L'industrie artistique kinagienne est, et ce tout au long de son histoire, assez représentative des évolutions et des changements sociétaux et politiques qui ont rythmé la ville de l'île depuis son indépendance vis-à-vis du Fujiwa. Durant le Régime des Vimalais la production artistique était faible et concentré, comme tous les secteurs de productions, dans les mains de la communauté dominante. De ce fait beaucoup des œuvres culturelles qui ont été produites pendant cette période étaient peu représentatives de la réalité de la majorité de la population. Les grandes productions cinématographiques réalisés sur l'île entre 1930 et 1990 mettaient principalement en avant le quotidien et la réalité sociale des riches familles vimalaises et ce dans un carcan fantasmée qui mettait totalement de coté les souffrances et l'oppression que subissaient la majorité de la population. Aujourd'hui ces œuvres cinématographiques sont surtout étudiés politiquement et sociologiquement pour comprendre la représentation idéologie qu'un régime ségrégationniste se fait de lui-même, la qualité des plans ou la beautés des proses passent au second plan, d'autant plus que la plupart de ces productions étaient particulièrement influencés par les mouvements artistiques fujiwans au point d'en être parfois des plagiats complets.
C'est paradoxalement la guerre qui fera advenir la première vague de cinéastes indépendants kinagiens. Le PPB a ouvert dès les premières années de la guerre une unité de propagande dont l'objectif était de filmer l'oppression des Hufus et des Aborigènes, documenter et diffuser les progrès des forces révolutionnaires et accompagner les efforts de recrutements des guérilleros. Des individus, principalement indigènes, n'ayant jamais eu l'occasion d'avoir accès à du matériel cinématographique ont pu mettre la main sur des caméras et de nombreux outils de productions récupérés lors de collectivisations forcées dans les zones de combats ou envoyée par l'aide révolutionnaire internationale. Ces nouveaux réalisateurs, qui n'avaient comme culture cinématographique que des productions Vimalaises, ont eu comme reflex inné de s'écarter le plus possible des recettes établies par le cinéma kinagien de cette époque. Il fallait marqué jusque dans la mise-en-scène l'opposition idéologique entre le monde d'avant représenté par la domination ségrégationniste des Vimalais et la Révolution qui entrainerait par essence une société juste, égale et pure où le peuple se débarrassera de ses chaines. Si le cinéma "traditionnel" utilisait principalement le plan taille et le plan pied, le cinéma révolutionnaire devait lui filmer son sujet en gros plan, pour montrer l'émotion et l'humanité de l'opprimé, avec une contre plongé pour accentuer sa grandeur et sa volonté de révolte. Isaiah Sidari fut le grand théoricien de ce nouveau cinéma révolutionnaire, il coordonna pendant toute la guerre la production cinématographique du PBB, parcourant la jungle pour documenter la guérilla, dénicher des talents et confier des directives aux réalisateurs de l'unité de propagande. Sidari accoucha de son chef d'oeuvre en 1983, Daun Kebebasan (Les Feuilles de la Liberté), un film documentaire de 3h, composé de successions d'interviews de combattants, de cadres du PBB ou de simples civils aborigènes et qui fait office de manifeste artistique du mouvement cinématographique révolutionnaire.

Daun Kebebasan (1983) - Isaiah Sidari