26/11/2014
22:16:42
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Sylva - Caribena, Rencontre entre Ambre Récifjaune et Maria Rodriguez

Palais
Manoir des Négoces, l'antre du lobbying sylvois

Comme dans tous les pays riches et libéraux, le lobbying était quelque chose de profondément ancré dans la culture gouvernementale de Sylva. Les groupes d'intérêts sont choses communes là où se développent des entreprises suffisamment puissantes pour faire valoir leurs voix, et les lobbys avaient pour fonction de la transmettre. La seule particularité qui différenciait dans ce cas-ci le lobbying était son intégration un peu plus formelle dans les institutions sylvoises. On ne parle pas d'un simple groupe privé voulant jouer sur la fiscalité, mais d'un secteur industriel issu de la planification étatique : le Département de l'Énergie Sylvois. C'était par essence un groupe dirigé par le gouvernement pour coordonner les efforts de diverses entreprises nationales ou privées, optimiser les investissements, assurer les intérêts nationaux et la souveraineté, et plus implicitement, museler la concurrence que pourraient faire les groupes bourgeois au gouvernement (autrement dit, la noblesse).

Et Ambre Récifjaune était la lobbyiste par excellence avec un réseau notablement influent, au Duché comme à l'étranger. Elle faisait particulièrement ses preuves en Tcharnovie, Wanmiri et Antegrad où elle avait permis une véritable explosion des intérêts économiques de différents acteurs sylvois sur place (étatiques comme privés). C'est donc sans surprise qu'on lui accordait à elle la tâche de convaincre la directrice, madame Rodriguez, de choisir le DES plutôt qu'Apex pour gérer la prospection pétrolière au large de Caribena. Ce n'était pas tellement par attrait économique ou industriel, Sylva s'entendant après tout très bien avec l'Empire Raskenois et le comptant parmi ses fournisseurs avec Faravan et le Banairah, mais plutôt un sursaut protectionniste typiquement sylvois teinté d'une forme d'orgueil. C'était le voisinage direct de Sylva, son continent, et si on était quelque peu désintéressé de l'expansion tentaculaire d'Apex dans le marché pétrolier, voir ainsi l'entreprise s'installer juste à la frontière sylvoise avait provoqué une certaine contrariété. Et c'était pour cela que des moyens assez conséquents furent mobilisés par le Duché pour sauvegarder Caribena, et par extension Paltoterra, d'une influence raskenoise excessive.

Et ces moyens se traduisaient par une avance assez conséquente pour Ambre pour arriver à ses fins, dont elle fit bon usage dès l'arrivée de Maria Rodriguez en lui offrant en signe de bienvenue un parfum de valeur sylvois et une montre de luxe, sobre, mais fort élégante et particulièrement bien ouvragée. L'accueil se faisait au Manoir des négoces comme on l'appelait, propriété de la société Ambre Consultation tenue par ladite Ambre Récifjaune. Cet endroit avec une unique fonction accueillir des dignitaires et représentant dans le cadre le plus favorable qui soit à des négociations.
La zone était luxueuse, avec des murs en pierre qui allaient très bien avec le sol et plafond en bois aux charpentes apparentes dans un style très sylvois. Il y avait plusieurs salons aux décorations très différentes, allant d'un style surchargé de détails à d'autres plus épurés et modernes. C'est dans un salon coquet et traditionnel que les deux femmes se rendirent. L'élément le plus marquant dans la décoration était l'ensemble de peintures aux murs : des figures historiques sylvoises, plus précisément mounakaz, ayant lutté contre la domination monarchique du Duché et un premier pas vers la démocratie avec l'instauration d'une assemblée parlementaire. Il y avait également quelques pages de livres encadrés sur les murs, des écrits et poèmes faisant l'ovation de ces femmes et de leurs accomplissements. C'était autrement dit un cadre particulièrement paradoxal pour le salon d'un magnat du lobbying, mais loin d'avoir été choisis par hasard.

"Madame Rodriguez, c'est un plaisir de vous recevoir. Je me suis permis de vous faire préparer un parfum distillé dans un atelier réputé du Bourg des Mahoganys, fait à partir de feuilles de bois de rose. C'est très agréable sans être envahissant, et cela change des senteurs qui s'imposent avec les standards eurysiens. Permettez-vous que je vous tutoie ? Nous sommes ici entre amies."

Là, elle invita son interlocutrice à s'installer à une petite table sur des fauteuils remboursés. Tout était en bois, travaillé avec attention par des ébénistes reconnus du Duché. S'il y avait bien un domaine (autre que la production de rhum) où les sylvois étaient persuadés d'être inégalés, c'était bien dans l'ébénisterie. Là arriva un majordome en apparence assez jeune, élancé et aux épaules larges qui lui donnaient une stature triangulaire sans être large. Il avait un côté androgyne, avec de longs cheveux coiffés en arrière et un visage glabre aux traits fins. Il portait un plateau avec trois bouteilles.

-Voici un cocktail aux fruits locaux sans alcool, du rhum vieux, et du sirop de citron avec du sucre de canne. Madame Rodriguez, je te laisse choisir ce que tu préfères selon ton humeur, le rhum peut se prendre sec ou avec du sirop. De même pour le jus de fruit, tu peux le prendre tel quel ou avec du rhum.

Après quelques échanges progressivement familiers (mais bien entendu dans la limite du raisonnable), elle commença à entrer dans le vif du sujet.

-Comme indiqué dans mon mail, je représente le Département Pétrolier Marin qui s'est montré très intéressé. Si ce n'est pas le plus reconnu dans son expertise, il ne manque pas pour autant d'un secteur de recherche et développement avancé avec un certain nombre d'acquis et expériences solides. Mais surtout, il dispose de ressources matérielles et financières massives permettant de garantir la bonne tenue de projets, mêmes soumis à des imprévus. J'ajouterais à cela que pour le DPM de Sylva, ce ne serait pas juste un projet lointain que l'on abandonnerait au premier problème, mais une opportunité à proximité directe.
C'est pour le DPM apporte tant d'attention à remporter cet appel d'offre, et en signe de gratitude, il saurait évidemment répondre à votre confiance. Autrement dit, madame Rodriguez, en qualité de Directrice de PétroCar, tu aurais toute la légitimité à prétendre à des parts des actions en bonus de vos services, autrement dit un généreux complément pour votre salaire si notre future coopération venait à fructifier, chose que nous ferons tout notre possible à réussir. Jusque-là, est-ce que tu me suis ? Il y a des questions à répondre ?
Maria Rodriguez n’avait pas l’habitude de voir tant de richesses étalées de manière si décontractée et exposées à la vue de tous. Bien qu’elle n’ait jamais fait partie des couches les plus modestes, sa famille, issue d’ingénieurs, n’avait pas mené une révolution sur le terrain, mais plutôt par des leviers économiques et culturels. Les Rodriguez avaient entretenu des relations étroites avec les oligarques algueranos avant la Révolution, mais n’avaient pas été sanctionnés pour cela. En effet, la famille avait su habilement se servir de ces liens pour opérer un revirement en faveur du peuple. De ce fait, elle avait pu avoir accès à des biens et services bien au-delà de ce que pouvait se permettre le commun des mortels à Caribeña, mais jamais elle n’avait été exposée à autant de présents provenant de Sylva.

Maria, du haut de ses 34 ans et de son élégante silhouette d’un mètre 80, arbore une chevelure blond rosé. Vêtue d’une chemise blanche sous un costume fuchsia assorti à son pantalon, elle complète sa tenue avec des bottes marron et un décolleté audacieux. Ses yeux bruns, accentués par un rouge à lèvres vif, sont encadrés de lunettes violettes qu’elle porte souvent relevées sur sa tête.

Elle affiche une vision stricte de l'ordre social et économique, mais sa moralité est plus flexible qu'elle ne le laisse paraître. Pour elle, les opposants au régime sont officiellement des ennemis de l'État, mais en privé, elle reconnaît que le système n'est pas infaillible. Maria possède un caractère fort et s'exprime de manière autoritaire, utilisant habilement son statut social. Son tic de langage consistant à parler d'elle-même à la troisième personne ("Maria est contrariée", "Maria est déçue") intrigue son entourage et renforce son image sophistiquée. Déterminée et ambitieuse, Maria poursuit ses objectifs avec une ténacité qui frôle l'obsession. Si les moyens légaux ne suffisent pas, elle n'hésite pas à explorer des voies moins orthodoxes. Sa façade de froideur et de réserve cache une disposition à la corruption si cela sert ses intérêts ou ceux qu'elle juge supérieurs. En public, Maria condamne fermement toute forme de corruption. En privé, elle considère certains arrangements comme des "nécessités pragmatiques" pour maintenir l'ordre et atteindre ses objectifs. Cette dualité crée en elle une tension constante entre ses principes affichés et ses actions réelles.


Maria écoute attentivement la proposition d'Ambre, son regard s'attardant sur les cadeaux luxueux et l'environnement soigneusement orchestré. Elle prend une gorgée du cocktail aux fruits, savourant le goût tout en réfléchissant à sa réponse.

« Je suis flattée par cet accueil chaleureux, Ambre. J'apprécie particulièrement l'attention portée aux détails, comme ce parfum exquis et cette montre élégante. Le tutoiement me convient parfaitement, cela facilitera sans doute nos échanges. »

Elle fait une pause, ses yeux parcourant les peintures murales représentant les figures historiques mounakaz. Un léger sourire se dessine sur ses lèvres: « Le choix de la décoration est fascinant. Ces femmes qui ont lutté pour la démocratie... Maria se demande si elles auraient approuvé nos méthodes modernes de négociation. »

Elle reporte son attention sur Ambre, son expression devenant plus sérieuse: « J'ai bien suivi ta présentation. Le DPM semble effectivement offrir des avantages considérables, notamment en termes de ressources et d'engagement à long terme. Je suis particulièrement intéressée par la proximité géographique du projet, ce qui pourrait faciliter une collaboration étroite. » Elle fait une pause, jouant distraitement avec sa nouvelle montre.

« Quant à la proposition de parts d'actions... c'est une offre très généreuse. Maria est curieuse de connaître les détails de cet arrangement. Quel pourcentage d'actions le DPM envisage-t-il? Et comment cela serait-il structuré pour assurer la discrétion nécessaire? J'aimerais également savoir comment le DPM compte gérer les éventuelles... sensibilités politiques liées à ce projet. Nous sommes conscients que certains pourraient voir d'un mauvais œil une présence sylvoise trop marquée à Caribeña, surtout pour un tel secteur qui pourrait vite devenir vital... »
Ambre eut un petit haussement d'épaules pour répondre à la première question :

-Le lobbyisme est une chose normale, il s'agit simplement de représenter les intérêts de groupes. Lesdits groupes peuvent tout aussi bien être des corporations géantes que des coopératives ou collectifs citoyens, il n'y a pas de mal à leur donner la voix pour se faire entendre.
Et cette question va dans la continuité des questions politiques, qui est tout à fait pertinente. L'objectif est que cette présence sylvoise se fasse d'amis à amis, d'égaux à égaux, dans une volonté de rapprochement politique. Nous ne souhaitons pas établir de rapports de domination ou dépendance. Je précise bien dépendance et non interdépendance, car ce second point est intrinsèque à une économie mondialisée. Si nous lançons cette coopération, Sylva deviendra naturellement l'un des consommateurs de ce pétrole et dépendra de Caribena, qui elle dépendra d'investissements sylvois. Rien d'anormal à cela, juste une coopération stratégique pour et entre deux acteurs. Nous resterons malgré tout à l'écoute des exigences de Caribena. Sylva applique elle aussi des mesures protectionnistes strictes et nous comprendrons, et approuverons, que vous fassiez de même pour sécuriser une telle industrie.

-Quant à vos primes, je vais déjà vous donner quelques chiffres. En fonction de l'importance et rentabilité du gisement, nous pouvons espérer entre un et trois milliards de crédits internationaux de revenus bruts annuels, pour des bénéfices allant de cinquante millions à un milliard de CI. Nous estimons pouvoir accorder un pourcent de ces bénéfices en primes rien que pour vous, à titre d'actions récompensant nos collaborateurs les plus proches. Cela représenterait entre cinq cent mille et dix millions annuellement en fonction des résultats. Nous devrons également négocier avec Caribena ce qui concernerait la part allouée aux primes pour l'ensemble des équipes, après quoi sera divisé le reste au prorata des investissements de chacun. Il n'y a pas de raison que les travailleurs de Caribena impliqués sur la plateforme ne profitent pas des résultats. Le but est d'intégrer naturellement ces "primes" dont vous bénéficierez comme un processus normal concernant tout le monde. Nous veillerons juste à agencer comme il se doit les virements pour que vos récompenses n'aient pas l'air exagérées par rapport à vos compatriotes.
Jusque-là, comment appréhendez-vous ces points ? Les primes de résultats sont courantes en Caribena où les excédents tendent plutôt à être collectivisés pour servir l'ensemble de la société ?
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