19/03/2016
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Cahiers d'études blêmiennes : revue de sciences humaines

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Revue
4 numéros par an


Présentation :

Créés en 1960, les Cahiers d’études blêmiennes publient des articles théoriques et de terrains. Tout en étant interdisciplinaire, la revue privilégie une approche anthropologique et historique, et traite de la Pal, de la Transblêmie et du pourtour nord de la mer Blême dans toutes leurs extensions.
Langage, visage, contes et légendes : la Blême et le culte du secret
Par Melania Iordache
Publié le 02/12/2014

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Ce sont des syntagmes que l’on entend parfois lorsqu’on parle des Blêmes : langue secrète blême, montagnes secrètes de Transblêmie, sociétés secrètes, culte du secret… L’adjectif secret revient régulièrement pour qualifier certaines éléments de la culture blême.

En blêmien le mot secret ou secretă désigne à la fois ce qui est dissimulé mais aussi ce qui va sans dire. Il est permet de faire référence à des éléments de culture partagée qui n’ont pas besoin d’être explicités. Ce concept a une grande importance dans l’évolution des mentalités en Pal puis en Transblêmie puisqu’il joue à la fois un rôle exclusif, de mise à distance par la parole de celles et ceux qui ne sont précisément pas în secretul (dans le secret) et en même temps refuse tout procédé d’auto-examen, de rationalisation et d’explicitation de ses pratiques qui sont, par définitions, secrètes et n’ont pas besoin d’être expliquée.

Cette caractéristique joue un rôle central dans la trajectoire contemporaine des Blêmes qui, d’une manière un peu différente des polk (bien que des influences mutuelles existent) ont refusé tout travail d’objectivation et de réification de leur propre culture au moment de la Renaissance eurysienne puis plus tard de l’entrée dans la modernité. Pour le dire plus simplement, le XVème siècle eurysien et les siècles suivant ont vu une montée en importance de la science, jusqu’à éclipser progressivement l’influence du religieux sur les sociétés. Tout pouvait et donc devait être expliqué par la méthode et l’étude scientifique, il fallait nommer les choses, les catégoriser et comprendre leurs lois.

Parce que la culture blêmienne est « secrète » elle s’est toujours refusé à se comprendre elle-même et à s’expliquer aux regards étrangers. Encore aujourd’hui il est assez compliqué d’étudier le peuple blêmien pour la simple raison que celui-ci ne se montre pas très coopératif, et qu’un certain nombre des mécanismes de vie en société (rituels, pratiques religieuses, calendrier partagé, référence mythologiques, etc.) ne sont tout simplement pas directement accessibles à l’observation, voire sont délibérément dissimulées. Beaucoup de clefs d’explications nous échappent encore pour comprendre le peuple Blême et, a fortiori, Transblêmien, dont l’accès au pays est absolument interdit aux étrangers. Les anthropologues en sont tenus à se contenter d’hypothèses et d’observations de terrain fragmentaires qui peinent à s’articuler correctement en lois.

Le besoin de se dissimuler a probablement commencé à apparaitre très tôt, avec les premières invasions de la Pal et la domination de la région par des pouvoirs étrangers. On a de bonnes raisons de penser que la période dite « de la Blême tatare » aura été le moment où ces stratégies de dissimulation auront commencé à apparaitre, mais qu’elles auront pris une forme quasi institutionnelle à partir de la conquête de la Pal par les Polk. Le culte du secret est quoi qu’il en soit forcément antérieur au XIVème siècle puisqu’il est extrêmement central dans la doctrine politique transblêmienne dont la création date de cette époque.

Le peuple Blême aura donc développé une forme de résistance culturelle en entretenant un particularisme littéralement incompréhensible pour un regard extérieur. De cette façon, il échappait aux politiques d’acculturation : on ne peut pas combattre ce qu’on ne comprend et ne voit pas.

La langue blême fonctionne de manière tout à fait originale sur un modèle « indiciaire ». Sans entrer dans une approche trop théorique de la linguistique, la plupart des langues fonctionnent comme des systèmes de signe-linguistiques, le signifiant (le mot) articulé au signifié (le sens du mot). La langue blême, bien qu’également articulée de cette façon, présente un taux beaucoup plus élevé de signes-indices (ou du moins qui se prétendent comme tels) c’est-à-dire dont le sens n’est pas relié à la forme, mais dont le sens est induit par la forme. Décrivons cela plus en détails : une fumée aperçue au loin est un indice de feu. Vous ne voyez pas les flammes mais vous voyez leurs conséquences, la fumée, et vous pouvez donc en déduire le feu. La langue blême fonctionne ainsi.

Prenons un exemple pratique :

En français, le mot de quatre lettres et deux sons « joie » désigne la *joie* (l’idée/phénomène de la joie).
En blême, on dira « bucurie ». Mais le mot « bucurie » (sept lettres, six sons) ne désigne pas la *joie*. Il désigne -l’absence de trouble-. Le mot « bucurie » fait donc référence au concept d’*ataraxie*, d’un *esprit satisfait et sans craintes*. Or il existe un autre mot pour l’ataraxie : ataraxia (tiré du rêmien). Pourquoi donc deux mots, « ataraxia » et « bucurie » pour désigner le même concept ? Parce qu’en langue blême, bucurie fonctionne de manière indiciaire pour parler de la -joie-. On parle d’*ataraxie* comme de l’indice de la -joie-.

Cette façon de construire la langue a deux conséquences immédiates :

La première est qu’il n’est pas possible de comprendre le blême sans avoir accès au substrat culturel blêmien qui relie les signes-indices à leur signification véritable. La langue fonctionne de manière complètement codée, les signifiant ne signifient pas leurs signifiés.
La seconde est que la langue blême est extrêmement polyvalente et imprécise. Puisque le langage fonctionne de manière indicielle, une conversation en blême est une conversation où les deux locuteurs ne font que deviner ce qui se cachent derrière les mots de l’autre. Cela mène parfois à des quiproquos (en général palliés par le contexte des phrases qui permet malgré tout d’en comprendre leur sens) mais surtout cela exige, pour parler blême lorsqu’on est un étranger, un travail énorme d’intégration au sein des communautés pour espérer comprendre où chacun veut en venir. Il faut une connaissance assez poussée de la culture, des mythes, des références blêmiennes pour décoder leur langage.

Le blême est par ailleurs une langue très poétique, toujours dans l’évocation indirecte des concepts auxquels elle fait référence. Des analogies ont parfois été faites avec la langue des signes, qui reconstruit les noms propres en juxtaposant plusieurs mots pour évoquer des caractéristiques d’une personne, ou avec les système idéographiques qui combinent des mots-idées (idéogrammes) ensemble pour construire un concept qui en serait à la somme et aussi davantage.

Mais cette imprécision nécessaire au travail poétique rend complexe l’accès au langage scientifique, dans sa conception contemporaine. Les Blêmes ont ainsi souvent recoure à des mots étrangers, tirés du grec ou du latin, lorsqu’ils doivent faire référence à un concept stabilisé. La langue blême est donc essentiellement une langue vernaculaire, dont la fonction est d’être utilisée pour les activités quotidiennes ou pour faire référence à un substrat culturel social. Il s’agit d’une des raisons avancées par les Polk pour contraindre les Blêmes à abandonner leur langue, jugée à la fois peu pratique mais également dangereuse, parce que fondamentalement incompréhensible.

Prenons un nouvel exemple :

En blême, la phrase « Îmi place să privesc apusul soarelui peste stepă. » pourrait se traduire par « J’aime regarder le soleil se coucher sur la steppe. » Il s’agit d’une phrase souvent utilisée par les Blêmes, dans certains contextes de socialisation où chacun demande à l’autre comment il aime occuper son temps.
Un locuteur non-blêmien prendrait les mots au pied de la lettre, sans comprendre qu’il s’agit en vérité d’indices évoquant autre chose. Comme cet « autre chose » n’est pas vraiment stabilisée, il est difficile d’en donner une traduction claire mais on peut interpréter la phrase ainsi :
« J’aime » indice de : -Je suis un locuteur sensible-
« regarder le soleil » indice de : -les phénomènes/choses naturelles/irrémédiables/éternelles-
« se coucher » indice de : -ces phénomènes vont vers les ténèbres, arrivent dans un contexte difficile-
« sur la steppe » indice de : -en Pal ponantaise-
Donc la phrase « J’aime regarder le soleil se coucher sur la steppe » peut donc être interprété comme l’indice d’une personne s’inquiétant pour l’identité culturelle, la continuité historique de son pays. Une phrase d’apparence innocente et positive cache en véritable une inquiétude identitaire.

On conviendra que ce type d’interprétation exige du locuteur non seulement de savoir que la phrase initiale était codée, mais également de comprendre le système indiciaire qui permet d’en reconstruire le sens caché.


Le concept de secret, emblématique pour la langue blême, renvoie donc à cette dimension indicielle et poétique du langage. Les choses ne sont pas seulement ce qu’elles désignent, elles cachent toujours davantage. Ce davantage n’est toutefois pas vraiment stabilisé, ce qui fait à la fois sa force (tout le monde peut réinvestir les signifiants avec sa subjectivité, ce qui rend les concepts toujours très dynamiques et poétique) mais aussi sa faiblesse (les choses sont toujours fluctuantes et indécises). Cette fluidité du sens peut parfois donner l’impression de ne pas savoir dans quel monde nous évoluons et produit un rapport assez onirique au réel. Le concept du rêve est très présent dans le folklore et l’imaginaire blême, ainsi que celui de déréalisation, des phénomènes, parfois pouvant aller jusqu’à la maladie mentale, ou l’individu se sent extérieur à son propre corps et extérieur au monde qui l’entoure. Certaines figures mystiques de l’histoire blêmienne étaient ainsi des gens persuadés d’être des fantômes, de ne plus avoir prise sur le monde physique. La notion d’intangibilité, d’immortalité et d’éternité est au cœur de la mystique blême où rien n’est ce qu’il parait être et tout n’est au fond qu’illusion.

Les arts blêmes sont souvent emprunts de cette subjectivité mélancolique, le thème de l’être humain étranger à lui-même, condamné à n’être que spectateur de son existence, est récurrent. Une approche matérialiste explique ces tendances culturelles et idéologiques en raison du fait que les Blêmes sont un peuple dominé politiquement depuis plusieurs millénaires, n’ayant jamais eu de véritable autonomie politique et donc, de fait, étrangers au monde car sans possibilité d’agir sur lui.
La Transblêmie serait la conséquence de l’impossibilité des Blêmes, en tant que peuple, à se résigner à l’impuissance, créant un roman national mythologique où ils seraient à l’origine de la fin des temps. Le croyance en la pensée magique et la parole performative s’inscrit par ailleurs dans cette idéologie : puisque c’est l’activité poétique qui permet de retracer le sens véritable des mots pour désigner les concepts, alors l’individu est créateur de sens et donc créateur du monde. L’idée selon laquelle les Blêmes pourraient métamorphoser le réel par leur simple parole explique en partie les stratégies atypiques d’influence de la Transblêmie, et certains phénomènes encore mystérieux d’individus rendus fous, déréalisant, après avoir été mis en contact avec la culture blême.
Cités troglodytes, souterrains et catacombes : il y a la Pal… et la Pal sous la Pal ! (1/2)
Par Imanuela Niculaie
Publié le 20/01/2016

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Dans son récit de voyage, devenu classique de la littérature mondiale, le célèbre aventurier azuréen XXXX décrit la Pal en ces termes : « C’est un pays de taupes, certains n'ont vu de leurs yeux gris que les ténèbres et refusent de montrer leurs visages au soleil de peur qu'Allah ne les aperçoive. Ils vivent dans la terreur du jugement, les Pal ont si tout entier creusé leur petite nation qu’elle est deux fois plus grande en dessous qu’au-dessus. »

La fin de cette citation, longtemps considérée comme exagérée, pourrait bien ne pas tant l’être que cela au regard des récentes découvertes faites dans les mines de Draculvoda et désormais partout sur le territoire ponantais. Mais si la découverte d’un vaste nouveau réseau de grottes sous la Pal est certainement de nature à enthousiasmer les spéléologues du monde entier, il doit attirer l’attention des sciences humaines sur l’étrange fascination des Blêmes pour les habitats souterrains, dont on retrouve des traces dès l’Antiquité. De simples caves et selliers creusés sous les logis, sorties discrètes creusées par derrières pour échapper au regard des voisins, ces trous innocents se déclinent aussi bien de manière spectaculaire en de gigantesques catacombes de plusieurs étages de profondeur. Ce n’est pas mentir que de dire que chaque maison blême possède son pendant enterré, et il est notable que deux de ses plus grandes agglomérations ont, chacune à leur façon, une seconde cité creusée en dessous de manière quasi symétrique à celle de la surface. Draculvoda et sa vieille ville troglodyte, construite dans les mines ; Gurapest et son réseau de catacombes et de halles enterrées, dont on peine à ce jour à saisir l’étendue. L’exception étant Port Ponant et tout le pourtour du golf, dont le sol est impropre à de telles architectures en raison du risque d’infiltration d’eau de mer. Ceci étant, loin des côtes il n'est pas un village de pierre de la steppe qui ne compte de marché enterré ou un réseau de galeries qui sont autant de passages secrets connus des seuls habitants.

Ce constat, unique au monde dans son systématisme, nous fait aujourd’hui nous interroger sur les raisons qui ont poussé les Blêmes à adopter de telles pratiques architecturales et ceci avec tant de constance à travers leur histoire. Nous tâcherons de répondre à cette question dans un article en deux parties, la première étant consacrée aux conditions géographiques et topologiques ayant permis l'apparition d'un tel trait culturel ; la seconde revenant sur le rôle social et symbolique des structures souterraines dans la culture blême pendant le Moyen Âge et la Renaissance.

Commençons en évacuant l’aspect strictement géologique de la chose : la Pal est creusée car son sol le permet. Largement argileux et composé en surface de couches pierre tendre, des outils rudimentaires suffisent à y pénétrer. La roche calcaire est naturellement poreuse ce qui, par le lent mouvement d’érosion de l’eau, creuse avec le temps des sillons qui forment, dans l’habitat traditionnel blême, la base des galeries élargies ensuite par les hommes. Le fait que la steppe soit majoritairement plate et possède peu de rivières et de fleuve favorise l’infiltration de l’eau dans le sol, cette-dernière n’ayant nulle part ailleurs ou se déverser. Ainsi, des millénaires de pluies et d’infiltration ont lentement participé à trouer la Pal et occasionné la formation de grottes naturelles et lacs souterrains. On leur doit également l’apparition de certaines sources d’eau qui forment ici et là de petits lacs dans la steppe et servent depuis longtemps à abreuver les bêtes et de points de rencontre pour les caravanes. Bien que cela soit purement spéculatif, ce réseau de grottes aura probablement servi à abriter les proto-blêmes pendant la préhistoire, favorisant dès l’origine un mode d’habitat troglodyte dans la région de la Pal. L’immensité steppique de cette dernière offre d’ailleurs peu de lieux où se réfugier, échapper à des ennemis, à des prédateurs ou tendre des embuscades à d'éventuelles proies. Il est donc plus que probable que les grottes aient été l’un des seuls endroits où se dissimuler et s’abriter. Ces hypothèses sont corroborées par la découverte de plusieurs cavernes présentant des peintures rupestres et restes humains pétrifiés, indices qu’elles servirent à une époque de lieu de vie pour les premiers hommes à s’installer dans la région.

Parenthèse géologique refermée, le fait que les grottes puissent servir d’abris dans une steppe où il est difficile d’échapper à ses ennemis est un des premiers facteurs d’explication de la systématisation des espaces de vie troglodytes chez les Blêmes. En effet, la steppe a très tôt été dominée par des peuples nomades, dits "cavaliers", classification basée sur le mode de vie et à laquelle appartiennent partiellement les Blêmes. Ces peuples ont pu prospérer dans le pourtour steppique de la mer Blême et particulièrement dans la Pal en raison des troupeaux de chevaux sauvages aisément domesticables qui y vivent. Cette précoce utilisation du cheval dans la vie quotidienne a conduit à l'élaboration de stratégies militaires particulières, notamment favorisées par le terrain plat. Blêmes, tatares, mongoles, Brann, autant de populations ayant depuis des millénaires fait du cheval leur principale arme pour se défendre. L’utilisation du cheval à des fins militaires, mais aussi pour le travail (activités pastorales, notamment, les bergers montés surveillent les troupeaux) est historiquement attestée depuis l’Antiquité sur le pourtour de Blême. Les peuples y sont alors largement nomades et les chevaux permettent de tirer les traineaux et attelages ainsi que porter les hommes pendant les longs déplacements quotidiens. A l’inverse, pour les peuples sédentaires, la steppe et ses cavaliers représente une menace : à pied, impossible d’échapper à un assaillant et c’est tout un village qui peut être massacré ou réduit en esclavage si une horde fonde sur lui. L’absence de véritable relief et donc de lieu où se cacher ou se retrancher aura ainsi poussé les peuples non-nomades de la Pal à adopter des stratégies de défense face à des assaillants montés, dont le fait de creuser sous le sol est l’un des plus brillants exemples.

L’habitat troglodyte présente en effet à ce titre plusieurs avantages. D’une part il assure la discrétion à des populations installées sur un territoire de manière permanente. La Pal est un vaste océan de hautes herbes et dès lors qu’un village est enterré dans une cuvette à un mètre sous le sol, un homme adulte qui s'y tient debout disparait complètement au regard. Ainsi, les raids des peuples cavaliers doivent espérer tomber presque par hasard sur leurs cibles pour pouvoir déceler leur présence dans la steppe. Pour peu que les villages soit construits plus profonds, les ruelles peuvent être couvertes de tapis d’herbes tressées qui les protègent du soleil mais surtout les font quasiment disparaitre à moins d’avoir le nez dessus. Second avantage, les hautes herbes facilitent beaucoup la construction de pièges et notamment de tranchées et de fosses à pieux qui, dissimulées là encore sous des tapis d’herbes, sont le contre mortel face à une charge de cavalerie. Les nomades razzieurs craignaient particulièrement de foncer sur les villages blêmes en raison de la présence de ces trous dissimulés qui brisaient les pattes de chevaux et tuaient généralement leurs cavaliers dans la chute. On a retrouvé plusieurs traités militaires tatares enjoignant à se méfier ou à s’inspirer de ces stratégies de guérilla blême. La tranchée, enfin, dissimule des soldats qui peuvent circuler dedans et prendre l’ennemi à revers, brisant ses lignes. Elle peut surtout cacher une troupe d’archers qui tireront des volées de flèches mortelles avant de disparaitre pour réapparaitre plus loin, tirer et s’enfuir de nouveau. Ce genre de méthodes de combat, attestées à plusieurs époques pendant l’Antiquité et le Haut Moyen Âge, permettaient à des villages blêmes, même en sous nombres et peu entrainés, de prendre l’avantage sur un ennemi trop impétueux et rendus confus par sa non maîtrise du terrain.

Outre son utilité défensive (sur laquelle on reviendra dans la seconde partie de cet article), le mode de vie enterré ou partiellement enterré a pu permettre aux Blêmes d’échapper à l’écrasant soleil de la steppe. En l’absence d’arbres en dehors de ses quelques bosquets ici et là, l’ombre est rare dans ce qui peut être comparé à un désert de hautes herbes. S’installer sous la surface du sol permet ainsi de récupérer de l’ombre et de garder les murs des habitations au frais pendant les périodes les plus chaudes de l’année. Ce besoin de fraicheur va avec la difficulté à se procurer régulièrement de l’eau douce dans la Pal. Loin du grand fleuve Pietr, les Blêmes ne peuvent compter que sur les quelques sources d’eau qui jaillissent ici et là et sont souvent convoitées. S’enfouir sous le sol permet d’une part de stocker des réserves d’eau sans que celles-ci ne s’évaporent trop vite mais surtout de profiter des effets de condensation pour récupérer en partie la rosée du matin. Les maisons qui chauffent la journée se rafraichissent la nuit, menant à la formation de pellicules d’humidité en intérieur qu’il est possible de collecter. Loin d’être négligeable, ce système de récupération a pu permettre à des villages entiers de survivre lorsque l’accès aux lacs de la steppe leur était interdit par la présence d’autres humains hostiles.

Ces fonctions, défensive et de préservation de la fraicheur matinale, sont sans aucun doute à l’origine du substrat culturel blêmien poussant à s’enterrer. Toutefois, elles ne suffisent pas à expliquer la persistance dans l’histoire de cette tradition et surtout le fait que les constructions souterraines soient devenues de plus en plus élaborées avec le temps. Nous tâcherons de développer davantage cette question dans une seconde partie à paraitre dans le numéro de mars 2016.
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