L'initiative n'avait, pour l'heure encore, rien d'officiel, mais les rumeurs allaient bon train concernant les « critères de Norja », et si celles-ci se confirmaient quant à la nature desdits critères, il était clair que jamais l'Hotsaline, sous son gouvernement actuel, ne pourrait s'y conformer. Le Ministère de la Transition Démocratique et de l'Intégration Continentale, dirigé justement par Elena Vasylenko, faisait certes beaucoup d'effort pour conformer l'Hotsaline à un certain idéal de démocratie, notamment par la lutte contre la corruption, le développement de la transparence, ou encore la veille constitutionnelle afin de limiter l'accaparement des pouvoirs. Il faut dire que le despotisme du régime d'état d'urgence Leonid Kravchuk en avait traumatisé plus d'un au sein du nouveau gouvernement. Mais le Front de la Liberté, bien que premier parti représenté à la Rada, était loin d'être majoritaire au sein de la coalition du Conseil. Pour la plupart des partis composant la majorité de gouvernement, l'adoption d'un droit universel était proprement inacceptable. La question du droit, et notamment de la mise en adéquation du nationalisme ethnique de ces formations politiques avec l'État de droit, avait déjà été discutée, et un consensus avait été trouvé autour d'un État de droit populaire excluant les individus allogènes outrepassant les frontières du pays. Le processus d'adhésion « à la tête du client » de l'OND laissait jusqu'alors toutes ses chances à l'Hotsaline et à la Kresetchnie d'en faire partie, mais face à la perspective d'une formalisation des critères d'adhésion en de pareils termes, les rêves onédiens d'Elena Vasylenko s'envolaient en fumée.
Qu'à cela ne tienne. Si la bobine onédienne avait été déroulée jusqu'au bout, la nature composite du Conseil de Réclamation Nationale lui permettait de danser sur plus d'un pied à la fois. Le récent changement de présidence marquait l'opportunité pour les franges identitaires et nationalistes du Conseil de jouer à leur tour leur carte à l'internationale. Jusqu'alors, la géopolitique eurysienne n'avait guère été propice à l'expression de cet aspect du gouvernement hotsalien sur la scène diplomatique, pour la simple raison que les interlocuteurs crédibles représentant un intérêt pour l'Hotsaline se faisaient rares. Le dernier exemple en date était la création de C.I.T.A.D.E.L, dont le préambule même de la charte puait déjà très fort la naphtaline. La fondation du Bloc Nationaliste Eurysien, qui l'avait suivie de peu, avait en revanche éveillé la curiosité d'une partie du gouvernement hotsalien, bien que la tentative de prise de contact envoyée par Boris Slobodyan soit restée lettre morte. Parmi les membres de cette organisation figurait notamment le Saint Empire Menkelt, qui intéressait particulièrement les têtes pensantes du parti Renaissance. La doctrine idéologique de la monarchie impériale celte, théorisée sous le nom d'archéotraditionalisme, rompait avec la position réactionnaire débile affichée par bons nombres de régimes réactionnaires et de monarchies dégénérées d'Eurysie, qui considéraient leur héritage culturel et racial non pas comme des racines vivantes et mobiles sur lesquelles s'appuyer pour faire croître un arbre plus grand, mais comme un tableau figé et poussiéreux qu'il fallait préserver des agressions de la « modernité » comme on protège l'urne contenant les cendres de sa grand-mère. La fibre futuriste du régime menkien témoignait au contraire d'une vision qui se trouvait davantage en accord avec le compromis libéral-identitaire hotsalien. Restait à déterminer l'importance qu'occupait la dimension ethno-raciale dans la doctrine portée par le gouvernement menkien, et qui permettrait peut-être de faire souffler un vent nouveau sur une Eurysie pour l'heure dominée par les croisés de la social-démocratie universaliste, les régimes réactionnaires frileux et sclérosés, et les tyrannies marxistes.
Stepan Levchenko
Président du Conseil de Réclamation Nationale de la République d'Hotsaline
Ministre de la Jeunesse et de l'Éducation de l'État de Réclamation Nationale d'Hotsaline
Président de Renaissance