07/02/2018
06:14:03
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Actualités internes de la Kartvélie

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La montée en puissance de l'unitas :

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Bien que le lari se soit stabilisé ces derniers mois et que la confiance soit revenue que ce soit en ce qui concerne le nouveau lari instauré par le Comité de Reconstruction ou dans la gestion des nouvelles institutions bancaires nationalisées de notre pays qui laisse entendre une socialisation du secteur bancaire et la fin de l'exploitation du travail du prolétariat par la clique bancaire et financière supérieure, il n'empêche qu'un nouvel acteur semble profiter de la relative faiblesse toujours systémique de la monnaie kartvélienne et de la peur naturelle que la population kartvélienne continue d'exercer à l'encontre du gouvernement technique mis en place en désespoir de cause afin de stabiliser économiquement le pays dans l'attente de la mise en place d'institutions politiques solides. Cette peur se traduit pour beaucoup par l'autonomisation des moyens économiques de leurs communes respectives pour certains, par l'utilisation abusive du troc pour d'autres mais pour la plupart, surtout au sud, c'est l'utilisation de l'unitas comme monnaie d'échange qui est probablement le signe le plus évident du manque de confiance sur la longévité de la stabilité kartvélienne. Car certes, l'économie s'est stabilisée et le niveau de vie a pu remonter un peu partout en Kartvélie, les services publics fonctionnent de nouveau, le chômage est en chute libre, les coupures d'électricité se font moins fréquentes et le pays a fini par retrouver une activité économique plus ou moins régulière ; les disettes ont d'ailleurs finis par disparaître grâce à l'abondance de biens alimentaires issus de notre propre agriculture ainsi que l'aide humanitaire généreuse de l'Estalie qui a exporté massivement des biens alimentaires à bas prix parmi la population, mettant ainsi fin aux disettes et permettant une certaine sécurité alimentaire dans tout le pays.

Ce tableau à priori satisfaisant ne doit pas cependant laisser dupe les observateurs les plus avisés : l'influence économique estalienne croît à tous les niveaux et l'utilisation de l'unitas en est non seulement la preuve mais aussi le symptôme dont l'Estalie semble utiliser abondamment de façon volontaire. Si les premières utilisations de l'unitas dans le sud du pays semblaient involontaires de la part de Mistohir, beaucoup de personnes au sud ayant avant la Révolution profiter de relations commerciales mineures avec l'Estalie et donc ont avaient quelques unitas en poche, les ont utilisés en public alors que lari s'effondrait. Par effet domino, cette utilisation cantonnée à quelques centaines de personnes s'est élargi sous la pression du déclassement monétaire que subissait le lari. Dans ce cas-là, on ne pouvait en vouloir ni aux méridionaux ni à l'Estalie : le lari ne valait rien et il fallait bien manger. Or, aujourd'hui, le lari a repris un cours normal et pour cause, il a été indexé sur l'unitas bien plus stable ; de ce fait, aujourd'hui, l'utilisation de l'unitas n'est plus sensée apporter de bénéfices quelconques et ne peut être d'actualité aujourd'hui. Pourtant, son utilisation progresse au point d'être l'unique monnaie en circulation (en dehors du troc toujours actif même si ce mode d'échanges décline naturellement avec le temps) dans un bon tiers des communes du pays. Autant dire que ce n'est que la première étape de la disparition de notre monnaie nationale. La seconde étape vient directement de la Banque Populaire, la banque centrale de l'Estalie, qui s'est visiblement donné le droit de promulguer la parole d'évangile bancaire à toute la Kartvélie et avec l'aval de la Chambre des Négociations et du Comité de Reconstruction, une approbation par ailleurs plus que douteuse. En effet, le 9 Mai dernier, la Banque Populaire a émis une note à l'attention des banques et des coopératives kartvéliennes, notant qu'elle était désormais en capacité d'offrir des crédits libellés en unitas à des taux préférentiels pour toute coopérative kartvélienne se situant dans une commune utilisant l'unitas comme monnaie. La Banque Populaire semble se jouer du flou juridique actuel dû au manque d'institutions politiques, de Constitution ou de règlements sur les limites de la gouvernance locale des communes qui, en dehors de décrets du Comité de Reconstruction, sont libres sur leur politique économique, y compris malheureusement leur politique monétaire. De ce fait, rien ne leur interdit factuellement d'adopter le lari dans leurs échanges monétaires quotidiens ou commerciaux. Autant dire que les Estaliens le savent très bien et jouent sur ce trou dans la législation kartvélienne pour pousser les communes à adopter l'unitas afin de toucher le précieux argent estalien. Si certains se plaisent à dire que ces prêts restent économiquement avantageux et permettent, en échange d'une concession somme toute symbolique, le développement économique des coopératives, le coeur de l'autogestion et la base la plus solide de notre économie, cela reste un aveu de faiblesse. Pour certains autres, le lari devrait même être aboli en estimant que les élucubrations anti-estaliennes sur le lari et l'unitas sont des réflexes de nationalistes, le monde socialiste ne devrait avoir pour certains qu'une unique monnaie. C'est un point de vue qui se partage surtout chez les fédéralistes eurysiens, les même qui souhaitent la construction d'une Fédération des Peuples Eurysiens, autant dire que l'on sait déjà pourquoi ils ne voient le remplacement du lari qu'avec peu de considération, omettant l'idée que les Estaliens sont en train de coloniser économiquement le pays. Autrement, en plus de la Banque Populaire, le gouvernement fédéral estalien s'y est mis aussi avec un communiqué de presse de la Commission aux Finances qui a déclaré désormais que toutes les exportations et importations entre la Fédération des Peuples Estaliens et la Fédération des Communes de Kartvélie devront être libellées en unitas seulement. Autant dire que l'assiette des Kartvéliens dépendant en grande partie des importations estaliennes et que le seul pays à vouloir des exportations industrielles de la Kartvélie reste l'Estalie, c'est synonyme d'une prise d'otages monétaire. Non contents de nous imposer un commerce dans leur monnaie, la Commission aux Finances a aussi déclaré que les communes kartvéliennes utilisant l'unitas auront un accès désormais préférentiel aux produits estaliens exportés en Kartvélie, que ce soit le prix même des biens exportés ou la priorité d'accès de ces derniers. Si la Commission a bien précisé que cette mesure excluait les produits agricoles et alimentaires dont l'accès restera le même pour l'ensemble de la Kartvélie, cela relève d'une véritable prise d'otages. Les Kartvéliens étant davantage préoccupés par leur niveau de vie que par la souveraineté monétaire de leur pays, il est évident que d'ici les prochaines semaines et les prochains mois qui vont suivre, l'unitasisation de notre tissu économique va non seulement s'accroître mais va aussi pousser à la disparition progressive du lari. Si certains ont loués l'idée d'une union monétaire, en l'état actuel des choses, il est invraisemblable que nos besoins monétaires soient en concordance avec ceux de l'Estalie et il est même probable que l'Estalie ne cherche même pas une dite union monétaire avec nous : en vérité, leur économie étant plus stable que la nôtre, il est plus probable qu'une telle union leur soit défavorable ou nous en apporte plus qu'à eux. Non, ils cherchent uniquement à nous rendre dépendants en faisant pression sur le portefeuille et l'assiette de nos concitoyens, rien de plus.

Des protestations ont déjà éclatés à Tbilgorod devant le siège du Comité de Reconstruction, accusée d'être trop estaliophile dans sa politique de reconstruction et de faire trop de concessions à l'Estalie. Des manifestants ont même hués les soldats de la 2ème Brigade Blindée estalienne actuellement stationnés dans les alentours de la capitale, leur intimant de partir et les insultant de "colonialistes" et "d'impérialistes". Après avoir tant critiqué l'impérialisme et le capitalisme bourgeois, l'Estalie est prise la main dans le sac en train de commettre exactement la même colonisation en Kartvélie ! Néanmoins, ces protestations, même si elles ont regroupés près de 10 000 personnes dans la semaine, semblent minoritaires dans l'opinion publique. Déjà dû à la présence médiatique de plus en plus forte des fédéralistes mais surtout à cause de l'apathie générale de cette situation pour la majorité silencieuse : beaucoup veulent seulement travailler, nourrir leurs familles et regagner le niveau de vie d'avant la révolution. Or, beaucoup travaillent dans des coopératives qui dépendent du financement à crédit des Estaliens ou mangent grâce aux caisses humanitaires estaliennes. La dépendance est donc grande et seule une faible partie de la population urbaine de la capitale qui dispose d'une large épargne en moyenne et sont souvent des indépendants travaillant à leur propre compte dans des espaces mutualisés. En bref, des îlots d'indépendance économique au milieu d'un tissu dont la vie dépend de décisionnaires étrangers dans la plupart des cas.

D'un point de vue économique, beaucoup ont estimés que la perte de souveraineté était non seulement insensée comme argument en plus d'omettre les avantages indéniablles de l'unitasisation. Pour certains médias pro-Comité, la souveraineté monétaire n'a ici pas beaucoup de sens dans le cadre des rapports Estalie-Kartévlie, les deux nations anarchistes sont destinées à se rapprocher et d'exploiter leurs forces communes et force est de constater que la monnaie estalienne est une force dont peut se servir à terme les Kartvéliens eux aussi. Les médias énoncent les avantages de l'augmentation de l'usage de l'unitas comme la stabilisation de l'économie en réduisant grandement l'inflation et en limitant les fluctuations monétaires, ce qui peut s'avérer d'une utilité immense dans notre pays où le taux d'inflation est globalement très élevé. De plus, l'adoption de l'unitas permettrait une augmentation relativement importante des échanges commerciaux entre la Kartvélie et l'Estalie et permettrait de réduire les coûts de transaction pour les coopératives et les particuliers avec l'Estalie, les coûts liés au change pouvant être un obstacle au commerce bilatéral. Ce que ces médias omettent face à ces avantages, c'est cependant tous les défauts qu'un tel phénomène apportera à l'économie kartvélienne : la banque centrale perdra toute forme de souveraineté sur la politique monétaire du pays par exemple, nous ne pourrons plus fixer nos propres taux d'intérêt en fonction de nos besoins ou mener de l'impression monétaire en cas de ralentissement économique pour stimuler l'économie. Nous serions dépendants des conditions économiques et politiques estaliennes : en cas de crise économique ou de changement politique majeur en Estalie, le choc extérieur pourrait très bien nous renvoyer à l'âge de pierre ! Enfin, nous perdons le droit de seigneuriage sur notre monnaie, le pays perdra tout profit en lien avec l'impression de sa monnaie, un profit qui revient directement dans les caisses de l'Etat. Vu l'état des finances publiques, ce serait nécessaire pour l'Etat d'avoir le plus de sources de recettes budgétaires possible. Or, avec l'unitas, on s'en prive volontairement !
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Les élections en approche :

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Après la proclamation de la Constitution en Août et la fin de l'Assemblée Constituante qui en a suivi, le Comité de Reconstruction a annoncé mettre fin à la tutelle politique et économique que l'organisme avait mis en place sur toute la Kartvélie depuis le référendum en fin Février afin de stabiliser la situation économique et politique de la Fédération. Dès lors, le Comité a appelé à ce que de nouvelles élections dans le nouveau cadre constitutionnel mis en place par l'Assemblée Constituante soient convoqués, l'administration fédérale mise en place par le Comité depuis Février devant se charger en ultime mission de tutelle d'assurer le bon déroulement des élections et la transparence de ces dernières afin d'éviter la fraude électorale. Pourtant, malgré les précautions prises par l'administration fédérale, il semble plus qu'évident que ces élections seront très mouvementées et ne manqueront pas d'animer de vifs débats en Kartvélie, notamment sur la présence de fraudes, la polarisation toujours croissante des factions politiques qui se sont récemment réorganisées, dans le cadre de la nouvelle Constitution, en clubs politiques sur le modèle estalien et surtout la campagne électorale très agressive de ces nouvelles formations politiques qui cherchent à consolider et conquérir le plus d'adhérents à la fois pour le poste présidentiel mais également dans l'espoir d'obtenir une majorité au Parlement Fédéral. Les failles de notre toute nouvelle Constitution sont très vite apparues sur l'élection du futur président par ailleurs : l'élection au scrutin majoritaire à un tour oblige les clubs à adopter les mêmes pratiques, pourtant dénoncées, des partis politiques sous la République. En somme, ces pratiques souvent subtiles et pour ainsi dire antidémocratiques ne sont pas de bonne augure dans une Fédération qui a promis de mettre fin au caractère antidémocratique et oligarchique de l'ancienne République. Il aurait mieux fallu s'inspirer du mode d'élection par commune que propose l'OMT estalien qui permet aux indépendants de se distinguer au poste présidentiel et évite l'ingérence des clubs dans la course à l'élection présidentielle (même si en Estalie, le président est davantage une figure symbolique là où le Président en Kartvélie dispose d'un véritable rôle dans la structure politique du pays). En tout cas, même si cette Constitution reste nettement plus démocratique et juste que la Constitution de 1996 de la République, il n'empêche qu'elle présente aussi des failles liées à son héritage républicain et libéral classique qui ne favorise pas toujours une démocratie tout à faite saine et transparente.

En conséquence des futures élections, les factions héritières de la Révolution Brune ont pu s'organiser en plusieurs clubs politiques différents afin que les communes et les partisans de ces tendances puissent se réunir en commun et élaborer des stratégies communes et surtout nommer un candidat à la présidentielle. Ainsi, de là, quatre clubs se sont formés suite à la dissolution de l'Assemblée Constituante. La première, et la plus importante en influence et en nombre, c'est le Club de l'Assemblée qui réunit en somme toute la faction radicale et husakiste-anarchiste qui a été le fer de lance de la Révolution Brune avec pour candidat à la présidentielle Nikoloz Volka, chef de file de la faction radicale depuis le début de la Révolution. Ce club regroupant l'ensemble des husakistes (ou plutôt kartvéïstes) du pays, ils sont non seulement majoritaires mais disposent d'un solide réseau au sein du pays et de larges soutiens d'Estalie, ils prônent la décentralisation des affaires non-stratégiques de l'Etat fédéral, la mise en place de milices communales, la décentralisation des forces armées et l'industrialisation à marche forcée du pays afin de rattraper le retard de la Kartvélie, notamment suite au désastre économique engendré par l'effondrement de la République. En face, la seconde plus grande faction s'est aussi organisée autour du Club de l'Opéra, en référence au siège historique des réformistes durant la Révolution Brune et durant les brefs affrontements ayant eu lieu entre réformistes et radicaux à Tbilgorod après le renversement du gouvernement républicain. Réunis autour du candidat à la présidentielle Adrian Sokulis, ce club est un rassemblement hétérogène de réformistes qui réunit en somme la plupart des non-husakistes de Kartvélie, que ce soit des anarchistes, des taihoranistes, des communalistes, des anarcho-syndicalistes ou encore des communistes libertaires, c'est en somme toute la partie la plus progressiste du camp libertaire. Néanmoins, malgré les camps qui animent ce club, ils s'opposent à une trop grande décentralisation de l'Etat et estiment que la Kartvélie doit disposer d'une armée centralisée. En vérité, ce qui différencie les deux clubs ici présents est davantage une question d'ordre géopolitique qu'interne, les deux clubs ayant des objectifs idéologiques souvent très proches et à vrai dire conciliables sur plusieurs points. Les deux s'opposent surtout sur la place de l'Estalie dans la politique kartvélienne : les husakistes estiment ironiquement que la militarisation dans leur idéologie n'est pas complètement nécessaire car la Kartvélie peut se reposer sur la protection estalienne tandis que les réformistes estiment que la Kartvélie doit disposer d'une armée indépendante, centralisée et forte pour se détacher de sa dépendance militaire envers l'Estalie. De plus, les deux clubs s'opposent sur la question d'une alliance avec l'Estalie : pour le Club de l'Assemblée, les deux nations ne font qu'un dans leurs intérêts et l'Estalie est le plus à même à porter la Révolution, la Kartvélie doit être le support de cette guerre contre le capitalisme que mène les Estaliens. Les réformistes, eux, souhaitent une alliance à égalité avec les Estaliens, leur retrait de leurs forces militaires en Kartvélie et une plus grande indépendance de la Kartvélie sur le plan politique et militaire.

En plus de ces deux factions principales qui se disputent la majorité des sièges du Parlement Fédéral et le poste présidentiel, deux autres clubs ont également émergés, composant les intérêts de factions plus minoritaires qui se sont faits plus discrets durant la Révolution Brune. Tout d'abord, on retrouve le Club Eurycommuniste, rassemblant les derniers fidèles du PCK et qui adhèrent aux idées eurycommunistes et qui est idéologiquement très proche des idées du PEV velsnien (centralisme démocratique, souverainisme de gauche, partiellement loduariste). Réunis autour de la figure de l'ex-secrétaire général du PCK, Ramaz Nemsadze, les eurycommunistes restent assez minoritaires. Non pas qu'ils sont mal vus mais leur tendance à être conciliants et à rester dans le jeu antidémocratique de la République kartvélienne a exaspéré la plupart de ses anciens partisans. Autrefois seul parti d'extrême gauche pouvant rassembler les masses, le PCK a fini par dégringoler en popularité au sein de la gauche kartvélienne dès lors que la plupart des cadres du part, craignant les arrestations du gouvernement, ont fuis en Estalie et ont adhérés par la suite à l'husakisme ou à une forme au moins plus libertaire que l'eurycommunisme traditionnel du parti. Sa dissolution après la Révolution Brune, sur le même modèle que le PPE estalien après la Révolution de Novembre, a entraîné une perte de repère pour ses anciens partisans. Aujourd'hui, il semble évident que l'eurycommunisme kartvélien subit une grave crise de légitimité, à la fois pour son inaction et son manque d'initiative sous la République mais aussi pour sa politique peu concluante sous la République Socialiste de Kartvélie entre 1963 et 1996 qui permit de légitimer la Révolution Rose qui apporta la République par la suite. Les fautes de l'échec de la gauche kartvélienne sont injustement imputés sur le dos des eurycommunistes et cela pèse sur leur popularité, bien entendu. Enfin, dernier acteur de ces élections, là aussi encore minoritaires mais promis à un grand avenir électoral, c'est le Mouvement Eurysien. Ce club là est assez particulier et reste l'animal curieux de ces élections. Dans les faits, le Mouvement Eurysien n'est pas un club purement kartvélien, il est issu du Congrès International des Travailleurs de l'Estalie, ce mouvement kartvélien ne représente en vérité que les délégués kartvéliens qui ont décidés de retourner dans leur pays après la révolution afin de porter le projet pan-eurysien de leur mouvement. Réunis autour du délégué Sergei Tskitishvili, ceux-ci prônent la mise en place d'une Fédération des Peuples Eurysiens sur le modèle estalien et l'unification des peuples estaliens et kartvéliens sous une seule bannière. Si le projet rencontre une sévère opposition autant en Kartvélie qu'en Estalie, les husakistes sont les plus réceptifs à ce message et comme le Mouvement Eurysien est allié de facto de l'AAR en Estalie, il ne serait pas étonnant que le Mouvement Eurysien en Kartvélie s'allie et s'aligne sur les idées du Club de l'Assemblée au cours de ces élections ou même bien après.

Quatre factions pour se partager le gâteau électoral. Pourtant, tout semble croire que ces élections ne vont pas se dérouler comme prévu et risquent d'être la cause de nombreux tumultes politiques. Dans un premier temps, la domination des milices paramilitaires affiliées aux différentes factions politiques (et que l'armée est incapable d'endiguer sans provoquer une guerre civile ou au moins un conflit armé de moyenne envergure) dans certaines communes laisse à croire que les élections seront quelque peu influencées par la présence de ces milices. Il ne faut pas oublier également le fait que l'administration fédérale manque encore de bras et si les effectifs de fonctionnaires ont effectivement doublés en quelques mois, l'administration risque d'être débordée dans le processus de vérification électorale. Il est même envisagé selon certains au sein de l'administration de faire appel à des observateurs internationaux, certainement estaliens compte tenu de la non-reconnaissance de la Fédération en tant qu'Etat successeur de la République par la plupart des nations dans le monde. Or, là aussi, faire appel aux Estaliens peut avoir un impact significatif sur l'honnêteté des élections, les observateurs estaliens pouvant passer sous silence les éventuelles fraudes qui favorisent les husakistes, afin de promouvoir leur propre agenda en Kartvélie. La solution étrangère étant difficile à appliquer, il est probable que rien ne soit fait et que l'administration devra certainement couper court aux rapports de fraudes afin de rendre ces élections à minima légitimes aux yeux du peuple. Il est donc certain qu'en l'absence de moyens pour rendre ces élections équitables, justes et transparentes, notre premier gouvernement et certainement notre premier président arrive au pouvoir grâce à la fraude électorale. Triste début pour la démocratie socialiste kartvélienne.
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Une armée de voleurs :

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La récente décision de l'Armée Révolutionnaire de Kartvélie d'intégrer une partie des milices qui sévissent sur le territoire en Kartvélie a reçu des blâmes d'une grande partie de la presse et de la société civile kartvélienne. En effet, bien que l'intention initiale paraissait louable auprès de certains (notamment des réformistes qui ont estimés comme nécessaire l'idée d'avoir une armée unitaire et sous la direction des institutions fédérales), elles ont étés critiquées par les radicaux comme une atteinte au droit des communes à se défendre elles-mêmes et bien que le Président de la Fédération, Nikoloz Volka, ait refusé de commenter la décision de l'armée kartvélienne, il n'a pas suffi de quelques jours pour voir le Club de l'Assemblée protester vigoureusement face à ce qu'elle considérait comme un tour de vis autoritaire de la part de l'armée qui empiète réellement sur les libertés publiques kartvéliennes, certains estimant cette décision comme le prémice d'un Coup d'Etat, l'armée régulière s'assurant supposément de désarmer le seul rempart armé qui les empêchent de renverser la Fédération : les milices.

Bien que ces considérations politiques soient importantes et que la méfiance reste de mise face aux intentions de cette armée régulière qui semble jouer un double jeu dangereux, on ne peut nier que la violence engendrée par ces milices était importante du fait de leurs méthodes proches d'organisations purement criminelles. Trafics de drogue, trafics d'armes, ingérence dans des réseaux d'êtres humains en Eurysie centrale, exactions commises envers la population, racket des populations, réquisitions forcées à main armée, impôts illégaux aux petits commerces, la liste est longue mais les exactions nombreuses et touchent plus généralement tous les camps politiques, y compris les simples milices d'autodéfense. On peut donc comprendre l'intention de stabilisation que souhaite l'armée mais justement, pour combattre le feu, on ne peut utiliser le feu. Ce sont surtout les méthodes de l'armée qui ont fait lever un grand nombre de représentants de la société civile, la justice en premier lieu. Bien que l'armée ait légalement le droit d'amnistier ses recrues, beaucoup ont considérés que l'amnistie accordée était excessive et laissait place à l'impunité pour une partie non négligeable de miliciens accusés souvent de faits très graves. Des violeurs, des criminels, des meurtriers, des assassins, des voleurs, des trafiquants, des escrocs. Voilà ce qui vient tout juste d'intégrer l'armée. Et il n'est visiblement pas rare de voir que ces hommes, malgré leur nouvelle intégration dans l'armée, continuent tout de même de faire ce qu'ils faisaient autrefois, maintenant avec l'impunité accordée par la justice militaire qui, loin de faire le travail qu'elle prétend, ferme les yeux sur les actes odieux commis par ses pairs.

Les militaires jugent des militaires, ça ne peut tourner qu'au favoritisme, ni plus ni moins. Pour beaucoup, cette décision d'intégrer les miliciens et l'amnistie qui leur a été accordée est non seulement excessive mais est de surcroît une véritable insulte proférée aux populations subissant quotidiennement les exactions de ces ex-miliciens. Pour beaucoup, ceux-ci sont passés de protecteurs des communes et de leurs libertés à véritables dictateurs en herbe parcourant les campagnes pour propager la terreur à leur profit. De cette décision a donc découlé naturellement de très larges manifestations dans les grandes villes de la Fédération, exigeant la mise aux arrêts des miliciens ayant étés accusés mais non-jugés et de les confier à des instances civiles afin de s'assurer qu'ils purgent leurs peines. Le Conseil à la Défense Nationale a tenté de réagir sur la question dans la matinée du 17 Janvier dans un communiqué de presse :

"Suite à un débat au sein du Conseil à la Défense Nationale, bien que l'organe directeur ait pu mettre en lice une loi à présenter au Parlement d'ici la semaine proche, le Conseil n'a pas été capable de trouver un consensus sur la procédure à suivre. Les élus issus du Club de l'Opéra ont exigés que le jugement des miliciens s'effectue au sein des tribunaux militaires qui ont étés créés spécifiquement pour ce cas de figure, les élus de l'Assemblée ont acceptés en revanche que les amnisties soient révoquées compte tenu de leur caractère litigieux avec la loi dans le domaine civil, certains des miliciens ayant intégrés l'armée étant déjà ciblé par des poursuites judiciaires selon la Cour Fédérale. Pour le moment, aucun consensus n'a pu être trouvé au sein de l'organe populaire du Conseil à la Défense Nationale, nous vous tiendrons informés des modifications qui pourraient suivre aux débats."

De ce communiqué, nous pouvons en déduire plusieurs choses. Déjà, que sur le plan constitutionnel, le bipartisme de plus en plus prononcé entre radicaux et réformistes laisse entendre un blocage au sein de notre système. Le système, en l'occurrence le fonctionnement du Comité Exécutif et ses conseils réside dans le multipartisme puisque chaque proposition de loi nécessite que les deux tiers des délégués du Conseil soient favorables. En somme, si nous avons un équilibre entre partisans radicaux et réformistes, aucune proposition de loi ne peut découler des conseils. La deuxième chose que nous pouvons en déduire est aussi et surtout l'opportunisme politique et la mauvaise foi des réformistes : ces derniers savent pertinemment que ceux qui ont le plus intégrés les forces armées, conformément à leurs principes idéologiques, ce sont les réformistes. La mise en lumière des exactions commises par leurs miliciens est déjà une mauvaise publicité en soit mais leur traduction en justice est aussi un coup porté à leur influence au sein même de l'armée. On peut donc considérer que si les réformistes souhaitent faire traduire en justice leurs miliciens chez les militaires et non chez les civils, c'est car ils savent ironiquement que la justice militaire sera plus laxiste et leur enjoindra de légères peines en guise d'exemple alors que les tribunaux populaires, dont les jurys populaires jouent une part importante et décisive dans les décisions de justice, ne leur feront pas de cadeaux (sachant la détestation populaire pour les milices, il est évident que les jurys seront très durs avec les miliciens). Non seulement les réformistes veulent éviter la justice très dure des civils mais elle souhaite de surcroît limiter les peines de ses partisans au sein de l'armée afin que ceux-ci puissent rapidement réintégrer l'armée sans faire d'histoires et ainsi assurer une base solide d'influence réformiste dans les rangs de l'armée. C'est donc une manoeuvre purement politicienne.

La politique, justement, on en aperçoit les conséquences. En effet, la perte de popularité des réformistes suite à l'affaire des milices en Kartvélie a entraîné une véritable remise en question de la scène politique kartvélienne post-révolutionnaire. Face à la perte de popularité des réformistes, beaucoup estiment qu'à ce rythme, il est probable que le Club de l'Opéra devienne minoritaire aux élections d'Août 2017 et que la politique du pays tombe sous la suprématie du Club de l'Assemblée. Beaucoup commencent donc, face à ce risque de suprématie politique, avec la diminution de la légitimité réformiste et le gain en popularité du modèle kartvéïste (jugé efficace du fait de sa ressemblance avec l'husakisme), à craindre une reconfiguration politique à l'estalienne (bien que certains l'espèrent afin plus de multipartisme dans le système politique kartvélien). L'affaire des milices a donc effectivement rebattu les cartes politiques en Kartvélie et il est évident que la prise de position controversée des réformistes sur la question des milices va leur coûter chère, très chère.
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Une nouvelle menace idéologique :

Simon Yachvili, tête de file de la faction national-bolchévique.


Récemment dans les médias du Mouvement Eurysien, l'agitation gronde sévèrement. En effet, il semble que le Mouvement, après de nombreux conflits internes, s'est divisée en deux factions en Kartvélie (bien que le club continue de subsister en une seule entité). En effet, il semblerait qu'un philosophe au sein des rangs du Mouvement Eurysien ait pris une ascendance bien particulière récemment et s'est opposé vivement à la principale figure du club, Sergei Tskitishvili. Le Mouvement Eurysien, un club multinational présent à la fois en Kartvélie et en Estalie, est un club qui prône l'unification du continent eurysien à travers la voie du fédéralisme intégral estalien. Bien que le Mouvement soit né en Estalie, ce sont majoritairement des exilés du PCK, en somme des Kartvéliens, qui sont parmi les principaux contributeurs de la création du club, afin d'abord de représenter les intérêts de la diaspora kartvélienne puis plus largement de la diaspora étrangère arrivée récemment en Estalie suite à la Révolution. Cependant, après la Révolution Brune et l'établissement de la Fédération des Communes de Kartvélie, nombre de Kartvéliens du club ont décidés de rentrer chez eux et d'étendre le Mouvement Eurysien en l'incluant également dans le système politique kartvélien, disposant ainsi de quelques sièges au Parlement Fédéral. La ligne du Mouvement Eurysien est assez rattachée à l'Anarchisme Renouvelé, notamment sur son aspect culturel et militaire, qui font que les membres du Mouvement Eurysien voient d'abord l'Anarchisme Renouvelé comme l'outil idéologique parfait pour unifier enfin le continent sous une seule bannière en allant au-delà des frontières culturelles des peuples, tant le système fédéral estalien avait été pensé à l'origine pour inclure un nombre important de peuples différents avec des langues et des cultures différentes. Cependant, cette vision husakiste de l'unification eurysienne ne fait plus l'unanimité.

Dans le courant du mois d'Avril 2016, un philosophe connu avant la Révolution pour être particulièrement bien placé à droite, Simon Yachvili, s'est érigé en contre-modèle du système husakiste du Mouvement en proposant une position mêlant idéologie marxiste et nationalisme, une synthèse de deux idéologies pourtant contradictoires mais qui n'a pourtant pas empêché Yachvili de regrouper un grand nombre de partisans dans les rangs du Mouvement Eurysien qui, dans les faits, s'est coupé en deux. Il est à noter que les principaux adhérents de Simon Yachvili se trouvent étrangement au nord de la Fédération, proches de l'ancienne frontière samarienne, connue pour son idéologie fasciste, abritant autrefois des mouvements particulièrement radicaux ultranationalistes et ésotériques. Il semble que malgré l'effondrement de Samara et la faillite de son modèle politique, son influence ainsi que les marques de la propagande de l'ancienne extrême droite kartvélienne ait fait écho pour une partie de la population située à l'extrême nord du pays qui regroupent de facto l'écrasante majorité de ce que Simon Yachvili nomme le national-bolchévisme. Nous allons donc ici analyser d'abord les tenants de cette idéologie afin d'en comprendre les fondements.

Une critique ouverte du libéralisme :

Manifestation national-bolchévique dans un quartier nord de Tbilgorod, Avril 2016.

Un premier point surprenant du national-bolchévisme est l'absence assez claire dans les écrits de Simon Yachvili d'une critique des idéologies réactionnaires et de l'extrême droite. Bien qu'il se prévaut bien de critiquer l'extrême droite et les ultranationalistes (notamment ceux de la Rache, combattant actuellement dans le Saïdan), on peut noter que le philosophe s'attaque presque exclusivement au libéralisme, source de tous les maux selon lui. Néanmoins, il insiste sur l'idée que le national-bolchévisme n'est pas une simple idéologie politique mais une approche métaphysique qui se positionne comme l'ennemi de l'individualisme libéral, voyant dans ce libéralisme moderne dévoyé une force corrompue et corruptrice qui détruit les liens spirituels et collectifs les plus profonds qui lient depuis toujours les peuples, les nations et les civilisations. Le libéralisme, en mettant l'accent sur les droits individuels, le rationalisme et le capitalisme à l'échelle mondiale a sapé les structures sociales traditionnelles. Selon Simon Yachvili, pour répondre au libéralisme, il faut se recentrer sur des principes nationalistes couplées à l'esprit révolutionnaire marxiste. En unissant le bolchévisme au nationalisme, Simon Yachvili essaie de présenter une idéologie paradoxale qui transcende le spectre politique conventionnel en remettant en cause les idées de gauche et de droite en proposant une synthèse qui agit comme une forme d'alternative révolutionnaire à l'ordre mondial néolibéral.

Selon Simon Yachvili, le postulat des libéraux comme quoi l'accent mis sur le collectif ou l'absolu plutôt que sur l'individu tend vers l'autoritarisme et le totalitarisme, tandis que la centralité, la liberté individuelle et la recherche rationnelle tend vers la démocratie et la défense contre la tyrannie est faux. Simon Yachvili considère cette défense comme fausse, affirmant plutôt que l'accent mis par le libéralisme sur l'individualisme affaiblit les identités collectives des nations et des civilisations. Le libéralisme atomise les individus en brisant leurs liens spirituels et communautaires qui soutiennent une identité nationale ou culturelle forte. Le national-bolchévisme, en s'opposant à cette vision, cherche plutôt à restaurer ces liens en rejetant la priorité du libéralisme de l'individu sur le collectif. Mais cette critique n'est pas seulement politique, elle est aussi métaphysique : Simon Yachvili soutient que le libéralisme représente une forme de désacralisation où la rationalité et l'individualisme remplacent les vérités spirituelles plus profondes qui guidaient autrefois les sociétés humaines et en ce sens, Simon Yachvili se positionne comme défenseur du sacré contre les forces profanes de la modernité libérale.

Fondements métaphysiques :

Wow, la classe !

Le national-bolchévisme, en tant que concept, semble paradoxal à première vue. Le nationalisme, généralement situé à droit, met l'accent sur la souveraineté et l'unité d'un Etat-nation tandis que le bolchévisme, profondément enraciné dans le marxisme, est un mouvement purement internationaliste qui vise une révolution prolétarienne mondiale. Comment, alors, ces deux idéologiques apparemment opposées peuvent-elles être combinées ?

Simon Yachvili soutient que la synthèse du nationalisme et du bolchévisme n'est pas seulement possible mais elle est une nécessité évidente pour faire face à l'ordre néo-libéral dans le monde moderne. Il suggère que la clé de cette synthèse réside dans la compréhension métaphysique du nationalisme et du bolchévisme : plutôt que de voir le nationalisme et le bolchévisme comme des systèmes purement politiques ou économique, il les présente comme des forces métaphysiques qui peuvent travailler ensemble pour contester la domination du libéralisme. Il souhaite offrir à la place une nouvelle façon de comprendre l'histoire, la société et la politique qui rejette l'atomisation des individus sous le libéralisme et embrasse plutôt le destin spirituel collectif.

L'approche métaphysique de Simon Yachvili du national-bolchévisme cherche à remettre en question les fondements rationalistes du néo-libéralisme en soutenant que la recherche de la raison, de la recherche scientifique et du progrès progressif est profondément erronée parce qu'elle ignore les dimensions spirituelles et mystiques de l'existence humaine. Simon Yachvili oppose le rationalisme libéral à la pensée traditionaliste, critiquant la modernité pour son matérialisme et sa désacralisation. Ainsi, Simon Yachvili croit que le monde moderne a perdu le contact avec ses racines spirituelles et que la mise en avant de la raison et du progrès a dépouillé la vie de ses dimensions sacrées et recommande plutôt de, comme il le dit lui-même, "chevaucher le tigre" : embrasser le chaos de la modernité afin de le transcender. Et pour arriver à cela, le national-bolchévisme serait un moyen de restaurer le sacré dans un monde devenu trop rationnel et matérialiste. Il considère que le rationalisme est intrinsèquement limité. Il va même au-delà du matérialisme car si le bolchévisme est souvent associé au matérialisme historique marxiste, Simon Yachvili propose une interprétation plus nuancée en soutenant que le bolchévisme a un caractère mystique et révolutionnaire qui va bien au-delà de la lutte des classes et du déterminisme économique. L'interprétation de Simon Yachvili du bolchévisme met l'accent plutôt sur ses dimensions ésotériques et spirituelles en soutenant que le marxisme, dans sa forme originelle, n'était pas une simple doctrine matérialiste mais une force révolutionnaire visant à transformer la société sur le plan métaphysique. La théorie historique du marxisme qui met l'accent sur le matérialisme dialectique est considérée ici comme une version laïque de l'ancien mythe du retour à l'âge d'or, un thème central dans de nombreuses traditions religieuses et ésotériques. Du point de vue de Simon Yachvili, le bolchévisme n'est pas seulement une idéologie politique de gauche mais une force révolutionnaire qui peut être utilisée pour défier l'ordre libéral et restaurer une compréhension plus holistique de la société.

Quant au nationalisme, la conception de Simon Yachvili diffère de la compréhension conventionnelle que l'on trouve dans la pensée politique eurysienne. Dans la tradition libérale, le nationalisme est souvent considéré comme une construction politique basée sur une langue, une culture et une histoire partagées. Cependant, Simon Yachvili considère la nation comme une entité métaphysique avec une mission sacrée. En s'appuyant sur la pensée traditionaliste et eurysianiste, il soutient que les nations ont une qualité transcendante, guidées par une force spirituelle ou un "ange". Ce nationalisme métaphysique n'est pas une simple identité politique et culturelle mais une vocation spirituelle. Simon Yachvili fait référence au concept "d'ange de la nation", une entité divine qui guide le destin de la nation à travers l'Histoire. Cette idée de la nation en tant qu'entité spirituelle s'aligne sur son rejet plus large de l'individualisme libéral et du matérialisme. Dans ce cadre, la nation n'est pas seulement un ensemble d'individus liés par des liens juridiques et culturels, c'est une entité vivante avec un destin et un but uniques dans le monde.

Le rôle de l'eurysianisme et de l'unification eurysienne :

L'eurysianisme (la pensée politique principale du Mouvement Eurysien désignant le souhait de vouloir unifier le continent eurysien) joue un rôle central dans le national-bolchévisme. Il préconise la création d'un empire eurysien qui unirait les nations de la masse continentale eurysienne en opposition aux capitalistes du Nazum, d'Aleucie et de Paltoterra dans un accomplissement complet de la civilisation eurysienne. Pour Simon Yachvili, l'eurysianisme n'est pas une simple stratégie géopolitique mais un projet métaphysique. Il croit que l'empire eurysien représente une forme supérieure d'organisation politique et culturelle qui transcende le modèle de l'Etat-nation. Dans cette vision, les nations eurysiennes sont unies par une mission spirituelle commune, guidée par les principes du national-bolchévisme.
Synthèse de la droite et de la gauche :

L'un des aspects les plus novateurs de la pensée de Simon Yachvili est sa tentative de synthétiser des éléments de la droite et de la gauche politiques. Le national-bolchévisme s'appuie sur le nationalisme et le traditionalisme, généralement associés à la droite, tout en adoptant l'esprit révolutionnaire et la position anticapitaliste de la gauche. Pour Simon Yachvili, cette synthèse est politique et métaphysique en transcendant les idées de libéralisme et de totalitarisme pour créer un nouveau paradigme politique qui rejette l'atomisation de l'individu sous le libéralisme et qui embrasse le destin spirituel collectif, défiant ainsi le spectre politique conventionnel.

Cette idéologie agit donc comme un véritable OVNI et pour beaucoup de membres du Parlement Fédéral, cette idéologie est profondément néfaste tandis que le Mouvement Eurysien (courant principal) dénonce la faction national-bolchévique comme dévoyée, cherchant à détourner complètement l'eurysianisme pour l'accoler à une idéologie réactionnaire, contradictoire et ésotérique au possible. Bien que la faction n'ait pas été purgée et n'ait pas fait l'objet de poursuites judiciaires, beaucoup au sein du Parlement Fédéral ont demandés à ce que les membres de cette faction soient mis aux arrêts. Cependant, il semblerait que comme pour beaucoup de communes encore, les national-bolchéviques aient formés des milices d'autodéfense et soient donc en capacité de se défendre, ce qui signifie que toute répression de ceux-ci doit nécessairement impliquer une armée déjà débordée par la Rache et par le maintien de l'ordre sur l'ensemble du territoire (en plus des problèmes d'organisation et de corruption habituels de l'armée kartvélienne). La répression politique ou militaire n'est donc pas pour tout de suite et cela a tout de même permis pour le moment d'éviter des affrontements armés, la posture national-bolchévique étant très défensive pour le moment. Il est évident que l'émergence de cette idéologie ne va que davantage participer à l'instabilité politique de la Kartvélie, surtout tant que le gouvernement fédéral ne fera rien pour arrêter l'expansion et la propagande cette idéologie. Il est à noter néanmoins que les réformistes ne se sont pas opposés frontalement aux nationaux-bolchéviques, estimant que ces derniers pourraient devenir des alliés politiques du fait de leur opposition féroce à toute forme de libéralisme, ce qui est en accord avec les valeurs du régime. Les kartvéïstes ont quant à eux vivement critiqués cette approche, estimant que les nationaux-bolchéviques avaient une position trop ambigüe vis-à-vis des terroristes de la Rache et que ce silence du national-bolchévisme sur les ultranationalistes qui ravagent la région est une preuve de leur concomitance avec eux.
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Relance du secteur des hydrocarbures en Kartvélie :

Une opportunité économique...mais pour qui ?




Pendant une longue période, la Kartvélie avait été le premier producteur régional de ressources énergétiques. En effet, bien avant la Révolution Rose et l'émergence du modèle libéral qui impacta durablement le secteur énergétique, la production énergétique totale de la Kartvélie (inclinant le pétrole, le gaz naturel, le charbon, l'hydroélectricité) représentait une part significative de la production totale d'énergie du continent eurysien au cours des années 1980-1990. A ce jour, il semblerait que le secteur gazier redémarre de plus belle en Kartvélie, ce qui n'est pas sans conséquence néanmoins. Nous allons ici revenir sur l'histoire du secteur gazier et pétrolier en Kartvélie depuis la République Socialiste de Kartvélie jusqu'à nos jours afin d'éclaircir la situation actuelle et comprendre également les enjeux actuels du marché des hydrocarbures kartvélien dans son ensemble.

L'histoire du secteur des hydrocarbures en Kartvélie socialiste :

Lorsque la Kartvélie récupère son indépendance en 1963 et proclame la République Socialiste de Kartvélie, le régime en place décide de mener la reconstruction du pays et faute de pouvoir mobiliser des investissements en capitaux étrangers, le gouvernement socialiste se décide plutôt d'utiliser la rente des ressources naturelles qui abondent dans le pays pour s'assurer un revenu confortable et permettre ainsi des investissements massifs dans la reconstruction du pays. Pourtant, il va s'avérer assez vite que la Kartvélie va rapidement finir dans le piège de la malédiction des ressources et ce pour de nombreuses raisons. La faute en premier lieu au système de planification centralisé de la République Socialiste qui a influencé la politique économique kartvélienne sur trois aspects. Tout d'abord, le système produisait des informations erronées, incomplètes ou peu pertinentes qui ont ensuite été transmises à de mauvaises mains. Le système de prix créait des signaux d'offre et de demande erronés, notamment en ce qui concerne les nouveaux biens et services. Les taux d'intérêt ne reflétaient pas non plus les préférences de la sociétale et reflétaient que vaguement celles des dirigeants du pays en matière de risques ou de choix entre le présent et l'avenir. Les flux d'information circulaient principalement verticalement et jamais horizontalement, les personnes censées prendre les décisions économiques manquaient d'informations nécessaires tandis que celles qui avaient accès aux meilleures informations n'étaient pas responsables de ces dites décisions, ce qui menait inévitablement à des plans fondés sur de la désinformation. Dès les années 1970, les plans annuels ne correspondaient déjà plus aux plans quinquennaux et les chiffres réels étaient différents des deux. Par exemple, en 1975, le plan quiquennal prévoyait d'extraire 505 millions de barils de pétrole, chiffre rapidement réduit à 487 millions de barils dans les plans annuels et dans les faits, cette année, ce fut 480 millions de barils qui furent finalement extraites. Malgré le fait que le plan quinquennal n'ait pas été réalisé, ils prévoyaient d'extraire 640 millions de barils en 1980 puis ont abaissés ce chiffre à 605 millions de barils dans les plans annuels et ont effectivement produits 600 millions de barils. De nouveau, bien que l'objectif précédent n'ait pas été atteint, en 1985, le pays était censé produire 630 millions de barils, les plans annuels ont diminués cet objectif à 625 millions de barils et dans les faits, seulement 595 millions de tonnes furent extraits. Ces lacunes étaient particulièrement dangereuses en ce qui concerne la réception et l'utilisation d'informations sur les gisements de pétrole et de gaz potentiellement prêts à être explorés. Deuxième problème du système de planification, c'était que le système générait des incitations irrationnelles et des préférences contradictoires et ne permettait pas de les concilier autrement que par de longues négociations ou des pressions administratives. Par exemple, des systèmes d'incitation s faussés et l'absence de contraintes financières strictes ont encouragé une utilisation excessive des ressources malgré les normes de qualité et les délais de livraison en vigueur, négligeant ainsi les besoins des consommateurs. Enfin, en raison de ces problèmes de la planification, les objectifs fixés par le gouvernement ont été faussés lors de leur réalisation, les ressources étaient distribuées de manière inadéquate, présentées dans un ordre erroné et souvent utilisées à d'autres fins que celles prévues. Les fabricants esquivaient les conséquences qui se sont répercutés sur les consommateurs et ont communiqué au gouvernement des informations erronées ce qui a entraîné une nouvelle vague de dysfonctionnements dans la planification économique.

Au-delà des problèmes directement au système de planification, la République Socialiste de Kartvélie subissait des mécanismes économiques qui l'ont menés vers la malédiction des ressources. Un de ces mécanismes fut ce qu'on appelle la "maladie hollandaise", c'est-à-dire le déplacement des ressources humaines, financières et matérielles vers les secteurs extractifs au détriment du secteur industriel et agricole. Ce phénomène s'est manifesté en Kartvélie par une réorientation de l'investissement public vers les hydrocarbures à partir du début des années 1970. Si la part des investissements dans l'énergie avait légèrement pu baisser entre 1971 et 1975 (de 29,4% à 28%), elle remonte fortement à partir de 1978 et atteint 39% en 1985. En parallèle, la productivité et la compétitivité des autres secteurs stagnent ou régressent, faute de capitaux et de modernisation technologique. Le second mécanisme, c'est celui de la volatilité des prix des matières premières sur les marchés internationaux. La Kartvélie, bien que planifiée et relativement autarcique dans ses échanges, n'échappe pas aux conséquences des cycles pétroliers mondiaux. En 1986, les prix du pétrole en Eurysie de l'Est chutent brutalement, les revenus de l'Etat kartvélien s'effondrent. Or, pour continuer à maintenir sa consommation intérieure et ses quelques exportations, la Kartvélie est contrainte d'investir encore plus lourdement dans l'extraction au point que le coût marginal de production dépasse le prix de vente sur les marchés internationaux : en 1986, produire un baril supplémentaire en Kartvélie coûtait environ 15 laris alors que le prix mondial avoisinait les 14 laris. Cette dynamique conduite à une érosion rapide de la rente pétrolière qui devient parfois nulle, voire négative. Un troisième facteur aggravant est la structure très rigide du capital physique kartvélien, souvent comparée à un arbre tordu par le vent : routes, usines, réseaux ferroviaires et capital humain sont organisés autour d'un modèle industriel intensif en énergie, peu adaptable et inefficace. Cette rigidité empêche toute reconversion lorsque la conjoncture mondiale change. De plus, l'usage extensif et peu rationnel de l'énergie (favorisé par des prix très bas pour les consommateurs domestiques) aggrave encore cette inefficacité. Par exemple, les prix de l'essence à l'intérieur du pays étaient jusqu'à 50 inférieurs aux prix mondiaux de 1983, favorisant ainsi le gaspillage et une absence totale d'incitations à l'économie d'énergie.

Contrairement à d'autres pays rentiers qui ont accumulé des fonds souverains ou investi dans la diversification économique, la République Socialiste de Kartvélie a utilisé sa rente énergétique essentiellement pour subventionner massivement l'économie domestique. En 1985, 70% du pétrole et 87% du gaz produits étaient consommés à l'intérieur de la République Socialiste, à des prix déconnectés de leur coût réel. Ce système masquait l'inefficience massive des industries lourdes et énergivores, notamment le complexe militaro-industriel qui absorbait des ressources considérables sans gains de productivité ni retour sur investissement. Selon certaines estimations, l'ensemble de la rente pétrolière kartvélienne (incluant les sous-produits et dérivés) atteignait jusqu'à 250 milliards de laris au milieu des années 1980, soit près de 40% du budget de l'Etat, mais une large partie en était dilapidée à travers des mécanismes de soutien indirect à des secteurs déficitaires. Ce mode d'allocation de la rente engendrait des distorsions majeures dans les signaux économiques : les entreprises n'avaient aucune incitation à réduire les coûts ou à innover puisque leurs intrants énergétiques étaient subventionnés et leurs débouchés garantis. La rente énergétique servait donc à maintenir artificiellement en vie une partie importante du tissu productif kartvélien. Ce modèle de subvention croisée, analysé comme un entonnoir inversé, permettait une redistribution de la rente depuis les secteurs extractifs vers les industries de transformation et les consommateurs mais au prix d'une rigidité accrue, d'une complexité bureaucratique extrême et d'une inefficacité systémique croissante.

L'échec de la République Socialiste de Kartvélie à transformer cette rente en levier de développement s'explique aussi par l'incapacité politique à mettre en place des instruments de régulation contracyclique. Contrairement à beaucoup de pays ou, plus tard, à la Kartvélie elle-même avec son fonds de stabilisation créé en 2004, la République Socialiste n'a jamais constitué de réserve financière pour lisser les effets des cycles pétroliers. A cela s'ajoute l'incapacité de la planification kartvélienne à adapter les flux d'investissement aux nouvelles priorités : même lorsqu'il était évident que les gisements occidentaux de Kartvélie s'épuisaient, les autorités tardèrent à orienter massivement l'investissement vers Arashvili. Lorsque cela fut fait, ce fut dans l'urgence avec des infrastructures sommaires, sur fond de pressions politiques : les responsables qui exprimaient des doutes sur les prévisions optimistes étaient marginalisés ou limogés. Les conséquences institutionnelles de cette gestion approximative sont importante. Le modèle socialiste kartvélien favorisait une vision de court terme tant chez les planificateurs que dans les entreprises, ce que la littérature nomme la logique du "get-riche-quick" où les gains immédiats issus de la rente priment sur les stratégies de long terme. Le phénomène se traduit par une succession de cycles d'euphorie et de crises, de surinvestissement suivi de rationnement. Cette instabilité est renforcée par une gouvernance où les incitations à la prudence budgétaire, à la diversification productive ou à l'efficience énergétique étaient soit absentes, soit inopérantes.

Le secteur des hydrocarbures sous la République libérale :

Lorsque la Révolution Rose éclate en 1998, elle renverse l'ancienne République Socialiste de Kartvélie et engage le pays dans un virage économique radical. Ce tournant libéral se fait à marche forcée : en l'espace de quelques mois, les nouvelles autorités du président Ivan Volkov adoptent adoptent une série de réformes structurelles qui ne sont ni plus ni moins que des thérapies de choc. Le secteur énergétique, jadis pilier de la planification socialiste, est le premier à être touché. Les grandes entreprises publiques sont transformées en sociétés ouvertes, puis cédées à bas prix à travers un système de bons d'actions censé garantir un "capitalisme populaire" mais qui se soldera rapidement par une captation des actifs stratégiques par une élite restreinte. En quelques années, une poignée d'ex-fonctionnaires, de directeurs d'usines socialistes et de technocrates bien introduits constitue une nouvelle oligarchie, prenant le contrôle de Kartopetrol et de Kartogas, les deux plus grandes entreprises publiques d'hydrocarbures du pays, ainsi que l'ensemble des infrastructures de transport et de raffinage du pays. Ce phénomène installe un modèle de capitalisme d'accumulation rapide dans lequel la rente énergétique devient un outil de pouvoir autant qu'une manne économique.

Portée par la hausse continue des prix mondiaux de l'énergie durant les années 2000, la Kartvélie connaît une décennie d'euphorie (nommée à partir de 2006 de Révolution économique). Le pays, jadis englué dans les pénuries et l'inefficience de la planification, enregistre désormais des taux de croissance qui font pâlir ses voisins : entre 1999 et 2008, le PIB kartvélien double avec une moyenne annuelle de +8%. Le secteur pétrolier et gazier devient le moteur de cette prospérité soudaine. En 2008, il représente près de 35% du PIB et assure plus de 60% des recettes budgétaires de l'Etat. L'extraction s'accélère dans les grands gisements de l'Est kartvélien, portée par des investissements étrangers massifs. La production atteint des niveaux records, filtrant avec les dix millions de barils par jour en équivalent énergétique. De nouvelles infrastructures voient le jour : oléoducs est-eurysiens, raffineries modernisées. Les grandes villes se transforment, les salaires augmentent, une classe moyenne émergente commence à consommer à l'occidentale. L'économie kartvélienne, qui était encore marginale sur la scène eurysienne dix ans plus tôt, s'impose comme une puissance énergétique montante, courtisée par les multinationales et les investisseurs. Consciente de sa dépendance à la conjoncture pétrolière, la Kartvélie tente d'anticiper les chocs futurs en créant, en 2004, un Fonds de stabilisation des ressources. Doté de plusieurs dizaines de milliards de laris, ce fonds est conçue pour amortir les effets des cycles énergétiques et pour soutenir les dépenses publiques en cas de crise. Il est scindé en deux branches à partir de 2008 : un fonds de réserve, liquide et mobilisable rapidement, et un fonds de prospérité destiné aux générations futures. Cette architecture est saluée par les institutions financières à l'international qui voient là un signe de maturité budgétaire. Pourtant, derrière cette façade de rigueur, les failles structurelles du modèle kartvélien demeurent profondes. Le fonds est régulièrement siphonné pour financer les dépenses courantes ou pour combler les déficits d'entreprises publiques, notamment dans les transports ou l'agriculture. Les gouvernements successifs, bien que proclamant la nécessité de diversifier l'économie, laissent filer les incitations perverses : tant que la rente coule à flot, les réformes sont repoussées.

En réalité, la prospérité de la Kartvélie repose sur des bases fragiles. La concentration du capital énergétique entre les mains d'une poignée d'oligarques a recréé des structures de pouvoir autoritaires tout en marginalisant les institutions démocratiques. Le système fiscal est organisé pour maintenir la pression minimale sur les citoyens (les recettes venant de l'exportation des hydrocarbures) ce qui limite le contrôle démocratique sur les dépenses publiques. Les prix de l'énergie restent très largement subventionnés pour les consommateurs et les industriels, perpétuant une inefficience énergétique héritée de l'ère socialiste. Les grandes entreprises énergétiques, bien que privatisées, entretiennent des liens étroits avec l'administration, échappant souvent à la régulation ou à l'imposition effective. La tentation rentière devient structurelle car au lieu d'investir dans la formation, la transition écologique ou l'innovation industrielle, la majorité des gains sont redistribués sous forme de dividendes, de projets de prestige ou de dépenses de fonctionnement. Une logique de court terme, résolument extractiviste, gouverne l'ensemble de l'appareil économique. A la veille de la Révolution Brune de 2015, la Kartvélie libérale semble à bout de souffle. Le ralentissement des prix du gaz, amorcé dès 2013, se conjugue à une crise sociale croissante. Les inégalités explosent : la part du revenu détenue par les 10% les plus riches atteint des niveaux records tandis que le pouvoir d'achat des Kartvéliens stagne et le chômage structurel revient dans les anciennes régions industrielles. Le modèle énergétique, qui devait être le levier d'un développement soutenable, se fige alors en un système de rente à forte intensité en capital mais pauvre en innovation et en répartition. Les appels à une réorganisation profonde du secteur, à un contrôle public renouvelé et à une transition énergétique prendront de l'ampleur et trouveront leur réponse brutale dans la chute du régime libéral, l'intervention estalienne et la création de la Fédération des Communes de Kartvélie.


Produire plus pour des étrangers. Quelle ironie.

L'état actuel du secteur des hydrocarbures :

Deux ans après la Révolution Brune de 2015, le paysage énergétique kartvélien s'est profondément métamorphosé. La chute du régime libéral et l'arrivée au pouvoir des libertaires ont mis un terme brutal au cycle de l'économie de rente qui dominait le pays depuis la fin des années 1990. Portée par une mobilisation populaire importante, le gouvernement fédéral a rapidement renationalisé les grands leviers de l'économie du pays ; et au premier rang d'entre eux, le secteur des hydrocarbures. Le pétrole et le gaz, redevenus juridiquement propriété collective, ont été confiés à des structures de gestion décentralisés mais profondément restructurées avec l'appui technique, financier et politique de l'Estalie. Dès les premiers mois suivant la Révolution, la priorité a été mise sur la reconstruction des infrastructures critiques, partiellement laissées à l'abandon ou sabotées par les anciennes sociétés privées en fuite. Sous l'égide de la direction de la Chambre des Négocations, la Fédération des Peuples Estaliens a lancé un vaste programme d'investissements stratégiques en injectant près de 17 milliards d'unitas dans la modernisation des pipelines, la réhabilitation des stations de compression, la sécurisation des plateformes offshore d'Arashvili et la remise à niveau des réseaux de distribution domestique. Cette aide matérielle, mais aussi logistique et humaine, a permis à la Kartvélie de restaurer rapidement une partie significative de ses capacités de production. Dès fin 2016, la production de gaz naturel atteignait 38 milliards de mètres cubes par an, un chiffre encore inférieur aux pics libéraux mais largement supérieur aux seuils d'autosuffisance. Le pétrole suit une trajectoire plus lente avec une extraction tournant autour de 210 millions de barils pour l'année 2016 en raison notamment du besoin de désenclaver certains gisements et de la priorité donnée au gaz dans les plans de développement. Mais plus encore que la relance technique, c'est la transformation des structures de propriété et des logiques économiques qui marque le renouveau du secteur. En rupture complète avec le modèle oligarchique précédent, les installations d'extraction et de traitement des hydrocarbures sont désormais administrées par des coopératives communales à gestion partagée, supervisées par des syndicats techniques régionaux, eux-mêmes coordonnées au sein du Conseil aux Politiques économiques au sein du gouvernement exécutif. Chaque coopérative est mandatée par une assemblée locale élue dont les délégués siègent aux conseils de planification énergétique. Ce système, fortement inspiré par l'architecture économique estalienne sur d'autres domaines, vise à assurer une maîtrise collective des ressources tout en garantissant leur exploitation rationnelle, respectueuse de l'environnement et orientée vers les besoins de la population. Les excédents de production sont alloués à l'exportation selon les quotas fixés par le Conseil aux Politiques économiques qui en redistribue les recettes selon un prince de péréquation similaire au système estalien.

Sur le plan international, l'Estalie a renforcé sa présence de manière décisive. Plusieurs coopératives exportatrices estaliennes disposent de droits d'exploitation conjoints sur certains terminaux. Ces structures mixtes, associant des cadres estaliens, des techniciens kartvéliens et des représentants des communes assurent à ce jour près de 72% des exportations d'hydrocarbures kartvéliens. Cependant, on est loin d'une coopération égalitaire entre nations libertaires sœurs, le partenariat énergétique entre l'Estalie et la Kartvélie soulève de nombreuses interrogations. Officiellement, les accords bilatéraux signés au sein de la Chambre des Négociations garantissent à la Kartvélie un contrôle stratégique sur ses ressources tout en lui permettant de bénéficier du savoir-faire logistique, technique et industriel estalien. Dans les faits, la réalité apparaît ambivalente. Derrière les discours sur l'entraide révolutionnaire et la solidarité entre les peuples estalien et kartvélien, de nombreuses voix, y compris dans les instances communales kartvéliennes, commencent à dénoncer une mainmise économique grandissante de l'Estalie sur les secteurs-clés de l'économie kartvélienne (hydrocarbures, agriculture, secteur minier) et ce, avec la complaisance apparente du gouvernement fédéral. Le cas du secteur énergétique est emblématique de cette relation déséquilibrée. Près de 72% des exportations de gaz et de pétrole sont gérées par des coopératives mixtes dominées par des cadres estaliens, souvent formés dans les écoles techniques estaliennes ou issus directement de grands syndicats économiques estaliens. Ces structures fixent les volumes, organisent les circuits d'exportation et surtout négocient les contrats de vente à l'international. Or, ces contrats sont majoritairement conclus en unitas, la monnaie estalienne, qui s'est imposée dans une majorité de communes kartvéliennes au détriment du lari, la monnaie nationale encore théoriquement en vigueur. Le fait que l'Estalie contrôle quasiment de fait notre banque centrale, sous prétexte de garantir la stabilité financière transfrontalière, ajoute à l'impression d'un système économique satellisé où la Kartvélie produit mais ne décide plus.

Un élément particulièrement troublant réside dans la politique énergétique intérieure de l'Estalie elle-même. Alors que la Fédération dispose de vastes réserves inexploitées de pétrole et de gaz dans son territoire oriental, les autorités estaliennes ont refusé, à la suite de mobilisations écologistes, de lancer l'extraction. Le droit communal, fortement enracinée dans les institutions estaliennes, empêche en effet l'Etat fédéral d'imposer des projets extractifs contre la volonté des assemblées communales. Ce blocage écologique, légitime dans son principe, a néanmoins produit un effet pervers : l'externalisation quasi-totale de l'extraction vers la Kartvélie où la gouvernance plus jeune, plus fragile et encore dépendante de l'assistance estalienne permet d'imposer des projets énergétiques d'envergure avec une relative facilité. Dès lors, une question traverse de plus en plus les débats internes à la Fédération des Communes de Kartvélie : à qui profite réellement le secteur des hydrocarbures ? Si l'on en juge par les chiffres, la plus grande partie de la valeur ajoutée issue de l'extraction ne reste pas sur place. Les exportations sont effectuées à des prix jugés préférentiels, autrement dit inférieurs aux cours internationaux, afin d'alimenter à bas coût les réseaux estaliens de distribution et de garantir la sécurité énergétique de l'Estalie, sans entamer ses propres gisements. Les recettes, elles, sont certes versées à la Kartvélie mais passent d'abord par des mécanismes de mutualisation gérés par des institutions où l'Estalie dispose d'une importante influence et bien bien que ces institutions financent de nombreux projets d'infrastructures sur le territoire kartvélien par la suite, une part croissante de la population commence à remettre en cause la transparence de ces flux et leur réelle utilité pour les communes locales.

Face à cette situation, certains collectifs communaux commencent à exiger une renégociation des accords énergétiques, voire une remonétisation intégrale du lari, perçue comme une condition minimale de souveraineté économique. D'autres proposent une limitation drastique des exportations, tant pour préserver les gisements que pour répondre aux besoins énergétiques internes en forte hausse avec la relance industrielle. Mais ces revendications se heurtent souvent à la ligne tenue par le gouvernement fédéral kartvélien qui continue de considérer le partenariat énergétique avec l'Estalie comme une garantie de stabilité, de modernisation et de protection internationale. A ce jour, aucune instance fédérale ne s'est prononcée favorablement à une réforme substantielle de la gouvernance énergétique kartvélienne, ce qui alimente un sentiment diffus de dépossession économique chez une partie croissante de la population. Ainsi, alors même que le secteur des hydrocarbures kartvélien affiche des performances techniques et logistiques indéniables, il est aujourd'hui au centre d'un débat politique de fond sur l'autonomie, la justice économique et le rôle réel de l'Estalie en Kartvélie. Loin d'avoir refermé le chapitre du capitalisme rentier, le nouveau système semble en reconduire certaines logiques dans un habillage plus consensuel mais tout aussi asymétrique. Le commun énergétique est-il un instrument de souveraineté ou un levier de contrôle masqué ? La révolution énergétique kartvélienne, loin d'être achevée, entre dans une phase de clarification où se jouera sans doute l'avenir politique de la Fédération des Communes de Kartvélie.
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L'Etat et l'AFRE :

La Kartvélie devient un Etat mercenaire ?




Moins de deux ans après la Révolution Brune qui a mis fin au régime républicain libéral de Kartvélie, la Fédération des Communes de Kartvélie s'efforce encore de trouver un équilibre entre autogestion populaire, institutions fédérales fragiles et menaces sécuritaires persistantes. Si la chute du pouvoir républicain a permis l'émergence de structures politiques locales, le pays reste toujours profondément instable : milices communautaires mal coordonnées, armée fédérale sous-équipée et corrompue et surtout l'existence toujours actuelle de la Rache et l'émergence de groupes politiques divergents comme les national-bolchéviques. C'est dans ce contexte qu'un acteur singulier a pris pied sur le territoire kartvélien : l'AFRE ou Agence des Forces Révolutionnaires Expéditionnaires. Présentée comme une organisation internationale d'aide militaire révolutionnaire, elle s'est installée en Kartvélie vers la fin de l'année 2016, officiellement pour appuyer la défense des communes contre la montée des forces contre-révolutionnaires, notamment la Rache. Mais si l'AFRE est censée être un soutien tactique ponctuel, ses méthodes, son implantation et ses liens étroits avec l'appareil militaire estalien posent de plus en plus de questions. A mesure qu'elle se déploie, l'AFRE semble s'installer dans la durée, brouillant la frontière entre assistance militaire internationale et influence politico-stratégique d'un Etat tiers.

Une aide militaire "internationale" qui ne dit pas son nom :

L'AFRE voit officiellement le jour en Estalie en 2015 sous l'égide d'une loi du Congrès International des Travailleurs, dans le sillage de la montée en puissance d'une diaspora étrangère en Estalie de plus en plus acquise aux idées révolutionnaires estaliennes. Elle se donne pour mission d'apporter un soutien armé, logistique et idéologique aux peuples en lutte pour leur libération face aux structures étatiques ou impérialistes. Présentée comme un instrument de solidarité militante, l'AFRE repose sur un statut hybride : ni force armée officielle, ni simple groupe de volontaires, elle dispose de ses propres chaînes de commandement, de ses centres de formation en Estalie et de ses propres canaux de financement. Officiellement, l'AFRE n'est affiliée à aucun Etat. Officieusement, il est de notoriété publique qu'elle bénéficie de facilités matérielles, doctrinales et logistiques offertes par les institutions militaires estaliennes, que ce soit de la Commission à la Guerre ou du SRR dont plusieurs anciens cadres ont d'ailleurs rejoint l'agence comme "conseillers civils". L'équipement standard des soldats de l'AFRE (armes individuelles, dispositifs de communication, véhicules) est quasiment identique à celui utilisé par les forces armées estaliennes, on notera d'ailleurs que ces équipements sont très similaires à celui des forces spéciales estaliennes.

Le premier déploiement de l'AFRE en Kartvélie a eu lieu en automne 2016, alors que l'armée kartvélienne semble avoir de plus en plus de mal à contrôler les conflits entre milices communales et à contenir les sabotages de la Rache dans les alentours du Saïdan. C'est dans ce vide militaire que l'AFRE s'insère. D'abord par petites unités (instructeurs, commandos, conseillers) puis par des détachements plus lourds. La commune de Khiraga, située au nord de Tbilgorod, est une des premières communes à signer un protocole bilatéral en décembre 2016 avec l'AFRE en lui accordant le droit d'opérer librement sur son territoire en coordination avec les structures populaires locales. Plusieurs autres communes, au nord comme au sud (autour du Saïdan) suivront dans les semaines suivantes, contournant de fait le gouvernement fédéral. La clause-clé de ces accords ? La notion de soutien tactique fraternel qui autorise les unités de l'AFRE à coordonner la défense territoriale avec les milices locales, à organiser des formations et à mener des opérations autonomes contre des cibles qualifiées de contre-révolutionnaires. Cette désignation, à la définition fluctuante, ouvre la voie à une interprétation extensive du mandat, sans encadrement fédéral réel.

La doctrine intégrée de l'AFRE :

Loin de se limiter à un rôle de force supplétive, l'AFRE opère en Kartvélie selon une doctrine complète d'encadrement des territoires en crise, une stratégie dite de la "triple emprise" : assurer la sécurité physique, structurer les flux matériels et diffuser une culture politique révolutionnaire standardisée. Dès ses premiers déploiements dans les communes kartvéliennes, l'AFRE a mis en oeuvre un schéma d'intervention bien rôdé, mêlant actions militaires ciblées, encadrement idéologique des milices locales et prise de contrôle progressive des infrastructures vitales.

Dans les zones où l'AFRE opère, les milices locales ne sont pas dissoutes ni subordonnées de force, elles sont intégrées dans des structures de commandement partagées, sous couvert de coopération fraternelle. En réalité, l'AFRE applique une doctrine de parrainage tactique dans laquelle chaque commune partenaire se voit assigner une unité de référence de l'AFRE, dotée d'un droit de regard sur les opérations militaires, les chaînes logistiques et même les procédures de recrutement. L'encadrement ne se limite pas à la formation militaire. Chaque détachement de l'AFRE intègre en soutien un ou plusieurs "commissaires politiques", généralement des cadres estaliens passés par les structures éducatives husakistes (notamment de l'ancien club de l'AAR et plus récemment des structures mises en place par autogestion par le Comité de Défense Internationale, un club husakiste en Estalie) ou les universités publiques estaliennes. Officiellement, leur rôle est de favoriser la cohésion idéologique entre révolutionnaires mais officieusement, ce sont eux qui assurent la conformité idéologique des miliciens locaux, notamment en matière de fidélité au projet fédéral et de rejet des tendances trop localistes ou indépendantistes. Certains miliciens, de façon anonyme, évoquent cependant une forme de surveillance politique latente et des pressions informelles exercées pour exclure les combattants jugés "déviants" ou trop proches des réformistes ou des eurycommunistes.

Sur le plan strictement militaire, l'AFRE a installé plusieurs centres tactiques communs en Kartvélie. Ces structures sont présentées comme des plateformes d'échange entre l'armée fédérale, les milices locales et les détachements de l'AFRE. Mais dans les faits, les communications passent presque exclusivement par les terminaux chiffrés de l'AFRE. Le centre de commandement de Vardani, opérationnel depuis décembre 2016, illustre ce déséquilibre : les officiers kartvéliens y sont présents mais toutes les opérations passent par les systèmes de l'AFRE. L'interface tactique utilisée sur place, un logiciel propriétaire nommé Kalun OS, est développé en Estalie et inaccessible sans identifiants fournis par le SRR. Cela confère à l'AFRE un avantage décisif dans la conduite des opérations mais également dans la collecte de données sur le terrain.

Outre sa puissance de feu et son emprise doctrinale, l'AFRE s'appuie sur une logistique robuste, indépendante de l'Etat fédéral kartvélien. Les ravitaillements sont assurés par voie terrestre sous supervision estalienne ou par largages aériens coordonnées avec le FANU, principale entreprise publique estalienne en charge du fret aérien civil de l'Estalie, à la seule différence que les avions que le FANU emploie auprès de l'AFRE sont aussi enregistrés sous immatriculation kartvélienne. Sur le terrain, les unités de l'AFRE disposent aussi de leurs propres camions blindés, de stations-relais mobiles et de générateurs autonomes. Plusieurs dizaines de "consultants civils" circulent également dans les zones sous influence de l'AFRE. Ils se présentent comme techniciens, ingénieurs ou logisticiens mais une grande partie sont d'anciens membres de la Chambre des Négociations. Leur rôle n'est pas seulement technique : ils identifient les points de rupture locaux, proposent des réformes des circuits économiques et participent activement à la réorganisation des infrastructures (notamment dans le domaine du transport, du stockage et des télécommunications).

L'économie sous influence :

Depuis plusieurs mois, une série de documents confidentiels exfiltrés par des membres dissidents du Bureau logistique régional de l'AFRE en Kartvélie ont révélés une stratégie économique systématique de captation des ressources, opérée sous couverture humanitaire et révolutionnaire. Les documents authentifiés par plusieurs analystes indépendants jettent une lumière crue sur l'appareil économique parallèle mis en place par l'AFRE dans les zones qu'elle sécurise. Le premier lot de documents, daté d'octobre 2016, dresse un état des lieux des ressources stratégiques présentes dans les territoires à forte présence de la part de l'AFRE comme les gisements de lithium de la commune d'Urmeli dans le nord de la Fédération des Communes, les coopératives céréalières du sud et surtout le complexe douanier d'Abekha à la frontière estalo-kartvélienne qui contrôle plus de 40% du fret terrestre entrant et sortant de la Kartvélie par l'Estalie. Dans une note confidentielle de coordination, signée par une certaine L. Dravush, identifié comme ex-officier du SRR devenue "coordinatrice civilo-militaire de l'AFRE pour les zones ressources", on peut lire :

"Les communes partenaires attendent un soutien. Il est vital d'offrir ce soutien via des structures fiables, réactives mais décentralisées. Les unités économiques doivent opérer hors des chaînes officielles. Pas d'uniformes, pas de drapeaux."
La commune d'Urmeli, qui revendique la souveraineté populaire sur le gisement de lithium se situant sur son territoire, a signé en novembre 2016 un protocole de sécurisation avec l'AFRE. Ce document, classé comme restreint mais divulgué dans les fuites, stipule que l'AFRE se voit confier la sécurisation du périmètre d'extraction, l'encadrement du personnel, le transport des matériaux ainsi que le droit de prélever une quote-part pour la couverture logistique. Cette "quote-part", bien que non précisée dans les documents, est estimée par des analystes à 25% de la production annuelle, un prélèvement justifié par l'AFRE comme une participation militante à l'effort commun de libération. En réalité, les matériaux extraits sont majoritairement acheminés vers la gare de Ghireti, gare située à l'ouest d'Arashvili où des trains opérés par la coopérative GLOVAR, enregistrée en Estalie, les exportent vers l'Estalie. Une autre enquête croisée menée par des collectifs indépendants ont permis de retracer également la structure de trois sociétés intermédiaires opérant dans les zones contrôlées par l'AFRE, notamment GLOVAR, coopérative enregistrée en Estalie, TamaRex, une coopérative de transport située dans le sud de la Kartvélie et Ergons Cooperative, une coopérative de stockage de lithium dont les archives fiscales sont partiellement inaccessibles. Ces structures n'apparaissent dans aucun registre fédéral kartvélien. L'administration fiscale kartvélienne admet quant à elle ne pas être en mesure de contrôler l'ensemble des opérations dans les zones les plus autonomes de la Fédération des Communes.

Le complexe d'Abekha, situé au croisement de deux routes stratégiques au sud de la Kartvélie à la frontière estalo-kartvélienne, est devenu un laboratoire discret de la gouvernance logistique de l'AFRE. Selon plusieurs rapports internes, les unités de soutien de l'AFRE ont mis en place des terminaux de gestion parallèle du fret, distincts du système informatique fédéral. L'un de ces terminaux, baptisé NAYRA, serait directement connecté aux bases de données du SOES estalien. Les camions entrant dans Abekha doivent verser une contribution volontaire à la protection du convoi, allant jusqu'à 12% de la valeur déclarée des marchandises. En échange, l'AFRE garantit sécurité, fluidité logistique et parfois même dédouanement anticipé (le tout sans documentation fédérale, évidemment). Cette pratique, officiellement désavouée par le Conseil aux Politiques économiques du gouvernement fédéral kartvélien, reste tolérée sur le terrain faute de rapport de force. La circulation de ces flux économiques n'est pas sans retombées. Plusieurs communes proches de l'AFRE ont vu leurs infrastructures modernisées, leurs stocks de vivres stabilisés et leurs réseaux d'irrigation ou de transport rénovés. le discours local évoque une économie solidaire mais à y regarder de plus près, ces investissements sont tous liés à des circuits de redistribution contrôlés depuis l'Estalie.

Une guerre culturelle silencieuse :

Si l'AFRE s'est implantée d'abord par les armes, c'est dans les mots, les images et les symboles qu'elle cherche à durer. Au fil des mois, les observateurs attentifs ont vu émerger, dans les communes dites partenaires, un écosystème culturel parallèle, soigneusement structuré, financé depuis l'Estalie et pensé pour refondre en profondeur les imaginaires collectifs kartvéliens. Le fer de lance de cette stratégie discrète mais redoutablement efficace est sans doute le réseau de stations communautaires mises en place dans les zones les plus autonomes du pouvoir fédéral. Officiellement appelées des "radios libres populaires", elles sont en réalité financées à 100% par l'AFRE. Selon une note interne révélée dans les fuites, ces stations doivent offrir un contenu culturel enrichissant, ancré dans les valeurs du fédéralisme intégral, de l'Anarchisme Renouvelé et de l'amitié entre les peuples. Derrière cette phraséologie se cache un dispositif extrêmement structuré : bulletins d'information quotidiens, musiques estaliennes militantes en rotation constante, chroniques historiques valorisant les grandes figures de la Révolution de Novembre et segments éducatifs insistant sur les dangers du nationalisme, de l'ethnocentrisme et du populisme communautaire. Les voix que l'on entend au micro sont rarement locales. Une enquête de terrain révèle que sur 9 stations recensées, 6 sont animées exclusivement par des "volontaires culturels" estaliens, souvent anciens enseignants ou militants reconvertis. Les programmes sont diffusés en kartuli mais ponctués de lexiques en haut-estalien non traduits, un glissement linguistique volontaire, presque imperceptible, qui introduit des concepts intraduisibles propres à la culture révolutionnaire estalienne. Dans les écoles, la transformation est encore plus marquée. Le programme des "Frères des Peuples", lancé discrètement en décembre 2016 et élargi dans toute la Kartvélie au printemps suivant prévoit la distribution gratuite de manuels scolaires bilingues en kartuli/haut-estalien aux communes partenaires de l'AFRE. Ces manuels, imprimés par les éditions Horizons Libres (une maison d'édition dirigée par un proche de la Commission à l'Education estalienne) introduisent une grille d'analyse résolument étrangère à la tradition pédagogique kartvélienne : déconstruction du roman national kartvélien pré-révolutionnaire, valorisation des luttes collectives, mise en avant des figures estaliennes de l'Anarchisme Renouvelé comme des modèles universels. L'histoire locale est parfois réécrite selon une logique d'inclusion dans un "processus mondial de libération du prolétariat" au risque de gommages massifs d'éléments identitaires proprement kartvéliens.

Les manuels de géographie, notamment, illustrent cette relecture : la Kartvélie n'y est plus présentée comme une entité historique ou ethnoculturelle autonome mais comme un nœud du "Centre pan-eurysien", appellation géopolitique théorisée par le professeur estalien Mikhail Gerzen, professeur affilié au Mouvement Eurysien, en 2015 et dont les ouvrages sont désormais obligatoires dans tous les cycles supérieurs des communes sous influence de l'AFRE. Certaines cartes omettent même les anciennes frontières de la Kartvélie avant la Révolution brune au profit des actuelles frontières, niant la légitimité du gouvernement kartvélien sur les zones perdues durant la révolution. Ce reformatage ne s'arrête pas à l'école. Il se prolonge dans l'espace public au travers d'un programme de mémoire partagée dans lequel l'AFRE joue un rôle de mécène idéologique. Au centre d'Arashvili, par exemple, un monument en béton a été inauguré en fin 2016, surplombant la place centrale : une sculpture monumentale représentant trois combattants tombés pour la liberté des peuples, dont deux sont identifiés avec les insignes de l'Armée Rouge estalienne. L'inscription ne mentionne nulle part l'armée fédérale kartvélienne, ni les révolutionnaires kartvéliens eux-mêmes. Ce type de monuments, cofinancés par un fonds indépendant proche des clubs husakistes du Congrès International des Travailleurs, se multiplie depuis début 2017 : on en recense déjà quatorze à travers tout le pays. Tous suivent le même code visuel : teintes rouges sombres, silhouettes non individualisées, slogans multilingues (haut-estalien en premier) et absences systématiques de symboles identitaires locaux. Enfin, au sommet de cette guerre culturelle, on trouve un phénomène plus insidieux encore : la captation des élites locales par l'encadrement idéologique. Depuis novembre 2016, plus de 200 cadres communaux kartvéliens ont été invités à suivre des cycles de formation avancée en Estalie. Ce séjour, de six mois à une résidence complète, comprend des modules de stratégie politique, de dialectique marxiste-libertaire, de communication anti-identitaire mais aussi, de façon plus surprenante, de gestion psychologique des dissidences internes et de modélisation de conflits inter-communaux. A leur retour, ces cadres disposent souvent d'un capital politique accru, d'un réseau de contacts en Estalie et une fidélité assez...ambiguë au pouvoir fédéral kartvélien.


Les démons du libertarisme.
Une Révolution jeune est une Révolution des contradictions. Voyez-vous celle-ci ?
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Opération Consolidation

L'AFRE lance l'opération Consolidation à travers toute la Fédération.




Deux mois après la prise de contrôle pacifique du pouvoir par l'Agence des Forces Révolutionnaires Expéditionnaires, la question qui hantait observateurs et citoyens trouve enfin des éléments de réponse concrets. Comment l'AFRE, organisation paramilitaire à la légitimité contestée et aux effectifs limités, compte-t-elle pacifier un territoire où prolifèrent des dizaines de milices communales lourdement armées, profondément enracinées dans le tissu social local et souvent dirigées par des chefs jouissant d'une autorité quasi-féodale sur leurs territoires respectifs ? La réponse, telle qu'elle se dessine sur le terrain depuis septembre, révèle une stratégie sophistiquée qui emprunte autant à la contre-insurrection classique qu'aux techniques de gouvernance indirecte coloniale, tout en s'adaptant aux spécificités du contexte révolutionnaire kartvélien. Cette stratégie, baptisée officieusement Opération Consolidation par les cadres de l'AFRE, repose sur un triptyque conceptuel simple dans sa formulation mais redoutablement complexe dans son exécution, à savoir cartographier exhaustivement l'écosystème milicien pour en comprendre les dynamiques internes, segmenter ces groupes selon leur degré de compatibilité avec le projet révolutionnaire de l'AFRE et enfin procéder à une intégration sélective assortie d'une neutralisation ciblée des éléments irrécupérables. L'ampleur du défi ne saurait être sous-estimée car selon les estimations les plus récentes du Conseil Révolutionnaire Provisoire, pas moins de quatre-vingt-sept milices communales structurées opéraient sur le territoire contrôlée par la Fédération au moment de la transition d'août, regroupant entre quinze mille et vingt-deux mille combattants actifs, auxquels s'ajoutent plusieurs milliers de réservistes mobilisables en cas de crise. Ces formations présentent une hétérogénéité extrême tant dans leurs orientations idéologiques que dans leurs capacités opérationnelles ou leurs modes de financement. Certaines sont de véritables armées privées disposant de véhicules blindés légers, d'artillerie improvisée et de systèmes de communication chiffrés, tandis que d'autres ne sont guère plus que des bandes criminelles déguisées en défenseurs communaux. Cette diversité constitue simultanément un obstacle et une opportunité pour l'AFRE, qui a su identifier dans cette fragmentation la possibilité de jouer sur les divisions existantes plutôt que d'affronter un bloc monolithique.

La première phase de l'Opération Consolidation, déployée entre le 15 et le 30 Septembre, a consisté en un effort de cartographie sans précédent mené par les services de renseignement de l'AFRE et en étroite coordination avec les services de renseignement estaliens. Cette phase de recensement systématique s'est appuyée sur une méthodologie rigoureuse combinant interception de communications, infiltration humaine et surtout exploitation massive des tensions intercommunales préexistantes. Chaque milice a été fichée selon une grille d'analyse multicritères incluant son effectif réel, son armement, son aire d'opération géographique, son mode de financement dominant, son affiliation politique déclarée ou supposée, son degré de criminalisation, sa popularité locale et surtout sa perméabilité à l'influence estalienne. Ce dernier critère s'est révélé déterminant car il a permis d'identifier rapidement les formations susceptibles d'être cooptées sans résistance majeure. Les analystes de l'AFRE ont ainsi établi une typologie en quatre catégories distinctes baptisées respectivement : Intégrables, Négociables, Problématiques, Irréconciliables. Les Intégrables regroupent les milices déjà idéologiquement proches du projet révolutionnaire internationaliste, généralement issues des franges radicales du Club de l'Assemblée ou du Mouvement Eurysien, représentant environ 30% de l'effectif milicien total. Ces formations, souvent dirigées par d'anciens cadres du PCK passés par l'Estalie durant leur exil, ne demandaient qu'à être formellement incorporées dans une structure militaire cohérente et bénéficiaient déjà dans de nombreux cas d'une coopération informelle avec les détachements de l'AFRE présents sur leur territoire depuis 2016. Les Négociables constituent le gros du bataillon avec 45% des effectifs, regroupant des milices pragmatiques dont la loyauté se négocie davantage sur la base d'avantages matériels et de garanties de sécurité que sur des considérations idéologiques. Ces formations, souvent dirigées par d'anciens officiers de l'Armée Révolutionnaire de Kartvélie ou par des notables locaux, on compris que le vent avait tourné et que leur survie organisationnelle passait par un accommodement avec le nouveau pouvoir. Les Problématiques ne représentent que 15% du total mais concentrent l'essentiel des préoccupations sécuritaires de l'AFRE car il s'agit de milices profondément criminalisées, impliquées dans des réseaux de trafics transnationaux ou contrôlées par des personnalités accusées de crimes graves, rendant leur intégration politiquement toxique même si tactiquement possible. Enfin, les Irréconciliables, heureusement minoritaires avec 10% des effectifs, rassemblent des formations ouvertement hostiles au projet révolutionnaire, notamment les milices national-bolchéviques du nord et quelques groupes réformistes radicaux refusant catégoriquement toute forme de subordination à une structure perçue comme l'instrument de l'impérialisme estalien.

La stratégie d'intégration déployée à partir du début octobre révèle une sophistication tactique remarquable et s'articule autour de ce que les documents internes de l'AFRE nomment pudiquement le principe de la transformation progressive. Pour les Intégrables, le processus s'est avéré relativement fluide et a suivi un protocole standardisé en cinq étapes successives. Premièrement, une délégation conjointe composée d'un commissaire politique de l'AFRE, d'un représentant du Conseil Révolutionnaire Provisoire et cruciale d'un notable local respecté se rend dans la commune concernée pour proposer officiellement l'intégration. Deuxièmement, les dirigeants de la milice sont invités à signer un protocole d'incorporation qui garantit le maintien des structures de commandement existantes dans un premier temps, la reconnaissance des grades acquis et surtout le versement immédiat de soldes régulières alignées sur les standards de l'AFRE, soit environ trois fois supérieures à ce que percevaient auparavant les miliciens. Troisièmement, les combattants passent par un processus de vérification individuelle visant à exclure les éléments ayant commis des crimes particulièrement graves ou présentant des profils psychologiques incompatibles avec la discipline militaire, processus qui aboutit généralement à l'exclusion de 5 à 15% de l'effectif initial. Quatrièmement, les unités intégrées suivent un cycle de formation accélérée de quatre semaines dispensée par des instructeurs de l'AFRE visant à harmoniser les doctrines tactiques, standardiser l'usage des équipements et surtout inculquer les principes idéologiques de l'internationalisme révolutionnaire. Cinquièmement et c'est là un élément capital, chaque unité intégrée se voit assigner un cadre de liaison permanent issu de l'AFRE qui participe à toutes les décisions opérationnelles et dispose d'un droit de véto sur les ordres jugés non conformes aux directives du commandement central, système qui garantit un contrôle effectif sans humiliation ostentatoire des commandants locaux. 23 milices classées Intégrables ont achevés ce processus, apportant environ 4800 combattants supplémentaires aux forces de l'AFRE, soit une augmentation substantielle de la masse manœuvrante disponible. Le traitement des Négociables s'est révélé nettement plus délicat et a nécessité une approche différenciée cas par cas, mobilisant des ressources diplomatiques considérables et révélant au passage les limites de l'autorité réelle de l'AFRE dans certaines régions périphériques. La négociation avec la Milice de Défense de Khiraga, commune située à l'est du Saïdan, la plus puissante formation de cette catégorie avec près de 1200 hommes sous les armes, illustre parfaitement les compromis que l'AFRE a dû consentir pour éviter un affrontement coûteux. Son commandant, le colonel Levan Tchanturia, ancien officier supérieur de l'Armée Révolutionnaire de Kartvélie ayant déserté en mars 2016 après un différend avec sa hiérarchie sur la gestion du conflit au Saïdan, jouissait d'une autorité quasi-absolue sur la commune et ses environs. Profondément méfiant envers toute structure centralisée qu'elle soit fédérale ou sous tutelle étrangère, Tchanturia a posé des conditions draconiennes pour accepter l'intégration, exigeant notamment le maintien de son autonomie opérationnelle sur un périmètre de trente kilomètres autour de Khiraga, la garantie qu'aucun de ses hommes ne serait poursuivi pour des faits antérieurs à l'intégration, l'attribution d'un quota garanti de 15% dans l'approvisionnement énergétique régional pour les industries locales et surtout la nomination de trois de ses lieutenants à des postes de responsabilité au sein de l'administration provinciale reconstituée. Après trois semaines de négociations tendues ponctuées de démonstrations de force mutuelles, l'AFRE a finalement accepté l'essentiel de ces exigences, jugeant que les bénéfices politiques et militaires de l'intégration de Khiraga surpassaient largement le coût des concessions consenties. Ce précédent a immédiatement fait école et plusieurs autres commandants Négociables ont durci leurs positions, conscients que le rapport de force leur était favorable tant que l'AFRE cherchait à éviter l'usage massif de la violence. La milice d'Urmeli, celle-là même qui contrôle les gisements de lithium stratégiques du nord, a ainsi obtenu un accord encore plus avantageux incluant le maintien de prérogatives douanières sur les exportations minières et la garantie que l'AFRE ne stationnerait aucune troupe permanente dans un rayon de 15 kilomètres autour des installations d'extraction. Ces arrangements créent de facto des zones d'autonomie renforcée où l'autorité du Conseil Révolutionnaire Provisoire demeure largement théorique, situation qui pourrait poser de sérieux problèmes de gouvernance à moyen terme mais qui permet dans l'immédiat de sécuriser les zones les plus stratégiques sans effusion de sang. La gestion des milices Problématiques a contraint l'AFRE à des arbitrages plus difficiles sur le plan éthique et politique, révélant les tensions inhérentes entre pragmatisme sécuritaire et légitimité révolutionnaire. La Brigade Vardani, formation paramilitaire d'environ 600 hommes impliquée dans des accusations graves de racket systématique, de trafic de stupéfiants à grande échelle et de plusieurs exécutions sommaires de rivaux politiques, représentait un cas d'école. Son chef, surnommé le Loup pour sa réputation de brutalité, contrôlait de fait trois quartiers industriels de Vardani et prélevait une dîme sur toute activité économique dans son périmètre. L'AFRE savait pertinemment qu'intégrer une telle formation sans épuration massive reviendrait à légitimer la criminalité organisée et à compromettre irrémédiablement sa propre crédibilité auprès des populations locales qui subissaient ces exactions depuis la Révolution Brune. Pourtant, la Brigade de Vardani disposait d'un armement lourd incluant plusieurs mortiers de 82mm et occupait des positions fortifiées qui auraient rendu tout assaut frontal extrêmement coûteux en vies humaines. La solution adoptée a consisté en une opération complexe de décapitation sélective menée conjointement par les forces spéciales de l'AFRE et des éléments loyalistes au sein même de la Brigade. Le 23 septembre, lors d'une réunion censément convoquée pour négocier les termes de l'intégration, le Loup et ses quatre lieutenants les plus proches ont été arrêtés sur la base de mandats émis par les nouvelles juridictions révolutionnaires créées par le Conseil Provisoire. Simultanément, des unités de l'AFRE prenaient position autour des bastions de la Brigade tandis qu'une intense campagne de propagande par haut-parleurs et tracts promettait l'amnistie aux simples miliciens acceptant de déposer les armes. Confrontés au choix entre un combat perdu d'avance et l'intégration sous nouvelles directions, la majorité des membres de la Brigade ont choisi la seconde option. Les cadres intermédiaires jugés trop compromis, au nombre de 47, ont été écartés et traduits devant des tribunaux militaires tandis que les 420 combattants restants ont étés dispersés dans différentes unités de l'AFRE afin de briser la cohésion organisationnelle de l'ancien groupe. Cette opération, saluée par les habitants de Vardani comme une libération, a servi de modèle pour le traitement d'une dizaine d'autres milices Problématiques à travers le pays, établissant un précédent clair selon lequel la criminalité avérée ne saurait être amnistiée au nom de l'efficacité. Le cas des Irréconciliables pose des défis d'une nature entièrement différente et constitue sans doute le test le plus sérieux de la capacité de l'AFRE à imposer son autorité par la force si nécessaire. Les milices national-bolchéviques du nord, regroupées depuis juillet sous la bannière du Front de Résistance Nationale coordonnée par des proches du philosophe Simon Yachvili, ont clairement fait savoir qu'elles considéraient l'AFRE comme une force d'occupation étrangère au service de l'impérialisme estalien déguisé en internationalisme révolutionnaire. Fortes d'environ 2000 combattants répartis dans sept communes du nord de la Fédération, ces milices bénéficient d'un soutien populaire non négligeable dans des zones où le sentiment national kartvélien demeure vivant et où la propagande anti-estalienne trouve un terreau fertile. L'AFRE a initialement tenté une approche de containment consistant à encercler consistant à encercler les zones contrôlées par le Front, à couper leurs lignes d'approvisionnement externes et à miser sur l'attrition économique pour les contraindre à la négociation. Cette stratégie s'est heurtée à deux obstacles majeurs. Premièrement, les milices national-bolchéviques avaient anticipé un tel scénario et constitué des stocks substantiels de vivres, munitions et carburant leur permettant de tenir plusieurs mois en autarcie relative. Deuxièmement, plusieurs communes théoriquement neutres situées en périphérie des zones contrôlées par le Front continuaient à entretenir des relations commerciales clandestines avec celui-ci, motivées autant par des considérations économiques que par une certaine sympathie idéologique ou simplement par méfiance envers le nouveau pouvoir central. Face à l'inefficacité du blocus, l'AFRE a durci sa position début octobre en laçant une opération dans la commune de Tsalka, considérée comme le bastion le plus isolé et donc le plus vulnérable du Front. Le 4 Octobre à l'aube, après un ultimatum de 72 heures resté sans réponse, deux compagnies mécanisées de l'AFRE appuyées par de l'artillerie légère ont lancé une offensive sur les positions de la milice locale. Les combats, d'une intensité inédite depuis les affrontements contre la Rache dans le Saïdan, ont duré deux jours et fait officiellement 27 morts côté AFRE, environ 70 côté milicien et tragiquement 14 civils pris entre les deux feux. La commune est finalement tombée le 6 après que les derniers défenseurs se soient repliés dans les collines environnantes d'où ils continuent à mener une guérilla sporadique. Cette victoire militaire de l'AFRE a un goût amer car elle a immédiatement déclenché une intense controverse politique tant en Kartvélie qu'en Estalie. Les réformistes kartvéliens ont dénoncé une répression sanglante contre des révolutionnaires sincères coupables uniquement de refuser la tutelle étrangère tandis que plusieurs clubs estaliens du BAC ont exprimé leur malaise face à l'usage de la force létale contre des formations issues du mouvement révolutionnaire kartvélien même si idéologiquement divergentes. Le Conseil Révolutionnaire Provisoire s'est défendu en arguant que le Front de Résistance Nationale constituait une menace existentielle pour l'unité de la Fédération et que l'usage de la force était devenu inévitable après l'échec de toutes les tentatives de dialogue, mais cette justification peine à convaincre dans un contexte où la légitimité démocratique du pouvoir actuel demeure discutable. Plus préoccupant encore, l'opération de Tsalka n'a nullement brisé la résistance des autres communes du Front qui au contraire semblent s'être radicalisées, plusieurs commandants locaux ayant juré de combattre jusqu'à la mort plutôt que de se rendre. L'AFRE se trouve ainsi confrontée à la perspective d'une campagne de pacification longue et coûteuse dans le nord, précisément le type de conflit d'sure qu'elle espérait éviter et qui pourrait gravement obérer ses capacités opérationnelles dans d'autres théâtres.

Au-delà des aspects purement militaires et sécuritaires, l'Opération Consolidation révèle des enjeux de gouvernance et de légitimité beaucoup plus profonds qui dépassent largement la simple question du désarmement des milices. En acceptant d'intégrer massivement des formations dont les pratiques antérieures étaient souvent incompatibles avec les standards démocratiques les plus élémentaires, l'AFRE court le risque de reproduire sous une forme à peine voilée les structures de pouvoir informelles qui minaient déjà l'autorité du gouvernement fédéral avant le Coup d'Etat d'août. Les anciens chefs de milice intégrés comme officiers dans les nouvelles forces de sécurité conservent généralement leur base de pouvoir locale, leurs réseaux clientélistes et leurs modes de financement parallèles. La différence principale réside dans le fait qu'ils opèrent désormais sous supervision nominale de commissaires de l'AFRE et arborent des uniformes standardisés mais la réalité du terrain change peu pour les populations locales qui continuent à être gouvernées de facto par les mêmes hommes qu'auparavant. Cette situation crée une forme hybride de gouvernance que certains analystes ont qualifiée de néo-féodalisme révolutionnaire où le Conseil Révolutionnaire Provisoire joue le rôle d'une autorité suzeraine déléguant l'exercice effectif du pouvoir à des vassaux locaux en échange de leur loyauté formelle et de leur contribution aux objectifs stratégiques centraux. Un tel système présente certes l'avantage de la stabilité à court terme en évitant les coûts prohibitifs d'une administration directe de l'ensemble du territoire mais il hypothèque gravement les perspectives de construction d'un Etat moderne capable d'imposer l'égalité devant la loi et de garantir les droits fondamentaux des citoyens. Les zones contrôlées par d'anciens chefs de milice intégrés demeurent largement opaques aux mécanismes de contrôle démocratique ou même simplement administratif, les populations locales n'ayant guère d'autre recours que de s'en remettre au bon vouloir de leurs nouveaux dirigeants officialisés. Les aspects économiques de l'Opération Consolidation méritent également une attention particulière car ils révèlent les logiques matérielles qui sous-tendent l'ensemble de l'édifice. L'intégration massive des miliciens représente un coût budgétaire considérable que le Conseil Révolutionnaire Provisoire peine à assumer avec les maigres ressources de l'Etat kartvélien. Selon des estimations conservatrices, le versement de soldes régulières aux quelques 10 000 combattants intégrés ou en cours d'intégration représente une charge mensuelle d'au moins 15 millions d'unitas, auxquels s'ajoutent les coûts d'équipement, de formation, de logistique et d'infrastructure. Ces sommes, colossales au regard du budget fédéral kartvélien qui peine à dépasser les 80 millions d'unitas mensuels toutes dépenses confondues, sont en réalité largement subventionnées par l'Estalie via des canaux opaques impliquant notamment les circuits économiques contrôlées par l'AFRE elle-même. Les revenus tirés de l'exploitation des ressources naturelles dans les zones sous contrôle de l'AFRE, particulièrement le lithium d'Urmeli et les taxes prélevées sur le complexe douanier d'Abekha, financent une partie substantielle de l'effort d'intégration, créant ainsi une boucle d'autofinancement où la consolidation du pouvoir militaro-politique de l'AFRE génère les ressources nécessaires à son propre approfondissement. Cette dynamique renforce encore la dépendance structurelle de la Kartvélie envers les circuits économiques estaliens car l'AFRE ne redistribue aux structurelles fédérales kartvéliennes qu'une fraction des revenus qu'elle capte, conservant l'essentiel pour financer ses propres opérations. Le Conseil Révolutionnaire Provisoire se trouve ainsi dans la position paradoxale d'un gouvernement nominal dépendant financièrement d'une organisation paramilitaire étrangère pour assurer ses fonctions régaliennes les plus élémentaires, situation qui soulève d'évidents problèmes de souveraineté et de légitimité démocratique.

Les premiers résultats tangibles de l'Opération Consolidation permettent néanmoins d'esquisser un bilan provisoire nuancé. Sur le plan strictement sécuritaire, les progrès sont indéniables car environ 75% des milices recensées en août ont désormais été soit intégrées soit neutralisées, réduisant substantiellement le nombre d'acteurs armés autonomes sur le territoire de la Fédération. Les axes de communication majeurs, particulièrement les routes reliant Tbilgorod aux principaux centres urbains et aux frontières estaliennes, ont été sécurisés et les incidents de brigandage et de prélèvements illégaux aux barrages routiers ont chuté de manière spectaculaire. Les communes qui avaient signé des accords d'intégration bénéficient généralement d'une amélioration notable de leurs conditions matérielles grâce aux investissements de l'AFRE dans les infrastructures de base, l'approvisionnement énergétique et la distribution alimentaire, ce qui a contribué à renforcer la popularité relative du nouveau pouvoir dans ces zones. Sur le plan militaire, la consolidation des forces armées kartvéliennes sous direction effective de l'AFRE a permis de reconstituer une capacité de projection de force qui faisait cruellement défaut depuis la Révolution Brune, ouvrant potentiellement la voie à une reprise des opérations contre la Rache dans le Saïdan ou contre les seigneurs de guerre de l'Ouest si les ressources le permettaient. Ces succès doivent cependant être mis au regard des échecs patents et des défis persistants qui obscurcissent considérablement les perspectives d'avenir. L'enlisement dans le nord face aux national-bolchéviques démontre que l'AFRE n'est nullement invincible et qu'elle peut être mise en difficulté par des adversaires déterminés bénéficiant d'un soutien populaire local, ce qui pourrait encourager d'autres groupes à tenter leur chance. Le coût humain de la pacification, même s'il demeure limité pour l'instant, érode progressivement le capital-sympathie dont bénéficiait initialement l'AFRE auprès des populations lassées de l'instabilité chronique. Les compromis consentis aux chefs de milice les plus puissants créent des précédents dangereux et des zones grises juridiques où l'autorité centrale demeure largement théorique. Enfin et peut-être surtout, l'ensemble du processus d'intégration repose sur un financement estalien dont la pérennité n'est nullement garantie et qui pourrait se tarir rapidement sur les priorités géopolitiques de Mistohir venaient à évoluer, laissant la Kartvélie avec une armée pléthorique qu'elle serait incapable de payer et qui pourrait alors redevenir une menace pour la stabilité plutôt qu'un instrument d'ordre.

La question qui se pose désormais avec une acuité croissante est celle de savoir si l'Opération Consolidation constitue une étape transitoire vers la normalisation politique et le rétablissement d'institutions démocratiques légitimes ou si elle marque au contraire l'établissement durable d'un régime militaro-sécuritaire de facto sous tutelle étrangère. Les déclarations officielles du Conseil Révolutionnaire provisoire et des porte-paroles de l'AFRE insistent sur le caractère temporaire et exceptionnel des mesures actuelles, promettant régulièrement un retour prochain à la légalité constitutionnelle une fois la menace des milices écartée et les conditions de sécurité rétablies. Ces assurances peinent cependant à convaincre car elles ne s'accompagnent d'aucun calendrier précis ni d'aucune feuille de route détaillée pour la transition démocratique. L'expérience historique démontre abondamment que les régimes d'exception tendant à se perpétuer bien au-delà des circonstances qui ont justifié leur instauration initiale, les structures de pouvoir informelles finissant par se consolider et les groupes ayant bénéficié de la situation extraordinaire développant un intérêt évident au maintien du statu quo. Dans le cas kartvélien, les officiers de l'AFRE qui contrôlent désormais des pans entiers de l'économie de l'appareil sécuritaire auront-ils réellement intérêt à renoncer volontairement à leurs prérogatives au profit d'institutions civiles élues ? Les anciens chefs de milice recyclés en commandants régionaux accepteront-ils de se soumettre à l'autorité d'un gouvernement civil qui pourrait remettre en question leurs arrangements lucratifs ? L'Estalie elle-même, qui a investi massivement dans la stabilisation de la Kartvélie et y a développé des intérêts économiques considérables, sera-t-elle disposée à prendre le risque d'élections libres dont le résultat pourrait être l'arrivée au pouvoir de forces nationalistes hostiles à l'influence estalienne ? Ces interrogations fondamentales demeurent pour l'instant sans réponse claire et la trajectoire politique de la Kartvélie dans les mois et années à venir dépendra largement des rapports de force qui se cristalliseront entre les différents acteurs une fois la phase aiguë de consolidation militaire achevée, si tant est qu'elle le soit jamais véritablement.
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Opération Relance :

Reconstruire la Patrie Kartvélienne !




Quatre mois après la prise de contrôle par l'Agence des Forces Révolutionnaires Expéditionnaires et l'instauration du Conseil Révolutionnaire Provisoire dirigé par Gleb Markovitch, la Kartvélie commence à voir émerger les contours d'une stratégie économique cohérente qui rompt avec l'improvisation chaotique qui avait caractérisé les deux années précédentes. Cette stratégie, baptisée officieusement Opération Relance par les cadres de l'AFRE, repose sur une lecture lucide mais brutale de la situation actuelle du pays et s'articule autour d'un constat fondamental que peu de dirigeants précédents avaient osé formuler aussi crûment. La Kartvélie ne peut pas, dans l'immédiat, prétendre à une souveraineté économique complète ni à une indépendance vis-à-vis de son puissant voisin estalien. Cette dépendance structurelle, loin d'être niée ou combattue frontalement comme le réclamaient les factions les plus nationalistes du spectre politique kartvélien, est au contraire assumée et instrumentalisée comme point de départ d'une reconstruction pragmatique qui vise non pas l'autonomie immédiate mais la viabilité fonctionnelle à moyen terme. Le pari du Conseil Révolutionnaire Provisoire est audacieux et potentiellement périlleux puisqu'il consiste à stabiliser l'économie en approfondissant temporairement certaines formes de dépendance tout en créant simultanément les conditions d'une autonomisation progressive. Cette approche paradoxale, assumant ouvertement ce que les gouvernements précédents pratiquaient honteusement dans l'ombre jusqu'alors, soulève un certain nombre de questions sur la nature même de la souveraineté dans un monde où les petites nations révolutionnaires comme la Kartvélie doivent composer avec des puissances alliées mais dans des rapports parfaitement asymétriques, une situation d'autant plus similaire qu'on pourrait autant l'appliquer à la Kartvélie, dans le giron estalien, comme la Communauterra dans le giron kah-tanais ou la DCT autrefois dans le giron loduarien. Pour comprendre la logique qui sous-tend l'Opération Relance, il faut d'abord dresser un état des lieux de l'économie kartvélienne au moment où l'AFRE a pris les commandes en août 2017.

L'héritage économique désastreux que le Conseil Révolutionnaire Provisoire a dû assumer était le produit cumulé de deux années de gouvernance erratique depuis la Révolution Brune de février 2015. La production industrielle, qui représentait encore 35% du PIB sous la République en décembre 2014, s'était effondrée à 8% en mars 2015 avant de stagner autour des 12% durant les deux années suivantes malgré les efforts du Comité de Reconstruction et du gouvernement fédéral. Cette désindustrialisation catastrophique résultait d'une conjonction de facteurs incluant la fuite massive des capitaux privés, l'effondrement des chaînes d'approvisionnement suite à la perte des trois quarts du territoire national lors de la désintégration post-révolutionnaire, la désorganisation complète des structures de gestion avec la collectivisation précipitée et souvent chaotique des moyens de production et surtout le manque criant d'investissements dans la modernisation et l'entretien des équipements existants qui, pour beaucoup, dataient de l'ère socialiste des années 1980. Le secteur agricole ne se portait guère mieux malgré les réformes ambitieuses tentées par le Comité de Reconstruction en mars 2015. La formation forcée de coopératives communales uniques par commune, mesure qui sur le papier devait rationaliser la production et éliminer la fragmentation inefficace qui caractérisait les premiers mois après la révolution, s'était heurtée à de multiples obstacles pratiques. Le manque de formation des nouveaux membres des coopératives, pour la plupart d'anciens chômeurs urbains reconvertis à la hâte en travailleurs agricoles, la pénurie chronique d'équipements mécaniques qui obligeait à un recours massif au travail manuel beaucoup moins productif, l'insuffisance des infrastructures de stockage et de transformation qui entraînait des pertes post-récolte considérables et surtout la résistance passive d'une partie de la paysannerie traditionnelle qui voyait dans ces réformes une nouvelle forme de collectivisation imposée d'en haut. Tout cela avait considérablement limité les gains de productivité espérés initialement par le Comité de Reconstruction. En conséquence, malgré l'augmentation du nombre de personnes qui travaillent dans le secteur agricole avec l'exode urbain massif provoqué par le chômage de masse industriel, la production agricole par tête reste inférieure aux niveaux d'avant la Révolution et la Kartvélie continuait de dépendre massivement des importations alimentaires estaliennes pour nourrir sa population urbaine résiduelle. La situation monétaire constituait également un des symptômes les plus visibles et humiliants de la déliquescence économique kartvélienne. Le lari, monnaie nationale théoriquement souveraine, avait progressivement cédé du terrain face à l'unitas estalien dans une proportion alarmante de l'économie réelle. Les estimations les plus récentes suggèrent qu'en août 2017, environ 40% des transactions commerciales en Kartvélie s'effectuaient déjà en unitas plutôt qu'en lari, proportion qui atteint 70% dans les communes frontalières à l'Estalie. Cette unitasisation rampante de l'économie kartvélienne découlait d'une logique implacable qui n'avait rien à voir avec une quelconque conspiration ou imposition forcée. Les consommateurs et commerçants kartvéliens choisissaient rationnellement d'utiliser l'unitas parce que cette monnaie était stable alors que le lari continuait de perdre de sa valeur malgré les tentatives du Comité de Reconstruction, surtout parce que les biens importés d'Estalie qui constituaient une part croissante de la consommation kartvélienne étaient naturellement tarifés en unitas, que les banques kartvéliennes nationalisées mais dépendantes des lignes de crédit estaliennes offraient des conditions plus favorables pour les dépôts et les prêts libellés en unitas et aussi parce que dans un environnement économique profondément incertain, conserver ses économies en unitas plutôt qu'en laris apparaissait comme du simple bon sens. Le gouvernement fédéral précédent avait oscillé entre des tentatives timides de défendre le lari par des mesures administratives vouées à l'échec et une acceptation tacite de l'unitasisation qu'il n'osait pas assumer publiquement, créant ainsi le pire des deux mondes où ni la souveraineté monétaire n'était préservée et ni les avantages d'une intégration monétaire formelle n'étaient pleinement exploitées. Le chômage demeurait également endémique malgré l'absorption de la main d'oeuvre urbaine par le secteur agricole et par les milices communales qui avaient proliféré durant la période d'anarchie relative précédant le coup d'Etat de l'AFRE. Les chiffres officiels, probablement sous-estimés, faisaient état d'un taux de chômage de 28% de la population active en juillet 2017 mais si l'on incluait le sous-emploi massif qui caractérisait l'agriculture kartvélienne où des quantités considérables de main d'oeuvre étaient occupées à des tâches de très faible productivité faute d'équipements adéquats, le taux de chômage et de sous-emploi combinés approchait probablement les 45%. Cette armée de réserve de travailleurs sans emploi ou mal employés constituait à la foi un défi social majeur et paradoxalement une ressource sous-utilisée que des politiques appropriées pourraient mobiliser pour la reconstruction. Les infrastructures physiques du pays présentent un tableau contrasté reflétant les investissements sélectifs et intéressés effectués par l'AFRE depuis son arrivée en Kartvélie en 2016. Les zones sous influence directe de l'AFRE, notamment celles liées à l'extraction et au transport des ressources naturelles, avaient bénéficié d'investissements substantiels financés en grande partie par les revenus que l'AFRE captait via ses diverses opérations économiques. Les routes menant aux gisements de lithium d'Urmeli avaient été refaites, le complexe douanier d'Abekha avait été modernisé et agrandi, les pipelines et les installations ferroviaires servant à l'exportation des hydrocarbures avaient étés entretenus et sécurisés. En revanche, les infrastructures servant principalement les besoins domestiques de la population kartvélienne, notamment les réseaux électriques urbains, les systèmes d'approvisionnement en eau potable, les routes secondaires reliant les communes rurales entre elles, les écoles ou encore les hôpitaux, toutes ces infrastructures continuaient à se dégrader faute d'investissements suffisants. Cette géographie différenciée de l'investissement infrastructurel reflète et renforce la structure néo-coloniale de l'économie kartvélienne où les circuits d'extraction et d'exportation fonctionnent efficacement là où l'économie domestique servant les besoins de la population locale demeure anémique.

C'est face à ce tableau désolant que le Conseil Révolutionnaire Provisoire a élaboré une stratégie de stabilisation économique. Le premier pilier de cette stratégie, et probablement le plus controversé sur le plan symbolique bien que le plus pragmatique sur le plan économique, consiste en l'acceptation formelle et l'institutionnalisation de l'unitasisation de l'économie kartvélienne. Plutôt que de continuer à mener un combat d'arrière-garde désespéré et voué à l'échec pour maintenir artificiellement le lari comme monnaie dominante, le Conseil a décidé en fin novembre 2017 de reconnaître officiellement l'unitas comme monnaie ayant cours légal en Kartvélie aux côtés du lari, établissant ainsi un système de bimétallisme de facto. Cette décision, annoncée publiquement le 20 Novembre lors d'une allocution télévisée de Gleb Markovitch, a provoqué une tempête de protestations de la part des nationalistes et de la faction réformiste qui y ont vu une capitulation honteuse et une abdication pure et simple de la souveraineté monétaire kartvélienne. Les manifestations qui ont éclaté dans plusieurs villes, bien que rapidement maîtrisées par les forces de sécurité de l'AFRE, ont démontré que cette mesure touchait à quelque chose de profondément symbolique dans l'imaginaire national kartvélien, la monnaie étant perçue comme un instrument économique mais aussi comme un attribut essentiel de la souveraineté et de l'identité nationale. Le Conseil Révolutionnaire Provisoire a cependant tenu bon sur cette décision en argumentant que la reconnaissance officielle de l'unitas n'était que l'actage formel d'une réalité économique déjà largement établie dans les faits et qu'il valait mieux réguler et encadrer cette réalité plutôt que de la laisser se développer dans l'ombre de manière totalement anarchique. Plus important encore, l'officialisation du statut de l'unitas permet au gouvernement kartvélien de négocier avec les autorités estaliennes le terme de cette intégration monétaire plutôt que de la subir passivement. Les négociations qui ont suivi entre le Conseil Révolutionnaire Provisoire et la Banque Populaire (la banque centrale estalienne), sous l'égide de la Chambre des Négociations, ont abouti en début décembre 2017 à un accord monétaire bilatéral qui tente de préserver au moins quelques attributs symboliques de souveraineté kartvélienne tout en actant l'intégration monétaire de facto. L'accord stipule que le lari continue d'exister comme monnaie nationale kartvélienne et reste l'unité de compte officielle pour les budgets gouvernementaux, les contrats de droit public et les statistiques économiques nationales mais que l'unitas est reconnu comme moyen de paiement légal pour toutes les transactions et que les agents économiques peuvent librement choisir quelle monnaie utiliser. Un taux de change fixe est établi entre le lari et l'unitas, fixé à un niveau qui valorise quelque peu le lari par rapport au taux de marché noir qui prévalait auparavant, geste symbolique destiné à sauver la face du gouvernement kartvélien. La Banque Populaire de Kartvélie (banque centrale kartvélienne) conserve formellement son existence et ses prérogatives théoriques mais dans les faits, elle devient une caisse d'émission fonctionnant sous supervision étroite de la Banque Populaire estalienne, ne pouvant émettre de nouveaux laris que dans la mesure où elle dispose de réserves en unitas pour garantir la convertibilité au taux de change fixe établi. Ce système s'apparente de facto à un currency board où la monnaie locale devient une simple représentation locale d'une monnaie étrangère dominante, système qui a l'avantage de la stabilité monétaire immédiate au prix de la perte totale d'autonomie en matière de politique monétaire. Pour le Conseil Révolutionnaire Provisoire, ce sacrifice de l'autonomie monétaire est le prix à payer pour obtenir la stabilité des prix et la confiance dans le système bancaire, deux conditions préalables absolument nécessaires à toute forme de relance économique. L'hyperinflation et l'instabilité monétaire qui avaient caractérisé les deux années précédentes avaient détruit l'épargne de la classe moyenne kartvélienne, découragé tout investissement à long terme et créé un climat d'incertitude économique qui paralysait toute activité au-delà de la simple survie au jour le jour. En ancrant solidement la valeur de la monnaie en circulation en Kartvélie à l'unitas estalien stable, le gouvernement espère restaurer la confiance minimale nécessaire pour que les agents économiques recommencent à épargner, à investir et à planifier au-delà de l'horizon immédiat. Les premières semaines suivant la mise en oeuvre de l'accord monétaire semblent confirmer ce pari : l'inflation mensuelle, qui oscillait entre 8 et 12% durant l'été 2017, est tombée à moins de 2% en décembre, les dépôts bancaires qui avaient fondu durant la période de crise monétaire commencent à se reconstituer et les commerçants qui thésaurisaient leurs marchandises dans l'attente d'une dépréciation monétaire supplémentaire les remettent en circulation, créant ainsi une amélioration tangible de la disponibilité des biens de consommation dans les marchés urbains. Ces améliorations immédiates et visibles dans la vie quotidienne des Kartvéliens ont d'ailleurs contribué à atténuer quelque peu les protestations nationalistes initiales, beaucoup de citoyens étant prêts à accepter une perte de souveraineté abstraite en échange de la possibilité concrète d'acheter de la nourriture à des prix stables et de savoir que leurs maigres économies ne seront pas effacées par l'inflation galopante.

Le deuxième pilier de la stratégie de stabilisation économique du Conseil Révolutionnaire Provisoire concerne la réorganisation en profondeur du secteur industriel qui demeure le maillon faible de l'économie kartvélienne malgré les tentatives de relance menées par le Comité de Reconstruction en 2015. Le constat de départ est brutal : la Kartvélie ne peut pas dans l'immédiat prétendre reconstruire une industrie diversifiée et compétitive capable de rivaliser sur les marchés internationaux ou même de satisfaire pleinement la demande domestique. Les capitaux manquent, la main d'oeuvre qualifiée a largement fui vers l'Estalie ou vers d'autres pays capitalistes, les équipements sont obsolètes, les chaînes d'approvisionnement sont brisées et les économies d'échelle nécessaires à la compétitivité industrielle moderne sont impossibles à atteindre dans un marché domestique aussi restreint que celui de la Kartvélie. Plutôt que de disperser les maigres ressources disponibles dans des tentatives vaines de relancer simultanément tous les secteurs industriels, le Conseil a opté pour une stratégie de focalisation sectorielle qui concerne les efforts sur un nombre limité de secteurs jugés stratégiques et viables. Les secteurs identifiés comme prioritaires sont au nombre de quatre et leur sélection n'est pas innocente car elle reflète directement les besoins et les intérêts de l'AFRE et plus largement de l'économie estalienne. Le premier secteur prioritaire est celui de l'extraction et de la transformation primaire des ressources naturelles, notamment le lithium, les hydrocarbures et les minerais métalliques présents dans le sous-sol kartvélien. Ce secteur bénéficie déjà d'investissements substantiels de la part de l'AFRE et des coopératives mixtes estalo-kartvéliennes, la stratégie du Conseil consiste donc à formaliser et étendre ce qui existe déjà de manière semi-informelle. Un nouveau cadre réglementaire a été mis en place au cours du mois de Décembre pour clarifier les droits et obligations des différents acteurs impliqués dans l'extraction des ressources en établissant des standards environnementaux et de sécurité au travail minimaux dont le respect sera théoriquement assuré par des inspecteurs gouvernementaux ; de plus, l'AFRE va créer une taxe d'extraction unifiée qui va remplacer la multitude de prélèvements informels et de contributions volontaires qui caractérisaient auparavant les arrangements entre l'AFRE et les communes. Cette taxe, fixée à 15% de la valeur marchande des ressources extraites, doit en théorie être versée au Trésor Public kartvélien et figurer dans le budget de l'Etat au lieu de disparaître dans les circuits opaques contrôlés par l'AFRE. Dans les faits, des mécanismes de compensation complexes font que l'AFRE récupère indirectement une partie substantielle de cette taxe sous forme de paiements pour services de sécurité, de logistique et d'infrastructures mais au moins, les flux financiers sont maintenant partiellement visibles et comptabilisés dans les statistiques économiques officielles, ce qui représente un progrès marginal par rapport à l'opacité totale qui prévalait auparavant. L'objectif affiché du gouvernement est d'augmenter la production dans le secteur extractif pour atteindre d'ici 2020 une génération de revenus d'exportation suffisante pour financer les importations essentielles et dégager un surplus permettant d'investir dans les autres secteurs de l'économie. Ce pari sur le développement d'une économie rentière basée sur les ressources naturelles comporte évidemment tous les risques de la malédiction des ressources, notamment la création d'une dépendance structurelle aux revenus volatils des matières premières, le syndrome hollandais où le secteur extractif capte tous les investissements au détriment de la diversification productive et la perpétuation de relations néocoloniales où la Kartvélie reste cantonnée dans le rôle d'exportateur de matières brutes tandis que la valeur ajoutée de la transformation est capturée en Estalie. Le Conseil Révolutionnaire Provisoire n'ignore pas ces risques mais considère qu'à court terme, il n'existe aucune alternative viable, les ressources naturelles sont le seul avantage comparatif indiscutable dont dispose la Kartvélie et le seul secteur capable de générer rapidement des devises fortes nécessaires à la reconstruction. Le deuxième secteur industriel prioritaire est celui de la transformation agricole et agroalimentaire, secteur stratégique car directement lié à la sécurité alimentaire de la population. L'objectif n'est plus comme sous le Comité de Reconstruction de viser l'autosuffisance alimentaire complète qui s'est révélée irréaliste à court terme mais plus modestement de développer des capacités de transformation locale qui ajoutent de la valeur aux produits agricoles kartvéliens avant leur consommation ou leur exportation éventuelle. Des investissement sont donc dirigés vers la construction et la modernisation d'installations de transformation incluant des minoteries pour transformer le grain en farine, des conserveries pour prolonger la durée de vie des fruits et légumes et réduire les pertes après la récolte qui restent aujourd'hui considérables, des laiteries pour transformer le lait en produits dérivés à plus longue conservation et des abattoirs modernes respectant des standards sanitaires minimaux. Ces installations sont conçues dès le départ comme des coopératives régionales regroupant plusieurs communes agricoles plutôt que comme des entreprises publiques centralisées, logique qui s'inscrit dans le courant de pensée libertaire dont se revendique le régime tout en permettant une certaine décentralisation de la gestion qui améliore de fait la réactivité aux conditions locales. Le financement de ces investissements provient d'un mélange de trois sources : des prêts concessionnels accordés par la Banque d'Aide Internationale estalienne à des taux d'intérêt subventionnés, des contributions directes du gouvernement kartvélien alimenté par les nouvelles taxes sur les ressources naturelles et des investissements directes de coopératives agroalimentaires estaliennes qui voient dans la Kartvélie à la fois un fournisseur potentiel de matières premières agricoles et un marché captif pour certains de leurs produits transformés. Cette dernière source de financement soulève évidemment des questions sur l'autonomie réelle des coopératives kartvéliennes qui risquent de devenir de simples sous-traitants de leurs homologues estaliennes mieux établies et plus puissantes mais le Conseil considère que même une intégration subordonnée dans les chaînes de valeur agroalimentaires estaliennes est préférable au statu quo où la Kartvélie importe la quasi-totalité de ses produits transformés. Le troisième secteur industriel prioritaire est ensuite celui de la construction et des matériaux de construction, secteur crucial pour la reconstruction des infrastructures physiques du pays et pour la création massive d'emplois peu qualifiés pouvant absorber une partie du chômage structurel. La stratégie consiste ici à relancer la production domestique de matériaux de base comme le ciment, les briques, le béton préfabriqué, les éléments de charpente métallique, tous des intrants nécessaires à la construction qui, actuellement, doivent être largement importés à grands frais. Plusieurs cimenteries qui avaient cessé de fonctionner après la Révolution Brune faute de capitaux et de marchés sont remises en service avec des investissements conjoints estalo-kartvéliens, des carrières sont rouvertes pour extraire les matières premières nécessaire et surtout, un programme massif de travaux publics est lancé afin de créer la demande nécessaire pour faire tourner ces industries. Ce programme de travaux publics, baptisé sobrement "Programme de Reconstruction Nationale", doté d'un budget de 200 millions d'unitas répartis sur trois ans, vise à la fois des objectifs économiques de relance par la demande et des objectifs sociaux de création d'emplois et de légitimation du régime par la démonstration de réalisations tangibles. Les projets prioritaires incluent généralement la réfection des routes principales qui relient les grandes villes entre elles ainsi qu'avec l'Estalie, l'extension et la modernisation des réseaux électriques urbains pour réduire la fréquence des coupures de courant qui restent un irritant quotidien majeur pour la population, la construction de logements sociaux dans les grandes villes pour remplacer les bidonvilles informels qui se sont développés avec l'afflux de réfugiés internes durant la période chaotique qui a suivi la Révolution ainsi que la réhabilitation des écoles et des centres de santé dans les zones rurales. Ces travaux sont conçus pour être intensifs en main d'oeuvre plutôt qu'en capital, privilégiant des techniques de construction relativement simples qui peuvent employer un grand nombre de travailleurs peu qualifiés plutôt que des méthodes hautement mécanisées qui seraient plus rapides mais qui créeraient aussi moins d'emplois. L'objectif affiché est de créer 50 000 emplois directs dans le secteur de la construction d'ici la fin de l'année, emplois qui paieraient des salaires modestes mais réguliers permettant à des dizaines de milliers de familles de sortir de la précarité absolue et de recommencer à consommer, créant ainsi un cercle vertueux de relance par la demande. Le quatrième et dernier secteur industriel vise quant à lui la production d'équipements agricoles et industriels de base, secteur crucial pour permettre la mécanisation progressive de l'agriculture et l'amélioration de la productivité industrielle. La Kartvélie produisait autrefois sous la République Socialiste une gamme raisonnable de tracteurs, de moissonneuses-batteuses, d'outils mécaniques et de pièces détachées dans ses usines de mécanique lourde mais ces capacités ont été largement perdues durant les décennies de libéralisme qui ont suivi puis qui ont étés achevées avec la Révolution. La stratégie du Conseil consiste donc à reconstruire des capacités de production modestes mais fonctionnelles en se concentrant sur des équipements simples et robustes adaptés aux conditions kartvéliennes plutôt que d'essayer de rivaliser avec la sophistication technologique des équipements estaliens ou importés d'ailleurs. Concrètement, cela signifier relancer la production de tracteurs de puissance moyenne, de charrues et d'équipements de labour, d'équipements d'irrigation de base, de générateurs électriques, de pompes et d'outillage mécanique standard. Ces productions s'appuieront largement sur des transferts de technologie depuis l'Estalie, des ingénieurs estaliens étant envoyés pour former leurs homologues kartvéliens et superviser la remise en route des chaînes de production, et sur l'importation de composants critiques qui ne peuvent pas être produits localement. Le modèle économique envisage est celui de l'assemblage et de la fabrication sous licence où les usines kartvéliennes produiraient essentiellement des versions simplifiées et moins chères d'équipements conçus en Estalie, capturant ainsi la valeur ajoutée de l'assemblage et créant des emplois industriels qualifiés tout en restant dépendantes de l'Estalie pour les composants de haute technologie et les droits de propriété intellectuelle. Cette stratégie de substitution partielle aux importations dans des secteurs sélectionnés permettra à la Kartvélie de remonter progressivement les chaînes de valeur et de développer des capacités de conception et d'innovation propres, bien que cette ambition semble encore hors d'atteinte pour le moment.

Le troisième pilier de l'Opération Relance concerne la rationalisation et l'intensification de la production agricole, secteur qui occupe désormais près de 60% de la population active kartvélienne mais qui génère une part disproportionnellement faible de la valeur ajoutée économique totale en raison de sa très faible productivité. Le Conseil Révolutionnaire Provisoire hérite ici des réformes lancées par le Comité de Reconstruction en 2015 qui avaient créé le cadre des coopératives agricoles communales uniques, mais il constate que ce cadre formel n'a pas suffi à transformer réellement les pratiques agricoles ni à améliorer significativement les rendements. Le problème fondamental reste le manque criant de mécanisation, la plupart des travaux agricoles continuant à être effectués manuellement ou avec des outils rudimentaires, ce qui limite drastiquement la productivité du travail et condamne une partie massive de la population à un labeur physique épuisant pour des résultats médiocres. La solution évidente serait de mécaniser massivement l'agriculture kartvélienne en important ou en produisant localement des quantités importantes de tracteurs et d'équipements motorisés, mais cette solution se heurte à un double obstacle. D'une part, le coût d'acquisition des équipements reste prohibitif pour des coopératives agricoles qui disposent de très peu de capitaux propres et ont un accès limité au crédit malgré l'existence théorique d'une banque agricole nationale créée sous le Comité de Reconstruction. D'autre part, et c'est un problème plus profond et plus difficile à résoudre, la mécanisation agricole entraînerait nécessairement une réduction drastique des besoins en main d'œuvre agricole, libérant potentiellement des centaines de milliers de travailleurs qui n'auraient nulle part où aller étant donné la faiblesse de l'absorption par les secteurs industriels et des services. Cette contradiction entre la nécessité d'augmenter la productivité agricole et le risque de créer un chômage de masse incontrôlable hante toutes les discussions sur la politique agricole et explique en partie la prudence du Conseil dans ce domaine. La stratégie adoptée consiste en une mécanisation progressive et sélective qui commence par les coopératives les plus performantes et les zones les plus productives, créant ainsi des pôles d'excellence agricole qui pourront servir de modèles et de sources de diffusion des bonnes pratiques vers le reste du secteur. Un fonds de mécanisation agricole doté de 50 millions d'unitas sur trois ans est créé pour subventionner l'acquisition d'équipements par les coopératives agricoles, les subventions couvrant jusqu'à 70% du coût d'acquisition pour les coopératives démontrant un bon niveau de gestion et de productivité. Les équipements subventionnés doivent prioritairement provenir de la production domestique kartvélienne une fois que celle-ci sera relancée, créant ainsi une synergie entre développement industriel et modernisation agricole. En parallèle de cette mécanisation progressive, le Conseil met l'accent sur l'amélioration des pratiques agronomiques par la diffusion de connaissances techniques et la fourniture d'intrants de qualité. Un corps d'agronomes de terrain est constitué en recrutant des diplômés d'agronomie au chômage et en les déployant dans les communes rurales avec pour mission de conseiller les coopératives sur les rotations de cultures, l'utilisation optimale des engrais et des pesticides, les techniques d'irrigation, la sélection des semences, et la lutte contre les maladies des plantes et des animaux. Ce programme de vulgarisation agricole s'inspire directement des systèmes de conseillers agricoles qui existent en Estalie instaurée par le KROMEVAT estalien et qui ont largement contribué à la modernisation de l'agriculture estalienne au cours des dernières années, faisant de la Fédération un véritable leader dans la production agricole. Les agronomes sont rémunérés par l'État fédéral mais travaillent en étroite collaboration avec les coopératives locales, créant ainsi un lien institutionnel entre le centre et la périphérie qui fait cruellement défaut dans la structure politique kartvélienne actuelle. Un système de fermes modèles est également mis en place dans chaque région, ces fermes étant gérées directement par l'État ou par des coopératives sélectionnées pour leur niveau de professionnalisme et servant de vitrines technologiques où les agriculteurs des coopératives environnantes peuvent venir observer concrètement les résultats des pratiques modernes et être convaincus de leur efficacité par la démonstration plutôt que par l'injonction théorique. La question de l'accès au crédit agricole, identifiée comme un goulot d'étranglement majeur par toutes les analyses précédentes, fait l'objet d'une attention particulière. La Banque Agricole Nationale créée en 2015 par le Comité de Reconstruction existe toujours formellement mais elle était devenue largement dysfonctionnelle, disposant de capitaux insuffisants et appliquant des critères de crédit si stricts que seule une minorité infime de coopératives pouvait effectivement accéder à ses prêts. Le Conseil procède à une recapitalisation massive de cette banque en lui injectant 100 millions d'unitas provenant d'un prêt de la Banque d'Aide Internationale estalienne, fonds qui permettent de multiplier par cinq le volume de crédit disponible pour le secteur agricole. Les taux d'intérêt pratiqués sont maintenus très bas, autour de 1 à 2% en termes réels, ce qui représente une subvention implicite massive financée in fine par les contribuables estaliens via le prêt concessionnel initial. Les conditions d'accès au crédit sont également assouplies, la banque étant instruite d'adopter une approche plus souple dans l'évaluation de la solvabilité des coopératives et d'accepter un niveau de risque de défaut plus élevé que ne le ferait une banque commerciale normale. Cette politique de crédit agricole laxiste comporte évidemment le risque d'une accumulation de créances douteuses qui pourraient à terme menacer la viabilité de la banque elle-même, mais le Conseil considère qu'il s'agit d'un risque acceptable étant donné l'urgence de relancer la production agricole et la nécessité de démontrer aux coopératives que le nouveau régime prend leurs problèmes au sérieux. Un système d'assurance-récolte subventionnée est également introduit pour protéger les agriculteurs contre les aléas climatiques et les chocs de prix qui sont particulièrement fréquents et dévastateurs dans l'agriculture kartvélienne caractérisée par une forte variabilité interannuelle des rendements. Cette assurance, dont les primes sont partiellement prises en charge par l'État, permet aux agriculteurs de prendre des risques calculés en investissant dans des cultures potentiellement plus rentables mais aussi plus sensibles aux conditions météorologiques, sachant qu'ils ne seront pas ruinés en cas de mauvaise année. Sur le plan de l'organisation des filières agricoles, le Conseil poursuit et approfondit la logique de mutualisation initiée par le Comité de Reconstruction en renforçant le rôle des centres de distribution régionaux qui servent d'interface entre les coopératives productrices et les marchés de consommation urbains. Ces centres, au nombre de quinze répartis stratégiquement sur le territoire contrôlé par la Fédération, sont dotés de moyens logistiques accrus incluant des entrepôts frigorifiques pour les produits périssables, des unités de conditionnement et d'emballage qui permettent de standardiser la présentation des produits et d'améliorer leur valeur marchande, et des laboratoires de contrôle qualité qui certifient que les produits respectent les normes sanitaires minimales. L'objectif est de créer une chaîne de valeur intégrée qui relie directement les producteurs aux consommateurs en éliminant ou en réduisant drastiquement le rôle des intermédiaires qui dans le système antérieur captaient une part disproportionnée de la valeur ajoutée tout en n'apportant que des services logistiques rudimentaires. Les centres de distribution sont gérés par des coopératives de second niveau regroupant les coopératives productrices d'une même région, créant ainsi une structure à deux niveaux qui permet de combiner l'autonomie locale des coopératives de base avec une coordination régionale nécessaire pour atteindre des économies d'échelle dans la commercialisation. Un système d'information de marché est également mis en place qui diffuse quotidiennement via des bulletins radio et des affichages dans les communes les prix pratiqués dans les différents centres de distribution et sur les marchés urbains, permettant aux producteurs de prendre des décisions informées sur quoi produire et où vendre plutôt que d'être à la merci d'informations fragmentaires et souvent manipulées par les acheteurs.
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