03/10/2015
22:33:57
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Activité intérieure

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L’air lourd et tour à tour glacé et brulant, en fonction de la zone dans laquelle on se trouve, au sein du Complexe Сурміністерій semblait emprisonner chaque souffle, comme captant les moindres molécules, les aspirants, les décortiquant, les analysants pour mieux vous connaitre et mieux vous détruire. Les couloirs labyrinthiques, tentaculaires, comme beaucoup de bâtiments au service du régime finalement, baignés des lumières artificielles blafardes et parfois grésillantes, résonnaient des pas rythmés du Maréchal-Régent Krezymyr Vadymovych Kyrylenko. Ses pas étaient rythmés comme le tempo d'une musique. Une musique ? Une marche plutôt. Une marche militaire. Cela allait de soi, le Maréchal, bien que n'étant pas jusqu'à récemment le chef des armées, était un militaire de carrière et il accordait à la discipline une scrupuleuse et rigoureuse application à la lettre. Ses pas étaient donc rythmés au pas militaire, donnant une impression quasiment robotique et enfouissant encore plus l'humanité de cet homme sous terre. Vêtu de son uniforme sombre, ininflammable, dépourvu de médailles dorées et autres décorations à ses yeux ridicules qui rapprochaient les militaires plus de l'arbre de Noël des pays de l'Ouest qu'à de véritables héros. Il ne portait qu'une main de fer symbolisant sa fonction et l'autorité de l'ordre à sa poitrine. Son regard d'acier, dissimulé par le masque de cuir qu'il porte en permanence, balayait les lieux avec une froideur inhumaine. Il était entouré de sa garde personnelle, silencieuse et impassible comme des statues. Les membres de la Garde Patriarcale, unité d'élite redoutée qui avait redirigé sa mission de protection et d'exécution des volontés du Patriarche à celle de protection et d'exécution des volontés du Maréchal-Régent.

Les scientifiques au service de l'Ordre, parmi les plus compétents du pays, attendaient tous en silence dans la salle principale où était mené le projet. C'était une pièce massive où des écrans et des machines colossales bourdonnaient de vie, bien que semblant un peu dépassé, et où le plafond était très haut. Au centre, une creux cylindrique venait former un espace profond pour accueillir un ensemble d'une grande hauteur. Et dans ce centre, une structure métallique imposante dominait tout : un automate géant. Ou plutôt pour le moment l'ossature et une grande partie de la machinerie de celui-ci. Une reproduction mécanique d’un géant mythologique de la Vélèsie, "Krovyi Boh," la terreur des récits anciens, destructeur de monde et fléau des infidèles. Sa stature, bien qu'incomplète, inspirait déjà une peur primitive, accentuée par l’éclat rougeoyant de ses yeux artificiels. Des ramifications d'ossements et de supports métalliques formaient une sculpture inanimée impressionnante, mais on distinguait les futures formes du visage qui paraissait déjà transporteur une lumière divine et destructrice.

Le Maréchal-Régent entra, chaque mouvement mesuré et exécuté sèchement, chaque geste imprégné de l'autorité totale dont il disposait et qui écrasait de son poids chaque personne autour de lui, à l'exception de ses gardes, ils n'étaient pas humains à peu de chose près de toute façon. Les scientifiques s’inclinèrent presque à l’unisson avec révérence. L’un d’eux, le directeur du projet, s’avança maladroitement, visiblement anxieux de comment parler au nouvel homme fort du régime totalitaire. Le Maréchal-Régent était moins vieux que l'ancien Patriarche disparu, celui-ci était diminué, devenait peu à peu gâteux, ses décisions étaient appliquées avec moins de zèle et on le craignait moins. Mais le nouveau dirigeant était un militaire. Talentueux et impitoyable. En pleine possession de ses moyens, avec un projet politique, militaire et spirituel clair et ambitieux. Il était encore plus énigmatique, encore plus inhumain. Cruel par nécessité et vision stratégique, sans aucuns remords ni état d'âme, sinon de servir la prophétie, peu importe le prix. Il était plus craint, mais plus capable que l'ancien dirigeant. En tout cas, c'est ce que pensaient les élites, les militaires, le religieux et les instruits.

— "Maréchal-Régent Kyrylenko, nous sommes extrêmement honorés par votre visite. Le développement de l'arme chimique et de l'automate progresse selon vos directives. Et ce, à une vitesse très satisfaisante. Nos équipes n'ont pas rencontré de difficultés majeures et cette élaboration d'arme et d'automate que vous avez demandé nous sera une expérience utile pour les futurs projets et les autres secteurs de recherche de la nation." Informa le scientifique au Maréchal-Régent.

Kyrylenko fixa l’homme, sans que celui-ci ne puisse voir ses yeux à travers le masque, laissant un doute sur où plane son regard en permanence, puis sans lui répondre, il s’approcha de l’automate, levant la tête pour en contempler la monstruosité de métaux et de machineries. Un colosse d'environ dix mètres de haut, une arme psychologique d'une grande puissance dans un pays aussi pieux.

— "Krovyi Boh... une vision mystique. Ancien, très ancienne, mais que tout le monde connait, et que tout le monde craint... Dites-moi, professeur Volynov, est-il prêt à incarner la colère divine contre les sous-hommes du nord ?" Il fit volte face pour poser cette question sur un ton glaçant au scientifique, sa voix pleine de menaces muettes.

Le scientifique hésita, sa main légèrement tremblante, et évitant soigneusement de tourner la tête et de soutenir le regard du Maréchal-Régent, invisible par le masque, pourtant brûlant et oppressant.

— "Pas encore, votre Excellence. Le système de déclenchement de l’arme chimique est toujours en phase de test et nous profitons de ce temps pour améliorer la composition. Le rayon d’action est actuellement limité entre deux et trois kilomètres, mais nous espérons augmenter son efficacité. Quant à l’automate, il pourra être opérationnel dans les trois prochains mois. Sa carapace externe sera renforcée pour résister aux projectiles conventionnels, au feu dans une certaine mesure ainsi qu'aux effets de l'arme. Et l’arme chimique pourra être soutenue par celui-ci. Nous ferons tout pour que son apparence soit plus vraie que nature."

Kyrylenko s'approcha lentement du scientifique, chaque pas résonnant comme un marteau sur une enclume.

— "Trois kilomètres suffiront... pour l’instant. Ces peuplades inférieures du nord, totalement dévoyées et gangrenées par l’insoumission, l'irrévérence et les fausses croyances, n’ont besoin que d’un exemple qui aura l'impact psychologique de mille armes comme celle-ci. Une destruction localisée pour rappeler à tous la volonté de Vélès."

Il se tourna ensuite vers l’assemblée de scientifiques, s’adressant à eux d’une voix froide et tranchante.

— "Vous avez une mission, une seule. Et elle est sacrée messieurs. Sacrée et commandée par moi. Ce géant ne représente pas seulement la force de notre pays et de notre régime. Il est un messager, porteur de la vérité. Une vérité faite de destruction, d'ordre racial, de préceptes, de Dieux tout-puissants et de ses serviteurs. Et cette arme chimique... elle purifiera les terres souillées de ceux qui s’opposent à nous et sortent du droit chemin. Je veux que ce projet soit prêt avant la fin de ce cycle lunaire. Les dissidents n'attendront pas. Et gare à vous, si je suis déçu ou pire, si cette arme se retourne contre nous, ou vous serez les premiers à en subir les conséquences ! " Conclu il en les pointant d'un doigt ganté, menaçant les faisant frémir.

Le silence qui suivit était oppressant, chaque scientifique sentant le poids de ces mots comme un couperet suspendu au-dessus de leur tête, qui pouvait leur tomber dessus à tout instant au moindre faux pas.

Kyrylenko marcha lentement vers une grande table où étaient posés des plans détaillés de l’arme chimique et des schémas de l’automate. Il les scruta avec une intensité glaciale, sa main gantée effleurant les lignes précises des dessins techniques, faisait crisser légèrement le papier.

— "La science est une arme, professeur Volynov, rien de plus. Une arme très puissante. Mais elle ne doit pas être en contradiction avec notre religion. Elle ne l'est pas en soi, ce sont les fausses sciences des nations extérieures qui le sont. Utilisez-la pour accomplir la volonté divine... ou trouvez votre place parmi les impurs que vous hésitez tant à éradiquer."

Le scientifique blêmit, s’inclinant à nouveau.

— "Vous ne pouvez pas vous cacher. Vous ne pouvez rien me cacher, du moins pas longtemps. Et cette hésitation, cette peur ou ce remord que je lis en vous sont dangereux. Pour le pays, mais surtout pour vous. Comprenez qu'un chef de projet ne peut pas se permettre de mettre en doute nos directives. Bientôt ce ne sera plus moi, mais mes Administrator que vous aurez en face de vous. Ne croyez pas qu'ils seront plus tendres que moi, au contraire. Je vois tout, je sens tout. Et ces doutes feraient mieux de disparaître ! Ou nous vous montrerons à la vitesse à laquelle nous sommes capables de faire disparaître les choses..."

Un silence insoutenable se fit pendant près d'une minute, puis le Maréchal-Régent repris.

— "J'ai confiance en vous. Vous êtes un scientifique compétent, quelqu'un de raisonnable, capable de discernement. Tâchez de faire en sorte que je conserve cette appréciation de vous. Si vous réussissez ce projet, vous serez récompensés. Sinon..."

Il laissa sa menace en suspens.

— "Nous comprenons, votre Excellence. Vos ordres seront exécutés sans délai, et sans aucunes réserves."

Sans un mot de plus, Kyrylenko fit volte-face et quitta la pièce, les boutons de son uniforme brillant sous les néons artificiels. Derrière lui, l’immense silhouette incomplète de Krovyi Boh semblait le surveiller, prête à semer destruction et terreur sous son commandement.



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