Un autre oligarque était présent devant lui.
''Oh... Demat Monsieur O'Sullivan ! Quelle bonne surprise de vous voir ici.''
''Demat, je vous remercie monsieur Le Goff, je suis bien content aussi de vous voir ici. Comment allez-vous ?''
Madoc Le Goff, le milliardaire le plus influent de tout Menkelt et PDG du conglomérat de Rheidol. Ce dernier avait hérité de la fortune de son père décédé il y a tout juste trois ans, à 32 ans il était devenu un des hommes les plus puissants du pays. Les deux milliardaires s'entendaient plutôt bien, c'était même le PDG de Rheidol qui avait fait en sorte que Sean O'Sullivan soit observateur du groupe Mondow, il l'avait invité à devenir un membre à part entière de Mondow, mais le PDG de Fionán refusa l'offre. Une bonne entente néanmoins subsiste toujours entre les deux hommes.
Le Goff sourit.
''Je vais très bien merci, mais je dois avouer que je suis étonné de vous voir ici. Je pensais que les affaires politiques ne vous intéressaient pas.''
Sean O'Sullivan ricana.
''C'est le Premier Ministre qui nous convoque, je me dois bien d'obéir à l'état impérial quand même.''
Il regarda autour de lui.
''Et puis... je m'ennuyais.''
Le PDG de Rheidol fit laisser apparaitre un léger sourire sur son visage.
''Tant mieux, vous allez surement être satisfait alors, vous aurez du spectacle bientôt...''
L'oligarque ne fit pas attention à cette remarque et s’occupa plutôt d’observer attentivement le bâtiment en face de lui. Tout celui-ci était fait en marbre et était tellement large et impressionnant qu’on se sentait comme une fourmi à côté. Il devait y avoir au moins cinq étages, les vitres laissaient entre-voir des bureaux qui commençaient peu à peu à se remplir de fonctionnaires. Deux grandes portes à l’entrée, d’à peu près quatre mètres fait en bois de chêne, étaient gardées par des gardes de la Bezimpa, sûrement issue du contre-espionnage, qui étaient tous reconnaissables avec leur uniforme bleu avec ce fameux béret qu'ils portaient. Il revient d'un coup à ses esprits, le milliardaire avait eu une sorte d'absence et s'était perdu dans la beauté sombre du vieux bâtiment. Il voulut saluer Madoc Le Goff, mais celui-ci l'avait visiblement laissé pendant qu'il s'était perdu dans ses pensées. O'Sullivan se sentit un peu honteux et se dépêcha alors de rentrer dans le bâtiment.
En rentrant, l'Ardien découvrit qu'il était parmi les derniers arrivés. Le milliardaire ne voulut pas trop attirer l'attention et s'installa rapidement sur le fauteuil qui lui était dédié dans la grande salle. Cette dernière ressemblait d'ailleurs à s'y méprendre, étrangement, à un tribunal. Il regarde derrière l'estrade ou le Premier Ministre allait sûrement s'installer et admira sur le mur l'énorme carte de toute l'Eurysie.
Tout le gratin des affaires menkiennes étaient là aujourd'hui. Une trentaine d’hommes et une femme, dont la fortune cumulée atteint sûrement plusieurs centaines de milliards de Livres. Ce sont les fameux oligarques, qui au cours de la seconde moitié du XXe siècle et à la fin de la guerre Occulte en Menkelt avaient fait main basse sur une bonne partie des affaires économiques du Saint-Empire Menkelt. La bonne majorité d'entre eux appartenait au groupe Mondow, un club rassemblant les oligarques. Pareillement des politiciens, des militaires, des nobles et autres membres de l'élite menkienne faisaient partie de Mondow. Le groupe se réunissaient chaque trimestre pour discuter des affaires de ce pays. O'Sullivan était un des rares oligarques ne faisant pas partie de ce groupe, quoiqu'il en était cependant un observateur. Il ne voulait cependant pas les rejoindre, le magnat du pétrole pensait qu'il n'avait pas besoin d'eux et que ce club ne servait à pas grand-chose au final.
Des boissons étaient présentes, des gamins en tenu de servants, venant sûrement du palais impérial, invitèrent la cohorte d'oligarques à se servir. Une atmosphère étrange régnait dans la grande salle. Les raisons étaient multiples, premièrement les adolescents avec leur masque d'animaux qui les guidaient. Deuxièmement, la salle était étonnement fort peu éclairé. Enfin et surtout, la présence tout autour d'eux d'agents de la Bezimpa, armés, ne rassuraient définitivement personne. Malgré tout, la question qui était sur le bout des lèvres de tous ces milliardaires était : ''Pourquoi le Premier Ministre nous convoque t-il ici ?''
Le Premier Ministre Peter Kibener, le nouvel homme fort de Menkelt. Cet individu provenant de la toute petite noblesse Bretonienne avait fait sensation auprès de beaucoup avec non seulement son élection en 2014, mais également sa politique fortement réactionnaire et sa lutte contre ce qu'il appelait ''La cinquième colonne rouge''. En clair, les communistes et autres gauchistes de l'Empire. Cette politique n'avait pas trop déplu aux oligarques qui n'apprécient pas vraiment la gauche socialiste, à part chez quelques-uns vraiment libéraux qui avaient peur d'une tendance à l'autoritarisme chez le premier ministre.
Soudain, un oligarque parmi l'assemblée chuchota.
''Je me demande, est-ce qu'on va nous laisser sortir d'ici à la fin ?''
Cette seule phrase, pourtant balancé de manière ironique, fit frissonner plus d'une personne dans l'assistance.
La présence en masse autour de la salle d'agents de la Bezimpa, la convocation soudaine du Premier Ministre de Menkelt. Cette petite tension présente dans l'assemblée ne faisait qu'augmenter au fur et à mesure qu'on attendait l'arrivée de Peter Kibener. Sean O'Sullivan n'était pas vraiment stressé ou apeuré, mais en fait plutôt perdu. Le magnat du pétrole se questionnait avec curiosité sur ce qui se passait véritablement et se fit de multiples scénarios dans sa tête. Il remarqua que tous les oligarques du pays étaient présents dans l'assemblée, pas un ne manquait à l'appel.
Sauf un.
Donald MacBrien, le PDG du Conglomérat Ailtirí, était le grand absent de cette réunion. L'Ardien était connu pour son opposition à l'ethno-nationalisme et au conservatisme du Premier Ministre. Pour marquer son opposition, la plus grande fortune de Menkelt avait financé à coup de millions la campagne politique du parti Libéral et même du Parti Social-Démocrate. Son absence en soit n'était pas étonnant.
Soudain, un jeune homme en costard cravate apparut sur l'estrade et avança ses lèvres au micro.
''Messieurs, mesdames, je vous prie de saluer Notre Honorable Premier Ministre, Peter Kibener.''
La voix était forte et assurée, le gamin en costard laissa aussitôt place au Premier Ministre du Saint-Empire Menkelt. Peter Kibener s'installa sur le confortable siège de l'estrade et fit approcher le micro près de lui.
''Messieurs, je vous remercie de vous être tous rendu disponible pour cette réunion et de vous être déplacés. Si je vous ai convoqué aujourd'hui c'est tout d'abord pour l'avenir de ce pays, votre avenir.''
Le Premier ministre se mit à toiser pendant quelques instants les oligarques présents face à lui. Peter Kibener sait, oui définitivement, ce dernier sentait que déjà une bonne partie des oligarques présents étaient déjà effrayés.
''En effet, vous avez vous même contribuer à rétablir la paix dans ce pays à la fin de la guerre civile, vous avez en partie créer le nouveau Saint-Empire Menkelt comme on le connait aujourd'hui, c'est-à-dire un état moderne. Par conséquent je n'ai pas à me plaindre de vous. Vous n'avez pas trahi le Saint-Empire et vous ne maltraitez pas notre peuple, vous n'avez aucun souci à vous faire à ce sujet...
Peter Kibener sourit, un sourire étrange. Le Premier Ministre avait des yeux brillants et innocent comme ceux d'un enfant, ce qui lui donnait un air totalement candide. En revanche, ce sourire qu'il adressa aux oligarques faisait qu'il avait paradoxalement une mine malsaine.
''Cependant, aujourd'hui il est temps de se parler franchement et concrètement pour que nous gardions tous ensemble, disons, des relations claires et civilisées. Ainsi aucun clan, aucun oligarque ne devrait être autorisé à s'approcher du pouvoir impérial. Le lobbyisme est interdit je rappelle dans notre glorieux Empire. L'économie c'est votre domaine, la politique est chasse gardé en revanche. En somme, ne touchez plus aux affaires de l'état impérial.''
C'est ainsi que pendant plus d'une heure et trente minutes, le premier ministre Menkien assomma durant cette réunion en privée les oligarques en leur faisant comprendre que c'était lui qui dirige maintenant, qu'ils ne pouvaient pas faire ce qu'ils voulaient dans ce pays, surtout en ce qui concerne la politique. C'était un avertissement brut et sans concession.
Seán O'Sullivan vit certains à la fin de la prise du parole de Peter Kibener qui avaient l'air choqué, voir même qui avaient l'air absent, comme spectateur de la scène. D'autres étaient pâles. Des oligarques inquiets réfléchissaient à comment ils allaient pouvoir faire maintenant en perdant leur influence durement acquis auprès de la politique impériale.
Seulement deux oligarques sortaient du lot dans le flot de réaction purement négatif de l'assemblée. C'était Madoc Le Goff, ce dernier ne manifestait aucune émotion depuis le début. La seule femme milliardaire du pays, Margaret Owen, une magnat des produits de luxe et autres bijouteries, était présente et assise à la gauche de Le Goff, n'afficha aussi aucune mine surprise et avait même l'air d'émettre un léger sourire sur son visage. Les deux oligarques côte-à-côte étaient tranquillement en train de discuter après la déclaration du premier ministre, ce qui donna un certain contraste à l'ambiance de la salle. O'Sullivan trouva ceci curieux.
Le Premier Ministre venait d'imposer de nouvelles règles de jeux aux oligarques. Cela avait l'air de fonctionner. Peter Kibener salua l'assemblée et s'en alla en dehors de la salle. Avec une certaine altitude autoritaire, la Bezimpa invita les oligarques à sortir de la salle.
Dehors, il s'était mis à pleuvoir. Sean, de retour dans sa voiture de luxe, demanda à son chauffeur de l'emmener à ses appartements dans Ker'Ys. Le PDG de Fionán consulta alors son téléphone et se rendit sur l'application Ogma, le réseau social le plus utilisé de Menkelt. La première chose qu'il vit fut la perquisition par la Bezimpa de la maison de Harry Lloyds, le célèbre banquier et PDG de ''Lloyds and co.'', une banque d'affaire privée. Selon les médias, c'était pour des soupçons de fraudes financières. Lloyds fournissait d'ailleurs, via une autre entreprise ''Kefex'', des services de consultations financières et juridiques, ainsi que des analyses politiques à ses clients, dont la plupart étaient des étrangers. Il vit aussi que les deux entreprises étaient aussi perquisitionnés. Harry Lloyds était présent à la réunion, il allait surement être très surpris de la situation en rentrant chez lui.
Le nouveau patron de Menkelt avait déjà commencé à agir pour imposer son autorité auprès des oligarques qui pourraient se montrer récalcitrant à sa politique. O'Sullivan n'avait rien à craindre de toute façon, il n'a jamais montré la moindre hostilité au Premier Ministre ou à l'état impérial.
En tout cas, le message était clair.