21/02/2015
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Drovolski Sylva Velsna - Fête de l'amour de l'occident

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C’est le grand jour. Le 13 janvier 2015 se tient la grande fête de l’amour occidental, substitut à une fête nationale inexistante, où les grandes puissances venues soutenir le Drovolski sont conviées à apprécier son hospitalité. Cette fête est l’occasion pour le gouvernement de gagner la sympathie du peuple et d’éviter toute forme de considération hostile aux préoccupations de ses alliés, d’abord par la présence de ces dits alliés et ensuite grâce à un programme chargé de manifestations glorieuses. Pour ce jour particulier, les pouvoirs exécutif et judiciaire consentent à accorder des libertés et des droits exceptionnels à toutes les parties prenantes. En effet, les Mesolvardiens pourront écouter de la musique, manger des mets savoureux et discuter librement avec leurs hôtes, à la condition expresse d’afficher un sourire et de louer de manière obséquieuse tout discours porté par nos alliés, même les remarques désobligeantes d’un Sylvois. La fête dure une journée et, pour l’organiser, un comité a été formé et des mesures exceptionnelles ont été prises. La plus symbolique reste la ventilation de la ville pour en extraire les polluants les plus nocifs. La fête est organisée en mouvements et en chapitres pour aider le peuple à savoir quand sourire et quand être admiratif.

Le matin du 13 janvier, après l’arrivée des délégations à Mesolvarde, une grande parade militaire est donnée. Les marins de Benodile, Velsniens comme Mesolvardiens, défilent sous une musique militaire sonore mais peu guerrière. Violons, cuivres et vents sont de mise pour asseoir la petite puissance du Drovolski. Puis, signalés par les percussions, contrebasses et cuivres annoncent la présentation de multiples missiles balistiques, si bien que la place IDICE 2 du secteur 1 du district central de Mesolvarde devient, l’espace d’un instant, une démonstration spectaculaire du budget alloué par les Mesolvardiens à la dissuasion. Ont-ils quelque chose de si précieux à protéger ? Peut-être pas leur pays, car qui voudrait d’une décharge minière à ciel ouvert ?

Après quelques mots d’accueil de la délégation mesolvardienne, des flûtes traversières et un chœur concluent la marche, interprétés par l’orchestre militaire de la Croix de Verbonal, la croix des soldats qui, le mois dernier, avaient bravé les automates de l’ancienne installation Kowalski. On peut déduire, aux larmes mal dissimulées, que ces militaires sont aujourd’hui moins nombreux qu’avant cette intervention. Même en interne, les conflits font des victimes. En grande difficulté pour cultiver autre chose que des pommes de terre, le Drovolski a produit des fleurs artificielles en verre plombé, que les Mesolvardiens déposent au pied d’une statue énigmatique en forme de marteau. La délégation déclare : « Cette statue, c’est notre union ; notre peuple vous salue de son plein gré et avec la liberté d’esprit si connue de mon pays. Je peux fièrement affirmer que vous êtes appréciés. » À la suite de ces mots, certains manifestants sont écartés par les services de pacification.

Un messager impérial annonce : « Ce chapitre vient de se terminer. Nous vous invitons à nous suivre pour la lecture des ouvrages sylvois. Ils seront lus à haute voix. »

C’est effectivement ce qui a lieu, mais plus en criant qu’en lisant vraiment à haute voix, comme si l’on voulait que ces ouvrages soient entendus à travers les murs. Cependant, devant une extase pour le moins sincère, on comprend que peu de gens avaient lu ces histoires. Les ouvrages captivent la population, bien que certains remarquent que le ton employé pourrait en déformer le sens. Est-ce pour autant un problème ? Une fois par an, écouter des histoires sans les critiquer est-il si dérangeant ? C’est en tout cas ce qu’ont souligné plusieurs ministres qui n’avaient, eux non plus, jamais écouté ni lu d’histoire. On réalise que la splendeur des armes velsiennes lors de la marche rivalisait avec la beauté des mots sylvois, un peuple lointain sachant écrire dans une langue qui n’a plus d’auteurs vivants.

La journée continue avec un spectacle de cirque un peu étrange, couvert de publicités pour la promotion d’Apex. Après une musique empruntée à un film de série B, commence une pièce de théâtre intitulée « Le malade pas du tout imaginaire », une pièce importée de Carnival, dont la morale est que la prévention excessive est la plus efficace et souhaitable. Il est difficile de ne pas y voir un lobby pro-médicaments, tant de nombreuses compagnies pharmaceutiques y sont citées :

- Monsieur le médecin, si vous me donnez un poison, qui de vous en sera le soigneur ?
- Chacun de nous possède un médicament pour venir à bout de tout symptôme.
- Monsieur le médecin, ces symptômes sont causés par vos solutions, en font-ils donc des problèmes ?
- Chacun de nous a, pour chaque médicament, un autre pour prévenir les maux précédents.
- Monsieur le médecin, j’avais mal à la tête, et je suis soigné. Ensuite, j’ai eu mal au cœur, puis au dos. Si bien qu’à présent, j’ai 22 maux pour une seule solution.
- Vous n’avez plus mal à la tête.
- Mais pourtant, vous me marchez sur la tête.


Ayant refusé ces soins avec trop d’humour, celui qui voulait raisonner finit par mourir, moqué par la mort :
- On vient de te soigner et tu continues à poser des questions jusqu’à refuser. Apprends que la critique de la médecine mène à la mort ; l’aveugle est mieux servi.

Difficile pour les hôtes d’adhérer à une telle morale, mais à la surprise générale, les Mesolvardiens ont applaudi et semblent avoir grandement apprécié la pièce. Les acteurs sont remerciés avec enthousiasme par la foule en liesse.

On comprend alors les publicités d’Apex, quand, après ce moment étrangement joyeux, un discours sur les intentions écologiques de pétro-aristocrates est prononcé. La plupart des Mesolvardiens, pour ne pas dire tous, ne semblent pas comprendre le sujet. « L’environnement », « La pollution est un problème », on devine que les véritables destinataires de cette propagande sont les hôtes, qui ne tardent pas à le saisir.

À midi, le grand buffet de fruits sylvois et de poissons fujiwans commence. Dans le réfectoire central, rempli à 100 % pour l’occasion, des centaines de plats particulièrement simples mais savoureux sont servis à tous et sans restriction. À leurs tables, les hôtes peuvent voir les ouvriers se régaler avec assiduité et les remercier avec une joie débordante pour ce cadeau. Le marquis prend la parole : « Chers amis, unités de production humaine et membres de cour. Saluez ce repas extraordinaire, en l’honneur de ceux qui vous l’ont offert, messieurs de Velsna et de Sylva, nos hôtes du jour. » Les invités sont encouragés à faire un petit discours. Les Mesolvardiens, peu habitués aux mets savoureux, sont conditionnés à apprécier leurs hôtes. Un cadeau si délicieux et une journée si extraordinaire illustrent le bienfait des politiques de l’Empereur.

À 14h, le comité invite les différentes délégations à visiter le prototype du LTE, un réacteur développé en coopération avec Sylva. La visite est rapide, et une brochure est distribuée à chacun. Un moment est également prévu pour les questions. Le réacteur est une version réduite à 10 % de la puissance annoncée, utilisant du Mox pour limiter sa taille et présentant quelques problèmes liés au plomb. Ce moment précède le lancement du lanceur Canivac, équipé d’un satellite, le VAC-Sat 9, capable de transmettre à longue distance avec une puissance équivalente à celle de cinq satellites précédents, bien qu’il soit monofonction.
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La Duchesse Alexandra Boisderose s'était déjà présenté à plusieurs invitations de ce genre, et elle fut surprise de constater que celle des mesolvardiens faisait partie des plus réussies, en égalité avec celle de l'Arche. Les efforts étaient là et visible non pas seulement dans la démonstration des moyens déployés, mais aussi dans le choix des animations avec une véritable recherche de flatterie pour les invités. Le repas était largement convenable pour les sylvoises, qui se laissèrent tenter avant tout par le poisson du Fujiwa dont elles avaient moins l'habitude que les fruits venant de chez elles. Bernadette Vougier, présidente et membre du mouvement collectiviste était tout de même sacrément mal à l'aise. "Unité de production humaine", elle qui militait pour la collectivisation des moyens de production par les travailleurs, était-elle réellement à une rencontre où ces derniers étaient réduits à l'état d'outils ? Les réalités géostratégiques impliquaient certes quelques concessions et hypocrisie, mais à ce point ? L'industrie de Sylva avait-elle besoin de minerais au point de directement dépendre d'une dystopie déshumanisante ? Alexandra était-elle bien plus stoïque : "c'est comme ça", les mesolvardiens fonctionnent ainsi et ce n'étaient pas les seuls. Chloé s'en fichait royalement et s'intéressait uniquement à la fusée, chose qu'elle regretta presque en constatant l'engin et en se rappelant des taux d'échec ici et de la nature des combustibles employés. "Espérons que le vent ne nous envoie pas des restes d'acides nitriques".

Vint le moment des discours, où Chloé et Matilde se tournèrent vers Alexandra et Bernadette, faisant comprendre qu'elles seront les seules à assumer cette charge. Alexandra avait prévu quelque chose, mais l'avait oublié, et Bernadette n'avait tout simplement rien préparé pour sa part, étant la première rencontre de ce genre à laquelle elle assistait. Les deux étaient heureusement des politiciennes suffisamment aguerries pour improviser. C'est la Duchesse qui commença :

"Bonjour à toutes et à tous, je suis particulièrement émue de cet évènement qui témoigne de la proximité entre nos peuples, de la détermination mesolvardienne à nous accueillir du mieux qui soit, et de la complémentarité de nos nations que l'on constate maintenant même. Cette amitié est amenée à durer, de par la proximité de nos peuples et la concordance de nos intérêts géostratégiques. Dans un monde toujours troublé avec des menaces qui se multiplient, le Duché a besoin de partenaires de confiance et saura rendre la pareille. Si la moindre menace venait à émerger à l'encontre de Drovolski, nous serons là au plus vite, et ferons notre possible pour l'étouffer dans l'œuf avant même qu'elle ne se mette en application."

Il n'y avait pas à être particulièrement informée des actualités pour voir quel point en particulier abordait la Duchesse. Bernadette vint à son tour, avec un manque d'aisance qu'elle cachait derrière une apparente confiance :

"C'est un honneur de voir l'amitié que nous porte le peuple mésolvardien, honneur que j'espère pouvoir vous rendre. Vous êtes travailleurs et dévoués et je ne peux qu'espérer, qu'après une telle démonstration, vous puissiez goutter aujourd'hui comme demain aux fruits de vos efforts. Au nom de Sylva et en qualité de présidente, je peux vous promettre que nous ferons tout notre possible pour vous tirer vers le haut, de la même manière que vous nous aider à gravir les difficultés industrielles rencontrées."

C'était quelque peu niais, trouva Matilde, mais ça allait.
À leurs mots, sans pour autant que ce soit une tradition pour des étrangers, toutes les unités de production humaine firent un signe de révérence et dirent de manière synchronisée mais dans un vieux dialecte : « Plesure d’outre-mur, pesure. » Une vieille locution en ancien mesolvardien, utilisée pour honorer les nobles de l’outre-mur, la plus ancienne façon de s'adresser aux étrangers. Ils reprirent leur place de manière moins protocolaire, se précipitant pour retourner à leurs assiettes, qui ce jour-là étaient remplies d’aliments colorés et savoureux.

Le marquit s’adressa alors à la délégation de Sylva : « C’est une vieille façon de remercier l’outre-mur, une expression qui signifie, pour les Mesolvardiens, que vous êtes considérés comme de très proches alliés. Vous êtes aux portes de Mesolvardes. Je ne connais pas d’honneur plus grand. » Puis, se tournant vers les Velsniens, il ajouta : « Je pense que c’est à votre tour. N’ayez aucune crainte, votre soutien à Bénodile est connu de tous. » Il laissa alors la place aux membres de la délégation velsnienne.
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Cela faisait désormais presque un an que Velsna et Drovolski partageaient bien des choses. Est-ce que tout velsnien qui voyait le « pays gris » de ses yeux l’assimilerait à une tyrannie ? Oui. Était-ce de l’intérêt des velsniens de le faire ? Certainement pas. La cité sur l’eau n’était pas donneuse de leçon à partir du moment où la tyrannie s’exerçait ailleurs que chez elle ou ne s’en prenait pas à elle. Chaque personne en son royaume. D’autant que ces considérations morales, déjà peu priorisées par ces derniers, étaient désormais alourdies du poids du commerce et de la politique. Le commerce entre Drovolski et Velsna était non seulement profitable, mais les relations entre les deux pays étaient d’autant plus importantes que le pays se trouvait au cœur d’un nœud de communication primordiale pour les cargos de la cité, qui passaient ainsi de la Manche Blanche à la Mer de Blême sans avoir à utiliser les canaux théodosiens et onédiens en Leucytalée. Et c’était sans compter la présence militaire désormais permanente de la « Classis III », la principale flotte velsnienne basée en orient et gardant l’entrée de cet espace convoité.

Ainsi, la Grande République avait fait l’envoi des deux velsniens les plus intéressés par la géopolitique de cette lointaine Eurysie de l’est. En premier lieu, l’estimé et élégant Mattia Mascola, désormais chef de toutes les ambassades des nations non alignées d’un secteur allant de l’Hotsaline à Drovolski. Par le nombre de pays concernés par ses attributions, Mascola était l’un des sénateurs les plus puissants parmi tous ceux dirigeant des secteurs d’ambassade. A son bras, le vieil homme avait à ses côtés une quarantenaire en uniforme de la Marineria : la sénatrice-Amiragglio de la Classis III Francesca DiSaltis. Ainsi, dans le secteur, Mascola ordonnait, et DiSaltis faisait. On dit que contrairement à beaucoup de sénateurs se livrant des rivalités sans merci, ces deux là étaient très complémentaires et de bons associés, se vouant un respect mutuel et une relation de travail cordiale. A l’origine, cette petite délégation devait également compter l’ambassadeur Toni Herdonia, en raison de la présence des sylvois. Mais il se pourrait que celui-ci ait eu quelques problèmes entre temps.

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Mattia Mascola, le suave sénateur

Quelle fut la réaction des deux sénateurs au début de ces célébrations ? Difficile à dire : étrange est le bon mot, une étrangeté qui allait crescendo au fil des spectacles donnés aux invités. Au début, toute cette attention était de l’avis des deux représentants un peu à l’écart, somme toute assez bienvenue. L’orchestre de cuivres était magnifique, le buffet excellent (ce n’était ni de la pomme de terre ni de la bouillie de céréales) et la statue dévoilée sous ce beau drap de satin était magnifique (quoique que sa signification ne correspondait pas vraiment à ce que les velsniens avaient retenu de Drovolski).
Le stade de la gêne fut atteint lorsqu’une pièce de théâtre se déroula sous leurs yeux une pièce de théâtre dont les premières répliques étaient fort charmantes, mais qui…sonnait bizarrement. En plein durant la représentation, l’Amirraglio se tourna vers son confrère :
- Est-ce qu’on est en train de regarder une pub ?
L’ambassadeur Mascola lui fit un signe de la main, signifiant de temporiser.

Et le fameux discours arriva…ce que l’Amiragglio DiSaltis voulait absolument éviter. Lorsqu’on la réclama, celle-ci recula d’un pas, visiblement gênée, et naturellement, c’est vers Mascola que se sont davantage tourner les regards. Celui-ci s’avança et fit entendre une voix suave, celle d’un diplomate (hrp : tu vois la VF de Qui Gon Jin dans la Menace Famtôme) :
- Mesdames, messieurs, hôtes estimés qui nous avez accueilli en votre sein avec une immense générosité. Vous ne vous rendez peut-être pas compte, d’à quel point nous avons été attentifs aux détails de chacun de vos gestes généreux.

On dit souvent à Velsna que le commerce, c’est un peu le réseau sanguin de l’humanité. Un tel a besoin d’un bien mais n’en a pas, un tel autre dispose de ce bien en trop grande quantité et n’en a que faire. Et c’est souvent ainsi que débutent les grandes amitiés : par le besoin mutuel, qui se transforme progressivement en affection et en respect. C’est ainsi que velsniens et citoyens de votre nation sont entrés en contact : avec l’honnêteté de se dire la raison pour laquelle l’un appelait l’autre. La franchise et le respect mutuel, voilà les deux seuls ingrédients qui transforment un partenariat commercial en véritable contrat de confiance. Que dis-je..en amitié.

Aussi je vous le dis, à tous les membres de votre gouvernement, que les portes de Velsna vous seront toujours ouvertes en tout temps et en tout lieu. Puisse cette amitié vivre de longs jours, et Drovolski rester un phare du négoce certes, mais également indépendante, libre de ses mouvements et de ses propres choix politiques. Car c’est bien là un privilège que trop peu de nations possèdent et qui doit être chérit. Le commerce, oui, la dépendance et l’avilissement, non.

Vive le commerce, vive les ingénieurs du nucléaire de Drovolski, et vive le blé velsnien. Je vous remercie.


L’élégant velsnien retourna auprès de sa consœur, et celui-ci pensait avoir réussi son discours. Il observait alors les ambassadeurs sylvois, également présents. Peut-être cette fête serait également le moment opportun de venir les quérir de sujets importants…
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C’est sans protocole ni même formalités que les unités de production humaine s’agitèrent, cherchant à remercier ce beau discours, bien qu’un peu compliqué pour ces simples ouvriers. Pas forcément très bien formés, mais suffisamment clairs pour être compris, ils s’exclamèrent dans la langue de Velsna : « Gloire au protecteur ! » Il était difficile pour quiconque d’y voir autre chose qu’un soutien unanime.

Ce fut ensuite au tour du marquit de reprendre la parole et de formuler quelques propositions :

« Nous avons bien mangé, et je pense que ce petit moment de communication avec les unités de production a été efficace, un moyen pour mon gouvernement, mais aussi pour les vôtres, de s’assurer les ouvriers les plus corvéables. Cela étant dit, je vous propose de poursuivre notre fête dans une sphère plus politique, par la visite, comme annoncé, du complexe LHV. »

Sans opposition, les délégations se dirigèrent vers le LHV en trolaybus. Pour ce jour particulier, il était possible de voir le ciel et à plus de 20 mètres de distance sans grande difficulté. On pouvait constater un effort notable de la part de l’Empire, qui avait renoncé, le temps de la fête, à sa constante tradition d’une pollution omniprésente.

Le trajet fut de courte durée, traversant la place INDICE 2 et l’avenue N°23, passant par les secteurs 1, 32, puis 86 pour atteindre le LHV. Les sujets qui allaient y être abordés, ainsi que les éléments présentés, visaient un rayonnement et un partage. Comme l’avait si justement évoqué Mascola, le Drovolski peut louer ses ingénieurs nucléaires.  Il était difficile pour quiconque de ne pas remarquer le contraste saisissant entre la ville et le LHV. Ce bâtiment, marbré, couvert d’ornements et de luxe, entièrement vitré, affichait un modernisme tout à fait étranger au Drovolski. Oui, le LHV était riche, et il semblait vouloir le montrer.

Une fois la porte du bâtiment ouverte, un membre de la cour prit la parole :

« Chers amis, la Couronne vous honore par cette visite et souhaite vous exprimer la plus sincère prévenance en vous offrant la possibilité de choisir, librement, les sujets et éléments que vous souhaiteriez découvrir et discuter. »

Lâchant un temps aux délégations pour répondre, celles-ci s’avancèrent vers le SAS pour entamer les visites. Quand, soudain, à la surprise générale, tous les ingénieurs et membres de la cour s’inclinèrent brusquement.

Henri Ventafalle, le patriarche des lieux, sortit de l’ascenseur central et s’exprima :

« Chers Sylvois, c’est un honneur pour moi de vous rencontrer enfin. Trop de difficultés avec nos intermédiaires respectifs ont empêché cela jusqu’à aujourd’hui. Je vous honore de ma présence et espère célébrer un moment agréable avec vous. Le prototype du LTE est terminé, les étapes d’industrialisation dans votre pays vont pouvoir débuter, et je pense qu’en discuter est essentiel. Vous trouverez, en effet, rarement quelqu’un d’aussi influent que moi dans ce pays, hormis notre illustre Empereur, qui ne daigne même pas quitter son fichu palais, même pour une telle occasion. »

Puis, s’adressant au marquit, qui resta sans réponse :

« J’espère que vous avez prévu d’emmener ces personnalités de haut rang à la salle du Tribunal central, histoire qu’on puisse au moins confirmer publiquement que l’Empereur existe vraiment ! »

Enfin, avec un regard et un ton de vieux grand-père, Henri se tourna vers les Velsniens :

« Mes idoles, c’est avec bonheur que j’apprécie ma position de gérontocrate en vous sachant à nos côtés. Si un allié est aimé pour son modèle politique, c’est bien vous. Vous concernant, je souhaiterais discuter de l’avancement de la construction des réacteurs que vous nous avez commandés, en en visitant un. »

En réalité, le chef des lieux avait déjà décidé des visites : le prototype du LTE, pour discuter des projets avec les Sylvois, et un Mesol-1900, pour faire le point avec les Velsniens sur l’avancement des travaux. Ces visites étaient des moments opportuns pour chacun d’exposer ses doléances. Les Mesol étaient construits à un tiers, et le LTE en phase d’industrialisation. Il leur accorda un moment de silence, son regard bienveillant parcourant l'assemblée, pour permettre à ses invités de formuler leurs réponses.
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Les velsniens se remettaient de cette acclamation, mais pour l'amiragglio DiSaltis, qui ne connaissait finalement que peu cette nation, bien que sa flotte y stationne, cela provoquait une certaine gêne dont elle fit rapidement part au suave Mascola:
[b]- Des unités de production humaine ? C'est quoi cette histoire ?


Si Velsna n'était pas la dernière à faire de l'exploitation humaine un art de vivre, la manière décomplexée dont leurs hôtes abordaient la question était particulièrement inconfortable. Il y avait chez les velsniens l'illusion que l 'adhésion au salariat était une action de libre-arbitre. On ne parlait jamais des ouvriers en ces termes dans la cité sur l'eau, ne serait-ce que parce que le citoyen velsnien est un homme libre faisant partie d'un corps civique et non un esclave (malgré le paradoxe que cela soulève en réalité au vu du modèle économique qui y est en vigueur). Quiconque aurait fait cela serait taxé de tyrannie dans la seconde. Mais Mascola répondit laconiquement, de peur que les gens du pays gris puissent l'entendre.
- C'est une longue histoire, ma consœur. On en discutera plus tard. Joue le jeu et garde ta rancœur.

Mascola répondit de suite aux hommes de Drovolski avec un enthousiasme surjoué:
- Oui en effet, ce repas était excellent, digne des meilleurs restaurateurs de Velsna.

La délégation suivait les hôtes au pas à travers les dorures de LHV, que l'on aurait ben confondu avec un autre pays. Les velsniens s'effaçaient quelque peu par politesse lorsqu'on parlait à leurs homologues sylvois, à qui ils n'ont pas encore adressé la parole, n'en ayant pas eu l'occasion jusqu'à présent. Mais Mascola était toujours présent, même lorsque celui-ci ne parlait point. Peut-être un charisme naturel. Ce dernier ne ressemblait pas à l'image que l'on se faisait habituellement des sénateurs velsniens, pour beaucoup motivés dans leurs fonctions par des considérations politiques et des ambitions personnelles. Mattia Mascola a été élu sénateur par un hasard du destin une vingtaine d'années auparavant, qui lui a permis de demander un poste où il a pu exprimer sa véritable ambition: la découverte des contrées étrangères et des lieux différents de ceux que ce fils d'aristocrate connaissait. De l'Eurysie de l'est dont il était l’ambassadeur, il avait visité beaucoup d'endroits. Et de tous, c'était là le plus étrange sans aucun doute. Représenter le gouvernement velsnien était donc perçu par lui-même comme...une sorte de corvée lui permettant de s'éterniser en ces lieux.

Lorsque Ventafalle vint à eux, l’élégant sénateur s'inclina bien bas là où sa consœur esquissa une salutation timide. Des deux parlementaires, indéniablement, il maîtrisait mieux les codes et les mœurs, et celui-ci répondit à la flatterie par la flatterie:
- C'est un honneur d'entendre pareille chose de votre part, excellence. L’accueil qui nous a été réservé est magistral, il va sans dire. Je ferai part au Sénat des Mille de votre demande, mais c'est bien entendu par pure procédure. Ce sera accepté sans aucun doute. Mais j'ai ouïe dire que les "unités de production humaines" avec qui les ingénieurs velsniens travaillent font un travail exceptionnel. Le gouvernement communal est satisfait de ses partenaires, et je puis vous dire que ces excellences sont fortes exigences, et ne font pas ce genre d'affirmation à la légère.[/b]
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