide est nécessaire pour les travaux d'aménagement et de réparation. Comme les jardins sont pour beaucoup partagés, le maintien du niveau de vie de tous dépend de l'implication de chacun et de la mise en commun régulière du travail informel pour garder le quartier propre et bien entretenu. Certaines tâches comme le ramassage des ordures, la taille des plantes ou la prévention des nuisibles nécessitent en effet un effort collectif qui participe à l'intégration sociale des citoyens. Le travail ne se résume donc pas seulement aux activités salariées et inclut également le travail domestique et l'implication citoyenne dans la vie de la commune. Le fait de connaitre et reconnaitre ses voisins permet l'établissement de solidarités organiques et pâlie à certains manques de services ou d’infrastructures publiques. Le collectif prend en charge les voisins âgés même en l'absence du reste de la famille, tout comme il est naturel pour un voisin d'aider à la garde des enfants ou de participer à des travaux nécessitant plusieurs personnes. L'interdépendance est très ancrée dans l'imaginaire polk du fait de son habitat traditionnel et conditionne beaucoup de gestes du quotidien comme l'usage de produits chimiques, le non-recyclage des déchets ou tout ce qui pourrait nuire au cadre de vie collectif. La biodiversité y est par exemple très importante, chacun ayant conscience de ce qu'elle représente pour tout le monde, les activités pouvant avoir un impact sur elle son gérées en commun comme l'élagage, l'entretien des ruches, semer de nouvelles graines ou espèces, ainsi que la régulation des espèces animales, très réglementée en Polkême.


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Architecture et organisation du territoire en Polkême



2. Le jardin polk : entre désir d'autonomie alimentaire et cœur de la socialisation villageoise

La maison polk ne se comprend pas sans son jardin qui la complète. La majorité des habitations possèdent en effet un terrain mitoyen, plus ou moins grand selon la situation financière du foyer et selon la géographie de la région. Parfois, notamment dans les régions montagneuses où l’étalement est peu pratique, les jardins polk se trouvent en extérieur de la commune dont il faut sortir pour les rejoindre. Ils peuvent également être partagés, bien que ce ne soit pas la majorité. Touffu, parfois sombre, il tient davantage de la forêt comestible que du verger ou d’un jardin occidental strictement pensé pour l’agrément. Il participe de la dissimulation de la maison au voisinage et dresse une barrière naturelle entre la sphère privée et la sphère publique de la rue. Généralement clôt, souvent par des murs de pierres ou des palissades en bois, il délimite l’espace de l’intime tout en faisant démonstration, lorsqu’il est bien entretenu, de la bonne tenue du foyer et de la respectabilité morale des maîtres de maison. Ce paradoxe apparent est en fait assez classique en sociologie, l’espace intime est à la fois un refuge contre la société mais également un miroir de ses injonctions, voire un objet de jugement puisqu’il reflète par définition les qualités morales (et donc sociales) de celui qui y habite.

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Lorsqu’il est partagé, le jardin polk appartient à une famille étendue ou recomposée en petite communauté de deux ou trois foyers maximum. Des expériences de coopératives et de mise en commun de la terre existent, mais le jardin est rarement concerné, pour des raisons culturelles. Souvent, le jardin devient partagé en raison des circonstances, lorsque le foyer ne peut plus l’entretenir seul. Si les habitants sont trop vieux, malades, voire absent (pour des raisons jugées légitimes par la communauté), leurs voisins peuvent reprendre le jardin à leur charge et les aider dans son entretien. Ce cas de figure est relativement rare en raison de la tendance des Polk à reprendre la maison de leurs parents ou revenir vivre dans la commune qui les a vu naitre une fois adulte. Il y a donc souvent cohabitation intergénérationnelle dans un même quartier ce qui assure que quelqu’un sera toujours là pour assurer l’entretien minimal des jardins. Si c’est un étranger (comprendre : extérieur au foyer et à la cellule familiale proche) qui aide à l’entretien du jardin, il est de coutume de le remercier en lui attribuant ou consacrant une parcelle de terre, soit pour qu’il puisse l’exploiter pour son propre usage, soit pour lui offrir la récolte à la fin.

Le jardin polk peut être assez différent selon les régions mais sa fonction reste la même : il est à la fois un lieu d’agrément, entretenu pour la socialisation et le repos, et également un espace vivrier qui apporte au foyer un complément de ressources qu’il pourra consommer ou revendre. Contrairement à l’agriculture intensive, le jardin polk cherche à maximiser l’espace en faisant cohabiter plusieurs types de plantes et d’arbres de sorte à les faire travailler ensemble. On peut parler de « forêt comestible », le jardin polk n’a rien à voir avec un jardin moderne comme on l’entend, il est dense et fonctionne par ilots dédiés à la culture au sein desquels ont été tracés des espaces d’agréments. Ces-derniers, souvent dissimulés par la végétation, permettent de s’isoler dans un monde polk particulièrement sollicitant en interactions sociales. Les injonctions à faire communauté, comme celles à faire foyer, trouvent un sas de décompression dans le jardin, dont l’entretien peut être un travail solitaire, et où des espaces de solitude et de confidentialité.

Historiquement, le jardin polk répond à un besoin de sources de nourriture complémentaires aux grands champs qui produisent le gros des denrées alimentaires du pays. A l’origine, la culture du foyer permettait d’échapper en partie aux impôts de la noblesse qu’elle prélevait en grain. Les premiers jardins étaient donc dissimulés dans les forêts ou des lieux reculés. A mesure que la nature de l’impôt évoluait, les jardins eux sont restés et ont été rapprochés puis intégrés aux habitations. Ils deviennent alors un lieu de travail pour le foyer, en dehors des premiers balbutiement du travail salarié acheté par un patron. Le temps consacré à l’entretien du jardin polk a été un enjeu de bataille social, opposant le temps libre, consacré à son propre intérêt, du travail pour un maître ou un patron, aliénant et dépossédant.

Il fait ainsi l’objet de nombreux rituels sociaux, familiaux d’abord (les images d’Épinal polk représenteront la famille en train de jardiner, c’est une façon d’apprendre très jeune le travail manuel et le respect de la nature en préservant par exemple volontairement des zones de friches pour accueillir les insectes et petits animaux) ; mais aussi communautaires puisqu’en été on reçoit dans le jardin, on y tient conseil, on y débat, on y travaille collectivement. Les maisons polk sont d’ailleurs souvent dotés de gazebos ou vérandas extérieures qui permettent de travailler à l’extérieur des murs (la maison étant petite, il est rare qu’elle bénéficie d’un bureau ou de salons assez larges pour accueillir plus d’une dizaine de personnes). Le jardin polk fait donc office ponctuellement d’espace public voire politique. Les grands étalement urbains polk, faute de véritable centre (en dehors des grandes villes) ne bénéficient pas toujours d’équivalent à des « places de village » ou « rues commerçantes ». La socialisation publique se fait donc dans des jardins ouverts pour l’occasion ce qui contribue, selon qui est au courant et invité, à faire un tri social et tient à l’écart de la vie collective les marginaux et ceux frappés d’anathème.

A la façon des fleurs, les jardins polks permettent d’offrir des fruits, des légumes, des fruits à coque ou du miel à ses invités. La question du don et du contre-don est importante dans les rituels sociaux polk, il est bien vu d’apporter (voire serait carrément insultant de ne pas le faire) des paniers garnis à certains événements ou pour certaines occasions. Cela contribue à nourrir symboliquement la collectivité et permet d’évacuer les trop pleins de production alimentaire. Outre les hommes, les jardins polk nourrissent également de nombreux animaux qui cohabitent dans les espaces liminaux des zones d’habitation et peuvent être chassés ou servir de proies à des prédateurs domestiques comme les chats et les chiens. Loin d’être un mal, la surabondance de petits animaux frugivores permet par ailleurs de limiter les attaques contre le bétail. Les grands prédateurs sauvages que sont les loups, ours et félins de la région préfèrent en général chasser ce type d’animaux que de tenter de s’en prendre aux troupeaux qui sont eux gardés par des chiens.


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Sobriété énergétique et mobilités douces en Polkême : vélo, train, cheval et marche à pieds



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1. Rapport doux au territoire : de puissants déterminants historico-culturels

En prenant la décision politique de chercher au maximum l’autonomie et l’isolement dès le début du XXème siècle, la Polkême a été amené à faire des choix drastiques en termes de mode de vie et d’aménagement du territoire. Le modèle de la maison Polk conditionne en grande partie le rapport de la population à l’espace et au temps : à la fois en étalant l’espace de la vie quotidienne et en l’intégrant à la nature ; et en même temps en limitant par ailleurs les déplacements longs et lointains par la connexion à des réseaux de production courts et locaux (voir section dédiée à l’économie dans l’encyclopédie).

A rebours des sociétés modernes ayant fait le choix de la concentration urbaine et industrielle pour minimiser les déplacements, agencée à une logistique de distribution centralisée pensée à échelle nationale, la Polkême a fait le choix de limiter les déplacements de sa population en encourageants la création de réseaux de production et de distribution courts, dépassant rarement l’échelle administrative de la baronnie. Sans entrer encore dans le détail de la production économique en Polkême, ce mode d’organisation du territoire polk a eu un impact drastique en matière de choix d’investissements dans les infrastructures et dans l’accès de la population à la mobilité.

Pour parler plus concrètement : les Polk se déplacent davantage que leurs voisins au quotidien, mais sur de plus courtes distances au total à l’année. Pour expliquer ce paradoxe, il faut distinguer les mobilités quotidiennes (courses, déplacements jusqu’au lieu de travail, promenades) des mobilités « longues » (changement de ville, tourisme interne ou externe au pays).

En ce qui concerne les mobilités quotidiennes, elles s’expliquent pour des raisons géographiques et culturelles. D’une part, du fait de l’étalement urbain en Polkême, la maison est souvent éloignée du lieu de travail, parfois de plusieurs kilomètres. L’individu se retrouve donc à effectuer quotidiennement des déplacements parfois longs et pour lesquels, faute de véhicule motorisé personnel, il est souvent dépendant des transports en commun ou de sa seule force physique. Par ailleurs, le cercle social polk tend à se concentrer sur le voisinage proche et étendu (échelle du quartier / échelle du village). La sociabilité quotidienne se fait autour de lieux de vie proche, l’usage d’internet est peu généralisé et il n’existe pas d’équivalent aux zones modernes accueillant des espaces de loisirs et de divertissements concentrés (galerie marchande, réseaux de rues accueillants des bars, des cinémas, etc.). Les pratiques de loisirs sont particulièrement tournées autour de la nature (jardinage collectif, promenade, pêche, chasse, navigation fluviale, etc.). Sans exclure d’autres pratiques culturelles et sociales, plusieurs études ont montré que celles-ci étaient moins fréquentes que dans d’autres pays développés, du fait d’une offre plus limitée et de la concentration urbaine plus faible (voir section dédiée aux loisirs dans l’encyclopédie). Enfin, la pratique de la promenade, du vélo et de l’équitation est culturellement ancrée dans la société polk, favorisant donc les déplacements de loisirs.

Pour ce qui est des mobilités « longues », elles sont en revanche beaucoup moins fréquentes. Comme on l’a dit, le cercle social polk est restreint spatialement, et cela s’applique également au cercle familial. S’il est commun de quitter sa région pour les études, on y retourne pour des raisons structurelles : l’héritage est une part important de la richesse des ménages qui reçoivent et transmettent une partie de leur mobilier et surtout leur habitation, y compris sous forme d’aide et de donation alors que les parents ne sont pas encore décédés. Cette statistique s’explique autant par le niveau moyen des revenus en Polkême, plutôt faible par rapport aux standards des pays de la région, que par la qualité de la production, souvent artisanale et à partir de matériaux perrins, qui permet la transmission des biens sur plusieurs générations. Par ailleurs, et il s’agit de la cause la plus importante de retour sur ses terres natales : la structuration souterraine de la société polk en réseaux de sociabilité et d’intérêt empêche les individus de se déraciner. Trop dépendants de ces sociétés appelées « klub » (voir section dédiée dans l’encyclopédie) qui fonctionnent en grande partie comme des réseaux de cooptation, il est très difficile (et suspect) pour un Polk de redémarrer sa vie loin de chez lui où il a des attaches. Non seulement ceci est mal vu mais il sera confronté à des difficultés d’intégration et se contraint en général à un niveau de vie inférieur à celui qu’il aurait pu espérer toute chose égale par ailleurs. Les klubs façonnent et contribuent à modeler spécifiquement le territoire de manière informelle, avec des dynamiques et équilibres de forces qui lui sont propres. L’existence de ces réseaux forgés dès l’enfance et l’adolescence, desquels on ne s’affranchit que dans des périodes précises et ritualisées de l’existence, enracine spatialement l’individu à son milieu d’origine.

En ce qui concerne le tourisme, il est très peu développé en Polkême. Le fait de voyager pour le plaisir n’est pas ancré dans la culture polk. Sans doute parce que le voyage est resté longtemps quelque chose de cher et de dangereux, mais également parce que les fêtes, moins longues mais plus fréquentes, se substituent aux notions de vacances ou de congés de travail. Ces fêtes populaires durent rarement plus de quelques jours et sont marquées par des rituels sociaux pour lesquels une absence peut être mal perçue, ce qui rend complexe le fait de s’éloigner longuement de chez soi. En l’absence de tourisme de masse provenant des pays étrangers, le secteur est très peu développé et souvent réservé aux plus fortunés et oisifs. L'imaginaire culturel en Polkême est donc resté relativement imperméables aux promesses du tourisme de masse et du voyage comme façon de se divertir ou de se reposer. Ces puissants déterminants sociaux contribuent encore aujourd'hui à faire considérer l'ailleurs, le lointain, comme quelque chose de trouble où il est difficile de se projeter, même à courts termes. L'individu polk est si profondément ancré dans son chez-lui, ses terres et son réseau de connaissance, que s'en détacher est difficile à conceptualiser.

Cette observation, tendanciellement vraie, est toutefois contredite par le phénomène des "évaporés de Polkême" sur lequel on reviendra.
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Sobriété énergétique et mobilités douces en Polkême : vélo, train, cheval et marche à pieds



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2. Archaïsme ou sobriété ? cheval ou vélo ? la mobilité polk au paradoxe de la modernité


La vision frappera ceux qui ne sont pas habitués à parcourir la Polkême : deux cavaliers côte à côte remontent une rue de ville, sans provoquer la moindre curiosité du reste des badauds. Plus loin, un cheval tire un petit habitacle à la fenêtre duquel fume un homme rougeaud. Une colonne de remorques en métal charriées par des bêtes de somme glisse à la file indienne sur des rails creusés dans le sol. Le matin, qui se penche à sa fenêtre entendra et verra les livraisons des commerces se faire à dos de canasson. Le spectacle est banal tant l’usage du cheval pour se déplacer s’est démocratisé en Polkême. Ce mode de transport ailleurs considéré comme un archaïsme évident est le fruit d’un choix politique assumé depuis plusieurs décennies d’encourager les modes de déplacements ne nécessitant pas d’énergies fossiles pour fonctionner. L’usage du cheval s’inscrit donc dans un plan national cherchant à articuler la sobriété énergétique aux traditions polk (et blême) où il occupe une place importante. L’objectif officiel est de réduire au maximum la dépendance nationale aux importations étrangères et de préserver l’écosystème en évitant autant que possible la pollution industrielle. Cette stratégie aura par ailleurs pour conséquence (sans qu’il soit possible de dire si cela était prévu ou non) de ne pas voir se créer une classe sociale ouvrière massive, issue de l’exode rurale, comme c’est souvent le cas lors des périodes de modernisation de l’économie.

On aura l’occasion d’y revenir mais la culture politique polk s’est construite en partie sur l’observation de ses voisins et de leurs erreurs. La puissance centralisatrice de la Couronne et des institutions attenantes a permis au pays de faire des choix contre-intuitif au reste des pays de la région. Témoin directe de la montée en gamme et l’industrialisation des nations socialistes slaves au nord et à l’est, et à la tertiarisation progressive des pays d’Eurysie occidentale, la Polkême refuse la course au progrès et se tourne très tôt vers des modèles de société alternatifs. Pour les rendre viables, les chambres prennent la décision historique de plonger progressivement le pays dans l’isolement diplomatique et fait l’inventaire des ressources à sa disposition. Plusieurs travaux majeurs, dont le Traité sur les atouts et faiblesses de la Polkême, ou comment combattre ses vices et exploiter ses forces, contribuent à un fertile débat d'idée entamé pendant XVIIIème siècle, à l'occasion de la naissance du nationalisme polk. Il transforme en profondeur la conscience qu’ont les élites polk de leur pays, de son peuple et d'elles-mêmes. A rebours de la modernité eurysienne, les classes dirigeantes de Polkême se convainquent qu’elles ont plus à perdre à tenter d’égaler leurs voisins qu'à choisir une voie alternative. L'exemple des révolutions qui agitent l'Eurysie à cette période, les grands bouleversement sociaux dû aux révolutions industrielles et l’émergence des grands courants idéologiques inquiète une noblesse sur le déclin. Pour enrayer le mouvement, la Polkême s'acharne à mettre sous tutelle la classe bourgeoise dès la fin du XVIIIème siècle et la fusionne avec la noblesse qui reste, encore aujourd’hui, principale détentrice des moyens de productions non socialisés polk. Elle freine par ailleurs le développement industriel du pays, tout en concentrant l'effort et les ressources nationales vers d’autres secteurs stratégiques. La place du cheval dans l'économie et le quotidien des Polk est un symbole de ces choix historiques.

Depuis les années 50 l’usage du cheval en Polkême s'est accéléré. Elle s’inscrit en effet dans une stratégie nationale de longue haleine, théorisée et débutée dès le milieu du XIXème siècle. Avant cela, les Polk et les Blêmes, bien que familiers de ces animaux, n'en avaient pas un usage à ce point quotidien, ni démocratisé. Si cette démocratisation ne s'est assurément pas faite sans quelques difficultés, sa réussite est l’un des exemples les plus flagrants de la capacité de la Polkême à emprunter des chemins alternatifs dans la course au progrès et à les assumer. Le cheval comme mode de transport a en effet nécessité un travail de planification économique et une continuité dans les politiques publiques sur plus d'un siècle pour être rendu viable. Cette cohérence des choix faits par la Polkême illustre la stabilité de la société polk et de ses institutions, ainsi que la constance de ses élites politiques et économiques.

Le cheval en tant que mode de transport généralisé n’a donc été possible qu’à la condition d’investissements massifs de la société et de l’Etat dans la mise en place sur tout le territoire d'infrastructures adaptées à cet animal. Au-delà de son aspect folklorique, l’usage du cheval exige que soient remplies un certain nombre de conditions pour certaines très contrintuitives à un esprit moderne occidentalisé. D’une part, l’élevage des chevaux occupe une part de l’économie bien plus importante que dans toutes les autres sociétés agraires, même archaïques. Le cheval n’est pas un supplétif mais une politique publique ce qui signifie que tout ce qui a trait à son dressage, son entretien et son usage bénéficie de subventions d’Etat et fait l’objet d’une planification pensée à échelle nationale. Le marché intérieur, très réglementé en Polkême, s’est adapté à une demande croissante à tous les niveaux. D’autre part, le fait que tout le monde ne puisse pas posséder son animal personnel a conduit à la création d’un tissu de services communaux dédiés à s’occuper des chevaux pour la communauté, se rapprochant pour beaucoup de ce que serait un service public équestre. Paradoxalement, le choix de la Polkême de refuser certains aspects de la modernité comme la démocratisation du véhicule individuel a permis l’établissement très tôt d’une culture de la gestion commune de certains aspects du quotidien, qu’il convient donc de qualifier de services publics. Des éléments jugés archaïques dans d'autres circonstances, s'articulent donc malgré tout à des problématiques contemporaines auxquelles la Polkême apporte des réponses alternatives.

Outre le cheval, d’autres formes de mobilités douces (moins contraignantes en termes d’infrastructures il est vrai) sont largement encouragées et soutenues économiquement en Polkême comme l’usage du vélo et du chemin de fer. Le vélo pour commencer répond à une demande de moyen de déplacement sur de courtes distances (rarement plus d’un ou deux kilomètres) qui font le quotidien polk en raison de l’étalement urbain naturel. Il est ainsi devenu traditionnel pour les maisons polk de proposer à l’entrée des jardins un piquet ou une installation permettant d’y accrocher son vélo. En ce qui concerne le réseau de chemin de fer, il est très développé en Polkême où le nombre de petites lignes permet d’atteindre l’arrière-pays, même reculé, en quelques heures tout au plus. D’abord conçu pour des raisons logistiques (on y reviendra mais l’approvisionnement en matières premières a toujours été un défi pour la Polkême), il s’est progressivement ouvert au transport de passagers (en premier lieu dans des trains de luxes réservés aux plus fortunés dans les années 1940) puis progressivement ouvert à tous et à toutes à partir des années 70 et 80. Si les locomotives ont roulé au charbon jusque très tard, la Polkême tend à essayer d’électriser ses lignes en même temps qu’elle étend son réseau électrique sur tout son territoire.

Comme le cheval, le vélo et le train répondent à des enjeux stratégiques d’autonomie et d’indépendance énergétique pour la Polkême. Cette dernière a toujours du conjuguer son désir de s’affranchir des contraintes de la modernité, tout en ne se laissant pas distancer par ses voisines sur le plan notamment militaire et en termes de niveau de vie. Le choix des mobilités douces répond à un besoin de se déplacer (a minima pour les marchandises) tout en conditionnant le rapport à l’espace et à l’environnement autrement que par le tout voiture. Ce défi est (on le verra dans la section suivante) encore loin d’avoir été relevé mais la Polkême obtient malgré tout quelques résultats tant qu’elle demeurait à l’écart de ses voisins et donc en dehors du jeu de concurrence. Les demandent de plus en plus grandissantes d’ouverture de la société et de l’économie au reste du monde viennent chambouler l’équilibre fragile atteint par la société polk, ce qui l’obligera à continuer de se réinventer dans les prochaines années.
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Sobriété énergétique et mobilités douces en Polkême : vélo, train, cheval et marche à pieds



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3. Praticité concrète, défis du quotidien

L’argument culturel ne suffit pas à lui seul à pallier les inconvénients logistiques qu’entraine logiquement l’absence de motorisation d’une part importante de la population et des entreprises du pays. Il convient dès lors de préciser que la société polk n’est pas exempt de tout véhicule fonctionnant au moteur à explosion, seulement ceux-ci sont largement moins courants que dans d’autres sociétés modernes, et quasiment uniquement réservés aux professionnels, dans le cadre du travail ou de fonctions nécessitant de se déplacer rapidement. Ce rejet de la voiture ou de la moto entraîne des effets très concrets, d’abord sur le paysage où les routes sont soit de terre, soit pavées, très rarement bitumées. Adaptées aux charrettes et remorques tirées à cheval, certaines routes sont en revanche équipées de sillon en métal, de taille standardisée, pour faciliter le déplacement des véhicules tractés. A l'inverse, on trouve en Polkême des chemins proprement impraticables en voiture, en particulier dans le pays profond ou dans les zones vallonnées et montagneuses. Le cheval y est alors préféré puisqu’il permet seul de se déplacer à flancs de collines. Par ailleurs, la neige peut également y être un obstacle à la circulation et, faute de services publics de gestion routière dans certaines baronnies, oblige à l’utilisation de traineaux pour se déplacer. Ce non-investissement dans les infrastructures routières produit un forme de cercle vicieux vis-à-vis de la voiture, d’autant moins utilisée qu’elle est peu pratique dans certaines régions. A ces obstacles s'ajoute celui du manque de raffinerie, ce qui oblige les professionnels travaillant avec un moteur à essence à anticiper l'absence de point de ravitaillements et embarquer des réserves à l'avance. Les stocks publics sont conservés dans des lieux de stockage centralisés, généralement dans des villes de taille moyenne ou dans des casernes auxquelles il faut se rendre pour pouvoir faire le plein. Pour éviter les allés-retours, les usagers anticipent et achètent plusieurs bidons d'un coup qu'ils conservent chez eux ou sur leurs lieux de travail.

L’usage du train pallie en parti au problème du manque de voiture. La Polkême est depuis longtemps irriguée par un réseau de petites lignes de chemins de fer qui, si elles n’atteignent pas toujours l’arrière-pays profond, permettent au moins de s’en rapprocher. La SRRP (pour Société Royale des Rails de Polkême) coordonne la gestion des petites lignes privées à travers tout le pays. Si la plupart sont déficitaires, elles tiennent grâce aux investissements des collectivités locales présentes à différents niveaux du réseau. Ce partenariat public-privé a permis un développement du maillage territorial sur plus d’un siècle, débuté à grand renforts d’investissements d’Etat dès la fin du XVIIIème siècle et qui n’a pas cessé depuis. Contrairement à d’autres nations où la croissance des transports publics a mécaniquement ralenti avec l’apparition de la voiture individuelle, la non-démocratisation de cette-dernière en Polkême a forcé l’essor du train dans des proportions rarement égalées. L’une des écoles d’ingénieur les plus prestigieuses de Polkême est d’ailleurs une annexe de la SRRP, presque entièrement dédié à la recherche et développement dans le ferroviaire et au renouvellement de son personnel.

Les gares, même petites, sont prévues pour permettre de charger et décharger les marchandises. Le rythme régulier des trains permet par ailleurs aux polk de circuler. Le prédécesseur de Vlastimil Vol Drek avait promis à tous les Polk « quatre trains par jour », soit un toutes les 4h sans compter la nuit. Un objectif réalisé à la fin des années 90 et qui avait été salué par l’opinion publique. S’il reste malgré tout des endroits vraiment inaccessibles en Polkême, il s’agit de régions sauvages peu habitées et ceux qui y vivent savent dans quoi il s’engagent.
Une fois déchargées, les marchandises sont acheminées par la force des bêtes de somme. Dans les zones traversées par des cours d’eau suffisamment profonds et larges, les zones urbaines peuvent être reliées aux gares par des canaux entourés de chemins de halage. Plus généralement, des rails creusées à même la route permettent de remplir une charrette sur-mesure, parfois de grands volumes, tirée là encore par des chevaux. Ce mode de transport ne permet de déplacer que de petites quantités de matières premières mais les volumes qui circulent en Polkême sont relativement limités du fait de l’absence de réelle industrie lourde. Les produits qui sont distribués sont en général déjà assemblés et sous-divisés en petite quantités pour répondre à la demande de communautés éparpillées et donc limitées en consommateurs.

Lorsque les convois deviennent vraiment importants, ils font l’objet d’aménagement spéciaux et anticipés par avance. Des entreprises ont pour fonction de s’occuper du transport de ces gros volumes et ont recours cette fois à des véhicules motorisés, souvent tout terrains. La spécialisation de ces entreprises dans la logistique d'acheminement de certains types de marchandises permet de limiter la circulation et l’usage des véhicules ayant recours à l’énergie fossile aux seuls professionnels de ces secteurs.

Plus généralement, la société polk est une société lente. Sa productivité, étonnement bonne pour un pays ayant fait des choix aussi drastiques en matière de production, est dû pour partie à la qualité de la production et précisément au temps que prennent les travailleurs à chaque tâche. Plus reposés et moins surchargés, le travail polk est un travail bien fait qui a évacué de ses marchés les produits fabriqués à la chaîne et dans l’urgence. La culture du travail n’y est pas la même que dans les pays voisins, la sieste est par exemple encouragée, tout comme les journées de 4 ou 5h. On demande en général au travailleur un effort sérieux tant que sa tâche n’est pas terminée, mais celle-ci s’éternise rarement. La Polkême n’est pas une société de consommation effrénée, certains enjeux s’y trouvent de facto revus à la baisse et celui de la vitesse en particulier. Ce n’est donc pas seulement la production qui ralentit mais toute la société qui s’adapte à ce mode de vie.

Il existe toutefois des situations où la vitesse est nécessaire : urgence médicale, intervention des pompiers ou de l'armée pour ne pas toutes les citer. La plupart des corps de métiers jugés "centraux" possèdent des véhicules à moteurs à explosions. Les carburants fossiles leurs sont d'ailleurs prioritairement réservés. Si les hussards aiment à se déplacer à cheval (mode de transport rapide et mobile dès lors que lancé au galop), des bataillons réguliers sont complètement motorisés et servent en général à mater les dangers de type insurrectionnel ou le banditisme. Le reste du temps, police, médecine et pompiers sont des services de proximité qui tendent même parfois à se confondre. Si toute agglomération ne dispose évidement pas de son médecin, nombreux sont leurs notables à savoir pratiquer les premiers soins et les garde-chasses, garde-champêtres et garde-forestiers reçoivent des formations en ce sens. Bien que pas suffisante pour remplacer l'expertise d'un médecin professionnel, elles permettent souvent de maintenir stationnaire l'état du blessé jusqu'à ce qu'arrive un docteur compétent pour le soigner. L'usage de l'hélicoptère est assez courant dans ce genre de cas de figure. Pour les situations plus grave nécessitant un transport d'urgence, l'absence de motorisation peut toutefois poser problème. L'étalement urbain éloigne nécessairement les grands hôpitaux auxquels les cliniques locales ne peuvent pas toujours se substituer. Il s'agit en la matière d'un défi pour la Polkême, pas encore relevé à ce stade, mais qui occupe le débat public suite à des drames médiatisés où des personnes blessées n'ont pu recevoir des soins adaptés faute d'infrastructure médicales suffisamment proches.
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Visions de la Polkême



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La toque polk

La toque polk est un chapeau emblématique de la Polkême. Traditionnellement porté dans les territoires montagneux de Polky, il s’exporte progressivement dans la Brann après avoir été adopté par les barons locaux. Dérivée de la chapka slave des régions d'Eurysie centrale, la toque polk se caractérise par son apparence sphérique, qui donne l’impression d’être coiffé d’une boule de laine trois à cinq fois plus grosse que la tête de son porteur. A l’origine vêtement de fortune conçu pour tenir chaud aux bergers, il devient rapidement prestigieux à mesure que sa fabrication se perfectionne. La rotondité du chapeau, qui contraste avec les couvre-chefs des paysans qui finissent généralement écrasés par l’usure, est signe d’opulence financière et d’un bon chapelier. Le travail de couture réalisé à l’intérieur pour obtenir et conserver un effet sphérique a longtemps requis une certaine expertise dans la fabrication.

Utilisé par les cavaliers polk depuis plus d'un millénaire, une légende militaire veut que les hordes tatares les voyant arriver de loin aient confondu leurs casques avec leurs chapeaux et les croyant plus gros furent trompés par la perspective, ce qui désorienta leur charge. Il n’est toutefois pas vraiment de preuve d’un tel événement ait réellement eu lieu, bien qu’il soit assez connu en Polkême. On sait en revanche qu'il a été retenté à plusieurs reprises notamment dans le cadre de joutes, les cavaliers polk variant leurs tailles de chapeaux pour désorienter leur adversaire. Aujourd’hui encore la toque polk fait partie de l’uniforme des cosaques, cavaliers légers portant le casque par-dessous la toque. Une manière pour eux de garder chaud à la tête tout en restant protégés. La noblesse polk, lorsqu’elle paraît en armes de cérémonie, se présente généralement tête nue ou coiffée d’une toque.

Au XVIème siècle, la toque polk serait à l’origine de la mode des perruques à la cour des Vol Drek. Devenu un signe aristocratique par excellence, les seigneurs de Polkême tentent des variations même hors des moments de chevauchées et le protocole royal finit par imposer aux barons de se présenter coiffés devant le roi. La toque étant encombrante, trop chaude en intérieur et présentant des risques non négligeables de s’enflammer au contact des bougies, seules sources de lumière à l’époque, les barons les troques progressivement pour des perruques moins volumineuses.

A l’inverse des cavaliers blêmes qui portent la capuche ou le voile transblême, la toque polk est un signe de reconnaissance des soldats de la Polkême dans la steppe. Ils sont ainsi rapidement identifiables de loin et distinguables du reste des groupes paramilitaires parcourant la région, au point d’être associées aux forces de police et de maintien de l’ordre.

Une célèbre plaisanterie : « toque toque ! qui est là ? un Polk ! »
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L’invention du pacte racial polk : intégration et exclusion



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Cavalier brann accompagné de cavaliers polk dans la plaine


1. L’intégration de la Brann à l’aube du nationalisme polk

« Les Blêmes doivent mais ne peuvent pas s’intégrer » résumait le chercheur en sciences politiques Csongor Surány dans son ouvrage Pourquoi la Pal ne fut pas polk. Il y compare les politiques d’intégration nationale menées en Brann et en Pal ponantaise, et explique leurs différences radicales de résultats. S’il est aujourd’hui communément admis que la Brann fait partie intégrante de la Polkême (harmonisation de leur système féodal, acceptation culturelle mutuelle, citoyenneté commune), il n’en va pas de même pour la région de Pal ponantaise, que les tentatives pour incorporer au reste de l’entité polk se sont systématiquement conclue par des échecs.

La question que soulève Csongor Surány dans son ouvrage est de savoir si, au-delà du discours officiel des institutions polk, l’assimilation des Blêmes à la nation est un projet sincère ayant échoué, ou bien si la Polkême n’a jamais réellement souhaité intégrer la Pal et ses citoyens à son territoire.

Trop souvent, les commentateurs résument la différence de résultats entre la Brann et la Pal par une analyse confondante de naïveté. Ils l’attribuent à un éloignement culturel plus marqué entre les Polk et les Blêmes qu’entre les Polk et les Brann, ce qui expliquerait des incompatibilités indépassables à faire société ensemble.
D’autres analystes la justifie par une forme de déterminisme ethnique : les Polk et les Brann seraient des slaves du nord, ce qui les rapprocherait naturellement, tandis que les Blêmes sont issus d’une mixité plus ancienne entre proto-slaves, proto-rêmiens et proto-tatares. Ils échouent cependant toujours à mettre au jour le gêne responsable de cette incompatibilité biologique.

Au-delà de l’ironie que nous inspire ces pseudo-théories, il faut bien dire qu’aucune de ces explications n’est scientifiquement satisfaisante. D’une part, lors des premières alliances entre la Brann et les Polky au IXème siècle, les deux espaces régionaux étaient bien distincts dans l’esprit des acteurs de l’époque, notamment en raison des différences géographiques évidentes (Polky montagneuses, Brann platte). Plusieurs textes et traités témoignent de cette conscience de former deux peuples distincts, aux mœurs et aux traditions étrangères l’un pour l’autre. Les habitants de la Brann (et en particulier de la Brann altanaise) étaient plus proches des populations tatares et blêmes, traditionnellement raideuses et cavalières, et desquelles ils avaient appris à se défendre. Les Polk en revanche, dont l’habitat montagneux conditionnait différemment l’aménagement défensif de leur territoire (construction de forteresse visant à tenir des points stratégiques du relief), était perçu comme d’avantage étrangers aux Brann du moyen-âge.

Pour ce qui est de la slavité des Brann, elle est également à nuancer. Les Brann ne se sont considérés comme une ethnie slave que tardivement car au contraire des proto-polks, leurs premiers foyers de peuplement venaient plutôt du nourd-est de l’Eurysie que de l’ouest. Les sources de l’époque semblent montrer que les Brann ne se sont jamais réellement souciés de leurs origines géographiques avant le XVIIIème siècle et la construction d’identités nationales stabilisées. Peuple nomade, les limites de leur territoire étaient davantage déterminées par les ressources disponibles et les autres peuples qu’ils affrontaient. Si l’on peut aujourd’hui dire que les Brann sont effectivement génétiquement davantage slaves que nazuméens, ces études ont été réalisées très tardivement et n’ont pas joué un rôle dans la construction de l’identité brann qui est essentiellement politique.

Pour ces deux raisons, il est difficile de voir dans la conception moderne du peuple branno-polk autre chose qu’une construction avant tout politique, qui trouve ses origines aux alentours du XVIIème siècle, et donnera lieu à des phénomènes de porosité culturelle entre les populations qui s’influenceront mutuellement jusqu’à nos jours.

Ce constat nous renvoie au contraste frappant de la différence d’intégration de la Brann avec la Pal ponantaise et le peuple Blême. Leur intégration géographique à la Polkême est pourtant beaucoup plus ancienne, puisqu’elle remonte au XIème siècle où la région de la Pal fut l’épicentre des affrontements entre Polk et tatares, jusqu’à ce que ces derniers se voient contraints d’abandonner tout le littoral du golf de Blême.

Plusieurs clefs d’explication coexistent, que nous explorerons dans les prochaines pages.

Tout d’abord, la bonne intégration de la Brann à l’entité polk peut s’expliquer par l’historique rapport stratégique et utilitaire de cette dernière à ses voisins. Les Brann sont alliés des Polk depuis presque un millénaire (au point que l’on parle en Polkême de Sainte Alliance ou de Vieille Alliance pour désigner le rapport quasi symbiotiques qu’entretiennent entre elles les deux régions).
Sujets aux raids et attaques des peuples nomades tataro-blême après la chute de l’Empire rêmien, les Brann ne pouvaient à eux seuls tenir la plaine, sans obstacle naturelle en dehors du fleuve Carbanube au nord, contre les vagues d’envahisseurs venus de l’est.
Pour les Polk, la Brann a donc toujours joué le rôle de zone tampon à leur frontière, avec la conscience que si la région tombait, ils seraient à leur tour menacés. En effet, la Polkême est encerclée par le nord et le sud de deux massifs montagneux difficiles à franchir. Son point faible se trouve dans sa grande plaine centrale où se concentrent la plupart des grandes agglomérations et des activités agricoles et productrices de richesse. Cette grande plaine centrale est vulnérable soit par l’ouest en traversant l’actuelle Sitadie, soit par l’est par la Brann. Les Polk ont donc très tôt considéré comme un objectif militaire crucial que de sécuriser la région de la Brann en nouant des alliances avec ses habitants.

Depuis des siècles, les barons de Polkême ont ainsi conclu de nombreux mariages avec les chefs et seigneurs de Brann. Ces unions et les nouveaux territoires qui en découlaient parfois a encouragé le déplacement et la mixité entre les peuples polk et brann qui se retrouvaient occasionnellement dirigés par un même seigneur. Ces circulations de population a toutefois rapidement posé problème à la noblesse polk qui, pour préserver le mythe de la pureté de son sang, a très tôt fait le choix arbitraire de considérer la Brann comme une région cousine à part entière de la zone slave. On trouve par ailleurs à certaines époques des tentatives plus ou moins arrangées de retracer des descendants communs aux deux peuples, notamment pour justifier des mariages, quand bien même une telle filiation soit aujourd’hui jugée très douteuse.

Pour la Brann, plus faiblement peuplée que les Polky et moins prospère du fait de l’absence de cours d’eau majeurs sur son territoire, intégrer l’espace polk s’est rapidement avéré un avantage économique et militaire stratégique. Ses chefs se sont accommodés de ce récit valorisant qui les associait à la puissance du rayonnant royaume voisin. L’adoption progressives d’éléments culturels polk tels que la sédentarisation, la mode ainsi que certaines méthodes d’agriculture fut perçu comme une forme d’accès à la civilisation par les Brann. Elle leur permettait par ailleurs de se démarquer de ses voisins tatares qui ne se sédentarisèrent que bien plus tardivement et eux aussi sous l’influence des invasions slaves venues du nord. Ce « pacte » civilisationnel, relativement inconscient au départ, a permis d’imposer progressivement dans les mentalité l’idée d’un bloc politique et culturel branno-polk cohérent et historique, aboutissant au XVIIIème siècle à l’union définitive des deux royaumes sous le nom de Polkême.

S’il existe aujourd’hui des scories de nationalisme brann, ces-dernières sont clairement résiduelles. Le peuple brann se considère polk à plus de 90% et les quelques tentatives d’avancer l’idée d’un projet d’indépendance régionale n’ont jamais suscité de réel engouement politique. Ainsi, on parle assez peu de peuple Brann, le qualificatif n’étant en général utilisé que pour désigner administrativement les habitants de la région et non pas une ethnie à part en Polkême.

L’harmonisation du système féodal entamée dès le XVème siècle (les chefs de clans nomades se donnent le titre de barons et construisent progressivement des habitations fortifiées fixées dans la plaine) contribue à ce sentiment d’appartenance en plus de permettre l’égalité en droit des habitants de la Brann avec ceux des deux Polky. Aujourd’hui, l’appartenance pleine en entier au système polk a permis d’intégrer la Brann à un réseau économique prospère en lui fournissant par ailleurs à l’époque moderne une sécurité militaire contre son turbulent voisin translavyen. Le réseau de chemin de fer, qui profite de l’absence de véritable obstacle dans la plaine centrale, permet de relier Volvoda à Buchkova en moins de quatre heures, et Buchkova à Szentpétervár en neuf. Ces liaisons ferroviaires, en plus de faciliter la circulation des individus, favorise le commerce entre le cœur économique de la Polkême le long du fleuve Pietr et la Brann.

L’invention au XVIIIème siècle d’un grand récit unificateur des peuples brann et polk a par ailleurs contribué à l’émergence du sentiment nationaliste en Polkême et la théorisation de ses frontières naturelles et de son peuple homogène ethniquement. En identifiant les critères d’appartenance à la communauté nationale afin d’y intégrer la Brann, les Polk ont travaillé à se penser eux-mêmes en tant que peuple doté d’une culture et d’une identité singulière. La conscience des intérêts nationaux, de la nécessité de se doter d’un territoire fixe aux frontières stabilisées pour en développer les infrastructures, tout en se protégeant contre les nationalismes voisins, a encouragé à la redécouverte voire l’invention de mythes régionaux communs aux Polk et aux Brann.

Tous ces éléments historiques sont sans aucun doute une explication crédible à la réussite de l’intégration de la région de la Brann à la Polkême. Une autre approche nécessite cependant de se pencher davantage sur le contraste de cette réussite avec l’échec de l’intégration de la Pal ponantaise, et l’élaboration d’un contrat racial branno-polk au détriment des Blêmes.
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L’invention du pacte racial polk : intégration et exclusion



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Internes Blêmes en tenue traditionnelle polk


2. Les internats blêmes : symbole honteux de l’histoire des politiques de polkisation de la Pal ponantaise

Conquise au Xième siècle, la Pal fait partie intégrante du territoire de Polkême depuis presque un millénaire. Le temps ne fit rien à l’affaire, quand on est Blême on est Blême, et on le reste. Contrairement à la Brann avec qui les relations polk furent historiquement bonnes, la Pal ponantaise entretient un rapport toujours houleux et complexe à son conquérant et ce malgré les efforts déployés pour intégrer la région au territoire national.

L’origine des politiques de polkisation de la Pal commence, comme souvent, au XVIIIème siècle, avec la théorisation progressive du projet national polk. Avant, la Couronne des deux Polky s’accommodait de gouverner des peuples de langues et de cultures différentes. Régner sur un vaste territoire comprenant des populations diverses était en effet un signe de prestige et de puissance. Ce n’est qu’à partir de la Renaissance que l’idée d’un territoire qui serait uni avant tout par la culture de son peuple et le désir de faire société ensemble (et non en fonction de l’autorité changeante de sa dynastie régnante) commence à faire son apparition. Avec les premières révolutions nationales antimonarchiques qui surviennent en Eurysie, la Polkême n’est pas épargnée par ces idées et c’est avec le soutien de la Couronne qu’une identité culturelle et nationale commence à être élaborée. Il s’agit d’un travail essentiellement politique, qui part à la fois du recensement des différentes cultures et traditions sur le territoire de Polkême et s’appuie sur l’écriture d’un grand récit national historique, l’exhumation de figures mythologiques et folkloriques oubliées, la compilation et réécriture de contes traditionnels…

A la fin du XVIIIème siècle et tout au long du XIXème, l’identité polk est ainsi construire par ses élites, dans un travail d’interprétation et de fixation du folklore et des traditions du pays pour constituer un corpus national stabilisé.

La question de la place de la Pal ponantaise et du peuple Blême dans ce roman national a été très vite débattue et a posé problème. En effet, les Blêmes ne sont pas exclusivement répartis sur la Pal, on en trouve également plus à l’est jusque dans certains territoire de l’actuelle République translavique et à l’ouest sur les côtes de la langue de Rême. Par ailleurs, l’existence de la Transblêmie fournissait déjà aux Blêmes un roman national concurrent plus ancien que celui des polk. La Transblêmie, bien qu’elle n’ait opéré son tournant nationaliste qu’au XIXème siècle, incarnait déjà une terre d’exil pour les Blêmes et donc avait participé à les constituer en tant que peuple à part entière dès le début du XIVème siècle et la phase de colonisation nazuméenne.

Autrement dit, les Blêmes constituaient déjà un peuple politique lorsque les Polk envisagèrent de les intégrer au leur. Les premières tentatives d’intégration de la Pal au roman national polk se heurtèrent donc à un fort rejet de la part des populations Blêmes qui avaient en grande partie construit leur identité culturelle en résistance à des envahisseurs étrangers. La naissance des nationalismes étant à l’époque encore balbutiante, les Polk firent le choix de mettre (provisoirement) la Pal de côté pour se concentrer sur la théorisation d’une identité politique commune avec la Brann et la stabilisation de leurs frontières naturelles au nord grâce à la chaîne de montagne des Vrcholky et du fleuve Carbanube.

C’est seulement au XIXème siècle que commencèrent les véritables politiques de « polkisation » des Blêmes. L’identité nationale polk ayant été stabilisée, il n’était plus possible d’y faire une place au peuple Blême sans fragiliser la cohérence d’ensemble. Par ailleurs (et on y reviendra), la hiérarchie culturelle entre les Polk supérieurs et les Blêmes inférieurs a très vite servi d’outil idéologique pour justifier la conquête et la domination de la Pal et d’un peuple étranger. En plaçant les Blêmes dans une position d’infériorité civilisationnel, la Polkême justifiait leur exploitation et sa domination par la force sur la région.

Les politiques de polkisation ont commencé dès les années 1820 après l’échec de la Première République de Pal ponantaise et l’instauration du Régentat. La mission originale du Régent, outre d’être le délégué militaire de la Couronne dans la région, était de mettre en place et superviser les politiques d’assimilation des Blêmes à la nation polk. Celles-ci se sont déclinées en plusieurs étapes à mesure de leurs échecs répétés.

En premier lieux, la polkisation de la Pal passe par l’interdiction de la langue blêmienne. Pendant presque un siècle il a été interdit de parler un autre langue que le polk dans les écoles. L’usage du blême pour la bureaucratie a été obtenu très tardivement (grâce aux accords successifs de 1991 et 1997) mais jusqu'à ces dates, les Blêmes étaient contraints de s’exprimer en Polk pour toutes les tâches administratives. La loi est également encore aujourd’hui exclusivement rédigée en polk et les juges sont dans leur immense majorité originaires de Polkême. Les plaidoiries se font en polk et les jugements sont rendus dans cette langue. Si de fait le blême a survécu en raison de la résistance des populations de Pal ponantaise et de son usage vernaculaire, le polk est une langue véhiculaire dont les rudiments sont maîtrisés par environ 80% de la population blême. On estime par ailleurs à 20% les Blêmes « complètement bilingues » en polk (c’est-à-dire atteignant l’équivalent du niveau B2 en langue polk selon les standards internationaux*).

En 1846, le Régent de Pal ponantaise fait mettre en place une série de mesures visant à encourager la polkisation des Blêmes. Ces-derniers se voient interdits d’exercer certaines professions (notamment celles de haut fonctionnaire, de magistrat ou d’armateurs) et les entreprises dépassant cent salariés doivent désormais être détenues à 51% au minimum par des actionnaires polk. Pour contrebalancer ces restrictions, la Polkême propose d’offrir la citoyenneté administrative aux Blêmes pouvant justifier d’un revenu supérieur à 4 000 zlato par mois, d’une maîtrise de niveau C1 de la langue et de la garanti de dix citoyens polk de son intégrité morale et de son désir d’intégration. Ces mesures cherchent à attirer une partie de l’élite Blême vers la Polkême et rendre désirable l’intégration à cette dernière.
Elles conduiront toutefois à un certain nombre d’effets secondaires délétères dont la marchandisation des lettres de recommandation polk (qui seront finalement retreintes à l’émission d’une lettre par citoyen tous les deux ans) et la création de fonds actionnarials fantoches uniquement là pour permettre aux grandes entreprises blêmes d’exister en ponctionnant une part massive de leurs dividendes. Il est à noter que les Blêmes devenus citoyens polk (dits « émancipés ») n’obtiennent pas pour autant le droit de vote et bénéficient donc d’une citoyenneté incomplète.

Cette ambivalence aura pour conséquence de rendre assez peu efficace l’objectif premier de polkiser les Blêmes et une partie de ces mesures seront abandonnées progressivement et aménagées pour mieux correspondre aux objectifs politiques de la Polkême.

En 1884, le Régent de Pal ponantaise fait adopter L’Acte de civilisation de la Pal qui vise à bâtir en Pal ponantaise mais également en Polkême un certain nombre de pensionnats dits « internats blêmes » en mesure d’accueillir à domicile une partie de la jeunesse blême afin de l’éduquer « à la polk ». Considérés comme le meilleur outil pour civiliser les Blêmes, la Polkême encouragera largement cette initiative jusqu’à l’étendre en 1901 en obligeant tous les enfants Blêmes, âgés de 4 à 17 ans à résider au moins dix mois par ans dans l’un de ces internats. Ces institutions visaient explicitement à « tuer le Blême dans l’enfant » en lui inculquant dès son plus jeune âge une éducation « à la polk » et en l’éloignant au maximum de son cercle familial. Le pensionnat était financé pour moitié par le trésor polk et pour moitié par les impôts régionaux prélevés en Pal ponantaise. Dès le départ, ces institutions ont eu une horrible réputation. Chères, maltraitantes et d’une grande violence psychologique pour des enfants coupés de leurs familles, elles étaient un lei d’abus psychologiques et physiques. Plusieurs scandales continuent aujourd’hui de remonter à la surface sur la façon dont été gérés ces établissements. Le choix d’envoyer un enfant dans tel ou tel pensionnat était à la discrétion de la haute administration de Polkême et pouvait, très cyniquement, servir de menace contre les parents blêmes, certains établissements ayant des réputations très différentes. Un fidèle serviteur de la Couronne pouvait en général espérer voir ses enfants envoyés dans les pensionnats de centre-ville, à Volvoda, Sor-de-voda, Miraj-de-voda ou Buchkova ; quand les citoyens Blêmes jugés hostiles voyaient leurs enfants punis en envoyés dans des instituts davantage reculés dans les montagnes et à la réputation beaucoup plus inquiétante.

Bien que cela leur soit interdit, les internes ont globalement toujours continué à pratiquer la langue blême entre eux, notamment puisqu’il s’agissait d’une langue que ne comprenaient pas leurs surveillants et qui leur permettait de conspirer. Cette dichotomie entre une langue polk autoritaire, imposée par les maîtres, et une langue blême plus confidentielle est par ailleurs renforcée par un certain imaginaire autour de la langue blême, parfois qualifiée de « langue des murmures » ou « langue des secrets » et qui, contrairement au polk, possèderait des vertus mystiques.

Les internats blêmes éduquaient les enfants à l’histoire polk, les initiait à ses pratiques culturelles traditionnelles (équitation, jardinage, danses, musiques et chants) en occultant complètement les savoirs blêmes. L’enseignement y était par ailleurs moins généraliste que dans les écoles polk, les élèves blêmes apprenaient davantage des savoirs pratiques et manuels, dans l’idée de les conditionner dès le plus jeune âge à occuper des métiers en bas de la hiérarchie sociale.

L’abolition du Régentas en 1940 et l’élargissement de l’autonomie politique des Blêmes aura pour conséquence l’abrogation de L’Acte de civilisation de la Pal et la fermeture progressive des internats blêmes. Celle-ci ne fut toutefois pas immédiate, la Pal ponantaise mettra presque trente ans pour reconstruire un système d’éducation autonome nécessitant la construction de nombreux bâtiments, la formation et l’embauche d’enseignants, la création de programmes scolaires et l’adaptation de la société blême de Pal ponantaise au retour des enfants qui disparaissaient presque pendant dix mois chaque années depuis plus de quarante ans.

Ces difficultés pratiques à reconstruire un écosystème éducatif complet font qu’encore aujourd’hui tous les internats blêmes n’ont pas disparu. On en compte plusieurs centaines en activité, la plupart situés dans les centre-villes polk. Ils jouissent cependant toujours de statuts très différents : les plus strictes font offices de véritables camps de redressement et de rééducation pour les délinquants, d’autres servent d’orphelinats pour les pupilles de la nation, d’autres enfin sont des écoles d’élite prisées par la bourgeoisie blême qui souhaite que ses enfants puissent s’intégrer plus tard à la société polk pour bénéficier de ses avantaes. L’accès à certaines universités et carrières en Polkême est en effet facilité si l’on a suivi un cursus en internat blême, ou si l’on y a mis certains de ses enfants. Y placer sa progéniture peut donc être stratégique pour envoyer des signaux positifs à sa hiérarchie et faciliter son accession à des postes à responsabilité en justifiant de sa bonne volonté et de son désir d’intégration à la nation polk.

Aujourd'hui encore, la citoyenneté blême n'offre pas les mêmes avantages que la citoyenneté polk. Les Blêmes ne peuvent toujours pas prétendre à certains postes sans justifier d'une certaine maîtrise de la langue polk et d'avoir vécu plusieurs années en Polkême. L'accès à l'emploi et à une résidence en Polkême pour les Blêmes étant par ailleurs difficile, ces populations se heurtent à de nombreux obstacles administratifs qui entravent leur carrière. A cela s'ajoutent des formes plus tacites de discrimination, notamment pour l'accès aux postes de cadres dans les fonctions de management et de gouvernance, qui sont généralement réservées aux Blêmes. Les Hauts Fonctionnaires de Pal ponantaise sont également de nationalité polk dans leur immense majorité, de fait les Blêmes ne sont pas gouvernés par leurs pairs. L'existence du parlement "inutile" de Pal ponantaise fait que les Blêmes n'élisent pas de représentants aux chambres de Polkême et se retrouvent de facto cantonnés à un rôle strictement consultatif, y compris pour les décisions relevant de leur région historique.

Certaines villes, comme Port Ponant, ont été investies assez massivement par une diaspora polk dans le but assumer de s'assuré la maîtrise du territoire grâce à la démographie. Si les Blêmes y restent majoritaires en nombre, ils doivent se contenter des emplois subalternes et les grandes entreprises et compagnies commerciales sont des compagnies polk dont les revenus sont réinvestis en Polkême. Les infrastructures territoriales de la Pal, bien que justifiée par le désir d'intégrer la région au reste du territoire, sont en réalité orientées vers l'intérêt des population polks qui résident en Pal ponantaise. Ainsi la ligne de train reliant Volvoda à Port Ponant et passant par Gurapest, présentée comme une avancée significative pour le rapprochement des peuples polk et blêmes, sert principalement au transport des marchandises arrivées par bateau vers l'intérieur de la Polkême, et à ses citoyens pour rejoindre rapidement leurs résidences en territoire polk pendant les vacances ou pour le weekend. Le chemin de fer n'a jamais été prévu pour permettre aux Blêmes de rentrer en Polkême, le prix de base de ces billets, prohibitif, empêche de facto les habitants les plus pauvres de payer le voyage en train. Les travailleurs polk en Pal ponantaise voient en général offrir de fortes réductions sur ces trajets afin de les inciter à occuper le territoire palponantais au détriment des Blêmes, tout en continuant de profiter du cadre de vie polk. Exemple de cette exclusion spatiale volontaire des Blêmes, la ville de Draculvoda, à l'ouest de la Pal ponantaise, n'est reliée au reste de la Polkême que par une ligne commerciale et militaire, mais ne prend pas de passagers civils. Il s'agit pourtant de la troisième ville la plus importante de la région, complètement sous-investie par les autorités polk.


*On hiérarchise le niveau de maîtrise d'une langue de A1 (niveau le plus élémentaire, compréhension minimale de la langue permettant seulement de remplir certains besoins pratiques comme demander son chemin ou commander dans un magasin) à C2 (niveau le plus avancé, maîtrise parfaite de la langue indistinguable d'un locuteur natif s'exprimant en langage soutenu).
Les niveaux se décomposent de la manière suivante : A1 < A2 < B1 < B2 < C1 < C2. On estime qu'un locuteur est bilingue à partir du niveau B2, sans pour autant maîtriser les aspects les plus subtils ou soutenus de la langue. La Polkême a mis en place un examen national visant à estimer le niveau d'un locuteur en polk, appelé CRMP (Certificat Royal de Maîtrise du Polk). Il dure environ deux heures et peut être passé sur demande, à des dates fixes, en payant des frais d'inscription. Justifier d'un CRMP d'un certain niveau peut être nécessaire pour postuler à certains postes notamment dans la haute administration.
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Champ de coquelicot, paysage de Polkême


Le champ de fleurs polk

Le paysage le plus iconique de Polkême – qu’on retrouvera décliné sur la plupart des cartes postales – est sans aucun doute le champ de fleur. Bleues, rouges, violettes, blanches ou jaunes, qui circule à l’intérieur du pays est aisément frappé par ces vastes aplats parfumés qui soudain viennent trancher dans le vert profond des forêts et prairies. La culture des fleurs est une institution en Polkême, institution qui peut surprendre étant donné que leur fonction semble tenir davantage du luxe superflu que d’une véritable utilité pratique. Pourtant, les statistiques montrent que près d’un quart des terres cultivées de Polkême sont consacrées à faire pousser des fleurs. Comment et pourquoi, dans un pays à la productivité si faible et au niveau de richesse en dessous de la moyenne du continent, tant d’efforts sont-ils consacrés à la culture de ces plantes inutiles ? Tâchons d’en savoir plus…


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La fleur : une plante en trompe-l’œil

L’inutilité prêtée aux fleurs est assez souvent une méconnaissance de ces plantes. Rétablissons quelques faits. D’une part, un certain nombre d’entre-elles sont en fait parfaitement comestibles. Bien que leur apport calorique soit très faible, elles regorgent de vitamines et sont excellentes pour la santé, contribuant à une alimentation équilibrée et saine. Elles sont très utiles par ailleurs pour parfumer les plats, de nombreuses recettes de la cuisine traditionnelle polk en utilisent ainsi comme épices. On en retrouve par exemple sur le fromage dit « fromage aux fleurs », très populaire en Polkême, ou dans les confitures. Elles peuvent aussi être consommées en tisanes et servent de substitues aux feuilles de thé.

Produit dérivé des fleurs, le miel, est extrêmement présent dans l’alimentation des polk. Particulièrement bon pour la santé il entre dans la composition de la plupart des produits sucrés ce qui remplace assez efficacement la culture de canne à sucre ou de betteraves sucrières. Les abeilles jouent le rôle de polinisateurs et s’intègrent harmonieusement à l’écosystème de la Polkême, tout en participant à nourrir la population.

Les fleurs entrent par ailleurs dans le processus de production d’un grand nombre de produits de consommation. Elles servent par exemple à la préparation de plusieurs médicaments, en particulier dans le cadre de la médecine douce, elle aussi très utilisée en Polkême qui possède un vaste réseau d’herboristeries. On les utilise également comme composants pour un grand nombre de teintures et elles sont à la base de certains produits artisanaux et manufacturés.

Surtout, les fleurs sont utilisées pour la production de cosmétiques et de parfums, deux des rares marchés où la Polkême est exportatrice à l’étranger. Les laboratoires pharmacologiques, s’ils n’égalent pas ceux des Dalyoha, sont infiniment plus respectueux de l’environnement et travaillent uniquement à partir de produits sains pour la nature, biodégradables et sans pollution chimique.

Enfin, les fleurs entrent dans la composition de certains matériaux innovant, notamment de papeterie et de construction. Les fibres servent à produire certains matériaux composites utilisés dans le secteur du bâtiment polk et dans la production de papiers. La Polkême ayant interdit le blanchiment des feuilles, le papier polk est caractérisé par sa légère coloration naturelle qui peut varier selon le type de fleurs utilisé pour le produire.


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La fleur participe à la préservation de l’environnement et la fertilité des sols

Si la Polkême n’est pas un pays de science, elle possède néanmoins des savoirs pointus dans le domaine de l’environnement. La culture de certaines fleurs permet par exemple de remplacer certains engrais chimiques en revitalisant le sol, ou en le dépolluant. Si la campagne polk est aussi fleurie, c’est parce que planter des fleurs dans un champ est une pratique rentable et encouragée afin de permettre la rotation efficace des cultures, sans laisser la terre totalement en jachère. Les fleurs sauvages de la région sont, pour certaines variétés, peu gourmandes en eau et en minéraux, mais attirent les insectes, les animaux composteurs comme les lombrics et les oiseaux qui participent de la fertilisation du sol.

Les fleurs sont également utilisée comme culture dite « de couverture » qui permet de préserver l’érosion des sols et maintient certaines rivières dans leur lit. Elles maintiennent également les zones humides et offrent, grâce au insectes qui y habitent, un garde-manger pour les oiseaux et autres animaux insectivores. Par ailleurs, elles servent de refuge et de lieux de vie à un grand nombre de petits animaux dont certains sont chassés pour leur viande et participent donc à nourrir la population locale.

Enfin, les fleurs entrent dans certains procédés de polyculture ou permaculture en favorisant la pousse d’autres plantes plus utiles qu’elles protègent. Elles peuvent ainsi préserver les graines des gelées tardives du printemps polk, apporter de l’ombre et de l’humidité à certaines jeunes pousses fragiles, ou simplement détourner l’attention des prédateurs, notamment au moment de la semaille, en dissimulant les graines aux oiseaux.


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Les fleurs : élément de culture polk

Si les points précédent n’épuisent pas les utilisations pratiques des fleurs dans l’économie, il n’aurait aucun sens de ne pas évoquer la place centrale qu’elles occupent dans le quotidien des Polk, l’aménagement de leurs villages et la décoration de leurs foyers. L’utilisation des fleurs (fraiches ou séchées) comme élément esthétique caractéristique de la Polkême est extrêmement important. Elle participe à la vie sociale des polk sur plusieurs aspects.

D’une part, elles camouflent certains éléments peu gracieux du paysage. Plaques d’égouts, lignes électriques, bornes et pilonnes, les services municipaux ou les habitants eux-mêmes dissimulent la plupart des installations techniques mais laides sous des buissons et massifs de fleurs. Cela participe à l’illusion que les villages et villes de Polkême fonctionnent en l’absence d’infrastructures et préservent leur beauté naturelle. Il en va de même avec les toits et façades des maisons, souvent couverts de verdures permettant de camoufler des raccords, sortis de tuyaux, de fils, antennes et la plupart des éléments modernes jugés disgracieux. Au-delà du simple aspect esthétique, ces choix d’aménagement du paysage participent à homogénéiser la Polkême et contribuent ainsi au sentiment d’appartenance de ses habitants. Ces-derniers partagent de fait une culture commune, au moins en ce qui concerne l’entretien de la végétation urbaine.

D’autre part, les fleurs occupent une place centrale dans un certain nombre de rituels sociaux, tels que les fêtes ou dans certaines conventions interactionnelles. Pour donner deux exemples, le 6 mai est la fête des anciens, il est de coutume d’offrir un bouquet aux membres les plus âgés de notre cercle roche (collègues, amis et famille). Le langage des fleurs sert également à passer des messages, en particulier dans les relations de couple ou pour la séduction, le fait de s’offrir des fleurs (qui sont extrêmement bon marché) est un passage quasi obligé non seulement lors des premiers rendez-vous, mais aussi dans le quotidien d’une famille. On offrira un bouquet de géranium pour faire passer le message qu’on aimerait voir l’autre plus souvent à la maison, offrir un épi de verveine exprime le besoin d’un peu de solitude (tout en rassurant l’autre sur nos sentiments) quand un brin de cataire indique l’envie de passer un moment câlin une fois les enfants couchés.

Enfin et pour finir, l’intérêt des fleurs réside, aux yeux des Polk, dans le parfum qu’elles dégagent. Si la plupart ne sont pas vraiment odorantes sans avoir le nez dessus, d’autres dégagent une odeur à la limite de l’entêtant. Le parfum a une fonction sociale, notamment parce qu’il couvre l’odeur des déjections d’animaux et surtout de chevaux qu’on retrouve un peu partout sur les routes, mais aussi parce qu’il contribue à rendre une maison (et son jardin) accueillant. Le parfum des fleurs envoie donc un message d’intégration, bien savoir entretenir ses plantes rappelle à la communauté qu’on y est bien intégré et prêt à faire des efforts pour les autres. Cette fonction, purement symbolique, joue dans la socialisation quotidienne des polk et participe à rapprocher les voisins en renforçant leur sentiment d’appartenance au quartier.


Nous espérons que ce morceau d’encyclopédie vous aura convaincu que, loin d’être inutiles, les champs de fleurs occupent une place centrale dans l’économie et la vie quotidienne des polk… en plus d’offrir aux yeux un merveilleux spectacle.
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Personnage emblématique du folklore traditionnel polk, le lutin Daniel porte le chapeau polk


Le chapeau pointu polk

Si les cavaliers, militaires et nobles portent traditionnellement la toque pour se tenir chaud au crâne, celle-ci est concurrencée par un autre couvre-chef au sein de la population rurale : le chapeau pointu. Fabriqué le plus souvent en cuir, parfois à partir de fibres végétales, il apparait assez tôt dans l’histoire de la Polkême dès le XVème siècle et sera attesté à la plupart des époques au sein de la paysannerie.

Une légende populaire veut que le chapeau pointu ait cette forme pour permettre de voir les paysans qui travaillent dans les champs, même quand les plantations sont hautes (c’est le cas du tournesol dont la taille dépasse parfois celle d’un homme adulte). Il semble plus probable que le chapeau pointu soit une variante régional de la cagoule médiévale avec queue liripipe, cette longue excroissance de laine ou de tissu dont se servait les paysans comme d’une écharpe. Peut-être parce qu’elle avait tendance à s’accrocher aux ronces elle a progressivement été abandonné à la fin du moyen-âge mais s’est rigidifiée en Polkême pour former la pointe du chapeau.

Le chapeau pointu est un objet de distinction sociale, identifiable de loin. Avec l’évolution des pratiques de couture et de cordonnerie il devient progressivement plus résistant et sert tout autant contre la pluie, la neige ou pour se protéger des rayons du soleil. La pointe du chapeau a pu permettre de placer des fleurs ou des herbes aromatiques qui dégageaient un parfum agréable. Les fleurs ont parfois également été tressées en couronnes qui se glissaient autour de la pointe. Parfois, cette dernière est ornée d’un pompom de laine dont le but est uniquement esthétique. La pointe est parfois droite mais peut également être cousue pour redescendre légèrement au bout pour former un angle plus ou moins droit.

Au XVIème et XVIIème siècle, la mode du chapeau pointu évolue, celui-ci se voit agrémenté de fanions et rubans, surtout dans les zones urbaines. Certains chapeaux particulièrement raffinés sont cousus de fil d’or et doublés de soie ou de tissus précieux, et servent à faire démonstration de la richesse de leur porteur. Les motifs et accessoires varient selon les régions, les habitants d’Ora et de Buchka arboraient par exemple une étoile en haut de la pointe du chapeau ; les bourgeois du Dek sont en revanche célèbres pour coudre des perles de verre sur les bords, peu pratiques mais qui reflètent le soleil.

S’il disparait presque complètement au XVIIIème siècle, concurrencé par des couvre-chefs en feutre plus modernes, le chapeau pointu polk refait son apparition à la fin du XIXème siècle, encouragé par les politiques de revitalisation nationale. Il perdure tout au long du XXème siècle, seule la coupe et les matières changent, la forme tend à rester la même. Encore aujourd’hui on peut souvent en apercevoir dans les zones rurales où il est resté un vêtement du quotidien, bien qu’un peu endimanché.

Quoi que cela soit plus marginal, on retrouve des chapeaux pointus dans le folklore Blême et Transblême en raison de la diffusion de la mode polk à ces régions.

La ressemblance entre le chapeau polk et le chapeau "de magicien" ou "de sorcier" a été plusieurs fois relevé dans l'histoire. Cette dernière paraissait d'autant plus frappante que la Polkême a très tôt constitué un ilot culturel enchanté en décalage avec l'orientation prise par le reste du monde dans la modernité occidentale. La comparaison a souvent été reprise, avec plus ou moins de sérieux, par les Polk eux mêmes qui se disent parfois "gens de magie", contrairement aux Blêmes "gens de sorcellerie". Le terme de mage, qui font officie de juges dans la société, fait tout à fait écho à cet imaginaire où le mysticisme est au cœur du quotidien, qui est assumé et revendiqué.
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Argutie compliquée
sur l’état de la pensée stratégique polk en 2015 et depuis cent ans ; et sur ses conséquences économiques et sociales



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1. Polkême : rêve multiséculaire d'autosuffisance

La Polkême est une nation traditionnellement isolationniste en Eurysie. Cet isolement est non seulement diplomatique et économique : jusqu'en 2014 la Polkême n'accueillait aucune ambassade sur son sol et refusait au maximum les importations de biens manufacturés ; mais également culturel et social : la Polkême ayant refusé d’entrer dans la modernité afin de préserver en partie les structures sociales traditionnelles de l’époque féodale.

Si de nombreux pays peuvent se dire isolationnistes et cherchent à rester à l’écart des grandes alliances politiques internationales, beaucoup plus rares sont ceux à avoir réalisé cet isolationnisme dans les faits. Parce qu’ils s’inscrivent dans des flux commerciaux a minima régionaux et doivent composer avec des mouvements de migrations et de diffusion culturelle indépendants de leur volonté, aucun pays ne peut prétendre à une totale autonomie vis-à-vis de ses voisins. Les pays les plus autosuffisants dans le monde le sont soit au prix de choix politiques radicaux (menant à des sociétés qui ne font pas modèle : Principauté de Carnavale), soit parce qu’elles font reposer le gros de leur économie sur une production vivrière (et souffrent donc souvent d’une pauvreté difficilement enviable : Transblêmie). L’autosuffisance est donc dans le meilleur des cas un rêve idéaliste aux conséquences extrêmes et controversées, et dans le pire une situation subie que la population paye par un faible niveau de vie.

La Polkême n’échappe pas à cette règle. Oscillant entre pauvreté et modèle de société atypique, à la différence de la plupart des nations cherchant l’autonomie et l’isolement, la poursuite de ces objectifs est pour la Polkême consubstantiel à la survie de son modèle politique, à toutes les échelles de la société. Ainsi, cette quête d'autosuffisance dicte les objectifs géopolitiques du pays et de ses différents gouvernements depuis près d’un siècle. D’ailleurs, la domination depuis plus de cinquante ans de la scène politique polk par le parti izolacionist témoigne de l’importance de ces principes dans la pensée stratégique du Royaume.

Pour atteindre ses objectifs, la Polkême se projette et (fait rare) planifie sur une temporalité longue. Il n’est pas étrange de voir débattus aux chambres hautes et basses des plans décennaux, vingtainaux voire quinquagénaux pour les plus ambitieux. Cette vision sur la longue durée, caractéristique de tradition stratégique de la Polkême, est rendue possible par la stabilité de ses institutions, la place de la famille royale des Vol Drek dans le système politique polk et la structuration du système électorale. Celui-ci, et grâce au système médiatique qui fonctionne de la même façon, accorde en effet davantage d’importance aux politiques régionales par rapport aux grandes orientations nationales dont les Polk ont tendance à se désintéresser au profit d’enjeux plus locaux. De fait, la fronde populaire se concentre principalement autour de problèmes concrets à résoudre plutôt que des grands débats idéologiques et est donc moins susceptibles de venir interrompre les transformations sur le long terme.

Toute la pensée stratégique polk s’articule donc autour de deux enjeux d’apparence contradictoire : demeurer souveraine et autonome économiquement et culturellement pour ne pas dépendre du reste du monde et demeurer suffisamment puissante pour ne pas craindre les pressions militaires ou économiques du reste du monde.

Faire avec le paradoxe de l'autonomie et de la mondialisation

Cette problématique est centrale tant elle semble impossible à résoudre : à l’ère de la mondialisation, la modernisation d’un pays passe par sa spécialisation dans certains domaines de compétence afin de bénéficier d’économie d’échelles et d’échanges avantageux. Pour le dire autrement, les nations ont tendance à profiter de l’ouverture des marchés extérieurs puisqu’elles peuvent y acheter pour moins cher que ce qu’elles produiraient sinon sur place et, grâce aux économies ainsi effectuées, développer certains secteurs d’activités où elles seront à leur tour plus rentables. Ce cycle vertueux, théorisé par les économistes classiques dès le XVIIIème siècle, est encore aujourd’hui au cœur de l’idéologie économique de certaines des plus grandes alliances du monde telle que l’Organisation des Nations Commerçantes et l’Organisation des Nations Démocratiques. Sans nous lancer dans un démontage en règle du mythe de la mondialisation heureuse (souvent fondée sur l’impérialisme militaire et la prédation économique qui se vérifie également avec l’ONC et l’OND), il est vrai que ces grands mécanismes économiques ont permis la montée en gamme rapide de nombreux pays notamment grâce aux effets de rattrapage industrielle et scientifique dont bénéficient les marchés mondialisés.

Cet effet de rattrapage, couplé aux avantages que procure un accès au marché mondial, sont quasiment incontournables pour une nation moderne désirant rester concurrentielle avec ses voisines. Un pays qui chercherait à moderniser seul son économie sans se préoccuper du reste du monde mettrait mécaniquement beaucoup plus de temps à atteindre un niveau technologique avancé que ses concurrents et demeurerait éternellement sous-développé. Autrement dit, en théorie, tout pays a intérêt à bénéficier du travail des autres et devrait chercher à fournir au marché mondial quelques biens ou des services pour lesquels il profite d’économie d’échelles, sans se préoccuper du reste.
Or, on l’a dit, la Polkême ne souhaite pas s’insérer dans la mondialisation. Cela la condamne mécaniquement à produire sur son territoire national tout ce qu’elle refuse d’importer de l’étranger ou (et c’est le choix qu’elle a fait) chercher au maximum à s’en passer.

Ainsi, la Polkême a développé depuis le début des années 50 et la modernisation rapide des économies du monde entier, à développer un modèle alternatif dit « de sobriété souveraine ». Ce que certains ont à l’époque qualifié de faux-nez de la pauvreté cherche précisément à assurer un confort de vie suffisant pour empêcher les grandes révoltes populaires et l’influence des nations étrangères tout en se passant au maximum de certains aspects de la modernité nécessitant des composants et des technologie que la Polkême se refuse d’importer. L’exemple de l’utilisation du cheval est archétypal, quasi folklorique, mais il illustre bien l’un des nombreux choix d’aménagement du paysage et d’organisation du tissu économique polk pour ne pas dépendre d’un niveau technologique qu’elle ne peut pas prétendre atteindre : la mécanisation et la motorisation de la société. Plus discrets mais non moins cruciaux, on pensera également à l’exemple des télécommunications, restées massivement filaires mais quais gratuite grâce à un service public de l’information et de la communication, ou à celui de l’agriculture intensive, remplacée par la permaculture qui permet d’obtenir un rendement acceptable sans utiliser d’engrais ou de pesticide, mais au prix d’y consacrer plusieurs heures de travail non rémunéré par semaines.

Ces exemples peuvent, pour l’œil extérieur, faire penser à une société archaïque et de fait, ils en partagent de nombreux aspects. Cependant, la Polkême n’est pas un pays pauvre au sens où on l’entend généralement : sa sobriété est planifiée et accompagnée et non combattue. La Polkême ne cherche pas à moderniser ses infrastructures pour répondre à la concurrence. Son marché est fermé et excessivement protectionniste ce qui lui permet de maintenir en vie des secteurs économiques dépassés hors de ses frontières. Ce protectionnisme ne fonctionne que parce que la Polkême n’importe que très peu de l’étranger et sélectionne minutieusement les ressources qu’elle laisse entrer sur son territoire, de façon à ce que son économie non compétitive ne pèse pas trop sur sa balance commerciale. Puissance agricole jouissant d’une bonne réputation, elle exporte principalement des denrées alimentaires ainsi que certains produits d’artisanat de luxe (joaillerie grâce à ses mines d’or, parfums et haute couture) qu’elle échange contre des ressources brutes et des composants qu’elle est incapable de produire elle-même. En général, ces ressources rares et chères sont strictement réservées à la défense de l’Etat et au fonctionnement des institutions, la Polkême étant consciente de sa position de vulnérabilité militaire en l’absence de complexe industriel moderne.

Sobriété polk : un contrat social

Pour que cette sobriété fonctionne, la Polkême doit répondre par ailleurs aux attendre de sa population en matière de confort de vie. Ainsi, la majeure partie des politiques publiques et efforts de planification nationale qui ne sont pas consacrés à l’autonomie économique le sont à améliorer le niveau de vie des Polk. Ce niveau de vie passe par trois piliers théorisés au début des années 20 : équilibre travail/vie privée ; services publiques de proximité ; harmonie avec la nature. Conçus comme un slogan de campagne lorsqu’il fallait convaincre les Polk de refuser le confort de vie promis par la modernisation des sociétés voisines, ces trois piliers s’articulent par ailleurs à des éléments culturels fondamentaux de la société polk que sont l’importance des réseaux de sociabilité traditionnelle (klubs) qui assurent un sentiment très fort d’intégration à la société, la mise en commun des corvées et travaux à l’échelle de la commune et la faible ingérence de l’Etat et de la politique de manière générale dans la vie locale.

Chacun de ces aspects mérite d’être commenté.

Le temps c'est de l'argent : temps libre contre faible pouvoir d'achat

D’une part, la Polkême assure à ses citoyens du temps libre, bien plus que dans la plupart des autres pays (une centaine de jours sont « non travaillés » en Polkême sous prétexte de fêtes ou de rituels). Cette perte de productivité en apparence est compensée par le fait que la vie sociale polk est faite de beaucoup de travail domestique : entretien des maisons, des jardins, des cultures, soins à la personne, service de garde des enfants, artisanat local, travaux de réparation, etc. La faible marchandisation des activités humaines diminue certes le PIB national mais est compensée par le travail domestique et quotidien qui palie un certain nombre de services non disponibles par ailleurs. Exemplairement on préférera largement réparer les objets que de les racheter, ces-derniers étant de toute façon souvent plus durables et de meilleur qualité que leurs équivalents produits de manière industrielle. Ce refus de la société de consommation est permis par le temps que les Polk peuvent consacrer dans la semaine à l’entretien de leur quotidien. Comme il est rare que tous les habitants d’un quartiers travaillent au même moment, une forme de roulement se fait naturellement et on confiera à ceux du village qui ne sont pas occupés ou plus en état d’être salariés la tâche de surveiller le quartier, faire remonter les problèmes, entretenir du lien social avec les personnes âgées ou garder un œil sur les plus jeunes. Aspect non négligeable du travail domestique : il est effectué pour soi et ses proches et non pour un patron. Bien qu’il puisse être parfois moins efficace que s’il avait été confié à une entreprise spécialisée, il diminue le sentiment d’aliénation, augmente le bonheur au travail et, paradoxalement, peut compenser la perte de productivité par le fait qu’il est effectué avec plus de bon cœur et pour un bénéfice immédiat et personnel.

Par ailleurs, outre le travail domestique qui compense le travail salarié, le temps libre des Polk a plusieurs avantages concrets. D’une part il est un argument non négligeable à opposer à ceux qui souhaiteraient que la Polkême prennent le même chemin moderne que ses voisines. Certes les autres nations ont des téléphones portables et de grosses voitures, mais ont-elles du temps libre avec leurs familles ? Peuvent-elles faire la sieste dans leur jardin ? Ont-elles le temps de se promener dans la campagne avant que le soleil ne se couche ? Accompagné de campagne de propagande politique et de la mise en avant de certains contre-modèles dystopiques comme l’Empire de Drovolski ou la Principauté de Carnavale, la Polkême achète littéralement la paix sociale contre du temps libre. D’autre part, ce temps libre consacré au repos et à la sociabilité produit des bénéfices qui s’observent dans les statistiques nationales : les Polk sont moins malades, vivent plus longtemps en bonne santé, souffrent moins de maladies mentales et sont plus productifs lorsqu’ils travaillent. Si la qualité de la nourriture et de l’air joue bien évidement sur la santé générale du pays, le fait de ne pas se tuer à la tâche épargne aux corps une usure prématurée. Ainsi la Polkême ne souffre pas des affres observables dans des nations d’un niveau de développement comparable et fait jeu à peu près égal avec les pays tertiarisés. Certes le travail manuel est omniprésent, mais il s’accompagne de temps de récupération, de loisir et de soin plus fréquents qui limitent la fatigue des articulations et des tissus. Par ailleurs, l’activité physique des polk limitent les problèmes de surpoids ou de dépression. Avoir du temps libre offre des possibilités qui, si elles n’ont rien d’exceptionnelles en soi, sont massives et donc jouent sur les tendances du pays. Par exemple avoir le temps de cuisiner pour soi et sa famille fait que la restauration rapide est quasi inexistante en Polkême, diminuant les maladies qui lui sont liées et le gaspillage alimentaire. Le fait de se sentir faire partie d’un collectif et la richesse du tissu social local contribuent de manière générale à diminuer l’anomie, c’est-à-dire le sentiment de solitude ou d’inutilité au sein de la société. La contribution de tous, y compris des plus âgés, à la vie collective permet de les maintenir en forme et si l’espérance de vie reste moyenne en raison du retard des Polk en matière d’accès au soin, la Polkême est par ailleurs l’un des pays qui compte le plus de centenaires au sein de sa population.

Les services publics de proximité ou la mutualisation de l'offre

Un deuxième facteur d’explication du bien-être polk sont les services publics de proximité qui compensent en partie l’accès à certains services privés. Ainsi, certes les Polk sont très rares à posséder des téléphones portables mais la Polkême a mis en place un réseau de télécommunication national performant et on trouve des cabines téléphoniques un peu partout et gratuites dans les zones d’habitations. De la même manière la voiture individuelle est très rare en Polkême mais le réseau de transports en commun est beaucoup plus dense que dans la plupart des pays avec des lignes de train qui poussent jusque dans les plus petits villages sans se soucier de leur rentabilité. L’accès aux fiacres et à des espaces pour accueillir les chevaux permet également de rendre l’usage des animaux beaucoup plus naturel qu’ailleurs. Les services publics sont pensés en Polkême pour compenser tous les services qui ne sont pas pris en charge par les communautés de voisinage. Ainsi les crèches sont rares parce qu’on estime qu’il existe souvent un grand-parent ou une personne âgée prête à garder les enfants en bas âge pour rendre service. En revanche la poste est particulièrement efficace en Polkême pour compenser le faible accès à internet et aux mails : ce service public profite des privilèges de la motorisation, des trains sont consacrés aux lettres et par ailleurs la bureaucratie polk cherche à limiter les démarches inutiles, quitte à perdre en visibilité, et fait le pari de laisser les administrations locales prendre en charge le gros de la logistique, notamment en dépêchant des agents humains chez les gens pour recueillir leurs informations ou les aider à les donner. Il existe d’ailleurs des services publics inexistant ailleurs mais dont le but est de fluidifier « manuellement » certains aspects du quotidien en l’absence de nouvelles technologies : des écrivains publics aident à la rédaction de lettres ou à remplir des documents, des médiateurs s’assurent de régler les conflits de voisinage et de faire remonter au jour le jour les doléances des habitants, des conseilleurs font de l’itinérance pour informer sur les récentes découvertes en matière d'entretien des jardins ou des infrastructures, ou partager des initiatives locales à succès dont pourraient s’inspirer des quartiers éloignés.

De nombreux journaux et gazettes assurent l’information au quotidien et il est possible de se les faire lire ou expliquer en se rendant à certaines heures devant les mairies ou dans des lieux de rassemblement dédiés. Enfin, certains services publics proposent des travailleurs pour des tâches ponctuelles, à condition d’en faire la demande à l’avance. Ainsi il est possible, si l’on est un peu patient, de demander à sa mairie de vous fournir une dizaine de personne le temps d’une journée ou plus pour réparer un toit ou effectuer une tâche domestique complexe seul. Si la liste des tâches pouvant faire l’objet de ce genre d’aide est scrutée assez attentivement pour ne pas surcharger le service, elles pallient de manière assez efficace à l’absence d’entreprises aptes à répondre à certaines demandes. En fonction de la technicité du travail, des spécialistes peuvent même être invités à se déplacer sur place (le temps d’attente est toutefois en général un peu plus long). Le fait de travailler dans ce genre de services publics est plutôt valorisé, perçu comme un acte civique circonscrit dans le temps, souvent au moment de la jeunesse entre dix-huit et trente ans, lorsque l’individu est au maximum de sa forme physique. C’est l’occasion de voyager à l’intérieur de la Polkême et pourquoi pas de rencontrer son ou sa conjointe. Passé ces âges, on revient en général sur son lieu de naissance pour assister des parents qui commencent à vieillir et fonder à son tour une famille.

Espaces sauvages, naturels et liminaux : sas de décompression nécessaires à la résilience de la société polk

L’harmonie avec la nature est le troisième pilier du contrat social polk et souvent l’un des plus sous-estimé. Pourtant, la société polk se repose pour beaucoup sur une forme de spiritualité douce (à ne pas confondre avec la religiosité qui découle de la christianisation de la région), attachée à ses paysages et à cohabiter avec la nature sans la prédater excessivement. Les Polk apprennent très tôt le coût d’un développement économique excessif sur leur environnement : urbanisation des espaces naturels, destruction des sols, des habitats pour la faune sauvage, de la biodiversité, enlaidissement du paysage, etc. Ces conséquences tangibles font l’objet d’une critique profonde, inculquée dès l’enfance aux enfants Polk, à l’école et dans leur vie quotidienne par l’influence de leur quartier et de leur commune. Ainsi, la façon dont les sociétés modernes ont partiellement détruit leurs habitats naturels et l’urbanisation à outrance dans de grandes agglomérations bétonisées sont présentés comme un contre-modèle radical à l’idéal de vie saine et harmonieuse que propose la Polkême à ses citoyens. L’absence de modernité est ainsi vue moins comme une privation que comme une concession faite pour préserver un cadre de vie agréable. A nouveau, les Polk mobilise la figure de grandes nations dystopiques et industrialisées telles que Carnavale, Drovolski, Rasken ou la Translavya comme des repoussoirs et le résultat catastrophique d’une modernisation à outrance. Pris dans un choix binaire entre la dévastation charriée par les économies carbonées d’une part et la vie bucolique et sobre de la Polkême d’autre part, la population est davantage encline à comprendre et refuser les conséquences de l’industrialisation du pays. Dans une forme de romantisme en partie (bien que sincère) instrumentalisé par les autorités politiques afin de façonner une certaine conception de la culture et de l’identité nationale, l’image idéal du Polk vivant en harmonie avec la nature n’est pas une construction artificielle mais bien le résultat de choix de sociétés opérant directement sur les structures de la société. La Polkême, pour des raisons historiques qui seront développées ailleurs, est de fait l’un des rares pays non-socialistes à penser de manière matérialiste la société et sa population, consciente que la culture est avant tout le produit du quotidien des individus et qu’elle ne peut pas être décrétée par le haut ou déterminée par une essence nationale.

Le rapport des Polk à la nature ne doit donc pas être compris comme le résultat d’une ingénierie sociale. L’action consciente des politiques publiques de la Polkême n’a en fait été déterminante que dans le blocage de la modernisation du pays à partir du XVIIIème siècle, ce qui lui a fait prendre un chemin différent et a évité les conséquences classiques de la révolution industrielle (exode rural, essor de la bourgeoisie, formation d’une classe ouvrière, etc.). La nature est, à mesure que les autres nations la percevait comme une ressource, devenue par contrepied de plus en plus centrale dans la société polk dont elle détermine de nombreux aspects souvent impensés pour qui vit dans une société moderne. Les forêts par exemple, parce qu’elles fournissent du bois, du gibier et des plantes, sont un bien commun pour tout le monde et viennent compenser ce qui, dans d’autres pays, serait critiqué comme un faible pouvoir d’achat. Il est bien entendu que jamais la nature brute ne compensera une industrie moderne ou ne permettra la subsistance d’un pays de plusieurs millions d’habitants comme la Polkême, mais elle apporte cependant des ressources non marchandes. Ainsi l’accès à des lieux promenades, la responsabilisation très jeune au fait que les espaces naturels sont un bien commun ou l’offre d’activités collectives permises par la nature sauvage contribuent à diminuer en partie la petite délinquance, ou tout du moins la rendre plus discrète que dans des zones à forte densité urbaine. Le sentiment d’insécurité est ainsi très bas en Polkême du fait que les crimes et délits se déroulent tendanciellement à l’écart des lieux de vie et sont donc jugés moins nocifs. D’une manière générale, le taux d’homicides est bien inférieur à la moyenne de l’Eurysie et si la violence reste présente dans la société polk, le fait de ne pas vivre entassés et les nombreuses activités sportives ou de chasse pour la laisser s’exprimer tendent à la canaliser. Parce que le contrôle social est également plus fort dans les zones de vie, il tend à faire diminuer les actes de vandalisme. A l’inverse, la confidentialité que procure les espaces sauvages rend acceptable un certain nombres de pratiques qui seraient jugées déviantes si menées au grand jour. « Aller au bois » est une expression polk recouvrant un grand nombre de mœurs plus ou moins honteuses en public mais socialement acceptées à l’abri des regards. La nature joue donc un double rôle : à la fois comme espace de récréation, d’expression et d’enrichissement matériel, mais aussi comme échappatoire à la pression de la communauté qui autorise des éléments de contre-culture. Les lieux sauvages sont pour ainsi dire « l’huile dans les rouages » de la société polk. Ils permettent sa résilience et expliquent en partie comment des éléments traditionnels ont pu perdurer dans le temps pendant plusieurs siècles. La réponse se trouve dans ces zones liminales que sont les espaces naturels où s’exprime paradoxalement des formes de modernité sociale adaptées à leur temps.
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