[RP Interne] Wind of Change
Posté le : 11 déc. 2024 à 22:07:26
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Ici seront postés divers RP représentant la façon dont des citoyens de Nebrownia ont vécu le coup d'état du 19/04/2015, ou ses conséquences sur leur vie, quel qu'ils soient, quelle que soit leur classe sociale.
Posté le : 11 déc. 2024 à 22:24:03
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La Générale de Brigade Matilda Emerson se tenait face à la large fenêtre du Bureau Présidentiel, comme Clinton Kellem avait nommé cette pièce, une ironie de plus du régime qu’elle avait renversé quelques heures plus tôt. Les mains croisées dans le dos, elle regardait les fumées noires s'élever çà et là dans la ville, vestiges de véhicules carbonisés, civils et militaires, autant de preuves que le Coup d'État ne s’était pas déroulé sans combats. Derrière elle s’affairaient civils et militaires, préparant le décor pour l’allocution qu’elle allait donner dans quelques minutes afin d’établir officiellement son acte et ses conséquences. Elle soupira profondément.
- Au rapport, Lieutenant Mynooc.
La Lieutenant Fira Mynooc, qui se tenait légèrement en retrait, s’avança de trois pas. Native, elle vouait à sa supérieure une admiration féroce, et avait déjà fait jouer les poings pour la défendre lorsqu’elle était encore Cadette de l'académie. La générale savait et voyait l’attitude de sa subordonnée, ce qui avait tendance à la mettre mal à l’aise, mais la jeune femme était très compétente, et avoir un garde du corps officieux ne pouvait pas faire de mal. La jeune Native sortit un bloc-note recouvert de notes et commença son rapport.
- A vos ordres ! Un bruit de feuilles tournées résonna derrière Matilda. Nous nous sommes rendus maîtres de la totalité de la ville, les troupes fidèles au régime se sont ou rendues, ou enfuies, de même que le généralissime Cuvilier qui est toujours introuvable. Les infrastructures de distribution d’électricité et d’eau courante n’ont que très peu souffert des combats... nous avons eu de la chance d’avoir Monsieur Reyes à la tête de l’insurrection populaire, il a su diriger ses troupes vers les points stratégiques de la ville, comme la prison et les sièges des différentes radios et télévisions nationales, nous évitant de trop nous disperser et nous permettant d’utiliser notre plein potentiel sur les éléments essentiels de notre mission.
- Etat des pertes ?
- Trente morts et soixante dix blessés, dont trente critiques.
- Estimation des pertes ennemies ?
- Difficile à établir, nous n’avons pas encore terminé de recenser les prisonniers, mais nous les estimons à environ deux-cent morts et une centaine de blessés dont nous sommes tributaires.
- L’effet de surprise a joué à plein. Matilda fait une pause, les yeux rivés sur un volute de fumée qui s'évanouit petit à petit sous l’action des pompiers, sans doute. Quelles sont les pertes civiles ?
- Là aussi difficile à établir, nous n’avons pas encore pris contact avec les services de secours, qui doivent être débordés à l’heure qu’il est.
Matilda leva les yeux au ciel. Elle savait que les pertes civiles seraient conséquentes, nombre de ceux qui s’étaient engagés dans l’insurrection populaire n’avaient jamais tenu une arme, car trop jeunes pour avoir effectué le service militaire obligatoire. Une partie de la jeunesse sacrifiée de la sorte, elle avait un goût amer en bouche à cette pensée. Mais leur sacrifice avait été essentiel au succès de l’opération, ayant largement détourné les troupes fidèles à Kellem des objectifs réels du Coup d’Etat. Reyes avait pourtant ordonné, dans son appel aux armes, que seuls ceux ayant une expérience militaire se joignent à lui pour libérer Noroît, mais la fougue de la jeunesse avait été plus forte que la raison.
- Générale ?
Matilda tourna la tête. Une femme se tenait à côté de Fira Mynooc, elle aussi avec un bloc note. La jeune native, un sourcil dubitatif haussé, la surveillait du coin de l'œil alors que celle-ci se rapprochait de la générale.
- L’installation est finie, nous allons devoir vous maquiller avant le direct, dit la spécialiste des médias, un sourire très professionnel aux lèvres
- Ai-je une tête à me maquiller, madame ? rétorqua la générale, ce n’est pas un concours de beauté mais un discours d’investiture…
Fira Mynooc pouffa silencieusement derrière la spécialiste des médias, mais cette dernière, un sourire en coin, rétorqua :
- Je maquille quotidiennement votre mari avant ses directs, madame.
Le sourire de Mynooc se figea et ce fut à la générale de hausser un sourcil, ne s’attendant visiblement pas à cette répartie.
- Est-ce vraiment nécessaire ?
- Oui, cela permet de gommer les quelques imperfections de la peau que les jeux de lumière pourraient faire apparaître. C’est le genre de détails sur lesquels l’attention peut se focaliser, faisant oublier aux spectateurs le message qu’essaie de faire passer la personne à l’écran.
- J’ai du mal à imaginer Noroît se plier à ça tous les jours… dit la générale, essayant d’imaginer son époux se laisser maquiller.
- Il n’est pas particulièrement friand de la chose, mais c’est un bavard, il réussit toujours à tourner cette étape à son avantage, ou en plaisantant, ou en réfléchissant à voix haute.
- Cela lui ressemble davantage… Soit… où se déroulera cette séance de tartinage ?
Fira Mynooc pouffa de nouveau. Elle était très bon public pour ce qui concernait l'humour, et finissait souvent avec des crampes au ventre tellement elle riait lorsque Noroît se prenait à voir jusqu'où il pouvait la pousser à rire. Cette pensée fit sourire la générale, qui attendait la réponse de la maquilleuse. Celle-ci, souriante, lui indiqua de la main le fauteuil présidentiel, derrière le massif bureau orné de dorures qu’il utilisait pour travailler, ou faire mine de travailler, pour les images de propagande. Avec un profond soupir et un air résigné, la Générale se dirigea vers le fauteuil et s’y assit, sans grand plaisir.
- Faites vite, dit-elle, se crispant en voyant les accessoires de maquillage.
- Détendez vous, générale… ces poudres et ces pinceaux n’ont jamais tué personne… du moins, pas directement, ajouta la maquilleuse, tentant de détendre Matilda, en commençant à étaler du fond de teint sur le visage de la générale.
Alors que la spécialiste s’occupait d’elle, la générale se dit qu’elle n’avait pas eu de nouvelles de son époux.
- A-t-on des nouvelles de Noroît ? s’enquit-elle.
- Oui, intervint la lieutenant Mynooc, il a été libéré par des insurgés sous le commandement direct de Reyes et a été envoyé à l'hôpital directement…
La générale soupira de nouveau. Elle s’y attendait, car son époux avait été arrêté par la police politique juste après son direct. Elle et Reyes avaient agi vite, mais les sbires de Kellem avaient quand même visiblement eu le temps de le “questionner” comme ils disaient. Elle serra les poings. Elle mourrait d’envie d’aller rejoindre son mari, mais son devoir était de rester là, et de continuer. Clinton Kellem était derrière les barreaux, elle l’y avait mené elle-même, avec mépris et moult coups de pieds au derrière. La tentation de lui mettre une balle dans la tête avait été grande, rarement son arme de service ne l’avait autant démangé, mais il devait répondre de ses crimes, et une exécution sommaire aurait été trop clémente pour lui…
- Voilà… Vous êtes prête, Générale, dit la spécialiste en se reculant.
- Merci… dit la générale, remerciant le ciel que la maquilleuse n'ai pas agité un miroir pour qu'elle constate l'étendue des dégâts.
Un homme portant un casque audio doté d’un micro se dirigea vers elle. Lui aussi portait à la main un bloc note recouvert d'inscriptions.
- Générale, votre époux est en train de présenter le bulletin d’information, vous passerez en direct dans moins de dix minutes. Etes vous prête ? demanda-t-il
- Oui, dit Matilda après une dizaine de secondes.
- Parfait. Vous voyez cette lumière rouge ? Dès qu’elle passera au vert, vous vous adresserez à toute la nation. Nous essaierons de vous déranger le moins possible, mais quelques mouvements derrière les caméras sont à envisager. N’y prêtez pas attention…
- Bien…
- Direct dans trois minutes !! cria un homme derrière les caméras
- Concentrez vous sur le retour caméra que vous avez ici, générale, cela vous permettra de voir ce que verra la population.
Matilda acquiesça silencieusement. Les trois minutes qui suivirent lui parurent une éternité. Elle avait hâte que cela se termine, hâte de pouvoir VRAIMENT commencer le travail qui allait être le leur pour les mois à venir… et surtout hâte de revenir à la vie qui était la sienne avant, celle de générale de brigade, un poste qui lui convenait parfaitement, des responsabilités mais pas trop, un challenge intéressant lors des manœuvres, tant d’un point de vue logistique que tactique…
*Et merde, qu’est-ce que j’ai fait, à dire que je prendrais les commandes le temps qu’ils choisissent un nouveau type de gouvernement… Quelle conne bon sang !! Allez, plus le temps de regretter ma grande…* songea-t-elle, cinq secondes avant que la lumière verte ne se fasse et qu'elle apparaisse en direct devant des millions de spectateurs.
- Nebrowniennes, Nebrownien… Frères et sœurs… Vous le savez tous, ces derniers mois ont été teintés du sang de victimes innocentes, dont le seul tort était de défendre les vraies valeurs de Nebrownia. Clinton Kellem, le tyran, après avoir lentement enserré le peuple dans l'étau de son ordre a essayé de saper les fondations même de notre nation, non seulement en essayant d’imposer ses idées dégénérées, mais également en amenant progressivement notre nation dans le cercle de la guerre, comme l’avait dénoncé Noroît Emerson, mon époux. Le tyran envisageait en effet de déclarer la guerre à nos voisins, dans le seul but d’étendre le territoire où s'appliquerait sa mégalomanie. Par le biais de fausses revendications, il envenimait nos relations à l’extérieur, afin de faire grandir notre ressentiment à leur encontre, il manipulait l’information… Il prévoyait de déclencher les opérations militaires dans l’année. Vous le savez, ces dernières semaines ont vu de nombreux soulèvements éclater dans le pays, tous réprimés dans le sang, tous alimentant la flamme de notre résolution à ne pas le laisser faire, tous nourrissant l’horreur de voir le mépris qu’il avait à l’encontre de son peuple, enfin affiché ouvertement. Heureusement, l’action de soldats patriotes, ainsi qu’un soulèvement populaire décisif ont mis un coup d’arrêt à cette folie. Certes, cela ne s’est pas fait sans sang versé. Nous ignorons encore combien de braves sont tombés ce soir pour que notre patrie soit libérée du joug meurtrier de ce monstre sans âme et prenne un nouveau départ, mais nous nous devons d'honorer leur mémoire en mettant un point final à l’histoire de cette dictature. J’invite donc tous les soutiens de Kellem, où qu’ils soient, à déposer les armes et à se rendre, ou tout simplement à ne pas commettre de folie pouvant plonger notre nation dans une guerre fratricide. Ce fou sanguinaire ne mérite pas votre loyauté ; Nebrownia, si. Aidez-nous à tourner la page de ces trente-cinq années de dictature, ensemble, redressons la tête, regardons vers l’avenir !
Et puisqu’il est question d’avenir, j’annonce officiellement que notre gouvernement est renommé “Conseil de Transition de Nebrownia”, qui sera momentanément dirigé par moi même. Mon époux et des personnes soigneusement sélectionnées seront intégrés dans une nouvelle entité officielle, “l’étude du Conseil de Transition” dont la tâche sera de nous doter, d’ici deux ou trois ans, d’un nouveau gouvernement. Ils étudieront les meilleures solutions pour nous éviter le retour d’un autre Kellem. Quant à moi, je me baserai sur ce que nous avons déjà afin de continuer à faire fonctionner le pays, tout en commençant à l’aiguiller dans une direction plus sage et saine. Tout d’abord, reconstruire. A cause de sa vision biaisée, le tyran a fait prendre un retard considérable à notre pays, dans de nombreux domaines. Nous devons réformer l’agriculture, l’industrie, la production de matières premières, l’enseignement, la recherche, l’armée, l’armement, bref… nous avons énormément de travail devant nous, et j’entends bien faire ma part de celui-ci. Mais je n’y arriverai pas seule… NOUS n’y arriverons pas seuls… nous aurons besoin de toutes et tous, les travailleurs, les penseurs, les inventeurs, les meneurs, les artistes… tous ensemble, tous unis, nous nous redresserons et nous extirperons de la fange où nous avait enfoncé Clinton Kellem, nous rebâtirons Nebrownia !!
Aussi, je veux adresser un message à tous les pays qui regardent ce discours : Nebrownia va se rouvrir au monde !! J'invite tous les pays avec lesquels nous nous sommes brouillés par le passé, ou dont nous avons fermé les ambassades sous le règne du tyran, toutes les nations souhaitant reprendre contact avec nous, à le faire ! Kellem n’était pas Nebrownia, il n’était pas le reflet de ce que nous sommes en réalité. Nous voulons rejoindre à nouveau le concert des nations, y faire entendre notre voix derechef, y clamer notre amour de la paix, et notre volonté de la défendre.
A tous, qui me regardez ce soir, étrangers, Nebrowniennes, Nebrowniens, que vos pensées et vos prières aillent à tous ceux qui ont donné leur vie pour la liberté, et qu’ils accueillent en leur compagnie ceux qui sont tombés ici, ce soir.
Ibic ge'catra, mhi echoyli cuun Vode(ndlr : ce soir, nous pleurons nos frères)
L’image se coupa et Matilda s'adossa à son siège en poussant un long soupir. Son discours n’avait pas duré longtemps, mais pour elle, c’est comme si une éternité venait de s’écouler. Alors que l’équipe derrière les caméras l’applaudissait, elle regarda ses mains. Elles tremblaient. Elle se rendit compte que tout son corps tremblait, elle n'avait jamais connu ça, même lorsqu’elle était en première ligne contre la Vietie en 1983. Oh certes elle avait eu peur, mais pas au point de trembler comme une feuille. Fira Mynooc, sentant le malaise de sa supérieure, vint immédiatement la voir, un sourire aux lèvres.
- Très bon discours, madame, comme d’habitude
- Mynooc… Je veux voir mon mari maintenant…
- Il est déjà en route madame, il sera là dans quelques minutes.
- Merci…
Savoir que son mari serait bientôt à ses côtés de nouveau la calma quelque peu… les yeux tournés vers la fenêtre, alors que les gens des médias discouraient, enthousiastes, de l’avenir qui s’offrait à eux, elle ne pu s’empêcher d’avoir cette pensée :
*Mais pourquoi j’ai accepté cette merde, moi ?*
- Au rapport, Lieutenant Mynooc.
La Lieutenant Fira Mynooc, qui se tenait légèrement en retrait, s’avança de trois pas. Native, elle vouait à sa supérieure une admiration féroce, et avait déjà fait jouer les poings pour la défendre lorsqu’elle était encore Cadette de l'académie. La générale savait et voyait l’attitude de sa subordonnée, ce qui avait tendance à la mettre mal à l’aise, mais la jeune femme était très compétente, et avoir un garde du corps officieux ne pouvait pas faire de mal. La jeune Native sortit un bloc-note recouvert de notes et commença son rapport.
- A vos ordres ! Un bruit de feuilles tournées résonna derrière Matilda. Nous nous sommes rendus maîtres de la totalité de la ville, les troupes fidèles au régime se sont ou rendues, ou enfuies, de même que le généralissime Cuvilier qui est toujours introuvable. Les infrastructures de distribution d’électricité et d’eau courante n’ont que très peu souffert des combats... nous avons eu de la chance d’avoir Monsieur Reyes à la tête de l’insurrection populaire, il a su diriger ses troupes vers les points stratégiques de la ville, comme la prison et les sièges des différentes radios et télévisions nationales, nous évitant de trop nous disperser et nous permettant d’utiliser notre plein potentiel sur les éléments essentiels de notre mission.
- Etat des pertes ?
- Trente morts et soixante dix blessés, dont trente critiques.
- Estimation des pertes ennemies ?
- Difficile à établir, nous n’avons pas encore terminé de recenser les prisonniers, mais nous les estimons à environ deux-cent morts et une centaine de blessés dont nous sommes tributaires.
- L’effet de surprise a joué à plein. Matilda fait une pause, les yeux rivés sur un volute de fumée qui s'évanouit petit à petit sous l’action des pompiers, sans doute. Quelles sont les pertes civiles ?
- Là aussi difficile à établir, nous n’avons pas encore pris contact avec les services de secours, qui doivent être débordés à l’heure qu’il est.
Matilda leva les yeux au ciel. Elle savait que les pertes civiles seraient conséquentes, nombre de ceux qui s’étaient engagés dans l’insurrection populaire n’avaient jamais tenu une arme, car trop jeunes pour avoir effectué le service militaire obligatoire. Une partie de la jeunesse sacrifiée de la sorte, elle avait un goût amer en bouche à cette pensée. Mais leur sacrifice avait été essentiel au succès de l’opération, ayant largement détourné les troupes fidèles à Kellem des objectifs réels du Coup d’Etat. Reyes avait pourtant ordonné, dans son appel aux armes, que seuls ceux ayant une expérience militaire se joignent à lui pour libérer Noroît, mais la fougue de la jeunesse avait été plus forte que la raison.
- Générale ?
Matilda tourna la tête. Une femme se tenait à côté de Fira Mynooc, elle aussi avec un bloc note. La jeune native, un sourcil dubitatif haussé, la surveillait du coin de l'œil alors que celle-ci se rapprochait de la générale.
- L’installation est finie, nous allons devoir vous maquiller avant le direct, dit la spécialiste des médias, un sourire très professionnel aux lèvres
- Ai-je une tête à me maquiller, madame ? rétorqua la générale, ce n’est pas un concours de beauté mais un discours d’investiture…
Fira Mynooc pouffa silencieusement derrière la spécialiste des médias, mais cette dernière, un sourire en coin, rétorqua :
- Je maquille quotidiennement votre mari avant ses directs, madame.
Le sourire de Mynooc se figea et ce fut à la générale de hausser un sourcil, ne s’attendant visiblement pas à cette répartie.
- Est-ce vraiment nécessaire ?
- Oui, cela permet de gommer les quelques imperfections de la peau que les jeux de lumière pourraient faire apparaître. C’est le genre de détails sur lesquels l’attention peut se focaliser, faisant oublier aux spectateurs le message qu’essaie de faire passer la personne à l’écran.
- J’ai du mal à imaginer Noroît se plier à ça tous les jours… dit la générale, essayant d’imaginer son époux se laisser maquiller.
- Il n’est pas particulièrement friand de la chose, mais c’est un bavard, il réussit toujours à tourner cette étape à son avantage, ou en plaisantant, ou en réfléchissant à voix haute.
- Cela lui ressemble davantage… Soit… où se déroulera cette séance de tartinage ?
Fira Mynooc pouffa de nouveau. Elle était très bon public pour ce qui concernait l'humour, et finissait souvent avec des crampes au ventre tellement elle riait lorsque Noroît se prenait à voir jusqu'où il pouvait la pousser à rire. Cette pensée fit sourire la générale, qui attendait la réponse de la maquilleuse. Celle-ci, souriante, lui indiqua de la main le fauteuil présidentiel, derrière le massif bureau orné de dorures qu’il utilisait pour travailler, ou faire mine de travailler, pour les images de propagande. Avec un profond soupir et un air résigné, la Générale se dirigea vers le fauteuil et s’y assit, sans grand plaisir.
- Faites vite, dit-elle, se crispant en voyant les accessoires de maquillage.
- Détendez vous, générale… ces poudres et ces pinceaux n’ont jamais tué personne… du moins, pas directement, ajouta la maquilleuse, tentant de détendre Matilda, en commençant à étaler du fond de teint sur le visage de la générale.
Alors que la spécialiste s’occupait d’elle, la générale se dit qu’elle n’avait pas eu de nouvelles de son époux.
- A-t-on des nouvelles de Noroît ? s’enquit-elle.
- Oui, intervint la lieutenant Mynooc, il a été libéré par des insurgés sous le commandement direct de Reyes et a été envoyé à l'hôpital directement…
La générale soupira de nouveau. Elle s’y attendait, car son époux avait été arrêté par la police politique juste après son direct. Elle et Reyes avaient agi vite, mais les sbires de Kellem avaient quand même visiblement eu le temps de le “questionner” comme ils disaient. Elle serra les poings. Elle mourrait d’envie d’aller rejoindre son mari, mais son devoir était de rester là, et de continuer. Clinton Kellem était derrière les barreaux, elle l’y avait mené elle-même, avec mépris et moult coups de pieds au derrière. La tentation de lui mettre une balle dans la tête avait été grande, rarement son arme de service ne l’avait autant démangé, mais il devait répondre de ses crimes, et une exécution sommaire aurait été trop clémente pour lui…
- Voilà… Vous êtes prête, Générale, dit la spécialiste en se reculant.
- Merci… dit la générale, remerciant le ciel que la maquilleuse n'ai pas agité un miroir pour qu'elle constate l'étendue des dégâts.
Un homme portant un casque audio doté d’un micro se dirigea vers elle. Lui aussi portait à la main un bloc note recouvert d'inscriptions.
- Générale, votre époux est en train de présenter le bulletin d’information, vous passerez en direct dans moins de dix minutes. Etes vous prête ? demanda-t-il
- Oui, dit Matilda après une dizaine de secondes.
- Parfait. Vous voyez cette lumière rouge ? Dès qu’elle passera au vert, vous vous adresserez à toute la nation. Nous essaierons de vous déranger le moins possible, mais quelques mouvements derrière les caméras sont à envisager. N’y prêtez pas attention…
- Bien…
- Direct dans trois minutes !! cria un homme derrière les caméras
- Concentrez vous sur le retour caméra que vous avez ici, générale, cela vous permettra de voir ce que verra la population.
Matilda acquiesça silencieusement. Les trois minutes qui suivirent lui parurent une éternité. Elle avait hâte que cela se termine, hâte de pouvoir VRAIMENT commencer le travail qui allait être le leur pour les mois à venir… et surtout hâte de revenir à la vie qui était la sienne avant, celle de générale de brigade, un poste qui lui convenait parfaitement, des responsabilités mais pas trop, un challenge intéressant lors des manœuvres, tant d’un point de vue logistique que tactique…
*Et merde, qu’est-ce que j’ai fait, à dire que je prendrais les commandes le temps qu’ils choisissent un nouveau type de gouvernement… Quelle conne bon sang !! Allez, plus le temps de regretter ma grande…* songea-t-elle, cinq secondes avant que la lumière verte ne se fasse et qu'elle apparaisse en direct devant des millions de spectateurs.
- Nebrowniennes, Nebrownien… Frères et sœurs… Vous le savez tous, ces derniers mois ont été teintés du sang de victimes innocentes, dont le seul tort était de défendre les vraies valeurs de Nebrownia. Clinton Kellem, le tyran, après avoir lentement enserré le peuple dans l'étau de son ordre a essayé de saper les fondations même de notre nation, non seulement en essayant d’imposer ses idées dégénérées, mais également en amenant progressivement notre nation dans le cercle de la guerre, comme l’avait dénoncé Noroît Emerson, mon époux. Le tyran envisageait en effet de déclarer la guerre à nos voisins, dans le seul but d’étendre le territoire où s'appliquerait sa mégalomanie. Par le biais de fausses revendications, il envenimait nos relations à l’extérieur, afin de faire grandir notre ressentiment à leur encontre, il manipulait l’information… Il prévoyait de déclencher les opérations militaires dans l’année. Vous le savez, ces dernières semaines ont vu de nombreux soulèvements éclater dans le pays, tous réprimés dans le sang, tous alimentant la flamme de notre résolution à ne pas le laisser faire, tous nourrissant l’horreur de voir le mépris qu’il avait à l’encontre de son peuple, enfin affiché ouvertement. Heureusement, l’action de soldats patriotes, ainsi qu’un soulèvement populaire décisif ont mis un coup d’arrêt à cette folie. Certes, cela ne s’est pas fait sans sang versé. Nous ignorons encore combien de braves sont tombés ce soir pour que notre patrie soit libérée du joug meurtrier de ce monstre sans âme et prenne un nouveau départ, mais nous nous devons d'honorer leur mémoire en mettant un point final à l’histoire de cette dictature. J’invite donc tous les soutiens de Kellem, où qu’ils soient, à déposer les armes et à se rendre, ou tout simplement à ne pas commettre de folie pouvant plonger notre nation dans une guerre fratricide. Ce fou sanguinaire ne mérite pas votre loyauté ; Nebrownia, si. Aidez-nous à tourner la page de ces trente-cinq années de dictature, ensemble, redressons la tête, regardons vers l’avenir !
Et puisqu’il est question d’avenir, j’annonce officiellement que notre gouvernement est renommé “Conseil de Transition de Nebrownia”, qui sera momentanément dirigé par moi même. Mon époux et des personnes soigneusement sélectionnées seront intégrés dans une nouvelle entité officielle, “l’étude du Conseil de Transition” dont la tâche sera de nous doter, d’ici deux ou trois ans, d’un nouveau gouvernement. Ils étudieront les meilleures solutions pour nous éviter le retour d’un autre Kellem. Quant à moi, je me baserai sur ce que nous avons déjà afin de continuer à faire fonctionner le pays, tout en commençant à l’aiguiller dans une direction plus sage et saine. Tout d’abord, reconstruire. A cause de sa vision biaisée, le tyran a fait prendre un retard considérable à notre pays, dans de nombreux domaines. Nous devons réformer l’agriculture, l’industrie, la production de matières premières, l’enseignement, la recherche, l’armée, l’armement, bref… nous avons énormément de travail devant nous, et j’entends bien faire ma part de celui-ci. Mais je n’y arriverai pas seule… NOUS n’y arriverons pas seuls… nous aurons besoin de toutes et tous, les travailleurs, les penseurs, les inventeurs, les meneurs, les artistes… tous ensemble, tous unis, nous nous redresserons et nous extirperons de la fange où nous avait enfoncé Clinton Kellem, nous rebâtirons Nebrownia !!
Aussi, je veux adresser un message à tous les pays qui regardent ce discours : Nebrownia va se rouvrir au monde !! J'invite tous les pays avec lesquels nous nous sommes brouillés par le passé, ou dont nous avons fermé les ambassades sous le règne du tyran, toutes les nations souhaitant reprendre contact avec nous, à le faire ! Kellem n’était pas Nebrownia, il n’était pas le reflet de ce que nous sommes en réalité. Nous voulons rejoindre à nouveau le concert des nations, y faire entendre notre voix derechef, y clamer notre amour de la paix, et notre volonté de la défendre.
A tous, qui me regardez ce soir, étrangers, Nebrowniennes, Nebrowniens, que vos pensées et vos prières aillent à tous ceux qui ont donné leur vie pour la liberté, et qu’ils accueillent en leur compagnie ceux qui sont tombés ici, ce soir.
Ibic ge'catra, mhi echoyli cuun Vode(ndlr : ce soir, nous pleurons nos frères)
L’image se coupa et Matilda s'adossa à son siège en poussant un long soupir. Son discours n’avait pas duré longtemps, mais pour elle, c’est comme si une éternité venait de s’écouler. Alors que l’équipe derrière les caméras l’applaudissait, elle regarda ses mains. Elles tremblaient. Elle se rendit compte que tout son corps tremblait, elle n'avait jamais connu ça, même lorsqu’elle était en première ligne contre la Vietie en 1983. Oh certes elle avait eu peur, mais pas au point de trembler comme une feuille. Fira Mynooc, sentant le malaise de sa supérieure, vint immédiatement la voir, un sourire aux lèvres.
- Très bon discours, madame, comme d’habitude
- Mynooc… Je veux voir mon mari maintenant…
- Il est déjà en route madame, il sera là dans quelques minutes.
- Merci…
Savoir que son mari serait bientôt à ses côtés de nouveau la calma quelque peu… les yeux tournés vers la fenêtre, alors que les gens des médias discouraient, enthousiastes, de l’avenir qui s’offrait à eux, elle ne pu s’empêcher d’avoir cette pensée :
*Mais pourquoi j’ai accepté cette merde, moi ?*
Posté le : 26 déc. 2024 à 12:13:33
6718
[Quelque part dans les montagnes de l’Est du pays.Un homme ventripotent fulmine, les mains croisées derrière le dos, regardant un paysage montagneux.]
Elle avait osé. Plus d’un mois qu’il enrageait de s’être fait avoir par cette petite dinde d’Emerson. C’était elle qui avait permis à son mari d’avoir des informations secrètes concernant les futures guerres, il en était sûr. C’était elle, elle qui avait émis de sérieux doutes sur la faisabilité de l’opération, elle, la seule non Vietique de l’état major, elle la seule femme haut gradé de l’armée, elle qu’il voulait faire passer pour incapable d’assumer un commandement aussi grand, et qui avait finalement renversé Kellem.
Il enrageait. Tellement. Il était parfait son plan. PAR-FAIT !! Faire de Kellem un pantin n’avait pas été des plus compliqué, cet imbécile était tellement convaincu de sa propre grandeur après la victoire face à la Vietie qu’on avait de l’avancement juste en le caressant dans le sens du poil. Ah… la Vietie. Son défunt pays, terrassé par l’attaque sournoise de Nebrownia alors que Lermandie et Westalia accaparaient la majorité de leurs forces sur un autre front… Il n’était que Lieutenant à l’époque, mais il avait vu son pays se faire envahir et annexer. Prisonnier de guerre, il avait su se faire remarquer de Kellem, principalement en faisant semblant de défendre Nebrownia face à ses camarades prisonniers. Kellem l’avait pris comme aide de camp et secrétaire particulier. A partir de là, une fois bien cernée la personnalité de ce lunatique, progresser avait été un jeu d’enfant, évincer le précédent généralissime pour suspicions de sympathies communistes, une affaire triviale. Se faire nommer généralissime à sa place avait en revanche été plus compliqué, mais, grâce à des soutiens savamment placés grâce aux avantages que son rôle prodiguait, il avait réussi ce tour de force.
Il s’en souvenait parfaitement, de ce jour de Février 1991, un jour sans nuages, un de ces jours d’hiver ensoleillés à la luminosité si particulière. Il s’en souvenait de tous ces soldats alignés, aucun Vietiques parmi eux, des pantins supplémentaires qu’il allait pouvoir manipuler à sa guise. A partir de là, saccager les relations avec les états voisins, convaincre Kellem de la nécessité stratégique de contrôler le golfe, exclure les diplomates de Caratrad et de Clovanie, tout ceci, il l’avait orchestré dans l’ombre, et Kellem, trop bercé par sa propre illusion de grandeur, n’avait même pas cherché à comprendre ce qu’il se passait. Il avait même parfois été encore plus loin que lui dans certains cas. Cette dernière loi concernant la place des femmes dans la société, lui ne l'aurait pas mise si tôt. Mais ce dictateur de pacotille l’avait devancé. Et ce, juste après avoir nommé une femme à la tête d’une des deux brigades mécanisées défendant la capitale. Peut-être le premier couac dans son plan. Les révoltes qui avaient éclaté suite à cette loi avaient sérieusement ébranlé les soldats, le moral et la confiance envers le gouvernement commençaient à chuter. C’était trop tôt, beaucoup trop tôt pour pouvoir en profiter. Cela l’avait poussé à repousser le plan d’attaque.
Mais cette dinde d’Emerson avait été invitée par erreur à une réunion autour de ce sujet. Oh elle avait été suffisamment futée pour juste émettre des doutes quant à la faisabilité de la chose, mais n’avait rien laissé paraître de plus. Une semaine après, son abruti de mari avait tout révélé en direct, et s’était fait arrêter en plein direct, avec les conséquences que l’on connaît. L’intervention de la PP avait été de trop, surtout sur quelqu’un d’aussi populaire que Noroît Emerson, cela n’avait fait qu’attiser les flammes. Dès l’arrestation, il avait envoyé des demandes de renforts aux unités voisines, mais aucune n’avait répondu. Dès qu’il avait été mis au courant du soulèvement populaire, et de la mise en action au côté des insurgés de la brigade Emerson, il avait fui, avec ses camarades conjurés, des autres conseils.
Bien évidemment, il s’était vu reprocher par ses camarades son incapacité à déceler et prévenir ce coup d'État. Leur plan de se venger de Nebrownia et la conquérir pour faire revivre la Vietie était tombé à l’eau. Leur vengeance sur la Lermandie était elle aussi tombée à l’eau. La conquête de Nebrownia n’aurait été que le point de départ. Et après la Lermandie, Westalia aurait elle aussi eu à subir le juste courroux Vietique !! Ce Plan était PAR-FAIT !!!
Il envoya valser le plateau contenant son repas. Le bruit attira son ordonnance, un Vietique pur souche, juste né trop jeune pour avoir la chance de connaître son pays, mais élevé par des parents patriotes. De vrais Vietiques…
- Un souci, généralissime ?
- Arrête avec ce nom ridicule, appelle moi général
- Bien, général Cuvilier
- Amènes moi l’état des effectifs
- Il est sur votre bureau depuis trois jours, général, répondit l’ordonnance, en commençant à nettoyer le carnage que la colère de son supérieur avait laissé.
Le gros ex-Généralissime Cuvilier se dirigea vers son bureau pour y lire l’état des effectifs dont il disposait, un sourire en coin. Il avait lu l’interview de la Générale Emerson. Ah, elle pensait qu’ils étaient incapable de lui nuire ? Ah, elle pensait qu’ils étaient divisés ? Hah, comme elle allait se mordre les doigts en voyant l’unité Vietique, HAH, elle allait voir cette dinde de…
- Est-ce la totalité de ce dont nous disposons ? demanda Cuvilier, incrédule
- Oui général, c’est tout ce dont nous disposons actuellement à vos ordres directs
Le général marqua une pause, relu ses papiers et redressa la tête.
- Attends… que veux-tu dire par “à mes ordres directs” ?
- Les autres leaders conjurés ont refusé de me transmettre leurs effectifs, mais ils ne doivent pas être mieux lotis que nous.
- Mais… Mais comment reprendre la tête de l'État avec, au mieux tout confondu, 350 soldats à peine armés ?
- Je l’ignore, général.
- PUTAIN DE MERDE !!!!! Hurla Cuvilier en envoyant valser son bureau et tout ce qu’il contenait, EMERSOOOOOOOON !!! SALOPE J’AURAI TA PEAU !!!!
Voyant que son supérieur entrait dans un nouvel accès de rage, le jeune ordonnance sortit prudemment de la pièce, pendant que Cuvilier entreprenait de détruire le mobilier de la pièce derechef. Plus d’un mois qu’il était comme ça. La scission entre les leader était aussi de son fait, il avait une fois de trop poussé une gueulante et chacun des leader était reparti dans son fief avec ceux qui voulaient bien le suivre, divisant encore davantage un potentiel groupe de résistants qui n’avait pas besoin de ça. Le jeune homme soupira. Ses parents l’avaient élevé dans la nostalgie d’un pays qu’il n’avait jamais connu, mais si les seuls espoirs de voir ce pays renaître reposaient sur les épaules d’hommes comme ça… Peut-être que suivre le Généralissime avait été une erreur ? L’âme Vietique vivait encore, l’ancien territoire de la Vietie entretenait encore certaines traditions, et quelques unités de l’armée Nebrownienne avaient repris les traditions d’unité Vietiques. Ce pays, malgré la dictature, n’avait pas cherché à réprimer la culture Vietique, juste à l’intégrer. Il soupira derechef en entendant dans le bureau le bruit prouvant que la bibliothèque, bien que fixée au mur, venait de céder. Peut-être que les forces régulières accepteraient sa reddition contre des informations ? Peut-être pourrait-il échapper à la prison ? Ou peut-être pourrait-il rejoindre l’armée malgré qu’il ait été en prison ?
Il regarda la porte du bureau où Cuvilier laissait encore éclater sa rage après une pause. Ce n’est pas avec ce genre d’individus que la Vietie vivrait. Sa décision était prise, cette nuit, il assumerai sa décision en se rendant aux forces régulières.
