11/05/2017
22:26:51
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Rencontre Grand Ling - Empire Burujoa | Xineshoudu

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Un poste de télévision allumé, quelque part au Xinemane. L’image à l’écran présente un immense et clinquant plateau de télévision, deux jeunes présentateurs de phénotypes xinemans sont assis autour d’une immense table moderne.

“Bonjour et bienvenue sur P-TV Xinemane, il est 5 heures 30 du matin ici à Xine Shoudu, je suis heureux de vous retrouver en cette chaude journée d'août et comme tous les matins je suis accompagné de Bai Na. Bonjour Bai Na, comment vas-tu ?

Bonjour Jin Tian, moi aussi je suis très heureuse de te retrouver en ce mardi 12 août. Et on commence tout de suite avec la météo régionale présentée par Wen Huan. Bonjour Wen Huan.

Bonjour Bai Na. Bonjour Jin Tian. Aujourd’hui et comme toute la semaine, la température devrait être très élevée dans le Xinemane, au plus fort de la nuit on a relevé 29° à Handan, 28° à Suwei ou encore 27° à Mizhong et Yuyang. Dans la matinée, les températures devraient continuer de grimper frôlant ou dépassant les 38° dans l’arrière pays de Handan. Sur la côte, les températures devraient se stabiliser vers les 33-35° aux alentours de midi, toutefois une pointe à 37° pourrait être attendue dans la capitale régionale au plus fort de la journée. Comme souvent, seule la préfecture de Schangdang devrait être épargnée avec une température agréable de 27° et une nuit presque un peu trop fraîche sous les 18°, dans Azura. Il faut s’attendre à 2 voir 3° de degré en dehors de la célèbre station balnéaire.

Les autorités locales ont donc déclenché le 2e niveau du plan de fortes chaleurs, il est recommandé à chacun de mettre sa clim autour de 26° afin d’éviter les coups de chaleur et de boire régulièrement de l'eau. Par ailleurs, toutes les municipalités, exceptées celles de la préfecture de Schangdang, ont ouvert plusieurs salles communes climatisées afin de passer la journée au frais et en agréable compagnie.

Venons maintenant à la principale actualité de ce jour, avec le mouillage du navire école Nobuyasu dans le port de Xine Shoudu qui doit accueillir ce matin…”

Le grand écran de télévision s’éteint, dans la cabine où il est situé, se trouve un magnifique jeune étudiant à la beauté légendaire et au charme ravageur. Le type de beauté dont il n’existe qu’un ou deux exemples dans le monde, celle qui attire tous les regards dans la rue, qui fait stopper toute conservation dans une pièce. Le ravissant jeune homme sort de son immense lit aux draps souple et léger de lin jaune enlève rapidement son pyjama et enfile tout aussi rapidement un t shirt et un pantalon de sport noir et des baskets de running noires. Après avoir pris son téléphone portable et un casque audio, il quitte discrètement sa cabine et arrive rapidement sur le pont de rotin parfaitement lustré d’un immense voilier. Profitant de la faible agitation matinale, il se faufile sur le pont pour rapidement descendre la passerelle et arrivé sur un quai très élégant, parsemé de riches massifs fleuris et d’imposants candélabres sur lequel sont alignés plusieurs grands voiliers. En arrière-plan, se dessine la caractéristique skyline de Xine Shoudu et ses très nombreuses tours à la forme unique symbole d’un subtil mélange des styles orientaux et occidentaux.

Le sublime jeune homme à la chevelure blonde, reflet doré, aux yeux bleus intenses, aux traits parfaits remonte rapidement les quais et le “front de mer” de Xine Shoudu. Il s’arrête d’abord chez Yokado, l’enseigne de supérette 24/24 et 7/7 la plus répandue dans la région et y achète des onigiris fourrés au thon, du lait frais infusé au thé matcha, des pâtes de fruit et des barres énergétiques qu’il met dans son sac à dos. Il continue de courir le long de l’interminable promenade végétalisée le long de la mer d’Azur et s’arrête devant un marchand de plage pour acheter “糖果 - Tángguǒ”, une petite peluche en forme de panda et symbole de Xine Shoudu, il la range à nouveau dans son sac. Enfin, il arrive sur la “星海广场 - xīnghǎi guǎngchǎng”, la plus grande place de la capitale des Xinemans, situé en bordure du centre ville et mesurant plus de 1 millions de m2. Il s’assoit sur un imposant banc en fonte et en bois qui sont disposés autour des massifs de la place et attends.

Après quelques minutes d’attente, passé à manger l’onigiri et boire le lait frais au matcha, une jeune femme s’approche en courant du rayonnant jeune homme blond. La belle jeune fille, à peu près du même âge que le garçon aux cheveux dorés, porte elle aussi une tenue de sport.

“OH ! Salut Léo ! Je ne pensais pas que tu viendrais. J’espère ne pas t’avoir fait trop attendre.”

“Mais enfin Li, je n’allais pas abandonner une fille aussi charmante que toi. Et puis j’ai à peine attendu deux minutes, c’est un exploit que tu sois arrivée si vite en ne connaissant rien de cette ville.”

“C’était pas compliqué, j’ai juste suivi le chemin que tu m’as montré hier, tu es un excellent guide. Et après tout, c’est bien petit par rapport à chez moi, je viens quand même de Neijing, la plus grande ville du monde.”

“Enfin… On ne vous apprend pas au Ling que la seule grande ville de ce monde est Karaimu, la capitale des mers, la ville multimillionnaire, la cité des milles trains ?”

“Oh non Leo… Ne me dis pas que toi aussi tu aimes les trains ? Tu étais parfait jusqu’alors.”

“Eh si, la perfection n’existe pas. Et encore, tu ne connais pas mon père…”

Les deux nouveaux amis, inconnus, s’étaient rencontrés quelques jours plus tôt à la gare centrale de Xine Shoudu. Léo était juste là pour passer le temps, Li descendait d’un train en provenance du Grand Ling. Voyant une belle jeune femme perdue au milieu de la foule des travailleurs pendulaires de la grande métropole Xinemane, le resplendissant jeune homme alla lui proposer de l’aide. S’appréciant immédiatement, le beau Leo, se présentant comme un étudiant de Karaimu en voyage au Xinemane, devient rapidement un excellent guide touristique pour la jeune Li. Il lui présentait les “bonnes adresses” de la ville et la raccompagnait tous les soirs à son luxueux hôtel sur les coteaux de la ville.

Hier soir, les deux amis avaient convenus de se retrouver sur 星海广场 et de courir ensemble sur la magistrale promenade arborée longeant le Canal Latéral du Xinemane, un remarquable ouvrage d’art récemment inauguré permettant de développer le transport à gabarit fluvial dans tout le Xinemane. Ainsi, comme de nombreux locaux, les jeunes “inconnus” profitent de l’ombre et de la fraîcheur des très nombreux arbres de la promenade pour se livrer à un peu d'exercice.

Au bout d’un moment, fatigués par l'effort, les deux amis s'arrêtent quelques instants dans un des nombreux parcs situé le long du Canal Latéral. Très peu fréquenté à cette heure relativement matinale, ils en profitent pour se reposer, Li s’effondre sur un long banc en bois et en fonte et Leo préfère rester debout, posant juste son sac à dos par terre. Après quelques instants, il enlève son t-shirt laissant apparaître un magnifique torse musclé parfaitement dessiné. Leo s’approche alors de Li, qui détourne le regard le visage tout rouge, avant de se rendre compte qu’il fouille juste dans son sac. Il propose alors le lait aromatisé et les barres énergétiques à Li.

“Merci beaucoup Léo, tu n’étais pas obligé, je te redois ça.”

“Mais non Li ! Enfin… Arrête de penser que tu dois rendre tout ce qu’on te donne, tu penses pas qu’on peut juste être… gentil dans la vie ?”

Passé ce petit moment, les deux amis sortent du parc et se retrouve devant l’immense plage de sable blanc de Xine Shoudu, sable non naturellement présent sur place et importé à grand frais des fonds de Tairopototo, tous les ans par la municipalité, pour les besoins de la carte postale. Ils regardent ensemble l’horizon et Leo est le premier à briser le silence.

“Li… Je veux te dire que… J’ai quelque chose pour toi…”

Ne la laissant même pas répondre, il sort de son sac à dos la petite peluche Tángguǒ.

“C’est pas grand chose mais ça te fera toujours un souvenir de Xine Shoudu.”

“Oh merci Leo. JE SAIS PAS… comment te remercier…”

Li, le visage complètement rouge, prend la main de Léo et approche son visage de celui du jeune homme. Alors qu’elle était très proche, il la repousse.

“Je suis désolé Li… Je ne peux pas. D’ailleurs, je suis très occupée cet après-midi. Tu veux que je t’accompagne à ton hôtel ?”

Li, ne dit plus un mot mais prend la main de Léo et va vers la station de métro la plus proche, agrippant le petit panda dans l’autre main. Le métro de Xine Shoudu frappe par sa grande modernité, la blancheur de ses murs, la propreté des espaces, le luxe apparent des aménagements avec notamment des quais fait de dalles de granit poli… Sans dire, un mot et la mine triste, ils prennent alors la ligne circulaire 2 puis la longiligne ligne express 5 et descendent à une gare en viaduc en bordure de la ville, sur les coteaux. Le trajet fut un peu plus long que prévu, du fait de la fermeture des stations autour de la principale gare de la ville, la police ayant bouclé le quartier pour les besoins de la visite officielle de l’empereur du Grand Ling.

“Adieu Léo, j’espère que la vie te sera profitable et peut-être qu’on se reverra un jour.”

“A bientôt ravissante inconnue.”

Chacun s’en va de son côté, sans dire un mot de plus et sans se retourner, chacun avec quelques larmes dans les yeux. Leo regagne rapidement la station de métro, perd à nouveau du temps du fait des fermetures des stations imposées par la police municipale et la Garde Impériale, dont la présence souligne l’importance de l'événement. Il remonte rapidement le long quai des voiliers en courant et arrive devant le yacht qu’il avait discrètement quitté le matin.

Cette fois-ci, tout le secteur est quadrillé par la police et les agents de sécurité de l’Agence Impériale, les curieux et les journalistes sont parqués loin de l’agitation qui entoure l’immense voilier. Un immense tapis rouge est dressé depuis l’entrée du “port” jusque sur le pont du navire. Des gardes impériaux, en uniforme d’apparat sont déjà postés tout le long du tapis et on s'affaires à bord du voilier pour dresser de sublimes tables de dîner sur le pont parfaitement lustré. Léo passe sans problème tous les barrages de police et de contrôle mais tombe sur un vieux monsieur acariâtre au pied de la passerelle.

“Monsieur le prince héritier, cela fait un certain temps que je vous cherche, ou étiez-vous donc parti ? Votre attitude est proprement irresponsable, dans quelques minutes nous accueillerons le souverain du Grand Ling et toute sa famille pour une rencontre de la plus haute importance et vous n’êtes même pas à bord de Nobuyasu. Je ne sais vraiment pas pourquoi votre père, notre souverain, vous laisse porter ce titre dont vous n’êtes pas digne. D’ailleurs, la princesse héritière a votre âge, tâchez de faire bonne impression devant elle, j’irais demander à Dame Keiko de vous arranger des noces convenables par la suite.”

“Roh… Calmes-toi le vieux, je suis toujours prêt à temps, je serais peut être même arrivé à la gare avant toi. Et comme je te le dis à chaque fois, papa déteste les mariages arrangés et mon coeur est déjà pris par la plus belle des oiselles du ciel.”

“C’est cela oui… Je l'ai jamais vu cette belle oiselle.”

Leo grimpe rapidement la passerelle et arrive sur le pont, au milieu de l’agitation des domestiques dressant les tables. A cet instant, une grande dame blonde aux yeux bleus, d’une quarantaine d'années et encore très belle, sors de la plus belle cabine dominant tout l’arrière du navire. Elle porte des vêtements d’une rare délicatesse, une longue robe de soie bleue et rehaussé de broderies aux fils d’ors, un long châle en fine laine de montagne recouvre délicatement ses épaules, ses pieds portes les “légendaires” talons dorés, marque des impératrices burujoises. Elle est parée d’un des plus beaux ensembles de joailleries au monde, trois grands colliers en véritable perles de Tairopototo orne son cou, ses mains portent des bagues de saphir d’un éclat encore jamais vu et ses boucles d’oreilles sont serties des mêmes diamants et saphir étincelants que ses bagues. Elle s’adresse alors à Léo.

“Ah c’est pas trop tôt, ton grand-oncle te cherche partout il arrête pas de m’embêter à ton sujet. File te changer et tâche de rejoindre ton père à la gare au plus vite, je vais essayer de prendre la même voiture que toi.”

Leo file alors dans sa cabine, sans oser répondre, se déshabille rapidement et prend rapidement sa douche. Simplement vêtu d’une serviette, il fait appeler un domestique pour qu’on lui apporte son costume, un complet trois pièces bleu clair. Il prend soin, après avoir mis sa chemise, son veston et sa veste de bien ajuster la plaque et l’écharpe noir, doré de Grand Cordon de l’Ordre Précieux du Faisan d’Or, le plus précieux ordre honorifique burujois. Il ajoute également les quelques autres médailles qu’il a déjà reçu dans sa “courte” vie comme la médaille d’or du mérite scolaire, la médaille avec palme du mérite sportif ou encore quelques distinctions étrangères reçues en tant que prince héritier d’une des plus grandes monarchies du monde. Après avoir chaussé ses mocassins de cuir, se coiffe d’un canotier trainant sur un meuble de la pièce et quitte sa cabine.

Il retourne alors sur le pont où il retrouve la belle dame aux souliers d’or, la croche par le bras et descend avec elle la passerelle. Ils remontent ensemble le grand tapis rouge et une grosse voiture moderne s’approche alors, des gardes impériaux ouvrent les imposantes portes du véhicule. Léo et la grande dame blonde montent alors dans le véhicule qui part immédiatement, toute sirène hurlante dans les grandes avenues de Xine Shoudu. La voiture arrive rapidement à la Gare Impériale de Xine Shoudu, un imposant bâtiment flambant neuf, envahi par les agents de la police municipale, de l’Agence de la Police Nationale et de l’Agence Impériale.

Ils descendent alors de la voiture, remontent un long tapis rouge entouré de gardes en habits d’apparats et arrivent rapidement sur le quai n°1 de la gare. Ils y retrouvent tout un parterre de dirigeants locaux, régionaux et nationaux ainsi qu’une partie de la famille impériale. Naturellement, chacun alla se placer de part et d’autre de l’empereur Tadashi IV, un grand homme, massif, lunatique, habillé d’un costume sombre et focalisant toute l’attention sur lui. La dame à la parure de saphir se plaça à la droite de Tadashi et Léo à sa gauche. A peine quelques minutes après leur arrivée, un train orné des drapeaux du Grand Ling et de l’Empire Burujoa arrive en gare. Aidé par les agents d’escale de CIB Xinemane, l’arrêt se fait au centimètre pour que la porte où doit descendre le souverain soit alignée avec le tapis rouge.

Après quelques instants de flottement, la porte s’ouvre enfin et le souverain du Grand Ling apparaît dans l'encadrement de la porte, à peine pose t-il le pied sur le quai de marbre que l’empereur Tadashi IV s’approche de lui pour lui secouer très chaleureusement les mains sous le crépitement des flashs de centaines de photographes. La dame à la robe de soie bleu s’approche de la souveraine lingoise, lui fait une révérence, avant de lui faire la bise. Comme le veut la tradition, l’empereur présenta à son homologue tout le comité d’accueil.

“Très cher ami, bienvenue dans le merveilleux Empire Burujoa ! C’est un honneur de vous recevoir ici à Xine Shoudu, j’espère que votre voyage s’est bien placé et que vous êtes prêt à prendre le large sur l’unique Nobuyasu."

Permettez-moi de vous présenter mon épouse, Catherine et mon fils aîné, mon héritier, le futur empereur Leonhardt.”

Tadashi présenta ensuite ses frères et soeurs, directeurs des plus importants départements de l’administration impériale, ainsi que son administration locale, Dai Tsao, la Représentante de la préfecture de Xineshoudu ou Song Se-Yoon, le Délégué impérial de la municipalité de Xine Shoudu. A son tour, le souverain lingois présenta sa suite, le vieux monsieur acariâtre de la passerelle apparaît alors furtivement derrière Tadashi et Catherine.

“Et sa fille ! Ou est sa fille ! Où est la princesse ? Il faut à tout prix que le prince héritier la rencontre. Demandez- lui OÙ EST SA FILLE ???”

L’impératrice Katherine Ière, visiblement agacée, se retourna brusquement vers lui.

“Assez ! Yasuho vous me fatiguez, montez dans votre voiture tout de suite et retrouvez-nous sur le bateau tout à l’heure.”

“Mais votre majesté…”

“J’ai dis TOUT DE SUITE !”

L’empereur Tadashi IV, connu dans le monde entier pour sa passion des trains, prit le soin de faire visiter la Gare Impériale de Xine Shoudu, dont il assurait lui-même les commentaires et les réponses aux questions de ses invités. Il fait d’ailleurs remarquer que toute la gare est climatisée ou chauffée pour permettre de garder une température entre 19° l’hiver et 26° l’été pour le confort de tous les voyageurs.

Après cela, toute la délégation quitte la gare, alors que la suite prend place à bord de voitures, fourgonnettes et cars, l’impératrice Katherine Ière invite son homologue lingoise à prendre place à bord d’un ravissant carrosse tiré par deux chevaux blancs. L’empereur Tadashi IV monte lui aussi à bord d’un imposant carrosse doré tiré par 6 chevaux noirs, le souverain lingois prend place à ses côtés, comme le prince Leonhardt qui est assis dos à la route.

Commence alors une longue parade équestre dans les rues de la “capitale du Xinemane” pour les deux couples souverains tandis que les dignitaires burujois et lingois filent tous directement sur les bords de la mer d’Azur. La conversation chaleureuse entre les deux dirigeants nazumis se déroule naturellement, sous les acclamations de la foule, dans des avenus abondamment décorés de drapeaux burujois et lingois. Les panneaux publicitaires de la ville annoncent la visite avec le portrait des dirigeants des deux nations voisines. La température commençant à monter, l’empereur Tadashi IV desserre un peu le nœud de sa cravate et invite son homologue à en faire de même. Le prince Leonhardt, toujours tiré à quatre épingle ne dessert pas le nœud de sa cravate malgré la recommandation de son père.

“Dites moi cher ami, je n’ai pas vu votre fille à la gare, pourtant j’étais sûr qu’elle se joindrait à nous. Elle n’a pas pu venir ? Elle a eu un empêchement ? J’espère que ce n’est pas trop grave.”

“Ne vous faites pas trop de soucis, ma fille Lihua est arrivée ici il y a une semaine par le train. Elle doit nous rejoindre directement à votre navire, elle voulait faire un peu de tourisme toute seule. C’est son premier voyage toute seule et son premier voyage à l’étranger, mais je ne me fais pas trop de soucis, les burujois sont des gens honnêtes et sérieux et vos rues sont sûres.”

“Je ne savais pas… J’espère que son premier voyage se passe très bien.”

“Ne vous inquiétez pas, j’ai eu des nouvelles de Li et elle est enchantée par votre pays. Elle aurait fait la rencontre d’un de vos étudiants, un dénommé Léo qui lui a rendu service et lui a fait découvrir la ville.”

En attendant cela, l’impassible prince Leonhardt se figea.
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Skyline burujaise
LE FAISAN ET LE DRAGON
Rencontre Grand Ling - Empire Burujoa.

Une semaine plus tôt.
- Juste une semaine.
- C'est trop.
- Mais je ne suis plus une enfant !
- Non, en effet, tu es un Dragon.
- Groar ! Alors, laissez-moi y aller.
- J'ai dit non.
- Mère, je vous jure que je ferais attention.
- J'ai pris ma décision.
- Je ferai mes leçons en temps et en heure.
- Cela ne changera rien.
- J'irai même m'occuper de mes frères.
- J'ai dit non !
- Père aurait dit oui, lui.
- Alors demande, tu verras qu'il te dira non.


Il avait dit oui. Au grand damn de l'Impératrice Fang, Ling Jiajing avait autorisé sa fille – sous conditions – à se rendre plus tôt dans l'enclave burujoise où devait se tenir l'une des plus importantes rencontres diplomatiques du début de son règne. Jiajing avait beau tenir sa famille, il avait beau être fermé, il avait beau être l'Empereur ; lorsque les deux amandes de Lihua se posait sur lui, il devait disposer d'une force surhumaine pour refuser quoi que ce soit à sa fille. C'était un combat de tous les jours qui en plus, avait la fâcheuse tendance à agacer Fang. Sitôt fait, elle venait lui rappeler qu'il avait beau être l'Empereur l'éducation de leurs enfants était partagée et qu'aucune décision ne pouvait être prise sans l'accord de l'autre. Un moyen détourné de contenir l'incapacité d'un père à refuser les demandes de sa fille.
Oh, il ne fallait pas s'y tromper. Jiajing avait déjà su tenir tête à sa fille, mais pour ce qu'il appelait les « futilités de Lihua », il ne pouvait dire non. La Première Princesse avait fini par avouer dire de son père qu'il était « le papa cool par excellence ». Jiajing en avait souri comme un benêt, son égo gonflé à bloc.
Ainsi, Lihua avait réussie à obtenir de ses parents le droit de se rendre à Xine Shoudu une semaine avant que ses obligations de princesse la ramène dans son rang. Toutefois, Ses Majestés avaient conditionné ces vacances à la présence de membres de la Garde Brodée, le corps d'élite en charge de la sécurité de la Maison Impériale, pour surveiller et protéger leur fille. Ils avaient promis qu'ils se fonderaient dans la masse et que Li ne les reconnaîtraient pas ni ne les verraient pas, mais cela n'avait pas empêché la belle et jeune femme de dix-neuf ans de faire une moue boudeuse en apprenant la nouvelle.
« Tu prendras le train, c'est plus long, mais plus charmant. » avait déclaré son père en déposant sur le front de sa fille un tendre baiser alors qu'elle s'apprêtait à monter dans l'imposant SUV noir qui devait la conduire à la gare de Huadong. Fang avait alors regardé son époux : « Si elle ne se casse ne serait-ce qu'un ongle, tu dors dans l'abreuvoir à cochon nu comme un ver. » et on pouvait être certain qu'elle ne plaisantait pas.


Son Altesse Impériale, la Princesse Lihua. Première Princesse d'Empire.

Mais fort heureusement, Lihua ne se cassa aucun ongle. Elle prit le train de 14 h 12 qui devait la conduire via Mireu à la frontière burujoise et de là, pénétrer le territoire de l'Empire. La voiture où elle avait voyagé avait semblé silencieuse et un peu trop vite, d'ailleurs. Mais lorsqu'elle se leva pour récupérer son sac et descendre du train ; elle comprit. Il était simplement rempli de membre de la Garde Brodée. "Ne pas les remarquer, hein" avait-elle pensée.
Pourtant, les vrais problèmes commencèrent à ce moment. Lorsque ses pieds se posèrent sur le quai n°7 où elle était arrivée, un léger stress l'envahie. Elle avait l'impression d'observer une fourmilière en pleine ébullition, comme si celle-ci avait été frappée par un pied géant quelques instants plus tôt. Des annonces sonores ponctuaient la cacophonie ambiante et des milliers de voyageurs marchaient dans toutes les directions et à toutes les allures. Sa tête se mit à tourner et elle ne savait plus où elle devait aller. Elle eût l'idée de retourner dans la voiture pour demander aux faux voyageurs de l'aide puisqu'ils étaient là pour elle. Lorsqu'elle se retourna précipitamment pour chercher l'accès au train, elle percuta un jeune homme et manqua de tomber, mais il la retint de justesse.

- Oulà attention ! Tout va bien ?
- Oui, pardon. Je crois ?
- Tu crois ou tu es sûre ?
- "Tu" ?
- Je ?
- Vous ?
- Mes nuits !
- Euh... A l'assasymphonie ?
- Pas mal.


Le jeune homme rit et fit un pas en arrière après avoir s'être assuré que la jeune femme tienne sur ses jambes. Il prit dans sa main le sac de Li qu'elle avait laissé tomber à terre quelques instants plus tôt et le lui tendit. C'était un beau jeune homme qui ne devait pas être tellement plus vieux qu'elle, mais il était plus grand, ça, c'était sûr. Il semblait plutôt musclé, car il semblait apprécier le port de vêtements qui l'engonçait un peu, mais mettait en valeur ses muscles saillants. Li trouvait ça d'un ridicule amusant. Elle n'avait jamais compris l'intérêts de ces hommes qui portaient des vêtements beaucoup trop serrés juste pour montrer leurs muscles. Elle ne comprenait pas plus l'intérêt d'être aussi musclé, ce n'était pas naturel ni dans sa culture ni dans sa famille. Son père n'était pas gras ni filiforme et avait même un peu de masse musculaire, mais le dessin était tel un trait fin. En tout cas, plusieurs fois elle l'avait vu mettre la misère à des Jinyiwei (Garde Brodée) plus baraqués que lui. Elle se souvenait encore de sa voix forte, mais calme Rien ne sert d'être une armoire à glace si on ne prend pas assez le temps de muscler son esprit. et son grand-père, Chongsheng avait lui-même tenu le même discours plusieurs fois.

- Je m'appelle Léo. Lui dit le jeune homme en lui tendant la main après avoir déposé le sac à ses pieds.
- Enchantée, je suis Son Alt... Elle se tut aussitôt et réfléchi rapidement. Li. Je m'appelle Li.
- C'est mignon. Tu le portes bien.


Li rougit légèrement. Lihua signifiait "élégante splendeur". Li tout court signifiait "élégante" ou "jolie". Et pour être jolie, Li l'était. Elle était d'une peau légèrement brune, ses yeux en forme d'amande étaient couronnés de cils fins qu'un trait d'eyeliner embellissait avec ravissement. Son nez était plutôt fin et légèrement retroussé et ses lèvres, elles aussi fines, étaient élégamment habillées d'un rouge à lèvre discret. Elle avait de longs cheveux noirs qui semblaient aussi doux que la soie et ils l'étaient. Si on met de côté ses bijoux qui de toutes manières ne faisaient que rendre le somptueux encore plus beaux, elle était de taille fine et mesurait un mètre soixante-sept. Ses hanches musclées jusqu'à de raison soutenaient deux jambes extrêmement bien proportionnées. C'était une grande sportive, lorsqu'elle ne disputait pas un match de cuju avec les eunuques du palais ou son père et ses frères, elle courait. Lorsqu'elle ne courait pas, elle trouvait un moyen de faire du renforcement musculaire ou simplement, de prendre soin de son esprit "muscle ton esprit !" se répétait-elle assez régulièrement. Et pour le muscler, elle le faisait. Si elle ne jouait pas au cuju, si elle ne se musclait pas, si elle ne courait pas, elle prenait soin d'elle et de sa peau ou elle lisait et étudiait ou bien encore, elle méditait. Li était pour ainsi dire l'enfant parfait – lorsqu'elle ne rendait pas complètement folle sa mère et complètement benêt son père – et un modèle de vertu pour l'Empire.

- Merci. Je te demande pardon pour la bousculade. Je t'en dois une.
- Non pas besoin, n'importe qui aurait fait la même chose.


Léo était abruti par la beauté de la jeune femme. Lui-même était ravageur et il avait vu et connu de nombreuses femmes que d'aucuns éliraient miss univers. Mais Li était encore plus belle et plus encore, elle dégageait quelque chose d'indescriptible. Était-ce lié au fait que sa mère, l'Impératrice Fang, était considérée de loin et en toute objectivité, comme la plus belle femme du Grand Ling ? Était-ce parce que sa grand-mère maternelle était daomin (= indonésien) et que Li avait, semble-t-il, récupéré certains de ses traits donnant des caractéristiques impressionnantes lorsque mélangé avec le sang qin (= han) de son père ? Les dieux seuls savaient, mais on remerciait tous les jours le coquin de sort pour avoir donné à Li toutes les grâces du Ciel.

- Tu… Tu es d'ici ?
- Oh, oui je… Je me promène.
- Tu te promènes ? Tu ne travailles pas ?
- Oui, non enfin…
- Tu es sans emploi ?
- Non ! Juste que je suis en repos, voilà.
- Ah oui, forcément...


Li n'y croyait pas un mot mais peu importe, elle rit légèrement.

- Bien, merci beaucoup Léo.
- Je t'en prie.
- Je te laisse, je dois rejoindre mon hotel. A un de ces jours !


Dépité, il la salua de la main qu'il glissa ensuite dans sa poche. Le dos légèrement courbé il commença à chercher une nouvelle occupation dans cette gare qu'il appréciait visiter simplement pour voir les gens marcher et l'ignorer. Ici il était personne, pas le Prince Héritier. Ici, il n'avait que lui et lui-même et il adorait s'asseoir sur les bancs du hall et inventer une vie aux voyageurs. Tantôt l'un était un espion kahtanais, tantôt l'autre un dangereux bandit. Lui un homme dont la voix devait être si aigue qu'il en était complexée alors qu'Elle, elle devait probablement être la maîtresse d'un puissant homme d'affaires. Soudain, alors qu'il allait songer à s'acheter un petit en cas, Li revint devant lui d'un signe de la main.

Mh. Excuse-moi Léo, mais à tous hasard, tu connaitrais la route pour se rendre au… Imperial Hotel ?
- A l'Imperial ?! C'est un cinq étoiles.
- Oui, et alors ?
- Non rien, oui, je connais. Il faut prendre la 3 jusqu'à la station Gaojia.


Elle le remercia puis commença à prendre la direction vers le métro. Léo resta planté là et soupira de nouveau. Il regarda au loin les différentes boutiques ouvertes à cette heure-ci. Le Yokado qui faisait l'angle semblait ouvert. Hier lorsqu'il avait voulu y aller un écriteau annonçait une fermeture exceptionnelle cette semaine mais il n'avait pas vu la date ni le motif. Li se retourna et fixa Léo qui se balançait sur la pointe des pieds pour voir au loin. Elle fit une moue oblique de la bouche tout en croisant les bras.

- Tu comptes continuer à tanguer comme un vieux chalutier où tu m'accompagnes ?
- Ah ! Euh oui j'arrive !


Il se mit à marcher vite vers elle et ils prirent la direction du métro. Il se proposa de porter son sac, elle finit par acceptée mais Léo découvrit qu'il devait bien peser quinze kilos. Une chose que Léo ne découvrit pas, cela dit, c'est qu'ils étaient suivis et qu'ils allaient l'être encore longtemps.


La veille.
Li était en retard. Terriblement en retard. Elle ne retrouvait pas son fichu short de course. C'était un petit short beige avec un liseret brun et elle l'adorait. Sa grand mère maternelle le lui avait offert l'an dernier quelques semaines avant de décédée et elle avait gagnée tous ses marathons avec. Après de longues minutes de recherche, elle finit par enfin le trouver. Il était, allez savoir pourquoi, sous le canapé du salon de sa suite présidentielle.

Lorsqu'elle fut enfin habillée, elle prit ses affaires et quitta sa suite en saluant au passage les faux touristes de la Garde. « Profitez en pour profiter du minibar de ma suite ! » leur avait-elle dit en rigolant ce qui, faut-il l'avouer, avait provoqué un sourire maîtrisé des gardes. « une vraie furie, je te le dis » avait dit l'un « Oui, mais elle est quand même super sympa. » lui avait répondu l'autre en informant que Colibri quitte le nid. Li couru jusqu'à la Xinghai Guangchang, profitant largement du fait que c'était en descente du fait du coteau. Vingt minutes plus tard, elle arriva enfin sur l'immense place d'un kilomètre carré. Elle comprit avec stuppeur qu'à quelques choses près, cette place était aussi grande que sa maison ; le Palais Pourpre. Léo était assit sur un banc fait de fonte et de bois. Il finissait un onigiri lorsqu'il senti, au loin, un doux parfum enivrant de lila, de groseille et il l'aurait juré de jasmin ainsi que d'une pointe de vanille se fit sentir. Il tourna légèrement la tête et une magnifique jeune femme vint vers lui, les cheveux en queue de cheval et un grand sourire irradiant son visage d'une beauté nouvelle.

- OH ! Salut Léo ! Je ne pensais pas que tu viendrais. J’espère ne pas t’avoir fait trop attendre.
- Mais enfin Li, je n’allais pas abandonner une fille aussi charmante que toi. Et puis j’ai à peine attendu deux minutes, c’est un exploit que tu sois arrivée si vite en ne connaissant rien de cette ville.
- C’était pas compliqué, j’ai juste suivi le chemin que tu m’as montré hier, tu es un excellent guide. Et après tout, c’est bien petit par rapport à chez moi, je viens quand même de Neijing, la plus grande ville du monde.
- Enfin… On ne vous apprend pas au Grand Ling que la seule grande ville de ce monde est Karaimu, la capitale des mers, la ville multimillionnaire, la cité des milles trains ?
- Oh non Leo… Ne me dis pas que toi aussi tu aimes les trains ? Tu étais parfait jusqu’alors.
- Eh si, la perfection n’existe pas. Et encore, tu ne connais pas mon père…


Après avoir plaisanté ainsi et s'être chariés comme ils le faisaient à chaque moments passés depuis quelques jours, ils se mirent d'accord sur un itinéraire et un rythme. Li était une grande sportive alors pour ménager Léo, elle préfèrait le laisser décider. Elle avait fait deux fois le marathon de Neijing, réputé pour être le plus important du monde où durant 42,195 km, pas moins de 50'000 coureurs participaient. Elle avait également fait la Shangri-La Heaven Race, une course à pied se déroulant à Shangri-La dans le Wujiang et où il fallait gravir les sept-milles marches séparant la ville de son monastère.
Leur course à pied, dont le rythme était malgré tout soutenue, et Li commençait à accuser ses kilomètres d'avance que sa course jusqu'au lieu de rendez-vous avait contraint. Le long du Canal Latéral, ils s'arrétèrent. Li s'effondra sur le banc, pour se reposer. Une sensation caractéristique de l'effort montait doucement : l'envie de vomir. Elle se retint, Shangri-La avait été bien plus éprouvant. Elle se concentra pour méditer sur sa respiration et apaiser son coeur battant la chamade mais peut-être, fallait-il l'avouer, pas uniquement à cause de l'effort.
Léo tendit à Li du lait et des en-cas. Celle-ci les prit des deux mains, effleurant celle du jeune homme au passage. Il souriait discrètement et regardait Li. Ses jambes sculptées apparaissaient mieux que lorsqu'elle portait sa combinaison pantalon le premier jour.

- Merci beaucoup Léo, tu n’étais pas obligé, je te redois ça.
- Mais non Li ! Enfin… Arrête de penser que tu dois rendre tout ce qu’on te donne, tu penses pas qu’on peut juste être… gentil dans la vie ?


Ils prirent par la suite le chemin conduisant vers la plage. Li avait réussit à maitriser son souffle mais son coeur continuait de battre avec intensité. Elle comprit assez vite que c'était peut-être lié à Léo. Le jeune homme avait su, durant leur visite de la ville, se montrer attentionné et cultivé. Il avait parlé à Li de l'histoire de la ville, du pays et pouvait même donner quelques anecdotes sur tel ou tel batiment. Ils finirent par se trouver un petit coin sympathique pour observer la mer. Elle était belle et le bruit des vagues s'écrasant sur le rivage donnait un atmosphère romantique à la scène. La lumière tamisée apportée par un soleil n'étant pas levé depuis bien plus longtemps qu'elle, ajoutait à cette impression. En prime, Léo lui offrit une petite peluche en forme de panda. Elle adorait ces animaux qu'elle trouvait terriblement stupides mais adorables. Tout semblait s'aligner pour qu'elle fasse ce qu'une jeune femme devait faire à ce moment là, elle imaginait que Léo attendait cela et qu'il n'avait pas simplement été lui par humanisme désintéressé. Li s'approcha du jeune homme qui, en plus, avait semblé être très clair en se montrant torse-nu, elle avait trouvée cela particulièrement troublant et même un peu impoli mais elle avait considéré cela normal pour un burujois. Li approcha ses lèvres de celle de Léo. Doucement, mouvement par mouvement, telle une panthère s'approchant de sa proie. Elle ne voulait pas qu'on pense qu'elle n'attendait que cela car elle même, se serait bien passé de ce genre de grâce offerte.

Puis Léo recula. Un soulagement lui parvint d'abord puis, elle fit de gros yeux et de honte pour ce soulagement, elle rougit. Elle ne su pas vraiment si elle avait mal agit ou si Léo s'était ravisé, elle ne savait même pas si finalement c'était une erreur d'interprétation mais une chose était sûr : une distance de gêne s'installa entre les deux jeunes gens. Léo avait fini par raccompagner Li jusqu'à l'Imperial Hotel où dans sa chambre, l'un des deux gardes buvait tranquillement le whisky du minibar sur sa terrasse. Lorsqu'il la vit, il fit des gros yeux et se leva immédiatement pour implorer pardon.

- Ça va ! Ce n'est rien. Pour ainsi dire, je préfère que tu sois là.
- Votre Altesse, je vous jure que je ne savais pas que vous seriez là. J'ai faillis à ma mission, à mon devoir et à mon honneur !
- Ce que vous pouvez être exaspérant les hommes avec votre honneur. C'est bon, t'ai-je dit.
- Oui, Votre Altesse. Merci, Votre Altesse !
- Quand arrive Père et Mère, déjà ?
- Demain, Votre Altesse. Ils prennent le Tianzheng.
- Ah oui ? Il est sorti de révision alors ?
- Oui. Tout juste aujourd'hui ! Sa peinture brille de milles feux et ses dorures vous éblouissent, m'a t-on dit.
- J'ai hâte de le revoir. Cela faisait...
- Cinq ans ! Tout de même.


Li et le garde discutèrent encore un long moment. Puis, plusieurs dames de compagnie arrivèrent. Elles avaient été envoyées par l'Impératrice pour péparer Lihua pour la rencontre diplomatique d'aujourd'hui. Des dizaines de robe furent présentées à la Princesse qui prit un malin plaisir à faire les essayages tout en discutant et écoutant un peu de musique. L'ambiance était joviale et cela devait être lié au fait que l'une de ses amies d'enfance était là. Elles discutèrent du ténébreux Léo, de cette rencontre, de ce que cela impliquerait pour le pays - Li s'intéressait énormément à la politique, elle en avait même fait ses études puisqu'elle était en licence de sciences politiques à QSU - et enfin, elle choisit sa robe. Celle-ci était un qipao vert émeraude, s'arrêtant aux genoux et dont la coupe se trouvait être évasée. Elle portait un bracelet d'or pur et serti de diamants ainsi que plusieurs bagues élégantes. Elle avait coiffée ses cheveux avec une queue de cheval plus ample que celle de ce matin et s'était permit le luxe de laisser sa mèche de devant tomber sur le coin de son visage maquillé. Enfin, ses oreilles étaient habillées de boucles d'oreilles desquelles pendaient au bout d'une petite boucle un évantail et de cet évantail, une chaine en or blanc dont le joyaux principal se trouvait être une perle noire d'une pureté inégalable. A ses pieds, elle portait des escarpins de velour noir assez hauts mais complètements ouverts sauf au talon où une lanière remontait pour venir enserrer sa cheville. Elle était fin prête pour quitter sa suite et embarquer dans le SUV officiel direction le port.


Le train ralentit dans un bruit caractéristique. Un dernier sifflement pour annoncer son arrivée puis le somptueux et immense Tianzheng s'immobilisa au millimètre près. C'était une locomotive à vapeur entièrement carénée et d'un vert métallisé sensiblement pareil au jade avec des reflets digne de la nacre. Cet imposante locomotive semblait neuve et tirait quelques six wagons. Elle emplie le quai de vapeur sous les yeux admiratifs de l'empereur burujais. Parfois, on pouvait entendre un bruit de décompression qui pouvait être assimilé au souffle d'un cheval qui viendrait de courir sur plusieurs kilomètres. Le Tianzheng était le tout dernier train à vapeur de la Maison Impérial et l'un des trois trains de la flotte. C'était également et de loin le plus prestigieux. Chaque dorure était authentique et vous ne trouviez pas une trace de laiton ailleurs que dans les cuisines. Le Tianzheng était entré en service en 1933 et marqua un tournant dans le transport ferroviaire puisqu'il était le détenteur du record de vitesse des trains à vapeur au Grand Ling avec 203,4 km/h pour une vitesse de croisière à 187 km/h. Même aujourd'hui, le Tianzheng était encore bourré de technologie ce qui en faisait, malgré son âge, un train sûr et efficace.

Le Tianzheng lors de son premier voyage impérial en 1934.
Le Tianzheng lors de son premier voyage impérial en 1934.

Ling Jiajing sorti peu après plusieurs eunuques. L'un d'eux annonça d'une voix distincte :

« Sa Majesté le Vénérable Céleste Auguste de Jade, Ling Chongsheng, de la maison Ling, empereur du Grand Ling, protecteur des îles Lanhu, gardien de l'Épée céleste et du Sabre du dragon, actuel occupant du Trône du Dragon, héritier de l'Empereur de Jade et du Ciel ! »

Puis, vint le tour de son épouse, l'Impératrice. Un autre eunuque, cette fois-ci entonna :

« Sa Majesté l'Impératrice Ling Fang, de la Maison Ling. Première Dame de l'Empire, Gardienne de la Maison Impériale et des Valeurs de la Dynastie. Mère de la Nation. »
Et ainsi de suite jusqu'à ce que le Premier-Ministre, le Ministre du Commerce et de l'Industrie, différents industriels et les deux garçons du couple impérial sortent du train.

Ling Jiajing salua chaleureusement l'Empereur Tadashi et discuta à voix basse un long moment avec lui tout en lui serrant la main sous les aggressions incessantes des flashs d'appareil photo.

- Mon Père, Sa Majesté l'Empereur Émérite Ling Chongsheng vous transmet ses amitiés et vous informe qu'il serait heureux de vous offrir la revanche que vous méritez au cuju. Il estime qu'il a gagné trop facilement et que vous avez tenté de le ménager. Dit-il en riant. Je suis venu avec Tianzheng que vous connaissez bien. Je connais notre amour partagé pour les trains, alors c'était la moindre des choses de vous montré comment nous prenons soin de ce Sage train qui vous a transporté pour la première fois chez nous il y a de nombreuses années maintenant.
- Oh je vous remercie. Dites à votre père, quand vous le verrez, que la prochaine fois je serais moins diplomate !
- Il en sera ravi. Laissez moi vous présenter mon épouse, Fang. Voici mon fils Zhengyu, son frère mon autre fils Haoran. Là le Premier-Ministre ZHOU Lee, le chef de mon gouvernement. Monsieur CHEN Li, son Secrétaire au Commerce et à l'Industrie. En parlant de commerce et d'industrie voici Monsieur LEE Joon-ho le PDG de Great Ling Railway. Monsieur JEONG Woo-seong, PDG de TZSC qui fabrique de nombreuses pièces métallurgique pour l'industrie ferroviaire comme nos rails ou nos essieux. Monsieur KIM Ji-soo, PDG de Ling Yinhang, la première banque du pays et enfin Madame FAN Zhi, la PDG de Weihua un fabriquant de Technologies d'Information et de Communications (TIC) ainsi que de différents objets technologiques ou de logiciels.
- Soyez tous et toutes les bienvenus !


Ils marchèrent un long moment, visitant la gare pendant que Ling Jiajing posait ses questions sur les signaux, les aiguilles, quel choix de caténaire ou d'écartement. Demandant s'il était d'accord pour dire que le PAD était un système ô combien plus efficace que le Seifel pour transmettre le PPE et recevoir l'AuM, etc. Puis ils finirent par rejoindre le convoi direction le port et le yacht impérial. En face de lui, dans le carosse, se trouvait le jeune Leonhardt dont la beauté n'était pas une légende. Il échangea quelque peu avec lui. Sur invitation de son homologue, il desserra l'étouffante cravate qui lui sciait le cou.
Continuant leur échange sur le sujet tout en saluant la foule de badaud, Jiajing reprit.

- La rumeur selon quoi votre héritier était le jeune homme le plus élégant de tout le continent était donc fondée. En plus d'être extrêmement poli. Vous pouvez être fier de lui, j'en suis sûr.
- M-m-merci, Votre Majesté.
- J'insiste.
- Oui, le Prince Leonhardt dispose des meilleurs précepteurs et je fais attention à ce qu'il ait les bonnes valeurs lorsqu'il prendra ma suite.
Conclue Tadashi IV.

Ils échangèrent quelques peu sur princesse Liahua avant d'arriver au yacht qui était à la mer ce que Tianzheng était au rail ; le roi. Disposant de plusieurs ponts tous les plus richements décorés les uns que les autres, le navire de la Maison Impérial du Burujoa était digne de la fortune de leur empire. Jiajing dissimula ses sentiments pour ne pas être trop impressionné. C'était une partie d'échec qu'il ne voulait pas perdre. Léo n'avait plus rien dit depuis l'ores, allez savoir pourquoi. Mais le convoi s'immobilisa enfin devant la passerelle du navire et après quelques mots échangés à la presse, les deux chefs d'état gravir les marches pour rejoindre le pont principal du navire. Soudain, dans un bruit de sirène de police et escorté de trois SUV ayant leurs girophares allumés, un gros SUV s'arreta là où quelques instants plus tôt se tenait le carrosse. Ling Jiajing sourit et se pencha vers Tadashi.

« Je crois que c'est ma fille. Elle a toujours adorée les entrées remarquées. »

La porte s'ouvrit et quelques instants plus tards, deux jambes au galbe parfait apparurent. Une seconde après, une délicieuse et entétante odeur de lila, de groseille, d'une pointe de jasmin et de vanille se fit sentir. Puis, la princesse sorti du SUV, escorté par deux Garde brodés qui avaient revêtus leurs tenues d'apparat.
Un eunuque s'approcha du bord du quai et regarda droit devant lui, vers le SUV avant de crier avec force pour être entendu sur le pont.

« Son Altesse Impériale Ling Lihua, Marquise de la Grâce Etendue et Première Princesse de l'Empire ! »

La princesse gravit les marches à son tour pour rejoindre son père et leurs hotes. Elle fut officiellement introduite à Tadashi IV à qui elle fit un sourire et une révérence parfaitement éxécutée. Puis, vint le tour de l'Impératrice où elle reproduit le même schéma tout en agrémentant d'une formule de politesse « Ma mère va avoir du soucis à se faire, il semblerait que vous soyez deux à être la plus belle femme du continent. » Puis vint le tour de Léo. Son sang ne fit qu'un tour lorsqu'elle le reconnu. Il était là, il était musclé, il était beau - et ridicule avec son chapeau - mais son ami Léo était devant elle et c'était le Prince Héritier ! "Petit cachotier..." se dit-elle avant de remuer légèrement la tête et de reproduire le même schéma qu'avec Tadashi et son épouse Catherine.
Le navire prit bientôt la mer et Lihua avait envie de vomir. Non pas d'avoir trop fait de sport, non pas à cause d'une gastro. Non pas à cause du mal de mer mais bien car Léo, Son Léo était là. Elle tapota le sommet de sa poitrine, racla sa gorge et continua de faire honneur à ses parents. Elle se tourna vers Léo et d'une voix dont la neutralité était réaliste au point de croire qu'elle n'avait aucun souvenir de ces derniers jours, elle lui demanda :

« Ainsi donc, vous êtes le Prince Héritier. Intéressant. »

Armoiries de l'empire du Grand Ling
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S’il y a bien une chose auquel Léo ne s’attendait pas il y a tout juste quelques instants c’était bien de retrouver Li, la Li, sa Li. La superbe jeune femme avec qui il avait passé la plupart de son temps cette semaine, celle à qui il partageait tout son savoir sur la belle “capitale des Xineman” ou encore celle avec qui il avait couru quelques heures plus tôt. Celle aussi à qui il avait acheté une petite peluche panda en souvenir de leurs moments passés ensemble. Pour tout se dire, il était bien content de ne pas encore avoir vu la princesse lingoise, vu l’insistance de son grand oncle Yasuho sur le besoin d’un mariage arrangé avec la première princesse venue. Il n’avait vraiment pas beaucoup envie de rencontrer une princesse héritière, non pas qu’il n’aime pas rencontrer de nouvelle personne, au contraire, mais il trouvait toujours les princes et princesses des autres pays franchement peu intéressant. Lui le prince beau gosse préférait quand même discuter de philosophie orientale, de droit constitutionnel comparé ou d’une quelconque théorie mathématique que d’entendre le récit insignifiant de la dernière virée shopping hors de prix d’une jeune “parvenue” dans une capitale eurysienne.

Cependant, les quelques mots du souverain lingois, avait semé le doute dans son esprit. Et si la ravissante Li de ces derniers jours n'était pas “petite Li” qui effectuait son premier voyage à l'étranger toute seule ? Si cette pensée le torturait quelques instants, il laissait vite tomber, ne pouvant penser que l'adorable Li cachait une princesse héritière. Il trouvait qu'elle n'avait rien d'une princesse, à commencer par sa gentillesse et son humour. Jugement assez ironique quand on sait que lui-même est le prince héritier d'un immense empire.

Son esprit revenant sur le bateau, il est soudainement pris d’un malaise en se rappelant que plus tôt dans la matinée, il a repoussé une tentative de baiser de Li de manière franchement peu élégante. Il devient encore plus nauséeux en pensant à la réaction de sa “belle oiselle” si les événements de ces derniers jours lui parviennent aux oreilles. Après avoir pris une bouffé d’air frais marin, il se ressaisit et fait comme si de rien n’était devant la gracieuse princesse héritière qui avait

“Et oui c’est bien moi, le prince héritier Leonhardt Burujoa, tout simplement, sans fioriture et titres inutilement long. C’est étonnant n’est-ce pas ?”

Alors que ce matin elle l’avait vu torse nu, Li découvre un tout autre Léo, dont elle connaît enfin le vrai prénom, Leonhardt Burujoa. Un Leo d’une élégance rare, soignée et recherchée, son costume et son veston de lin bleu pâle, bien taillé, aux larges revers, était parfaitement adapté au cadre environnant, la texture du tissu lui donnait un air très décontracté et avenant. Mais la combinaison de toutes les pièces, en particulier de l’écharpe et de la plaque de Grand Cordon de l’Ordre Précieux du Faisan d’Or le rendait assez unique, montrant à tous son rang unique depuis sa naissance.

Cette scène avait même un caractère irréaliste, le sublime yacht naviguant sur les flots d’Azur, une légère brise marine rafraîchissante agitant délicatement les magnifiques cheveux blonds dorés de Leonhardt, ses yeux bleus profonds scrutant l’horizon. Lihu, elle aussi impassible, laissant ses longs cheveux d’obsidienne flotter au vent et observant également la mer d’Azur, ou Leo, on ne sait pas trop.

“Je suis enchantée de vous rencontrer monsieur le prince héritier, Leonar Burujoa, tout simplement, sans fioriture et titres inutilement long.”

“Moi de même Votre Altesse Impériale Ling Lihua, Marquise de la Grâce Étendue et Première Princesse de l'Empire. Par contre, mon prénom c’est LéonharDT, pas Leonar, c’est important le DT”.

Pendant que les deux jeunes amis restent sur le pont, toute la délégation ayant monté à bord du Nobuyasu profite d’une petite visite du bateau dirigé par le couple impérial. Tout d’abord, on présente aux invités lingois les parties communes comme la piscine intérieure et son espace de massage et de détente, la salle de bal pour les deux réceptions nocturnes, les ponts extérieurs, le bar… Après cela, divers domestiques montrent à chaque invité leur cabine à bord du Nobuyasu, chaque cabine est spacieuse, comporte au moins un hublot avec vue sur mer, un grand lit, un bureau, une penderie et une salle de bains privative avec toilettes séparés. Les lingois plus prestigieux disposent de cabines plus spacieuses, avec un mini bar, un petit salon avec canapé, une baignoire…

Comme le veut la tradition, l’intendance a été dirigé par l’impératrice Katherine Ière en personne, elle a notamment décidé de l’attribution des cabines, choisi le linge de lit et de toilettes mis à disposition de chaque invité, placé un petit cadeau et un message manuscrit à l'attention de chaque lingois. C’est également elle qui, quelques années plus tôt a dirigé la rénovation des espaces intérieurs du Nobuyasu, mêlant harmonieusement des éléments des 6 grandes cultures de l’Empire. Elle a également choisi toutes les compositions florales qui décorent le navire aujourd’hui ainsi que les différentes tables.

C’est donc tout naturellement, que l’impératrice présente elle-même à l’empereur et à l'impératrice du Grand Ling leur suite, la 2e plus spacieuse de Nobuyasu, bien évidemment derrière la suite impériale.

“Votre suite est la 2e plus grande suite du navire, elle mesure 95 mètres carré, je ne pense pas que beaucoup de sujets de nos empires ont des logements aussi grands. Alors tout d’abord vous avez ce petit vestibule, sur le mur vous pouvez voir une authentique estampe ylmasienne du XVIe siècle représentant Karaimu à cette époque. Ensuite sur votre gauche vous avez la salle de bains, entièrement décorée de marbres colorés xinemans, une double vasque reprenant les techniques de céramiques ylmasiennes, un sauna, un hammam et une baignoire balnéo. Juste après, les toilettes, ylmasiennes évidemment, d’ailleurs nous avons mis à votre disposition des produits d’hygiène et de cosmétiques naturels confectionnés avec des recettes ancestrales des bonzeries de Kurofunaro. Puis après, le dressing, en véritable bois de séquoia de Cendane, nos domestiques y ont déjà déposé vos affaires. Vous avez à votre disposition deux kimonos, à votre taille, confectionnés dans les mêmes ateliers multi centenaires qui fournissent l’Agence Impériale. Et évidemment, juste en face, le principal, le lit, de très grande taille, je vous ai choisi des draps en percale de coton, le motif reprend les tissages traditionnels de notre région septentrionale du Vomogorod. Vous avez également dans cette petite malette quelques petites choses que j'ai préparé pour vous. Au mur, vous pouvez voir une photo d’un paysage hivernal de mon Maura natal. Ensuite, on peut aller sur la terrasse, sur laquelle vous avez un jacuzzi et des bains de soleil, fait avec du palétuvier de Maronhi. Et maintenant on se retrouve dans la pièce de vie de la suite, avec salle à manger, une belle table de facture ylmasienne avec du marbre verre, vous avez à votre disposition de la vaille frappée du Faisan d’Or, je vous laisse apprécier la finesse du travail de ciselage. Le petit salon avec canapé en cuir de wagyu et télévision, je vous déconseille de l’allumer, plus on est loin de la P-TV, mieux on se porte.”

L’empereur Tadashi IV n’apprécie pas trop la plaisanterie.

“Vous avez également un petit bureau en acajou, un mini bar où vous pourrez retrouver du saké, de la bière et du vin burujois et une petite kitchenette. Je me doute bien que vous n’allez peut-être pas beaucoup passer de temps dans la suite mais j’ai souhaité que votre suite soit la plus calme et la plus reposante possible.”

Pendant que leurs parents visitent le Nobuyasu, Leo et Li restent sur le pont, sans trop savoir quoi dire. Les petits frères de Li ont eux tout de suite noué d’excellentes relations avec Ambroise, Amaury, Aurélien, Isolde et Léandre, les petits frères et petite sœur les plus âgés de Leo. Il se demande bien ce que peut penser son amie, lui pense évidemment à sa "belle oiselle", qui pense peut être à lui en ce moment, loin d'ici, sur d'autres terres. Pour éviter de se faire trop de mal, il est alors le premier à briser le silence, de plus en plus pesant.

“Li, enfin princesse Lihua, je tenais à m’excuser auprès de vous pour tout ce que j’ai fait cette semaine et qui a pu vous mettre mal à l'aise. Je vous demanderais de ne pas trop en vouloir à mon pays et de porter tous vos griefs contre moi."

Pendant ce temps, toute la délégation, au quasi complet, se réunit sur le pont principal pour le début du cocktail de bienvenue. Les domestiques de la Cité impériale, embarqué sur le Nobuyasu pour l'occasion servent aux invités et aux burujois des flutes de vin pétillant, des petits sushis ou des verrines de Cendane. Un petit orchestre de quelques musiciens assurent l'ambiance sonore du cocktail, en jouant les grands airs de la musique classique ylmasienne. L'ambiance sur le pont est des plus agréables, on profite de l'air du large, on admire le bateau, on apprécie l'hospitalité burujoise et on échange quelques plaisanteries. Les deux couples impériaux sont au centre de l'attention et attirent tous les regards, ce qui ne les perturbent pas plus que ça.

Voyant tout le monde autour d'eux et apercevant que les plateaux de sushis et les flutes de pétillant se vidaient, Tadashi IV décide de prendre la parole.

"Mes très chers convives, mes très chers sujets, mes très chers voisins, votre Majesté, mon ami Chongsheng, Madame Fang. C'est une immense joie pour moi que de vous réunir ici, sur ce majestueux vaisseau qu'est le Nobuyasu, j'espère qu'il vous plait beaucoup et que vous allez apprécier toutes les petites attentions que mon épouse a laissé dans vos cabines, à votre égard. Mais nous ne sommes pas ici uniquement pour nous gaver de petits fours, discuter du beau temps et de nos travaux de jardinage du week-end prochain. Nous sommes également ici pour parler de sujets sérieux, des relations entre nos deux pays, je pense notamment à tout un tas de coopération mutuellement bénéfiques comme de nouvelles liaisons de trains transfrontalières, une augmentation des interconnexions électriques et numériques, des programmes d'échanges universitaires, de nouvelles règles en matière de visa..."
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Vue du large.
LE FAISAN ET LE DRAGON
Rencontre Grand Ling - Empire Burujoa.

Dans les entrailles du Nobuyasu
Sa Majesté et une partie de sa délégation suivirent leurs hôtes pour découvrir la très jolie suite dans laquelle le couple impérial séjournerait durant les deux prochaines nuits. La Maison Burujoa savait recevoir, personne ne pouvait se permettre de douter de cela mais, fallait-il l'avouer, Sa Majesté quoique satisfaite de sa suite n'était que très peu intéressé par la visite. Faute, peut-être, au choc des cultures, mais le Grand Ling espérait énormément de cette rencontre, aussi les détails de la robinetterie de la salle de bain semblaient futiles. Ling Jiajing et son Premier-Ministre avaient plusieurs fois croisés un regard circonspect tout en visitant la suite. Eux qui espéraient s'entretenir avec les représentants burujois sur des accords commerciaux et politiques, avaient malgré tout été d'un respect et d'une cordialité que rien aurait permis de démasquer leurs réelles pensées.

L'intérieur du Nobuyasu comme ses extérieurs n'avaient que confirmé la réputation du paquebot impérial réputé pour être le roi des océans. C'était peut-être le reflet d'un égo surdimensionné oriental, mais pour le couple impérial, cette réputation tenait plus du véridique et du vérifiable que des volontés ethnocentrées du peuple burujois. Jiajing parcourait le bureau d'acajou l'air songeur en regardant la suite, ses doigts glissèrent sur le bois ciré laissant derrière leur passage une légère marque. Hochant la tête, il remercia ses hôtes pour la visite et les présents.

- Cette suite est magnifique. Prétendre le contraire serait faire preuve de mauvaise foi, mon épouse l'Impératrice et moi-même vous remercions infiniment.
- En effet, merci Catherine pour cette suite, nous serons en profiter bien que notre séjour soit court.
Ajouta l'Impératrice Fang.

Sa Majesté fit un geste d'approche de la main tout en se soutenant de trois doigts contre le bureau. Un eunuque lingois entra dans la pièce, la tête inclinée vers le bas et vêtu beaux vêtements brodés finement. Il était presque intégralement chauve sauf à l'arrière de son crâne où un chignon était fermement maintenu par un pique en bois. Il portait également un bouc prenant ses racines au milieu de sa mâchoire inférieure ainsi qu'une moustache. L'ensemble était taillé au poil près. Plutôt grand, mais fin, il s'agissait de MiaoMiao. Celui-ci vint se présenter devant Ling Jiajing avec une petite boîte en bois d'un rouge profond aux nombreuses volutes semblables à celle de l'encre et aux sculptures fines. Ling Jiajing prit la boite entre ses mains en remerciant son eunuque qui s'inclina bas en repartant puis il s'approcha de son homologue.

- Tadashi, mon ami. En gage d'amitié voici un coffret dont les traits vous plairons, j'ose espérer. Dedans, il s'agit d'un des plus grands trésors du Grand Ling. Je pense que vous saurez l'apprécier.
- Merci Jiajing, c'est en effet une très belle pièce.


Il s'agissait en fait d'un coffret dans lequel se trouvaient quelques centaines de grammes de Brume Céleste, le thé le plus cher et le plus rare du monde puisque exclusivement destiné à la consommation de l'Empereur, de la Maison Impériale et des amis de marque de l'Empereur. La Brume poussait dans les hauteurs des Yushang à 1'382 m d'altitude dans un lieu isolé et hautement sacré où des théiers centenaires, fruit de plusieurs siècles de croisement contrôlés, étaient entretenus par un ordre monastique fondé en 1022 sous les Jia. Chaque feuille était cueillie à la main au crépuscule pour bénéficier de l'humidité de la nuit. Seulement quelques dizaines de kilogrammes étaient produits tous les ans. La conception du thé nécessitait une fermentation à froid ainsi qu'un vieillissement sous terre dans des jarres d'un jade extrêmement pur. Une infusion finale dans une eau – de préférence de source – offrait toute sa saveur à ce thé. Les notes étaient considérées comme subtiles. En première bouche on retrouvait de la fleur de jade, une essence délicate obtenue par la culture du thé sous son treillage de jasmin de jade ainsi que du miel d'orchidée blanche, issue de la culture d'orchidée par le même ordre monastique.
La seconde bouche, c'est-à-dire les arômes qui étaient perçus juste après la première bouche, mais qui ne présentait aucune longueur se rapprochait de notes plus rustiques. Un fort arôme de yuzu sauvage offrant une touche d'agrume offrait au thé de la vivacité que la note de bois de santal bleu et sa chaleur terreuse et boisée venait sublimer.
Enfin, ce thé dont l'arrière-goût était assez long, offrait une saveur douce-amère grâce à ses notes d'umami marin et de champignons dorés fermentés.

Fang, elle, avait passé un plus agréable instant que son époux. Elle se ravissait de voir la suite tout en écoutant les paroles de Catherine, son homologue. La discussion avait durée encore pendant que leurs époux s'offraient de belles paroles et des cadeaux. Parfois, fallait-il le souligner, une légèreté poussait les deux femmes à parler de leurs enfants et de choses assez basiques de la vie comme l'horrible stade de l'adolescence. Fang avait plusieurs fois complimenté Catherine, tant sur son teint que sur sa tenue ou sa coiffure. Catherine en avait fait de même et les deux femmes semblaient se respecter et, osons le dire, s'apprécier. Elles connaissaient leur rang respectif, mais reconnaissait également que l'opulence de la diplomatie nazuméenne avait quelque chose d'incroyablement rébarbatif ; tout du moins, c'est ce qu'il semblait.


Sur le pont principal
La Première Princesse s'était approchée du bord tribord du navire. Elle observait, le dos droit et les deux mains posées sur la rambarde, le long défilé des navires qui entouraient le Nobuyasu. Tantôt étaient-ce des plaisanciers admiratifs, tantôt des vedettes militaires burujoises, tantôt des vedettes civiles dans lesquels des Jinyiwei lingois enchaînaient les sueurs froides et les coups de sang. L'imposant navire prenait de plus en plus de vitesse au fur et à mesure qu'ils s'éloignèrent du port et le bruit des fanfares de la ville laissa bientôt la place au clapotis de l'eau s'écrasant sous l'imposante coque d'acier. Le soleil brillait dans les cheveux au vent de la jeune femme dessinant une rivière éclatante. Le vent venait claquer dans ses oreilles et rafraichir sa peau veloutée.

Derrière elle, ses deux jeunes frères, qu'elle surveillait d'un œil malgré la présence de nourrices, jouaient avec l'adelphie de Léo, le vent emportait au loin le rire des enfants ou plutôt les faisaient durer pour toujours. Léo rejoignit justement la jeune femme qui le regarda de haut en bas. Il n'avait plus grand-chose à voir avec le Léo de la gare, celui de la course à pied ou le guide des jours passés. Il était d'une élégance princière et s'il avait déjà montré avoir une posture parfaite, il semblait avoir trouvé une nouvelle version de la perfection. Ses mains ne bougeaient qu'à peine le long de son corps, ses vêtements se pliaient légèrement du fait de la respiration et du vent, mais rien n'était exagéré ou disproportionné. Léo était tout simplement beau. Le nez emplit de cette douce odeur de Lila, de groseille, de jasmin et de vanille, il rompit l'effroyable silence. Elle tourna légèrement la tête vers lui, le regardant avec douceur et sourit.

- Li, enfin princesse Lihua, je tenais à m’excuser auprès de vous pour tout ce que j’ai fait cette semaine et qui a pu vous mettre mal à l'aise. Je vous demanderai de ne pas trop en vouloir à mon pays et de porter tous vos griefs contre moi.
- J'apprécie la sollicitude dont vous faites preuve envers votre
futur peuple, Votre Altesse. Il n'y a cependant rien à excuser et ne vous en faites pas LeonharDT, si je ne vous en ai pas tenu rigueur ces six derniers jours, je n'aurais pas profité du septième pour le faire.
- Certes, merci. En tout cas, si j'avais su qui vous étiez, j'aurais agi différemment. Ce n'était pas courtois.
- Et si vous aviez agi autrement, la semaine n'aurait pas été aussi plaisante. Venez, allons rejoindre nos délégations.


À l'arrière du navire, toujours sur le pont, les couples impériaux et leurs délégations avaient quitté les luxueuses entrailles du Nobuyasu pour célébrer la rencontre autour de ce qui semblait être un cocktail de bienvenue. Tandis que des amuse-gueules et une flûte fut offerte à la princesse comme à l'ensemble des convives, sa mère s'approcha d'elle et récupéra la flûte en déposant un baiser sur son front.

- Il me semble, jeune fille, que la consommation d'alcool est réservée aux personnes majeures et que tu n'as pas encore 21 ans.
- Mère… S'il vous plait pas devant la délégation.
- Nous serions dans l'assemblée de l'OND que cela ne changerait rien.


Lihua fit une moue embarrassée et fuit du regard Léo pour chercher les yeux approbateurs de son père. Mais Ling Jiajing était trop occupé à discuter avec Tadashi et son épouse. Peu après les mots de son homologue, il sourit et leva son verre.

« A l'amitié lino-burujoise et aux futurs accords qui découleront de cette rencontre et du Grand Traité qui y sera signé. Je vous rejoins sur les sujets que vous avez évoqués, mais je crois que l'endroit se prête particulièrement à une reconnaissance de nos eaux territoriales comme de la coopération en matière de justice ou de normalisation de certains procédés. »

De cette rencontre, Ling Jiajing et son Gouvernement espéraient repartir en signant les bases d'un accord sur les échanges de flux et de capitaux entre les deux pays mais également, eut-il été important de le repréciser, sur l'égal reconnaissance des diplômes ou de la reconnaissance des eaux territoriales. Ling Jiajing espérait, par ailleurs, entamer un rapprochement avec le Burujoa et préparer celui avec d'autres acteurs du continent pour proposer des partenariats supplantant de simples accords bilatéraux. Bien évidemment et alors qu'ils discutaient, il tendit discrètement sa flûte à sa fille qui prit une gorgée en profitant que sa mère ait le regard ailleurs avant de retourner l'air malicieux aux côtés de Léo. Ling Jiajing fit un clin d'oeil à sa fille et effaça le rouge à lèvre de la flûte en buvant au même endroit.

Armoiries de l'empire du Grand Ling
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Leo ayant vu tout le petit manège entre Lihua et sa mère puis avec son père autour de la flûte de champagne, il s'approche discrètement d’elle et lui glisse.

“Tu sais Li, tu es sur un navire battant le beau pavillon au faisan ailé, une portion du territoire burujois qui flotte gracieusement sur les mers, une fraction de la souveraineté de la famille Burujoa qui arpente les océans et seules nos lois s’appliquent à bord. Par conséquent, tu peux donc boire autant d’alcool que tu veux. Ici, on peut faire ce qu’on veut dès 18 ans, on n’as pas besoin d’attendre 3 ans de plus que vous.”

Tandis que le cocktail de bienvenue arrive à sa fin, l’empereur Tadashi IV invite tous ses convives à rejoindre le pont supérieur pour le déjeuner d’ouverture de cette rencontre, après le cocktail de bienvenue. Ce qui fait dire à certains lingois.

“Mais ce n’est pas possible, ils ne font que manger ces burujois.”

Le pont supérieur est magnifiquement décoré, d’énormes compositions florales majoritairement composés de fleurs blanches donnent l’impression que les tables ont été dressés au milieu d’un champ de fleurs. Toute la vaisselle est d’un rare raffinement, d’une exceptionnelle finesse et aussi d’une opulente richesse, vraiment la famille Burujoa a sorti ses plus beaux atours pour impressionner son voisin Ling.

L’empereur Tadashi fait alors signe à l’empereur Jiajing de s’installer à sa gauche et à l’impératrice Fang de se mettre à sa droite. Ainsi, l’empereur lingois était bien entouré avec l'empereur et l'impératrice burujoise comme voisin de table, l’impératrice lingoise est également assise à côté de Tadashi mais aussi du général Yoshiro Burujoa, frère de l’empereur et directeur du département de la Défense nationale. Autour de la table on retrouve aussi le premier ministre lingois Zhou Lee et son épouse ou la directrice de la diplomatie burujoise, la princesse Keiko Burujoa et son mari, le prince consorts Shu, directeur du département des Finances.

Le repas commence alors par une double entrée, symbolisant le Vomogorod (Sibérie), la Jinu (Corée) et l’Ylma (Japon). Des serveurs en costume traditionnel xinemans apportent des mini mandous, des raviolis vapeurs jinuiens farcis aux légumes fermentés, servis avec une sauce au vinaigre de riz et soja. Les mandous sont accompagnés de petits blinis garnis de crème fraîche et de caviar du Vomogorod. Le tout est arrosé d’un saké pétillant au yuzu ylmasien.

Pendant que tout le monde commence la dégustation, l’empereur Tadashi IV en profite pour entamer des discussions plus sérieuses.

“Jiajing, mon cher ami, je ne pense pas que tu sois venu ici uniquement pour visiter des cabines de yacht et déguster quelques spécialités burujoises. Tu dois aussi être venu pour discuter de toutes sortes de coopérations mutuellement bénéfiques, comme l’aime si souvent utiliser mes services diplomatiques, à mettre en place entre nos deux pays. La liste est évidemment longue et variée, je pense aux coopérations évidentes en matière d’instruction, d’énergie ou de transports. ”

Tadashi mange alors quelques mandous en écoutant la réponse de l’empereur Jiajing, s’essuie la bouche et reprend.

“Vois tu Jiajing, comme nous sommes deux grands passionnés de trains, je pense que nous pourrions commencer à parler des nouvelles liaisons ferroviaires possibles entre le Ling et le Xinemane. Aujourd’hui, il est bien évidemment possible de relier nos deux pays par le train mais c’est fort peu pratique et ta fille à eu bien du courage de venir à Xine Shoudu par le train, cela a dû lui prendre quoi ? 10 heures ? 15 heures ?”

Tadashi déguste alors les crêpes au caviar, qu’il ne trouve pas trop écoeurantes et lui répond sur un ton ferme. L’empereur Jiajing est quant à lui impressionné par la princesse Keiko qui prend des notes de la conversation en écrivant à une vitesse qu'il n'avait encore jamais vu jusqu’alors ce qui semble être des hiraganas ylmasiens dans un petit carnet.

“Nous sommes donc d’accord pour dire que c’est trop, beaucoup trop, même si Xine Shoudu ne fait que 3,2 millions d’habitants, ce qui est loin d’être une grande ville dans ton empire, c’est essentiel que le trajet se fasse rapidement. Par ailleurs, on ne se rend peut-être pas compte sur le moment mais Neijing est bien plus proche de Xine Shoudu qu’on ne peut le penser, autour de 530 km, soit à peu près la même distance que Lanji qui est 1000 fois mieux desservie depuis ta capitale. Bon, c’est normal que les grandes villes lingoises bénéficient de meilleures liaisons ferroviaires entre elles mais je pense qu’il serait intéressant de mieux relier tout le Xinemane à l’Empire Ling.”

Tadashi prend alors une gorgée de saké pétillant au yuzu. Il jette alors un coup d'œil sur la table d’à côté, où se trouve notamment son fils Leonhardt et la princesse Lihua, qui buvait furtivement un peu de saké, profitant que sa mère soit trop occupée à discuter avec le général Yoshiro.

“Vois tu, comme convenu lors de notre précédente rencontre, chez toi, on a réfléchi, les CIB, mon administration et moi au meilleur système possible. Et on est arrivé à la conclusion qu’il serait idéal d’imaginer un système de service mutualisé, sans entreprise commune. Pour faire simple, une identité commune, des rames identiques proposant un service à bord similaire, une grille tarifaire et horaires unifiés mais chaque liaison serait exploitée soit par la DTG, soit par les CIB.”

Tadashi finit de manger ses derniers mandous tandis que sa sœur, la princesse Keiko lui donne discrètement une carte qu’il déploie devant l’empereur.

“Vois-tu, on avait pensé, comme première liaison, un service commun entre Xine Shoudu et Lanji. On pourrait commencer, dans un premier temps avec un service à vitesse classique, puisqu’aucune LGV n’existe entre ces deux villes puis une fois les travaux terminés, on basculera sur un vrai service à grande vitesse. Après, comme de mon côté il existe déjà une ligne entre Xine Shoudu et Singye, on peut imaginer un service intermédiaire dénommé “Mini Shinkansen” par les CIB. C'est-à-dire une rame spéciale capable de prendre une LGV ou une ligne classique, ce qui pourrait être assez intéressant puisque près de la moitié du trajet, la quasi-totalité de la portion burujoise existe en LGV. Il ne resterait plus qu’à construire chez vous, comme vous êtes une démocratie, ça pourrait prendre un peu plus de temps que chez moi mais on est prêt à vous aidez financièrement. Ne prends pas ça comme une aumône ou de la pitié, juste une équitable participation à un projet majeur pour le Burujoa. Par ailleurs, on pourrait aussi créer des nouvelles liaisons binationales depuis Mireu, mais dans ce cas, ce sera plutôt au Burujoa de sortir le carnet de chèques.”
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Vue du large.
LE FAISAN ET LE DRAGON
Rencontre Grand Ling - Empire Burujoa.

Les cris des dernières mouettes s'évanouirent bientôt en cédant leurs places au vent et à la mer. L'air était doux, le soleil réchauffait la peau et le sel de la mer venait irriter de temps en temps çà et là avant de s'évanouir à son tour. Il fallait reconnaître au navire impérial une stabilité que cette baie quasi fermée aidait. Lihua était du genre à subir les nausées de Neptune, mais cette fois-ci, il n'en était rien. Lorsque Léo se pencha vers elle, elle sortit de ses brefs songes qui formaient sur son visage une mine vaguement boudeuse.

- Tu sais Li, tu es sur un navire battant le beau pavillon au faisan ailé, une portion du territoire burujois qui flotte gracieusement sur les mers, une fraction de la souveraineté de la famille Burujoa qui arpente les océans et seules nos lois s’appliquent à bord. Par conséquent, tu peux donc boire autant d’alcool que tu veux. Ici, on peut faire ce qu’on veut dès 18 ans, on n’as pas besoin d’attendre 3 ans de plus que vous.
- Votre candeur est adorable, Votre Altesse, mais vous semblez oublier l'extraterritorialité du droit et le Burujoa, aussi fort et riche que puisse être cette nation ; n'a aucunes armes contre les tribunaux lingois.
Dit-elle en souriant poliment et en plissant légèrement le nez. Puis, je n'ai pas votre esprit de contradiction, Votre Altesse. Ce serait un trop grand affront envers ma famille et un manque d'honneur que de boire de l'alcool juste par volonté de défier l'autorité. Comme vous, je pense, je sais où est ma place.

Lihua comme nombre de ses concitoyens lingois, baignait depuis l'enfance dans la culture shintaoïste. Le Grand Ling était le fruit de millénaire d'école philosophie shintaoïste où les préceptes de cette pensée transcendaient chaque parcelle de la vie comme de la mort. Pour les générations les plus jeunes et les plus détachées, le respect des Anciens, de la famille et du corps étaient les plus simples à suivre, car dans un sens inné. Chaque instant qui passait semblait forger en Li l'idée que les burujois et les lingois étaient proches en tout, mais terriblement éloignés en même temps. C'était passionnant et à la fois intrigant. Elle se dit qu'un ethnologue ou qu'un sociologue n'aurait pas passé une meilleure journée qu'elle à cet instant.

Résolue à ne pouvoir profiter de l'ivresse de l'alcool et de sa jeunesse, Li se tourna vers un cocktail aux teintes rouge-orangés qui semblait être un mélange de fruits. Elle en bu une gorgée pour découvrir qu'il ne contenait pas d'alcool, mais un savant mélange d'agrumes, de grenade et de passion. Dans un petit bruit de bouche approbateur, elle inclina légèrement la tête en regardant Léo.

- C'est délicieux. Vous en voulez ?


Les hôtes burujois avaient invité leurs homologues lingois autour d'une charmante table où plusieurs mets se battaient en duel pour avoir l'insigne honneur de chatoyer l'œil et les papilles des convives. La délégation lingoise prit place après que ZHOU Lee, Tadashi IV et Ling Jiajing ait échangé quelques courtoisies. Leurs dames en avait fait de même de leur côté laissant aux enfants le soin de discuter et de multiplier les jeux de mains entre eux. Les petits frères de Lihua, par exemple, tentaient d'apprendre le jeu du 007 aux enfants du couple burujois tandis que ces derniers partaient dans de savantes explications sur comment bien réaliser un Trois Petits Chats digne de ce nom. Enfin, peu avant le déjeuner, c'est le Stella Ella Ola qui mit tout le monde d'accord, au grand damn des nourrices suppliant les enfants de faire attentions à leurs vêtements et aux possibles tâches.

Sa Majesté observa le défilé de plat sous ses yeux et il fit honneur à son hôte en dégustant un peu de tout en échangeant avec. Ils en étaient qu'à l'entrée et le déjeuner allait être long mais peu importe. En effet, une autre composante de l'école de pensée shintaoïste était la quête du Shenzi (身滋, litt. Alimentation du corps) et avec elle, le respect des Quatre Fondamentaux. Les lingois shintaoïstes étaient tous persuadés qu'une alimentation saine ni trop maigre, ni trop riche, ni trop sobre, ni trop faste était la clé pour conserver une bonne hygiène de vie et donc trouver le Shenzhi. Ling Jiajing avait été bercé dans cette idée et même si certains repas dénotaient largement avec cela comme à l'occasion de l'Action de Grâce ou du Nouvel An ; force est de constater que la majorité du temps, Sa Majesté comme son peuple respectait vigoureusement les Quatre Fondamentaux.

Alors, pendant que son épouse discutait des évolutions du rôle de la femme lingoise et de son dernier gala où elle avait récolté plusieurs centaines de millions de taels pour la lutte contre les violences faites aux femmes et pour la recherche sur les maladies infantiles avec le Général Yoshiro et d'autres convives qui écoutaient poliment, mais peut-être sans être vraiment intéressés ; Ling Jiajing discuta avec l'empereur burujois.

- Jiajing, mon cher ami, je ne pense pas que tu sois venu ici uniquement pour visiter des cabines de yacht et déguster quelques spécialités burujoises. Tu dois aussi être venu pour discuter de toutes sortes de coopérations mutuellement bénéfiques, comme l’aime si souvent utiliser mes services diplomatiques, à mettre en place entre nos deux pays. La liste est évidemment longue et variée, je pense aux coopérations évidentes en matière d’instruction, d’énergie ou de transports.
- En effet, Tadashi, nos diplomaties sont au moins d'accord sur la nécessité de conclure des « accords de coopération bilatéraux aux retombés plus que bénéfiques » comme ne cesse de me répéter mon Premier Ministre. Je suis d'accord que l'Instruction, l'Énergie et les Transports sont importants, mais il faut impérativement discuter d'une coopération politique et judiciaire. Notamment officialiser de facto notre attachement aux valeurs d'inviolabilité diplomatique ou mettre en place des accords d'extraditions.

Jiajing bu une gorgée de saké tout en écoutant de nouveau son homologue.

- Vois-tu Jiajing, comme nous sommes deux grands passionnés de trains, je pense que nous pourrions commencer à parler des nouvelles liaisons ferroviaires possibles entre le Ling et le Xinemane. Aujourd’hui, il est bien évidemment possible de relier nos deux pays par le train, mais c’est fort peu pratique et ta fille a eu bien du courage de venir à Xine Shoudu par le train, cela a dû lui prendre quoi ? 10 heures ? 15 heures ?
- Plait-il ? Répondit Sa Majesté, arquant un sourcil. Je ne sais pas quel pauvre diable a voulu se jouer de toi mon ami, mais il faut largement moins longtemps pour relier nos deux pays. Li a mis sept heures pour venir, en partie lié au fait qu'à Mireu, le contrôle douanier a été plus long que prévu et qu'il y a eu un léger retard sur tes lignes lié à un bagage abandonné. Rien d'exceptionnel, moins de vingt minutes. Elle m'a d'ailleurs dit qu'elle a été très satisfaite de voir avec quel professionnalisme le personnel de bord a diligenté l'affaire. Mais, je te l'accorde, cela reste une sacrée durée et un sacré périple.

Sa Majesté se tourna un instant vers sa fille, souriant légèrement en la regardant découvrir pour la première fois — et vraisemblablement détester vu son visage contrit, mais poli — du caviar. Elle était en pleine discussion avec le Premier Ministre ZHOU, son épouse, Léo et le couple princier que formait la princesse Keiko et son époux. Du peu qu'il pouvait entendre, cela évoquait la situation en Ramchourie et de la philosophie entourant le concept de social-libéralisme et pourquoi était-il plus intéressant d'un point de vue économique et politique que du libéralisme pur ou du socialisme pur.

- Nous sommes donc d’accord pour dire que c’est trop, beaucoup trop, même si Xine Shoudu ne fait que 3,2 millions d’habitants, ce qui est loin d’être une grande ville dans ton empire, c’est essentiel que le trajet se fasse rapidement. Par ailleurs, on ne se rend peut-être pas compte sur le moment, mais Neijing est bien plus proche de Xine Shoudu qu’on ne peut le penser, autour de 530 km, soit à peu près la même distance que Lanji qui est 1000 fois mieux desservie depuis ta capitale. Bon, c’est normal que les grandes villes lingoises bénéficient de meilleures liaisons ferroviaires entre elles, mais je pense qu’il serait intéressant de mieux relier tout le Xinemane à l’Empire Ling.
- Certes, je te l'accorde. Mais puisque nous parlons de liaisons ferroviaires, il n'est pas adapté de réfléchir en vol d'oiseau. A vol d'oiseau, Xine Shoudu est presque aussi distante de Neijing que Neijing l'est de Zhenzhou ou Lanji de Neijing. Mais si on réfléchit en prenant en considération la réalité du terrain, Lanji est à environs 960 kilomètres – de mémoire – et Xine Shoudu est à environs 1'000 km de Neijing. Sa Majesté marqua une pause et profita pour reprendre un peu de riz. Sans compter qu'il faut voir les régimes de voie, les arrêts, les vitesses, comment fonctionnent les cantonnements et tout autant de paramètre à considérer pour simplifier la circulation de nos trains. Evidemment, il y a l'aspect politique avec la facilitation des démarches pour traverser la frontière, etc. Mais il faut effectivement améliorer notre service. D'ailleurs, cela rentre dans le cadre du Ruban Doré où des citoyens burujois pourraient aller visiter jusqu'au Fujiwa.

Ling Jiajing ne finit pas son assiette. Non pas que cela n'était pas bon, mais la tradition lingoise voulait qu'on laisse toujours un peu de nourriture pour montrer à son hôte à quel point celui-ci avait été généreux en nourriture au point de nous repaître. Évidemment, il s'agissait que de l'entrée mais Sa Majesté fit le choix, judicieux faut-il l'admettre, de réserver plus d'espace au plat de résistance et à l'hypothétique dessert bien que la culture lingoise n'était pas très portée sur les sucreries, l'occident avait offert au Grand Ling la culture des desserts sucrés comme les patisseries ou les crèmes desserts. Bien qu'en général, un simple fruit conclut toujours le repas. Il finit cependant son saké dont il vanta à plusieurs reprise le goût riche de saveur dont l'effervescence venait sublimer l'arôme de l'agrume.

- Vois tu, comme convenu lors de notre précédente rencontre, chez toi, on a réfléchi, les CIB, mon administration et moi au meilleur système possible. Et on est arrivé à la conclusion qu’il serait idéal d’imaginer un système de service mutualisé, sans entreprise commune. Pour faire simple, une identité commune, des rames identiques proposant un service à bord similaire, une grille tarifaire et horaires unifiés mais chaque liaison serait exploitée soit par la DTG, soit par les CIB.
- Je vois, oui. Mais je me dois l'honnêteté avec toi au nom de notre amitié et de celle de notre peuple. Un service mutualisé est une très mauvaise idée en plus de renvoyer une mauvaise image et compliquer les choses. Mon Administration table plutôt sur la création d'une entité morale distinct détenue à part égale entre les CIB et GLR. [HRP : GLR pour Great Ling Railways, est le nouveau nom de DTG depuis quelques mois/années inRP mais j'ai oublié d'actualiser dans le registre des sociétés]. En somme, une entreprise commune. En effet, d'après plusieurs études et en se basant sur des exemples actuels ou historiques ; nous aurions une image de marque cohérente de bout en bout, une coordination ultra simplifiée tant pour les voyageurs que le personnel, une plus grande efficacité économique et un partage égalitaire entre les bénéfices et les risques donc entre les dépenses d'investissement et les recettes. L'Empereur marqua une pause, le temps de reprendre un peu de saké. Avec une telle approche, on renvoie également le message que le Grand Ling et le Burujoa sont deux nations amies qui coopèrent. Et le temps d'atteindre l'équilibre, les CID et GLR loueront le matériel et à terme, peut-être, cette entreprise achètera son propre matériel qui sera, si jamais cela finit par un jour s'arrêter, être revendu et les gains partagés à part égale.

La discution entre les héritiers respectifs et diverses personnalités autour de la table s'était arrêtée en bon termes. Une difficulté demeurait : la vision peut-être trop libérale du Grand Ling qui laissait au marché et à la propriété privée une grande place là où, au Burujoa, il était commun de dire que tout appartenait à l'Empereur qui dans son infinie bonté en donnait la jouissance à son peuple. Cette vision était impossible à comprendre pour Li, encore moins pour des lingois mais peu importe tant que cela fonctionnait et apportait du plaisir au peuple burujois. La princesse Keiko se tourna vers les deux empereurs qui discutèrent. Elle tendit au Faisan une carte que celui-ci déploya aux yeux du Dragon. Il l'inspecta minutieusement et vit les contours de leurs empires, les reliefs et certaines liaisons pré-existantes.

- Vois-tu, on avait pensé, comme première liaison, un service commun entre Xine Shoudu et Lanji. On pourrait commencer, dans un premier temps avec un service à vitesse classique, puisqu’aucune LGV n’existe entre ces deux villes puis une fois les travaux terminés, on basculera sur un vrai service à grande vitesse. Après, comme de mon côté il existe déjà une ligne entre Xine Shoudu et Singye, on peut imaginer un service intermédiaire dénommé “Mini Shinkansen” par les CIB. C'est-à-dire une rame spéciale capable de prendre une LGV ou une ligne classique, ce qui pourrait être assez intéressant puisque près de la moitié du trajet, la quasi-totalité de la portion burujoise existe en LGV. Il ne resterait plus qu’à construire chez vous, comme vous êtes une démocratie, ça pourrait prendre un peu plus de temps que chez moi mais on est prêt à vous aidez financièrement. Ne prends pas ça comme une aumône ou de la pitié, juste une équitable participation à un projet majeur pour le Burujoa. Par ailleurs, on pourrait aussi créer des nouvelles liaisons binationales depuis Mireu, mais dans ce cas, ce sera plutôt au Burujoa de sortir le carnet de chèques.
- Oui, très bien. Entre Lanji et Xine Shoudu il y a effectivement un réseau régional mais pas encore de LGV bien que ce soit à l'étude chez nous depuis quelques années maintenant. Il se tourna vers son Premier Ministre qui lui apporta différents documents notamment une étude de ligne réalisée en 2013. Comme tu peux le voir, il y a quelques années le projet avait été évalué à pas loin de 90 milliards de Taëls d'or [HRP : Prix basé sur une estimation réaliste d'une LGV sur littoral avec environs 30 % de viaduc et de tunnel à l'instar de celle réalisée pour Nice-Marseille. Le prix a été fixé à 2,5 milliards d'euros pour 150 km soit environs 16,6 millions du kilomètre]. Malgré l'inflation, vu comment nos liquidités circulent, on peut estimer qu'il soit à peu près toujours au même prix. En passant par des prêt garantis, GLR devrait pouvoir financer le projet mais il mettra bien cinq à dix ans à être terminé vu la complexité du terrain à cause des Lianhua qui se jettent ici et là. Il faudra des viaducs ici et peut-être là par contre d'ici à ici et de là à environs... Ici, dirais-je, ce sera en tunnel.

Sa Majesté faisait glisser son doigt entre la carte présentée par Tadashi et les documents de son étude de ligne pour imager correctement la situation. Tadashi semblait assez intéressé, ce qui fit indéniablement plaisir à Jiajing. Le Premier Ministre apporta un second document qui était cette fois-ci une étude de marché pour une entreprise commune ainsi que différentes conclusions rendues dans un rapport sur les facilitations de circulation.

- Merci, Monsieur le Premier-Ministre. Comme tu peux voir ici, Tadashi, Mireu est déjà largement bien desservie encore qu'une LGV tranversale pourrait être imaginée pour éviter de passer systématiquement par Shucheng, par exemple en faisant Neijing - Mireu via Lingchuan. Quant à l'entreprise commune, si tu regardes ces documents ce serait plus simple que l'on croit car comme marqué dans ce rapport, il y a une réelle demande notamment des frontaliers. Ici, par exemple, les démarches seraient simplifiées en réalisant un ESTA à l'embarquement ou au débarquement, un peu comme ce que nous avons déjà entre le Grand Ling et le Negara Strana. Les passagers rempliraient un formulaire papier ou en ligne et devraient le donner à l'agent de contrôle avant d'embarquer à Neijing, Lanji ou Mireu et après le débarquement à Xine Shoudu ou aux autres villes que tu voudrais desservir avec nous. Et pour les frontaliers pendulaires, eux auraient un visa travail voir une carte de résident permanent.
Sa Majesté referma les documents ouverts sur la table après que quelques couverts eut été poussés à force de déranger. Tadashi n'avait pas dit un mot ou presque, aussi il voulu conclure avant d'obtenir le fond de la pensée de l'empereur burujois.

- Bien. Je laisse à ton Administration le soin d'étudier ces documents, ce sont tes exemplaires. Et vu comment le Wujiang est dénué de LGV, il n'est pas aberrant d'imaginer à terme plus de liaisons telles qu'entre Mingyue, Wuyuan, Yunhe ou d'autres villes frontalières et le Xinemane. Bien évidemment, il va falloir travailler la politique des frontières, c'est inévitable. Alors, qu'en dis-tu ?

Armoiries de l'empire du Grand Ling
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Après avoir rangé ses documents, il papote un peu avec l'impératrice Fang, tandis que le repas se poursuit avec l’arrivée des nombreux serveurs en tenue de gala disposant devant chaque invité et dans une parfaite synchronisation un plateau de bois, décoré de riches motifs d’inspiration xinemane peint à l’or fin. Sur ce plateau se trouve un délicat bol de porcelaine dont la teinte vert pastel et l’absence de décorations s'harmonisent plutôt bien avec la richesse du plateau. Et à côté du délicat bol vert se trouve un autre bol de porcelaine, cette fois-ci bleu pastel et toujours avec la même sobriété dans la décoration.

L’impératrice Catherine coupe alors toutes les conversations en cours sur la table pour présenter les mets qu’elle a personnellement choisis.

“Alors dans le bol vert vous trouverez une soupe des 3 nations, un bouillon clair infusé de miso pour l’Ylma, de ginseng pour la Jinu et de champignons sauvages du Vomogorod. Et dans le bol bleu une salade d’algues wakame et concombre avec une vinaigrette au sésame et vinaigre noir du Xinemane.”

Chacun se souhaite alors un bon appétit et Tadashi continue alors de discuter avec l’impératrice Fang de sujets légers, comme les prénoms de leurs enfants ou le beau temps de la saison. Au cours de la conversation, il se justifie de ne plus parler de politique, en disant tout simplement.

“Le repas est une chose bien trop sérieuse pour faire une deuxième chose en même temps.”

Une fois sa soupe et sa salade terminée, il put reprendre les discussions techniques avec l’empereur Jiajing.

Effectivement, puisque nous venons de convenir des grandes lignes directrices, disons une première liaison entre Xine Shoudu et Neijing assurée par une entreprise commune détenue à parts égales par les CIB et GLR. Passons à un autre sujet, nos ingénieurs et juristes s’occuperont du reste. Et tu as raison, il faut qu’on s’occupe de nos frontières, il est idiot d’établir des liaisons à grande vitesse si le Shinkansen doit s’arrêter à la frontière.

Tadashi se mit alors à rire bruyamment de sa propre blague avant de reprendre.

L’Empire Burujoa dispose déjà de facilités de circulations avec de nombreux pays, nous faisons même dorénavant partie d’un espace économique commun, avec une grande liberté de circulation avec notre nation sœur de Maronhi. Donc nous sommes parfaitement ouverts à un régime d’entrée assez souple pour les lingois. Le régime de l’ETSA peut être assez intéressant mais j’ai peur qu’il devienne vite contraignant dans le cadre des échanges transfrontaliers. J’avais plutôt pensé à un régime à plusieurs vitesses, un ETSA pour les nuitées dans l’Empire et un laisser passer automatique pour les travailleurs frontaliers. Pour l’instant, il s’agirait du même système que ce que tu as imaginé. Mais nous avons également pensé à un système sans nuitée, c'est-à-dire un voyage de quelques heures dans l’autre pays, ce qui permettrait de booster nos commerces, nos loisirs… Pas besoin de documents à remplir, juste de présenter un titre d'identité de son pays à l’entrée et à la sortie, ça nous permet de savoir qui est chez nous tout en étant pas trop intrusif.
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Vue du large.
LE FAISAN ET LE DRAGON
Rencontre Grand Ling - Empire Burujoa.

La discussion de travail entre les deux monarques et leurs proches conseillers s'était poursuivi juste assez longtemps pour que personne n'entende les cris de famine des estomacs lingois. Sa Majesté n'avait certainement pas échappée à la règle et il prit un grand plaisir à cesser sa conversation pour écouter l'annonce du menu que l'impératrice Catherine venait d'annoncer.
Et quel plaisir alors ! Aussi ravissant pour les yeux que pour les papilles, ces plats avaient toutes les qualités qu'appréciaient les lingois et Ling Jiajing en particulier. Ils étaient accueillis avec bienveillance en prenant l'aspect d'une acalmie au milieu d'une tempête de victuaille. Evidemment, Quatre Fondamentaux alimentaires ou non, Ling Jiajing n'avait jamais été contre un savoureux buffet nécessitant parfois de déboutonner le pantalon ou un hamburger-frite bien gras mais pour bien apprécier ces errances culinaires, fallait-il qu'elles restent occasionnelles. Etait-ce là l'expression de sa sincère spiritualité ou bien - et il fallait se l'avouer - le fruit d'un protocole médical strict qu'on imposait à la Maison Impériale autant qu'aux citoyens lingois aux travers de différentes campagnes sur la nutrition.

L'Impératrice Fang semblait absorbée dans sa discussion avec Tadashi. C'était là bien normal, d'ordinaire elle l'aurait feint mais Tadashi était de ces hommes qui n'avait pas besoin qu'on fasse semblant. Les années s'étaient acharnées sur son visage mais pas sur la finesse de son esprit et derrière quelques banales question, on trouvait là un vieil homme très sympathique, assez simple mais surtout ô combien sincère.
Fang avait également questionné l'Empereur sur de banals sujets comme les hivers à la capitale, l'année de construction du yacht impérial ou bien les insupportables problèmes que causaient les embouteillages en ville lorsqu'il faisait un temps caniculaire. Catherine elle-même avait roulée des yeux en signe d'approbation, argant que ça réveillait un asthme insoupçonné chez elle l'obligeant parfois à profiter de l'air sain d'un palais en dehors de la ville.
Il n'y avait que les tenues et finalement le cadre pour rappeler à cette assemblée que nous assistions à un déjeuner diplomatique, la politique avait été mise de côté voilà longtemps et dans une autre vie, à un autre endroit ; on aurait pu se laisser croire à un déjeuner informel entre amis.

- Le repas est une chose bien trop sérieuse pour faire une deuxième chose en même temps.
- C'est bien là qu'on se rend compte que les nazumis ont un véritable sens de l'Art de la Table. Et cette salade d'algue est extrêmement rafraichissante. Cela tranche bien avec l'entrée qui était un peu plus riche mais ô combien savoureuse. Tadashi, je ne te remercie pas mon ami, je vais devoir retourner à la salle de sport en rentrant. Sa Majesté rit. De bon coeur.

Le déjeuner se poursuivit et on entendit bientot les baguettes et fourchettes se tairent au profit des verres qui se remplissaient presque aussi vite qu'ils étaient vidés. Tadashi porta sa serviette à la bouche pour se la tamponner et reprit.

- Effectivement, puisque nous venons de convenir des grandes lignes directrices, disons une première liaison entre Xine Shoudu et Neijing assurée par une entreprise commune détenue à parts égales par les CIB et GLR. Passons à un autre sujet, nos ingénieurs et juristes s’occuperont du reste. Et tu as raison, il faut qu’on s’occupe de nos frontières, il est idiot d’établir des liaisons à grande vitesse si le Shinkansen doit s’arrêter à la frontière. A sa blague, Jiajing rit également en imaginant la scène.
- Imagine un peu les articles de presse que ça donnerait. Nous nous entendons sur un partage équitable alors, c'est une excellente chose. Nous laisserons nos professionnels définir les modalités et finalités de la chose tout comme les éventuels avantages sociaux pour les salariés. On se contentera de monter dans le train inaugural et dévaliser la voiture restaurant. Là encore, Jiajing rit mais de sa propre blague.

L'Empereur qui, malgré l'intérêt qu'il portait à sa conversation, ne put s'empêcher de voir sa fille rire aux pitreries que Leonhardt faisait. Ce dernier après avoir utilisé sa fourchette pour lancer un peu de nourriture à une mouette qu'un serveur tentait désespérement de faire fuir, avait entreprit d'utiliser un peu de mie de pain pour former un carré parfait. Lihua elle-même n'était pas des plus exemplaire puisqu'elle ne cessait pas de mettre des fleurs dans les cheveux du prince qui, après une première moue était devenu un brin paranoïaque en vérifiant plusieurs fois qu'il ne restait rien.
L'espace d'un instant, les deux héritiers n'étaient rien de plus que des adolescents. Jiajing n'avait pas vu sa fille - pourtant réputée pour son teint solaire - être aussi amusée depuis longtemps. C'en était touchant. Le pouvoir avait cette chose cruelle qui empêchaient les pères et les mères de n'être simplement que cela et cet instant de tendresse disparu aussi rapidement que Tadashi continua son exposé. Ling Jiajing l'écouta avec intérêt oubliant peu à peu ce qu'il venait de voir.

- L’Empire Burujoa dispose déjà de facilités de circulations avec de nombreux pays, nous faisons même dorénavant partie d’un espace économique commun, avec une grande liberté de circulation avec notre nation sœur de Maronhi. Donc nous sommes parfaitement ouverts à un régime d’entrée assez souple pour les lingois. Le régime de l’ESTA peut être assez intéressant, mais j’ai peur qu’il devienne vite contraignant dans le cadre des échanges transfrontaliers. J’avais plutôt pensé à un régime à plusieurs vitesses, un ETSA pour les nuitées dans l’Empire et un laissez-passer automatique pour les travailleurs frontaliers. Pour l’instant, il s’agirait du même système que ce que tu as imaginé. Mais nous avons également pensé à un système sans nuitée, c'est-à-dire un voyage de quelques heures dans l’autre pays, ce qui permettrait de booster nos commerces, nos loisirs… Pas besoin de documents à remplir, juste de présenter un titre d'identité de son pays à l’entrée et à la sortie, ça nous permet de savoir qui est chez nous tout en n'étant pas trop intrusif.
- Mh, oui, je vois. Tu as raison. Cela serait bénéfique à nos économies respectives. Tâchons d'édicter des règles strictes en matière de biens, cela dit. Je ne suis pas sûr que tu serais très enchanté de voir certains de tes sujets venir chez moi pour acheter des produits détaxés par rapport à chez toi et inversement pour moi. Je crois que nous ne pratiquons pas les mêmes prix en matière de tabac et de carburant par exemple. Jiajing reprit après avoir bu une gorgée. Du reste, cela va poser la question de la sécurité, notamment en cas de délinquants ou criminels qui tenteraient d'utiliser ces facilités pour fuir. Même si nous coopérons déjà en la matière, je crois que nous n'avons jamais formalisé un accord d'extradition.

Jiajing se frotta le menton, l'air songeur, ses doigts se perdirent dans son bouc qui avait poussé depuis l'époque du portrait officiel.

- J'y pense, mais puisque nous y sommes, pourquoi ne pas démocratiser tout ce système de gestion frontalière à tous nos échanges ? Que ce soit par les airs ou la route, ce serait bien et cela pourrait d'ailleurs profiter à nos territoires plus éloignés via les liaisons maritimes et aériennes.
Alors que le moment sembla durer quelques longues minutes, peut-être une heure, que les échanges et les détails techniques pleuvaient avec l'intervention nécessaire de différents intervenants présents autour de la table tant du côté burujois que lingois, Ling Jiajing finit par dire après un long soupire de félicitation pour ce dossier-ci.

- Bien, il est temps d'évoquer d'autres points cruciaux, mon cher ami. Tu le sais, Weihua est l'un des leaders en technologies de l'information et de la communication et c'est largement lié à notre industrie de semi-conducteurs et à nos investissements massifs dans ce secteur. J'aimerais te suggérer que nous passions ensemble à l'étape d'après. Il marqua une pause. Tout d'abord, je pense qu'il est nécessaire que nous ayons un accord de roaming entre nos opérateurs surtout si nous intensifions les flux à notre frontière commune et de manière générale dans nos différents territoires. Mais j'aimerais aussi te proposer de relier via notre câble de fibre optique SEA-N-1 tes provinces d'Ylma et de Tairo.. Tairopototo, pardon. Enfin, Weihua développe actuellement la suite de la 4G et nous nous sommes rapprochés de Westalia pour avancer en ce sens, le Burujoa pourrait s'inscrire également dans cette optique. Nous développerions une architecture commune pour la 5G et cela permettrait une uniformisation pour simplifier sa propagation.
Ling Jiajing se tut, regardant droit dans les yeux Tadashi qui semblait songeur, mais pas indifférent.

Armoiries de l'empire du Grand Ling
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