07/07/2016
22:52:06
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Vida dins las Vals Fortunadas

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Vies dans les Vallées Fortunées


Paysages typiques des Vallées Fortunées
Paysages typiques des Vallées Fortunées

Depuis plus de 2 000 ans, la vie s'écoule selon la loi des Césars à l'abris des Vallées Fortunées. Parfois joyeuse, parfois triste, quelques fois épique, mais toujours authentique. Depuis deux millénaires, les hommes et femmes qui habitent cette terre s'efforcent de la rendre un peu meilleur. Du moins, la plupart d'entre eux.
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Le don du percepteur

Cave d'affinage de reblochon

Vallée de Couard-de-Vincent :

Le père Mermillod rentrait ses bêtes à l'étables. Il avait fait exceptionnellement doux en cette fin d’automne dans les hautes vallées du Valhumbert, mais le froid commençait maintenant à réellement s'installer, sec et dur comme la pierre. Les vaches quittaient probablement leur dernier séjour en plein champ de l'année, après être déjà descendu plus tard qu'à l'accoutumé de l'alpage. Elles devraient probablement attendre avril ou mai de l'an prochain pour retourner paitre dans ces pâtures altières à l'ombre des pics et des pygargues. Alors que l'ensemble des bêtes étaient maintenant dans l'important bâtiment qui allait leur servir de maison pour les cinq ou six prochains mois, le père Mermillod et ses métayers se mirent à la traite. Si dans le temps de son enfance cela se faisait à la main avec un sceau, depuis des années déjà suite à des subventions gouvernementales, il avait pu acquérir des trayeuses en inox qui leur facilitaient à tous drôlement le travail. Il fallait néanmoins se dépêcher, le fermier n'allait pas tarder à passer.

Dans le val de Couard-de-Vincent et les petite vallées adjacentes, et en particulier dans ces régions montagnardes, le fermier conserve son vieux sens originel de celui qui collecte les fermages que les propriétaires terriens récupèrent auprès des éleveurs qui profitent des terres mises à disposition. Et dans le cas présent, le fermier était un véritable rapace. Le bailleur, un nobliau de fin de race qui habitait la ville et n'avait jamais foutu les pieds à la montagne pour autre chose que se la jouer dans uns station de ski tendance avec une parka à 3 000 balles, avait besoin de fonds pour quelque entreprise. Il avait donc vendu au fermier tous ses revenus des affermages de l'année en échange d'une avance comptant de 80% de leur valeur, et le fermier, M. Jacquard, était bien décidé à traire ses éleveurs encore plus sec qu'ils trayaient eux-mêmes leurs vaches et ainsi faire une petite marge supplémentaire.

Ainsi, tous les jours, ce monchu de Jacquard passait à la tombée de la nuit vérifier la quantité de lait traite sur les exploitations qu'il trayait lui-même afin d'en estimer précisément le nombre de litre, et donc de fromages, qu'allait produire la traite de jour. Et ainsi être certain du montant qu'il allait collecter. Il devait probablement déjà être en train de préparer ses contrats avec les restaurateurs et épiceries fines de la ville et même à l'étranger, les fromages de montagne de la préfecture étant diablement réputés, et ceux du Valhumbert encore plus. Alors que le père Mermillod finissaient la traite, voila que comme à son habitude débarquait le fermier, ponctuel comme un coucou.

Le fermier Jacquard : Bonsoir Monsieur Mermillod. Je viens pour le contrôle de la traite s'il vous plait.

Sans attendre d'y être invité ou même un mot à l'attention du métayer, il pénétra dans l'étable et se dirigea vers les trayeuses, vérifia qu'elles avaient bien fonctionnées. Puis, se dirigeant vers la vache la plus proche, il essaya de la traire et n'en tira que quelques goutes. Satisfait, il contrôla ensuite le nombre de bidons et leur contenance. Ils exhumaient tous une bonne odeur de lait chaud et la crème grasse. 180 litres de lait pour une douzaine de vaches tarentaise, c'était une moyenne basse, mais tout à fait convenable compte tenu de la saison. Enfin, saluant l'exploitant d'un bref geste de la tête, il quitta l'établissement et se dirigea vers la ferme suivante.

Le père Mermillod : Cré'vindiou, y va y prendre une fourche dans l'cul l'monchu à s'y prendre pour c'qu'il est pô, avec ses airs de Monsieur de la ville...

Puis, suivant du coin de l'œil le tout-terrain du fermier qui regagnait la route principale, en chemin vers sa prochaine victime, le père Mermillod se retourna vers ses employés tout en se frottant les mains pour les réchauffer.

Le père Mermillod : Bon allez les babets, on s'y met à la reblasse !

Afin de contourner cette exploitation inique de leur labeur, les paysans du coin avaient mis au point une arnaque : la reblasse.

Ce nom provenait du patois arpitan local re-blocher, qui voulait simplement dire pincer de nouveau. Dans ce contexte, ça signifiait surtout procéder à une nouvelle traite. Le fermier Jacquard était quelqu'un de méfiant, mais c'était surtout un homme d'habitude, et il vérifiait que la traite avait été complète toujours avec la vache positionnée peu ou proue au même endroit. Dès lors il était devenu très simple de le berner et de procéder à une seconde traite une fois son départ acté. Cette traite n'était certes pas très abondante, une quinzaine de litre au mieux. Mais ce lait de seconde traite avait un secret : il était extrêmement riche en crème, ce qui en faisait un traite d'une très grande qualité gustative. Et alors qu'avec la traite classique, il allait affiner une tome certes pas mauvaise mais des plus ordinaires, avec ce lait, il allait bichonner le roi des fromages qui allait garnir les plus grandes tables et faire le bonheur des fins gourmets. Un roi des fromages qui portait le nom de l'arnaque : le reblochon.
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Les bienfaits de la campagne

Interieur de l'église clandestine


Vallée de Barailler:

La grange aménagée, certes vaste, n'avait pas grand chose à voir en termes de majesté avec les grandes cathédrales de Fortuna ou de Teyla. Accroché aux murs de bois, les quatorze tableaux qui représentaient le chemin de croix de Jésus de Nazareth faisait office de seule décoration liturgique. Dans le fond de la pièce qui faisait office de chœur se trouvait un maitre autel ouvragé qui se dressait devant un crucifix. Dans le reste de la salle, une poignées de chaises disposées en cinq ou six rangées. Quelques raies de lumières pénétraient au niveau du plafond par des soupiraux taillés sous le toit, tandis que quelques ampoules faiblardes se battaient contre les ténèbres avec la même détermination que le prêtre qui officiait derrière l'autel en ces terres païennes et hostiles, territoire de Lucifer.

Cela faisait des décennies que cette église clandestine, cise dans un chai, était en activité. Et cela faisait des années les forces de Police de la Préfecture échouaient à localiser ce lieu duquel essaimait ensuite des catholiques convaincus et prosélytes auxquels ils donnaient la chasse. Le prêtre, souvent citoyen d'un autre pays Eurysien en mission en terre hostile, n'avait dans ce lieu pas pour unique fonction de participer à sauver l'âme des ouailles qui composaient son troupeau, mais bien à former des agents du Christ à même de rependre sa parole. C'était en tout cas la mission du père Joseph. Il avait devant lui une quinzaine de personnes en prières, les genoux sur les agenouilloirs, immergée dans leur conversation intime avec le Seigneur. Il avait terminé son sermon, son dernier, il y a quelques minutes. Tous allaient se séparer et tandis que lui retournerait dans sa patrie d'origine après avoir passé 3 mois en terre païenne, la quinzaine de personne qu'il avait formé, certes sommairement quand il se souvenait du temps qu'il avait passé lui au séminaire, allait avoir la lourde charge de rependre l'amour du Christ dans un pays qui l'avait en horreur. Il était plutôt content de lui, un seul avait abandonné au cours des 3 mois d'initiation.

Alors qu'il allait célébrer l'eucharistie, la porte de la cave vola en éclat. Le lourd ventail de chêne clouté, sous l'effet de petites charges explosives, avait été dégondé et s'était effondré avec fracas. Alors que la pièce se remplissait de fumée et de poussière et que l'assistance, effrayée, reculait en toussant vers l'autel, une trentaine de policiers en armure et équipé d'armes de point léthales faisaient irruption. Un instant tenté de se battre, deux jeunes hommes en furent dissuadé d'un geste de la main par Joseph. Une fois la situation figée, l'officier à la tête de la cohorte s'avança.

Officier de police : Mesdames, messieurs, vous êtes en état d'arrestation pour intelligence avec une puissance ennemie, participation à un culte organisé faisant l'objet d'une interdiction sur le territoire de la Préfecture, et conspiration en vue d'établir une activité prosélyte.

Puis s'adressant à ses hommes, il aboya :

Officier de police : Allez embarquez moi ça.

L'ensemble de l'assistance fut brutalement menottée avant d'être tiré à l'extérieur du bâtiment et embarqué dans plusieurs camions grillagés. Le père Joseph, qui jusqu'alors avait affiché la calme sérénité du martyr, ne pu masquer son inquiétude lorsqu'il fut emmené à part avec le propriétaire du lieu. On avait beau lui avoir répété que c'était là la plus noble des vocations, il avait au moment de faire face à son destin tout simplement les chocottes. S'adressant à l'officier :

Père Joseph : Je ne suis pas Faustinans, je viens de Théodosine, et je demande à pouvoir contacter les représentants de mon gouvernement pour assurer ma défense. [Silence]. Officier, j'exige de parler à un représentant du gouvernement de l'Empire Rhémien !

Finissant sa discussion, l'officier se retourna avec un sourire carnassier vers l'homme d'église.

Officier de police : Quel Empire Rhémien ? Le seule que je connaisse est ici-même, c'est la préfecture qui en est l'héritière. Théodosine n'est que le pâle vestige, corrompu par la culture décadente de l'Orient et de son christianisme qui l'a mené à la ruine. Il n'est plus Rhémien pour un sou. Et d'ailleurs, ils n'ont pas de représentant chez nous depuis près de cinq siècles. Aucunes relations. Pas une mince affaire de venir ici du coup en étant un de leur ressortissant, les frontières sont fermées. Du coup, je suis un peu curieux de ta présence : tu peux me montrer ton titre de séjour valide ?

Le père Joseph baissa la tête. Il était entré clandestinement en Gémina, et n'avait pas de papiers justifiant sa présence sur le sol de la Res Publica. Il le savait, et l'officier également. Il jouait avec lui.

Officier de police : Alors ? Rien ? C'est bien ce que je pensais. Tu n'as pas d'existence légale ici, donc tu n'existes pas tout simplement. Et je vais faire en sorte que ça reste vrai.
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Vent frais, vent du matin

Hélicoptère HD.C5 "Alouette" du peloton de secours de haute montagne au décollage
Hélicoptère HD.C5 "Alouette" du peloton de secours de haute montagne au décollage

Val Armand :

L'alerte radio venait de tomber. En quelques instants, le capitaine Albiez s'était précipité depuis la salle de garde vers le hangar. Déjà le pilote dans l'hélicoptère qui était posé juste à l'extérieur, un HD.C5 "Alouette" très performant en montagne avec un plafond opérationnel dépassant les 15 000 pieds, l'avait aperçu et lançait la puissante turbine à gaz de l'appareil. Les pales commençaient à tourner au-dessus de la cabine. Le capitaine Albiez s'engouffra à l'intérieur, salua le pilote d'un rapide geste de la main, et fit signe d'un geste de la main d'y aller tout en enfilant son casque. En face de lui se trouvait juste le mécanicien treuilliste, il ferait donc office de second pilote.

Capitaine Albiez : On file plein gaz direction le Mont Gaudémar. Approche face nord par le glacier du gonfaron.

L'appareil s'éleva rapidement dans les airs depuis le petit aérodrome de Tempier et fila sur un cap sud-est, survolant la petite bourgade. Dessous, quelques habitants levèrent la tête au passage du petit hélicoptère rouge, et adressèrent un vœu silencieux. Tous connaissaient le ballet du peloton des secouristes de haute montagne, et que les décollages en urgence ne présagent en général rien de bien fameux. Ces vœux s'adressaient tant aux alpinistes en difficultés qu'aux secouristes eux-mêmes. C'est un métier dangereux qu'ils pratiquaient, et tous ici connaissent le prix exorbitant qu'ils peuvent payer. Quelques années plus tôt, Tempier avait eu à déplorer un crash et 3 morts lors d'un sauvetage par très mauvais temps. Cet accident avait d'ailleurs entraîné l'interdiction de vol par ces conditions météorologiques, au grand mécontentement des secouristes eux-mêmes. Mais ce souci ne se poserait pas aujourd'hui, il faisait un grand beau temps, ce qui n'avait pas été le cas cette nuit. Ce début d'hiver était très rude en montagne, avec des températures qui descendaient allègrement sous les moins 10 degrés Celsius au petit matin, et d'importantes chutes de neige avaient lieu pendant plusieurs heures la nuit dernière. La couverture nuageuse avait finalement été soufflée par un vilain blizzard tôt ce matin. Il était maintenant 9h15, et le soleil brillait. Le temps change vite en montagne, et cela ne manquait pas d'impressionner le capitaine chaque fois. Il fallait cependant aller vite, il risquait de tourner au maussade tout aussi rapidement.

Capitaine Albiez : Bon topo les gars. Je viens d'être informé par le central que la guilde des guides de haute montagne a signalé la perte de communication avec trois de leurs guides qui menaient trois cordées vers l'ascension du sommet principal du mont Gaudémar. La marche d'approche passait par le refuge du lac de Saur deux nuits plus tôt avant de bivouaquer cette nuit au sommet du glacier du gonfaron à 2 500m avant de procéder à l'ascension finale ce matin. Les guides n'ont pas contacté leurs collègues en vallée comme prévu à 6h30. Pensant à un problème dû au blizzard de la nuit, ces guignols n'ont donnés l'alerte qu'au bout de 2 heures sans nouvelles. Le sujet est sensible auprès de la municipalité et du conseil de vallée qui vend son tourisme blanc à qui veut l'entendre, il y a des touristes étrangers dans cette ascension.

Pilote : Des touristes étrangers ?

Capitaine Albiez : Ouaip. Un Velsnien, un Teylais, et deux couples, des Icamiens et des Wanmiriens en lune de miel. Et trois locaux pour guides.

Pilote : Des types rompues à la haute montagne en hiver ?

Capitaine Albiez : Pas que je sache...

Les deux collègues du capitaine accusèrent réception de l'information, et se concentrèrent sur la mission. Le pilote eu un petit rictus qui indiquait que cela ne lui indiquait rien qui vaille. L'hélicoptère fila au sud-est en remontant une vallée. Gagnant régulièrement de l'altitude, il se mit à sauter les lignes de crête comme une sauterelle jouant à un saute-mouton géant. Passant une épaule sur sa droite, l'hélicoptère incurva son cap plus au sud et se présenta à l'entrée de la vallée du gonfaron. Neuf minutes s'étaient déroulées depuis le décollage. La neige était tombée bas cette nuit, dès 1 200m, et elle avait tenu sans problème. Ce serait surement une belle année pour le ski. Et une année chargée pour les secours en montagne. Mieux valait ça que les deux années précédentes où la neige s'était faite rare, au grand désespoir des locaux vivant du tourisme blanc.

Pilote : Quelle idée d'attaquer par la face nord. Ils ont pensé à quoi à la guilde ?

Capitaine Albiez : Lors de leur dernière montée face sud, ils ont observé que le glacier commençait à travailler pas mal avec le redoux qu'on a eu mi-novembre. Ca a bien crevassé et la glace était cassante et gorgée d'eau. On a collectivement suggéré de passer par le nord. Mais pas aussi tard dans l'année, bordel...

Bientôt, ils atteignirent le bas du glacier. Tous commencèrent alors à scruter la neige, les yeux planqués derrière d'épaisses lunettes de glacier. Tout était blanc, et le soleil qui brillait rendait le glacier extrêmement lumineux après la pénombre de la vallée. Pour l'instant, ils ne repéraient rien d'autre que l'imposante majesté de la montagne et la douceur bleutée de la glace sous la couche de neige tombée. Sur les côtés de la langue glacière perçait ici et la quelques rochers épars alors qu'en contrebas les derniers sapins s'accrochaient vers 2 300m. Encore une minute, et ils atteindraient le haut du glacier. La neige était légère et s'envolait en tourbillon au passage de l'hélicoptère, même à une belle altitude. Du grésil déposé de partout. Il avait du souffler sacrément fort la nuit passée, et la nouvelle couche devait être bien instable. Le sommet du glacier était la, et aucune trace de la vaste tente orange pour dix personnes qui avait servi d'abris. Peut-être avaient-ils replié bagages comme prévus et attaqué l'ascension du sommet principal ? Pourtant, après un passage, ils ne repéraient rien non plus sur la paroi. Aucune parka aux couleurs fluos ni aucun mouvement. Après quelques minutes, ce fut finalement le treuilliste qui repéra une tâche orange ténue, à demi enfouie dans la neige. Mais aucune trace d'âme qui vive.

Capitaine Albiez : Ok, on va se mettre en vol stationnaire au-dessus, et je vais descendre avec le treuil jeter un coup d'œil moi-même.

Bien harnaché à son filin, le capitaine Albiez descendit à la vertical de la tente détruite. Une fois sur place, il n'y avait pas plus de traces de quelqu'un qu'en haut. Mais la disposition de la tente était étrange. Fouillant sous la toile, il se rendit compte qu'elle avait été lacérée. La doublure et la toile imperméable avait été éventrée à grand coup de couteau. Aucune trace de sang cependant. Le capitaine regarda avec un peu plus d'attention les effets personnels à l'intérieur : blousons, fuseaux, chaussures, bonnets, etc. De quoi équiper plus d'une demi-douzaines de grimpeurs, mais sans personne ni dedans ni dessous. Rien. Aucun cadavre. Le capitaine ne pu cacher sa surprise :

Capitaine Albiez : Mais bordel, ils sont passés où ces cons en slip ?
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Les bienfaits de la campagne II

Suite de ce RP

Vue de Germaine, en Terre Hillet
Vue de Germaine, en Terre Hillet


Vallée de Marijo, Terre Hillet :

Le père Joseph venait de passer quelques jours particulièrement éprouvants... Peu après son arrestation, il avait été embarqué, toujours entravé, à l'arrière d'un camion et trimballé pendant des heures avec d'autres personnes qui lui était inconnues sur les routes de Gémina : aucun de ses paroissiens ne faisait le voyage avec lui. Il n'avait pas pu réellement échanger avec ses compagnons de misère, sa première et unique tentative de communiquer s'étant soldé par un coup de crosse dans le dos. Il avait néanmoins compris que tous ici avaient été jugés par les autorités comme étant nuisible à la société préfectorale. Dans quelle mesure et sur quels critères en revanche ? Aucune idée, même si le concernant, il se doutait bien de la raison.

Le pénible voyage en camion s'était bientôt transformé en calvaire. Arrivé au grand port maritime de Golin, ils avaient été embarqués sans ménagement dans un navire cargo pour une destination inconnue. Les mots de l'officier qui avait procédé à son arrestation le hantait encore : "tu n'existes pas tout simplement. Et je vais faire en sorte que ça reste vrai." Il craignait de tout simplement être balancé par dessus bord. Après tout, dans on pays d'origine, il avait entendu toutes sortes d'histoire sur la violence des autorités préfectorales à l'encontre des serviteurs de Dieu. Des histoires qu'il avait toujours pris comme des contes pour effrayer les enfants qui refusaient d'aller au catéchisme. Mais il n'était plus sur de rien à présent. Cependant, après plusieurs heures passés enfermé sans que personne ne vienne les chercher, lui et ses acolytes cloitrés dans une pièce sans ouverture et à peine suffisamment grande pour que chacun puisse s'allonger au sol, il s'était quelque peu rasséréné. Il avait demandé à son voisin, à voix basse, s'il savait où ils allaient.

"Terre Hillet", lui avait alors simplement répondu le type, avant de se renfermer dans le mutisme dont il ne s'était départi qu'à grand peine pour lui adresser la parole.

Le reste du voyage avait été épouvantablement long, et le mal de mer terrible qui lui avait vidé les tripes - à moins que ça ne soit la trouille qui lui tenaillait le ventre ? - ne lui avait pas fait des amis chez ses camarades de galère. La dernière fois qu'il avait mit les pieds sur un navire, c'était sur un optimiste lors d'une colonie de vacances lorsqu'il n'avait que 10 ans. A coup sur un meilleur souvenir que celui qu'il était en train de se faire. Finalement, au bout de ce qui lui sembla une éternité, le navire sembla s'immobiliser après avoir sonné plusieurs coups de cornes de brume, ce qui semblait signifier qu'ils étaient arrivés à destination.

Lui et ses compagnons furent alors tirés de cale, et de nouveau embarqué sur des camions. Son voisin ne lui avait pas menti : ils avaient bien atteint l'isthme de Théodosine. Il était maintenant plus près de chez lui qu'il ne l'avait jamais été depuis des années. Il n'était jamais venu en Terre Hillet, mais le climat, la végétation et même la lumière indiquaient qu'ils étaient bien plus au sud que l'endroit où ils avaient embarqués. Au contraire, tous lui rappelait sa patrie d'origine, et faisait remonter des souvenirs heureux qu'il était douloureux de contempler dans son prédicament actuel. Le nouveau trajet en camion fut néanmoins beaucoup plus court que la première fois. En moins d'une heure, ils avaient quitté la ville de Germaine, son port et la côte et atteint un village isolé des Monts Verts. Une fois arrivé, il traversèrent le village avant de rejoindre un ensemble de barraques quelques kilomètres à l'écart de l'agglomération. Là, ils débarquèrent dans un camp où tous reçurent un uniforme et un bracelet électronique permettant leur localisation en direct.

Puis ils furent menés dans la cour, où se trouvait une élégante femme d'une quarantaine d'année en tailleur beige et petite chemise blanche en flanelle. Elle les regarda se mettre en rang, puis remontant ses lunettes étroites sur son nez, elle prit la parole.

Andréa Mirot : Mesdames, messieurs, bonjour.

Si vous êtes ici, c'est que vous avez été jugé par les citoyens de la préfecture comme étant des nuisances. Vos choix personnels répétés ont démontré que vous n'utilisiez pas votre existence de manière adéquate pour participer à l'avancement du progrès et de l'humanité. Cela aurait pu être excusable, nul n'était tenu par autre chose que la morale de participer à cet avancement. Mais pire que ça, vous utilisez au contraire activement votre existence pour lutter contre cet avancement : prosélytisme de sectes obscurantistes, assassinats, vols en récidive, et j'en passe. Par vos actions, vous nuisez à bonheur des citoyens de la préfecture, et vous entravez à leur capacité à être heureux et d'œuvrer sereinement pour un avenir meilleur.

Cependant, vous avez été éduqué, nourri et élevé par cette société. Vous avez donc envers elle une dette. Et si vous ne voulez pas lui rendre de votre plein gré ce qu'elle vous a offert en contribuant à la vie sociale de manière positive, nous vous y contraindrons. Vous êtes dorénavant tous affecté au Camp de Travail n°8. Votre fonction sociale maintenant est de participer aux travaux de mise en valeur de la Terre Hillet six jours par semaine. Dans ce diocèse, cela consiste, en saison, à la récolte le silphium à l'attention des établissements pharmaceutiques. Et hors saison, généralement à des travaux de défrichage, de mise en valeur des terres, de construction d'infrastructure ou tout autre tâche utile décidée par les municipes locaux. Estimez-vous heureux, ça aurait pu être pire ailleurs. Ici, le climat est clément et le travail en extérieur ! Vous auriez pu finir en Dobiche avec ses 330 jours de pluie par an et ses 7°C de moyenne.

De là, deux chemins se présentent à vous :
  • Vous vous investissez dans votre labeur, vous prouvez à la société que vous pouvez lui être utile et alors qui sait ? Peut-être que quand vous aurez payé la dette de vos actions - si votre dette est payable : les récidivistes, les pédophiles et autres dégénérés, cette partie ne vous concerne pas -, vous pourrez accéder à un centre de rééducation et ensuite réintégrer la société. Chaque année, je suis fier de voir un nombre de garçon et de fille de mon cheptel prendre cette route.
  • Vous tirez au flanc, vous décidez de continuer de chier à la gueule de la société et même guidé de ne rien lui donner. Si tel est le cas, si même ici, assisté, vous ne souhaitez toujours pas contribuer à l'avancement de l'humanité, alors la préfecture saura vous mettre à contribution d'une autre manière. Définitivement.
Allez, au travail !


La jolie femme blonde au chignon sévère tiré en arrière, à laquelle on aurait donné le bon Dieu sans confession, quitta alors leur champ de vision pendant qu'un contremaitre les emmenait déjà vers leur nouvelle vie. Joseph restait estomaqué. Il n'avait aucune idée que ce genre d'endroit existait encore. Et pire, qu'il allait devoir y passer une partie de son existence. Un véritable martyr digne des persécutions Rhémienne du IIIème siècle, dans les mines de sel ! Et c'était une chose de les lire et d'envier ces pères de l'Eglise, s'en était une autre que de devoir vivre comme l'un d'entre eux. Il se prit le visage dans les mains.

Père Joseph : Mon Dieu, vous qui êtes bon, omniscient et omnipotent, pourquoi me soumettez-vous à une telle épreuve ? Où ai-je pêché ?
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Les bienfaits de la campagne III

Suite de ce RP

Cueillette du Silphium
Cueillette du Silphium


Vallée de Marijo, Terre Hillet :

De grosses goutes coulaient sur son front. On était que début février, mais le soleil dardait déjà de ses rayons le dos des travailleurs. Dans l'isthme de Théodosine, l'hiver n'en avait que le nom. C'était d'ailleurs la raison qui en faisait une destination de vacances prisées pour les fêtes de Noël, qui ne s'appelaient plus comme ça en Faustinans au profit d'un nom laïc à la con, mais qui en avaient conservées les traditions. Le père Joseph sentait rouler le long de son dos les perles de sueurs en laissant une trainée qui le grattait démangeait en sechant. Il releva la tête et s'essuya le front. Jetant un œil au fond de son panier d'osier posé sur son bassin et maintenu par une lanière de cuir en bandoulière. Il n'était pas mécontent de sa récolte, une belle quantité de brins de Silphium reposait dans le fond du panier.

Pourquoi s'infligeait-il avec autant de zèle cette corvée ? Il s'était posé cette question de nombreuses fois. Probablement d'une part par docilité. Rien ne servait de provoquer l'ire des contremaitre sans raison, et son caractère conciliant lui avait même permis d'obtenir des quartiers pour quatre personnes pour dormir, plus confortables que les baraquements de vingt ou trente où se parquaient le reste des prisonniers. Non, au font de lui, il aimait cette tâche, certes abrutissante au possible mais au plus proche de la nature. En s'abandonnant à la fatigue, au soleil et au silence, il recherchait l'épiphanie. Dans ces moments où il était complètement exténué, il avait l'impression d'entendre Dieu qu'il lui parlait, qui l'appelait. Au fond, il avait même envie de remercier l'appareil répressif Faustinans envers les religieux tant il lui avait permis de se rapprocher du Créateur et de Sa volonté. Bien sur, il faudrait un jour qu'il quitte cette position de quasi ermite qui lui convenait si bien pour le moment, car il lui faudrait partager d'une part la parole de Dieu et d'autre part témoigner du sort abominable des croyants en cette terre impie. Mais pas de suite.

Soudain, alors qu'il contemplait son avenir de martyr, il reçu un choc violent derrière la tête. Titubant sur quelques pas, il garda tant bien que mal son équilibre et se retourna, le regard inquiet, vers d'où était venu le coup. Se tenaient devant lui deux grands escogriffes qu'il ne connaissait que de vue pour les avoir croiser au camp. Ils n'avaient pas la mine patibulaire qu'on s'imagine les méchants arborer en toute circonstance, et ils auraient été tous les deux plutôt beaux garçons, si la dureté de la vie ici en Afarée ne les avait pas abimé durablement, tant dans leur physique que dans leur âme. Beaux garçons, certes, mais ils avaient le regard mauvais. Et mauvais, ils l'étaient. Le père Joseph avait appris que tous ici, dans ce camp, n'étaient pas là pour des histoires de religions, mais qu'il y avait également un bon nombre de détenu de droit commun : voleurs, meurtrier, violeurs et tout ce que les Vallées Fortunées peuvent compter de personnes considérées comme ayant un comportement anti-social. Et les deux lascars ici présents étaient là pour vol et recel en récidive, bien qu'ils se ventassent à l'abris des gardes d'avoir abrégé l'existence sur cette Terre de quelques âmes en peine qui leur avait causé du tord.

"Tu sais que tu nous casses les couilles, le cureton ?"

Le plus massif des deux avait lâché ça sans préambule. Joseph jeta rapidement un œil aux alentours cherchant un contremaitre auprès de qui chercher secours, mais aucun garde n'était présent à proximité. Ces foutus tir-au-flanc jouaient surement aux cartes à l'abris du soleil sous le feuillage d'un amandier quelque part. Les deux lascars étaient présents au camp depuis plus longtemps que lui, et ils avaient surement des accords préexistants avec matons pour se donner quelques brefs moments de liberté pour régler leurs affaires.

"Ouais, tu nous les brise menue à faire de premier de la classe et à courir la montagne comme une chèvre pour cueillir comme une lavandière en manque d'amour. Le quota quotidien est passé de 5kg à 5.5kg par ta faute. Ca a augmenté de 5% par ta faute" repris l'homme.

"1%" repris le père Joseph. Il se mordit la langue immédiatement.

"Mais c'est qu'il se fout de ma gueule en plus?" repris le plus mastard à l'attention de son collègue en se tournant vers lui. "Tu sais quoi le cureton ? Va falloir que tu te fasses pardonner. Et tu nous as tellement brisé les noix qu'il me semble normal que tu en prennes soin maintenant. Après tout, tu dois avoir de l'entrainement avec les gosses ?" laissa-t-il éclater dans un rire gras.

Le père Joseph commençait maintenant à paniquer à l'idée du supplice qu'allaient lui infliger ces deux soudards. Le plus chétif des deux hommes le força à genoux en appuyant son pied dans le creux de ses mollets tandis que l'autre soulevait sa tunique et déboutonnait sa braguette pour faire apparaitre sa plus grande fierté. A n'en pas douter, le plus massif des deux prenait la santé de ses parties génitales avec le plus grand sérieux. Joseph ferma les yeux.

Puis l'air claqua. Le père senti un liquide chaud asperger son visage. D'abord persuadé qu'on lui avait craché dessus, c'est le fait d'être relâché par l'acolyte qui lui fit ouvrir les yeux. Le grand type massif s'était effondré face à lui comme une poupée de chiffon, et ne produisait plus maintenant que quelques borborygmes sinistres. Puis, le père Joseph constata que sa tunique était constellée de tâche rouges sombre. Il n'arrivait pas à saisir ce qui était en train de ce passer. Complètement hébété, il resta tétanisé un temps qu'il ne su jamais estimer avant que deux gardes armés de fusils n'arrivent. Le premier, donnant un petit coup de pied au mort, demanda à la radio ce qu'il soit évacué au plus vite vers le "site de mise en utilité sociale". L'acolyte, lui, avait disparu. Le garde tendit sa main à Joseph qui, encore parfaitement sonné, la saisit pour se relever.

Puis le garde, jetant un œil au panier, dit simplement.

"Les 5.5kg n'y sont pas, Saint-Joseph. T'as encore une heure ou deux pour faire en sorte de tenir ton quota : vai ! Je m'en voudrais de devoir fracasser une seconde tête aujourd'hui"
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Vent qui souffle au sommet des grands pins

Suite de ce RP

Photo de la tente éventrée retrouvée le premier jour des recherches
Photo de la tente éventrée retrouvée le premier jour des recherches

Val Armand :

Le Capitaine Albiez se redressa, s'appuya sur son long piquet fluo utilisé pour rechercher les victimes d'avalanche et jeta de nouveau un œil autour de lui. Toujours la même immensité blanche et bleutée qui agressait les yeux, seulement crevée ça et la des dents noirs des sommets alentours. Quelques mélèzes en contrebas perçaient la neige, la zone de recherche se trouvant à la limite supérieur de l'étage alpin. Voilà près d'un mois qu'ils cherchaient les corps. Le 15 janvier, après avoir fouillé la tente sans rien trouver d'autres que les habits d'au moins sept des randonneurs, il avait signalé la découverte par radio. L'hélicoptère l'avait laissé sur place avec deux collègues et était redescendu chercher des renforts dans la vallée. Et cela faisant maintenant donc plus de quatre semaines que tous les jours, ils étaient entre huit et vingt secouristes et gendarmes à fouiller la montages.

Ils avaient retrouvé les deux premiers corps rapidement, dès le lendemain. Après avoir considérablement élargi la zone de recherches en vain, ils étaient descendus dans le petit bois situé quelques 300 mètres plus bas, si tant est que les quelques mélèzes éparts pouvaient mériter ce nom. Là, au pied d'un arbre, ils avaient retrouvé les deux premiers alpinistes décédés. Les deux hommes étaient, de manière très étrange, en caleçon et en chaussette, prostrés autour des restes d'un petit feu misérable qui n'avait pas du diffuser la moindre chaleur. Les deux corps présentaient des traces de griffures et des plaies sur l'ensemble du corps : sur le torse, sur les bras, sur les jambes. Ces blessures étaient consistantes avec l'idée saugrenue d'avoir essayé de grimper en vitesse au tronc des mélèzes alentours. Le corps de l'homme de gauche, qui avait depuis été identifié comme Zuane Dal Carretto, Velsien de nationalité, présentait de grosses morsures humaines sur ses avant-bras. Le corps de la femme à ses côtés, touriste Icamienne du nom de Mayahuel Quetzloc, ne présentait pas de blessures apparentes, même si l'autopsie avait révélée depuis une fracture du crâne non-mortelle. Les causes de la mort, dans les deux cas, était l'hypothermie sévère. Pas étonnant, durant le blizzard de la nuit de leur disparition, avec le vents, il avait du faire près de -35°C en ressenti. Alors à poils, il y avait peu de chance de s'en tirer.

Trois autres corps avaient été retrouvés environ quinze jours plus tard grâce au redoux. En quadrillant le chemin entre la tente déchirée et le petit feu de camp, trois autres alpinistes avaient été retrouvés sous une quinzaine de centimètres de neige à peine. Probablement pas le résultat d'une avalanche, mais simplement due aux chutes de neige et au vent qui accumulait la neige fraiche des sommets sur le glacier et que la fonte accélérée due au redoux avait permis d'amincir. Ces trois corps aussi étaient également dévêtus : chaussette et caleçon uniquement. Chose étonnante, ils avaient été retrouvés à intervalle régulier entre le bois et la tente - à 800m, 500m et 300m respectivement - et tous semblaient se diriger vers la tente. Eux aussi ne présentaient pas de blessures apparentes, et la cause semblait être de toute évidence une hypothermie sévère également, même si les autopsies n'étaient complète que pour le premier des trois corps retrouvé : l'autre touriste Icamien, époux de la femme retrouvée plus tôt. Compte tenu de la réputation des Icamiens et des marques de morsures observées sur le premier cadavre, les médecins légistes avaient été très attentif à cet aspect des choses, sans pour autant trouver le moindre élément permettant de mettre en cause les Icamiens. Les deux autres morts étaient un autre touriste, le Teylais Henry Woodstrock, ainsi que le premier des trois guides retrouvés, formellement identifiés par ses collègues dans la vallée.

Mais les quatre derniers corps restaient introuvables, plus d'un mois après leur disparition et près de 20 jours après la découverte des 5 premiers. Le capitaine craignaient qu'ils aient disparus dans une crevasse du glacier, et que les corps ne soient rendus par la montagne que dans vingt, cinquante ou cent ans. Après tout, deux ou trois fois par décennies, les glaciers du coin recrachaient un alpiniste disparu depuis plusieurs dizaines d'années, conservé dans la glace pendant toutes ces décennies. L'évènement fascinait les locaux, qui y voyait un geste de la montagne envers les proches des disparus punis pour leur orgueil. La montagne prenait et la montagne donnait. C'était tout de même particulièrement frustrant pour le capitaine, parce qu'en l'état, l'enquête préliminaire ne donnait rien et ces découvertes franchement saugrenues commençaient à agiter l'imagination locale tandis qu'en haut lieu, on le pressait pour avoir des résultats : l'évènement ne faisait pas une bonne pub au tourisme blanc de la préfecture. Alors qu'il réfléchissait à comment orienter l'enquête, un de ses hommes le héla :

Secouriste : Capitaine ! Capitaine ! On en a un de plus !

Le capitaine Albiez poussa un soupir de soulagement, et descendit rapidement vers l'homme qui l'avait appelé. Il avait émergé d'une ravine encaissée où de la neige s'était accumulée. On entendait couler de l'eau de fonte au fond, et on voyait d'ailleurs surgir un torrent plus bas dans la combe. On était à environ 300m du bois, et qui était déjà lui à près de 1000m du camp. Mais qu'est-ce que ces gens faisaient aussi loin ?

Capitaine Albiez : Bravo les gars ! Alors, dites moi ce qu'on a.

Secouriste : : Un homme d'environ cinquante ans. Je doute que la cause soit l'hypothermie comme les autres en revanche. Regardez, il a le cou à angle droit avec la nuque brisée et le crâne complètement déformé.

Le corps n'était effectivement pas beau à voir. Sa tête faisait un angle tout sauf naturel avec le reste du corps, tandis que le crâne avait l'air enfoncé au niveau de l'occiput. Cet homme était mort d'une mort violente, et les coups avaient été assené avec une très grande force. Possiblement surhumaine, car il n'avait jamais vu un crâne aussi fortement enfoncé par la force d'un homme dans toutes ses années dans la gendarmerie. Le cadavre semblait être celui d'un autre guide, puisque celui-ci, pour une fois, n'était pas dévêtu et portait la veste des guides de haute montagne locaux. Le capitaine ordonna de poursuivre les recherches dans le secteur alors qu'il appelait l'hélicoptère pour procéder à l'évacuation du machabé. Si cela se passait comme les deux fois précédentes, avec un peu de chance, d'autres corps seraient dans le coin.

Ayant rameuté les autres secouristes qui parsemaient la montagnes, ils trouvèrent et dégagèrent un autre corps au cours de l'après-midi. Retour à la normal, ou plutôt l'anormal avec celui-là, qui était en caleçon comme les autres. En revanche, les causes de la mort semblaient toutes aussi violentes et ne pas être l'hypothermie, puisqu'il avait la cage thoracique complètement enfoncé. Le pauvre homme devait avoir la quasi-totalité des côtes brisées et enfoncées et les organes internes totalement broyés. La mort avait du être pénible. Puis, la nuit étant tombée, les équipe regagnèrent la vallée et ne reprirent leur recherche qu'au petit jour le lendemain. Ce fut le dernier jour de fouilles, car les deux derniers cadavres furent découvert. Ils gisaient dans le fond de la ravine, a moitié immergé dans le petit torrent de fonte. Il s'agissait du troisième guide et la Wanmirienne Dewi Ratna, dernière femme de l'expédition. Cela impliquait donc que l'homme à la poitrine enfoncée était son époux, Rajesh Ratna. Les causes de la mort étaient la aussi potentiellement atroces : les deux corps avaient les orbites oculaires vides, et madame Ratna avait également vu sa langue être arrachée. Les corps avaient également l'air sérieusement cabossés : l'un avait une jambe brisée à angle droit au niveau du fémur gauche tandis que l'autre avait lui aussi le côté gauche du torse enfoncé jusqu'à la colonne vertébrale.

Capitaine Albiez : Ben mes aïeux, ils sont tombés sur le Yeti ou quoi, ces pauvre gens ?
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C'est trop petit pour qu'on l'appelle la guerre, trop cruel pour qu'on l'appelle un jeu

Partie de Calcio Storico à Curèš
Partie de Calcio Storico à Curèš

Vallée de Salati :

Azzo leva les yeux vers le campanile de Curèš, qui dominait la Piazza del Rio Saliceto. Il n'arrivait pas à lire l'heure qu'indiquaient les aiguilles de la grande horloge cise au sommet de la tour. La sueur, le sang et probablement un coup à la tête ou deux troublait sa vision et les deux aiguilles dansaient dans le cercle blanc. Il plissa les yeux et fit un gros effort de concentration : trois heure moins deux minutes. Il ne restait donc que deux minutes de jeu dans cette partie de calcio storico, et il perdait. Son quartier de Massenzatico perdait. Un point de retard et une possession adverse, l'affaire se présentait franchement sous de mauvais auspices. Ses adversaires n'avaient qu'à jouer la montre et s'en était terminé. Il allait perdre la finale des quartiers de Curèš à domicile. Il allait perdre le droit de marcher la tête haute. Il allait devoir courber l'échine pour une année entière.

A Curèš, le calcio storico définissait les relations entre les quartiers, et le tournoi annuel revêtait une importance considérable. Il n'y avait pas d'évènement plus important. Le prestige qui découlait d'une victoire dans la compétition se ressentait sur les votations locales, et le quartier vainqueur pouvait sécuriser des fonds pour des projets sociaux importantissime dans cette région encore à la traîne du développement économique de la préfecture. Les quatre quartier étaient représentés : les Bianchi de Fossa, les Azzurri de Mandriolo, les Rossi de Massenzatico et les Verdi de Prospero.

Un énorme choc le projeta au sol le nez dans la poussière. Il avait laissé son esprit divaguer quelques instants et la punition avait été immédiate. Un des quinze attaquants adverse avait du apercevoir son regard absent et avait saisi l'opportunité. Il était passé par sa zone, lui décochant au passage un crochet monstrueux à même d’assommer un bœuf. Une chance qu'il soit justement costaud comme un bovin, sinon il aurait été évacué sur civière. L'attaque des Azzurri était passée à l'offensive, et les quinze attaquants naviguaient maintenant facilement dans les cinq milieux et trois défenseurs de son équipe qui arborait un maillot rouge à l'origine flamboyant mais après une heure de jeu terni par la poussière. Un surnombre s'était créé sur la droite du terrain rectangulaire d'une soixantaine de mètres de long couvert de sable pour amortir les chutes et boire le sang des blessés. Se relevant, il fit un énorme effort pour faire taire l'atroce migraine montante et se replier afin de couvrir le trou dans la défense. Il n'y avait que deux règles dans ce sport, mais l'une d'entre elle allait lui poser problème. Il était interdit d'attaquer à deux contre un, ou d'attaquer par derrière. Soudain, une hésitation d'un attaquant Azzurri qui stoppa sa course pour orienter le jeu lui offrait l'opportunité de repasser de l'autre côté de la ligne de défense et d'essayer de rattraper sa bourde.

Dans ce sport médiéval, étrange mélange de foot, de rugby, de boxe et lutte greco-romaine, tout était permis - excepté les deux règles sus-nommées - pour qu'un des 23 joueurs de champs puisse envoyer la balle dans les cages adverses qui courraient sur toute la largeur du terrain et protégée par quatre gardiens de but. Soudain, Azzo sembla, à l'instinct, deviner la combinaison des Azzurri. Ils ne l'avaient fait qu'une fois sur cette rencontre, mais la disposition en quinconce des attaquants était typique, et alors que le ballon volait de main en main, il se décala progressivement pour essayer de couvrir l'aile. Trop tard, il avait déclenché sa course avec une seconde de retard, et l'attaque adverse allait creuser un écart définitif. En désespoir de cause, il se jeta de tout son corps de côté afin de gêner le tir. L'attaquant adverse, probablement surpris, lâcha le ballon une fraction de second trop tôt, et il passa juste au dessus des cages. Les Azzurri eurent beau hurler que la défense était venue de l'arrière et qu'elle était illicite, l'arbitre ne se déjugea pas, dans une action qui allait faire les commérage de toute la ville pour les semaines, voir les mois à à venir.

Dans les règles du calcio storico, un tir au dessus de la transversale offrait 1/2 point à l'équipe en défense. Sa bourde avait servi d’appât involontaire et, tentés, les Azzurri étaient tombés dans le panneau en péchant par orgueil. A vouloir clouer la victoire, ils offraient une dernière opportunité aux Rossi. Ces Rossi avaient maintenant la possession et presque une minute pour faire la différence. Avec un demi-point de retard, il suffisait de marquer. Ils n'étaient plus que 13 attaquants, deux étant sortis sur blessure - une arcade complètement explosée et une vilaine fracture ouverte - et pas de remplacement autorisé dans ce sport : les 27 guerriers sur le terrain devaient finir coûte que coûte. Sur l'engagement, dix des treize attaquants soutenus par les cinq milieux se ruèrent sur l'attaque adverse. En l'espace de quelques seconde, le terrain de la piazza del Rio Saliceto s'était transformée en l'une de ces arènes de l'ancien empire Rhémien où des hommes luttaient à mort dans le sable et la sueur. Puis les défenseurs Rossi montèrent sur le terrain afin d'occuper leurs homologues alors que les quatre gardiens désertaient leur cage et s'attaquaient aux milieux. L'attaque, improbable, désespérée, avait toutefois résorbé l'écart numérique. Il restait néanmoins les gardiens adverses, qui hésitaient toutefois à sortir dès maintenant. La balle, portée par un attaquant rouge, remontait sur l'aile gauche avant de repiquer au centre suite au déport de deux adversaires, avec toujours une seconde d'avance sur les attaquants adverses qui défendaient. Combien de temps s'étaient déroulé depuis le début de la reprise ? 30 secondes ? 40 secondes ? On arrivait au bout du temps et il fallait agir maintenant très vite. Sifflant avec ses doigts terreux, Azzo appela le porteur du ballon, lui signifiant qu'il était à peu près démarqué. Levant la tête, ce dernier l'aperçu et lui fit alors une longue passe en extension. Tandis que le cuire était en l'air et volait vers lui, un défenseur Azzurri le saisi au niveau du torse, lui ceintura les bras au corps. S'en était terminé, il ne pourrait pas se dégager à temps, la balle allait tomber au sol et un gardien s'en saisirait facilement....

A moins que ..? D'un coup de tête rageur, Azzo expédia le ballon entre les bras du portier le plus proche, qui fila dans la cage. Puis plus rien. Un coup de coude lui éteignit la lumière.

Azzo se réveilla dans le sable, le carillon du campanile sonnait les coups de 15h, et le tableau d'affichage, à moitié dissimulé derrière les fumigènes rouges, indiquait 5,5 - 5 pour Massenzatico . Ils l'avaient fait. Ils étaient champions ! Ils étaient les rois de Curèš !
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Testa di Porcino !

Splendide spécimen de Porcino
Splendide spécimen de Porcino, également connu sous le nom de Cèpe (HRP : de Bordeaux)

Vallée de Donadello :

Celeste n'en croyait pas ses yeux embué de larmes d'émotion. Devant lui, aussi loin que puisse porter le regard, des cèpes. Des dizaines et des dizaines de cèpes. Il n'en avait jamais vu autant rassemblés dans un même et unique endroit. Pourtant, ce petit bois, directement attenant à la ferme familiale depuis des générations, il le connaissait dans ses moindre recoins maintenant. Il y avait joué toute son enfance, à faire des ricochet dans le ruisseau d'eau claire qui glissait entre les pierres blanches, à se construire une cabane entre les hêtres ou bien à faire des batailles de pives avec ses frangins. Devenu adulte, les distractions culinaires avaient pris le dessus, et il se plaisait à venir ramasser chanterelles, lactaires sanguins et autres coulemelles à la bonne saison. Mais rien ne dépassait le parfum délicat des cèpes. Sauf celui des morilles cela va de soit, mais la morille est un champignon de printemps alors que nous sommes la en hiver. Et quelle saison c'était ! Poussant de ci de là sur la mousse, au pieds des troncs ou des rochers, une multitude de petits chapeaux bruns et dodus pointaient le bout de leur né. Le moment était parfait : pas trop tôt pour qu'ils aient eu le temps de grossir suffisamment, mais pas trop tard non plus et ainsi éviter qu'ils ne deviennent véreux. Les limaces et autres asticots avaient eux aussi du goût, semble-t-il. Celeste se dépêcha de rejoindre la ferme à moins de 10 minutes de là afin de récupérer un panier, ou plutôt deux, afin de récupérer son trésor.

Lorsque Celeste revint 25 minutes plus tard, sa vision du paradis avait disparu. En lieu et place de la forêt de champignon se trouvait juste de la terre retournée, quelques queues coupées et au milieu de ce massacre, un homme de finaliser un crime. Et au milieu des mains de cet homme, une cagette en carton. Et au milieu de cette cagette, ce qui avait été la vision du paradis.

Celeste : Bonjour monsieur. Je suis désolé de vous informer que c'est un bois privé, et que vous n'avez pas le droit d'être ici. C'est une exploitation agricole, vous voyez ma ferme d'ici [Il montrait sa bicoque en contrebas] et la récolte des cèpes fait partie de notre activité, et nous aide à passer l'hiver.

Ramasseur importun : Ca n'est pas une foret publique ? Le diable de ces privatisation des espaces communs.

Celeste : Je suis d'accord que c'est parfois abusif, mais nous sommes la à environ 800 mètres de ma ferme, c'est une parcelle privée. Comme vous le voyez, c'est une ancienne parcelle agricole en restanque qui a été rendue à la nature par mon grand-père justement dans le but d'en faire une parcelle myciole. C'est lui a planté ces arbres pour créer un environnement idéal pour les champignons. Mais c'est privé. Par où être vous arrivé ? Je ne vous ai pas vu passer, et l'endroit est pourtant clôt !

Ramasseur importun : Par la route de Donadello.

Celeste voyait bien l'endroit en question. Sa clôture n'était qu'un vulgaire fil de fer tenu par des piquets ou des arbres à intervalle régulier. Mais ça devrait suffire à marquer le coup, sauf si un sanglier s'aventurait à tout saccager, comme ils le font des fois. Celeste le réservait en général un coup de 12 et un destin en terrine à ces intrus là.

Celeste : Je vois, j'irai réparer la clôture si elle est abimée, mais je vous prie de bien vouloir quitter les lieux.

Ramasseur importun : Très bien, nous allons partir. Bonne journée.

Voyant que l'homme ramassait sa lourde cagette de champignons, Celeste ajouta :

Celeste : Je vous prie de me laisser les cèpes s'il vous plait. J'étais justement venu procéder à la récolte.

Ramasseur importun : Ahah, allez bonne journée.

Celeste : Je ne rigole pas. Vous ne rentreriez pas dans un champ pour ramasser des choux ou des salades ? Et bien là, c'est pareil. Je ne vous tiens pas rigueur de la violation de domicile, mais je ne vous laisserai pas me voler.

L'homme resta un moment interdit devant la demande, avant de reprendre :

Ramasseur importun : Alors mon vieux, tu peux te gratter.

Celeste : Ne me forcez pas à appeler les carabiniers. Je les connais bien, ils ne vous feront pas de cadeau.

Entendant ça, l'homme sembla réfléchir un temps puis se résigner. Après son moment d'hésitation, il renversa sa cagette sur le sol, quelques champignons éclatant sous le choc et devenant invendable, mais pas immangeable. C'était dommage car Celeste comptait sur cette vente pour refaire le toit de l'étable, mais au moins tout n'était pas perdu. Cependant, alors qu'il avait fait demi-tour et s'était éloigné de quelques pas, l'homme revint subitement sur ces derniers, et piétina rageusement toute la récolte que Celeste commença à récupérer, afin de parfaire le travail que la chute n'avait fait qu'à moitié. En quelques instants, des dizaines de cèpes devinrent une bouillie infâme mêlée de terre et de feuilles, où la délicate odeur des porcino se mêlaient à celle terreuse de l'humus. L'homme lâcha juste :

Ramasseur importun : Sale terrone de merde ! Vend-là maintenant, ta putain de récolte !

Puis il quitta précipitamment le bois. Il laissait le paysans confondu de stupéfaction et de colère à son hébétement et il retourna hâtivement à son véhicule. Le ramasseur indélicat, d'abord fier de son fait d'arme courageux face à une armée de bolets commença à s'inquiéter au fur et à mesure que l'effet de l'adrénaline s'estompait. Il pressa le pas. La lisière de cette satanée foret ne semblait pas vouloir pointer le bout de son nez, et autour de lui tout semblait déterminé à l'effrayer : le craquement des branches, les jeux de lumières entre les feuilles, la forme suspecte des roches. Puis, enfin, il aperçu le reflet rouge de son automobile. Une munition pour sanglier de calibre 12 lui creusé un trou de plusieurs centimètres dans la poitrine. Devant sa voiture, le terrone se tenait là, l'œil mauvais. Ce fut la dernière chose qu'il vu, la seconde cartouche lui emporta la mâchoire et la moitié du visage. Il n'eut pas le temps de souffrir plus longtemps, si ce n'est les conséquences de son erreur : dans les Vallées Fortunées, on ne vole pas les champignons d'autrui !
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Les bienfaits de la campagne IV

Suite de ce RP

Iris et cornée
Iris et cornée


Vallée de Marijo, Terre Hillet :

Lionel Partagaz regardait l'hélicoptère se poser sur le petit héliport situé à quelques centaines de mètres du camp de travail. La manœuvre n'était pas particulièrement hasardeuse, mais il aimait s'assurer que tout se déroule toujours sans aucune anicroche. L'aéronef descendait régulièrement d'un mètre par seconde avant de toucher le sol. De là, une équipe de quelques personnes chargea en vitesse une douzaine de caisse en inox siglées du signe biohazard dans l'appareil. D'un geste de la main, le chef de station donna l'autorisation au pilote de redécoller. L'hélicopère redécolla immédiatement pour la capitale, Germaine. De là, le colis prendrait un vol régulier pour Gran-Puèi la préfecture métropolitaine s'il y en avait un qui décollait dans les deux heures. De là, une myriade d'autres hélicoptères amèneraient les caisses jusqu'à destination. Sinon, un appareil de l'état fédéral serait affrété pour l'occasion - souvent un transport militaire - pour rejoindre directement le lieu de destination le plus important.

Ces caisses allaient sauver des vies.

Lionel Partagaz rejoignit alors la belle demeure de style colonial qui surplombait le camp. De la terrasse ombragée, on avait une vue dégagée sur la petite société qui vivotait en contre-bas. Mais Lionel n'y jeta même un coup d'œil. Il savait pertinemment qu'à cette heure de la journée, elle était déserte car la quasi-totalité des pensionnaires étaient par monts et par vaux à leur tâche. Seuls restaient au camps les blessés et les invalides, qui avaient la tâche de maintenir les lieux en ordre, salubres et bien ordonnés.

Ce camp de travail, comme tous les autres camps en Faustinans avait pour objectif de purger des internés de première instance les comportements anti-sociaux afin de pouvoir les réintégrer dans la société. Le but final de Lionel était que la majorité des gens sous sa responsabilité puissent réintégrer la société et y contribuer de manière utile. Ou à minima ne pas y nuire. Et pour cela, vivre de manière décente était nécessaire. Il ne s'agissait pas de faire de l'endroit une colonie de vacances. Mais afin de ne pas perdre espoir, et de ne pas perdre tout rapport avec une vie libre, il était nécessaire de maintenir l'humanité des internés. Il y avait bien une minorité de récidivistes ou de types dont le comportement empêchait tout espoir de réinsertion, mais il avait été constaté empiriquement que de les faire bénéficier de conditions de vie descentes améliorait leur rendement sur le long terme, et donc leur utilité sociale. Et puis, il y avait la dernière catégorie.

Lionel pénétra dans son bureau. Il avait devant lui, lui faisant dos, un contremaitre du camps. A peine ce dernier entendit il le directeur rentrer qu'il se mit debout afin de le saluer. Le type était proprement gigantesque avec des mains à même de saisir une pastèque. Ses épaules larges comme la porte évoquaient une force herculéennes. Pourtant, face au directeur d'un âge déjà respectable, il faisait petite mine. D'un geste de la main, Lionel l'invita à s'assoir et prit lui-même place.

Lionel Partagaz : Bien, expliquez-vous.

Le contremaitre inspira d'une grande goulée d'air avant de se lancer.

Contremaitre : Et bien, monsieur le directeur, j'étais en patrouille avec l'agent Taupier lorsque nous avons aperçu l'interné 87 896 en train d'être agressé par les internés 32 687 et 38 964.

Lionel Partagaz : Pourquoi avoir fait un usage de force léthale ?

Contremaitre : Nous étions diablement loin, il nous était impossible de rejoindre l'interné agressé avant de ...

Lionel Partagaz : Etait-il en danger de mort imminent ?

Contremaitre : Et bien, ils étaient en train de le violer.

Lionel Partagaz : Je me répète : était-il en danger de mort imminent ?

Le contremaitre avait réagit d'instinct. Lui-même avait subit des attouchement de la part d'un cousin de son père étant jeune, et la vision l'avait remué au plus profond de son être. Il n'avait pas supporté la vision qu'il avait eu dans la lunette de sa carabine. Il n'avait pas réfléchi plus avant et avait tiré. Le moment avait été cathartique. Si seulement il avait pu butter le cousin de son père avant que la bouteille ne s'en charge... Mais il savait que le directeur Partagaz ne plaisantait pas avec la discipline. Et il avait peur pour sa place.

Contremaitre : Non, le danger de mort n'était pas imminent. Mais il n'était pas simple de ...

Lionel Partagaz : Alors pourquoi avoir gâché une paire de cornée ?

Contremaitre : Comment ça ?

Le directeur Partagaz ouvrit alors un tiroir dont il tira une photographie d'une adolescente qu'il donna au contremaitre. La jeune fille était belle, avec ses nattes blondes nouées en tresses qui lui tombaient sur les épaules et son sourire timide. Mais elle avait une lueur bizarre dans les yeux. Elle regardait dans le vide, comme à travers l'objectif et à travers la personne qui tenait le cliché.

Lionel Partagaz : Je vous présente Justina. Elle a 17 ans et vit à Tristan-de-Soubadou. Et elle devient aveugle à cause d'une pathologie nommée Cornea guttata. Elle attend désespérément une greffe de cornée pour éviter que la lumière ne s'éteigne à jamais devant ses yeux. Elle aurait aimé avoir celles de l'interné 32 687, mais votre tir de précision lui a enlevé cette possibilité. Tenez, prenez ce cliché et conservez-le. Ce sera votre châtiment pour ne pas avoir su vous réfreiner. Que le regard de Justina vous rappelle à chaque instant pourquoi nous sommes là, pourquoi ils sont là, et les devoirs que ça implique tant pour eux que pour nous. Allez, disposez.

Contremaitre : Merci, monsieur le directeur. Je n'y manquerai pas, monsieur le directeur.

Il se leva s'empressa de gagner la porte, avant que le directeur ne puisse revenir sur sa mansuétude.

Lionel Partagaz : Ah, une dernière chose contremaitre !

Contremaitre : Oui, Monsieur le directeur ?

Lionel Partagaz : Allez me chercher et préparez-moi l'interné 38 964 pour une mise en utilité sociale médicale. La petite Justina aura peut-être ses cornées après tout.
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Joie du vent qui souffle, allons dans le grand vent !

Suite de ce RP

Le glacier du Gonfaron, le lieu du tragique accident
Le glacier du Gonfaron, le lieu du tragique accident

Val Armand :

Cela faisait près de 3 mois que le pire accident d'alpinisme de la décennie avait eu lieu dans le Val Armand, et les enquêteurs s'étaient arrachés les cheveux durant tout ce temps pour essayer d'échafauder un scénario cohérent permettant non seulement d'expliquer le désastre d'une part, mais également de donner une réponse crédible à l'état particulièrement déroutant des corps retrouvés. Après trois mois de travail, le parquet de la petite ville de Tempier avait convoqué une conférence de presse afin de détailler ses conclusions vis à vis de l'enquête, et de décider des éventuelles poursuites pénales à engager. Le procureur du tribunal municipal de la petite ville de montagne allait détailler le scénario retenu par les enquêteurs et donner la position

Procureur de Tempier : Bonjour à tous, et merci d'être présent à cette conférence de presse visant à lever autant que faire se peut le voile sur les tragiques évènements étant survenu dans la nuit du 17 janvier 2015 sur le glacier du Gonfaron ayant couté la vie à 9 alpinistes : six touristes entrainés à savoir les citoyens Wanmiriens Dewi et Rajesh Ratna, les citoyens Icamiens Mayahuel et Tlazohtzin Quetzloc, le citoyen Velsien Zuane Dal Carretto et le citoyen Teylais Henry Woodstrock et les trois guides expérimentés qui les accompagnaient, madame Mado Breila et messieurs José Rimplaz et André Rozelande.

Tout d'abord, un petit rappel de ce que nous savons avec certitude. L'expédition est partie du hameau de La Claz sur la comme de Tempier le 15 janvier au petit matin dans le but de gravir le sommet principal du Mont Gaudémar, haut lieu de l'alpinisme Eurysien et préfectoral. Après avoir passé la nuit au refuge du Lac de Saur, le groupe a repris la marche en direction de sa destination, qui passe par le grand glacier du Gonfaron. Le gardien du refuge nous assure qu'ils se déplaçaient en trois cordées de trois personnes, avec un guide en tête. La météo excellente du 15 et de la matinée du 16 se gâche dans l'après-midi, et vers 15h30 le blizzard se lève et d'importante chute de neige ont lieu. On sait que le bivouac, constitué d'une seule grande tente, monté à la lisière supérieure du glacier vers 18h compte tenu de son degré d'ensevelissement. Ceci marque la fin des faits certains. Les alpinistes sont alors encore tous en vie.

A 6h30 du matin du 17, les trois guides n'ont pas pris contact comme prévu avec le centre de la guilde en vallée pour annoncer le début de l'Ascension. A 9h15, après une multitude d'essais infructueux, les secours sont alertés. L'hélicoptère décolle à 9h15 et est sur place à 9h35. A 9h45, l'équipage découvre la tente. La tente est effondrée, à moitié ensevelie et déchirée. L'enquête a démontré que ces déchirures ont été faites de la main de l'homme, et depuis l'intérieur. Dans la tente, aucun corps n'est retrouvé, mais se trouve en revanche l'équipement et les vêtements de sept personnes. En revanche, aucune trace à ce moment là des alpinistes.

Les deux premiers corps sont retrouvés le même jour, en début d'après-midi. Ils se trouvent adossé aux derniers pins d'un petit bois situé à l'est en contrebas du glacier. Ils se trouvent autour d'un petit feu, en sous-vêtements. Les corps sont couverts de griffures et d'écharde, un des deux corps présente des traces de sa propre chaire dans la bouche. En dehors de ça, aucun ne présente de blessures apparentes sérieuses ayant pu entrainer la mort ou une incapacité notable. Ces deux corps sont ceux de deux touristes, Mayahuel Quetzloc et Zuane Dal Carretto

Les trois corps suivants sont retrouvés quinze jours plus tard dans une zone entre le bois et le site du bivouac à la faveur d'un redoux. Ils ne présentent pas de blessures apparentes non plus, mais sont également en sous-vêtements. Ces corps sont deux de deux touristes, Henry Woodstrock et Tlazohtzin Quetzloc, ainsi que d'un guide, Mado Breila.

Les quatre derniers corps ne sont retrouvés que 19 jours plus tard, alors qu'un fort redoux a considérablement fait fondre le manteau neigeux. Les corps sont retrouvés dans une combe encore enneigée en dessous et à l'est du bois. Deux corps sont relativement en surface et présentent de nombreux traumatismes : nuque brisée, côtes enfoncées, membre fracturés. Ces deux corps, identifiés comme ceux de André Rozelande et Rajesh Ratna sont également en sous-vêtements. Les deux derniers corps sont retrouvés le lendemain quelques dizaines de mètres plus haut dans la ravine, plus profondément enfoncés dans la neige et baignant dans le torrent de fonte qui coule au fond de la combe. Ces corps sont correctement vêtus, les seuls à l'être. En revanche, ils sont particulièrement mutilés, puisqu'en sus des mêmes traumatismes que les deux précédents, leur langue et les yeux sont en partie manquant. Il s'agit de José Rimplaz et de Dewi Ratna.

Les constations de l'enquête préliminaire début février avait stipulé que les membres de l'expédition étaient décédés du fait d'une force spontanée et irresistible face à laquelle ils n'étaient pas en mesure de réagir. Je lis comme vous la presse et les réseaux sociaux, et je sais que cette conclusion a déchainé les passions, chacun proposant sa petite théorie abracadabrantesque, de la partie de chasse privée pour milliardaires au Yéti en passant par une bavure militaire ou des extra-terrestres. Je vous assure néanmoins que ces scenarii ne sont que des rêves fous, et qu'une explication rationnelle et cohérente a pu être donnée par les services du Municipe de Thibierioz. La voici :
  • Après avoir été surpris par le blizzard aux alentours de 15h30 alors qu'ils se trouvent sur le glacier, l'expédition s'efforce de rejoindre son bord avec de pouvoir bivouaquer en sécurité. Le glacier du Gonfaron et connu pour ses crevasses et être vivant, été comme hiver, c'est donc une décision cohérente. Ils y arrivent aux alentours de 18h, moment où ils montent la tente.
  • A 18h30, les alpinistes installés dans leur tente bien isolée se dévêtissent afin de faire sécher leurs affaires trempée par le blizzard. Il est en effet courant de procéder de la sorte afin de ne pas souffrir de l'humidité lors de la journée du lendemain. A ce moment la, le guide José Rimplaz et Dewi Ratna ne sont pas dans la tente mais assurent une tâche indéfinie à l'extérieur en amont de la tente.
  • A une heure indéterminée mais probablement avant 19h, ces deux personnes déclenchent ou son témoin du déclanchement d'une avalanche causée par la formation de grosses congères dues au blizzard en amont du glacier. Ils sont emportés par l'avalanche et sont les deux premières personnes à décédée. Leurs blessures traumatiques très impressionnantes sont dues à leur brassage par l'avalanche tandis que leurs blessures faciales sont post-mortem découlent simplement de la putréfaction accélérée de ces organes immergés dans le torrent de fonte qui coule au fond du vallon dans lequel l'avalanche les a enseveli.
  • Informées par les deux personnes à l'extérieur ou par le bruit, les sept autres personnes fuient alors en catastrophe leur tente en la déchirant. La décision de déchirer la tente reste sans explication formelle à ce stade, mais les hypothèses sont que les entrées peuvent être bloquées, la panique des alpinistes au milieu de la tente qui cherchent une issue, ou simplement la rapidité. Les alpinistes étant en train de manger à ce moment la, un opinel à la main, il leur a été facile d'éventrer le tissu. Voyant l'avalanche, ils fuient vers un bois 800m en contrebas afin de s'y protéger, les arbres pouvant "casser" l'effet d'une avalanche en fin de course. Ces probablement à cette occasion que certains ont essayé de grimper aux arbres, s'infligeant des blessures et coupures superficielles.
  • Une fois sur place, et l'épisode avalancheux semblant être passée, ces sept personnes se retrouvent dans une situation extrêmement précaire. Il fait -12°C, et le blizzard et la neige donne un ressenti très probablement largement sous les -20°C. Trois groupes se détachent alors afin de compléter différentes tâches. Il est impossible de savoir si cela a été fait concomitamment ou suite à un enchainement logique. Un premier groupe de trois personnes reprend la route du camp de base afin de retrouver la tente et récupérer les affaires qui s'y trouvent. Toutefois, en dehors du bois, le blizzard est encore plus fort, et avec la nuit déjà tombée, il semblerait que les trois personnes n'arrivent tout simplement pas à retrouver le chemin de la tente, leurs traces étant déjà effacées. Ils meurent tous très rapidement d'hypothermie sur le chemin. Un second groupe de deux personnes se dirige vers la combe où se trouvent déjà les deux premiers corps, sans qu'ils le sachent, et commencent la construction d'un abris avec des branchages. Cette combe est toutefois un fort couloir avalancheux, comme nous l'avons vu, et ils sont emportés par une seconde avalanche qui les tue. Les deux dernières personnes, blotties contre un feu qui ne les réchauffe probablement pas étant donné les températures extérieures, finissent également par rapidement décéder des suites d'une hypothermie sévère. Les traces de chaire dans les dents et les marques de morsures sont auto-infligées et résultent très probablement d'une ultime tentative de rester éveiller en se mordant.

Voici, mesdames et messieurs, les résultats finaux de l'enquête sur cette tragique catastrophe. En l'état, le parquet estime que rien ne fait l'objet ici d'une faute de nature à entrainer une poursuite pénale et que cela relève de l'accident de montagne. Les familles des victimes peuvent néanmoins toujours déposer plainte contre la société des guides de Tempier afin de les poursuivre au civil s'ils ne souhaitent. Je vais maintenant répondre à vos questions.
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