Les réunions se suivent et se ressemblent pour la toute nouvellement élue Antonella Spinoza. Cela faisait quelques semaines depuis son arrivée au secrétariat de l'UICS pour le Parti eurycommuniste velsnien. Elle a combien ? 25, 26 ans ? Aucun diplôme notable en poche, aucun antécédent de haute responsabilité à la ceinture autre que celui de simple secrétaire d'une conserverie d'un grand groupe agro-alimentaire velsnien. Tout ce qui l'a distinguait, c'était 10 ans de carte au PEV, ce qui en faisait une militante de la première heure. C'était finalement le profil idéal que la direction du PEV attendait de ceux à qui ils confiaient des responsabilités: c'est à dire une militante intégralement formée par le PEV, de A à Z, qui n'est pas passée par le circuit universitaire classique de la Grande République (elle n'en avait tout simplement pas les moyens). Si on donnait le choix à la direction du PEV entre faire monter un intellectuel renommé qui aurait prit sa carte au parti au cours de sa riche carrière, et une enfant de rien qui avait absorbé sans contradiction aucune la formation du parti, celle-ci n'hésitait pas à choisir la seconde, malgré tout le bagage du premier. Au PEV, les ouvriers et les "enfants de la maison" ont préséance dans les instances dirigeantes par rapport aux intellectuels, qui sont perçus comme des forces d'appoint permettant de mettre à jour le logiciel de la direction.
C'est ce profil qui aujourd'hui se confrontait aux candidats tout juste arrivés d'Eurysie de l'est, en provenance d'une République obscure même pour les membres de l'Internationale qu'était le Rosevosky. En l'état, on savait encore peu de choses du modèle politique mis en avant par ce régime, d'autant que le dépôt de dossier était relativement avare d'informations. Tout juste savait-on que le pays mettait en exergue une forme d'agrarisme sous la houlette du "PSCAR". Aujourd'hui serait le bon moment afin de clarifier cette situation encore floue. Cela tombe bien, car Antonnella entend ses bruits dans le couloir, peut-être sont-ce les invités...
Elle ouvre la porte de la salle de conférence, et tombe en effet sur les représentants de Rosevosky, faisant la plante verte devant l'entrée. Tout de suite, elle formalise les présentations comme on lui a indiqué plus tôt de la part des pontes du PEV:
- Camarades. Bienvenue. C'est un plaisir de vous recevoir. Je vous en prie, prenez place. Cette conférence ne devrait pas durer trop longtemps, nous avons juste quelques questions à vous poser et qui sont préalables à une adhésion de votre part.
Elle avait le ton mécanique, formel et peu agréable d'une personne qui s'essayait à cet exercice pour la première fois.
- Camarades. Sachez que vous êtes ici chez des amis, et qu'il ne s'agit en aucun cas d’émettre des critiques à l'égard de votre gouvernement, juste nous renseigner sur la pertinence de votre candidature. Aussi, ne voyez pas ici comme un interrogatoire mais comme une conservation ordinaire d'un camarade à une autre. Pouvons nous commencer ?
En premier lieu, j'aimerais vous dire que votre dossier de candidature est pour le moins léger et assez peu précis. Nous n'avons en l'état que très peu d'informations sur les tenants et les aboutissants de votre régime. Ce faisant, nous aimerions en savoir plus sur les sujets suivants: y-a t-il une constitution en Rosevosky. Si oui, suit-elle des principes qui pourraient l'affilier à une famille du socialisme, et laquelle ? Comment s'organise votre gouvernement ? Quelle approche adoptez vous par rapport au concept historique de la lutte des classes ? Quel est votre système économique, comment fonctionne t-il ? Bref, je vous en serais gré si vous pouviez me faire une synthèse de toutes mes questions en guise de réponse.
Prenez le temps que vous voulez pour élaborer une réponse, nous avons tout notre temps.