La perspective qu'offre la terrasse du Pavillon septentrional de l'Université Ibn Sina s'ouvre sur les jardins agrémentés de couleurs et de motifs géométriques. Au coeur d'Agatharchidès, ce complexe architectural du XVIIème siècle, construit pour accueillir l'université sultanale dédiée à l'étude des sciences naturelles, est le lieu qu'a choisi le Diwan pour organiser la rencontre tant attendue avec les honorables représentantes des nations icamiennes et jashuriennes. Derrière les arcades ouvragées, les arbres ornementaux remarquablement acclimatés - manguiers, pêchers, jacarandas, tamaris, sycomores - se cachent les bibliothèques silencieuses et les parcelles expérimentales où s'alignent les variétés innombrables d'espèces cultivées ; des blés de toute taille, des millets aux reflets bruns et dorés, des légumes, des fleurs : tulipes ornementales, crocus à safran, roses pour la production d'essences parfumées. Par intermittences, l'arrosage automatique d'un dispositif d'irrigation méticuleux et automatisé fait retentir ses petits coups secs à travers les jardins. De loin en loin se reflète l'aveuglante lumière du soleil sur les toitures cristallines de serres expérimentales, sous lesquelles chaleur et humidité sont contrôlées pour la croissance de plantes merveilleusement étonnantes. L'Institut Botanique, l'une des plus vieilles institutions de recherche de l'Azur, fondé en 1631 par le Sultan Sélim III, est un joyau historique autant qu'un des centres de recherche les plus avancés en matière de biologie végétale, d'agronomie, de biologie moléculaire et d'étude du génome. Aujourd'hui intégré au centre universitaire Ibn Sina, l'Institut Botanique n'en est pas moins l'une, sinon la plus prestigieuse institution du pays en matière d'étude. Après une visite officielle accueillie avec calme et enthousiasme, les hôtes du Califat constitutionnel furent invitées à se retirer au Pavillon septentrional de l'Institut afin de se pencher sur la question d'un traité de coopération scientifique trilatéral.
Que la Paix soit sur vous, et la miséricorde de Dieu, et Sa bénédiction.
Madame la Seconde Ambassadrice Sumalee Saeloo,
Madame l'Ambassadrice Mariko Tatsushiro,
Excellences,
Nous vous remercions d'avoir accepté de recevoir la présente missive rédigée au nom de mon maître, Son Altesse Sémillante le Khalife Kubilay ibn Sayyid, pour cette invitation à une discussion commune. En son nom, ainsi qu'au nom du Diwan et de l'ensemble de la nation azuréenne, je souhaite d'ores et déjà la bienvenue à vos délégations et formule le voeu que vous trouverez pendant ce séjour le calme et l'intérêt que nous espérons susciter en vous.
Nos gouvernements ont déjà échangé, lors de précédentes interactions, au sujet de l'opportunité d'un rapprochement dans le but d'approfondir la coopération scientifique. Il est temps de concrétiser ce projet. Nous espérons recueillir vos réflexions et mener ici jusqu'à son terme la discussion pour l'établissement d'un accord digne de ce nom. J'ai donc rassemblé ici quelques humbles points spécifiques que l'Azur voudrait voir figurer dans un tel accord, afin de donner un corps à la coopération scientifique et universitaire entre nos pays. Je les liste et les présente ici, dans le but de structurer notre discussion et d'ouvrir des pistes de réflexion pour la discussion. Nous sommes très attentifs aux autres points que nous aurions oublié d'aborder ici, dans cette première missive, et que vous jugeriez pertinents d'apporter à la table commune. Nous sommes également en attente de vos remarques, modifications, commentaires éventuels, pour aller vers la rédaction d'un accord qui nous satisfasse toutes et tous pleinement.
1 - Facilitation des échanges académiques
Nous proposons de faciliter les transferts d'étudiants et de personnels de recherche entre les universités de nos trois pays. Cela impliquerait notamment (1) une facilitation de la mobilité, par un accès facile et inconditionnel à un visa pour les étudiants d'un pays inscrits dans une université d'un autre pays membre de l'accord, et pourquoi pas, par l'octroi d'un passeport premium aux scientifiques, leur garantissant la libre circulation et le libre exercice de leur mission de recherche d'un pays à l'autre ; (2) une suppression de tous les frais financiers et des conditions administratives supplémentaires pour les étudiants ressortissants des pays membres de l'accord, de manière à ce que ne soit jamais discriminé un étudiant postulant dans une université d'outre-océan par rapport aux étudiants locaux ; (3) la création d'un système de bourse d'études permettant aux étudiants étrangers qui manquent de moyens d'accéder à l'université, par une aide financière calculée sur la base de leurs ressources, quel que soit leur pays d'origine tant que celui-ci est membre de l'accord.
2 - Projets universitaires communs
Nous proposons de créer des projets de recherche transnationaux entre nos pays, sur lesquels les chercheurs pourraient s'associer au-delà des frontières, et mobiliser tous les moyens techniques, administratifs et publics à leur disposition pour multiplier leur prolificité intellectuelle. Très concrètement, nous proposons qu'une poignée de sujets fasse l'objet d'une coopération entre les chercheurs de nos trois pays. A ce stade, nous identifions trois sujets qui pourraient être investigués d'un même front :
- la recherche contre le cancer du sein, fléau qui est l'une des premières causes de mortalité féminine ici en Azur et dont nous constatons avec désespoir l'incapacité actuelle de nos services de santé à offrir un traitement véritablement efficace.
- la recherche pour de nouvelles variétés agricoles, afin de sortir de la dépendance aux intrants chimiques et de proposer aux agriculteurs des variétés productives, résistantes, économes en eau, adaptées aux contraintes de l'agriculture moderne et capable de nourrir la population mondiale dans un contexte de raréfaction des ressources.
- la recherche pour l'ingénieurie climatique, afin d'explorer les possibilités de déclencher la pluie, de renforcer l'albédo planétaire, et de freiner les perturbations du système atmosphérique générées par le réchauffement climatique.
3 - Cadre de protection des technologies commun
A ce jour, il n'existe pas de convention internationale pour la protection de la propriété intellectuelle, en particulier des brevets technologiques. Nous savons que de nombreuses puissances internationales se livrent à l'espionnage et au pillage des connaissances scientifiques au profit d'Etats ou d'entreprises peu scrupuleux, au détriment des chercheurs et du modèle de l'université publique. Il y a donc, à notre avis, un véritable besoin pour créer à travers cet accord un cadre pour reconnaître et délimiter la protection des brevets technologiques. Nous pourrions ainsi garantir collectivement (1) l'équité de tous les inventeurs de nos pays respectifs pour obtenir la propriété intellectuelle sur leurs inventions ; (2) le principe de priorité, du secret industriel, et des autres clauses qui protègent les inventeurs contre les contrefaçons et les abus.
J'espère que ces quelques points contiennent à vos yeux des motifs d'intérêt pour un tel accord. Je vous prie de me faire savoir votre avis propre, et la manière dont vous envisagez à terme la conclusion d'un accord sur cette base.
Ministre des Affaires étrangères
12.03.2015