11/05/2017
16:10:00
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Palais des Directeurs / RP officieux

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C'est ici ou se réunissent les directeurs et ou l'U.C.C.N (équivalent de la Compagnies des Indes Orientales) vivra ses derniers jours et ou les directeurs, les chefs de partis, l'Impératrice et parfois meme l'Empereur discuteront en face à face... La présence d'agents étrangers, quoique rare, peut aussi etre envisagé par les joueurs (si j'y donne mon accord).
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Petite description du Palais des Directeurs.

Vous vous en doutez, la situation au Nazum Antérinien est quelque peu complexe, d’abord, les « indigènes » qui sont plein d’espoir quant à l’avenir suite aux déclarations du Premier Ministre de la Geauce, en effet, ces derniers vont pouvoir se sentir réellement représentés au niveau local, et vont enfin pouvoir faire savoir à la « Métropole » que la P.A.N.A a des intérêts et des objectifs qui lui sont propres, et ce grâce et surtout au soutien des eurydescendants, tout aussi exploités que les wans (?) (j’ai cru comprendre que le coin était la terre d’origine du peuple wanmirien) qui souhaitent voir leurs conditions de vie s’améliorer… Mais d’un autre coté, les élites locales, chefs des grandes firmes vassales de l’ex Union des Compagnies Commerciales Nazuméennes, veulent conserver le pouvoir, à commencer par les Directeurs vivants dans ce vaste palais (qui sert d’organe décisionnaire à l’échelle provinciale). Ainsi, une lutte de pouvoir s’engagera entre les uns et les autres, d’abord entre les Directeurs soutenus par les grandes firmes locales et les locaux (indigènes et eurydescendants) puis (si c’est drôle à RP) entre les gagnants, même si, rassurez-vous, une guerre d’indépendance est peu probable, d’abord car il y a des liens culturels forts entre la « Métropole » et la P.A.N.A, ensuite, car des liens économiques existent, et il faut bien l’avouer, ce serait bete de perdre son premier client qui en plus d’acheter à des prix élevés, fournit quelques (dizaines) de milliards d’aides au développement, permettant de rattraper les inégalités entre la colonie et le reste de l’Empire. Mais bref, là n’est pas le sujet, je présenterai ici le pivot central de cette lutte de pouvoir entre les Directeurs et le Peuple ; le Palais des Directeurs !

Ce palais fut construit en 1412, après la découverte de la Jashurie Orientale par des Marchands Antériniens, et le rachat de ce petit bout de terre à un Maharadja / Nabab local, il sera donc le point de départ de ce que l’on nommera l’Union des Compagnies Commerciales Nazuméennes. Ce palais, voulu au départ comme une plaque tournante du commerce entre l’Eurysie et le Nazum, se transforma bien vite en un immense bâtiment aux fonctions hétéroclites, à la fois équivalent de mairie, de hall aux épices, de centre diplomatique et de banque ! Il fut décidé en 1515 de rénover le bâtiment, déjà trop petit et surtout de le limiter à des fonctions administratives, ainsi, la gestion de la ville fut confiée à la Mairie, bâtie à ce même moment, une bourse fut construite… Ainsi, c’est à partir de ce moment là que le Palais devient un centre décisionnaire exclusif, qui concernera toute la colonie. Les différents directeurs qui se succédèrent réussirent à embellir le bâtiment en le dotant de magnifiques fenêtres et d’une multitude de tapisseries (présents des Maharadjas) et de magnifiques tableaux, dons de quelques artistes remerciant ainsi leurs mécènes. Le palais quant à lui est assez vaste, trop même, suite à sa reconstruction après sa destruction suite à un assaut de la S.T.O.C (rivale historique de l’U.C.C.N), Ainsi en 1780, le palais n’a rien à envier aux plus beaux établissements princiers, bourgeois et aristocratiques des meilleurs quartiers d’Antrania, de magnifiques chambres et de gigantesques salons aux boudoirs formidablement bien agencés… Et jusqu’à la fin du XXe siècle, le palais ne connut aucune rénovation majeure.

Ainsi pour ce R.P ouvert à tous (tant que c’est cohérent avec vos R.P respectifs) et selon ce que vous faites, il serait plus judicieux de le situer dans certaines pièces qui s’y prêtent, voici quelques exemples :

-Les boudoirs, ils ne concernent que les petites conversations entre amis, il peut y avoir un représentant de je ne sais quel pays qui peut discuter avec un homologue antérinien en lui promettant son soutien et un apport matériel (par exemple), généralement ces conversations n’ont pas toujours d’impact et n’influenceront pas forcément mon R.P avec les directeurs. Néanmoins la conversation peut être entendue, c’est avant tout un lieu publique et des oreille indiscrètes rodent…

-Les Grands salons sont quant à eux les sites ou les rencontres et des décisions officielles sont prises, ainsi, ce qui s’y passe peut directement taché l’image de votre pays auprès de l’élite locale/ et vous attiré les sympathies des soutiens du peuple et inversement. Néanmoins soyez prudent avec ce que vous faites, des missives acerbes pourraient voir le jour à cause d’une déclaration plus ou moins forte…

-Les chambres, c’est ici ou peuvent avoir lieu des conversations sans grands intérêts, quelques négociations secrètes, elles permettent cette fois-ci de conserver une certaine intimité, les risques qu’une conversation intéressante pour l’une des deux parties soit surprise sont quasi nuls (nous ne sommes pas en Loduarie).

Sur ce bon jeu à tous, j’aimerais néanmoins que vous puissiez présenter rapidement votre personnage, si possible un de vos représentants diplomatiques, afin que je ne sois pas perdu et que les autres aussi puissent suivre. Un topic dédié à la présentation de vos personnages que vous remplirez vous même sera mis à disposition. Une liste est aussi disponible ci-dessous pour permettre à ceux ayant la flemme de chercher de trouver une rapide présentation du bord du personnage en question.

Liste des Personnages :

- Pierre de La Garde : Directeur de la Compagnie Commercial du Nazum Occidental, soutien fervent au camp des directeurs.

- Armand de Saint Jacques des Champs, Directeur de la Compagnie Commercial du Nazum Oriental, soutien fervent au camp des directeurs.

- Antoine de Saint Exupéry, Directeur de la Compagnie Commerciale du Nazum Central, homme calculateur choississant son camp en fonction de ses intérêts du moment.

A suivre…
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Trois hommes en sursis…


Palais des Directeurs, 5 heures de l’après-midi, quelques minutes après la déclaration du Premier Ministre Martin de la Geauce, Premier Ministre du gouvernement de Sa Majesté.


Trois hommes étaient assis dans de confortables fauteuils de cuir noir, modernes et tendances, le premier est une personne relativement grande mais maigre, elle porte un costume noir et fume un cigare pontarbellois, il est négligemment assis dans l’une de ces « commodités de conversation » et regarde avec insistance un tableau d’art moderne. Le second personnage est trapu, porte une épaisse barbe noire et un charmant costume blanc, il a visage plus jovial et moins grave que son compère au complet noir, il regardait avec insistance l’immense écran qui tronait au centre d’un immense mur au fond de cette pièce assez exigue,il souriait nerveusement et se préparait à se servir un vin issu des meilleurs vignobles d’Antérinie et de Fortuna, l’homme paraissait visiblement stressé. Le troisième lui était furieux, il tournait, tel un lion en cage, dans ce petit salon, il avait à la bouche un cigare et vouait nombre des gouvernants antériniens aux feux de l’Enfer, il se perdait en invective contre les antériniens du Nazum tout en souhaitant le pire aux hommes d’affaires de Terrabilis. Puis il prit un verre et dit :

-Putain ! Inutile de prendre un Saint Emilion lorsque l’on peut directement prendre du gin d’origine menkienne, les conneries de la Geauce nous coûteront chers, encore une fois ces autres clowns iront bousiller notre autorité ! Ah ben bravo, déjà les jaunes commencent à s’exciter ! J’imagine déjà les mercenaires qui doivent se sentir menacés par ces sauvages, j’entends déjà des manifestations de joies à travers l’Union, aie aie aie, pauvres de nous ! Que va t’on faire ? Comment pourrions nous ne pas connaître l’affront qui va nous être imposé, passer en prison, perdre honneurs et gloires, perdre familles et influence dans la vie locale, perdre estime et amour, misère ! Et dire que ce sont ces clowns du gouvernement ! Seuls les fascistes méritent notre reconnaissance, seuls ces derniers se sont impliqués pour sauver la colonie de la déchéance morale qui la guettait ! Alors que ces conservateurs de pacotille, ces clowns, ces incompétents ! Eux ils nous ont trahis, tous ! Ils nous ont vendus aux autonomistes, Ah ! La vie mérite t’elle d’être vécue quand de tels abrutis respirent le même air que nous ! Condamné pour un rien, de la « fraude fiscale » disent ils, la bonne blague ! Quel député antérinien n’a jamais accepté un petit billet, même les indépendantistes sont plus corruptibles qu’un policier icamien ou qu’un dirigeant du Costa Suenaleja, bien sur que nous avons cédé ! Ils imaginaient quoi ?! C’est bonne excuse qu’ils nous ont trouvé là pour nous suspendre, bandes de branquignols attardés ! Je sens le procès politique en approche, pour peu que les autorités impériales ne nous balancent pas directement à la foule ! Merde alors !

-Doucement Pierre »fit le directeur en costume noir, -Bien sur que nous sommes empêtrés dans une affaire qui nous faire perdre des plumes, mais ce n’est pas en s’apitoyant sur notre sort que nous nous en sortirons, au contraire d’ailleurs ! T’imagines sérieusement que l’inspecteur va prendre en considération nos états d’âme ? Non ! Alors voilà ce qu’on va faire : d’abord, il faut publier un communiqué dans lequel nous dénonçons les atteintes antériniennes, l’objectif n’est pas d’avoir le soutien populaire, loin de là, car si ça ne tenait qu’aux locaux, ils nous auraient pendus depuis longtemps, non, restons stratégiques, d’abord les états nazuméens, bien sur les chances qu’ils nous soutiennent sont minces, mais… avec heu, une annonce… non mieux ! Un communiqué, c’est comme cela que nous pourrions attirer la sympathie des nazuméens, bon je vois mal le Wanmiri ou la Jashuria soutenir un conglomérat d’oligarques ayant commis quelques crimes contre les populations locales, mais après tout, au pire nous pourrions avoir quelques moyens de pression auprès du gouvernement en attirant la sympathie de quelques indépendantistes ou hommes de la culture complètement perdus… mieux encore ! Attirons des journalistes étrangers ! Après tout quoi de mieux que quelques propagandistes pour défendre notre cause, comment les piéger, bonne question, mais après tout, un petit tour tournée à la Loduarienne nous permettrait de gagner quelques soutiens…

-Mais enfin Armand le coupa Pierre, comment pourraient ils croire que nous sommes des etres de lumière ? Je veux bien que la situation locale soit cryptique, mais les journalistes antériniens ont réussis à démontrer que nous avons bien des choses à nous reprocher, ainsi, difficile de se faire des amis auprès des grands quotidiens eurysiens, les Tanskiens, les Teylais, les Rimauriens eux mêmes auraient quelques scrupules, ne parlons pas des nazuméens, un article explosif mettrait fin à toute issue de secours pour nous… Ne parlons pas de l’aspect militaire, comment pourrions nous gérer un millier d’hommes armés et équipés alors que l’Empire vient de recruter 15 milles miliciens assez bien armés pour s’assurer que nous obéissons à ses ordres, tu l’admets, ça va être difficile, déjà que nos mercenaires attendent leurs payes ! Que va t’on faire ?

-Une chose à la fois ! D’abord commençons par le principal, le communiqué de presse neutre et objectif en surface qui nous permettrait de montrer à quel point l’Empire tient à ses relents colonialistes. Déjà il y a un problème à ce que tu dis, en effet, qui a dit que nous avons besoin de journalistes venant de grands quotidiens eurysiens ? Premièrement cela paraîtrait contre intuitif de faire intervenir des Eurysiens, notre objectif est de critiquer la Métropole et sa vision déconnectée de la réalité locale, en premier lieu car si justement des journalistes de grands consortium eurysiens s’amusent à dénoncer la corruption ambiante, nous pourrions leurs répondre en affirmant que nous n’avons rien à nous reprocher et qu’un homme vivant à des centaines de milliers de kilomètres de chez nous devrait vivre auprès des locaux, en second lieu, présenter un journaliste du « Sud » est un atout, car nous pouvons nous inscrire dans un mouvement de contestation de la suprématie du « Nord », ainsi, pouvoir dénoncer avec plus de virulence les atteintes antériniennes… Passons maintenant au second problème…

L’homme en costume blanc l’interrompit, tout au long de la conversation il s’était concentré sur l’insecte qui volait dans la pièce, il voyait maintenant que cette conversation n’apporterait rien de bon, à la fois aux antériniens du Nazum et aux directeurs et à leurs équipes. Il imaginait assez facilement que l’Empereur, homme pourtant si doux, n’hésiterait pas à faire tonner le canon si les directeurs continuaient leurs enfantillages, il savait que les députés ne soutenaient que très moyennement les agissements de ses collègues.

- Enfin ! Messires Pierre de La Garde, Directeur de la Compagnie Commercial du Nazum Occidental, comte de la Garde et Pair de l’Empire, Messire Armand-Stanislas-Marie de Saint Jacques des Champs, Directeur de la Compagnie Commercial du Nazum Oriental, comte de Saint Jacques des Champs et Pair de l’Empire, comment pouvez vous imaginer que vos petites pirouettes pourraient s’en sortir, même si la réaction internationale est au rendez-vous, même si l’article de ce fameux journaliste fait un tollé, rien ne prouve que l’Empire s’appuiera sur les formations communistes pour pouvoir nous faire chuter du trone, n’oubliez pas, si les Assemblées nous ont nommés en tant que Directeurs, elles peuvent très bien nous virer ! Vous savez très bien que ce communiqué n’aura qu’un impact réduit. Quant à toi Pierre, que veux tu que nous faisons de ces mercenaires ? D’après toi, on va devoir les réunir ici, tenter d’assurer la sécurité dans le coin, et tant pis si nous sommes forcés d’abandonner nos positions avancées… Rien ne nous empeche d’ailleurs de recruter d’autres hommes pour pouvoir maintenir la pression… Mais évitons, attendons d’abord de voir comment vont tourner les élections régionales, au pire nous irons financer quelques obscures politiciens qui se feront les hérauts de la justice et nous représenter directement en politique… En revanche, nous oublions un point essentiel, le premier, c’est avant tout de nous débarrasser des preuves compromettantes.

- Mais comment oses tu nous parler comme ça Antoine ?! Comment oses-tu ?! C’est pas toi qui était dans la panade à cause de tes volontés d’indépendance, c’est pas toi ! Nous savons très bien comment tu as réagit lorsque l’Empire est venu nous réclamer des comptes ! Tu t’assurais de jouer le rôle du bon sujet obéissant, on s’en souvient du « plus humble sujet de l’Empereur », n’oublions pas que tu as tout de même été prêt à te soumettre à Antrania, lors des négociations, tu as même fait plus que nécessaire ! Comment pouvons nous te faire confiance ?! Certes, le communiqué est une carte risquée, mais « qui ne tente rien, n’a rien », or, je remarque que tu oublies quelques détails importants, pourquoi l’Empire irait soutenir des formations indépendantistes ? La perte de trois provinces pauvrissimes est un détail, mais la chute de la réserve à talents de l’Empire pousserait bien l’Empereur à y réfléchir à deux fois ! Ensuite que dire de ton projet de rassembler les troupes ? Tu crois sérieusement que les indigènes vont laisser des mercenaires qui commettaient des crimes quasiment quotidiennement, seuls des rapports baisés de la situation nous permettaient de nous en sortir ! Maintenant, avec la prise de parole du Premier Ministre, les locaux vont vite comprendre que normalement ça n’était pas censé se passer comme ça, en effet, il nous faut rappeler que les premiers incidents nous avaient poussés à accepter l’établissement de bureaux des doléances, autrement dit, de reconnaître l’importance de laisser aux indigènes le droit de s’exprimer mais on avait réussi à maintenir une pression imperceptible pour un métropolitain mais assez forte pour les nazuméens (et eurydescendants) travaillant ici ne puissent l’ouvrir ! Mais maintenant, ils ont découvert le pot aux roses, et ne devraient plus tarder à demander des comptes aux autorités compétentes, c’est à dire nous. Ainsi, je vois mal les tortionnaires nous représentant pouvoir fuir les campagnes pour rejoindre la capitale sans être pris à partie…

- Quoi ! (fit Antoine) Tu oses venir ressasser le passé ? Saches que j’ai toujours tout fait pour que nous puissions nous maintenir ici, j’ai tout fait ! Allant même jusqu’à brosser l’Empereur dans le sens du poil et satisfaire les Assemblées, mais non ! On ne le reconnaît pas ça, tu as toujours été immature, bien sur que nous devions obéir, sinon, bam ! La troupe intervient, bam nos tetes se balanceront au bout d’une pique ! Bam ! Nous perdons honneur, prestige et gloire ! Que veux tu ? Oooh et puis merde ! Si t’es infoutu de voir ce qu’il se passe ressasse le passé, mais laisse moi gérer ça ! Car là nous sommes tous menacer, toi, Pierre et moi ! Nous perdrons des plumes c’est certain même, mais nous pouvons garder la face, alors une chose à la fois ! Le communiqué reste une mauvaise idée, une carte à sortir en cas d’ultime recours mais en rien en avantage certains que nous avons, nous pouvons toujours compter sur la garde directoriale (les mercenaires) ils sont peu nombreux mais assez armé pour effrayer les locaux, l’objectif est de barricadé le palais, et les avenues principales, le Maire pourrait certainement nous soutenir, combien d’alliés avons nous dans la garde municipale ? Beaucoup, donc à nous d’en profiter ! Mais le plus important, c’est les preuves compromettantes, faites disparaître tout documents irréguliers, tous, pas un ne doit rester lisible et si possible entier ! Nous ne devons surtout pas prendre de décisions précipitées, elles pourraient nous couter cher, à commencer par un refus catégorique de reconnaître le Premier Ministre, peut être que rappeler le P.F.A et les députés conservateurs nous permettrait de menacer la stabilité de son gouvernement, bon une chose à la fois ! Débarrassons nous des documents compromettants qui nous concernent…

- Oh et puis mince ! Fit Pierre, sortant soudainement de son mutisme nerveux. Arrêtons de nous chamailler, l’objectif est de perdre le moins de plumes possibles comme l’a dit Armand, si nous nous battons pour si peu, autant dire que nous laissons une fenêtre de tir bien trop large au gouvernement. Hum, bon débarrassons des preuves compromettantes dans un premier temps, ensuite rassemblons la Garde, les policiers les plus fidèles et un minimum d’hommes. Puis, si le Gouvernement s’acharne, achetons un journaliste et laissons le rédiger un charmant article dénonçant le comportement colonialiste du gouvernement et au pire nous menacerons casser les rapprochements entrepris entre les conservateurs et les autonomistes.

-Bien ! Bougonna Antoine.

-Soit, fit Armand.

Tous trois sortirent, deux élégantes voitures noires partirent une heure après la déclaration du premier Ministre tandis que des démonstrations de joie naissaient à travers la toute nouvelle P.A.N.A. Puis des téléphones sonnèrent à Antrania, dans les villas de Saint Jérôme et de Saint Rémi, une cheminée cracha une fumée noire et les cuisiniers de Saint Arnaud des Pics reçurent de nouveaux combustibles, « papiers usagés » disent les serveurs de l’élégant Palais des Directeurs…
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Le loup et les agneaux.


Voyez le bureau des directeurs un peu comme ça, avec un peu plus de babioles sur la table et le Général en moins

Dans le vaste bureau du palais des Directeurs, on pouvait entendre résonner les paroles des manifestants qui hurlaient : « Ah bas le Directorat ! Ah bas le Directorat ! Ah bas le Directorat ! » et ce sinistre rythme, était le fruit d’une colère populaire mure qui s’apprêtait à tomber plus vite que le couperet d’une guillotine. Ces formidables cris étaient le début de la fin pour ces semis-oligarques qui se savaient pris entre l’infatigable justice fiscale antérinienne et l’impitoyable colère populaire. Et ces derniers le savaient, certains s’étaient même préparés à dire adieu à leurs riches bureaux et à leurs luxueuses voitures, mais pourtant, ils ne s’étaient pas encore résignés à abandonner leur liberté, et bon nombre d’entre eux avaient quelques atouts dans leurs manches pour ne pas finir derrière les barreaux. Et ces cartes se traduisaient par quelques numéros de téléphones et un projet de loi posé sur une table. Tandis que les Directeurs se rassemblaient autour de cette table, avec des plans et des machinations les plus rocambolesques les unes que les autres, tous savaient néanmoins qu’ils jouaient leur vie ce jour-là. Et chacun avait pour intention de sauver sa peau, quitte à vendre les autres, ainsi une drôle d’ambiance s’installait, d’un côté les hommes de pouvoir en sursis savaient qu’ils devaient étroitement coopéré et de l’autre, ils se cachaient tout ou presque pour ne rien perdre d’un avantage présumé sur les autres.

Ainsi dans le vaste bureau encombré d’objets divers et variés, des stylo plumes recouvert d’or, des feuilles vierges, des drapeaux représentants l’Antérinie, l’étendard de la famille impériale et celui de l’Union, quelques objets datant du siècle dernier et bien entendu les sceaux de la Confédération nazuméenne, tandis que d’antiques cartes représentant la Compagnie à son apogée étaient disposées ici et là en mémoire du bon vieux temps.Tandis que l’on pouvait apercevoir ce qui restait de la table engloutie sous une myriade d’autres babioles ; c’est à dire un petit carré de bois d’ébène, finement découpés et représentants ici et là les heures de gloire de certaines seigneuries bahamanites, ce qui signifie que cette table fut probablement offerte par un roitelet afin de marquer sa soumission à la Compagnie. Et pourtant, cette table ou le sceau n’était certainement pas les objets les insolites que l’on aurait pu trouver, même le contrat d’annexion du royaume de Kabaldi stipulant que le Prince conserverait néanmoins de manière héréditaire ses terres, à la condition qu’il reconnaisse (lui et ses fils) l’Autorité de l’Empereur antérinien. Ce n’est pas tout, ce dernier pouvait aussi obtenir des postes clés dans l’administration coloniale et le droit de conserver une milice privée. Et paradoxalement, nous pouvions retrouver juste à côté, la missive formalisant la soumission définitive du Comte de Kabaldi en échange d’un poste à l’Assemblée locale ( et est à demi-mot présenté comme héréditaire aux Directeurs).

Non, l’objet le plus étrange était une statuette, probablement issue du Moyen Age, de la domination islamique sur l’ancien Bahama, elle était à la vérité très simple, un petit cavalier mahalien, probablement noble, richement vêtu, un couvre-chef particulièrement coloré, une monture incroyablement couverte, montrant une fois de plus la richesse du personnage représenté. Ce qui était si surprenant n’était pas tant la statuette en elle-même ni même le temps qu’elle représentait. Mais plutot sa signification, alors que tout les objets avaient plus ou moins des liens particuliers avec un âge d’or perdu, mais là cela représentait non pas une époque où l’Union dominait le Bahama, mais plutot un âge précédent, où ce dernier était soumis à une autre entité. La présence de cette « babiole » n’était certainement pas due aux goûts particuliers d’un directeur du XXe siècle ou à un fonctionnaire particulièrement fasciné par les arts pré-coloniaux, mais plutot car il avait une symbolique toute particulière, c’était l’une des dernières traces d’un empire glorieux, mais aussi le début de l’expansion de l’Union, ainsi on pouvait considérer ce bureau non pas comme un nostalgique musée d’un âge d’or révoqué, mais comme la représentation de l’histoire de l’Union, chaque directeur y apportant une brique, et une babiole, cette dernière était la première chose que les premiers directeurs y apportèrent, en plus d’un comptoir à Saint Arnaud des Pics. C’était une véritable lecon de modestie face à l’Histoire, l’Union naissant, grandissant, puis perdant en influence. Tout un cycle de la vie.

La statuette en question (Moghole)

Et les directeurs successifs, péchant par Hubris, se pensant inatteignables, intouchables, invincibles, prirent toutes sortes de risques inconsidérés, il pillèrent les caisses de la Compagnie avant de piller directement les caisses de l’État impérial puis, insensiblement, ils pillèrent direcrement le Bahama. Non seulement ils ne se discréditaient plus seulement, ils portaient atteinte à la Compagnie en elle-même, précipitant, sans le même le savoir, leur chute et celle de leurs successeurs. Premièrement, ils avaient fautés gravement à l’encontre de l’État impérial, ils l’avaient trompé, l’Entreprise, voyait sa règle d’or se faire violer, c’est à dire la confiance qui doit exister entre elle et ses clients, et plus grave encore, c’est le peuple qui est lésé, et les débordements à mi-chemin entre l’abus de pouvoir et la haute trahison et les crimes à la raison d’État devaient nécessairement mené à une réaction populaire et étatique tout aussi radicale. Et ces crimes allaient être punis, par les pouvoirs régaliens qui saisiraient les biens des fautifs, et surtout par la fureur populaire, qui tel un flot inarrêtable s’attaquerait à tout ceux qu’elle considère comme ses ennemis tant qu’aucune tête ne tombe, et le pouvoir central (et même local) n’aura aucun scrupule à lui vendre pieds et poings liés les futures victimes de sa vindicte acharnée, autrement dit les directeurs.

Et parmi tout ces hommes, ces futurs rois sans couronnes, un seul le savait, ou du moins l’imaginait. Et entendre ces slogans, lui glaçait encore plus le sang qu’aux autres, car si ces derniers y voyait la fin de leur pouvoir, lui sentait le souffle froid de la mort derrière sa nuque. Il savait que si cette manifestation attirait l’œil de l’Empire, voire même de la communauté internationale, et dès lors la vraie question n’était pas de savoir s’ils pourraient s’en sortir indemne, mais plutot s’ils y survivrait, voire pire, si la foule, telle un chien affamé, se jetterait dessus, les déchiquetterait, les démembrerait, les éviscérerait et pendrait leurs carcasses encore fumantes ou si l’État, pour donner calmer les ardeurs, les exécuterait en place publique pour racheter la paix sociale. Par conséquent, comme une bête traquée, il préférait abandonner son troupeau se jetant droit dans la gueule du loup plutot que de perdre la vie en commettant le faux pas fatal. Mais la vraie problématique pour lui, n’était pas tant de savoir qui abandonner, mais surtout comment les lâcher, mieux encore, comment abandonner ses alliés d’aujourd’hui et obtenir un poste de fonctionnaire plutot bien payé à Antrania ? Certes, il avait eu une gestion assez intègre (enfin du moins personne ne pourra affirmer le contraire, par manque de preuves), il a toujours soutenu l’État en se rangeant de son coté lors de l’incident de 2013 mais de l’autre, son image auprès des bahamanites n’est probablement pas reluisante et il ne doutait pas une seule seconde que l’État les abandonnerait tous s’il le fallait.

Ainsi, son objectif était de se refaire une réputation parmi les bahamanites, en quelques sortes jouer le populiste face à ses anciens alliés et amis d’hier. Loin de s’embarrasser de la morale, ce prédateur de la politique, ce requin de la communication, n’avait aucun scrupule. Et pour lui, tout allait se jouer sur sa capacité à mentir habilement à tout ceux qu’il considérait comme ses adversaires ; c’est à dire ses collègues. Et pour ce faire, rien de mieux que de devenir le grand, le seul, l’Unique défenseur du peuple. Plus amusant et ironique encore, il espérait que les personnes plus ou moins sensibles aux idées marxistes le soutiennent dans sa quête de réputation, qu’ils se lèvent comme un seul homme pour l’acclamer, qu’ils glorifient son acte de courage inimitable, lui qui a soutenu le peuple prolétaire contre les terribles élites, à mi-chemin entre le Krokmitten et grand-mère Kalle. Bien entendu, le courant ne lui posait aucun problème ; décolonialiste, anarchiste, communiste, socialiste-même, voire tout simplement modéré. Bien entendu, il n’avait que mépris pour ces hommes, mais tant qu’ils servaient ses intérêts, il devait se donner la peine de leur accorder un minimum de respect. Et pour son plan, rien de plus simple, un brin de subtilité, une pointe de mesures contre-productives, quelques touches de cynisme et une goutte de sang lui permettrait de mener son monde à la baguette. Et s’il réussissait, il roulerait ses collègues et se jouerait de la foule, et par extension de la mort. Déjà, il s’imaginait en Sisyphe moderne qui sa cache de la mort.

Mais une voix interrompit ses pensées, c’était celle de Pierre de la Garde :

« Bon, messieurs, nous rencontrons un problème d’ordre populaire, moi qui croyait que ce qui allait poser problème était les institutions impériales, mais les Afaréens ont l’air de les occuper et de nous laisser le champs libre. En revanche, nous devons agir afin d’éviter que ces sauvages ne nous renversent. Inutile de vous faire un dessin, si nous sommes pris, même pas certains qu’ils acceptent de faire venir un prêtre pour au moins sauver nos âmes. La mort nous attends si nous ne faisons rien, pis encore, elle peut probablement frappé au pire endroit, au pire moment. Nous sommes faibles, nous n’avons que quelques policiers en uniformes pour contenir le flot humain qui vient d’envahir les rues, à peine une dizaine de militaires pour défendre le Palais et une cinquantaine de gardes simplement armés pour défendre ses Directeurs. Messieurs, il y a besoin de prendre une décision qui fasse reculer ces manifestants. Laquelle, là est toute la question, soit nous tentons d’user de la force et un risque non négligeable pourrait la retourner contre nous, pire encore, elle pourrait même précipiter notre chute. Ou sinon, nous tâchons de trouver une voie détournée qui nous permettrait de résoudre, calmement et en douceur la situation. Enfin du moins, pouvoir contenter les parties sans verser une goutte de sang. Par conséquent messieurs, nous avons un choix simple ; la répression ou la diplomatie. Avec des conséquences au mieux imprévisibles, au pire terrible. » Fit-il non sans une certaine emphase.

« L’ordre, il n’y a que ça de vrai ! (répondit Armand de Saint Jacques des Champs) Il faut apprendre à ces gens à parler correctement ! Et surtout à ce rappeler qu’une institution séculaire les veille et les protège ! (dit-il avec une once d’un ironique sarcasme) Autre point essentiel messieurs, c’est la sécurité, comment pourrions-nous faire représenter l’autorité légale, c’est à dire celle de l’Empire, quand on a une bande de gauchistes qui manifestent ? »

Bien sur, ce type de discours était purement décousu, l’homme qui l’avait prononcé cachait mal son désarroi et son manque de préparation face à une telle situation. Si auparavant, l’Empire pouvait valider des mesures aussi extrêmes, quoiqu’avec beaucoup de réserve. Maintenant, les choses ont changé, si l’Empire était complaisant avec les débordements du Directorat, maintenant, il y est farouchement opposé, mieux encore, il a tout simplement officiellement aboli le régime. Si les directeurs portent encore leurs titres, c’est uniquement car Antrania est trop occupé à réfréner les ardeurs décoloniales de son jumeau afaréen pour se charger définitivement d’une Compagnie se gangrenant intérieurement et déjà en voie de décomposition avancée, finalement à y regarder de plus près, cette manifestation n’est pas tant une révolte, mais une opération immunitaire d’un corps sain qui se débarrasse d’un parasite gênant. Les manifestants ne sont pas tant des émeutiers en puissance, mais des globules blancs détruisant des virus, enfin plutot des cellules cancéreuses défectueuses qui menaçaient la bonne santé du Bahama. Et dès lors, ces dernières n’avaient plus qu’une seule solution pour survivre, se gaver et se multiplier. Ainsi, les Directeurs eux tentaient de se faire un solide réseau d’attachés et de clients pour survivre, finalement la dégénérescence historique qu’est l’Union (une entreprise possédant un pays est une erreur) a mené à cette surcréation d’emplois plus ou moins justifiés se répandant à travers l’administration locale. Et les « troupes de maintien de l’ordre », nom bien grandiloquent pour évoquer une compagnie mercenaire, en sont les derniers symptômes.

- « Je pense que tu te trompes lourdement Armand (répondit Pierre), car vois-tu, nous n’avons ni les capacités militaires, ni même le droit de faire approuver l’état de siège par l’Assemblée. Tu oublies un point essentiel, l’autorité, à savoir l’utilisation de la force, doit être reconnue comme légitime par tout le monde, y compris par l’autorité intouchable qu’est la Constitution. Or, comment faire quand nous vivons nos dernières heures, car il ne faut pas nous leurrer, mais nous sommes morts. En revanche, nous pouvons profiter de cette situation pour tenter de prouver que nous pouvons encore être utiles à l’Empire. Si nous ramenons la paix sans effusion de sang, peut être que le peuple nous verra avec un peu moins de mépris. Ou du moins, quitte à perdre notre poste, autant garder notre tête, voire même conserver le Directorat. Enfin, ça me paraît être une logique simple, mais après tout. Ensuite, je l’ai dit plus tôt, mais comment veux-tu proclamer l’état de siège ? Car c’est là ton idée sous-jacente. Or, pour cela il faut des hommes en quantité suffisante pour intimider la foule, mais pense-tu vraiment que lâcher une poignée de mercenaires, de gardiens de sécurité et quelques policiers pourrait vraiment changer la situation ? Pense-tu aux morts, aux conséquences politiques ? Sais-tu que les mouvements (faussement) indépendantistes pourraient mobiliser tout autant d’hommes que nous si nous prenons une telle décision ? Enfin, tu vois où je veux en venir ?"

- « Certes, répondit Armand, mais tu oublies une chose essentielle, c’est que le bras de fer entre le pouvoir et le Directorat nous aura permis de passer un cap ; nous pouvons maintenant compter sur des hommes spécialisés dans la lutte anti-émeutes, inutiles de faire couler le sang quand il suffit de faire assez peur pour qu’ils rentrent chez eux, enfin quelques côtes cassés pourraient nous permettre de conserver le Directorat. »

Ces phrases, vides de sens, montraient une chose qui explique probablement pourquoi le Directorat allait tomber, ce n’était pas tant du à une modernité fracassante qui entre avec ses gros sabots et qui bouleverse l’Union. Non, pire encore, les chefs étaient trop bornés pour se rendre compte d’une chose ; le besoin de changements, et tout le monde au Bahama soutenait l’idée, même les conservateurs, tout le monde savait que des réformes s’imposaient, que la Démocratie devait apparaître. Mais pourtant, une minorité de réactionnaires rendaient ces salvatrices réformes impossibles. Et Armand de Saint Jacques des Champs est la figure même de l’élite corrompue qui n’a qu’un mot à la bouche ; « l’ordre », de quoi ? D’un régime corrompu jusqu’à l’os. De qui ? D’une bande de malfrats en chemises. « L’ordre » n’est pas uniquement un mot vide de sens lorsqu’on ne l’associe à rien d’autre, c’est pour lui un terme porteur de toute une symbolique ; non pas morale (comme les conservateurs, qui l’associe cette fois-ci à (la bonne) l’autorité ) mais purement politique, c’est à dire, la matraque pour le premier qui ose crier son besoin de changements. Et c’est de cette manière que le régime s’est retrouvé acculé au précipice, pire encore, en prenant cette voie là, les Directeurs sautaient dans un gouffre qui aura probablement leurs vies.

- « Il a raison. » Fit simplement Antoine de Saint Exupéry, tandis qu’il pensait intérieurement qu’un tel retournement situation lui permettrait même d’être acclamé en héros par une foule en liesse, il avait à cet instant un mépris encore plus prononcé que d’habitude sur Armand, qui n’était qu’un brouillon, un fils à papa autoritaire et sanguinaire qui ne connaissait qu’une chose ; la violence. « Ce clown a probablement raté une vocation de militaire, mais après tout, pas étonnant qu’ils n’aient pas voulus de lui quand ont voit qu’il est incapable d’aligner plus de trois pensées compliquées. Non, lui est obsédé par le calme et le silence, s’il serait né au XVIIIe, il aurait fait un merveilleux propriétaire d’esclaves. » C’était lui qui trouvait ainsi le moyen de rentrer en grâce auprès des locaux, et il n’allait probablement pas laisser ainsi passer le filon qui lui offrait non seulement le salut tant pensé, mais aussi une gloire inespérée. Il fit tourner la petite statuette représentant un cavalier de l’ancien temps et poursuivit ; « Nous avons des hommes, des fonctionnaires désireux de sauver leurs peaux et leurs carrières, nous avons largement de quoi former une petite milice capable de faire régner l’ordre. Non ? »

- « Et la réaction impériale ? » fit Pierre, incrédule, croyant avoir affaire à une copie d’Antoine, qu’il savait pourtant particulièrement intelligent, mais il avait malheureusement (pour lui) oublié ses tendances à ne jouer que pour lui même.

Et son collègue balaya cette objection d’un simple revers de la main : - « l’Empire n’a pas le droit de nier le caractère fondamentalement démocratique de l’Assemblée bahamanite, et dès lors cette dernière peut valider nos positions sans en avoir à référer à l’Empire. »

- « Mais... »

- « Il suffit, nous verrons cela demain. » Sous-entendant par là que ce serait l'Assemblée qui allait traitée une telle question, tandis que son interlocuteur se préparait déjà à rassembler la foule d'amis qu'il s'était fait là bas.
16035
La Chambre.

"Ah bas le Directorat !"/Manifestation féministe en Inde

-  « Votre Excellence, votre véhicule vous attends. Les gardiens ont réussis à sécuriser un intinéraire pour vous permettre de rejoindre le Parlement. Il faudra néanmoins se montrer discret et éviter d’exciter la foule qui défile devant le Palais. »

- « Quel ironie, je ne peux même plus circuler dans mon propre pays, me voilà prisonnier d’un peuple qui réclame nos têtes, et ce n’est certainement pas cet abruti de Pierre et ce lâche d’Antoine qui prendraient la seule bonne décision qui s’impose. »

Ce propos qui mêlait amertume, déception et probablement nostalgie pouvait être vu comme le dernier râle d’un oligarque, la rage d’un césar, la chute d’un roi. Hier, il régnait sur cette foule comme monarque semi-absolu, et aujourd’hui il se retrouve à se cacher de cette dernière. En quelques jours, le tyran à moitié despotique qu’il était, le maitre de l’Union et de sa Compagnie, qui affrontait même les autorités impériales sur des questions éthiques et morales, qui pouvait refuser un ordre du Premier Ministre lui-même, et ce sans risquer de terribles conséquences, dire des Directeurs qu’ils étaient comme des seigneurs féodaux avec leurs attachés, leurs vassaux, leurs pages, leurs fiefs et leurs châteaux était pour beaucoup une vérité, à la différence près que ces ducs avaient troqués la forteresse et ses créneaux pour des villas et des propriétés secondaires, qu’ils avaient faits de leurs vassaux des clients, qu’ils ont échangés les carrosses et les chevauchés pour des convois de limousines, que les chevaliers, ont été remplacés par des hommes qui ont troqué armures de fer pour cuirasses modernes. Pourtant, ces grands féodaux modernes conservent sous leur autorité la justice, la loi et la police. Ils peuvent décréter tel ou tel état de siège si le cœur leur en dit, lever tel ou tel impôt s’ils se persuadent que cela est nécessaire, former ou déformer telle ou telle juridiction en fonction des besoins du moment. Le Directorat est avant tout le règne de l’arbitraire, et ce dernier c’est tellement complexifié et empiffré de paradoxes les plus contradictoires les uns que les autres que c’en est devenu le stade terminal d’une maladie qui dure depuis maintenant plusieurs décennies, ou du moins qui a vu ses principaux symptômes se déclencher il y a quelques décennies.

- « Voyez-vous Raymond, il semblerait que tout soit ligué contre la Compagnie, que ce soit les Bahamanites, les institutions impériales, ses Directeurs. Non, la guerre est belle et bien finie, si les Assemblées sont aussi bornées que mes deux collègues, autant dire adieu à la Compagnie, pire encore, autant rédiger notre testament, s’il nous reste ne serait-ce qu’une plume et un morceau de papier pour léguer cela et que notre famille daigne encore nous reconnaître. Car Pierre, ce brouillon réactionnaire et probablement névrosé, ne comprends pas une chose essentielle, c’est qu’en lâchant l’armée et les gardiens de l’Ordre, on risquera de lâcher la foule, et cette dernière ne craindra pas de nous déchiqueter façon hachis parmentier si nécessaire. Un peuple en colère est une source d’instabilité qui pourrait provoquer des bouleversements profonds, et l’Empire n’aurait aucun intérêt à maintenir en place des hommes qui risquent de mener tout bonnement à la fin de la présence antérinienne au Nazum, et cela est bien entendu inimaginable. Et ils n’hésiteraient même pas à tirer au canon sur le palais si nécessaire, le soutien populaire n’est plus optionnel dorénavant, c’est un besoin et rien de mieux que d’adopter des politiques conservatrices pour faire chuter le P.C.T et ses adhérents dans les urnes, rien de mieux pour se redonner une réputation. Raymond j’en suis certain, mais si l’Empereur a soutenu les révolutionnaire à la place de ses soutiens traditionnels, c’est avant tout car le gouvernement de de Grace avait déjà prévu de nous éjecter, il ne savait pas comment le faire en revanche. Et finalement, ce sera la confédéralisation qui nous poussera à commettre le faux pas fatals, nous avons crus que l’Empire nous laisserait gérer l’affaire en autonomie, c’est faux, il nous attendait au tournant et cette manifestation doit probablement être l’excuse idéale pour se payer de bonnes relations avec les Bahamanites. »

Cette remarque est probablement le signe le plus évident de l’intelligence politique de cet homme, certes cynique, mais qui pourtant analyse avec une certaine justesse la position du gouvernement sur le sujet. Ici, il ne se contente pas de jérémiades inutiles, il cherche à trouver une solution, qui puisse passer par le compromis et la tolérance. Certes, il n’était pas exempt de toutes reproches, mais en attendant il restait néanmoins droit et honnête avec lui même, et avec sa fonction. Dans la mesure où il considère que ses intérêts personnels sont peu en comparaison des intérêts de la Compagnie. Pour lui, peu lui importait d’être renvoyé, même le lynchage en place publique n’était pas sa principale crainte, pire il considérait cela comme un juste châtiment pour ses crimes. En revanche, ce qui le terrifiait était avant tout de devenir le dernier des Directeurs, de précipiter une Compagnie multi-séculaire dans les abîmes de l’Histoire. Connaître la prospérité pour avoir fait chuter un Etat-compagnie était maintenant sa plus grande crainte, si les autres agissaient par la peur, s’ils craignaient pour leurs vies, lui pensait à sauvegarder l’héritage de ses prédécesseurs. Et là résidait la différence fondamentale entre les trois personnages ; Antoine était avant tout un intriguant et un courtisan qui n’agit que pour lui-même et fait de son intérêt propre son exclusif but. Il y avait aussi Pierre, un homme brouillon qui ne connaissait qu’un seul mot ; « violence » et ses multiples déclinaisons plus ou moins vraies ; « autorité », « ordre », « hiérarchie » qu’il voyait comme des synonymes élégants et polis. Puis Armand, un homme quelque peu cynique, certainement impitoyable, mais pourtant sage et mesuré et surtout savant, le menant à se montrer bien plus conciliant que ses collèges.

- « Monsieur, nous ne passerons pas par le chemin habituel pour rejoindre le Parlement, il sera nécessaire de passer par une voie détournée. Par conséquent Nous prendrons rue des Colonnades au lieu de prendre Avenue du Directorat. D’ailleurs, ne soyez pas surpris si notre convoi est plus réduit que d’habitude. Il faudra aussi être assez discret et ne pas se montrer au travers des vitres. »

- « Bien, je prendrai votre recommandation en compte Raymond, soyez prudent. »

Le voilà maintenant obliger de se cacher de son propre peuple, ses gardes incapables d’assurer sa sécurité craignent même pour la leur. Quelle terrible déchéance, le Directeurs se cachant de ses propres administrés. Ironique même, ce changement si soudain de pouvoir, enfin cette inversion inattendue des rôles entre le peuple et les élites traditionnelles aura nécessairement des conséquences politique, pire encore, il se pourrait que l’ensemble des institutions en place soient révolutionnées, bouleversées voire même jetées à la poubelle telles des déchets usagées et néfastes, rejetées comme des vulgaires malappris. Et pourtant, il n’allait pas se laisser faire, il refuserait de plonger le Bahama dans le chaos, voire même de le précipiter dans une guerre civile sanglante entre les sains d’esprits maîtrisant la finesse et le compromis d’un côté et les dégénérés mentaux incapables d’aligner des mots plus difficiles que « violence » et « sang » dans des phrases, de l’autre. La raison contre la déraison. Et il allait tout mettre en œuvre pour que ce funeste avenir, encore à l’état embryonnaire, n’accouche pas d’un monstre sanguinaire et informe. Ou du moins, avoir la possibilité d’abattre ce Python sorti des entrailles des pensées d’hommes fous dès son accouchement. Le Directorat et ses volontés souvent arbitraires n’est pas pour autant la Loi, il impulse les grandes décisions mais doit néanmoins compter sur l’accord de la Chambre, sans elle les décisions restent caduques, certes, la vraie question avant de commencer un débat là-bas n’est pas tant qui y est favorable, mais plutot qui a été acheté pour soutenir cette motion. Et c’est ici où Armand a toutes ses chances, il possède « son » groupe parlementaire, ses soutiens et ses alliés, tandis que ses rivaux politiques se reposent sur des bases mal-acquises, chancelantes et branlantes. En quelques sortes, sur des bâtisses de chaumes qui attendent la tempête. Et cette dernière balayera plus vite ces dernières que les fondations de briques qu’a établi Armand. Et dès lors, son plan était simple, jouer sur toutes les failles des alliances de chacun, et même sur les rares indécis qui se présentent.

- « Comment allons-nous rejoindre le Parlement, Raymond ? Enfin, comment allons passer au travers de cette foule furieuse ? Un détachement de la garde anti-émeute nous escortera, un autre convoi fera diversion ? Ou vous compterez tout simplement sur l’éducation des manifestants ? Voire sur une opération du Saint Esprit… »

- « Pour cela nous enverrons dans un premier temps les escortes traditionnelles par l’entrée principale, environ cinq voitures, qui tentera de frayer un chemin au travers de la foule, les camions anti-émeute, c’est à dire ceux capables d’envoyer des jets d’eau, seront maintenus en renforts pour dissuader toutes tentatives d’assaut contre ces dernières. Qui seront officiellement censées vous mener à destination. Mais d’un autre coté, un second convoi partira un peu plus en avant que le premier, il sera composé de véhicules légers, aucun insigne trop voyant et aucune escorte trop imposante, juste deux voitures, légèrement armées, mais en revanche un corps de police particulièrement nombreux tout au long du voyage, surveillera le convoi et éloignera les émeutiers trop entreprenant. De plus, quelques soldats de la Garde directoriale et autres mercenaires recrutés il y a de cela quelques années pourront suppléer les effectifs policiers. Bien entendu, tout a été fait pour éviter que des débordements coûtent la vie à des manifestants, et que cela ne dégénère en émeute. Autre point essentiel, nous vous demandons de bien vous cacher, éviter de vous faire voir pourrait rendre le transfert bien plus rapide, et surtout éviter d’exciter les sentiments de chacun. Je pense aussi que vous ne pourrez rentrer ici avant 11 heures du soir, le temps que les émeutiers désengorgent la voie publique. »

- « Soit. J’agirai en conséquence, y a t’il autre chose à savoir ? » Mais son chauffeur hocha négativement la tête et mit sa casquette avant d’escorter le directeur au travers des vastes couloirs vides d’un palais des Directeurs finissant et assiégé. Après avoir traversé de nombreuses pièces, alternant entre tableaux néo-classiques, statues de Rajs ou de Maradjahs offertes en cadeau, fresques séculaires, maquettes représentant des palais bahamanites et parfois même des bâtiments de guerre (en bois) bahamanites flottant sur une fontaine. Ils arrivèrent devant une sorte de porte de service, ils entrèrent dans un garage plutot grand et s’engouffrèrent dans une voiture foncée probablement blindée avant de sortir dans la une rue où une foule en furie évolue.

« Ah bas le Directorat ! » « Ah bas le Directorat ! » « Ah bas le Directorat ! » était scandé, à la fois comme un mantra, mais aussi annonciateur d’une colère populaire se préparant à faire table rase des institutions directoriales, une colère bouillante qui n’attends qu’un faux pas, une déclaration maladroite, un coup de feu malheureux et voilà la marée se préparant à fondre sur le Palais des Directeurs. Car si la situation tient, c’est avant tout grâce au grand nombre d’attentistes, de ceux qui attendent de voir comment évoluera la situation, qui attendent certes des changements profonds, mais qui ne souhaitent pas voir naître un nouveau régime, ce terrible « Ah bas le Directorat ! » est un avertissement, une menace, et non pas une prophétie sinistrement funeste qui verra mourir toutes les valeurs humaines en se réalisant. En revanche, cette masse amorphe, n’ayant aucun but réel, peut très vite devenir un tsunami qui peut balayer sans le moindre mal les Directeurs si ces derniers réagissent trop brutalement. Envoyer la Troupe serait comme jeter un caillou dans une mare, il ne ferait que faire remuer l’eau, qui s’assemblerait et se réassemblerait dans tout les cas, et finalement, ne ferait qu’aggraver la situation en renforçant l’infime minorité s’attendant à voir chuter le régime, ce ne serait que précipiter l’effondrement. Car s’il paraît inévitable, si ce corps malade se consume rapidement, certains pensent qu’il est encore possible de le sauver de ses contradictions et de ses paradoxes. Il faudra très probablement le purger de ses maladies, de ses fonctionnaires corrompus, de ses lois complètement absurdes, de son besoin maladif de gouverner sans les administrés, de ses étranges tendances à laisser les mercenaires régler les problèmes brûlants… Et ces changements étaient prévus aujourd’hui, à l’Assemblée et toute orientation prise là-bas allait marqué à jamais le Bahama, cette session parlementaire allait devenir le point de bascule, pour le meilleurs, ou pour le pire.

Et tout au long du voyage, cette impression ne fait que se renforcer, peu étaient ceux qui allaient réellement prendre d’assaut la voiture, d’autant plus lorsque la foule apprit qu’un autre convoi de quelques véhicules transportant le Directeur vient de sortir de l’allée principale il y a de cela quelques minutes. Cette nouvelle fut connue grâce à cette sorte de clameur floue, à cheval entre le bouche à oreille et les grandioses mouvements populaires annonçant la nouvelle. « Il est là ! Faites de la place ! » des mots qui pouvaient tout dire, certes il n’attendait pas une ovation, il attendait probablement quelques cannettes et cailloux jetés sur les portières, mais non, étrangement elle restait silencieuse, quelques huées réussissaient à s’extraire, tandis que la plupart attendaient devant les voitures, le Directeur ne voyait rien, mais sentait ce pesant silence qui précède chaque évènements de la vie politique, une apothéose populaire, ou au contraire des cris de rage. Tout pouvait arriver, même si Armand n’était pas directement concerné, il ne pouvait s’empêcher de retenir sa respiration derrière sa vitre teintée, il pouvait être similaire aux monarques fuyant leurs peuples mais qui avaient pourtant gardé l’infime espoir de les voir les aduler malgré leurs départs. Un espoir inimaginable, parfois même enfantin et naïf, de croire que finalement, la haine populaire est inconstante et peut se changer a tout moment et se retourner contre n’importe qui. Malheureusement, ce silence n’était qu’un prélude à une violente tirade d’un groupe conservateur, qui s’attaqua à la désastreuse gestion des affaires bahamanites, et qui concluait son intervention sur une menace à demi-voilée, si le Directorat tentait de réprimer cette manifestation pacifique, les conséquences seraient terribles, une élite ne peut lutter contre son peuple sans renforts extérieurs.

Et tandis que cette tirade se concluait sur les hourras d’une foule en liesse, des applaudissements frénétiques qui ne faisaient qu’enterrer les espoirs du Directeur, qui voyait le peuple, lentement mais sûrement, se retourner contre ses administrateurs, montrer les crocs et se préparer à les mordre s’ils s’approchaient de trop près, maintenant, il fallait le réapprivoiser, faire renaître la confiance. Cette fleur fragile qui se fane, doit à nouveau être entretenue, choyée, aimée. Les Directeurs devaient reprendre l’initiative s’ils ne voulaient pas se voir reléguer dans les tréfonds de l’histoire et qu’on se souvienne d’eux comme des fonctionnaires corrompus qui parasitèrent toute une société pendant plusieurs années. Et pire encore, qui coulèrent l’économie bahamanites et qui furent à l’origine de son ralentissement. Tout en pensant à cela, Armand arrivait devant le Parlement tandis que la foule grondait de plus en plus, prise par une légère crainte de ce qui pourrait arriver, une sorte d’instinct naturel, se basant sur l’Histoire et des multiples manifestations réprimées dans le sang et la violence pour « ramener l’ordre ». Cette foule sentant l’intrigue se nouer presque sans elle craint, et quand un peuple a peur, il se montre agressif, la tension ambiante et les discours subversifs peuvent vite précipiter les évènements, pire encore amener les pires drames, car ces derniers auraient pu être éviter, rester de simples risques. «  Nous avons intérêt à statuer très vite sur la question, sinon nous sommes perdus. » et tandis qu’il s’approchait du parlement, la foule grondait de plus en plus bruyamment, même à un moment alors qu’il ouvrait la fenêtre de son véhicule quand il arrivait à l’entrée du Parlement, un homme d’une vingtaine d’année fit en brandissant son billet « Hé je vous reconnais ! C’est vous Armand de Saint Jacques des Champs ! Je vous ai reconnu ! » et déjà la foule se rapprochait, tandis que les policiers étaient prêts à éloigner tout cela à coups de matraque, tandis qu’une clameur s’élevait et se répandait « Il est là ! ». Mais les policiers, empêchant la foule de se refermer sur le convoi, firent la chaîne tandis que les portails s’ouvraient pour accueillir les véhicules du Directorat.

Et déjà le directeur se précipita dans l’Hémicycle, inutile de se perdre longuement devant les tableaux, les statues et les tapisseries, il fallait débattre le plus vite possible. Et déjà l’ambiance était électrique, les diverses factions soutenant tel ou tel directeur étant particulièrement tendues. Tandis que les rares parlementaires indépendants en appelaient au calme et à la modération ; « Messieurs, la paix sociale se doit d’être garantie ! Ne prenez pas des décisions que nous pourrions tous regretter, ne dispersez pas dans le sang les manifestants, ne les matraquez pas, ne les massacrez pas ! Messieurs, pensez aux conséquences ! Êtes-vous sûrs de vouloir perdre votre statut et votre famille dans un bras de fer perdu d’avance contre la foule ? Pensez-vous qu’un tel combat pourrait nous permettre de préserver ce qui compte le plus pour nous ? Non ! Nous devons négocier, et non pas affronter, utiliser le compromis au lieu de la force ! » tandis que d’autres leurs répondaient ; « Et oui, et peut être qu’un groupe d’amateurs non armés ira résister face à une armée entière ! » montrant par là l’entière confiance qu’ont certains députés vis à vis des troupes impériales et des gardes chargés du maintien de l’ordre. Mais pourtant, tous savaient que s’il devait y avoir un affrontement entre les manifestants et les troupes de sécurité, le combat serait perdu d’avance, en revanche ils espéraient pouvoir avoir le temps de fuir en direction de l’Antérinie dès que la pression serait sur le point de faire exploser cette cocotte-minute populaire en ayant, bien entendu, empoché les dons des Directeurs pour leurs voix.

-« Messieurs, calmez-vous ! La séance va s’ouvrir, veuillez vous asseoir. Quant à messieurs les Directeurs, veuillez prendre vos places attitrées. » Fit une voix froide et monotone.

Le parlement bahamanite en ébullition/Parlement indien
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Un combat perdu d’avance…


-« Messieurs, calmez-vous ! La séance va commencer, veuillez vous asseoir. Quant à messieurs les Directeurs, veuillez prendre vos places attitrées. » répéta de manière plus énergique le président du Parlement tandis que les députés s’interpellaient et s’accusaient mutuellement. Puis, tonnant encore plus fort il hurla : « Messieurs ! Je vous prie de vous asseoir ou bien vous serez suspendu une semaine ! ». Et cette fois-ci les représentants bahamanites s’assirent et se turent. Les Directeurs étaient déjà assis, et regardaient avec amusement cet immense hémicycle qui s’apparentait plus à une cour de récréation qu’à un véritable lieu de pouvoir. Les députés étaient tous vissés sur le siège de leurs pères ou de leurs grand-pères, certains étaient cadres dans les entreprises que possédaient les véritables maîtres du Bahama, d’autres avaient des relations étroites avec les cercles d’amis d’Antoine de Saint-Exupéry, de Pierre de la Garde ou encore d’Armand de Saint Jacques des Champs, ou étaient tout simplement achetés à chaque votes. Et pourtant, même s’ils votaient très souvent ensemble, ces Excellences ne se supportaient pas, de véritables rivalités opposaient ces hommes d’États. Elles pouvaient tout aussi bien être d’ordre économique et politique ou de simples guerres d’ego… Une véritable garderie qui permettait aux directeurs de mener la barque comme ils l’entendaient au travers d’un vaste réseau de clients dépendants d’eux, que ce soit pour leur avenir professionnel ou politique.

Si cette « auguste » assemblée était à majorité composée de parfaites crapules plus corrompues les unes que les autres, elle comptait en son sein des hommes honnêtes. Certains étaient aveuglés par leurs idéologies, d’autres étaient mesurés et agissaient pour le bien commun. Malheureusement c’étaient de véritables oiseaux rares, des îlots épars au milieu d’un véritable océan de corruption. Et comme toujours, la politique gangrène, et ces havres d’honnêteté n’étaient pas exempts de querelles partisanes, les batailles de réthorique marquaient souvent une opposition frontale entre la droite et la gauche, qui loin de s’unir, devenaient de véritables clivages dans cet état confédéré aux libertés politiques plus que limitées… Pourtant, la presse, les bahamanites et même les autres factions mettaient ces groupuscules dans un même bloc, une sorte de front uni mineur aux intérêts divergents, alliant gauche radicale d’obédience tahoraniste à droite conservatrice encore plus orthodoxe que les Antériniens les plus extrêmes. Néanmoins, les deux groupes avaient des intérêts en commun ; la libéralisation de la vie politique et un maintien du calme qui s’avérait nécessaire pour éviter de voir le Bahama s’embraser et devenir une torche appâtant les puissances régionales et internationales. Car pour beaucoup, même si les manifestations restaient pacifiques, une répression féroce et sauvage pouvait mener à une révolution, et personne ne savait si cette dernière virerait au rouge ou au bleu voire au noir. Et aucun politicien ne souhaitait jouer à la roulette russe, excepté bien entendu Antoine qui y voyait un excellente moyen pour se refaire une réputation et se débarrasser d’un passé maintenant handicapant, voire même de se refaire une place dans la future administration…

Antoine de Saint-Exupéry/David Niel

Mais auparavant, il devait rendre la situation explosive, paraître pour le héros, passer pour marxiste si nécessaire. Ainsi son plan allait devoir se baser sur cette Assemblée, le seul moyen de faire basculer cette manifestation pacifique dans l’émeute sanglante dépendait d’elle. Et pur cela, il comptait sur une armée de députés. Car si la plupart votaient ensemble avec les Directeurs, ils étaient attachés à un directeur en particulier. Et cet attachement s’expliquait généralement par la corruption et le clientélisme, et chaque directeur avait ses méthodes. Pierre préférait la force brute, investir en masse dans les entreprises de sécurité, s’assurer de gagner dans les batailles contre les indépendantistes ou des manifestants. Il avait un mépris certain pour ce mécanisme parlementaire parfaitement hypocrite qu’il voyait comme coûteux et inutile. Alors que ses collègues voyaient en cela un moyen d’avoir le pas sur les autres en cas de désaccord profonds, ainsi les deux autres avaient investis dans un véritable réseau de clients, ayant une influence sur plus ou moins l’intégralité de la société bahamanite, et Antoine espérait bien qu’en alliant les quelques députés de Pierre et les siens, ainsi qu’en corrompant certains soutiens de son rival. « La bataille est gagnée d’avance » se disait intérieurement de Saint-Exupéry. Et tandis que le calme se faisait lentement, très lentement, le marteau du président résonnait dans la pièce et sa voix, reprenant sa tournure monotone et il fit simplement, mécaniquement ;

- « Messieurs, cette session spéciale est ouverte ! Rappelons qu’elle est fermée au public et tout ce qui sera dit ici, restera là jusqu’à la fin officielles des troubles. Les débats porteront aujourd’hui sur la nécessité d’user de la force policière afin de résoudre les troubles ayant actuellement cours à Saint-Arnaud des Pics et dans toutes les provinces autonomes du Nazum antérinien. Bien entendu, nous prierons les représentants populaires de se montrer calmes durant cette séance sous peine de suspension d’ici les deux prochaines semaines. Les directeurs prendront acte de ce qui a été voté et s’y conformeront. Nous encourageons ainsi les députés à voter en leur âme et conscience et à ne pas se laisser influencer par les vices corrupteurs. Les débats peuvent commencer et la parole est attribué à Son Excellence Dupin qui soutiendra cette motion. »

Et tandis que le débats commençaient, le président ne put s’empêcher d’éprouver du mépris pour l’Assemblée. Rien n’avaient de valeur ici, le règlement intérieur ne servait à rien car il n’était pas appliqué, la corruption règne en maître absolu. Ici, l’Argent est le seul pouvoir qui compte, sans lui, inutile de tenter de faire passer ne serait-ce qu’un seul article d’une loi mineure. La vénalité étant la grande prêtresse de ce temple corrompu qui trahit l’État et le peuple, qui est le symbole ultime de la perversion des institutions de l’ex-U.C.C.N, qui échappe à tout contrôle indépendant et qui pourtant règne en second sur la vie politique. Un monstre docile qui peut réprimer et libérer en fonction du bon vouloir de ses maîtres, les Directeurs, qui permet d’éviter que ces derniers ne se déchirent et fassent naître un chaos propre à la désintégration des triumvirats désunis par la jalousie et l’ambition. Apaiser le véritable pouvoir en le légitimant par cette façade grotesque, ces pompes coûteuses et ce verni se voulant démocratique alors qu’il dévoie les bases même de cette dernière. Le crime et le vice s’appuient l’un sur l’autre pour régner, l’assassinat politique pouvant être envisagé comme une solution pérenne tandis que le dialogue, le débat, le compromis, sont les moutons noirs, les freins, les troubles-fêtes d’une réjouissance qui s’achève en orgie de sang. La politique devient la loi du plus riche, l’Institution parlementaire devient une jungle incapable de se réfréner, se contrôler, s’autoréguler. Les Directeurs sont des parasites, elle c’est un cancer en stade terminal se développant à une vitesse décuplée par l’apathie confédérale, le silence populaire, et la convoitise directorale. Ce cancer ronge les os, les poumons, après avoir corrompu le cœur, qui pourtant est artificiellement maintenu en vie pour permettre à ces cellules dégénérescentes que l’on nomme « députés » de se gonfler encore plus, pour ensuite tout emporter avec elle lorsqu’elles exploseront.

Et pourtant, sentant son Trône vaciller, l’Argent s’entoure, montre les dents, corromps encore plus. Le Directorat, régnant implacablement tente encore de se maintenir, la violence devient sa seule solution, face à un peuple en colère, seule la répression pourrait maintenir un calme illusoire, et vient ensuite la chute. Directe, froide, impitoyable. Ce moment où les maîtres, perdant définitivement le contrôle, s’accrochant à tout prix à un pouvoir pervertissant les âmes et les hommes, devient inévitable et se déclenche plus rapidement qu’une avalanche, engloutissant les rois d’hier et leurs institutions, avalant les derniers restes d’un ancien monde, vieux et désuet qui n’a pas eu le temps de changer et d’évoluer. Marquant un échec, mais aussi un renouveau, souvent sanglant, qui n’apporte qu’un régime froid et encore plus immoral que le précédent. Se cherchant des repères, bâtissant des institutions se voulant en tout points contraires au précédent, mis qui en vérité n’ont rien à lui envier en terme de brutalité et de violence. Et les premières neiges annonçant la fin du régime sont déjà passées à première vue indolore, mais en vérité empoisonnée, les suivantes seront plus dures, quelques affrontements mineurs, amenant bien entendu une réponse encore plus musclée. La police tirant dans la foule, jusqu’au moment où elle aussi, fatiguée d’assassiner ses semblables, se retourne contre le régime et dès lors la fin est toute proche. Et cela, plusieurs personnes dans cette salle, malgré la corruption ambiante en avait conscience, et savaient que la décision qui allait être prise mènerait au pire des scénarios.

Malheureusement, la sagesse n’était pas la principale vertu des parlementaires, c’en était plutot une qualité parmi tant d’autres, enfin plutot un défaut. Les hommes étaient surtout guidés par l’argent, et par le plus offrant. Avec un tel niveau de corruption, il était surprenant que des hommes honnêtes existent, mieux encore qu’ils osent penser. Malheureusement, ils étaient les seuls. Rares avaient de réels engagements dans cette assemblée de crapules vénales, les uns agissaient sans réelles convictions, presque sous la contrainte d’un chantage, tandis que d’autres usaient des pots de vins pour offrir leurs voix. Un bien triste jour, l’or aveuglant par son reflet et ses privilèges l’homme, qui benêt, les accepte sans même se remettre en question. Et tandis que Dupin se lançait dans une tirade contre-révolutionnaire indigne des plus grands. Usant et abusant de vieux clichés anachroniques, de tirades vides de sens, des énumérations insignifiantes, un style vu revu… Une sorte de discours réactionnaire qui conviendrait à toutes les occasions, ce même discours que l’on pourrait entendre en boucle sans même se rendre compte qu’ils traitent de sujets différents. « l’ordre ne doit être sacrifié au profit d’une clique de révolutionnaires ! » ou encore, « Rien ne vaut l’ordre messieurs ! Le directorat n’a apporté que l’ordre, et la prospérité économique est apparue d’elle même ! », bref de vieux poncifs vus et revus, interchangeables, un style tout à fait ennuyeux en vérité malgré quelques élans lyriques. Bref du convenu, rien de bien original. Et pourtant, un véritable tonnerre d’applaudissement s’abattu sur l’orateur après cette illustre phrase que l’Histoire ne retiendra probablement pas : « En clair messieurs, sans l’ordre, le chaos, sans la répression, la révolution ! ». Ovation qui est très certainement l’œuvre d’Antoine de Saint-Exupéry.

En effet, le réseau de soutiens du directeur, au travers d’un long travail de sape, retourna quelques députés initialement acquis à son rival et se montrait extrêmement généreux avec eux. Et peu de ces benêts incapables de voir plus loin que leurs intérêts du moment ne purent résister à des postes grassement rémunérés ou à une mallette remplie à craquer de liasses de billets. Personne ne pouvait non plus oser résister à des villas en bordure de mer… Tout était bon comme monnaie d’échange, si bien qu’un même poste a été accordé trois fois et une villa dix fois. Et ces Excellences, aveuglées par leurs cupidités, ne sentent pas le piège se refermer, acceptèrent d’une main tandis que de l’autre ils exerçaient une pression sur leur protecteur pour qu’il promette lui aussi monts et merveilles, qu’il tentait désespérément de satisfaire, mais qui se révélaient toujours inefficaces… Car Armand lui, avait la ferme intention de les tenir. Chose qu’Antoine ne comptait en rien faire, d’ailleurs, son plan reposait sur une semi-révolution pour se mettre hors d’atteinte et se retourner contre ces pantins… Et tandis que son rival se torturait l’esprit à comprendre le pourquoi du comment du comportement de Saint-Exupéry sans oser admettre la vérité, lui prévoyait déjà la prochaine phase de son plan. Et déjà, il attendait avec impatience que le séssion se clôture, mais avant cela, il devait s’assurer du soutien des parlementaires fraîchement corrompus, et il savait qu’un discours était assez long pour les retourner…

-  « Messieurs, calmez-vous. [l’ovation continuait] Messieurs ! Silence dans la salle ! Puisqu’il semblerait que personne ne soit capable de se taire ici, le marteau permettra probablement de ramener l’ordre ! Messieurs, sileeeeence dans la salle ! Et bien, pas trop tôt. Excellence Dupin, nous vous remercions pour votre discours. Maintenant, nous entendrons l’Excellence Daril. Espérons que ce contre-discours vous permettra d’aiguiller vos choix. »

Pierre de la Garde/ Vincent Bolloré

- « Mais enfin Excellence présidente, pensez-vous réellement qu’un second vote est nécessaire ? Je crois que cette acclamation devrait suffire à définir les résultats du vote ! Prenez acte du tonnerre d’applaudissement qui suivit le merveilleux discours de l’Excellence Dupin ! Excellence, abrégez cette session purement protocolaire, terminons ces barbants discours, achevons cette pseudo-nécessité. Le Parlement veut, le Parlement obtient ! Ne perdons pas de précieuses heures à tergiverser ! Toutes les excellences ici présentes réclament le vote. Alors qu’attendons-nous pour donner à l’armée et aux Troupes de Sécurité le droit de réprimer ces barbares rouges ? Alors que nous perdons de précieuses secondes, le crime se propage, les manifestants nous encerclent, s’amassent autour de nos casernes, se préparent à nous massacrer. Messieurs, l’ordre doit être rétabli à tout prix, il en incombe de nos responsabilités et il en va de notre vie ! A la Milice, à l’Armée, à la Police ! Nous ne pouvons rester insensibles et surtout laxiste face à un tel revirement de la situation ! Nous sommes menacés, et l’Union marchande l’est avec ! Allez-y messieurs ! Oui à l’ordre ! Oui à la sécurité ! Oui à l’Union ! Gardez à l’esprit que chaque pas en arrière marque le début de la fin pour l’Union ! Nous avons de quoi retourner la situation ! Oui à la répression ! Non à la Révolution. Et comme l’a rappelé l’Excellence Dupin ; « Sans l’ordre, le Chaos ! » alors montrons nous impitoyable avec cette vermine socialiste ! Aux armes ! » tandis que la salle retentit :

- « Excellent, continuez comme ça ! Inutile de nous embarrasser du discours d’une autre Excellence, le résultat déjà tombé ! Gagnons du temps ! »

Le Président, pourpre, hurla : - « Messieurs ! Un peu de tenue ! Excellence Drahil sortez ! Vous êtes suspendus ! Excellences ! Si un tel vacarme se fait entendre durant le discours de l’Excellence Daril, j’expulserai à vue ! » Ainsi, après quelques tensions, l’un des rares députés qui n’ai pas été corrompus par les Directeurs monta à la tribune :

- « Excellence Drahil, vous osez vouloirs vous attaquer à des innocents ? Devrai-je vous rappeler que ce ne sont que simples manifestants, des hommes sortant dans la rue pour voir leurs conditions de vie s’améliorer, pour se débarrasser des parasites qui avalent jusqu’au moindre grains de blé de leurs récoltes ! Ces hommes pervertissant l’intégralité de notre société ! Ils ont commencés par les présumées institutions démocratiques qu’ils ont mis en place, en les détournant, en les dévoyant, en détruisant l’« esprit » démocratique initial ! Ils y ont installés une clique de députés ne pensant qu’au fric, ils ont fait de ce temple du Peuple, un inaccessible mur de briques ! Si le peuple ne voit pas ce qui se passe ici, il n’est pas dupe, le mur opaque le séparant de ses représentants auto-proclamés laisse traverser les cliquetis des pièces échangées en sous-main en échange d’un vote ! Elle entends le vrombissement des moteurs des voitures partant à toute allure, nées du vol institutionnalisé qui règne en maitre ici ! Vous pensez qu’il ne sent pas les plats de luxe que vous vous préparez, vous croyez qu’il ne voit rien des séances « houleuses » qui noient sous un flot de luxe et biens mal-acquis votre morale ? Vous pensez qu’il n’entends rien de vos rires méprisants ? Vous pensez qu’il ne prends pas conscience de la pression qui pèse sur ses épaules ? Un paysan ici nourrit son député et sa famille !

Et en plus vous cherchez à abrégez le vote qui peut potentiellement vous sauver la vie ? Car ne vous leurrez pas messieurs, l’argent ne sera d’aucun recours, ni pour vous, ni pour eux (fit-il en pointant du doigt les Directeurs). Il ne s’agit pas de voter un budget destiné à financer l’alimentation en W.C de Saint Arnaud des Pics ou tenter quelques essais. Non, il s’agit bel et bien d’une révolution, un soulèvement est en cours ! Et si nous retournons une masse pacifique contre nous, si nous l’excitons, si nous donnons du grain à moudre aux agitateurs, ce ne sera pas quelques slogans innocents, des pancartes inconséquentes, mais des émeutes, des morts, des bouleversements ! Une révolution ! L’établissement d’un régime sanguinolent, s’appuyant sur des régiments de malfrats pour faire régner l’ordre, niant et reniant nos traditions, délaissant les bases de la Société, massacrant ses opposants, en l’occurrence nous et nos enfants. Messieurs, il s’agit ici de savoir si oui ou non nous provoquons une révolution, et toutes les conséquences qui vont avec, ou si nous nous montrons raisonné et organisons des pourparlers avec les manifestants.

Certes, le Directorat ne deviendra qu’un vague souvenir, mais honnêtement messieurs, est-ce une perte ? Qu’un régime qui asservit tout un peuple pour ses industries, ayant probablement inspiré les pires dystopies marxistes. Lui qui pervertit tout un système, toute une société au travers de son clientélisme maladif ! Lui qui s’enrichit sur la mort de milliers de citoyens plus proches des esclaves que l’Homme ! Lui qui fit des Bahamanites des jouets interchangeables pour les magnats de l’Industrie ? Ce serait même un gain. La naissance d’une véritable démocratie, d’un véritable état confédéré qui n’aurait rien à envier à ses cousins germains du Scintillant ou à ses parents d’Eurysie et d’Afarée doit donc se passer de ce régime corruptible, corrompu et corrupteur et embrasser les négociations comme sa seule chance de sortie, le seul moyen d’éviter de connaître le même destin que bons nombres d’états du Nazum, c’est à dire la déchéance communiste, fasciste ou théocratique.

Car messieurs, c’est notre seule sortie à l’heure actuelle, c’est notre seule possibilité, notre seul moyen pour préserver le fragile équilibre qui nous retient du précipice. Nous jouons un jeu dangereux, pris au milieu d’une corde que la Modernité elle-même a tendu. Si nous reculons, si nous réprimons, nous tomberons, nous, le Bahama et les Traditions… Si nous avançons, si nous négocions, alors il faudra jouer prudemment certes, mais nous aurons préservés le plus important, la Stabilité. Nous aurons de quoi bâtir un nouvel état confédéré, plus fort, plus influent, moins corrompu et moins inique. Nous pourrions ainsi trouver la place qui nous est due, avoir un réel impact sur la politique de Monsieur d’Antrania et des différents ministères, même mener la barque confédérale. Messieurs, si nous choisissons le compromis, si nous arrêtons de nous faire aveugler par l’or que promettent les Directeurs, nous pouvons sauver le Bahama de la guerre civile et de la Révolution. Excellences, que voulez-vous que l’Histoire retienne ? Notre rôle dans la naissance d’une révolution ou au contraire notre bonne volonté et le rôle que nous jouerons dans la naissance d’un bien commun sain qui permettra au Bahama de devenir une grande puissance? 
»

Et un silence de mort accueillit ce discours enflammé, mis à part les applaudissements polis d’Armand de Saint-Jacques des Champs et des quelques îlots d’honnêteté et de vertu qui flottent au milieu de l’Hémicycle le reste des Excellences furent silencieuses, quelques-unes rejetèrent les offres des agents d’Armand, mais l’immense majorité des députés achetés restèrent fidèles ; « La gloire c’est bien beau, mais ça ne paye pas. ». D’autant plus que peu avaient digérés les remarques sur la corruption généralisée régnant ici, tous s’étaient sentis visés, les Directeurs, les Excellences, tous savaient qu’ils étaient en tort, la corruption généralisée de l’Assemblée, les rivalités intestines, les crimes en communs partagés et revendiqués à demi-mots… Tout se savaient, et quitte à changer le système autant repartir les mains pleines de bijoux, de récompenses et de médailles, car peu de députés pouvaient se représenter aux élections locales sans avoir besoin de quelques hommes de mains capables de se débarrasser d’urnes ou d’en remplie d’autres avec les « bons bulletins »… Et beaucoup avaient prévus des « voyages d’affaire » si long qu’ils allaient très probablement s’installer à Antrania en espérant que la Justice bahamanite n’aurait aucune antenne sur place. Seuls quelques rares Excellences avaient l’intention de rester, comme Daril, le conservateur, ou certains de ses rivaux tahoranistes…

- « Excellences, veuillez voter s’il vous plaît. Le vote ne durera qu’une dizaine de minutes et se majorité simple. Bien entendu rien ne doit interférer dans votre jugement éclairé. » Fit le président avec pointe d’ironie.

- « Non mais ils en prennent du temps ! Tout ça pour quoi ? Pour rien, je savais que ce Parlement n’est qu’une escroquerie coûteuse, alors que quelques coups de fusils tirés au milieu de la foule devraient permettre de résoudre assez vite la situation. Quels bandes d’amateurs ! Et ce pacifiste à moitié gauchiste, n’importe quoi ! A voilà le président qui prend enfin la parole ! »

Armand de Saint-Jacques des Champs/ Patrick de Carolis

- « S’il vous plaît Pierre, taisez-vous. Nous n’avons pas besoin de précipiter une émeute incontrôlable.  D’ailleurs, Antoine, il semble étrange que vous ne preniez pas la parole ? »

Si son rival était si silencieux, c’est surtout car il sentait la pression s’accumuler sur ses épaules, si la première phase de son plan réussit, dès lors c’est gagné, il pourra se racheter une réputation, et surtout de quoi siéger dans une confortable commission coûteuses et rémunératrice à Antrania, vivre paisiblement, loin des intrigues de cour, et surtout éloigner de lui les gibets… Pourtant, il n’était pas serein, même si les applaudissements sont un excellent moyen de prévoir les résultat des votes, un simple accroc peut renverser sa machination, la visite inattendue d’un Haut Dignitaire impérial, la troupe qui refuse d’agir… Même l’effacement des preuves et des témoins compromettants peut s’avérer risqué. Il était tendu et sous pression. Cette pression impitoyable qui fait douter n’importe qui, qui remet en cause chaque choix, chaque décision, chaque ligne du plan. Qui fait peur car elle représente parfaitement bien l’Homme. A la différence de Dieu, omniscient et omnipotent, l’humain est capable de se tromper, de prendre pour une voie royale un sentier sinueux menant dans la plupart des cas à la mort, victime de ses passions il descend sans même s’en rendre compte aux Enfers. Et enfin, lorsque la silhouette de Charon se dessine, que le Styx apparaît, nous nous rendons compte que nous avons commis une erreur mortelle. Et tout ce qu’espérait c’était qu’il avait pris la bonne décision.

- « Excellences, Directeurs, le vote est terminé. Et il se détache une claire majorité à 80 % des voix. L’utilisation des forces de police, de gendarmerie et des armées confédérales devient donc possible. Messieurs, Excellences, Directeurs, la séance est levée. »

Et tandis que dans toutes les casernes, les commissariats, les gendarmeries raisonnait un message radio clair ; « L’utilisation de la force pour réprimer les manifestations vient d’être approuvée, toutes les unités sont priées de se mettre en position. » Que les casques, les matraques, les fusils et les boucliers raisonnaient dans tout ces bâtiments. Que les députés acclamaient sans même se rendre compte de ce que cela impliquait, qu’ils venaient d’ouvrir la porte au chaos tandis que l’ordre, agonisant, dépérissant avait besoin de véritables soins pour survivre. Pierre et Antoine jubilaient, l’un du carnage qu’il allait commettre, l’autre de son coup de poignard qu’il s’apprêtait à donner. Armand, sentant la fin proche sanglotait discrètement. Son poids politique venait de se dissoudre dans l'argent, mais après tout que pouvait un David désarmé contre un Goliath plus riche qu'un Crésus ? Le miracle biblique ne pouvait se réaliser face à un ennemi caché aussi manipulateur qu'impitoyable. Mais un secrétaire arriva et fit précipitamment Excellences, Sa Majesté Élisabeth de Rhemanova arrive d’ici quelques heures à l’aéroport. Et elle est bien décidée à tout changer. Et ce devant le désarroi généralisé des Directeurs, ressentant des espoirs contradictoires.

Le parlement bahamanite en ébullition/Parlement indien
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