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Compte-rendu : Réunion du gouvernement communal (23 mars 2015)




Patrice Visconti : Excellences sénateurs et conseillers. Veuillez vous assoir, nous allons commencer. Bon, quels sujets nous devons voir aujourd’hui ?

Greffier : *bruits de touches d’ordinateur* Excellences. Nous devons aujourd’hui aborder les progrès effectués par son excellence Maître de l’Arsenal DiGrassi à Rasken. Ensuite nous devrons aborder le point sur les négociations avec les grévistes…

Maître de la Garde Carlos Pasqual : Inutile d’évoquer ce sujet, greffier. Le seul argument que j’ai à mettre sur la table est la force et l’ordre, excellences. Aucune négociation avec ces gredins.

Greffier : Euh…

Patrice Visconti : Ne faites pas attention, greffier, notre excellence Pasqual est un peu sur les nerfs ces temps-ci. Il faudra que nous en parlions vite fait tout de même, excellence Pasqual.

Greffier : Très bien, je note tout de même les déclarations de son excellence. Ensuite, son excellence Cavalli doit nous faire un exposé sur la stratégie commerciale de la Grande République au Nazum et en Eurysie de l’est, avant d’aborder la question d’une possible réforme des magistratures du Sénat. Et pour finir, nous avons…euh…attendez je regarde mes notes… un point sur les donations évergétiques de nos excellences sénateurs au peuple de Velsna pour le début de l’année 2015.

Maître des évergètes Paolo Forel : Vous en faites pas, ce point là sera assez court. Depuis qu’on a instauré l’impôt des 1%, les donations caritatives de ces excellences ont connu un certain effondrement. Mais nous allons y revenir…

Maître de l’Arsenal Matteo DiGrassi : Aller, finissons-en…nous avons tous beaucoup de travail.

Maître de la Garde Carlos Pasqual : Oui, nous avons cru comprendre que vous aviez mal à partie avec une bande de moines. C’est quoi cette histoire encore ? Des chenapans en robe de bure vous causeraient-ils plus de problèmes que Dino Scaela ? Cette aventure au profit de l’allié raskenois commence à nous coûter cher. Les sénateurs ont dépensé sans compter pour lever cette armée, et ils espèrent que leur générosité soit porteuse de résultats…et qui s’expriment autrement que par la simple gratitude des margoulins…

Maître de l’Arsenal Matteo DiGrassi : Je n’irais pas jusque-là, excellence. Disons que la faune locale est plus obtuse que ce que nous attendions d’elle. Pour ma part, je conçois que beaucoup d’excellences ne soient dotées que d’une vision court-termiste, et je m’en désole. Mais il faut bien comprendre que l’importance stratégique de la sécurité de Rasken compte bien davantage que le poids de nos bourses. Vous devez bien comprendre l’ampleur des menaces qui pèsent sur notre partenaire commercial, et les conséquences que cela aurait sur nous tous. Deux tiers du pétrole raffiné dans nos ports provient des exploitations d’Apex, aussi, laisser cette entreprise être prise en otages, que ce soit par des nationalistes slaves, des onédiens ou un chef de guerre communaliste n’est pas acceptable.

Aussi, je demande à ce gouvernement communal de bien vouloir convaincre le Sénat d’allonger la durée de l’intervention de la Grande Tribune qu’ils ont placé sous mon commandement. Au moins jusqu’à la fin de la médiation devant décider de l’avenir du Gradenbourg, et qui conditionne toutes les tensions dans la région. Et je suis certain d’être tout proche d’y parvenir, moi-même et mes confrères sénateurs sur place. Des objections ?

Maître des balances Rocco Ascone : Combien de milliards de florius tout cela va encore nous coûter ? Je vous rappelle, excellence, que moi-même y ait mis de ma poche dans cette mobilisation. Je veux bien vous soutenir au Sénat, cher confrère, mais vous allez devoir tous nous renvoyer l’ascenseur un moment ou à un autre. Surtout quand on sait à quel point vous restez opaque sur cette affaire. Qu’on se le dise. Mais j’estime votre argumentaire fondé, je vous donne donc mon soutien, pour cette fois…Les gains ont toutefois intérêt à être immenses.

Patrice Valeria Visconti : Bien. Ceux qui soutiennent encore l’initiative du Maître de l’Arsenal lèvent la main.

*Approbation unanime, quoique silencieuse*

Patrice Valeria Visconti : Sujet suivant : la grève…mais avant cela, qui veut du café ? Personne ?

Maître des balances Rocco Ascone : *Ignore la proposition de Visconti* Oui, pour combien de dommages matériels nos gauchistes préférés se sont-ils rendu coupables cette semaine, que j’ouvre encore mon portefeuille…Sans compter que les gorilles de son excellence Pasqual sont parfois

Maître de la Garde Carlos Pasqual : *haussement de ton* Nom d’une ménagère, combien de fois il faut que je vous le dise !? La situation est totalement sous contrôle. Sujet suivant !

Maître des balances Rocco Ascone : Ce n’est pas ce que dit mon livre de comptes rapporté par les questeurs du Sénat. On est un peu au-delà de quelques poubelles brûlées au parc Zonta. Il va falloir que le travail reprenne, quoiqu’il en coûte. Pour l’instant, l’impact économique de ces manifestations a encore des conséquences limitées sur la croissance ? Mais je me dois de mettre en garde contre un prolongement de ces troubles. A long terme, notre image pourrait en pâtir. Il y a que deux solutions selon moi : ou bien céder aux revendications et accepter d’inclure leurs demandes. Ou frapper un grand coup pour en finir le plus rapidement possible. Je ne vous cache pas que je suis en faveur de la seconde solution. Mais il faut crever cet abcès quoi qu’il en coûte. On l’a bien fait avec les libertariens il y a quelques semaines j’ai envie de dire. Une manœuvre nécessaire.

Maître de l’Arsenal Matteo DiGrassi : *tire sur sa cigarette* Il y a une différence entre se prémunir des actions d’un parti dont on a les preuves d’une tentative de coup d’état, et réprimer un mouvement social. Cela va peut-être vous surprendre mais céder aux revendications ne nous coûtera pas grand-chose. Parfois, la meilleure manœuvre consiste à lâcher prise sur certains sujets pour avancer sur d’autres.

Maître de la Garde Carlos Pasqual : Mon cul…Bref, contentez vous de vos portefeuilles, moi j’ai le mien. Ces manifestations seront encadrées comme il se doit et l’ordre sera respecté. Jusqu’à ce que le mouvement pourrisse de lui-même. Affaire suivante, excellence Patrice, qu’on en finisse…

Patrice Valeria Visconti : Nous allons donc aborder la stratégie commerciale au Nazum. Excellence Cavalli, un bilan de la situation ?

Maître du Grand commerce Valeria Cavalli :
Euh…oui, notre situation. Nous avançons bien, je dirais. Je pense que nous avons établis des relations de travail aussi dirables que fructueuses aussi bien avec Drovolski qu’avec la Polkême. J’ai dépêché là bas un ambassadeur que je considère comme un spécialiste de la question…

Maître de la Garde Carlos Pasqual : Qui ça ? Le sénateur Mascola ? J’ai ouïe dire qu’il était…spécial ? Du genre philosophe…

Maître du Grand Commerce Valeria Cavalli : C’est un profil atypique, mais c’est le meilleur que nous ayons pour développer nos têtes de pont commerciales au Nazum. Il est déjà en contact avec les Xin en ce moment même. Même si ne n’est qu’une affaire en apparence éloignée de nos préoccupations, j’estime que nous pouvons tirer partie des évènements qui frappent la Ramchourie. Et quoi de mieux que de tisser des liens avec les acteurs historiques de la région, plutôt que d’être vu comme des colons en intervenant nous-même. Ainsi, je vais travailler ces prochains mois à tisser des liens à la fois avec les Xin, mais également avec la Jashurie. Car il faut se l’avouer : nos gains financiers potentiels au Nazum dépendront sans doute du bon vouloir du pays du sucre.

Maître des balances Rocco Ascone : J’ai l’impression que le résumé que vous avez à nous faire est le même qu’on entend depuis des mois. Cette affaire n’avance pas, excellence. Quand nos confrères sénateurs investissent, ils veulent des résultats rapides. Je ne sais pas si « Oui nous avons désormais des liens étroits avec untel pays de sauvages » est un bon argument à faire valoir pour autant d’argent jeté par les fenêtres.
Il nous faut du sonnant et du trébuchant. Comment se débrouille la flotte d’orient dans l’escorte des cargos maritimes à destination du Jashuria et du Wanmiri ? Quelle assurance avons-nous que nos convois sont en sécurité et hors de danger des pirates de la mer de Blême ? Avons-nous au cheval gagnant en Ramchourie ? C’est le genre de réponses que le Sénat veut avoir. Pas des nouvelles de notre aventurier Mascola.

Maître de l’Arsenal Matteo DiGrassi : Excellence Ascone, baissez la cadence. Je pense que nous devons laisser du temps à l’excellence Cavalli qui, je trouve, est sur de bons rails, et qui a mis la diplomatie velsnienne en orient dans de meilleures dispositions qu’auparavant. L’argent suivra. Ces excellences du Sénat vont devoir apprendre la patience comme vertu. Pour ma part, notre consœur a encore toute ma confiance. Excellence Cavalli, vous pouvez arrêter votre exposé si vous estimez qu’il n’y a rien à ajouter. Vous pourrez peut-être nous faire part de vos avancées ultérieures lorsqu’il y aura plus de matière.

Greffier :
Je raye ce sujet donc…

Patrice Valeria Visconti : Bon…eh bien nous nous sommes réservés le meilleur pour la fin. Excellence Forel, je crois que c’est à votre tour.

Maître des évergètes Paolo Forel : Oui Patrice. En effet, je me suis permis de réserver un créneau durant l’introduction de notre ordre du jour afin de vous faire part de mes préoccupations concernant l’effondrement des dons et du mécénat des plus riches de nos concitoyens. Comme vous le savez, les sommes d’argent procurées par la pratique de l’évergétisme permettent de pourvoir à un grand nombre de projets et d’actions caritatives, que ce soit dans la construction, la restauration de monuments de notre cité, le financement des hôpitaux, laboratoires de recherches et de nos écoles… La part du budget alloué par l’intermédiaire de l’évergétisme compte pour près d’un tiers dans certains établissements scolaires privés par exemple.

Mais depuis l’introduction de la taxe sénatoriale de 1% du patrimoine foncier et fiscal sur ces excellences il y a quelques mois, nous avons pu remarquer une division par trois de ces dotations. Tout simplement parce que ces derniers estiment que la taxe en question ponctionne des fonds qui étaient auparavant réservés à cette pratique. Résultat : la plupart des cités libres de notre République ont eu à se plaindre de pertes financières importantes qui auraient pu être allouées à l’entretien d’infrastructures de première nécessité. La question est donc la suivante : en partant de ce constat, que peut-on faire pour donner une réponse à ce problème qui risque de devenir structurel ?

*silence*

Maître de la garde Carlos Pasqual : Pardon excellence, j’ai eu un moment d’absence. Vous pourriez répéter ?

Maître des balances Rocco Ascone :
Il est vrai. On m’a en effet rapporté des propos similaires…

Maître des évergètes Paolo Forel : Et donc ?

Maître des balances Rocco Ascone : Ah j’ai jamais dit que j’avais une solution à ce problème. La taxe des 1% nous permet de couvrir des dépenses que nous n’aurions pas pu concevoir auparavant. Moi, ça me va.

Maître de l’Arsenal Matteo DiGrassi : Peut-être pourrions nous rendre ces dons obligatoires dans le cadre d’un nouveau Senatus Consulte ? Nous établirions un montant de dons annuel en fonction des chiffres établis l’année passée dans le cadre de la charité et du mécénat. Et les sénateurs auraient le choix de financer les œuvres ou les infrastructures de leur choix.

Maître des évergètes Paolo Forel : Oui…pourquoi pas. Ça mérite réflexion. Je vais plancher sur ce sujet et je reviendrai vers vous pour finaliser la proposition avant passage devant le Sénat.

Patrice Valeria Visconti : Bon, voilà qui clôt l’affaire. Eh bien je pense que nous en avons fini avec cette introduction à l’ordre du jour, reste plus qu’à…

Maître des évergètes Paolo Forel : Attendez, on n’a pas évoqué la réforme des magistratures.

Maître de la Garde Carlos Pasqual : Au pire on peut toujours discuter de cela plus tard. Je meurs de faim…et puis c’est pas comme si cette réforme allait changer les choses, qu’on se le dise.
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Compte-rendu : Réunion du gouvernement communal (29 mars 2015)





Greffier : Excellence Patrice ? Excellence Patrice !


Patrice Visconti : *sort de sa torpeur apparente* Oui ! Qu'est-ce qu'il y a Farina ?


Greffier : *Murmure plus posément* Nous vous attendons pour débuter la session, excellence.


Patrice Visconti : Ah oui, c'est vrai... Euh...greffier, est-ce que vous pouvez rappeler les points d'aujourd'hui ?


Greffier : Aujourd'hui nous devons entendre son excellence Maîtresse du Grand Commerce Cavalli au sujet de la nomination de nouveaux ambassadeurs que nous devons choisir dans l'album sénatorial, avant de proposer les noms au Sénat.


Maître des balances Rocco Ascone : Ah, super. On va devoir passer en revue la rubrique nécrologique sénatoriale...


Maîtresse du Grand commerce Julia Cavalli : Je vous remercie de m'accorder cette prise de parole, chers confrères. Oui, en effet, excellence Ascone, il nous faut régler la question de plusieurs nominations de sénateurs ambassadeurs. En premier lieu parce que nous avons de nouveaux partenaires qui ont fait la demande d'une ambassade, mais également parce qu'il nous faut remplacer certains éléments. Nous devons donc proposer au Sénat des représentants pour l'Empire Xin, La Moritonie, et trouver un éventuel remplaçant pour Toni Herdonia à Sylva.


Maître de la Garde Carlos Pasqual: C'est où la Moritonie au juste ?


*haussement d'épaules généralisé* "Je sais plus..."


Maîtresse du Grand commerce Julia Cavalli : *consulte ses notes* En pays slave je crois...


Maître de la Garde Carlos Pasqual : Mais on en a déjà un sénateur qui s'occupe des pays gris non ? C'est pas Mattia Mascola ? L'espèce de troubadour philosophe ? Pourquoi nommer quelqu'un d'autre du coup ? C'est un État profondément inintéressant et sans pouvoir d'achat, ce qui justifie largement de l'ajouter au portefeuille de ce Mascola. Je suppose que tout le monde ici est d'accord non ? Vous avez déjà entendu parler de ce pays vous autres ? Excellences ?


*décision apparemment unanime du gouvernement communal*


Maîtresse du Grand commerce Julia Cavalli : Bien, la proposition sera transmise au Sénat. Nous reste donc les Xin, la Ramchourie et Sylva. Je me permets de commencer par le cas le plus simple: les deux premiers que j'ai cité, donc. Nous nous étions dit précédemment que la guerre civile en Ramchourie nécessitait notre attention, et donc le point de vue avisé d'un expert dans la géopolitique propre à cette région. Problème: notre liste est assez restreinte. Et le nom auquel je pense est déjà détenteur d'une ambassade, à savoir son excellence Mascola. Je demande donc à ce gouvernement son avis sur le fait de nommer un sénateur à la tête de deux ambassades séparées, dotées chacune d'un personnel distinct.


Maître des canaux Luigi Zonta: *se racle la gorge* Je me permets de souligner le fait que la réforme de l'album des ambassadeurs a été précisément conçue pour éviter qu'un de nos confrères sénateurs ne prenne trop d'importance dans les décisions politiques extérieures de notre cité. Ce serait peut-être faire un pas en arrière que de retomber dans ce genre de pratique qui consiste à monopoliser les ambassades comme des fiefs à conquérir...


Maîtresse du Grand Commerce Julia Cavalli: Oui, certes. Mais nous pourrions simplement en faire une exception après tout. Nous savons tous que ce sénateur est réputé peu ambitieux, et il est notre seul élément doté d'autant de connaissances sur les sujets qui seront traités par cette ambassade. C'est donc un point sur lequel il me sera difficile de transiger, et qui n'avait pour but que de vous informer de ma décision de défendre cette position devant le Sénat.


Maître des balances Rocco Ascone : Si c'est ça, autant rester au lit le matin plutôt que de venir ici donc...Merci de m'avoir fait déplacé pour rien, excellence Cavalli, c'est toujours un plaisir. *visiblement ironique*


Maîtresse du Grand Commerce Julia Cavalli: Allons, excellence. C'est parce que je vous respecte que je vous fait venir. Je demande simplement votre confiance vis à vis de ma position devant le Sénat. Mais vous n'êtes pas obligé de la donner vous savez... Nous reste donc le cas de Sylva. Comme vous le savez, Toni Herdonia est en état d'arrestation auprès des autorités sylvoises et ce dernier devrait être déchu sous peu de sa dignité de sénateur, ce qui le rend de fait inéligible pour la fonction d'ambassadeur. Mais en y regardant de plus près, c'est la pertinence même d'avoir une ambassade dédiée exclusivement à Sylva qui m'interroge.

En effet, nous avons d'ores et déjà une ambassade dédiée aux pays de l'OND dirigée par la sénatrice Filippa Ophilio qui pourrait très bien remplir cet office, et nous aurions ainsi à requalifier l’ambassade sylvoise en consulat sous son autorité. Pour défendre ma position, j'insiste sur le fait que nous n'avons aucun intérêt stratégique ou économique à différencier ambassade sylvoise et ambassade onédienne. D'autant que ce poste avait été spécifiquement crée pour exiler Toni Herdonia de la cité et lui tendre un piège destiné à le faire arrêter. C'est désormais chose faite, et je suppose donc qu'il faut marquer le coup en fusionnant définitivement cette représentation avec celle de son excellence Ophilio.

Nous aurions pu la prolonger en effet, mais le gouvernement sylvois n'a pas eu l'air très réceptif à notre proposition de partenariat commercial concernant des taxes douanières portant sur le sucre. Du moins, c'est ce que m'a dit son excellence Riccardo Pedretti.


Maître des balances Rocco Ascone: Pedretti...le sénateur-ambassadeur au Grand Kah ? Il voulait pas récupérer l’ambassade sylvoise à la base ? Cela fait des mois qu'il nous bassinait avec ça. Même DiGrassi lui avait fait miroiter le poste.


Maîtresse du Grand Commerce Julia Cavalli: J'ai ouïe dire que le ton était monté dans les tours avec...*regarde ses notes* son excellence Boisderose. Ce faisant, il m'a fait savoir qu'il ne désirait plus travailler à l'amélioration des relations avec le Duché. J'ignore même si il se rendra au procès d'Herdonia...


Maître de la Garde Carlos Pasqual: Ce petit con a plutôt intérêt, sans quoi c'est moi qui vais le ramener au procès par la peau des bourses. Je n'ai pas ordonné l'arrestation de trente deux sénateurs libertariens pour des prunes.


Maîtresse du Grand Commerce Julia Cavalli: Bref, ce gouvernement me soutient-il devant le Sénat en cas de fusion des ambassades de Sylva et de l'OND.


*approbation unanime*


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"Marrant comment ?" Une discussion entre sénateurs (et vétérans de la guerre civile)





Sénateur Albirio : *en train de manger avec d'autres sénateurs* Bon mes excellences. L'ambiance est un peu merdique. Vous voulez une p'tite histoire ?


Maître des balances Rocco Ascone : *tire sur sa cigarette* Je t'en prie, envoie donc...


Sénateur Albirio : Allez je me lance. C'était en 2013. Le jour du coup d'état de Scaela. Frederico nous rassemble au Sénat, il met en accusation l'autre gros lard, et il se fait massacrer par tous les putschistes que cette putain de Terre ait jamais porté. Ni une ni deux j'essaie de me faire la malle du Sénat mais vous devinerez jamais par qui je me fais arrêté: ce connard de sénateur Enrico.


Maître des balances Rocco Ascone: Celui qu'on a fait exécuter après la bataille d'Hippo Reggia ?


Sénateur Albirio : Oui ! Celui-là même ! Tête de fouine, voix nasillarde à la con. Le type il a pas attendu que le corps de Frederico soit froid qu'il était déjà en train de lustrer les vitres de Scaela. Bref, je me fais toper au parc San Sebastian par ce sale con, avec trois bons chiens chiens qui le suivent. Pendant l'arrestation j'essaie de resquiller en me faisant passer pour un promeneur, je suis assis sur un banc à côté d'un groupe de vieux qui baladent leur chien, je fais semblant de faire la sieste.

*rires*

Sénatrice Badoer : Le type a essayé d'échapper à un coup d'état en dormant sur un banc...

Sénateur Albirio : Tais toi c'est moi qui raconte. Bon, autant vous dire que c'était une idée de con, et ses gorilles m'ont choppé ni une ni deux. Enrico se plante devant moi j'ai les yeux fermés, je fais semblant de dormir. Il se ramène il me dit "Tu fais quoi là Albirio !". Je lui réponds juste "Je me repose. J'ai pas le droit connard ?".

*rires aux éclats*


Sénateur Albirio : Là il commence à fumer des oreilles, il me demande de me suivre, je continue de le prendre pour un con: "Oui je me repose j'ai le droit, je suis dans un pays libre.". Là des gorilles m'embarquent, ils me foutent au trou, Enrico revient me voir tous les jours pour me poser les mêmes questions, et il commence à essayer de me tirer les vers du nez: "Tu vas me dire où on peut trouver tous les soutiens de DiGrassi, tu vas me dire ce que tu sais.". "Bah je sais pas où il est, que dalle, niente, pourquoi je causerais ?" que je lui réponds. Il s'énerve: "Ah non aujourd'hui tu vas m'dire quelque chose !". "Tu veux que je te dise quelque chose ? Ok, je vais te raconter comment ta sœur s'est fait trombinée par Vittorio Vinola."

*rires en continu*


Sénateur Albirio : J'ai cru qu'il allait se chier dessus de rage, il m'ont interrogé pendant une semaine comme ça, et pendant une semaine je lui ai parlé de sa sœur ! Je crois que c'était plus dur pour lui que pour moi à la fin.

Maître des évergètes Paolo Forel : *rire quelque peu forcé* T'es un un marrant...tu me fais marrer...C'est marrant ton histoire...

Sénateur Albirio : *reprends son sérieux* Tu veux dire quoi là ? Comment ça je suis marrant.

Maître des évergètes Paolo Forel : *gêné* Tu sais...ta façon de raconter les histoires...

Sénateur Albirio: Marrant comment ? Qu'est-ce que tu trouves marrant.

Maître des balances Rocco Ascone: Arrête de l'emmerder Albirio...

Sénateur Albirio: Nan nan Rocco, là c'est sérieux j'ai l'impression qu'on se fout de ma gueule là... Il y a quelque chose que je comprends pas. Qu'est-ce que t'as dit ? Faut que tu m'expliques là, j'ai peut-être pas écouter mais je me dis que t'es peut-être en train de te foutre de moi là. Je suis marrant comment ? Marrant comme un achosien ? Je te fais marrer c'est ça, je te fais taper le cul par terre ?

Maître des évergètes Paolo Forel : *transpire* Mais...c'est que juste que...t'es marrant quoi je me moque pas de toi.

Sénateur Albirio: *hurle* ça veut dire quoi marrant, bordel ! Qu'est-ce que j'ai de tellement poilant ? Dis le moi ! Dis moi ce qui te fait rire !

*silence, puis l'atmosphère se relâche enfin à la réponse de Forel*

Maître des évergètes Paolo Forel : ...Arrête de me faire marcher Albirio...

*rires aux éclats*

Sénateur Albirio: J'ai failli l'avoir ! Vous avez vu ! Toi je me dis qu'il aurait pas fallu que Scaela te choppe sinon tu nous aurais tous vendus !

*rire nerveux de Forel*
8377
Respectueux


La fin de la médiation avait laissé une trace sur les visages de certains. Pas pour les simples soldats qui n’étaient guère émus par des problèmes aussi éloignés de leurs intérêts, et dont certains n’avaient même pas connaissance de l’issue de la négociation, pas même pour DiGrassi, qui semblait déjà avoir passé à autre chose, ou qui se servait peut-être de son éternel stoïcisme pour cacher ce qui pouvait laisser dévoiler des faiblesses. Étrangement, les plus affectés par la situation étaient moins le commandant de ces forces que ses subalternes, pour qui cette opération médiatique représentait une opportunité de se démarquer, de se couvrir de prestige en rentrant au pays, de monter dans la hiérarchie tacite qui marquait les relations entre les sénateurs. Et les neuf sénateurs avaient conscience que la protection qu’ils offraient par leur présence aux investissements à Rasken ne suffirait pas à les faire se démarquer des autres parmi ces excellences. On ne récompense pas des hommes et des femmes qui ont simplement fat le planton dans une caserne. Et il arrive un jour où le gouvernement communal a la volonté de jeter un œil à la situation par le biais d’un point de vue extérieur. Ainsi, tous les six mois, le Sénat des Mille faisait part à la Grande Tribune velsnienne de Margoulie de l’envoi de l’une de ces excellences du Sénat, choisies parmi les parlementaires de la majorité.

C’était là, la première fois depuis la fin de la médiation, et comme lors des trois dernières fois, c’était le Sénateur Leftanza qui s’était porté volontaire afin de rétablir de manière temporaire le lien entre le Sénat et son armée. Il atterrit ainsi un soir de printemps, alors que se pose désormais la question d’un retour au pays d’une partie de l’armée. Autant dire que cet élément allait alimenter une certaine discorde entre ce dernier, et ses confrères, pour qui cela signifiait la fin prochaine de leur action d’envergure dans la région. Pour cause, ce soir-là, personne parmi les sénateurs hormis le commandant de la Grande Tribune DiGrassi n’était sur le tarmac pour l’accueillir. Ne se doutant pas une seconde de ce qui allait se produire dans les heures qui allaient suivre, il lui proposa simplement de se rendre au baraquement des officiers où les sénateurs partageaient un dernier verre dans le cœur de la nuit, en attendant de dresser un bilan de la situation le lendemain aux aurores.

L’entrée fut dénuée de haies d’honneur et de vives salutations, et Leftanza, s’il avait été plus alerte, aurait peut-être pu lire l’amertume dans certains regards. Il y avait là cinq des neufs sénateurs aux commandes de l’opération, toutes alignées à un barnum de fortune que l’on avait garni de décoration afin de rendre le lieu moins austère. « Mes excellences. Vous servez pas un verre au confrère Leftanza ? ». Il aborda ses confrères comme un coq bombant le torse, face à des coqs qui eux, paraissaient de rois de la basse-cour chantant les pieds dans la merde.

Quand il vit Albirio dans son coin, le sénateur Leftanza ne pu s’empêcher de raviver en l’abordant et le prenant dans ses bras, dans une fausse étreinte hypocrite animée par de vieilles rivalités, et dont les deux hommes savaient qu’elles étaient aussi fausses que le sourire du nouveau venu :
- Albirio !!! Cela fait un bail que je t’ai pas vu ! T’étais pas là les dernières fois !

Il relâche son étreinte, dont l’imposant Albirio s’est vite dégagé :
- Fais gaffe à l’uniforme, fais gaffe à l’uniforme !
- « Faites gaffe à l’uniforme »…non mais quel phénomène ! On se connait depuis quand ? Tu vas pas me snober non ?
- Nan mais tu commences pas à me les casser, Leftanza.

Alors qu’il s’éloigne pour s’apposer de nouveau face à son verre, Leftanza en rajouta :
- Eh. Si je voulais te les briser je t’aurais dit de rentrer en Achosie pour ramoner des cheminées.

Il y eu quelques rires étouffés parmi les compères d’Albirio. Tous savaient qu’en chaque rencontre, Leftanza aimait à rappeler les conditions dont il était issu, comme le marqueur d’une éternelle humiliation qu’il essayait d’effacer par le moindre de ses actes. Leftanza continue de plus belle :
- Quand il était gamin à ce qu’il paraît c’était le meilleur ramoneur de tuyaux de toute l’Achosie du Nord. Il était génial, à tel point que l’appeler « le p’tit roi des gueules noires ». C’était avant que DiGrassi te fasse sortir de la fange… A ta santé, « MacLeod ». C’est comme ça que tu t’appelais, non ? L’achosien.

Dans une société où il faut sans cesse faire valoir ses droits, Leftanza venait d’enfoncer Albirio dans le sol. Le rappeler à son ancienne condition d’un orphelin achosien survivant de la guerre de l’AIAN. Les autres sénateurs étaient silencieux, ils connaissaient le tempérament d’Albirio. La situation pouvait dégénérer d’un instant à l’autre :
- C’est « excellence sénateur Albirio » pour toi. Je ramone plus les cheminées. - lui répondit machinalement le sénateur offensé. Ses lèvres bougeant à peine tant il était crispé, on aurait pu le croire ventriloque s’il avait eu une marionnette dans une main – Je ne sais pas si on te l’a dit mais je m’appelle Albirio, pas MacLeod. Je suis sénateur de la Grande République et vétéran de la guerre civile.
- Mais Albirio c’était pour te faire marcher. Je ne t’ai pas vu depuis presque un an et tu démarres au quart de tour. Détends-toi je ne voulais pas t’offenser…à la votre, excellence Albirio.


Albirio cessa de fulminer et sa mâchoire se détendit l’espace d’un instant :
- Ok. Mea culpa. Buvons…

Il y eu un silence. Ce fut le toast le plus tendu auquel ces excellences aient pu assister depuis longtemps. Leftanza observa son « compère » arriver à la moitié de son cul-sec. Dans toute la pièce on entendit raisonner ces mots sortant de sa bouche :
- Alors tu vas me le chercher ton putain de plumeau pour ramoner ma cheminée ?

Cette détonation…ce fut comme si la scène, comme en ralenti s’était soudain accélérée. La réaction de l’ensemble des sénateurs présents dans la pièce fut de s’interposer entre les deux hommes. Albirio claqua son verre par terre avant d’hurler comme un possédé retenu par la force de cinq personnes :
- Espèce d’enflure de merde ! T’as jamais été qu’un ancien larbin de Scaela ! T’as toujours été un putain de traître ! La seule raison pour laquelle on t’a laissé vivre c’est que t’étais trop minable pour être sur la liste !
Leftanza alla plus loin dans l’invective alors qu’on sortait de force de la pièce le sénateur devenu fou dangereux :
- Ouais c’est ça, viens te battre si t’es pas un ramoneur de cheminée… Quel con…Non mais vous l’avez vu ?

La sénatrice Badoer, retournée au bar aux côtés de Leftanza, elle avait ce regard froid, stoïque :
- Excellence Leftanza. Vous l’avez insulté, vous lui avez manqué de respect.
- Nan, arrêtez de raconter n’importe quoi. J’ai manqué de respect à personne. Aller, on boit maintenant, j’ai pas pris un vol jusqu’à ce trou à rat pour ne rien me mettre dans le gosier.

- C’est la maison qui régale, excellence Leftanza…profitez. – rétorque Badoer, les yeux dans le vide –
- Le type vient m’agresser alors que je lui ai juste sorti une blague…ce genre d’insecte j’en écrase avec ma chausse droite tous les jours.


Les heures passent, et les verres se vident. Il ne reste alors plus avec le représentant du Sénat, que la sénatrice Badoer qui vide la bouteille pour Leftanza, et un bien nerveux sénateur Agnolino qui semble jeter un œil par la fenêtre, à intervalle régulier. Au comptoir, la réflexion devient de moins en moins consciente et de plus en plus confuse :
- Badoer…regarde moi cette génération de parvenus qui nous sert de représentants de nos jours…
- Vous savez excellence, les choses ont changé. Plus on est loin de Velsna, plus ils prennent leurs aises. Ça a toujours été comme ça…
- Ça ne change pas le fait que je mérite un peu de respect en tant que représentant de l’Assemblée. Où est-ce qu’on est là…


Il y eu un coup de froid subite dans la pièce, et Leftanza ne remarqua guère l’absence subite d’Agnolino. Il parlait encore et encore du respect qui lui était dû, Badoer avait toujours ce regard vide. Elle n’était pourtant pas saoule, elle n’avait pas bu une goutte d’alcool. Elle eu cette phrase, en déposant sa cigarette dans son cendrier :
- Oui, ne vous faites pas. Vous aurez le respect que vous méritez excellence.
Leftanza sentit une pression sur son épaule, et en se retournant, vit un visage, celui d’Albirio :
- Coucou.

Le coup qui s’écrasa sur la tempe droite de Leftanza le fit basculer en arrière. Il se débattait pour se relever sous les coups de pieds de Badoer, Agnolino, lui, avait fermé la porte à clé derrière eux. Se l’extérieur, on aurait pu entendre le bruit des coups de chaussures et les poings qui pleuvaient sur le visage d’un Leftanza convulsant au sol. Albirio était comme emparé par une frénésie. Rien ni personne n’aurait pu l’arrêter, lui et le poing ferré qu’il avait à sa main droite, qui s’abattait encore et encore sur un visage de plus en plus déformé par les hématomes, la douleur et le sang. « Donne-moi le couteau Badoer ! » qu’on l’entendit hurler en tendant sa main ensanglantée vers elle. Agnolino regardait de loin, le dos contre la porte qu’il avait fermé à clé. Il ne voyait qu’Albirio de dos agitant le couteau de haut en bas, et les jambes de Leftanza ne gesticulaient plus au sol. Il fallu que Badoer se saisisse d’Albirio, frénétique, pour qu’il cesse de faire pleuvoir les coups. Il crachait, fulminait et criait : « Espèce de salaud ! ».

« Agnolino, viens nous aider ! Prends les nappes sur les tables. On va l’enrouler dedans. » - hurla Badoer à son confrère, avant de ponctuer – « C’est pas vrai. Il a rayé mes chaussures… Le pauvre. Un accident de voiture, il avait à peine 50 ans…».
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Le journal du coraggiosi



Partie I : « Je m’appelle Michele… »


Mon nom est Michele DiResta. Je dirais, si on revient depuis le tout début de mon histoire, que je suis un velsnien tout à fait ordinaire de 26 ans. Et pourtant, rien que le fait que j’ai conscience que je n’atteindrai sans doute pas mon prochain anniversaire rend ce terme de « normal » assez contre-intuitif. Je vous rassure : je ne suis pas atteint d’une maladie incurable, ou quelque chose du genre. Même si ce dont je vais vous parler, arrive à un point tel que l’on pourrait parler de maladie de la poisse. Mais bref, je suis né le 3 mars 1989 dans la cité de Velathri, en Achosie du nord. Déjà vous vous dites : « aie ». Premier faux pas dans la vie. Et je suis de votre avis. C’était un endroit très spécial à vivre, mais j’étais trop jeune pour me souvenir de toutes ces histoires d’AIAN et de terrorisme. Je me souviens juste qu’il fallait éviter de jouer dehors, mais sinon, ça a été une enfance assez normale. Le seul vrai problème, et ça a toujours été le même, c’était la pauvreté.

Mon père était docker, il ne gagnait pas grand-chose. Et une partie du salaire passait dans ce qu’il buvait. Il était pas violent ou un autre truc du genre, j’ai jamais été frappé de toute mon enfance. Il était gentil, et à part ce défaut qui rendait ma mère complètement folle (et ça se comprend), je pense qu’il a toujours essayer de faire au mieux pour moi et mes sœurs. Et qu’il a essayé de nous donner une chance. Ma mère…elle faisait comme elle pouvait. Des petits boulots par-ci par-là… Elle a travaillé dans une conserverie pas loin de la sortie de la ville, puis dans une usine de haute-couture de Falieri… Je pense qu’il n’y a pas un des métiers pénibles d’Achosie du Nord qui existe qu’elle n’a jamais fait. Tout ça pour vous dire que cette situation a peut-être eu une influence sur moi : l’argent a véritablement conditionné ma façon de penser depuis que je suis sorti d’un berceau. En posséder était l’assurance de ne pas mourir de faim, ou de tomber dans la dépendance à autrui.

A l’école, on peut pas dire que j’étais un bon élève. Là encore, ça rendait ma mère folle. Mais même les mauvaises choses ont leur bon côté, puisque ça m’a permis de rencontrer le seul type en qui j’ai toujours fait confiance, et ça, ça changera pas : Paolo Clemenza. On était biien assortis quand on avait 10 ans : j’étais le maigrichon de la classe et lui, c’était le p’tit gros. Et toutes nos conneries, on les faisait ensemble. Il était du même milieu de merde que moi : peu de moyens, peu de débouchés. Et on avait le même rêve : celui d’avoir la belle vie. Les deux doigts de la main, vraiment. Alors il faut pas s’étonner si les premières grosses conneries que j’ai fait, c’était avec lui. On a commencé les larcins à 13 ans. Paolo avait des doigts de fée quand il s’agissait de réparer les choses, et son père bossait dans une usines d’électroménagers. Quant à moi, je suis pas peu fier de dire que j’avais du bagou et un sourire de vendeur de tapis, vous voyez le genre. Alors ce qu’on faisait, c’est qu’on allait au cul des camions devant l’usine où travaillait son paternel, à Velathri. Et on ramassait tout ce qu’il en tombait. Parfois, Paolo trafiquait un peu le monte-charge, et des machines à laver tombaient un peu brusquement. La politique était la suivante dans cette boîte : ce qui se casse, c’est poubelle. Alors je peux vous dire que quand on était là, il y avait beaucoup de casse. On appelait des copains un peu plus âgés que nous pour qu’ils aillent charger la mule, avec parfois jusqu’à dix machines à laver entassées à l’arrière d’une remorque. Et c’est là que j’entrais en action, en allant vendre des machines aux petites mamies du coin. Elles pouvaient rien refuser à un petit gamin aux joues encore toutes roses, et à la langue d’argent.

Mes parents ne comprenaient pas comment leur fiston de 15 ans pouvait se faire autant d’argent. Paolo et moi, après ça, on s’est dit qu’en fait, être honnête ça rapportait pas. Ça a été le déclic pour nous. On aurait jamais de meilleur salaire que nos parents, on était mauvais à l’école…bref, entre travailler à la conserverie et les larcins, on a pas mis longtemps à faire notre choix. Alors on a continué, avec des boulots qui rapportaient de plus en plus gros, et qui impliquaient des dangers de plus en plus sérieux. Voilà qui nous conduit au moment, qui je pense, a changé ma vie.

C’était un 5 juin 2013, j’’étais sur mes 24 ans. J’avais ce qu’il me fallait en Achosie du nord : avec Paolo on avait une belle petite affaire de recel. C’était pas grand-chose, mais ça nous permettait de vivre correctement, contrairement à ceux qui bossaient sur les quais ou à la conserverie. Et je partageais un appartement avec ma compagne, que je venais de rencontrer. Bref, les choses allaient bien. Ce jour lç, ce dut l’affaire de trop. On tenait notre boutique de prêts sur gage dans une petite ville à la sortie de Velathri. Vous devinez déjà que la plupart des objets qu’on vendait était issu de notre recel. Apparemment, les flics préfèrent chasser les pauvres types comme nous plutôt que de s’intéresser à nos élites politiques… Il était 18h, et je vois deux types entrer dans la boutique, et d’entrée de jeu, je savais que c’était des flics en civil. Trop bien fringués pour cette ville : soit des malfrats soit des gardes civiques. Ils traînent un peu, ils regardent chaque article. Ça ils étaient consciencieux, pas de doute là-dessus. Ces salopards savaient déjà ce qu’ils cherchaient, quelqu’un nous avait balancé à coup sûr. A ce moment-là, je sais déjà que je suis cuit. Ils se pointent devant la caisse avec une dizaine d’ordinateurs portables, des ordinateurs volés. Ils me montrent une plainte pour vol avec une description des ordinateurs, et ils me disent : « Ces PC, ça vous rappelle quelque chose ? ». Vu que je suis taquin, je leur demande juste s’ils veulent payer les articles en plusieurs fois.

Ça a été la blague la plus chère payée de ma vie. Le soir même, j’étais à la caserne de la Garde civique, au trou. Je reste en garde à vue quelques jours. Au bout d’un moment ils me font sortir de ma cellule, et ils m’envoient dans ce qui était le bureau de recrutement de la garde, mais je m’en suis rendu compte que lorsqu’ils m’ont mis un papier d’engagement sous le nez. Ça a été très rapide. Un instructeur a fait glissé la feuille sur son bureau, vers moi. Je me souviens…il m’a juste dit : « T’as le choix entre dix ans en prison ou un an au service de DiGrassi. ». Ce jour là, j’ai fait la plus grosse connerie de ma vie : j’ai signé. Mais j’avais pas le choix…



Partie II : le pays des velsniens


Si on m’avait dit un jour que je serai soldat, je crois bien que je l’aurais traité de fou. La seule différence qu’il y a entre le métier de flic et celui de soldat, c’est que le soldat touche pas de pots de vins tout en ayant plus de chance de se faire tuer. C’est pas une vie. Et pourtant, j’ai fait le voyage avec l’armée de ce putain de DiGrassi jusqu’à Umbra. On m’avait affecté à une cohorte disciplinaire, remplie de petites frappes comme moi pour la plupart. Mais il y avait aussi di gros bonnet et du dégénéré. Il fallait faire attention à ne pas laisser tomber le savon sous la douche, c’est sûr. Mais je suis grand de taille et je sais me battre, alors on m’a laissé tranquille. Sans compter le fait que j’ai repris mon activité dans le cadre de ma punition pour recel : le recel. J’étais dans les petits papiers des chefs parce que je leur rapportait leur vin grâce aux contacts que je m’étais fait avec mon affaire. « Le cochon truffier » qu’on me surnommait.

Je n’en avais strictement rien à faire de la politique. Bien sûr, il valait mieux pour ma peau que DiGrassi gagne la guerre. Mais je dois avouer que j’avais du mal à savoir pourquoi on se battait. Tout ce qu’on me disait, c’est que Scaela était une énorme merde, et je devais les croire sur parole. Mais j’avais un peu d’admiration pour lui : j’ai toujours du respect pour les gars fûtés, dictateur ou pas. Cette partie de ma vie aurait pu être complètement insignifiante et j’aurais juste pu passer à autre chose après ça, mais c’était sans compter le fait qu’il allait m’arriver une révélation. Je parle pas du fait de manier une arme et de tuer pour la première fois. Moralement c’était dur, mais j’ai supporté . Non…il y a eu ce jour, c’était à Vatluna, je me souviens…

C’était dans les derniers jours de la guerre. Ma compagnie n’avait pas fait grand-chose à Hippo Regia, alors ils ont décidé de nous en faire vraiment baver. On devait prendre Vatluna. Je me souviens que la ville était magnifique soit dit en passant. Il restait à peine quelques centaines de scaeliens qui la tenait, la plupart s’étaient déjà rendus. Mais ce jour là, on est tombés sur un os. Le commandant de la place tenait le Tribunal, où siégeait le Sénat de la ville. C’était une position en hauteur, difficilement prenable, surtout qu’on avait pas de soutien aérien ou d’artillerie. Alors on a fait le siège et on a roté du sang pendant des jours. Parce que les salopards ne se contentaient pas de tenir les murs, ils faisaient des sorties, ils contre-attaquaient, partout et tout le temps. Et on était pas assez nombreux pour encercler totalement le bâtiment. Ça a duré..duré…jusqu’au jour où on a reçu de la visite. C’était un vieil homme dans une voiture noire, chic mais pas indécente. Les gars de ma compagnie qui étaient du coin se sont tous écartés quand ils l’ont vu sortir de sa voiture. Je comprenais pas : c’était qui ce vieux ? Ce vieillard se pointe, prend un haut parleur, et intime aux gars de se rendre. Une demi-heure plus tard, ils étaient tous sortis et s’étaient mis en rang d’oignon en attendant qu’on leur passe les menottes. Ces types qui se battaient comme des lions se sont rendus parce qu’il leur a demandé…vous savez pourquoi ? Parce que c’était un coraggiosi, un homme d’honneur.

C’est là que j’ai compris ce que je voulais vraiment. Je voulais pas seulement de l’argent pour m’en sortir, je voulais qu’on m’écoute comme ce type. Comme un coraggiosi…



Partie III : Les hommes d’honneur



Contrairement à beaucoup d’autres, j’ai survécu à la guerre. Mais ça a été presque un an de perdu. Le butin de guerre qu’on a partagé au sein de notre compagnie était plus maigre que celui des autres, à cause du fait que nous étions un bataillon disciplinaire. C’était injuste, déjà parce que la grande majorité d’entre nous se sont tenus à carreau et ont suivi les ordres comme de bons toutous, moi compris. C’est là que j’ai compris que l’honnêteté ne rapportait pas plus que ma petite affaire que j’avais au pays avec Paolo et ma compagne. Durant toute cette épopée, ce furent les deux seules personnes qui me manquèrent sincèrement.

Perte d’argent et temps gâché mis de côté, j’ai assisté à des évènements que les velsniens n’imaginaient que dans les journaux ou les reportages télé. J’étais en faction lors de la reddition d’Andrea Tomassino à DiGrassi. Je me souviens surtout que ce jour là, on se les pelait d’une force…ça et on logé pendant une semaine chez des particuliers qui tenaient une vignoble. Et ce qu’on peut dire, c’est que le vin de là bas changeait bien de la piquette achosienne. J’aime ma région c’est sûr, mais il y a des limites au chauvinisme, et elles s’arrêtent dans mon verre.

Mais c’est à la fin de mon service que je dois ma dernière révélation. J’ai participé au triomphe de DiGrassi dans les rues de Velsna. Avant ça, je n’avais encore jamais vu la capitale. Quand j’y suis arrivé, cet endroit ne ressemblait à rien de ce que je connaissais au pays. La ville était à la fois immense, mais ses rues étaient celles d’une cité antique où on se demandait à chaque coin de rue ce qu’il y avait derrière. J’ai rarement vu autant de fric au même endroit, ça débordait de partout : des demeures des patriciens jusqu’à la place San Stefano et ses palais gouvernementaux. Tout brillait. A ce moment-là, si on m’avait donné une juste rétribution, toute cette histoire de coraggiosi, je l’aurais oublié, et qui sait, je serais peut-être rentré dans le rang. Mais ce n’est pas ce qu’il s’est passé. J’ai vu toutes les richesses que l’on tenait éloignées de nous ce jour là. Je me suis dit : « Ces gens là se comportent comme des criminels et ils gardent tout. Pourquoi pas nous ? ».

Dans les jours qui ont suivi, j’ai pris la décision la plus importante de ma vie. Plutôt que de rentrer en Strombolaine, j’ai décidé de rester à Velsna, parce que j’ai compris que c’est là que tout se passait. Si je coulais devenir quelqu’un, c’était le seul endroit qui me permettrait de l’être. La Strombolaine était un trou à côté de ça. Et puis qu’est-ce qu’il me restait là bas ? On avait saisi ma boutique de prêt sur gage, la maison où je vivais avec ma compagne était sous hypothèque, j’avais plus de boulot, plus de revenus… Alors plutôt que de retourner là-bas, j’ai réussi à convaincre ma chérie de faire le grand saut avec moi, et se s’engager dans cette aventure un peu folle. Dans la foulée, j’ai aussi renoué avec Paolo, à qui j’ai demandé de se pointer également. A nous trois, on allait êetre une équipe du feu de dieu, et ces coraggiosi n’auraient pas d’autre choix que de nous remarquer tant on ferait du bruit. Je le pensais sincèrement à ce moment-là. Oui, j’étais un peu con. Je le suis toujours aujourd’hui, mais quand même pas à ce point là.

Ça n’a pas été facile au début. J’avais pas de carnet d’adresses et pas de contacts, contrairement à la maison. Aucun moyen de savoir comment entrer en contact avec les « hommes d’honneur » dont m’avait parlé mon frère d’armes à Valtuna. Alors dans un premier temps, j’ai fait comme à la maison : je me suis engagé dans l’activité du recel, en essayant d’être plus malin que la dernière fois. Désormais, je vérifiais les antécédents de chacun de mes fournisseurs. Hors de question pour moi de retourner au trou ou à l’armée, qui n’était riend ‘autre qu’une prison à ciel ouvert. Je me suis mis à payer les dockers des chantiers navals de la SAV pour avoir des pièces d’électronique et des matériaux pas chers que je revendais sous le manteau. Cette institutions était gangrénée par la corruption, aussi ce fut assez facile de me faire des billets sans que personne ne vienne se plaindre que les navires que ces types construisaient n’avaient pas toutes leurs pièces.

De fil en aiguille, j’ai commencé à me faire connaître des types qui avaient besoin d’un service ou d’un objet en particulier. Ça pouvait être autant des p’tits vieux qui avaient besoin de retrouver l’horloge de grand-mère de leur enfance que des mecs louches qui cherchaient une arme non déclarée. Ma clientèle, c’était pas seulement des malfrats, c’était toute la société velsnienne. Mon nouveau prêt sur gage est rapidement devenu un point de rencontre, un carrefour de personnes qui ne se connaissent pas entre elles, dont j’était en quelque sorte le seul lien. Vous voyez où je vais en venir : ce genre d’endroit allait fatalement attirer l’attention de ces messieurs les coraggiosi. C’est évident que ce genre de trou, ça les intéresse beaucoup. Contrairement à ce que l’on pense, le vrai fond de commerce des coraggiosi velsniens, la base de leur pouvoir, ce n’est pas le trafic de drogue ou d’armes. C’est le lien qu’ils forgent avec une population, souvent oubliée du gouvernement. Les coraggiosi s’arrogent ainsi son rôle, établissent des institutions parallèles et deviennent des intermédiaires avec presque toutes les strates d’une population déshéritée. J’étais leur cible idéale, mais cette situation allait déboucher sur un opportunité : c’était le moment ou jamais d’intégrer ce cerlcle, qui dans mon esprit sonne comme mon salut et mon émancipation. J’allais devenir l’un des leurs. C’était écrit.

Le premier contact avec eux fut des plus rudes, mais je n’ai jamais perdu espoir de tirer quelque chose de tout ça. Ma boutique battait des records, les affaires marchaient bien, et les coraggiosi aiment les affaires qui marchent bien. A ces boutiques, surtout les moins légales comme la mienne, ils offrent volontiers leur « protection », en échange d’une sorte de taxe, qui n’est en réalité rien d’autre que du chantage. Et cette protection…eh bien disons que les seules personnes qui sont un danger pour les « clients » de cette opération sont aussi ceux qui l’offrent. Il était nuit, peur-être 21h. C’était l’heure de fermeture. La plupart du temps, cette heure est réservée aux types louches qui veulent des flingues pour abattre leur bonne femme sans qu’on remonte jusqu’à eux, ou d’autres qui veulent faire ce qu’ils pensent être le braquage du siècle. Mais ce soir-là, c’était trois types bien trop sapés pour ce genre d’endroit qui sont venus me rendre visite. Il y en avait pour plusieurs milliers de florius rien que sur leurs mains, des bagues soirées de partout sorties tout droit de chez les bijoutiers Falieri.

Sans gêne , vraiment, ils commencent à ziotter vite fait la marchandise, mais ils prennent rien. Le plus grand d’entre eux vient se coller à mon comptoir et me sifle comme si j’étais son clébard. Ni une ni deux il commence à me sortir le speech du chevalier protecteur : « Le quartier est dangereux tu sais…on est une association de commerçants qui font dans l’autodéfense…du coup si tu pourrais contribuer à hauteur de tes moyens…blablabla… ». J’étais pas dupe, je savais qui ils étaient, alors j’ai tenté ma chance. C’est vraiment sorti tout seul, comme si ça venait du fond des tripes, et que j’avais ça pour moi toute ma vie : « Je veux être de la partie. », que je leur ai dit. Ils étaient un peu sur le cul, ils n’avaient peut-être pas prévu ça, et on me dira par la suite que c’est la première fois qu’on leur avait fait un truc pareil. Le poulet qu’on déplume qui veut les rejoindre…

Ils commencent à rire et se foutre de ma gueule et bizarrement, ça a détendu l’atmosphère ce petit coup de folie de ma part. Ils m’ont demandé pourquoi ils auraient besoin d’un gringalet comme moi. Je leur ai juste répondu : « Donnez moi un flingue et une cible, et je vous montre pourquoi. ». j’étais confiant : quelques mois avant ça, j’étais encore dans la Garde civique après tout. Leur chef m’a pointé du doigt l’un des flingues dans la vitrine, et s’est retourné vers le rayon des bouteilles de vin. Il se bouge, déplace une table entre moi et le rayon, et pose cinq bouteilles. Il me dit : « Je te regarde, prends un de tes flingues et tire. ». Je me fais pas prier. J’enchaîne les cinq en un clin d’œil. Il se passe un truc là, et de fil en aiguille, je les mets dans ma poche comme ça. Pour conclure le tout, je leur offre pas seulement la taxe qu’ils demandent, mais je leur donne pour quatre fois leur prix….en échange de mon premier boulot pour eux. Mais ils ont juste refusé, et n’ont même pas pris la somme qu’ils voulaient me tirer au départ.
Le lendemain, ils étaient revenus avec à leurs côtés un type qui allait façonner les deux années qui allaient suivre. Un coraggiosi, un vrai…


Partie IV : la famille


Sal Alvarino. C’était un nom que j’entendais par-ci par là à Velsna. Chez nous, il y a deux catégories de gens : ceux qui réussissent à devenir les clients de grands responsables politiques et de sénateurs, et ceux qui sont contraints et n’ont pas d’autre choix que de devenir les obligés de malfrats comme les coraggiosi. Mais parmi eux, Alvarino avait une bonne réputation. C’était un vrai de la vieille école : il ne faisait que dans l’extorsion et quelques petits trafics comme le mien. Il était aimé des gens du quartier parce qu’il faisait le travail que les élus politiques devaient faire à la base. Mais l’Etat étant ce qu’il est à Velsna, ça allait tout simplement plus vite d’aller le voir. Le ramassage des ordures n’est pas assuré dans votre rue ? Appelez Alvarino, il règlera le problème. Un type vous a cambriolé ? Appelez Alvarino, il retrouvera votre homme. Votre fils s’est fait cassé la gueule par les voyous du coin ? Alvarino règlera leurs comptes à ces types. Les coraggiosi comme Alvarino, ils étaient utiles, et dieu sait que ce type avait le bras long. Je suis persuadé qu’il aurait pu devenir sénateur s’il en avait eu l’envie. D’autant qu’il pouvait pas trop s’entendre avec le pouvoir scaelien, ce qu’il l’a mis à l’abri quand DiGrassi a rétablit le gouvernement communal.

C’est cet homme pour qui les types qui étaient venus me voir travaillaient ce soir là. Bien évidemment je ne le savais pas sur le coup, alors je vous raconte pas ma surprise quand je l’ai vu franchir le pas de ma porte le lendemain matin, accompagné des mecs qui avaient essayé de me tirer la caisse. J’étais terrorisé, et j’avais bien cru au début qu’ils étaient revenus pour retourner ma boutique, ou pire. Mais c’était rien de tout ça. Ses types lui avaient raconté l’incident, et mon attitude. Et il était donc venu voir de ses yeux le type qui proposait ses services à sa personne, et qui avait eu le cran de répondre à ses hommes de main. Il se plante devant moi, si j’essaie de m’enfuir je sais que je suis cuit. Et pourtant, dieu sait que j’étais tenté de le faire. J’étais à deux doigts de me chier dessus. Il se dresse un peu sur ses talons pour voir mes mains qui sont sur la caisse enregistreuse, et il me dit simplement :
- On achète pas sa place parmi nous contre de l’argent, jeune homme. Il faut la mériter, et se montrer utile. Mais si tu joues bien tes cartes je t’aiderai à t’en sortir. Tu as une belle boutique, et elle est très utile pour écouler de la marchandise que l’on aurait peur de tracer. Et en plus, tu sais tirer. Tu as l’air honnête, et tu as été courageux. J’aurais peut-être besoin d’une personne comme toi.

C’est comme ça que tout a commencé. Bien sûr au début, j’étais juste une sorte d’auxiliaire pour quelques boulots. J’ai fait les choses par étape : j’ai commencé à arrondir grassement mes fins de mois en devenant chauffeur pour certaines courses des types d’Alvarino. Ce poste, il m’a été utile, déjà parce que ça m’a permis de connaître pas mal de monde de l’entourage d’Alvarino. Le vieux avait une bonne centaine de personnes dans son « clan », et la plupart voyageaient sur ma banquette arrière. Parfois, il m’arrivait aussi de faire d’autres petits boulots : il fallait à la fin de chaque mois récolter le tribut dont tous les commerçants devaient s’acquitter pour leur « protection ». Il m’est arrivé de casser une ou deux figures, mais j’ai mis longtemps à utiliser une vraie arme. Cette occasion allait se présenter le 13 aout 2014.

C’était un petit matin, et on m’avait dit de me pointer au Bar de Torio, qui servait de point de chute à pas mal d’hommes d’Alvarino. Jusque-là, rien d’inhabituel, j’avais fait des dizaines de journées comme celle-là. Mais sur la banquette arrière, ce fut le vieux Alvarino en personne qui s’installa à l’arrière de ma voiture. Jusque-là, rien d’inhabituel, j’avais fait des dizaines de journées comme celle-là. Mais sur la banquette arrière, ce fut le vieux Alvarino en personne qui s’installa à l’arrière de ma voiture. Il monte, et me file un billet de 500 florius, par pure politesse. Alvarino faisait ça souvent : des pourliches à ses propres hommes, c’était vraiment une ambiance bon enfant…surprenant de dire ça en évoquant la bande de malfrats qu’ont étaient. Mais j’ai juste envie de dire qu’à bien des égards, Alvarino était plus honnête que la plupart des politiciens que je voyais à la télé. Il payait toujours rubis sur l’ongle, et si il avait assez d’argent pour nous faire comprendre qu’on était que des merdes, il ne l’a jamais fait. Non. Quand il me disait bonjour le matin, il se mettait toujours au jus de comment ça allait à la maison : comment allait Frederica, ma compagne, quand est-ce qu’on comptait sauter le pas pour les histoires de bébés….Je ne l’ai jamais vu jurer ou hausser le ton face à ses hommes. Vraiment, c’était à se demander comment un type aussi posé et courtois était devenu un bandit.

Donc, il me file ce billet, et me dit de filer vers le quartier de l’Arsenal, en périphérie de la ville. Ça faisait tout de même un quart d’heure de route, assez pour imaginer qu’on puisse essayer de faire une folie. Et inutile de vous dire qu’Alvarino avait autant d’amis que d’ennemis. Je suis prudent, et je range donc mon revolver dans la boîte à gants. Le chemin se déroule comme à l’habitude dans un premier temps. J’ai l’habitude de prendre cette route, c’est la détente donc. Mais dans mon rétro, je vois des choses suspectes : une voiture nous suit, et nous lâche pas d’un pouce. Ce manège dure pendant quelques minutes, peut-être une bonne moitié du chemin. Je préviens Don Alvarino : il reste remarquablement calme et me dit simplement qu’il me fait confiance. Sous-entendu que je vais devoir jouer avec mon instinct pour prendre la bonne décision au bon moment. Le Don aimait bien tester ses gars comme ça.

C’est à ce moment là que je me suis mis à penser : où est-ce que ces types pourraient tendre une embuscade… La voiture nous collait, et je savais qu’on devrait passer par une de ces ruelles étroites de merde d’un moment à l’autre. Cet endroit était parfait pour eux. Si on s’engageait dans cette rue, je savais nous n’en ressortirions jamais. J’arrête de réfléchir, et je pile comme un sauvage avant de m’engager dans une autre rue. Nul doute que j’ai énervé ces types à ce moment là. Ils embrayent derrière moi, et me suivent au cul. Les choses deviennent sérieuses : un projectile casse la vitre arrière de la voiture.


à suivre
5413
La nation strombolaine à Goida ?
POV: Gina Di Grassi


"Nous n'avons jamais été autre chose que des assiégés."



a

Il me vient parfois l'idée de manquer d'ordinaire et de familier. Deux ans sans voir la cité: quelle n'est pas la souffrance insupportable que l'on inflige à une citoyenne de notre République. Moi qui me suis battu pour elle, moi qui ait tué pour elle, moi qui ait sacrifié mon confort pour elle...est-ce donc la récompense amère dont le grand Lorenzino Squillaci a été frappé lorsqu'il a commis son fratricide, et dont on nous exalte la mémoire, dans cet élan déplacé de vertu civique et de dévouement ? C'est donc cela, le goût de l'amertume ? Ferais-je autrement si je pouvais remonter à cet instant, près de cette rivière, où j'ai résolu de réparer l'injustice cause à mon nom et à mon honneur ? Aurais-je dû passer l'éponge sur les méfaits du tyran ? Non. Ce n'est pas moi, ce n'est pas la manière dont mon éducation a été construite. On m'a donné l'exil car je n'ai fait que suivre les consignes qui m'ont été donné dans ma vie, et que j'ai respecté notre loi. Mais respectant la loi, je me soumets aussi à la mauvaise foi et l’ingratitude de mes compatriotes, dont je n'éprouve pas la haine ou le ressentiment.

L'exil accorde la réflexion, et le repos sur soi même, aussi, je ne me plaindrais pas de cela. Mais sa raison reste injuste. Et en repensant à tous ces maux, il m'arrive de retrouver momentanément le goût des choses de la simplicité, le goût familier des fruits et des saveurs que je ne retrouve pas dans les pays barbares. Non pas que Velsna me manque: la cité ne me manque pas. C'est une ville surpeuplée, dangereuse, aux ruelles étroites, au détour desquelles on ne sait jamais sur quoi tomber. Retourner à Velsna me rappellerait l'ampleur des massacres s'y étant déroulés. Il n'y a là qu'un dépotoir d’intrigants et de fourbes que l'on s'amuse à nommer "ville musée". Non, de par bien des manières, je n'ai pas d'affection pour la cité velsnienne. Ma patrie est plus loin au nord, et celle-là, me manque terriblement en revanche. Il m'arrive d'y penser, à l'Achosie du Nord. Aux nations de Strombola et de Velathri. Je suis et serai toujours bien davantage strombolaine que velsnienne: de par ma franchise et mon honnêteté, de par ma force de caractère qui vient de ces pays là.

Un jour, je devrais raconter l'Histoire de ma nation depuis ses commencements, car il y a beaucoup à en dire, et c'est là important pour saisir ce propos et la complexité de ses aboutissants. Je dirais simplement que notre nation est l'enfant des affres des guerres celtiques, et que cet évènement conditionne encore aujourd'hui tout ce que nous sommes. Nous sommes une nation, mais nous avons deux langues: celle des commerçants et des gentilshommes que je parle, celles des gens de la côte. Le velsnien qui y est parlé est le résultat d'une double culture: le r est roulé, contrairement au continent, à la même façon que les celtes. Il y a des mots que l'on croirait comme sortis de musées, à la fois des ajouts celtiques de réalités que dont la langue velsnienne ne saurait prendre compte, et des archaïsmes apportés par celle-ci, qui subsiste ici car on y trouve encore un usage alors qu'ils ont disparus partout ailleurs. Cela donne à notre campagne des tons particuliers avec lesquels s'adresser aux gens du commun, et il n'y a pas un seul dialecte, mais autant qu'il y a de localités. Plus on s'enfonce dans les collines, et plus l'influence du velsnien disparaît pour finalement laisser place dans le creux des montagnes, aux anciennes langues que l'on parle encore chez les hommes peints.

Par dessus tout, outre ces choses du pays dont je parle et qui me manque, je pense que les souvenirs, doux pour beaucoup, refaisant surface sont la première raison de ce manque. Il y a fort à parier que si d'aventure j'y retournais, j'aurais aussitôt envie de quitter cette patrie. Les qualités de ce pays ne sont pas incarnées par son territoire qui est escarpé et rocailleux. L'agriculture y est pénible, la roche sont parfois à nu lorsqu'on monte dans les collines, et le vin y a un goût âpre et repoussant. Par dessus tout, ses gens me manquent. Plus adeptes de la simplicité et de l'ascétisme que les continentaux, ils le sont indubitablement, et cela redouble leur force de caractère. Ce sont des gens simples, qui rient des choses simples, et chérissent beaucoup.

Il convient également de dire que durant la guerre, les cités de Strombola et de Velathri ne sont jamais avares de don en nature, et de levée militaire. Car ces cités préfèrent toujours payer l'impôt annuel, le décimal, en nombre de têtes pour la levée plutôt qu'en argent. Dû au fait que ce soit là des solutions plus économes pour des nations qui mobilisent déjà un grand nombre de leurs citoyens dans la défense contre les gens de l'AIAN, il ne leur coûte qu'une somme moindre à étendre ce service plutôt que de payer argent comptant. C'est ainsi que nos gens ont toujours su développer une tradition martiale importante, non moins par volonté que par nécessité. Depuis la paix, je crains que cette source de revenu qu'est le conflit tarde à manquer à ces cités qui sont mes mères. Il est courant que Velsna donne à ses filles la permission, lors des grandes périodes de calme, de vendre leurs services ailleurs, et il se trouve que c'est là le bruit que j'ai entendu depuis peu, et qui émane du cloaque de Paltoterra.

Les chasseurs de Strombola...j'en ai entendu de nouveau parler il y a peu. Dans les méandres de l'Histoire, ils apparaissent par intermittence, souvent au mauvais moment, pour qui peut se les offrir. Cette fois-ci pour une excursion dans l'ancienne patrie maudite des communaterros. Curieux choix, mais qui n'est pas sans souligner ma curiosité, car ce pourrait être là un moyen de renouer avec mon paradis perdu, ma patrie d'autrefois, qui n'existe certainement que dans mes souvenirs fantasmés. Peut-être que je pourrais lire sur certains visages de compatriotes, des émotions que je ne pensais plus jamais éprouver. La maison.

L'ancienne Communaterra est un endroit sombre et dangereux, et nul doute qu'il n'est pas sans raison que des chasseurs de Strombola aient été appelés à une tâche quelconque là bas. J'ignore même si ce pays a passé l'étape de la famine orchestrée par son ancien pouvoir psychotique. Mais reste que je ne vois pas de différence entre les adversaires, et que mon courage est de fer. Notre patrie n'a jamais été autre chose qu'assiégée par des ennemis après tout...
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