(La veille de la cérémonie d'inauguration)
Au large de la côte Kartienne, un grand voilier monocoque en bois profite des risées du vent thermique de fin d'après-midi de la Mer Leucytalée. Le skipper met le cap vers le port d'attache, à une allure de grand largue, pendant que les équipiers installent le tangon, et hissent la drisse, pour déployer un majestueux spi asymétrique, aux couleurs bleu océan et or. Le voilier en question est un Swan 90, petit bijou des mers, c'est l'un des trois navires de la flotte officielle diplomatique de la République de Philoséa. Sur le pont, Alexis Pheidros, Stratège de l'Etat de Philoséa, s'entretient avec Théocharis Anaktoros, futur ambassadeur de la République de Philoséa à Karty, en fixant la côte. Alexis Pheidros : Cher ami, nous ne sommes plus qu'à quelques dizaines de milles de votre avenir. Comment vous sentez-vous face à cette nouvelle étape ?
Théocharis Anaktoros : C'est une émotion partagée entre de l'empressement, de la fierté, et un grand sentiment de responsabilité vis à vis de notre nation, Monsieur.
Alexis Pheidros : Il s'agit en effet d'une noble mission que de représenter notre peuple et notre histoire dans l'une des toutes premières ambassades du pays. Vos années au Comité des Affaires Etrangères vous seront d'une grande utilité. Personne ne sait mieux que vous mener à bien des négociations pour le compte de notre pays sur la scène internationale.
Théocharis Anaktoros : Cette ambassade est spéciale, Monsieur. Karty et Philoséa sont liés par l'histoire depuis plusieurs siècles. En tant que diplomate, je ne peux que me réjouir de la volonté que vous avez affiché depuis le début de votre mandat de renforcer notre présence à l'international.
Alexis Pheidros : Il était temps, Théocharis, en effet. Toutes les nations qui seront représentées lors de la cérémonie de demain ont, d'une manière ou d'une autre, été influencées par la pensée thaliorienne et par les écoles antiques de philosophie de notre île. Aujourd'hui encore, nous recevons énormément de demandes d'étudiants et de chercheurs souhaitant s'installer à Philoséa pour étudier ou faire avancer la science. Et pourtant, on observe dans le même temps beaucoup de mouvements, de part et d'autre du globe, allant à l'encontre des principes fondateurs de notre république. En tant que berceau de la démocratie et de la philosophie, nous nous devions d'assumer notre influence culturelle et intellectuelle. Nous le devions à notre peuple. Notre devoir est de promouvoir nos idéaux, nos valeurs, 'Paix, Savoir, Nature', avec toutes les nations qui partagent un socle idéologique commun au notre.
Théocharis Anaktoros : Encore faut-il que nous ayons l'occasion d'échanger avec ces nations...
Alexis Pheidros : C'est tout l'objet de cette cérémonie, justement. Quatorze des plus grandes nations de notre planète seront représentées à cette cérémonie du Kremlin. Si l'objet de cet événement est évidemment de découvrir le nouveau palais royal et d'exprimer notre considération au Tsar Stanislas I, nous aurons également l'occasion d'échanger avec d'autres pays, qui, au moins, partagent notre amitié pour l'Etat de Karty. En parlant d'amitié, qu'avons-nous prévu comme cadeau ?
Théocharis Anaktoros : Un assortiment du meilleur Manouri de Démétrios Fétaïros, quelques bouteilles de notre meilleur Vino d'Hernos, et surtout, l'un des six exemplaires originaux de "La Marche de l'Esprit", oeuvre de notre philosophe fondateur Thalior, jusqu'à présent précieusement conservé dans la bibliothèque de Néria.
Alexis Pheidros : Du vin, du fromage et un texte philosophique. C'est toute notre île ! Je vous félicite, Théocharis.
(Le lendemain, au Palais Impérial)Après sa discussion avec Ismael Idi Amar d'Antegrad, le Tsar aperçut la délégation de la nation de Philoséa, il se dirigea vers celle-ci et dit:Tsar Stanislas I: Bienvenue en Karty messieurs !
Alexis Pheidros : Merci pour cet accueil chaleureux, Tsar. Quelle cérémonie ! Vous féliciterez votre orchestre de ma part. Je me permets de vous présenter Théocharis Anaktoros, grand diplomate philoséen, appelé à devenir le premier ambassadeur de notre pays à l'étranger, sur vos terres.
Théocharis Anaktoros : Enchanté de faire votre connaissance, Tsar Stanislas. Et merci pour cette invitation.
Tsar Stanislas I: Naturellement ! Avez vous fait bon voyage ?
Alexis Pheidros : Très bon ! Le vent d'Est nous a naturellement porté vers vos côtes. Et votre escorte terrestre jusqu'à Volkingrad fut parfaitement ponctuelle.
Théocharis Anaktoros : Le Stratège de l'Etat et moi discutions avant votre arrivée de votre cérémonie. J'expliquais que je n'aurais pas trouvé meilleure métaphore de votre devise nationale 'Patrie, Armée, Honneur', que cette procession.
Tsar Stanislas I: Vous m'envoyez ravi, en effet, notre défilé représente parfaitement notre devise. Comment se porte Philoséa ?
Alexis Pheidros : Philoséa a été durement touchée par les chaleurs cet été, mais la hausse du tourisme nous a permis de compenser financièrement la baisse des rendements agricoles. D'un point de vue académique, deux de nos chercheurs sont cette année encore lauréats pour le prix mondial de la recherche. D'un point de vue politique, et bien... je vais être tout à fait honnête avec vous, comme vous le serez avec moi, je l'espère. Si la première moitié de mon mandat s'est déroulée sans bouleversements majeurs, la flamme du nationalisme est en train de mettre discrètement feu à nos institutions politiques. Je crains que les prochaines années ne soient cruciales pour l'avenir démocratique de notre île.
Tsar Stanislas I: Je me réjouis sincèrement pour vos deux lauréats. Pour ce qui est de la montée du nationalisme, je pense que vous connaissez bien assez la politique Kartienne pour savoir que, le nationalisme est un élément clef de l'Union Nationale et donc, de deux tiers de l'électorat de l'Empire. J'ajoute que le nationalisme ne mettra pas nécessairement à mal une démocratie, enfin, cela reste mon avis.
Alexis Pheidros : Assurément. Je respecte le nationalisme de votre Empire, notamment car il est porté par votre peuple (ou deux tiers en tout cas), et surtout car c'est cet esprit nationaliste qui vous a permis, il me semble, de développer des infrastructures militaires auxquelles nous vous devons l'intégrité de notre île. Ce que je crains dans le cas de Philoséa, c'est que le sentiment nationaliste légitime des Philoséens, soit manipulé par des personnes très influentes, cherchant à faire un coup d'Etat et à briser notre démocratie.
Tsar Stanislas I: Vous avez raison, le nationalisme est différent selon le pays. Si un coup d'état adviendrait chez vous, nous serions prêts à défendre la démocratie.
Alexis Pheidros : Vous m'en voyez rassuré. Mais assez parlé de nous ! Bien que nous soyons ici pour célébrer l'inauguration de votre nouveau palais impérial, j'ai le sentiment qu'il y a quelque chose de plus important encore qui se déroule sous nos yeux. Comme un renouveau, un nouveau visage de l'Empire de Karty sur la scène internationale. Partagez-vous ce sentiment ?
Tsar Stanislas I: Eh bien oui, l'Empire est en phase de changement. Suite à la mort du défunt Kaiser Van Blonski il y a de ça deux mois environ, l'Union Nationale est venue au pouvoir. C'est une période de changement constant, l'orthodoxie notamment. De plus, la militarisation de Karty est à son paroxysme.
Alexis Pheidros : De nombreux bouleversements en effet. Thalior écrivait que la seule chose qui ne changera jamais, c'est le fait que tout change. Et si cette cérémonie est le reflet de ces changements, alors votre Empire a un avenir radieux devant lui.
Théocharis Anaktoros se mit en retrait et appela d'un geste un membre de la délégation philoséenne, qui se rapprocha avec une grande caisse en bois.Théocharis Anaktoros : Pour honorer votre invitation, et sceller cette amitié renaissante entre nos deux nations, je vous prie d'accepter ces humbles présents qui portent en eux l'identité de notre île.
Le membre de la délégation philoséenne se joignit au groupe et annonça : Membre de la délégation philoséenne : Pour son Excellence Stanislas I, Tsar de l'Empire de Karty : Dix bouteilles de Vino d'Hernos, grand cru 1987, accompagné de son assortiment de fromages de chèvre et de brebis, fabriqué par les mains de Démétrios Fetaïros, meilleur artisan de l'île, ainsi qu'un exemplaire original de 'La Marche de l'Esprit', du philosophe antique Thalior, restauré dans son intégralité en 2011.
Tsar Stanislas I: Eh bien merci à vous, voyons ça.
Le Tsar regarda le contenu de la caisse et fut particulièrement intéressé par le livre.Tsar Stanislas I: Pouvez-vous m'en dire plus sur ce livre ?
Alexis Pheidros : Thalior est le plus grand philosophe de l'histoire de notre île, c'est l'un des principaux père de la démocratie eurysienne. Cet ouvrage, 'La Marche de l'Esprit', est la dernière trace écrite que nous avons de lui, avant sa mort vers -380. Il fut retranscrit par ses disciples en 10 exemplaires, 4 furent perdus au cours des siècles, et 6 furent restaurés par la République de Philoséa. Ce livre est un grand traité moral, sur le lien entre corps et esprit, sur les vertus du mouvement, et sur la nature du Bien. Il est étudié dans toutes nos universités, et j'espère qu'il saura vous inspirer autant qu'il a su inspirer les penseurs post-thalioriens. Nous avons demandé à nos interprètes de joindre à cet ouvrage un carnet comportant ses traductions, en russe, en allemand et en karta.
Tsar Stanislas I: Histoire passionante ! Je ne sais comment vous remercier.
Alexis Pheidros : Vous l'avez déjà fait avec cette invitation. Je sais que vous êtes sollicité de toute part, Tsar, mais puis-je vous poser encore une question ?
Tsar Stanislas I: Naturellement.
Alexis Pheidros : Comme vous le savez probablement, notre pays s'ouvre diplomatiquement depuis peu de temps. Cette cérémonie en est une occasion parfaite. Je serai donc ravi d'avoir vos éclairages sur la création de nouvelles alliances. Ainsi, ma question est la suivante : Y a-t-il, Tsar, des nations en qui vous placez personnellement une totale confiance, parmi les 16 présentes à cette cérémonie ?
Tsar Stanislas I: Oui bien évidemment. Le meilleur allié de l'Empire étant l'Antérinie, ici présente. Nous avons également Menkelt, Antegrad ou la Côte d'Assad.
Alexis Pheidros : Très bien, merci pour ces éclairages. Je n'ai pas encore eu l'occasion d'échanger avec les dirigeants de l'Antérinie, mais cela ne saurait tarder. Y avait-il d'autres sujets que vous souhaitiez aborder avec la République de Philoséa lors de cette inauguration ?
Tsar Stanislas I: Oui. Que diriez-vous de lier nos aéroports ?
Alexis Pheidros : C'est une très bonne idée. Nous pouvons lier l'aéroport international de Polis-Helios (PHI) à celui de votre capitale. Cette liaison sera facile à mettre en place au vu de nos situations géographiques : relier nos territoires ne nous fait passer par aucun autre espace aérien réglementé que ceux de nos deux pays. Théocharis, voici votre premier dossier !
Théocharis Anaktoros : Avec plaisir, Monsieur.
Tsar Stanislas I: Parfait, je vous laisse concrétiser le projet par une missive. Autre chose ?
Alexis Pheidros : Rien d'urgent. Grâce à nos ambassades respectives, nous saurons continuer ces discussions quand il le faudra. Mais pour le moment, l'heure est à la célébration !
Tsar Stanislas I: Je vous laisse discuter avec les autres invités !