La Révolution Brune a grandement bouleversé l'armée kartvélienne à la fois dans sa structure, son commandement ainsi que dans son positionnement politique vis-à-vis des évènements en Kartvélie. L'armée d'avant la révolution était discutable à tous les points de vue. En effet, elle manquait d'abord de matériel mécanisé et devait compter plus largement sur un secteur militaro-industriel assez restreint qui ne satisfaisait que peu ses besoins pour la défense nationale. La guerre dans le Saïdan a été le point de discorde central au sein de l'armée kartvélienne que ce soit sur la doctrine employée pour lutter contre les terroristes de la Rache, la protection des civils dans les opérations ou les méthodes employées pour limiter le nombre de victimes dans les rangs de l'armée. Le Saïdan était synonyme de boucherie inutile pour les subordonnés militaires et les soldats les plus en-dessous de la hiérarchie rechignaient à aller se battre dans les montagnes du Saïdan. Ce manque de motivation liée au conflit du Saïdan a accentué les tensions existantes au sein de l'armée mais pas seulement. Le SRR a mené une véritable campagne de sabordage interne de l'armée kartvélienne afin de la rendre dysfonctionnelle et ainsi disposer d'un avantage tactique et stratégique certain en cas de conflit estalo-kartvélien. Ce conflit n'a jamais eu lieu ; au lieu de cela, la Kartvélie s'est effondrée sur elle-même. Néanmoins, les défauts liés au sabotage estalien sont restés et continuent de miner l'armée kartvélienne en terme d'efficacité mais aussi sur son commandement, sa structure et sa loyauté politique.
Les forces armées kartvéliennes post-révolutionnaires ont subis une saignée à cause des désertions récurrentes et de la désertion. De ce fait, le moral au sein de l'armée, que ce soit des troupes actuellement en poste ou des nouvelles recrues sont très basses, sans oublier que les restrictions budgétaires de la défense par le Comité de Reconstruction ont causés une baisse de moitié de la solde des soldats, y compris des officiers. A ce moral s'ajoute le manque d'encadrement légal de l'armée : il n'existe plus aucune cour martiale pour les militaires. Ainsi, les exactions commises par l'armée ne sont que rarement punies, seuls les actes individuels semblent obtenir justice, souvent par des représailles physiques des civils eux-mêmes. En toute impunité, pour arrondir les fins de mois avec une demi-solde, les soldats trouvent d'autres moyens d'obtenir des revenus. Le trafic d'armes est donc devenu le deuxième métier des militaires : le réseau d'armes à feu déjà mis en place par le SRR s'est généralisé après la Révolution dans toute l'armée et aujourd'hui, l'ensemble de l'armée semble impliqué dans ce trafic important d'armes à feu dans tout le pays et même au-delà. Les militaires sont souvent en coopération étroite avec la mafia locale et il n'est pas rare que des groupes de militaires mènent des attaques de représailles contre d'autres unités pour le monopole du trafic. En somme, l'armée en elle-même est devenue une gigantesque mafia.
Ce n'est pas tout. En plus du trafic auquel les militaires s'adonnent dans l'illégalité la plus totale, les officiers eux-mêmes y participent. Les officiers, justement. Ceux-ci, en plus d'être fortement corrompus, de commettre des exactions récurrentes sur les populations sous forme de réquisitions de nourriture, de substances divertissantes (comme la drogue ou l'alcool) ou de meubles par exemple. On constate en effet que les soldats de l'armée kartvélienne ont un ravitaillement plus que restreint : les rations de combat sur lesquels l'armée et les soldats comptaient pour s'alimenter étaient produits par Karasis, une entreprise de la défense en contrat avec l'Etat pour fournir des rations de combat spécifiques à l'armée kartvélienne. La crise et la Révolution ont eu raison de cette entreprise qui a fait faillite peu après la Révolution, coupant la chaîne d'approvisionnement de l'armée kartvélienne. Ces réquisitions servent donc effectivement à nourrir les soldats mais encore sont-elles faites dans la violence et les réquisitions s'accompagnent de privations peu utiles, davantage réquisitionnés pour le confort des soldats que par utilité pratique. Les officiers gèrent et commandent ces réquisitions souvent de leur propre initiative et se montrent complaisants avec les villes et villages qui leur versent une certaine somme d'argent pour leur compte personnel, sans oublier que certains officiers gèrent eux-mêmes le trafic d'armes afin d'en tirer des revenus personnels à large échelle sur le dos de leurs hommes. En plus de leur corruption, du népotisme et du favoritisme ambiant dans l'armée kartvélienne, c'est la loyauté politique qui est sévèrement impactée : la plupart des officiers ayant en moyenne 35 ans passés, ils ont faits pour la majorité leurs classes d'officiers sous la République Socialiste de Kartvélie (1963-1998), ils font donc partie d'un vieil establishment militaire datant du siècle dernier et qui s'est acclimaté après la Révolution Rose au pouvoir républicain. Si la Révolution Brune a par la suite permis une certaine purge des officiers d'aspiration républicaine au sein du corps des officiers, la nouvelle génération d'officiers formés dans les années 2000 et 2010 sont en concurrence permanente pour expulser la vieille génération d'officiers du pouvoir militaire central. Au sein de l'état-major, les officiers de l'ancienne et la nouvelle génération se livrent une lutte sans merci dans des guerres clandestines entres unités, petites mafias et emplois de voyous, le tout financés par des trafics d'armes et de drogues. C'est donc une guerre interne générationnelle entre ces deux partis qui se lancent.
La division est aussi politique, et ce à plusieurs niveaux. Il y a bien des officiers apolitiques qui serviraient sous n'importe quel régime mais la majorité des officiers ont des aspirations politiques, une confrontation politique civile qui s'est transposée dans le domaine militaire sur la question de la nature même de l'armée. Les officiers dits radicaux souhaitent une armée décentralisée et communale, une armée en somme divisée en fonction des communes du pays avec un état-major pour diriger le tout à l'échelle fédérale. De l'autre côté, les officiers réformistes souhaitent la mise en place d'une armée unitaire et commune, dirigée directement par l'Etat fédéral et qui ferait fi des divisions territoriales des communes, sur un modèle beaucoup plus proche de celui de l'Armée Rouge estalienne dans les faits. De plus, les deux camps se divisent également sur la doctrine militaire à employer pour l'armée révolutionnaire : les radicaux souhaitent faire de l'armée kartvélienne une armée populaire s'appuyant sur la masse numérique et qui servirait d'armée de soutien aux opérations militaires estaliennes, l'armée principale de l'Anarchisme Renouvelé ; en cas de conflit armé sur le sol kartvélien, l'armée kartvélienne serait une force populaire capable d'employer une grande partie de sa propre population pour se défendre face à un ennemi certes supérieur mais qui s'empêtrerait dans une guerre insurrectionnelle de masse où la majorité de la population expulserait l'ennemi des frontières nationales par le harcèlement constant, la guérilla et les méthodes insurrectionnelles. Les réformistes estiment cette approche comme réductrice et servile, l'armée kartvélienne n'est pas destinée à cirer les bottes de l'Armée Rouge dans les conflits extérieurs qui ne concernent guère la Kartvélie ; au contraire, l'armée kartvélienne doit adopter une doctrine de combat professionnelle, basée sur une force mécanisée et une aviation de qualité capable de mener une tactique de choc et effroi contre toute force armée conventionnelle afin de protéger le sol national. Deux visions donc très différentes de la guerre et de la façon de mener celle-ci s'opposent. Au sommet de la hiérarchie militaire se trouve Husik Dzhugashvili, le chef d'état-major de l'armée kartvélienne rallié à la Révolution. Celui-ci n'est rien de moins qu'un agent estalien dans les faits : sa solde est entièrement dûe au SRR et le général suit en grande partie les intérêts estaliens en priorité. Tant que son existence en tant que chef d'état-major existe, l'emprise du SRR et de l'Estalie sur l'armée kartvélienne restera importante et permettra certainement à l'Estalie de faire avancer ses propres projets. En bas de la hiérarchie, pourtant, les généraux des régiments et autres unités de l'armée kartvélienne ralliée à la Révolution sont majoritairement opposés à Husik Dzhugashvili, et ce parmi toutes les factions politiques. Les réformistes le voient comme un pion de l'Estalie et comme un conservateur corrompu qui empêche l'armée de se réformer et les radicaux le voient comme un général corrompu qui refuse de changer la structure militaire par peur du changement. Malgré cette opposition, Husik Dzhugashvili dispose de ses propres partisans dans la société civile et dans l'état-major : tant que cette clique sera au pouvoir, Husik Dzhugashvili conservera son poste d'état-major et par extension, le SRR aura le contrôle sur l'armée kartvélienne et sur les décisions qu'elle prendra.
La structure de l'armée est également très disparate. En effet, actuellement, l'armée kartvélienne est divisée en deux structures propres : l'armée régulière et les milices politiques paramilitaires, ces deux structures étant elles-mêmes divisées en plusieurs entités antagonistes. L'armée régulière kartvélienne est composée du 1e Régiment de Chasseurs et du 1e Régiment d'Infanterie, les deux unités principales de l'armée kartvélienne qui regroupe le gros de l'armée, ainsi que le SSTG qui a fini par regrouper l'ensemble des forces spéciales de l'armée. Ces trois composantes de l'armée se livrent déjà entre elles une forme de guerre d'influence politique : le SSTG est majoritairement radical, le 1e Régiment de Chasseurs est surtout composé de réformistes et le 1e Régiment d'Infanterie est pour le coup très cosmopolitique et regroupe énormément de tendances politiques, de la gauche à la droite. En face, les milices politiques paramilitaires sont beaucoup plus disparates et éparpillées sur le sol national, sans entraînement concret mais celles-ci accomplissent dans plusieurs communes (notamment en ville) le rôle de la police (dissoute dans de nombreuses communes), commettant aussi des exactions durant leur mission de maintien de l'ordre. Certaines milices sont simplement apolitiques, se contentant d'être le bras armé des communes, d'autres sont indépendantes des communes et sont souvent des milices politiques (radicales, réformistes, eurycommunistes) se comportant le plus souvent comme des mafias armées et répondant aux ordres de l'Assemblée (le centre de décision de la faction radicale) ou de l'Opéra (le centre décisionnaire des réformistes). En somme, ces milices, en plus de se disputer entre elles pour les trafics illégaux ou le contrôle des communes, mènent aussi une forme de conflit permanent avec l'armée régulière, souhaitant la dissolution ou au moins la perte de puissance des militaires afin de monopoliser la violence armée dans le pays en retirant le plus de moyens de coercition de l'armée contre les milices. Ces milices assurent jouer un rôle de contre-pouvoir dans le cadre de la crise que touche le pays pour éviter soi-disant un Coup d'Etat militaire, une justification douteuse qui vise, pour beaucoup, à monopoliser le pouvoir régalien dans plusieurs communes.
Enfin, au-delà de toutes ces fissures qui font de l'armée kartvélienne une épave vivante, c'est directement l'armée qui est visée. L'armée est tout simplement déclassée, conséquence à la fois du délaissement de l'armée par la République dont le réarmement sous la pression estalienne a été relativement insuffisante et des conséquences directes de la Révolution. La chaîne de commandement est complexe et inefficace, encombrée par des obstacles bureaucratiques insurmontables la plupart du temps et par des procédures de vérification passant par des officiers chargés de rôles de faible envergure qui encombrent la chaîne de commandement. La disparition de l'aviation d'une part et surtout la faiblesse de l'artillerie montrent une faible expérience de l'armée dans la coordination interarmes, les officiers durant la République avaient du mal à se coordonner avec les autres armes à cause d'une très mauvaise organisation et une correspondance interposée encombrante entre les unités d'infanterie et l'artillerie par exemple. On constate aussi une absence ou une faiblesse des doctrines militaires kartvéliennes, la majorité des officiers ont étés formés au siècle précédent et malgré le Saïdan, les tactiques de combat restent largement inspirés de théories développés au milieu du XXe siècle dans le monde universitaire militaire kartvélien, peu adaptée aux conflits contemporains. La formation est aussi problématique. La formation initiale est insuffisante et l'armée ne dispose d'aucun dispositif de suivi de formation de ses troupes qui n'ont reçus que l'entraînement de base (en dehors des forces spéciales), beaucoup de troupes ne sont même formées aux menaces modernes comme les combats de guérilla ou la lutte contre le terrorisme, sans oublier les méthodes d'instruction obsolètes de l'armée. Suite à la Révolution, les régiments et les unités (souvent celles de première ligne) sont incomplètes et parfois plus d'un tiers des soldats manquent à l'appel soit à cause des désertions après la Révolution, soit à cause de la mauvaise organisation chronique des troupes dispersées sur tout le territoire. On constate donc que dans certains régiments, les unités sont en sous-effectif chroniques, sans oublier que la crise institutionnelle a complètement réduit à néant le système de recrutement dans les zones rurales. Le matériel, en dehors de l'équipement d'infanterie qui est considéré comme relativement bon, reste obsolète ou mal entretenu dans le reste des cas ; la disparition de l'industrie de la défense avec la crise économique et la Révolution rend l'armée kartvélienne dépendante de la fourniture de munitions et de pièces détachées importées d'Estalie, sans oublier que le matériel n'est en général pas adapté au terrain, que ce soit au climat ou au relief. La logistique, c'est pas mieux : les chaînes d'approvisionnement de l'armée sont faibles, rompues voir délocalisées en Estalie, les infrastructures de transport sont réquisitionnées par le Comité de Reconstruction, délaissant les besoins logistiques et stratégiques de l'armée et le matériel sensible manque de capacités de stockage sécurisé, ce qui permet aux milices ainsi qu'aux militaires mal intentionnés de voler du matériel dans le cadre du trafic d'armes. L'armée dispose de capacités très limitées pour la maintenance de ses équipements, elle manque de pièces détachées et de techniciens qualifiés, dépendant en grande partie du service logistique de l'Armée Rouge pour la réparation de ses véhicules et de son matériel le plus complexe. Le renseignement n'est pas meilleur : la coordination entre les services de renseignement militaire et civil est quasi-inexistante, l'armée ne dispose d'aucun système de collecte et d'analyse moderne et les services de renseignements kartvéliens sont réduits à un siège social d'une centaine d'employés mal formés suite aux purges post-révolutionnaires. Enfin, l'armée manque de services médicaux, elle ne dispose quasiment pas d'équipements ou d'un personnel qualifié pour les évacuations médicales et les bases militaires posent de sérieux problèmes d'hygiène et de santé très récurrents.
L'armée est donc dans un sale état et il est clair que les capacités de la Fédération des Communes de Kartvélie à s'engager dans un conflit quelconque, avec ou sans l'Estalie d'ailleurs, ainsi que la capacité des Kartvéliens à gérer eux-mêmes le terrorisme sur leur sol dépendra à la fois des vainqueurs et des vaincus de cette grande lutte d'influence qui se joue au sein de l'armée ainsi que l'avancement des réformes militaires afin de rendre avant tout l'armée kartvélienne efficace.