Activités étrangères à la Cité du Désert
Posté le : 03 déc. 2024 à 12:18:50
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Posté le : 03 déc. 2024 à 15:55:07
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Là-bas, derrière la dune

Elle soufflait du silence, découpant les formes du monde, rétrécissant les silhouettes et estompant les reliefs. La nuit était tombée. L'obscurité grandissait comme une lente inondation noire, emplissant comme de l'encre la page d'une journée ébouriffée de chaleur sèche et rocailleuse. Absence du soleil, elle apportait de minuscules étoiles et un grand voile d'ombre, dans lequel la réalité de l'horizon venait de disparaître.
Tariq laissait les braises s'éteindre en contemplant le Grand Erg Occidental miroiter dans l'obscurité. Il voyait ce mastodonte de sables évasifs s'allonger voluptueusement sous la voûte nocturne. Il en recevait l'haleine mystérieuse qui soufflait sur son visage. Il aurait été inutile de l'interroger ; la dune demeurerait éternellement silencieuse.
L'homme se leva pour ramener autour de la tente principale les affaires de thé à présent froides et vides qu'il venait d'utiliser. Même à voix basse, les conciliabules ricochaient autour des parois de la roche, ce grès abrasé par la morsure incessante du vent et du sable, de l'air chargé de particules minérales, sec, brûlant et mortel. Il passa la main sur le poil des chameaux, dont le troupeau docile était agenouillé autour de la minuscule guelta. Un panneau indiquait le nom de la localité, nichée au creux de l'affleurement gréseux qui émergeait des sables, formant un dédale miraculeux où se conservait une mare, hier puits pour les caravanes, aujourd'hui préfecture administrative du canton frontalier. Al-Taghant.
Quelques bâtiments vétustes des années quatre-vingt se dressaient, agglutinés les uns contre les autres, pour héberger le bureau du préfet, abritant des quads et quelques fusils pour le contrôle de la frontière, ainsi qu'un héliport dérisoire, dont la peinture disparaissait. Dans l'une des cases, la mélodie d'une radio faisait un air nostalgique au microscopique village, habité seulement de quelques troupes monotones qui veillaient à la frontière. Tariq l'entendit, malgré la distance, qui se frayait un chemin au-dessus des chameaux agglutinés pour le sommeil et des tentes de Bédouins dressées pour la nuit. La musique s'échappait pour être rendue à l'immense et invisible silence.
Comme lui, quelques autres bergers étaient venus de Tass-na-Ghalta jusqu'à Al-Taghant pour prospecter les abords parfois herbeux de cette localité d'altitude, pour y réaliser le chamelage des femelles, et y vendre quelques peaux et des fromages aux jeunes conscrits venus des grandes villes, qui y épuisaient un service militaire traditionnel.
Tariq vérifia que tous ses animaux étaient bien serrés les uns contre les autres, tâtant anxieusement le ventre des vieilles chamelles, dont la gestation touchait à son treizième et dernier mois. Chaque fausse couche était un drame à lui seul. La période de la mise bas était la plus sensible ; les chamelons devraient bien vite ingurgiter le précieux colostrum de leur mère, apprendre à déambuler sans fatigue, à goûter l'eau rare quand elle se présente, et à respecter les ordres paternels du chef de troupeau.
Les dromadaires étaient la vraie richesse de Tariq, du père de Tariq, et du père de son père avant lui. Certains de ses frères avaient quitté la tente familiale pour vendre leurs bras aux industries extractives, ou pour faire carrière dans l'armée. Qu'est-ce que cela avait-il pu apporter ? Dans l'immensité désertique, les billets froissés des grandes villes ne sont d'aucun secours. La vie du désert a son rythme, faite de trajectoires lentes et permanentes à gravir les dunes et les plateaux rocailleux dans la fournaise infernale, à somnoler comme la fumée d'un camp, à errer de guelta en oasis, glanant l'eau, l'herbe, l'ombre et les buissons, tirant le mieux qu'on peut d'animaux fidèles et beaux qui partagent votre vie de nomade. Les anciens les appelaient navires du désert, à l'époque où d'immenses troupeaux de chameaux au pied léger assuraient le permanent va-et-vient des hommes et des marchandises le long de la Route de l'Encens, de la Soie, de l'Or ou de l'Ivoire, fréquentée autant par les marchands que par les pèlerins, les éleveurs, et les armées des conquérants. De cette époque ne restaient que les fragments épars d'une immense histoire : traditions orales, contes, chansons, toponymes des dunes et des falaises dont l'origine commençait à être oubliée ; les souvenirs s'étiolaient et se perdaient dans les étoiles.
Les camions de la relève démarrèrent peu après la totale obscurité. Les hommes avaient bu et mangé, joyeux dans la petite caserne, et c'est bien tard qu'ils prirent la piste vers Tass-na-Ghalta pour y retrouver la route nationale. Leurs phares jaunes et rouges éclaboussaient le paysage noir, disparaissant dans un grondement lointain. Les jeunes soldats quittaient enfin le désert morne et éprouvant, s'en retournaient à la ville.
Tariq suivit le convoi des yeux jusqu'à ce que les camions se fussent transformés en points lumineux aussi fragiles et fuyants que des flammèches de lampe à huile. Dans le silence de son épouse assommée par le sommeil, il se glissa doucement auprès d'elle, gardant un oeil sur le troupeau paisible. La journée cuisante tomba sur lui comme une masse et il n'eut qu'à fermer les yeux pour s'endormir.
En traitant le travail de la journée, son cerveau fit défiler le long de ses neurones des images et des sons qu'il avait en mémoire. De ces rêves il ne garderait au matin qu'un vague souvenir ; visages de chameaux, crêtes dunaires, surfaces rocheuses polies par la cryoclastie, formes étranges allongées par le déclin du soleil, projetée sur le tableau du désert. Les paroles rares échangées avec sa femme. L'autorisation de paître et d'abreuver dans la guelta délivrée par le militaire en chemise brune. La rumeur imperceptible et permanente du sable, au loin, plein de murmures et de douces folies, du genre de celles qui, comme son petit frère Hakim, suggéraient de franchir le désert pour tenter sa chance au loin, là-bas, derrière la dune, dans cette miraculeuse et inconnue Cité du Désert où paraît-il la richesse abonde.
Posté le : 01 mars 2025 à 19:31:52
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Rencontre entre la Princesse de la Cité du Désert
et le Président de la République de Poëtoscovie
La rencontre diplomatique a lieu en Poëtoscovie, sur initiative du régime Poëtoscovien.
• Points soulevés par la Cité du Désert
Les deux États semblent satisfaits des négociations.
Posté le : 23 mars 2025 à 00:47:58
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Un pas vers la neutralisation des groupes terroristes
Source : Ministère de la Défense - Confidentiel
Alors que des militaires poëtoscoviens sont déployés via une base située dans le désert sous l'autorité de la Cité du Désert, ceux-ci interviennent au nom de la puissance littéraire et luttent activement contre le terrorisme.
En quelques années, la contrebande et le terrorisme ont drastiquement augmenté dans le désert, en faisant une forme de lieu où ne s'exerce plus le droit. Or, s'il existe en effet des espaces désertiques sans que l'autorité d'aucun État ait lieu, il n'en demeure pas moins que la dignité humaine exclut le vol, la prise d'otage ou l'exécution comme mode d'action. Rétranchés dans le désert et se réfugiant dans des abris lors des tempêtes de sable, de violents groupes armés sèment la terreur sur les principaux axes de communication employés par les quelques personnes traversant le désert sous la protection de la Garde Princière.
Toutefois, face aux méthodes de certains groupuscules, la Garde Princière se montre inefficace. Effectivement, car le trajet est toujours le même et s'effectue à découvert, il est aisé pour les individus malintentionnés de tendre un piège aux voyageurs. C'est dans ce contexte que, ce 16 février, plusieurs attaques ont eu lieu. L'une d'entre elles, particulièrement violente, a opposé les forces de la Cité du Désert à celles d'un réseau terroriste ayant vraisemblablement des intérêts dans le contrôle de la région. Alertée par radio, la base militaire de la Poëtoscovie, qui se trouvait non loin, a immédiatement envoyé des renforts qui ont permis de venir en soutien de l'armée régulière de la Cité.
Durant l'affrontement, un garde de la Cité a été grièvement blessé, et un voyageur ainsi qu'un terroriste ont été abattus. Un autre individu a été neutralisé au moyen d'un tir dans l'épaule par les forces poëtoscoviennes. L'hélicoptère militaire a alors transféré le blessé et les deux morts à la base, étant plus proche que la Cité. Le membre de la Garde Princière touché s'en remettra d'après les équipes médicales poëtoscoviennes, et l'individu interpellé a été remis aux autorités locales.
Pour remercier la Poëtoscovie d'être intervenue, la Princesse a décoré le militaire en charge de la coordination des opérations militaires poëtoscoviennes dans le territoire soumis à la Cité du Désert. Le garde blessé a également été décoré. Par ailleurs, la Sécurité d'État de Poëtoscovie (SEP, les services secrets poëtoscoviens) aura l'autorisation d'interroger l'individu sans pour autant qu'il quitte l'enceinte de la Cité du Désert.
Cela intervient alors que des débats ont actuellement lieu dans la Chambre des Seigneurs, notamment quant à l'accord signé entre la Poëtoscovie et la Cité du Désert en matière de défense et de ressources hydriques. Monsieur le ministre des Relations Internationales rappelle que "les forces militaires poëtoscoviennes présentes dans le désert sont au service de Sa Majesté la Princesse de la Cité du Désert afin de subvenir aux besoins en termes de sécurité sur le territoire". Il a également ajouté qu'il entendait que l'accord bilatéral conclu entre les deux États puisse être soumis au débat des Seigneurs, et que la Poëtoscovie accepterait d'en revoir certains termes si cela pouvait favoriser l'entente entre les deux nations.
Sur autorisation de Sa Majesté la Princesse de la Cité du Désert, ce dernier État ne possédant pas de service de renseignement – la Garde Princière étant chargée de l'ensemble de la sécurité –, la SEP a eu l'autorisation d'infiltrer les groupes responsables des violences notamment sur le territoire où s'exerce l'autorité de la Cité. Hernani-centre a déjà fait savoir que des opérations seraient menées dans ce cadre-là, toujours en concertation avec les autorités locales et selon leurs souhaits.
Par ailleurs, dans ce cadre de lutte contre le grand banditisme et le crime organisé en milieu désertique, la Poëtoscovie a annoncé étendre son champ d'action en Afarée notamment au niveau diplomatique avec tout État le souhaitant. Il n’a été établi aucune condition, ni qu'il soit victime de pareilles attaques, sans lien nécessaire avec celles subies dans le désert sous le contrôle de la Cité du Désert, ni qu'il soit en possession d'informations intéressant la SEP. Pour l'heure, les seules informations connues du grand public sont celles relatives à l'attaque du 16 février. Les chefs d'États afaréens et les responsables de la diplomatie des États afaréens, eux, sont au courant que la Poëtoscovie s'intéresse de près aux actions commises par les groupes terroristes ou pseudo-terroristes sur le continent.

Posté le : 23 mars 2025 à 13:57:24
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Infiltration d'un clandestin au coeur des réseaux terroristes du désert
Source : Ministère de la Sécurité d'État - Confidentiel
Après les attaques du 16 février, la Poëtoscovie a décidé d'engager la Sécurité d'État sur le territoire de la Cité du Désert. Celle-ci y a apporté son autorisation, et des rapports sont régulièrement transmis à Sa Majesté. Il est important, pour comprendre la suite de ce rapport, de noter que les groupes terroristes sont les mêmes qui pratiquent la contrebande.
La Sécurité d'État de Poëtoscovie a, dans un premier temps, lancé une phase d'observation des réseaux terroristes. Il se trouve que, d'après les renseignements fournis par la SEP, les réseaux seraient organisés de manière disjointe. Tous bougeraient, mais s'arrangeraient pour ne pas entrer en conflit avec un potentiel autre groupe. Les terroristes forment des sortes de cellules indépendantes qui rendraient une activité globale contre le terrorisme dans la région d'une grande complexité. Différentes solutions sont actuellement recherchées.
Si les cellules terroristes ne sont pas liées directement, elles forment toutefois un réseau qui se partage des informations et s'organise afin de ne pas provoquer des rivalités qui nuiraient à la contrebande. Ce qui rend particulièrement difficile une véritable opération d'envergure est le fait qu'il n'existe pas de figure centrale, ni même de pouvoir centralisé. Une piste de réflexion pour lutter contre ces réseaux terroristes serait alors de permettre l'essor d'un tel fonctionnement, afin de pouvoir le frapper en plein cœur et de désorganiser les cellules dans leur nouvelle coordination.
Une alternative serait de s'attaquer à la contrebande, qui constitue tout de même le cœur de ces tensions, mais cela serait trop complexe et nécessiterait des moyens que même la Poëtoscovie n'est pas en mesure de fournir sur le long terme. En effet, pour éviter tout commerce basé sur l'import-export de produits étrangers ainsi que le pillage des caravanes, il faudrait à la fois sécuriser toutes les frontières du désert sous l'autorité de la Cité, mais aussi l'ensemble des axes de communication. Par ailleurs, l'étranger ne reste pas le seul endroit avec lequel commerce la Cité du Désert, puisque dans le cœur de celles-ci également sont vendus les objets volés par les terroristes. Effectivement, il apparait clairement que ceux-ci cachent leurs armes ou tout autre indice pouvant mener à les suspecter dans le désert, et rentrent dans la Cité à la manière de marchands insignifiants.
Le mobile de ce terrorisme n'est pas encore tout à fait connu. Même dans les cas où les caravaniers n'ont rien et se rendent, ceux-ci sont exécutés. Les autorités locales rapportent même que certains terroristes auraient abattu de loin des caravaniers sans pour autant chercher à prendre leur marchandise. Le fait que les terroristes puissent agir en étant payés par un État étranger pour déstabiliser la région est une piste qui n'est pas écartée.
Afin de nuire au fonctionnement des terroristes, il a été envisagé de placer des brouilleurs à différents endroits du désert. Toutefois, personne ne doute que les terroristes auraient alors changé de moyen de communication. Il a donc été décidé d'intercepter les ondes radios, ce qui n'est pas difficile en soi, mais s'avère périlleux, les terroristes n'usant que de machines dont le message est à très faible portée. La SEP a alors commencé à placer des "intercepteurs radio" dans plusieurs endroits du désert. L'un d'entre eux a déjà été déconnecté. Une équipe dépêchée sur place a pu confirmer qu'il ne s'agissait pas d'un tour du désert, mais bien d'un acte de ces groupes-là, le boîtier étant recouvert d'impacts de balles.
Afin de rester informée de potentielles évolutions, comme la décision de centraliser les décisions des groupes terroristes en cas de fusion, ou pour intervenir en cas de grosse transaction, la Sécurité d'État a opté pour faire infiltrer un agent clandestin au sein de l'un des groupes terroristes du désert. Le clandestin, Arsan (référence à Arsan Duolai, souverain des morts d'après la mythologie russo-turque), un jeune homme ayant émis le souhait de s'impliquer dans ces réseaux criminels, a été reçu comme recrue. D'après les communications qu'il nous transmet, le réseau terroriste qu'il a infiltré ne semble pas se douter qu'il travaille pour la Poëtoscovie. En cas de problème toutefois, les forces situées dans la base militaire au sud du pays pourront venir à son secours. Sa chaussure dispose d'un traceur GPS qui permet aux équipes de localiser en direct l'agent. Si le signal venait à se couper ou que les équipes ne recevaient aucun rapport en 5 jours, les militaires partiront à la recherche du clandestin poëtoscovien.

