21/02/2015
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[Clovanie - RDLG] Bis repetita

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Aéroport Hervé-Marcel Mutombo, Sainte-Loublance, Gondo
27 novembre 2014


Robert Pierre avait déjà vu ça. En effet, en février 2010, c’était déjà lui que le Palais Présidentiel avait chargé des préparatifs pour l’accueil de l’Empereur Pétroléon V. Presque cinq ans plus tard, Pétroléon était mort, sans avoir vu la paix s’installer au Gondo. Son successeur revenait donc, et il fallait tout refaire.

Les mêmes vieux dignitaires dans leurs costumes sombres malgré les trente degrés humides dont l’équateur ne se départissait jamais. Les mêmes gardes d’opérette en rang d’oignon, sabre au clair. La même fanfare militaire, incapable de jouer un morceau classique juste - Robert Pierre aurait pu leur donner le programme un an à l’avance, il savait que ces gars-là n’auraient répété que la veille. Le même tapis rouge. Le même soleil de plomb. Le petit monde politique de Sainte-Loublance, qui connaissait Carnavale et lisait Le Courrier Gondolais, était proprement increvable. Il survivait les guerres et les coups d’états, en laissant le monde environnant changer dans une indifférence totale, en laissant les opposants se succéder, et les gondolais languir.

Les clovaniens, eux, apportaient du changement. M.Pierre ne savait pas si c’était le bon, mais il avait le mérite d’être. Désire Flavier-Bolwou n’était pas étranger ni indifférent à ce changement. C’est lui qui, ce 27 novembre 2014, accueillait sur le tarmac d’Hervé-Marcel Mutumbo le tout jeune Empereur Louis Ier de Clovanie. Il avançait l’air digne sur le tapis rouge, les traits peu marqués par le temps passé, talonné par son premier ministre Oscar Dwâ, au visage d’un benêt qui se donnait des airs d’importance.

Denis Sassou-Nguesso, Président de la République du Congo (Brazzaville)
Désiré Flavier-Bolwou accompagné d’Oscar Dwâ sur le tarmac de l’aéroport Hervé-Marcel Mutombo.

Ils attendaient le jet impérial dans un silence de mort. On entendait les talkies-walkies. Les hommes de la sécurité présidentielle, en costumes noirs, s’activaient autour de cet attroupement solennel. Car cette visite n’allait pas se passer dans les mêmes conditions que la précédente.
M.Pierre avait reçu des consignes spécifiques à ce sujet. Il y a presque cinq ans, les clovaniens étaient des inconnus. Maintenant, c’étaient des envahisseurs. Ils avaient eu la peau du GALK. Certains kwandaouis, sans même citer les communistes et les likras, voulaient leur vengeance. Et le caporal Alkwera, leur chef, avait disparu dans la nature.
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Quelque part dans les airs, au large de Sainte-Loublance, Gondo
27 novembre 2014


"Diable, ce siège est vraiment trop grand pour moi..." murmurait l'Empereur de Clovanie en se tortillant sur son large fauteuil, sous le regard discrètement amusé de Monsieur Razoumikhine. Louis avait été réveillé à maintes reprises au cours de la nuit, si bien que ses yeux s'ornaient maintenant de cernes grisâtres et que son tempérament s'en trouvait légèrement endurci. C'était la première fois que le jeune Empereur sortait de Clovanie, d'autant plus pour se diriger vers les arides terres sur lesquelles son prédécesseur avait conduit des milliers de soldats de l'Armée Impériale, le Gondo. Il avait passé la nuit sur ce grand siège, le siège impérial, qui avait évidemment été conçu pour un adulte de taille moyenne. Quel optimisme ! Le dossier l'avait donc poussé à demeurer raide comme un piquet toute la nuit, position pour le moins inconfortable. Louis aurait pu demander à changer de siège, ou à s'installer sur une des banquettes situées à l'arrière de l'habitacle, ce que ses Ministres auraient compris dans leur grande affection pour l'adolescent. Mais le prestige, oui, le prestige avant tout ! Ce siège trop grand était devenu dans l'esprit du jeune Empereur un immense enjeu de prestige. Non, non, et non, il ne changerait pas de place, quitte à passer la nuit à méditer les yeux grand ouverts sur son entrevue avec le Président Gondolais.

En 2010, lorsque Pétroléon V avait noué sa grande alliance avec le Président Flavier-Bolwou, Louis n'avait que dix ans et son père venait de mourir, si bien que le petit pays d'Afarée était loin d'être la principale préoccupation du jeune garçon. Il avait certainement vu passer à la télévision ou sur des affiches legkibourgeoises des publicités pour les stations balnéaires nouvellement ouvertes au Gondo, mais il s'en méfiait comme la plupart des personnages de sa caste. Gondo était pour beaucoup synonyme de guerre civile, chaos institutionnel, et déroute économique.

Mais depuis son couronnement précipité, Louis avait basculé dans une autre dimension, emporté dans les différents projets de ses Ministres, entre lesquels il tentait tant bien que mal de s'imposer. Inévitablement, la présence de quelque treize mille soldats clovaniens au Gondo avait fait de l'allié afaréen une question de premier plan dans la politique du nouveau règne. Il se trouvait que le Grand Maréchal Joffrin avait de grands projets pour l'Armée Impériale, qui concordaient assez avec les idées de Louis Ier. Il y avait un plan, un immense plan en préparation, en réalité déjà entamé par Pétroléon V. Ce plan, qui était donc tombé entre les mains du jeune Louis, devait se réaliser le plus rapidement possible, et ceci malgré sa faible connaissance du contexte local. Bien sûr, les Ministres Impériaux avaient tout mis en œuvre pour lui fournir le maximum d'informations concernant les enjeux gondolais, si bien que Louis avait lui aussi été convaincu par ce grand plan. Lui aussi allait s'avancer vers le Président Gondolais, sûrement d'un demi-siècle son aîné, l'esprit pénétré d'une grande conviction. Ce qui était il y a quelques semaines un pays quasiment inconnu était maintenant l'occasion de la réalisation d'une ambition dépassant les siècles et leur fébrile écoulement.

"Nous atterrirons dans quelques instants, Votre Seigneurie Impériale." déclara le Ministres des Affaires Étrangères à son souverain.

Louis acquiesca et reboucla sa ceinture le temps de l'atterrissage. À la fenêtre commençaient à se profiler les immeubles de Sainte-Loublance. Au bout de quelques minutes, l'avion se posa sur le tarmac de l'aéroport, sur lequel était réuni tout le gratin du gouvernement gondolais. Un belle pelote de laine que Louis Premier devait démêler pour conserver intacte l'alliance clovano-gondolaise.

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Le jet clovanien qui transportait l’Empereur et son ministre des affaires étrangères se fit voir derrière un cumulus. Un premier badaud pointait déjà sa silhouette dans le ciel, la main en visière. Il fut imité par d’autre, et dans une contagion rapide, tout le parterre d’officiels regarda l’avion impérial poser son train sur la piste et venir s’arrêter devant le tapis rouge. Apprenant de ses erreurs, la musique de la garde républicaine ne commença à jouer Pour l’Empereur qu’après l’arrêt des turbines du réacteur. Ce ne fut pas un régal acoustique pour autant.
Désiré Flavier-Bolwou faisait la grimace. Outre la souffrance de ses oreilles, il ne savait pas comment aborder cette rencontre avec un homologue aussi ridiculement jeune. Il se disait que son vrai interlocuteur serait sans doute le ministre, Gaspard Razoumikhine. Mais il savait aussi que les dignitaires royaux devaient être cajolés. Une équation qui bouleversait son schéma politique et diplomatique : le bonimenteur de 77 ans obtenait ce qu’il voulait en nouant des relations de confiance et de proximité avec ses interlocuteurs. Une diplomatie personnelle en somme. Alors, sur qui devait-il concentrer son offensive ? Sur le ministre, ou sur l’Empereur ?

En désespoir de cause, il avait ameuté son premier ministre dévoué, Oscar Dwâ, tâché d’occuper l’un pendant que le Président sympathisait avec l’autre. Il avait enfin choisi de ne recevoir que le jeune monarque dans sa voiture - question protocolaire. Razoumikhine voyagerait aux côtés de son homologue, Jean-Claude Mbihan.

Le Président gondolais reçut donc l’adolescent en bas des marche de l’avion avec un entrain et un enthousiasme tels qu’il aurait fallu être paranoïaque pour les croire feints.

« Votre Majesté, c’est un honneur de vous recevoir sur le sol gondolais. Vous avez fait bon voyage ? Vous verrez que Sainte-Loublance est une ville magnifique, et que les efforts que vous déployez ici ne sont pas vains ! »
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Une fois installé dans la voiture du Président gondolais, le jeune empereur put mieux constater l'écart d'âge qui le séparait de son homologue afaréen. Ce dernier s'efforçait de s'adresser à lui comme à un égal, mais Louis ne pouvait s'empêcher de déceler un léger excès de politesse dans le ton de sa voix, comme s'il ne savait pas trop où placer le curseur des bonnes manières et qu'il avait décidé, par précaution, de le pousser un peu plus loin que nécessaire. Cela ne faisait rien, se disait-il, tout était prévu et tous les Ministres Impériaux œuvreraient dans le sens du plan. Le cœur de Louis s'était cependant légèrement accéléré au moment de grimper dans l'habitacle de la voiture présidentielle, dans lequel l'attendait un face à face imprévu et subit avec Monsieur Flavier-Bolwou. Heureusement, celui-ci brisa la glace d'entrée.

"En effet, nul ne peut savoir à quel point Nous étions impatient de constater les œuvres de notre alliance dans votre pays ! Tous les Clovaniens rêvent maintenant de venir ici pour observer de leurs yeux tout ce à quoi nos accords ont mené. Je... Nous tenions à faire de cette visite au Gondo une des premières mesures de Notre règne. Notre relation avec vous est capitale, et sachez bien que Nous ne venons pas le mains vides. Pétroléon V a grandement contribué au bien du peuple gondolais, c'est du moins ce que Nous pouvons entendre de tous ceux qui ont assisté à l'évolution du pays, et Nous comptons bien poursuivre cette grande œuvre !"
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« Tant mieux, tant mieux… »

Le Président voulait à tout prix éviter que la gêne ne s’installe dans cette voiture. Il y avait toujours une boîte de cigares alguarenos dans la portière pour ce genre de situations. Mais que pouvait-il offrir à Louis Ier ? Tabac ou alcool auraient été déplacés. Il ne se dégonfla pas et entrepris d’attaquer le vif du sujet. Si le monarque n’était pas au fait du dossier qu’ils devaient discuter, le président serait au moins fixé pour de bon. Il prit le parti de considérer le gamin comme un vrai leader.

« Alors, quel est donc ce projet si particulier dont Votre ministre m’a fait part ? Je n’en ai pas encore les détails. »
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"Nous nous entretiendrons de cela dans un contexte... disons, plus favorable aux grandes décisions."

Louis avait répondu au Président de manière à ne pas trop s'engager hors de la voie préparée en amont avec le conseil des Ministres Impériaux. La décision qui s'augurait ne pouvait pas se prendre dans une voiture, et le jeune empereur préférait ne pas prendre d'initiative risquée pour sa première visite diplomatique hors de Clovanie. Devant le regard insistant de Monsieur Flavier, il consentit tout de même à révéler en deux mots la raison de sa venue.

"Vous le savez, Nous cherchons toujours à améliorer la qualité de notre intervention militaire sur votre sol. Il en va de notre honneur et du serment fait par la Clovanie en 2010 au peuple gondolais. Deux bases militaires clovaniennes sont déjà présentes au Gondo, comme vous le savez. Or, ces quatre dernières années nous ont permis de déceler d'occasionnels problèmes de ravitaillement de ces bases : douze mille kilomètres d'océan à parcourir, ce n'est pas rien ! En bref, le projet que Nous comptons vous soumettre consiste à localiser notre production d'armement directement sur votre sol, dans ces deux bases militaires ou dans de nouvelles bases. Nous savons qu'il s'agit d'un projet de grande ampleur, mais il est pour Nous la clé du conflit avec les séparatistes."

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« Je vois… Eh bien, il faudra bien sûr en voir les détails, mais cela peut attendre que nous retrouvions vos ministres. Rien qui ne me semble infaisable, Votre Majesté ! »

La voiture arrivait à l’angle de l’Avenue de l’Indépendance, grand axe arboré de Sainte-Loublance qui courait de la Cathédrale Saint-Jérome jusqu’au Vieux Port. Le cortège prit à gauche, en direction du Palais présidentiel, au cœur du quartier colonial. Alors que les motos qui encadraient la voiture du premier ministre, identique à celle du président, arrivaient au carrefour, il y eut soudain un grand vacarme. En tournant la tête, le jeune Empereur pouvait voir un homme d’une trentaine d’années franchir le dispositif de sécurité au cri de «  Evit an dizalc’hiezh ! ». L’homme portait un cocktail molotov, qu’il n’eut pas le temps de jeter sur la voiture avant que des gendarmes ne le plaquent au sol. La grenade artisanal, lui échappant des mains, vint s’abîmer sur la chaussé dans une petite gerbe de flammes.

La voiture présidentielle avait fini de tourner. La scène était désormais derrière eux, et l’Empereur ne pouvait plus voir ce qui se passait.

« Ah, les chiens ! Voilà les conséquences de cette guerre civile, le désordre jusque dans nos rues ! Enfin, vous en avez vu d’autres, Votre Majesté. »

La voiture arriva finalement sans dommage au Palais. Celle du premier ministre arrivait bientôt, et celle des ministres des affaires étrangères étaient arrivée en premier. Mais dans les rangs de la Garde Nationale, il manquait deux motos. Un officier se présenta finalement au président, lui expliquant qu’un motard était très légèrement brûlé, et qu’un autre s’était arrêté pour le raccompagner en selle. Il n’y avait pas eu de blessé, et le perturbateur était au commissariat central. Les officiels rejoignaient pendant ce temps la salle de réception, où une table ovale les attendaient. Les discussions pouvaient commencer.
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La tentative d'attentat qui eut lieu en marge du trajet de la voiture présidentielle perturba le cours des pensées de l'Empereur. Le sang de Louis ne fit qu'un tour lorsqu'il put apercevoir, l'espace d'une fraction de seconde, le visage contorsionné du terroriste. À la remarque rageuse de son homologue, Louis répliqua qu'il était, certes, habitué aux fanatiques dont la seule volonté est de troubler l'ordre national, et qu'il comptait bien appliquer sa courte expérience en la matière chez son allié, etc. En réalité, malgré le parcours semé d'attentats et de deuils familiaux qui l'avait conduit sur le trône clovanien, c'était bien la première fois, en plein cagnard gondolais, que l'on tentait directement de l'assassiner. Louis avait vu passer, ces quatre dernières années, la désolation et le meurtre sous le bras bienveillant de sa mère, de derrière les solides murailles des palais legkibourgeois. Il assistait maintenant à la folie humaine à travers la maigre vitre fumée de la voiture du président, seul avec cet inconnu qui aurait pu passer pour son grand-père si n'était la radicale différence de leurs phénotypes, à des milliers de kilomètres de la Clovanie. Le calme et le silence de Louis contrastaient avec l'animosité de Monsieur Flavier-Bolwou, et on aurait pu croire que le Clovanien était le plus stoïque des deux si une légère fausseté ne s'était dégagée du ton du président afaréen.

Une certaine angoisse planait donc toujours dans l'esprit de l'adolescent lorsque le convoi s'arrêta et que la délégation diplomatique prit la direction de la salle de réception du Président de la République. Une fois installés, les Ministres Impériaux se tournèrent vers le Grand Maréchal Joffrin, dont les Gondolais avait déjà entendu le nom de nombreuses fois. Joffrin était un petit homme replet d'une soixantaine d'années, qu'on aurait pu prendre pour un énième bureaucrate paresseux si le lourd uniforme militaire qu'il portait ne contrastait pas avec les costumes des Ministres. Il faut dire qu'il était auparavant Ministre Impérial de la Guerre et des Armées, titre que Pétroléon V avait changé en Grand Maréchal de Clovanie dans sa volonté de militarisation du pays. Cette volonté sera reprise par le gouvernement de Louis Ier, ce que le lecteur ne tardera pas à constater, mais nous nous avançons ici trop loin dans les événements. Et donc, à nouveau titre, nouveau costume : le torse du Grand Maréchal de Clovanie était parsemé de décorations scintillantes rappelant ses hauts exploits administratifs et les glorieuses batailles de bureau qu'il avait menées, stylo-plume en main, contre la jungle de l'organisation militaire clovanienne.

La forêt tropicale gondolaise, quant à elle, il ne la connaissait que de loin, mais elle avait constitué pour lui un véritable enjeu personnel ces dernières années. Le Gondo était la mission que Pétroléon V lui avait confiée, et il n'était pas question de se décrédibiliser en perdant l'initiative dans la région. Or, le terrain était plus ardu que prévu, et il fallait rebondir vite. Il entama son discours préliminaire par un long et classique rappel des succès de l'Opération Chrysope, logorrhée que l'on connait déjà très bien et qu'il est inutile de retranscrire ici dans son intégralité. Il était question du démantèlement du GALK, de la relance économique locale, du développement de l'école gratuite au sud-Gondo, de l'anéantissement progressif de la barbarie, de la victoire du Bien sur le Mal, et autres gloires de l'alliance clovano-gondolaise. Le Président Flavier-Bolwou faisait mine d'apprécier cette énumération, mais ce qui l'intéressait, c'était bien les réformes que le Grand Maréchal avait emporté dans sa mallette, les nouveautés qui allaient encore une fois bouleverser son pays. Joffrin en vint enfin aux faits.

"Vous connaissez en quelques mots seulement l'ambition que nous souhaitons vous présenter aujourd'hui : construire au Gondo des usines d'armement, de manière à résoudre les problèmes d'approvisionnement militaire auxquels nous avons pu faire face par le passé. En effet, il est regrettable que notre dernier convoi ait subi une tentative d'abordage par les hordes marines communistes du nord du Gondo (HRP : arbitrage en cours). Il est à célébrer qu'un amour si fort lie deux peuples séparés par douze mille kilomètres d'océan, mais toute relation à distance comporte ses risques d'interception... Cette espèce d'événement ne doit plus se reproduire. Pour ce faire, quoi de plus simple que de construire directement les armes utilisées dans le cadre de l'Opération Chrysope sur le sol gondolais ? Nous le savons, cette grande entreprise comporte un grand nombre de conditions, mais l'ambition est le carburant de l'Histoire.

HRP : Je me base ici sur les renseignements qui tu m'as fournis en MP, à savoir que le Gondo dispose de la matière première et de la main d'œuvre nécessaires à la fabrication d'armement.
Les questions qui se posent alors sont : les mines de métaux sont-elles en activité ? Où sont-elles localisées ? Fournissent-elles tous les matériaux nécessaires à la fabrication d'armes basiques (hors aviation, missiles, etc) ?

Il faut d'abord que le Gondo dispose des matières premières nécessaires à la conception d'armes à feu, à savoir essentiellement de métaux comme l'acier ou le bronze, ce dont votre pays regorge. Les matériaux additionnels pourront être importés facilement. Il faut aussi une main d'œuvre prête à travailler à la mise en valeur de ces ressources et à l'assemblage des armes. Voilà une bonne occasion de relancer le marché du travail au Gondo, mais les ouvriers devront travailler dans le cadre d'une haute surveillance militaire. Pour les travaux nécessitant une qualification avancée, nous feront venir au Gondo des ingénieurs et ouvriers spécialisés clovaniens. Une infrastructure de grande ampleur prend forme : il nous faut construire les usines d'armement proches des terrains métallifères, contenant de quoi loger et nourrir les ingénieurs et ouvriers se consacrant à la production d'armement. Il serait également judicieux d'établir ce complexe près d'un port, de manière à faciliter les échanges maritimes avec la Clovanie. Bien entendu, cette ambitieuse construction devra se tenir sous la plus haute surveillance, car le moment du chantier sera celui où nous présenterons notre plus grande vulnérabilité. Nous déploierons donc un contingent d'importance majeure autour du lieu choisi ainsi que de nombreux dispositifs anti-aériens.
Monsieur le Président, quelle serait selon vous le lieu le plus désigné pour un tel projet ?"



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Les aspects... techniques. Flavier-Bolwou ne voulait pas être celui qui devrait répondre. Non pas du fait de son incurie : le Président connaissait bien les dossiers sur lesquels il travaillait, d'autant plus dans ce domaine puisqu'il était personnellement actionnaire des plus grandes entreprises minière du pays. Dans le civil, il avait été (était toujours en fait) PDG de la filiale locale de la United Oil, l'économie objectale faisait donc parti de son secteur d'activité. Mais il avait d'autres raisons de laisser son premier ministre, un érudit jugé simplet ayant fait ses études en Eurysie, faire un résumé de la situation. Parmi ces raisons se trouvaient le nombre non négligeable de mauvaises nouvelles, ainsi que les intérêts personnels du Président. Il dit donc :

« Le projet est de bon sens. Le Gondo est d'accord sur le principe, mais tout dépendra du règlement des détails »

Puis fit un signe à Oscar Dwâ, qui se lança avec un air docte d'universitaire (ce que le Président trouvait, peut-être à tort, ridicule) :

« Monsieur le Maréchal, vous avez souligné plusieurs interrogations. Toutes émanent de votre question finale : quel lieu pour un tel projet ? En vérité, la réponse est loin d'être simple. Pour commencer, la main d'œuvre ne manque pas ici. Malgré des efforts encourageants, la politique efficace du Parti National Démocrate et, bien sûr, les bienfaits des investissements clovaniens, le chômage reste très élevé. Alors, main d'œuvre oui, mais qui fixe déjà une contrainte, car la main d'œuvre n'est pas partout. Avec plus de deux millions et demi d'habitants, l'agglomération loublancienne concentre le tiers de la population nationale, et même plus si l'on ne prend en compte que la population sous notre contrôle. C'est véritablement à Sainte-Loublance que l'on trouve de la demande d'emploi. La logique démographique - et également la logique militaire - nous encouragent donc à privilégier le pays kwandaoui. Petit parenthèse : je dis logique militaire car les autres régions sont de plus en plus sous le feu de l'ennemi. Fin de la parenthèse. Deuxième aspect à prendre en compte : la localisation des gisements connus. Il y a plusieurs points à soulever. Vous soulignez que notre pays regorge d'acier et de bronze : c'est pour partie vrai. Je me dois de remarquer que bronze et acier sont des alliages, mais le Gondo regorge en effet de gisements de cuivre et d'étain nécessaires à la fabrication du premier. Pour ce qui est du second, le Gondo ne dispose que de maigres réserves de fer et de charbon, qui sont actuellement aux mains des communistes, dans les montagnes du Nord. Nous importons donc ses produits, et si la Clovanie peut mettre la main au portefeuille pour nous aider à en augmenter le volume, il ne devrait pas y avoir de problème d'acheminement, étant donné que cette piraterie kah-tanaise n'osera pas, je pense, s'en prendre à ses convois de l'ONC. Étonnamment, c'est donc plus le bronze qui risque de poser problème. Puisque la plupart des gisements déjà prospectés sont en cours d'exploitation, exception faite de régions richement dotées mais en proie à la guerre, comme celle de Togubele. Or ces concession minières ne sont pas sous le contrôle de l'État gondolais, mais de compagnies privées. Il faut donc leur acheter les métaux, ce que nous devrions réussir à négocier comme nous le faisons pour nos armes. Mais il y aura une primeur accordée aux exportations. Notre économie repose dessus. »

Du blabla technique et on était revenu au point de départ. Soulever une flopée de problèmes... pour les résoudre aussi sec. Au fond, Flavier-Bolwou n'allait pas se plaindre de la rigueur excessive de son premier ministre : c'est pour son manque de sens politique qu'il l'avait choisi. Il prit rapidement la parole :

« Il va sans dire, messieurs, que tout l'aspect économique de l'industrie qui va naître devra se plier scrupuleusement au respect des intérêts des entreprises concerné par le processus de production. Que ces entreprises soient gondolaises ou étrangères d'ailleurs. »

Il fit signe à Dwâ de reprendre.

« Pour ce qui est de la sécurisation des sites de production, nous devons faire face à un problème : les points riches en matières premières sont aussi les plus exposées au conflit, puisqu'il s'agit pour faire simple d'aller vers l'intérieur des terres, donc de se rapprocher de la ligne de front avec les communistes, au Nord, ou avec les Likras, à l'Est. Comme ces régions manquent de main d'oeuvre et d'infrastructures, le mieux est à mon avis de ne pas s'aventurer trop loin de l'agglomération loublancienne. »
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Le Grand Maréchal écouta attentivement l'exposé du Ministre gondolais, rapportant de temps à autre quelques mots sur le papier qu'il tenait devant lui.

"Si je comprends bien, il semble donc que les environs de Sainte-Loublance constituent un endroit privilégié. Cette région est la plus stable politiquement, minimisant les risques d'agression, la plus féconde en main d'œuvre et dispose des ressources dont nous avons besoin. C'est tout à fait ce que nous avions en tête."

La mine rondouillette du premier militaire de Clovanie se fendit d'un sourire satisfait. Il se tourna vers Monsieur Razoumikhine, lui faisant signe d'intervenir. Le Ministre Impérial des Affaires Étrangères, situé juste à côté de son souverain, porta un regard perçant sur les représentants gondolais examinant dans tout le sang froid qui le caractérisait par quelle phrase il fallait commencer.

"Il semble que mon rôle de diplomate commence ici, entama-t-il en souriant. Nous sommes convaincus qu'une entreprise telle que celle que nous vous proposons doit se fixer par un traité. Nous avons pleine et immense confiance en vous, vous le savez pertinemment, aussi ce traité n'a pas pour rôle de garantir votre engagement dans ce projet. Il vise seulement à établir des bases claires à la mise en place de nos ambitions, de manière à ce que nous nous dirigions sur de bons rails. Une ligne directrice, voilà ce qu'il nous faut, voilà ce que nous nous sommes toujours fixés !

Ce traité se diviserait à mes yeux en cinq parties. La première présenterait notre infrastructure militaire spéciale et sa composition, énonçant les différents établissements, usines, mines et bâtiments de logement qui la composeraient. La seconde partie poserait les objectifs auxquels notre infrastructure sera dévouée, à savoir la poursuite de l'Opération Chrysope et l'entretien de notre alliance, la troisième partie porterait sur la main d'œuvre, nos engagements en terme de recrutement et les règles de sécurité auxquelles les employés de l'infrastructure seraient soumis. Enfin, les quatrième et cinquième parties auraient respectivement pour sujet la localisation géographique de l'infrastructure et les modalités sécuritaires et de souveraineté de cette dernière.

Quel est votre avis sur cette proposition ?
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Flavier-Blowou répondit.

« Je pense qu'une telle articulation conviendrait tout à fait. Reste à voir ce que ce traité contient. Vous en avez un version, un premier jet ?

Je pense aussi qu'il faudrait y inclure une partie sur les garanties apportés aux industriels privés et à l'industrie gondolaise en général. Mais ça dépendra de cette première version ».
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"Voici ce que nous pourrions vous proposer en guise de première version."

Nouveau traité clovano-gondolais sur l'Opération Chrysope

Préambule :

Soucieux de perpétuer les exploits de son prédécesseur en terre gondolaise et d'y apporter vigueur, espoir et courage, Sa Seigneurie Impériale Louis Ier, Empereur de Clovanie, a proposé en ce samedi 27 novembre 2014 le traité suivant à son grand et historique allié Monsieur Désiré Flavier-Bolwou, Président de la République Démocratique Libre du Gondo. Les deux hommes d'État, partageant et incarnant le même idéal d'un gouvernement souverain dans un État souverain, désirent ardemment employer l'épée tombée des mains de Pétroléon V pour terminer en son honneur la croisade que la volonté divine a décidé de ne pas le laisser achever.

Partie première sur la construction d'une infrastructure spéciale en territoire gondolais :

La République Impériale Pétroléonienne s'engage de son gré à poursuivre l'Opération Chrysope par la construction d'un complexe spécial d'usines militaires au Gondo. Ce complexe sera constitué d'au moins une usine d'armes, laquelle sera reliée à une mine fournissant une partie des matériaux adéquats à la construction d'armes. Une piste d'atterrissage et de décollage sera présente sur le site si des échanges devaient avoir lieu par les airs. Une suite de logements destinés aux personnes travaillant dans l'ensemble de l'infrastructure spéciale sera également présente à l'intérieur de l'enceinte. On comptera également la présence d'un poste de commandement visant à superviser l'ensemble et disposant d'un espace adapté à l'entraînement et la revue de plusieurs centaines de soldats. Cette infrastructure spéciale recevra le nom de base Sarcopte.

Partie seconde sur les objectifs de la base Sarcopte :

La base Sarcopte sera entièrement dévouée à la poursuite vigoureuse de la lutte contre les séparatistes présents sur le territoire gondolais, ethniques ou communistes, ou contre quiconque voudrait attenter à la souveraineté de la République. Les armes produites par la base Sarcopte seront ainsi employées dans cette même lutte. Dans le cadre de l'amitié indéfectible qui lie Clovaniens et Gondolais, la base Sarcopte a secondement pour buts de promouvoir les échanges scientifiques entre les deux Nations sœur et d'apporter un nouveau débouché économique à une partie de la population gondolaise.

Partie troisième sur les personnes employées au sein de la base Sarcopte :

Les ingénieurs et ouvriers spécialisés de l'usine d'armes seront des fonctionnaires clovaniens. Chaque personne travaillant dans le cadre de la base Sarcopte devra soumettre son identité à l'Armée Impériale et sera logée à l'intérieur de la base. Toute personne travaillant dans la base Sarcopte est tenue au secret d'État et devra demander une autorisation du poste de commandement pour sortir de l'enceinte de la base. L'Armée Impériale s'engage à employer dans la base Sarcopte au minimum 40% de travailleurs gondolais. Les entreprises chargées de l'extraction des métaux dans les mines de la base Sarcopte recevront des garanties de prix pour leurs métaux et l'Armée Impériale s'engage à verser 50% du salaire de leurs employés, sur base du salaire actuellement en vigueur.

Partie quatrième sur la localisation de la base Sarcopte :

La base Sarcopte sera localisée dans les environs de Sainte-Loublance.

Partie cinquième sur la sécurité de la base Sarcopte :

L'Armée Impériale conserve entière souveraineté, droit et ressort sur la base Sarcopte, son activité, ses employés et les modalités de sa production. Toute entrée de biens ou de personnes dans l'enceinte de la base est soumise à la validation du poste de commandement, dirigé par l'Armée Impériale. Des dispositifs terrestres et anti-aériens dans la base Sarcopte et autour de celle-ci seront mise en place, dans le cadre de la collaboration militaire clovano-gondolaise, afin de veiller à la sécurité, d'abord du chantier, puis de la base en elle-même. Une enceinte close et sécurisée fermera la base Sarcopte de manière à ce que biens et personnes ne puissent entrer et sortir de la base que par des points d'accès définis.

"En ce qui concerne la quatrième partie, nous vous invitons donc à définir plus précisément le lieu de la base. Avez-vous des objections au sujet de cette version ?"
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Le Président lut attentivement le papier, dont des copies avaient aussi été distribuées à ses collaborateurs. Le premier ministre Dwâ, lunettes au bout du nez, faisait la moue de celui qui se concentre - ou fait mine de s'intéresser à ce qu'il lit. Le Président, lui, gardait un visage neutre. Ayant fini, il se tourna vers le Grand Maréchal. Il énuméra les points à éclaircir en reportant ses yeux à chaque fois sur le texte.

« Cela me semble tout à fait correct... Je vais me permettre de faire un petit retour. Point n°3, d'abord. Les garanties apportées au secteur industriel gondolais sont tout à fait satisfaisante, même si je me permets de vous faire remarquer que vous aurez sûrement besoin d'employer plus de 40% de main d'œuvre gondolaise ; c'est dans votre intérêt, en tous cas. Je note toutefois le début du paragraphe, relatif aux questions de sécurité : il ne s'agit pas de faire de tous les ouvriers de l'usine des fonctionnaires clovaniens, si ? Le cas échéant, il me semble inimaginable que des citoyens du Gondo prêtent allégeance à Sa Seigneurie Impériale. De la même manière, l'obligation de loger sur place, et plus encore, l'interdiction de sortir de la base, me semblent excessives. Que des logements soient mis à disposition des travailleurs, je le comprends - et il seront nombreux à choisir de leur plein gré de les investir - mais il n'est pas question de faire de Sarcopte une ville autonome où l'Armée républicaine n'aurait plus prise.

Passons maintenant au point n°2, celui relatif à la sécurité. Les conditions demandées sont honnête, c'est bien ce qu'on attend d'une base militaire en sol étranger. Mais j'aimerais, comme celle-ci est aussi une usine, que des inspecteurs de la RDLG puissent y pénétrer sans avoir à se procurer une autorisation préalable.

Enfin,
- il se tourna vers l'empereur - je voudrais ajouter une dernière petite chose au sujet de la forme, au point n°1 : est-il vraiment besoin de parler de "croisade" ? Le Gondo est un pays compliqué, surtout chez ses élites, et je ne veux pas créer d'inquiétudes. »
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