14/04/2016
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Activités étrangères en Azur

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Activités étrangères en Azur

Ce topic est ouvert à tous les joueurs possédant un pays validé. Vous pouvez publier ici les RP concernant les activités menées par vos ressortissants en Azur. Ceux-ci vous permettront d’accroître l'influence potentielle de votre pays sur les territoires locaux. Veillez toutefois à ce que vos écrits restent conformes au background développé par le joueur de l'Azur, sinon quoi ils pourraient être invalidés.
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Qu'est-ce que la Kartvélie ?

La Kartvélie est une nation enclavée en Eurysie centrale, entourée par le Tsardom du Samara, la République Populaire de Transgoskovir, la Sainte-Union des Cités du Sud, la Monarchie parlementaire de Nordfolklande et la Fédération des Peuples Estaliens. La Kartvélie est recouverte à 70 % de forêt, et le pays est entouré au sud par plusieurs chaînes de montagnes. La République de Kartvélie est un État stable économiquement, cependant la géopolitique ambiante met à rude épreuve les institutions kartvéliennes, notamment l'instabilité provoquée par les tensions avec l'Estalie.

La République de Kartvélie est dirigée par la présidente Kathryn Machabeli, présidente de la République et numéro deux du groupe politique "Identitaire", dirigé par le président du groupe Ivan Volkov, surnommé le Loup de Kartvélie. Ivan Volkov est un ancien président de la République de Kartvélie, qui est resté en fonction pendant deux mandats avant de céder sa place à sa successeure, Kathryn Machabeli.

Afin de mieux comprendre et appréhender la République de Kartvélie, nous vous invitons à vous renseigner : Ici
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Annonce du premier ministre de la république populaire de Rosevosky, Helarus Guivenos.
9/11/2014

En tant que Premier ministre de notre glorieuse République populaire, et avec l'approbation de notre honorable et éminent chef, Klaus Annouil, je vous présente une liste de nations qui ont été dévorées par des vices tels que la religion, les croyances et l'impérialisme. Cette liste expose des nations honteusement corrompues par ces fléaux, et il est fortement déconseillé à notre population d'entrer en contact avec des personnes venant de ces pays, ou même de s’y rendre, afin d’éviter toute contamination et d’être entraînés dans l'ignorance. Voici la liste :

La République de Pal Ponantaise, comme l’a dit Monsieur Klaus Annouil, est une nation dont la population s'est laissée corrompre par des cultes et des sectes, les rendant stupides.

La République Fédérative d'Icamie, cette nation et sa population se soumettent à une culture ridicule, marquée par la criminalité et la pauvreté qui gangrènent ce pays immonde. Au lieu de travailler et de servir leur misérable patrie, ils préfèrent prier des dieux qui n'existent pas. Seul le parti UNIDEP a réellement compris le véritable fonctionnement de la politique dans ce pays qui semble perdu.

Le Califat Constitutionnel d'Azur et la Fédération Centrale Démocratique d'Antegrad, deux nations soumises à un islamisme absurde, basé sur des légendes encore plus ridicules.
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Grand bateau, petite responsabilité.

A Rosatoll, la capitale de la république populaire de Rosevosky, l'annonce du gouvernement azurien passe mal. En réponse à la menace ouverte contre la nation et surtout en réponse à la menace d'une future destruction du pays par l'Azur, la république populaire de Rosevosky envoie un navire militaire (un patrouilleur) dans les zones économiques exclusives (ZEE) de l'Azur en guise de menace, un large drapeau Rosevoskien et un drapeau communiste sont brandis sur la navire et des tires à blanc sont effectuées. L'objectifs est de montré à l'Azur que l'armée de la république populaire de Rosevosky est plus puissante et que si une des deux nations doivent être détruit, sa ne seras pas elle.
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Radio Nationale Rosevoskienne
Radio Natsionalic Rosevosky

Bonjour, bonsoir, c'est Vadish Bolaire à la radio et aujourd'hui, ce 20/11/2014, voici les info du jour.

Le message est passé. Après que le Califat constitutionnel d'Azur a ouvertement menacé notre grande nation, la République populaire de Rosevosky, le ministère de l'Armée a décidé d'envoyer un patrouilleur dans la zone économique exclusive (ZEE) de l'Azur en guise de représailles à ces menaces. Selon les médias locaux du Califat constitutionnel d'Azur, l'armée azuréenne a "refusé d'engager le feu", montrant que le message est passé et que notre nation a su se montrer forte face à ce pays, qui avait également affirmé que notre armement était vieillissant. Cela a donc prouvé que la marine était parfaitement opérationnelle.
Suite à cet événement, l'image du Calife Kubilay ibn Sayyid a été ternie, tandis que Klaus Annouil, notre grand dirigeant de la Rosevosky, en ressort plus fort et plus populaire. Le navire militaire est reparti de la zone économique exclusive (ZEE) du Califat constitutionnel d'Azur et est arrivé en héros au port de Krosbourg, sous les applaudissements de la foule. Le bateau a été renommé le Bateau rouge Afaréen (en Rosevoskien, Aphareinae krasnaya lodka) et a été ouvert aux visiteurs pendant deux jours, au prix de 90 rubles, pour inciter les jeunes à rejoindre la marine avant qu'il ne soit renvoyé à la base militaire navale de Krosbourg.

Vive la république populaire de Rosevosky, vive le communisme.
da zdravstvuet narodnaya respublika rosevosko, da zdravstvuet communism.
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Le consulat d'Azur à Gurapest

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Ils se tiennent de l’autre côté de la rue, droits comme des crosses de fusil, sans intention de se cacher. Deux d’entre eux fument cigarettes sur cigarettes, un troisième lit un livre, le dernier fait les cent pas sur le carré de trottoir. Tous ont un air jovial, quelque chose de sympathique sous leur épaisse toque, on leur demanderait presque l’heure, si ce n’étaient les poignards à leur ceinture.

Les hussards royaux sont sous les ordres directs des Vol Drek, la Couronne de Polkême. Dans les faits, les missions à la Guerre et à la Sécurité intérieure ont également leur mot à dire. Dans les antichambres frissonnantes du gouvernement polk, quelqu'un quelque part a passé des ordres.

Ils sont là depuis le premier jour, de l’autre côté de la rue, face au consulat. Ils ne souhaitent pas entrer, si on leur propose de venir se réchauffer, de boire quelque chose, ils refusent poliment. Lorsqu’on leur demande ce qu’ils font ici, ils sourient et répondent avec douceur : « maintien de l’ordre, nous nous assurons que le quartier reste calme. »
Cela n’a pas l’air de beaucoup plaire aux Blêmes. La présence de soldats polk détonne à Gurapest, alors qu’ils sont omniprésents à Port Ponant. La capitale de la Pal ponantaise n’est pas réputée pour son hospitalité envers les étrangers.

- La Polkême vous envoie un message, analyse Apostol Pop. « Ils ont sûrement mal pris que vous contactiez la Pal avant eux. Ils perçoivent votre présence comme une tentative d’ingérence. » sourire entendu.

D’autres fonctionnaires blêmes se montrent plus sévère.

- C’est de la provocation, confie en grommelant l’un d'eux, de l’intimidation. On ne voit jamais ces bâtards à Gurapest en temps normal, ils restent bien cachés dans leur caserne et là une patrouille de quatre en permanence ? C’est du foutage de gueule, ça va mal finir. En tout cas c'est ce qu'ils doivent espérer pour nous le foutre sur le dos.

Le Blême hoche la tête d'un air contrarié.

- Si ça foire avec vous, ça dissuadera les autres pays de tenter l'expérience. Soyez prudents, ils adorent pousser à la faute.

De fait, même sans rien faire, la présence des hussards a quelques effets concrets. La rue se vide, les Blêmes préfèrent faire un détour que de croiser le chemin des soldats. Gurapest si froufroutantes de tissus noirs, semblent dépeuplée dans le quartier.

La nuit, un brasero allumé tient chaud à la relève. Les soldats se relaient toutes les six heures. Ils sont là le soir, la nuit, à l’aube. Ils déjeunent de rations à midi, boivent le thé à dix-huit heure. Ils ne font rien. Ils sont juste là. Et leur présence se suffit à elle-même.
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Les fleurs lui remontent jusqu’au torse, le soleil réchauffe ses cheveux. Il est entre ombre et lumière, même s’il ne s’en rend pas compte.

― Eh Jan !

Quelqu’un agite le bras en contre-bas du champ, deux adolescents se rapprochent, un garçon et une fille. Jan les connaît, ils ont un rendez-vous informel tous les après-midi après l’école. Gurapest a quelque chose du camp de nomade des anciennes époques, les rues s’ouvrent sur la steppe sans transition : un moment le pavé sous les pieds puis soudain l’herbe haute et rapidement on en a jusqu’au genoux, jusqu’à la ceinture, parfois jusqu’au cou. Les alentours de Gurapest sont boueux d’être trop fréquentés, les sabots des chevaux écrasent la steppe et l’aplatissent. Au nord et au sud un train s’élance tout fumant vers la Polkême et vers la mer et Port Ponant. Il faut s’éloigner un peu, marcher, la plupart des gens préfèrent l’herbe rase pour s’éloigner des faubourgs de la capitale, la steppe est comme une immense prairie rocailleuse exposée au soleil. Pas les adolescents. Comme les conspirateurs, les traîtres et les assassins, ils préfèrent la discrétion des herbes hautes. Ils frappent durement du pied le sol pour effrayer les aspics et se glissent dans l’immensité herbeuse qui se referme sur eux. La steppe est vide et regorge de cachette.

― Eh Jan !

Jan les salue à son tour, les laisse venir à lui.

― Tu gardes pas les chevaux aujourd’hui ? demanda la fille.
― C’est vrai que tu traînes avec les Azuréens ?

Jan fronce les sourcils. Il aurait aimé pouvoir se vanter de ça sans que le secret ne s’évente pour autant. Il a visiblement perdu la main dessus.

― Qui c’est qui vous a dit ça ?
― Efi, il l’a raconté à Ivi qui me l’a dit.

Jan foudroie Ivona du regard. Ivi est le surnom qu’ils lui donnent, comme Efi est celui d’Eftemie. Un bande de potes mais Efi parle trop, il n’était pas censé le répéter. Jan ne sait pas s’il est embêté que la rumeur cour, ou que son ami lui ait volé le privilège de la raconter lui-même.

― C’est vrai, conclue-t-il d’un air crâne. « Mais vous ne devez pas en parler à d’autres personnes. »
Ivi hoche la tête d’un air entendu. Bien sûr il peut leur faire confiance. Le garçon semble plus embêté.
― Je crois qu’Efi en a parlé Alin aussi, tu sais qu’ils se disent tout.
Merde.
― Vous êtes cons je vais avoir des emmerdes à cause de vous, râle Jan.
― Alors c’est vrai ? Mais tu parles azurétruc toi ?
― Ils parlent blême, enfin ils essayent, ça se voit qu’ils comprennent pas tout.
Nouveau hochement de tête entendu. Il faut être Blême pour parler blême, ou être une sorte de savant. La fille reprend : « Vous avez fait quoi ?
― Il voulait voir la Sary’ il a posé pas mal de questions sur le coin. Je pense que c’est un archéologue. »

La profession d’archéologue prend un sens différent en Pal ponantaise. Elle est prestigieuse, et dangereuse. Il y a une omerta sur les secrets du passé parce que ce qu’on tire du sol ne correspond pas toujours au grand récit de l’histoire de Blême et rajoute de la complexité aux choses. Il arrive également que tout se corrobore, et c’est alors plus inquiétant encore. On le sait, vous le savez, tout le monde le sait, les archéologues sont souvent des agents du Grand-Duc. Les Azuréens eux-mêmes pourraient n'être qu'une couverture pour une ambitieuse mission d’infiltration de la Pal ponantaise. Après tout, personne ici n’est jamais allé en Azur, alors ? Ce pays n’existe que sur les cartes de géographie, pour ce qu’on en sait, il pourrait avoir disparu depuis des siècles, ou être une pure invention du Grand-Duché. Bien pratique, une fausse nation tout entière pour justifier des ambassades, des passeports, des entrées. Tout en Pal est suspect, la réalité nous glisse entre les doigts, le complot de Blême est omniprésent et sur cette toile gigantesque, nous ne pouvons que marcher avec prudence, pour tenter de ne pas finir englué.

― Un archéologue ? Mais t’as pas dit qu’il avait genre vingt ans ?
Décidément Efi parle trop.
― Vingt ou trente je sais pas, balaye Jan. « En tout cas c’était pas un vieux. Mais il y a des vieux c’est sûr, certains les ont vu avec Apostol Pop quand ils ont visité le parlement inutile.
― C’est vrai, confirme la fille. Il y a même eu des photos dans le journal, il y en a qui ressemble à un mage polk sauf qu’il est plus bronzé. »

Voilà qui complique les choses. Et si les Azuréens étaient une création de la Polkême ? Un test de fidélité pour la Pal après l’assassinat du Régent Senear ? Et si tout cela n’était qu’un grand coup monté pour accuser les parlementaires de trahison ?

― Apostol Pop sait ce qu’il fait, déclare Jan. « Et le gars que j’ai escorté n’avait pas du tout l’accent polk.
― Escorté, comment t’y vas, ricane le garçon.
― Bin oui ! Tu crois que c’est facile de se repérer sur la steppe ? Mais toi tu montes pas à cheval alors t’en sais rien du tout.
― Bien sûr que je monte à cheval, répond l’autre en rougissant. Et puis Saryzyn c’est pas si loin.
― N’empêche que tes parents tiennent épicerie, Jan lui est palefrenier, rétorque Ivi.
― Facile deux heures à cheval quand même, renchérit Jan l’air satisfait.
― Ouais bin fais gaffe aussi, si les Polk savent que tu fais de l’escorte t’auras des emmerdes.
― Ou les Transblêmes. »

Jan grimace. Il l’a su au moment où l’Azuréen lui a proposé de le rémunérer contre cette petite virée à Saryzyn. Honnêtement, Jan l’aurait même fait pour rien du tout. Pas tous les jours qu’on rencontre un étranger à Gurapest, et lui demander à lui, de l’aide, quelle histoire. N’empêche qu’il a su. Il a su en hochant la tête, il a su en ouvrant la paume pour récupérer les pièces et il a su en enfourchant son cheval, que tout ça c’était peut-être le début des emmerdes, que c’était pas pour rien que les étrangers étaient rares si profond en Pal ponantaise, mais tout en le sachant, il n’avait même pas su tenir sa langue.

Il haussa les épaules, d’un air de ceux qui n’ont pas peur.

― On verra bien. Déjà arrêtez d’en parler à tout le monde ça m’évitera peut-être de finir en haut d’un pal.
― Ou d’être recruté par le Grand-Duc, répond le garçon du tac-au-tac.
― Attention à tes miroirs en allant te coucher ce soir, Jan, vérifie bien que c’est ton reflet qui est dedans.

Et tous trois rient d’un rire blanc.
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― Jan ? Jan ça va ?!

Les draps étaient trempés de sueur et il avait mal à la gorge, il se rendit compte qu’il avait crié.

― Ça va, répondit-il d’une voix enrouée.
― Tu es sûr ? Tu as fait un cauchemar ?

De l’autre côté de la porte sa mère s’inquiétait. A seize ans, il avait depuis longtemps obtenu le droit d’y poser un verrou, sinon nul doute qu’elle l’aurait ouverte à la volée pour venir le prendre dans ses bras. D’une certaine manière, il regretta le verrou.

― Mais laisse le, grommela derrière le battant une voix masculine. « Tu ne vas pas lui mettre une veilleuse non plus ??
― Marku, retourne te coucher. »

Sa mère n’appelait son père par son prénom que lorsqu’elle était contrariée.

― Je vais me gêner tiens. Dis-lui de se rendormir vite fait, on a un arrivage de chevaux demain matin.

Aucune lumière ne perçait à travers les carreaux de la fenêtre de la chambre. L’éclairage public avait bien existé un jour à Gurapest, mais des sociétés secrètes – ou des jeunes alcoolisés – tendaient à briser les ampoules et depuis une dizaine d’année la mairie avait renoncé à remplacer les lampadaires définitivement éteins. Plusieurs groupes politiques avaient argumenté que cela garantissait l’anonymat des déplacements nocturnes et on n’avait pas trouvé grand monde pour s’y opposer. A Gurapest, les sorties de nuit était une part importante de la vie sociale et militante, et personne ni à gauche ni à droite n’était prêt à assumer de mettre ses partisans en danger en les exposant à la lumière artificielle. Résultat, une bonne partie des rues étaient noires, seulement éclairées certaines nuits par la lune ou, si on avait de la chance, l’éclairage provenant des maisons qui filtrait à travers les fenêtres. Jan avisa son réveil, il était deux heures et demi du matin. Pour l’éclairage, c’était foutu.

― Tu veux un verre d’eau ? Ou du thé ?
― Non ça ira… merci.

Il se souvenait très nettement de son rêve. Depuis quelques jours ses songes étaient peuplés d’individus masqués, en longs habits noires. Ils murmuraient dans les coins de ses yeux sans que Jan ne comprenne ce qu’ils disaient mais dès qu’il tournait la tête, les ombres s’effaçaient.

― En fait, je veux bien un verre d’eau, croassa-t-il.
― Oh mon bijou…

Et il entendit les pas de sa mère s’éloigner dans le couloir. Sa chemise de nuit était trempée et lui collait à la peau. Il avait aussi les cheveux plaqués sur le front et les tempes.

― Merde mais je suis con ou quoi… ?

Ça faisait une semaine. Une semaine qu’il avait chevauché vers Saryzyn en compagnie de l’archéologue azuréen. Si pendant la journée l’expédition relevait du haut fait et attirait sur lui la curiosité et l’admiration de ses copains, force était de reconnaître que la nuit avait une autre allure. A mesure que le soleil se couchait et qu’il s’isolait dans sa chambre, les bruits anodins devenaient inquiétants. Un grattement lui arrachait un frisson, le bruit du vent le faisait sursauter. Tout ça était irrationnel, bien sûr, mais la Pal était pleine de mystères et ce qui touchait aux étrangers touchait aussi à l’étrange, et là où il y avait de l’étrange, le Grand-Duc n’était jamais loin.
Son aura assombrissait tout le pays, qu’on savait parcouru de ses partisans. Des gens de tous les jours, amis, familles, pouvaient en secret mener une double vie et auprès d’autels impies, dissimulés aux yeux du reste du monde, prêter allégeance à Ion de Blême. On disait qu’en prononçant certains mots, en sacrifiant certaines choses, il se mettait à voir par vos yeux et alors le seul moyen de lui échapper était de les fermer, aussi fort que possible, ou de se les crever. Il arrivait parfois de croiser un aveugle, dans les ruelles de Gurapest, torchon sale serré autour du visage. Son infirmité était-elle accidentelle, ou volontaire ? Les agents du Grand-Duc aveuglaient disait-on certaines de leurs victimes, pour renforcer la légende. Tout ça était faux, tout ça était un mythe, un conte pour effrayer les naïfs. N’empêche qu’une fois la nuit tombée, dans l’obscurité de sa chambre, Jan n’était pas rassuré.

― Jan ?
Il sursauta.
― Oui.
― Je t’ai mis le verre d’eau devant ta porte tu feras attention en ouvrant d’accord mon chéri ?
― Merci maman.
― … allez essaye de dormir. Ton père a raison, vous avez du travail demain.

Du travail… il aimait bien les chevaux, oui, mais tous les samedi et tous les dimanches, c’était un peu trop parfois. Il fallait gagner sa croûte bien sûr, donner un coup de main, on ne roulait pas sur l’or. Beaucoup de ses amis travaillaient aussi avec leurs parents, ou même pas, histoire de ramener quelques sous. La Pal vivait chichement, la Polkême prélevait l’impôt mais c’était surtout l’absence de véritable industrie et de ressources naturelles qui gardait le pays dans la pauvreté. Sa seule véritable richesse lui venait du commerce, et les Polk avaient fait main basse sur Port Ponant.

Jan avisa son matelas et ses draps, humides, avec dégoût. La sueur avait commencé à refroidir et il n’avait pas très envie de s’y allonger de nouveau. Il retira sa chemise de nuit et, prudemment, posa un pied hors de son lit, puis le deuxième. Il aurait pu allumer la lumière – bien que son père voulait qu’ils économisent l’électricité – mais l’idée d’être visible depuis la rue lui déplut. Il y avait eu de sales histoires à l’école, des créatures qui erraient dans l’obscurité des rues, à l’affût d’un signe de vie. A tâton, il chercha la porte, trouva la poignée puis le verrou, le fit pivoter, ouvrit.

― AAH !!!

Dans l’embrasure de la porte se tenait sa mère. Elle n’avait pas bougé du palier et le fixait d’un air tendre, son visage se découpant quasi invisible dans l’obscurité du couloir.

― Putain Jan tu fais chier ! grommela son père d’une voix endormi.

Il avait fait un bond en arrière, le cœur battant.

― Ça va mon chéri ?
― Mais tu m’as fais super peur !!

Sans rien dire, sa mère repoussa le battant de la porte et pénétra dans la chambre qu’elle avisa d’un œil curieux.

― Oui ça va… j’allais juste boire et me recoucher…
― Il ne s’est rien passé d’étrange cette semaine ?

Jan fronça les sourcils. Il n’aimait pas ce qui était en train de se passer, quoi que cela puisse être. Sa mère s’exprimait d’un ton trop doux, trop compréhensif, et le prendre par surprise ainsi en restant cachée derrière sa porte, il avait l’impression d’avoir été pris en embuscade.

― Non non… répondit-il d’un ton méfiant. Il ne s’était pas vanté auprès de ses parents de son escapade avec l’Azuréen. Sans aucun doute auraient-ils désapprouvé. Seuls ses amis étaient au courant. Normalement. « Pourquoi ?
― Tu as l’air perturbé depuis quelques jours. Tu ne manges pas grand-chose et maintenant tu fais des cauchemars…
― Je sais pas… c’est l’école. »

Il aurait bien aimé que sa mère ressorte de la chambre maintenant, mais elle fit un pas de plus à l’intérieur et tâta le matelas d’un air soucieux.

― Je vais changer tes draps, ils sont trempés.
― Non mais ça ira, t’inquiète.
Il devenait urgent qu’elle s’en aille à présent.
― Pourquoi Jan ?
― Pourquoi quoi ?
― Pourquoi Jan ?

Le jeune homme ressentit une sueur froide dans son dos. Le ton de sa mère était étrange… et sa voix déformée.

― Maman ?

― Pourquoi Jan ? Pourquoi as-tu accompagné cet homme ?
Il voulut crier, fit deux pas en arrière, se cogna contre le rebord de son lit. A la place du visage de sa mère, un tissu noir dissimulait ses traits et elle parlait maintenant avec la terrible voix altérée des vocalisateurs transblêmes.

― Pourquoi lui as-tu révélé nos secrets ?
Il se mit à hurler.

― Jan ? Jan ça va ?!

Il secoua la tête. Il était de nouveau dans son lit, ses draps trempés de sueur, sa gorge enrouée. La chambre était vide, de l’autre côté de la porte, le verrou fermé, sa mère tapotait contre le battant avec inquiétude.

― Je… je crois que j’ai fait un cauchemar…
― Putain Jan tu fais chier ! grogna son père d’une voix endormie.
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Ils sont là

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Il n’y a pas que la Polkême à être jalouse de la Pal. Un autre sire, plus sinistre que les Vol Drek, regarde avec attention les manigances d’Azur. On le dit immortel, capable de choses impossibles. Rien n’est vrai. Rien n’est faux. Mais dans le doute, heureusement qu’une mer vous sépare.


Amatrice d’apparitions imprévisibles, la Transblêmie pénétrait le Califat par la petite porte. Elle était là pourtant, depuis peu de temps, depuis que les Azuréens avaient posé leur consulat en Pal ponantaise. Un homme naïf, peut-être un peu désespéré, tombe dans un piège. Il reçoit un message sur le net : une jolie jeune femme désire le rencontrer. Lui ? voilà qui est inattendu. La Transblêmie transforme le réel, le désespoir le peut aussi. C’est improbable mais c’est heureux, alors l’homme y croit. Trop longtemps qu’il est célibataire, un mariage bancal, engagé trop jeune, l'a laissé sur le carreau. Niveau sentiment, ce n'est pas terrible, au point d'en perdre l'habitude. Alors quand on s'intéresse soudain à lui, il n'hésite pas tant que ça et s’engage dans un étrange ballet virtuel, message après message. On se tourne autour, mais pas trop longtemps, on a passé l’âge. La jeune femme désire quelque chose de sérieux, elle le trouve attirant, elle aimerait le rencontrer. Lui aussi, mais ils habitent loin l’un de l’autre. Peu importe, il peut se montrer patient.

Les Polk et les Blêmes savent qu’il faut se méfier des hasards. Que ce qui est étrange devrait rester étranger. Tout petits déjà on leur parle de ce qui se trame de l’autre côté de la mer. Les Azuréens, eux, n’ont pas encore le réflexe de se méfier. Ils apprendront.

Les jours s’enfilent comme des perles, l’habitude s’installe et déjà il a du mal à trouver le sommeil sans avoir dit « bonne nuit » à cette femme qu’il n’a jamais vu mais qui l’aime et qu’il aime. Ils s’échangent des mots doux, plaisantent. C’est fou comme ils sont compatibles. C’en est presque improbable. Elle, elle n’est pas contrariante. Quand elle le taquine, elle sait se faire pardonner. Elle l’écoute. Elle dit qu’il a raison. L’homme est heureux. Pour la première fois depuis très longtemps il se sent compris. Des idées s’imposent, il se projette, les mois passent. Un. Puis deux. La frustration augmente, l’espoir aussi. Quelque chose de terrible se prépare. L’homme n’en sait rien.

De l’autre côté de la mer, de sinistres rouages viennent de s’activer. Le Grand-Duché tourne son regard vers l’Afarée. Il n'y a pas encore mis pied. Cela viendra. Pour le moment, il a pénétré une boîte mail. Un téléphone portable. Une caboche. Ou peut-être deux ? Qui sait.
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Le vieux pope semblait nerveux, triturant sa longue barbe bouclée d’une main, l’autre agrippée au rebord de la balustrade, ses phalanges blanchies par l’effort. En contrebas, le soleil couchant faisait briller le large fleuve du Pietr.

― Monsieur Ogodeyi… je me rends compte que je ne sais pas comment m’adresser à vous. Votre Excellence ? ah ça n’a pas d’importance.

Tavian Iordanescu avait été présenté aux Azuréens comme l’évêque de la cathédrale de la Sainte Trinité de Gurapest, l’une des nombreuses coupoles brunes à s’élever au-dessus de la ville et dont on entendait les cloches sonner à l’unisson pour la messe le dimanche et aussi chaque jour à midi. Distant et taiseux pendant la visite, c’était à proximité des cloches que Iordanescu avait attiré Karabatul Ogodeyi pour le prendre à part, profitant de ce que le reste du groupe, mené par les autres clercs, continuait de se faire expliquer les fresques bibliques peintes sur les murs de la cathédrale. Avant cela, Iordanescu avait expressément demandé à l’un d’entre eux de faire la démonstration à leurs invités du « délicieux tintement céleste » et ce n'était qu’à présent qu'ils se trouvaient à l’abri de l’assourdissant bruit des cloches que le pope s’était finalement décidé à s’exprimer.

― Nous ne partageons pas la même foi, Excellence, commença-t-il comme le ferait tout homme d’église qui s’adresse respectueusement à un mécréant, mais en homme de Dieu, il me faut vous prévenir. Les Polk…

Il jeta un énième coup d’œil aux environs.

― … sont le moindre des dangers à peser sur votre compagnie. On dit que vous avez visité récemment certains lieux de la steppe ? Liés à…

De nouveau il parut hésiter. Ces multiples précautions et son ton feutré auraient pu paraître ridicules, tant on peinait à l'entendre, si le visage de l’évêque n’avait trahi tant de crainte.

― … l’esclavage ?

Le mot avait à peine passé le bord de ses lèvres, sitôt prononcé qu'il avait été balayé par le tintement des cloches. Tavian Iordanescu se saisit de la manche d’Ogodeyi.

― La Transblêmie vénère la pureté de son sang, il n’est pas pire hérésie à leurs yeux que de laisser révéler que celui-ci ait pu être dilué en Afarée, leurs fouilles archéologiques visent autant à excaver des preuves de leur ancien empire fantasmé qu’à détruire les traces de la traite des Blêmes.

Le pope secoua la tête d’un air à la fois malheureux et rageur.

― N’allez pas remuer ce passé je vous en prie. Les sectes sont omniprésentes ici, dans votre consulat aussi déjà sans doute, ou à rôder autour. Ce sont des fanatiques adorateurs du démon d’Outre-Blême, ce Grand-Duc, une ombre sur notre pays, un espoir envenimé qui fait concurrence à la promesse de salut de Notre Seigneur.

L’homme se signa.

― Continuez à enquêter, vous finirez par trouver des gens prêts à vous renseigner. La moitié sont ses espions, les autres finiront par le devenir. Il s’insinue dans vos cauchemars, j’ai vu des hommes de foi se renier, hantés par de faux pêchés, persuadés d’avoir trahi leur sang, quelle folie…

― … et ce que vous entendez si bruyamment est le joyau de notre cathédrale : douze cloches de bronze au nombre des apôtres, on dit que lorsque le vent souffle bien on peut les entendre depuis Port Po… ah Monseigneur vous étiez ici ? Nous pensions vous avoir égaré.

Trois prêtres, deux clercs et le reste de la délégation azuréenne venaient d’arriver sur le toit. Celui qui menait la visite et faisait la description des lieux adressa un regard curieux à Karabatul Ogodeyi. Ce-dernier changea totalement d’attitude, redevenant roide et ombrageux.

― J’entretenais Son Excellence du mystère des icônes.
― Quelle sainte idée Monseigneur, répondit le prêtre avec un sourire poli. « Mais peut-être devrions nous faire cesser le tintement des cloches ou nous risquons d’attirer toute la population de la ville en quête de messe.
― Vous avez raison père Sebastian. Excellence Ogodeyi je ne vous ennuie pas plus longtemps, le père Sebastian Raceanu a supervisé les travaux de rénovation de l’autel, il vous sera de meilleure compagnie que mes radotages sur les évangiles. Je vais me retirer, pardonnez moi, je suis las. »

Il eut un sourire triste et, se plaçant de dos au prêtre, changea subrepticement de visage, profitant d’un ultime tintement de cloche pour souffler « celui-ci en est ». Puis de disparaître dans les escaliers, comme un oiseau s’envole effrayé par un grand bruit.
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On avait insisté, sans entrer dans les détails, sur la nécessité pour les Azuréens d’assister à la prochaine séance publique du parlement inutile de la Pal ponantaise. Comme toujours lorsqu’ils sortaient du Consulat, les hussards polk les avaient salué, sourire en coin, et deux d’entre eux s’étaient mis à les suivre à petite distance, au motif de « se dégourdir les jambes ». Dans Gurapest, on murmurait que les Azuréens se faisaient escorter par les Polk et même la présence des envoyés d’Apostol Pop ne suffisaient plus à faire taire les rumeurs.

« Il faut avoir confiance dans le peuple » philosophait ce dernier, « les gens savent la nature manipulatrice des Polk, ils ne feront pas l’amalgame. » N’empêche qu’on avait déjà craché devant eux, et que beaucoup de personnes s’obstinaient à changer de trottoir à la vue de la délégation.

La séance au parlement n’avait rien de bien excitant. On débattait ce jour-là sur un fait divers étrange qui avait eu lieu dans les vieilles halls, où une secte transblême s’était apparemment entretuée dans un rituel d’énucléation collective, une pratique courante pour échapper au Grand-Duc. La plupart des députés étaient sceptiques, ce qui gênait était la présence parmi les victimes d’Anton Puscas, le directeur de la Vieille Bibliothèque de Gurapest. L’OTPP d’Apostol Pop faisait alliance avec le Partidul Socialist Pal pour mettre en place une enquête sur les proches de Puscas, sous prétexte de sécurité nationale et de lutte contre l’ingérence du Grand-Duché. La droite, elle, dénonçait le maccartisme, la chasse au sorcière, la stigmatisation et le mépris pour les victimes.

Une jeune députée socialiste venait de monter à la tribune et commençait un discours enflammé sur la nécessité de préserver les institutions contre la cinquième colonne transblême quand on vint signifier discrètement aux Azuréens qu’on souhaitait les rencontrer dans un bureau à part du parlement. Le bâtiment était un vieux palais qu’on avait réaménagé pour accueillir les débats de l’assemblée. Il en avait existé un plus moderne mais il avait été dynamité quelques décennies auparavant, sans qu’on sache bien qui avait commis le crime. La gauche accusait les Transblêmes, la droite les communistes et tout le monde suspectait les Polk. Résultat, l’hémicycle avait été aménagé dans une ancienne salle de bal, mais le reste du lieu n’était que couloirs étroits à fenêtres exiguës qui entouraient un jardin morne. Cela donnait à l’ensemble un air de cloitre.

On poussa plusieurs portes à lourds battants, descendit un escalier qui les amena sous la terre, puis remonta dans un couloir sans fenêtre, ce qui empêchait de savoir si l’on était toujours dans le bâtiment principal ou si on l’avait quitté discrètement, à la faveur d’un passage secret. Finalement, les Azuréens furent introduits dans une antichambre qui, comme souvent avec l’architecture blême, avait des allures de crypte. Leur guide disparut dans les ombres, quelqu’un se leva de son bureau pour venir les saluer.

― Isabella Enescu, du Libertate Pentru, navrée pour cet escamotage mais Apostol Pop vous tient trop à l’œil à mon goût.

Elle leva la main pour signifier de la laisser terminer avant toute objection.

― Je sais que vous avez été introduit à Gurapest à sa demande, j’ai vu cela comme une tentative d’asseoir sa légitimité comme représentant de la région, je le crois toujours mais les choses ont changé, nous avons reçu…

Elle baissa d’un ton. « Une visite. »

Il fallait comprendre qu’à l’instar de la malheureuse secte des vieilles halls, d’une manière ou d’une autre les messagers du Grand-Duché avaient fait remonter leurs instructions jusqu’au sommet de la coalition des droites blêmes. La confession toutefois ne se faisait qu’à demi-mot, et à l’abri de l’oreille des oppositions. Isabella Enescu avait toujours nié entretenir le moindre lien avec le Grand-Duché, dénoncé comme l’ennemi des indépendantistes blêmes, et il aurait été très imprudent de sa part d’avouer quoi que ce soit, a fortiori devant des étrangers.

― Je ne crois pas à ces histoires de plan ou de prophétie, se dédouana-t-elle rapidement, on m’a simplement demandé de vous assister. Je ne sais pas exactement ce que vous faites ici, en Pal ponantaise, mais apparemment… on vous soutient.

Elle croisa les bras. Elle avait une mine ombrageuse, un point boudeuse, d’une dirigeante politique peu habituée à se faire dicter aussi directement des ordres allant à l’encontre de ses intérêts immédiats. Agacée, elle s’était mise à pianoter sur la table en fixant les Azuréens.

― Quelque chose en lien avec les sous-sols ? La Pal est un vrai gruyère, cela fait des siècles que nos ancêtres y creusent des galeries et se dissimulent sous terre pour échapper aux envahisseurs. Il était question de vous donner accès à certaines cartes de la Vieille Bibliothèque mais le directeur est mort, ils disent que ce sont les sectes mais je ne pense pas en tout cas personne n’a donné cet ordre. Cela prendra un peu plus de temps mais elles vous seront envoyées, quant à savoir ce que vous êtes censés y lire ?

Elle balaya l’affaire d’un geste de la main.

― Je vais être franche, je n’aime pas cela et je ne vous aime pas. Vous êtes les créatures d’Apostol Pop et vous serez bientôt celles des Polk, je n’en ai aucun doute. Ceci étant dit, vous pouvez compter sur l’aide de mon parti, nous vous ouvrirons des portes qui étaient fermées jusque-là. Faites ce que vous avez à faire, je ne vous demanderai qu’une seule chose en échange…

Elle fronça les sourcils.

― Tenez en moi informée. Cela nous évitera à tous de mauvaises surprises.

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Le regard d’inquiétude qu’adressa Jan à Amr ibn Samt en le voyant arriver, non pas seul comme la dernière fois, mais affublé de deux grands gaillards, aurait presque pu passer inaperçu tant la nuit était sombre. On était tant habitué aux étoiles, en Pal ponantaise, que le ciel voilé qui occultait la lune et toutes ses lumières surprenait. Ce pays semblait tissé d’immensités, qu’on le bouche ainsi avait quelque chose d’incongru. De vulgaire.

— Je pensais que vous viendriez seul, bégaya Jan, mais il sembla rapidement se faire une raison. On m’a… je vais… il faut que vous voyiez quelque chose.

Il était plus qu’évident que l’adolescent n’était pas à son aise. Le moindre de ses gestes et de ses accents criait à la conspiration, mais il n’était pas encore évident de savoir contre qui celle-ci était menée. A Gurapest, tout semblait toujours pris dans un inextricable conflit de loyauté.

Se saisissant de la bride de son cheval, le garçon se détourna des Azuréens et prit la direction des ruelles, secouant la tête dès lors qu’on essayait de lui soutirer des explications. Particulièrement la nuit, la ville était un dédale, on franchissait des passerelles et des ponts sans avoir jamais eu conscience de s'être trouvé en hauteur, parfois on ressortait d’un souterrain, pensant arpenter une rue couverte, les rues montaient et descendaient et les chevaux avançaient prudemment les larges marches des escaliers, conçus pour permettre le passage de ces grandes bêtes.

Puis Gurapest s’arrêta et ce fut la steppe. Le pavé laissait place à l’herbe, Jan se hissa sur son cheval. La hauteur du garot faisait paraitre l’adolescent plus petit encore qu’il ne l’était.

— Ce sera pas long, expliqua-t-il comme pour s’excuser, et s’élança au galop.

En effet, il ne fallut pas plus d’un quart d’heures aux Azuréens pour voir apparaitre devant eux l’un des innombrables petits villages excentrés qui entouraient la capitale, alliance bâtarde entre les éleveurs de troupeaux et les fermiers et les grands marchés qu’il fallait chaque jour approvisionner à Gurapest en fruits, légumes, céréales et morceaux de viande fraiche.

Ce village cependant semblait pour partie abandonné. Il était clair qu’il n’avait été raccordé ni à l’électricité ni à l’eau courante et en y pénétrant il apparut clairement comme un refuge d’indigents et de parias. La nuit était calme mais noire et Jan jetait tout autour de lui de fréquents coups d’œil comme s’il craignait de voir leur expédition soudain assaillie de mendiants et de lépreux. Rien de tout cela n’arriva et les quelques visages qui y firent leur apparition aux fenêtres, sans doute réveillés par le bruit des chevaux, disparaissaient presque aussitôt qu’on les apercevait.

Jan arrêta son cheval prêt d’une petite demeure dont les fenêtres, justement, avaient été murées. Il mit pied à terre, attacha rapidement l’animal à un anneau de fer qui dépassait du mur, et poussa la porte de la maison. Elle semblait vide, composée d’une unique pièce profonde. L’obscurité quasi-totale obligeait à plisser les yeux et il fallaut quelques secondes à la troupe pour déceler le matelas posé à même le sol et les affaires rangées à côté. Abandonné d’apparence, le lieu s’avérait en fait habité, propre même, bien que celui qui vive là fasse preuve d’une grande sobriété.

Il y avait effectivement une forme sur le matelas, qui s’était éveillé en les entendant entrer et les observait assis en tailleurs. Enfin, observait. L’homme portait sur les yeux un bandeau qui avait été blanc, signe de sa cécité. Il y avait beaucoup d’aveugles en Pal ponantaise, particulièrement à Gurapest où certains mystiques s’énucléaient au nom de Dieu pour échapper à l’emprise du Grand-Duc et ne plus porter sur le monde un regard corrupteur. Mais tous les aveuglements n’étaient pas volontaire et il était notoire que les sectes de Blême neutralisaient ainsi leurs ennemis.

L’aveugle posa une question en langue blême, d’une voix endormie.

Jan s’était reculé dans un coin de la pièce et lorgnait vers la porte, comme s’il craignait que d’autres y entrent à leur suite. Son rôle dans toute cette affaire semblait maintenant de jouer les traducteurs.

— Il demande qui nous sommes et ce que nous lui voulons.

L’aveugle se gratta la tête, bailla. Il avait la chevelure blanche, longue et soyeuse, étonnement bien entretenue pour un homme qui paraissait vivre dans une telle pauvreté.

— C’est Dragomir Preda, expliqua Jan qui se balançait d’un pied sur l’autre.

L’aveugle hocha la tête à la mention de son nom et leva un doigt pour ajouter quelque chose en langue blême.

— C’est l’ancien directeur de l’école nationale d’archéologie de Pal ponantaise. Il pourra peut-être vous aider.



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L’aveugle tendait maintenant l’oreille en direction d’Amr qui s’adressait à lui dans un blêmien acceptable, quoique trop premier degré et avec trop d’accent pour passer pour un natif.

— Nous venons de loin. Nous cherchons des souvenirs, pour un musée Loduarien. Nous voulons connaître la terre de la Pal.

Jan reformula : « El spune că au parcurs un drum lung. Ei caută suveniruri pentru un muzeu Loduarien. Vor să cunoască mai bine țara lui Pal. »

A mesure que l’adolescent traduisait, parfois en hésitant, la requête des Azuréens, Dragomir Preda se mit à froncer les sourcils.

— Vrem să știm povestea Saqlabi, poporul pe care Remanii îl numeau Sklavinoi, poporul regelui vostru.
— Saqlabi, le reprit Preda sur la prononciation avant de hocher la tête pour lui signifier de continuer.

Il se tourna ensuite vers Rashid, sans doute curieux de cette troisième voix, mais interrompit Jan lorsque celui-ci se mit une fois de plus à traduire péniblement ce que demandaient les Azuréens. Preda s’adresse à lui directement.

(note : l’italique est en blêmien)
Petit, tu ramènes chez moi des étrangers en pleine nuit pour parler de mon ancien travail ? Veux-tu te mettre en danger et eux aussi ?

Le garçon parut mal à l’aise et esquiva le regard des Azuréens qui attendaient une traduction, répondant directement au vieil archéologue.

Le danger c’est de ne pas le faire… le plan de Blême a changé.

Dragomir Preda cracha.

Au diable Blême ! Ces fous m’ont tout pris.

Jan adressa un regard désolé aux Azuréens, ne sachant pas trop quoi dire, mais l’archéologue reprit la parole, cette fois tourné vers là d’où il avait entendu venir la voix d’Arm et de Rashid, articulant lentement pour se faire comprendre dans un anglais approximatif.

— Pour raison j’ignore, ce garçon sert le Grand-Duc, soit c’est piège soit c’est manipulation.

Il désigne ses yeux absents de la main.

— Ça c’est la conséquence mes fouilles, très concret, un avertissement pour empêcher de travailler et de parler et maintenant il veut je vous raconte tout ?

Il balaya le vide devant lui, faisant s’agiter les faibles flammes de son feu.

— Je crois pas tous ces mensonges, pourrait être un test, pourriez être des agents et lui votre victime ? va savoir. Si c’est but du Grand-Duc vous dire ce qu’il y a sous la Pal alors suffit aller voir Anton Puscas, lui qui a archivé mes travaux à Vieille Bibliothèque.

— Anton Puscas est mort, cru bon de préciser Jan qui n’avait visiblement rien compris à la discussion en anglais mais avait au moins compris ce nom-là.

— Ba ! bien fait pour lui. C’était un traitre.
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Déclaration
Du Commissariat à la Paix
Concernant le déploiement de la flotte kah-tanaise en Afarée et au Gondo.
25/07/2015

Le Commissariat à la Paix annonce officiellement le déploiement de la flotte kah-tanaise dans les eaux Afaréennes et Gondolaises, conformément aux engagements pris par l’Union pour garantir la sécurité maritime et promouvoir la stabilité régionale. Cette opération, menée sous l’appellation d'Opération Hygiène, vise à dissuader toute escalade militaire et à garantir la sécurité des voix commerciales.

Par ailleurs, nous sommes heureux d’annoncer qu’après de longues discussions menées, un accord a été trouvé avec l’Ouwanlinda quant au retrait de ses troupes du territoire gondolais. Cet accord est le fruit d’une diplomatie guidée par le respect mutuel et la volonté commune d’éviter des confrontations inutiles. L’Union tient à souligner l’importance d’une approche résolument équilibrée pour résoudre les tensions internationales.

La flotte kah-tanaise, en coordination avec ses partenaires de l’Ouwanlinda, escortera la flotte ouwanlindienne jusqu’à son territoire, garantissant ainsi la sécurité de son retour. Nous exhortons les États impliqués dans la région à ne pas chercher à provoquer un incident ou à exploiter la situation actuelle pour leurs propres intérêts. Toute tentative visant à s'en prendre à la flotte ouwanlindienne recevra une réponse proportionnée.

Enfin, l’Union tient à réaffirmer son engagement envers la paix et la sécurité de la région. Le déploiement de notre flotte n’est pas une démonstration de force, mais une garantie de protection. Nous appelons toutes les parties à œuvrer dans le même esprit afin de parvenir à une résolution durable de la crise gondolaise, dans le respect des principes d’autodétermination et de souveraineté populaire.
Le Regard
Le Regard, une autre vision du monde.


Le calife d'Azur reçu à Axis-Mundis lors d’une visite d’État

Le Convention Générale recevra le Calife afin de "renforcer" les liens bilatéraux et de faire le point sur les "grands sujets bilatéraux et afaréens", a annoncé le Comité de Volonté Publique. Une occasion pour la Convention de rouvrir le débat de l'orientation diplomatique de l'Union.

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Chambre Hyper-structure, où siège les Affaires Extérieures

Aura lieu dans les prochaines semaines une visite officielle d’une importance capitale : premier visite d’État tenue sur le sol de l’Union depuis un long moment, la décision d’accepter une rencontre au plus haut niveau avec le gouvernement du Califat Constitutionnel d’Azur a beaucoup fait gloser au sein des clubs et cercles présents à la Convention et dans les comités régionaux. Une continuation des importants débats qui avaient suivi la commande par le pays de la corne Afaréenne de plusieurs sous-marins et missiles balistiques, commande approuvée par une faible majorité après un rare débat sans consensus au sein des commissions équipementières de l’Union.

C’est que le profil d’Azur est un profil atypique, éloigné des modèles gouvernementaux déjà rencontrés et traités par la Convention et empêchant toute réponse automatique de nos chers représentants. Comme son nom l’indique, le Califat fait cohabiter des éléments de démocratie imparfaite (représentative) – forme de parlementarisme, élus, débat public vivace, presse démontrant des niveaux d’indépendance satisfaisants – et d’autres tenant de la théocratie, forme atypique d’autoritarisme et dont le Calife est un pur plus représentant. Les débats conventionnels entourant la décision d’accepter ou non la tenue de cette visite officielle peuvent se résumer de la sorte : Azur est-elle avant tout une démocratie imparfaite, ou une théocratie ? Question à laquelle s’ajoute d’autres considérations stratégiques sur sa place en Afarée et la stratégie à adopter pour en faire un partenaire utile de l’Union, si toute fois une telle relation de partenariat est ne serait-ce que possible.

« C’est un pays structurellement conservateur et s’assumant comme tel. Un modèle rare au sein du monde des démocraties imparfaites », nous dit Erwan MacAlistair, du Club des Splendides. « Nous représentons tout ce qu’ils détestent. Certains de nos commissaires sont des personnes queer, trans, issus de mouvement de cultures alternatifs, engagés dans des luttes que leur parti unique observe avec méfiance. Pensez-vous que le gouvernement azuréen respecte leur identité ? S’il n’y a même pas d’entente sur ces sujets-là, on peut difficilement en trouver sur des sujets plus fondamentaux. »

« Il ne faut pas non-plus oublier que tout ce qui n’y est pas explicitement autorisé n’y est pas non-plus explicitement interdit », tempère la citoyenne Rougetesse, des Amies de la Commune. « Le Calife et son entourage savent déjà ce qu’est le Grand Kah. Ils nous ont achetés des sous-marins et maintenant désirent nous rencontrer. Quelle que soit la politique de leur gouvernement en interne, ils considèrent que notre modèle ne rend pas impossible une forme d’entente. » Une occasion de rappeler que la direction prise par la société azuérenne semble être celle d’une lente acceptation des revendications queers et féministes comme le prouve la récente légalisation de l’homosexualité.

Si l’actuelle composition du Diwan (gouvernement azuréen) semble susciter des réserves au sein de la majorité des délégués conventionnels, la figure du ministre des Affaires étrangères, Jamāl al-Dīn al-Afghani, est jugée beaucoup plus consensuelle. « Nous n’aimons pas les idées de son parti », déclare sobrement un représentant de l’Amicale Sociale-Démocrate, « mais nous aimons ce qu’il pourrait en faire ». Une position que le Commissariat assume pleinement : « La composition actuelle du Diwan représente une opportunité historique de rapprochement. Nous devons la saisir et jouer sur nos proximités d’intérêt pour faire tomber les barrières dressées par nos visions respectives du monde », nous confie la citoyenne Meredith. Derrière le ton toujours très formel de celle que l’on surnomme encore « la Voix », une source interne nous confie en off que le Califat représente une puissance émergente de l’Afarée, autour de laquelle pourrait se structurer la nouvelle composition stratégique du continent. Dans ces conditions, le commissariat juge essentiel, pour maintenir la position officielle d’aide et de respect du Grand Kah pour les souverainetés Afaréennes, de travailler à un rapprochement. C’est globalement cette interprétation qui semble dominer dans les sphères conventionnelles et dans les communes exclaves. Les représentants du Commissariat à l’Intégration Afaréenne le confirment : la position relativement progressiste du ministre al-Dīn al-Afghani est jugée précaire au sein de son propre gouvernement. Les communes Afaréennes se sont donc déclarées extrêmement favorables à une posture conciliante lui permettant d’engranger des succès d’estime et de renforcer sa ligne.

Cyniquement, on pourrait considérer qu’Azur est jugée plus utile à la Roue sous sa forme actuelle qu’en tant qu’entité dormante, autarcique et fermée au monde. Peut-être craint-on aussi, sans le dire, que cette énergie internationaliste ne cesse pas en cas de désaveux de la ligne progressiste, auquel cas il faudra compter avec une puissance Afaréenne conservatrice, dont les ambitions seraient contre-productives et pour le continent et pour l’Union.

Si cette position semble faire consensus auprès d’une majorité des forces Modérées et internationalistes, des voix contraires émanent des franges du Syndicat des Brigades, du Club de l'Accélération et d'un certain nombre de mouvements radicaux-centralisateurs tels que la Section Défense ou Un Esprit. La Citoyenne Maïko, fondatrice de la Section Défense et principale avocate de la "Nouvelle Pensée Révolutionnaire" en vogue chez les radicaux, confirme son opposition de principe à cette rencontre.

« C’est une nouvelle trahison. Une nouvelle marque de l’avilissement de notre politique étrangère. Nous ne sommes plus les défenseurs de la Révolution, plus ses diffuseurs ! Nous sommes tout juste ses chargés de communication. Et Azur ? Recevoir l’épicentre de la religion imposée au peuple ? Qu’avons-nous en commun avec ces gens ? Pourquoi accepter de les soutenir, de leur donner la moindre once de crédibilité ? Les députés de la modération oublient pourquoi ils sont là, et pourquoi nous Union existe ! »

Des critiques plus modérées émanent du reste de la Radicalité. Lea citoyen⸱ne Zéphyr, de l’Accélération, a accepté⸱e de résumer la position de son Club : « Le Grand Kah collabore avec de nombreux régimes que le sens de l’Histoire – et de nos actions – finiront par démocratiser. […] C’est la position traditionnelle des modérés : ne pas fermer de porte, ne pas se créer d’ennemis inutiles, prendre les avantages partout où ils sont. La citoyenne Actée dit que si nous ne nous rapprochons pas d’Azur, d’autres le feront. Nous entendons. La même logique sous-tendait l’approbation de la vente des sous-marins, et Azur rencontre aussi d’autres puissances telles que la Fédération d’Alguarena. Mais il faut ménager nos efforts. Rencontrer le Calife d’Azur, c’est déjà à l’antithèse de nos valeurs, ensuite ça n’apportera pas forcément ce que le Comité [de volonté publique] attends. Peut-être qu’ils dépensent du temps et de l’énergie pour rien. L’Afarée compte d’autres puissances, autrement plus compatibles avec nos objectifs et notre vision du monde. »

Une position politique et éthique qui n’engage finalement la radicalité à rien, la Modération ayant encore la majorité sur les questions diplomatiques, mais ayant le bénéfice d’alimenter le débat au sein des comités. Reste maintenant la question du protocole, qui fait elle aussi débat.

Le professeur Bernard Ossendowski, de la chair d’histoire politique de l’Université Centrale de Lac-Rouge, est aussi membre du comité protocolaire permanente d’Axis Mundis. « Tout de même, » nous dit-il, « aucun monarque en exercice n’a mis les pieds à Axis Mundis depuis presque un siècle. Sera-t-il bien vu de faire venir le Calife dans une ville que certains considèrent encore comme le tombeau de la monarchie ? » Les références à l’exécution du Daïmio colonial et de pas moins de trois empereurs sont encore omniprésentes sur la grande place de la Révolution. Au-delà de l’aspect pratique et politique des rencontres d’État, elles sont aussi l’occasion d’importants spectacles protocolaires dont les détails servent de signifiant pour les chancelleries et analystes du monde entier. Comment donc calibrer le message que la Convention jugera utile de faire passer, sans trahir les codes traditionnels de la diplomatie kah-tanaise ou brusque les officiels et l’opinion publique azuréenne ?

Il semble évident que la question sera soulevée, en off, avec les services protocolaires du Califat.
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