08/02/2018
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Histoires et Chroniques d'Antares

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Entête du topic des Histoires et Chroniques d'Antares

Bienvenus sur le topic des Histoires et Chroniques d'Antares !

Des rapports sur des missions, des aventures de citoyens normaux, des contes sur ce qui se passe à l'abri du regard de tous... Voyez dès à présent Antares différemment, sa culture et ses racines, ses curiosités et son quotidien.

Bonne lecture !
16528
Veniunt Retro...


Série: "De Retour Parmi Nous"
Episode: 1
Date: 23/07/2015




[???]: Alors, il est encore loin ?

[???]: Non, pas trop. Aux dires, il serait même dans les parages.

[???]: Les dires... T'en entends des dires...

[???]: C'est une question de minutes, je le sais. La lune est haute, il va voir notre silhouette. Ils vont allumer une lanterne et on le verra. C'est simple.

[???]: C'est loin quand même, la terre ferme...

Deux hommes sur un bateau à voile au milieu de la nuit. Les boutes claquaient contre le mat, la brise de la haute mer couvrait presque le son des vagues. La houle donnait des tournis, des nausées... à ce rythme, dans le calme et dans des mouvements perpétuels, ils allaient finir par avoir le mal de mer. Ainsi dérivaient-ils dans la nuit, sans repère et sans vision. Enfin si, un repère. Ou plutôt deux. La lune et les lueurs de Gardevant, loin, bien loin. Que leur présence ait été détectée, c'est impossible. Ils passaient très facilement pour des touristes si on considérait même la possibilité qu'on puisse les voir. Pas d'AIS, pas de systèmes, rien. Des cartes en papier, un sextant, un compas et de la bonne foi. Que leur fallait-il d'autre ? Rien, seulement un troisième et un quatrième passager qu'ils attendaient avec impatience.

À cette époque là de l'année, il pouvait faire très chaud, surtout dans cette zone. Mais en haute mer, sans la protection du massif terrestre, il n'y a rien à espérer. Vous êtes à la merci des vagues, des températures facilement variables et du vent. Et heureusement du vent ! Votre bateau n'irait pas bien loin sans. Ceci dit, il serait toujours possible de pagayer... Mais l'objectif est lointain, et il n'y a même pas assez de nourriture pour compenser les dépenses caloriques que demanderait un tel effort...

Des pagaies. C'est ce que les hommes réussirent à entendre malgré le vent sifflant dans leurs oreilles et les vagues leur retournant l'estomac. Peu plus loin que cent mètres en face d'eux, une annexe microscopique sortait des ténèbres de la nuit, visiblement avec deux silhouettes à bord. Il aurait été inconcevable de penser qu'ils aient pu faire le chemin depuis la ville avec une telle embarcation, et pourtant c'est bien le cas: Ils travaillaient en synchronisation presque parfaite, ils ne s'essoufflaient pas à communiquer et par dessus tout, il s'agissait là d'agents de la MIRA. On ne peut pas faire mieux en terme d'efficacité.

Les deux hommes sur l'annexe n'eurent même pas besoin d'allumer la fameuse lanterne, la lueur de la lune était assez puissante pour éclairer la distance qui séparait le bateau à voile de la petite embarcation. Attendant sur le pont, les deux hommes de tout à l'heure les regardaient et se préparaient à l'arrière pour leur jeter des aussières et les remonter rapidement. On aurait dit qu'ils se dépêchaient, qu'ils n'avaient pas de temps à perdre. C'était le beau milieu de la nuit, à des kilomètres de la côte... pourquoi se dépêcher autant ? Et pourquoi n'étaient-ils pas en train d'échanger ne serais-ce qu'un bonjour ? Il n'y avait pas d'intérêt ni de temps. Ils étaient entraînés, ils étaient de la MIRA. Ils savent quoi faire, ils n'ont pas besoin de dire aux autres quoi faire. Ainsi, dans une harmonie militaire et une efficacité sans égal, l'annexe toucha la poupe ouverte du navire à voile sans même faire un bruit. Les hommes sur le voilier aidèrent leurs camarades à monter, et tous ensembles sortirent le petit flotteur de l'eau pour le dégonfler en moins de tente secondes. Deux minutes plus tard, l'annexe était pliée et rangée dans le coffre avec les pagaies, tout le monde avait enfilé des gilets de sauvetages avec des cirés en dessous, les voiles avaient été levés et le bateau de huit mètres s'éloigna progressivement de la côte en frottant doucement les vagues.

Il n'était encore pas question de parler. Qui sait si on pouvait les entendre. Il n'était même pas question d'allumer une lumière. Ils seraient visibles, et au delà de ça leurs yeux s'étaient déjà habitués à l'obscurité. Il ne fallait pas revenir au point de départ en rétrécissant les pupilles avec une lumière inutile. Mais si personne ne les cherchait ? Personne ne les voyait, on ne savait même pas qu'ils étaient là ! Même avec des feux d'artifices, qu'auraient on pu croire ? Un bateau de plaisanciers, rien de plus... Mais si il y avait une raison que la MIRA faisait cela, elle était sûrement bonne, sans aucun doute ni incertitude. Ainsi, l'embarcation avançait dans la nuit, au clair de la lune et du haut des trois heures du matin. Bientôt peut être, le soleil se lèverait derrière eux, alors qu'ils naviguaient vers le sud ouest en direction du bon milieu du Golfe des Empires.

Les quatre marins improvisés étaient là, en silence dans le cockpit. L'un à la barre, deux autres aux écoutes de voile d'avant, le dernier au chariot de Grande Voile. Les ajustements, précis et parfaits, s'effectuaient dans le silence et avec minutie. Dans l'éventualité rare que l'un d'entre eux ne réussissent pas à penser quelques coups à l'avance et à anticiper les désirs du barreur, un simple regard ou geste fugace de la main suffisait à signifier n'importe quel problème. Une équipe de professionnels naviguaient ainsi sur les flots telle une équipe d'astronautes au milieu du vide intersidéral. La lune s'était couchée elle aussi, il faisait nuit noire. Tout ce qu'il restait, c'était les tout premiers filons de lumière de l'horizon derrière eux, alors que l'heure approchait cinq heures du matin. Enfin, l'heure du café matinal et l'arrêt de ce vœu de silence.

L'agent responsable de l'écoute de Génois au vent par rapport à la voile lâcha ainsi son bout et descendit dans la cabine, aussi sombre que la nuit. Si l'embarcation était en train de couler et que de l'eau se trouvait dans les cales, les marins n'auraient pas eu moyen de s'en rendre compte. Et pourtant, tout d'un coup, celui qui était descendu alluma la lumière de l'intérieur. Cela éblouit pendant un court instant tous les membres, comme le soleil après l'ouverture de volets. La lumière était dure à supporter, elle piquait les yeux, elle n'avait pas lieu d'être. Encore moins si l'objectif de la mission était de ne pas se faire détecter. Mais aucun bateau n'était proche d'eux à moins d'une centaines de miles marins, ils n'avaient à priori rien à craindre. Surtout, il fut bien plus facile d'accepter la lumière comme une alliée lorsque les curieux virent l'intérieur au milieu des ténèbres dans lesquelles ils naviguaient. C'était probablement le carré le plus accueillant et le plus "cozy" qu'on eut pu témoigner. De microscopiques fauteuils ainsi qu'une toute petite cuisine, une table à carte d'une taille presque ridicule, tout cela illuminé par des lumières jaunies et une odeur de café chaud. Ces agents auraient pu passer leur vie dans ces conditions. Le bateau avait une de ces ambiances chaleureuses qu'on ne peut décrire avec des termes précis. Mais cela remonta au moins le moral des troupes, déjà pris de fatigue alors qu'ils avaient fait nuit blanche. Après une longue préparation, l'homme descendu remonta avec des gourdes thermiques pour ses camarades, et la traversée put continuer.

[???]: T'éteins pas les lumières ?

[???]: C'est plus joli comme ça, non ?

[???]: C'est vrai...

[???]: Bon sinon, ça vous dit de faire un tour des noms ? On a encore de la route et puis on a la plongée. Autant s'acclimater.

Tous se regardèrent les uns les autres. Ils ne savaient même pas comment se référer à chacun. Il faut dire que le vœu de silence a peut être marché trop bien...
[Kaska]: Moi, c'est Kaska. (Celui qui était allé chercher du café pour l'équipage, se présentant aux autres)

[Vaks]: Sympa. De mon côté, appelez moi Vaks. Et toi ? (Celui à la barre, en interpellant son partenaire au chariot de Grande Voile)

[Rizal]: Moi ? Moi c'est Rizal.

Après quelques secondes, ils dévisagèrent tous le quatrième membre assis de côté, tenant la deuxième écoute de voile d'avant. Il se retourna en voyant que tout le monde le regardait.

[Carad]: Carad. (Sans intonation ni expression)

Tous les hommes portaient une cagoule et des lunettes ressemblant celles de ski. Il était certes difficile de voir l'émotion de quelqu'un à travers ces accessoires, mais la simple parole en disait déjà beaucoup. Dans une situation normale, les hommes auraient cherché à comprendre ce qui n'allait pas avec leur camarade. Mais là, c'était assez évident. Il fallait se concentrer sur la mission, sans pas de côtés inutiles.

Pendant les dix prochaines minutes, le silence s'installa de nouveau. Chaque individu voulut dire quelque chose, mais personne ne voulait déranger le cours de la mission. Ils étaient tiraillés entre chercher à passer le temps et se concentrer sur le néant. Enfin, après un peu de temps, l'homme à la barre se décida à rompre cette atmosphère glaciale.

[Vaks]: Bon, on réitère les étapes ?

[Rizal]: On est tous au courant, y'a pas besoin. C'est pas votre première fois je suppose ?

[Kaska]: On a été briefés séparément. C'est mieux qu'on soit tous d'accord.

[Rizal]: Si ça vous chante... On a encore de la route à faire ?

[Kaska]: Trois heures, à minima. Sachant que j'ai consulté l'AIS y'a vingt minutes.

[Rizal]: Bon... Je suppose qu'on peut discuter un peu alors, au moins en attendant le lever du soleil.

[Vaks]: Très bien. Quelqu'un veut se lancer pour nous faire un résumé ?

[Rizal]: Moi je dis, c'est Carad qui nous fait le résumé.

[Vaks]: Va pour Carad alors. C'est vrai qu'il ma l'air endormi.

Carad se retourna lentement, les regarda un par un, et s'engagea machinalement dans un monologue.

[Carad]: Comme vous êtes peut être tous au courant, on a pas pris la haute mer en bateau à voile pour aller en vacances. On doit se rendre à un point marqué par une balise V-AIS, un endroit où nous devrons récupérer un objet. Sauf si c'est le cas pour vous, on nous a pas dit de quoi il s'agissait. On sait seulement qu'il demande la force de trois hommes pour le remonter à la surface. Normalement, il devrait se trouver à peu près vers les cent mètres de profondeur, sur une formation rocheuse surélevée du plateau continental. L'objectif est de plonger à ce lieu précis, récupérer l'objet et remonter à la surface. Puis on rentre à Margaux et la mission est terminée.[/b]

Après les explications de Carad, tout le monde se tut. Ils se regardèrent les uns les autres avant que Vaks n'intervienne.

[Vaks]: Parfait. Je suppose qu'on vous a tous attribué un rôle différent pour l'opération ?

[Kaska]: Moi je serai votre opérateur, je reste sur le bateau et je fais en sorte que vous remontiez vivants.

[Carad]: Moi je fais en sorte que personne d'autre que nous ne remonte vivant.

[Rizal]: Et moi je m'occupe de la sécurité lorsqu'on sera sous la mer. Si y'a un soucis, vous me demanderez. Et toi Vaks ? Je suppose que tu es le Chef d'Escouade ?

[Vaks]: En effet. On ne vous en a pas informé ?

[Rizal]: On nous a rien dit, tu sais comment ils sont. C'est ces missions où on nous lâche, savoir qui on est ne sert à rien. On aurait pu faire la mission sans même prononcer un mot en pratique.

[Vaks]: On a tous été briefés par la même personne au moins ?

[Kaska]: Je crois, non ? Pour ma part, c'est Electre qui est venue me voir.

[Rizal]: Ouais, non. Moi c'était Calliope.

[Vaks]: Calliope est devenue G10 ?

[Rizal]: Apparemment, oui. Je saurais pas te passer les détails. Mais maintenant elle brief les personnes avant des petites missions comme celle-ci.

[Carad]: Moi aussi c'était Calliope. Toi Vaks ?

[Vaks]: Pour ma part, c'est Rivett qui m'a briefé. J'imagine que c'est dû au fait que j'ai été choisi comme Chef d'Escouade.

[Rizal]: C'est possible en effet... Après, il faut juste plonger. Il n'y a rien de trop intense à ça. On a même pas d'armes sur nous, si ?

[Carad]: Si. J'ai un fusil automatique et un DMR.

[Kaska]: Très bien, on compte sur toi pour tirer sur les poissons alors.

Après avoir un peu rigolé, le silence s'installa de nouveau. Il faisait bientôt jour, et Kaska redescendit dans la cabine pour éteindre les lumières et ne pas utiliser trop de courant. Il en profita pour regarder le temps qu'il restait avant d'atteindre la balise V-AIS du point de rendez-vous. Une heure. Il était bientôt temps de se préparer.

Trente minutes avant l'arrivée, Kaska prit la barre et les trois autres agents affalèrent les voiles pour continuer la route au moteur. Toutes les boutes furent rangés, et plus rien ne traînait sur le pont. Ensuite, ils descendirent pour mettre en place leur matériel. Ils avaient avec eux trois appareils de plongée équipés de recycleurs pour pouvoir aller plus en profondeur sans manquer d'air. Une dizaine de bouteilles étaient entreposés dans la cabine arrière, qui auraient servi pour la remontée. Tout le matériel était là, et les trois plongeurs étaient prêts à intervenir. Une demie heure plus tard, Kaska coupa le moteur: ils étaient arrivés à destination.

Depuis les entrailles du bateau sortirent ainsi les agents, prêts avec leur masque et leurs palmes dans les mains, ainsi que des écrans et équipements en tous genres. Les balcons de récupération HLM à l'arrière furent ouvert, et les trois hommes étaient prêts à plonger.

[Kaska]: Bon, voilà comment ça se passe. Vous allez mettre environ quarante minutes à descendre, en effectuant des tests de narcose à l'azote réguliers. Une fois en bas, si tout le monde est lucide vous aurez un maximum de vingt minutes sur le fond pour récupérer la cargaison avant d'entrer en stade de décompression dangereuse pour la santé. Pour la remontée en prenant en compte les paliers de décompression, cela vous prendra approximativement deux heures. Pour éviter de ne plus avoir d'air, je vais caler des bouteilles à la profondeur de ces paliers grâce à un harnais. Si vous manquez d'air, vous pourrez vous y attacher et tout ira pour le mieux. Rappelez vous, restez calmes et prenez votre temps. Y'a de la houle qui est prévue vers midi, donc dès que vous êtes remontés il n'y aura pas une seconde à perdre. Vous devrez vous dépêcher.

[Vaks]: Très bien. Cela me semble un très bon plan. Vous êtes parés ?

[Carad]: Parés.

[Vaks]: Très bien. À bientôt, Kaska.

Cela étant dit, les trois hommes plongèrent dans l'eau. Immédiatement, sans même se poser de questions, ils commencèrent à descendre. Il n'y avait pas de temps à perdre.

La descente était plutôt calme. Il n'y avait aucun poisson, pas de formations terrestres en vue et des rayons de lumière qui faiblissaient. Les trois hommes étaient perdus dans les abysses, au milieu de rien, descendant vers les profondeurs plus sombres. Au fur et à mesure, ils calaient une corde fluorescente attachée à un harnais en surface pour éviter de perdre la trace du bateau. Pour l'instant, celle-ci était encore visible. Mais la lumière n'arrêtait pas de perdre en intensité, ils allaient bientôt devoir utiliser leurs lampes torches.

Arrivés aux trente mètres, Vaks s'arrêta et fit face à ses camarades. Un premier test de narcose à l'azote était obligatoire à ce stade. Il sortit une tablette avec plusieurs chiffres et lettres dans une main et un chrono dans l'autre, en la montrant à Rizal. Celui-ci pointa du doigt tous les numéros un par un, dans l'ordre, pendant que son Chef d'Escouade le chronométrait. Arrivé à la fin, il avait effectué un temps de vingt secondes. Il était ainsi parfaitement lucide. De son côté, Carad prit un peu plus de temps, vingt-cinq secondes. Cependant, c'était toujours bien en dessous de la limite de lucidité permise. Vaks fit aussi le test aux mains de Rizal, et réalisa un temps de vingt deux secondes. Les trois hommes ayant confirmé la non présence de narcose à l'azote, ils continuèrent leur descente.

Vaks reproduisit le test plusieurs fois, à quarante, cinquante et soixante mètres de profondeur. Les chronos étaient tous plus ou moins les mêmes, ce qui était très bon signe. Cependant, il faisait très sombre et la visibilité était considérablement diminuée. Il était même compliqué à ce stade de se repérer et de voir la surface. Arrivés aux soixante dix mètres, allumer les lampes torches était désormais nécessaire pour se repérer. Et c'est aux quatre-vingt dix mètres que les plongeurs se trouvèrent dans le néant. Il faisait nuit noire, à cette profondeur plus aucun rayon n'arrivait à traverser l'épaisse couche d'eau qui se trouvait au dessus d'eux. La pression était intense, mais jusque là la santé des hommes était parfaite. Enfin, ils arrivèrent au palier des cent mètres, après cinquante minutes de descente, où ils purent apercevoir avec leur lampe torche qu'ils se tenaient au dessus d'une formation rocheuse particulière. En effet, c'était comme une île d'une centaine de mètres carrés enfouie à cent mètres de profondeur qui ressortait des abysses. Aux confins de cette structure, des murs de roche plongeaient jusqu'à probablement des milliers de mètres en dessous du niveau de la mer. Même en étant si bas, il était possible d'avoir un tel vertige. Même à cette profondeur, les plongeurs avaient l'impression d'être à une altitude inimaginable, perdus dans l'espace. Même le fluo de leur corde avait perdu en saturation, devenant presque ocre aux yeux des plongeurs. Le monde autour d'eux était dénué de toute couleur.

Cependant, il n'y avait pas de temps à perdre. Ils avaient vingt minutes pour trouver l'objet, l'attacher au harnais et le ramener à la surface en toute sécurité. Après une dizaine de minutes de recherche avec leurs lampes, ils trouvèrent enfin ce qu'ils cherchaient. Un petit cylindre, de la taille d'une bombonne de plongée, posé là avec un voyant lumineux visiblement défectueux, ou avec des batteries épuisés du moins. Une fois avoir repéré ce pourquoi ils étaient venus à ces profondeurs abyssales, ils de dépêchèrent de le récupérer et de l'attacher avec un harnais. Le cylindre avait visiblement une attache à son bout prévu à cet effet, ce qui aurait facilité la remontée.

Celle-ci fut beaucoup plus simple que prévu. Elle s'effectua en deux heures comme l'avait prédit Kaska et les bouteilles d'air avaient été en effet entreposés le long des paliers par un deuxième harnais qu'il avait largué. Il avait été averti de la remontée, et ainsi ces bouteilles et le cylindre remontaient au rythme des plongeurs. Après ces longues minutes d'attente au milieu des abysses, les hommes refirent enfin surface, complètement lessivés de cette plongée qui aura duré plus de trois heures.

En surface, le soleil était haut dans le ciel et éblouit les hommes qui venaient de ressortir des abysses. Il y avait aussi beaucoup de vent et de la houle comme Kaska avait dit, ainsi ils se dépêchèrent de remonter sur le bateau. Tout avait été préparé, des boissons chaudes et des serviettes, pour que les hommes puissent se rhabiller le plus rapidement possible. Vingt minutes seulement après avoir refait surface, ils repartirent en direction de la terre ferme sans échanger un mot.

Durant le reste de la croisière. Chacun d'entre eux se reposa a son poste, sauf Kaska qui tenait la barre cette fois-ci. La plongée avait été certes faciles d'un point de vue extérieur, mais elle avait aussi été exténuante. Tout ça pour récupérer un cylindre qu'ils avaient rangé dans une mallette prévue à cet effet qu'on leur avait fourni avant la mission. Il s'agissait maintenant de rentrer à Margaux, et de remettre l'objet aux mains des hauts gradés.

Bien sûr, plusieurs questions se posaient. Pourquoi y avait-il un cylindre là, au milieu de la mer, à des kilomètres de la terre ferme ? Pourquoi était il si important ? Pourquoi ne pas envoyer un robot le chercher au lieu d'hommes ?Certes, beaucoup de questions. Mais ces agents avaient l'habitude d'opérer sans s'en poser. Après tout, ils faisaient leur travail. Ce qui ne leur regardait pas ne devait pas être traité.

Ainsi ils filèrent sur les flots, se rapprochant de la terre ferme. Quelle mission étrange quand même... Un mystérieux cylindre au fond de la mer. Et surtout, l'inscription assez curieuse qu'il y avait dessus:

Veniunt Retro...
11450
Syvä ǝtnꙩ, shꙩn ǝmnö


Série: "Subside Aestrellion"
Episode: 1
Date: 03/10/2017




[???]: T'as trouvé quoi ?

Cette phrase, prononcée de manière aléatoire, n'attendait pas de réponse. Elle n'en attend jamais. C'est ce qu'on demande pour juger d'un progrès sans réelle réussite, pour remonter les espoirs, pour continuer. On n'attend pas d'une question comme celle-ci qu'une découverte majeure nous serait transmise. Autrement, elle l'aurait déjà été, sans que nous ayons à demander. Pourquoi demander alors ? Pourquoi se fatiguer, à quoi bon ? Briser la glace, initier une discussion, certainement. Cependant, ce n'était clairement pas l'endroit juste pour discuter.

Le silence régnait sous la cathédrale. Un grand espace vide. Que du vide. Et du noir aussi, de la peur peut être. C'était macabre. C'était des catacombes, mais c'était nécessaire. Pour l'histoire, dirait on. Ou pour plaire aux génération futures. Les deux phrases riment de toute façon.

Ainsi, cette phrase si simple résonna comme rien, et tout à la fois. L'accomplissement et l'échec. La trouvaille et la perte. La souffrance, mais sans la plainte que va avec.
[???]: À ton avis ?

Une réponse qui détend l'atmosphère, pourquoi pas. Un peu d'humour, pourquoi pas. Il n'y avait certainement pas de quoi rire. Il faisait noir. Ils étaient seuls. Enfin, pas complètement. Des agents de la MIRA surarmés les attendaient plus haut, à l'air frais de la surface. Le dispositif surprennant, du moins pour une fouille archéologique, n'était certainement pas pour éviter que les chercheurs ne puissent s'évader de leur noble responsabilité en tant que porteurs d'une flamme éteincelante (ou destructrice, le futur nous le dira). Il serait plus judicieux de penser que la fouille puisse être très convoitée par des revendeurs illégaux ou pilleurs, mais là encore, la MIRA n'en avait que faire. Leur mission était simple. Faire en sorte que nul ne sorte de cette crevasse hormis les deux chercheurs.

Avait-on si peur des animaux qui pourraient s'y trouver ? Pas du tout. Craignait-on des insectes mortels issus d'un millieu rare ? Non plus. Serais-ce peut-être une bactérie ou virus ancestral enfoui quelque part sous les couches de terre humide ? Peut-être. En réalité, on craignait quelque chose de plus grand, de plus profond, et sûrement de plus dévastateur. La MIRA ne se déplace pas pour des courses de santé ou sur demande. Elle oblige autrui à se plier à elle. C'est donc son commandement qui a expressément ordonné que l'on attribue des postes de garde à ceux qui sont parmi les meilleurs de la division d'élite.

Pour en revenir à nos deux amis, celui qui posa la question originelle finit par se taire. Il n'y avait rien à répondre à cela. Son collègue n'avait décisément rien trouvé, et il le savait. Question idiote ? Peut être. Mais pas moins pertinente au moment. Surtout que ce collègue n'avait en réalité pas tout révélé à son partenaire.

[???]: Non... en réalité...

Ces trois mots suffirent. Ils suffirent pour laisser le premier archéologue en état de choc. Il en fit même tomber sa brosse par mégarde, celle-ci tombant lourdement sur le sol et créant une onde sonore qui se répercuta à plusieures reprises avec l'écho de la caverne sombre et silencieuse. Ce son, ce gong, c'était une annonce. Un virage. Un point tournant, un point culminant. Il essaya de former quelques mots, même simplement des sons audibles, mais rien. Il ne put que contempler sans rien affirmer. Voyant sa détresse, son camarade se releva péniblement de sa position de recherche, son dos se redressant après des heures en position arquée, les articulations craquant les unes après les autres témoignant d'une scécession douleureuse mais satisfaisante entre immobilité précédente et mouvement subite.

Une fois relevé, il fixa son ami d'un regard qui avait vu la mort, sans émotion mais baignant dans une profondeur absolue. Ses yeux n'avaient jamais été aussi sombres et perçants à la fois. C'était réellement une vision fantassine. De son plein gré et sans contrôle, il marmonna d'une voix claire, peut être trop claire pour sa carrure.

[???]: J'ai... Je crois... Des écritures...

Le silence fut encore plus bruyant que ses paroles. Des écritures. Quelles écritures ? Devait on s'y attendre ? Ils se regardèrent l'un l'autre comme pour essayer de fuir leurs responsabilités. Après près de quelques secondes seulement, le découvreur regarda au dessus de lui et parla à nouveau de cette même voix surnaturelle.
[???]: On... on a besoin du livre...

À peine ces mots prononcés, on entendit des agitations, des ordres et du mouvement au dessus des têtes de ces deux hommes. Ils se regardèrent à nouveau. Puis regardèrent en haut, ensemble. Après quelques secondes, une plateforme attachée avec des cordages en acier descendait dans le vide vers eux dans le plus grand des silences, avec un livre noir correctement posé dessus. Le livre n'avait pas de titre, pas d'auteur ni de nom. une simple couverture noire, en cuir. Une fois à la hauteur des hommes, celui qui avait demandé cette pièce la pris doucement dans ses mains tremblantes. À peine l'objet avait-il quitté la plateforme que celle-ci remonta à une vitesse ahurissante vers la surface, comme si elle aussi n'avait nulle envie de se trouver à cette endroit. La plateforme avait peut être raison...

L'homme examina le livre rapidement avant de l'ouvrir et feuilleter nerveusement les pages unes à unes avec beaucoup de délicatesse cependant. Arrivé sur la page qu'il cherchait, il y jetta un coup d'oeuil, puis regarda le sol, puis le livre, encore et encore jusqu'à s'arrêter une dernière fois sur le sol. Il posa le livre à coté de lui. Se pencha doucement vers le sol qu'il venait de scruter. Puis, sans regarder son camarade, il bégaya.

[???]: S... sy... Syvä...

[???]: ... De quoi tu parles Thomas ?? (Répondit son camarade, ahuri)

[Thomas]: Syvä... Le premier mot... Syvä... Jean, le premier mot, c'est "Syvä".

[Jean]: Si-va. Pas Si-vé. Le mot se termine bien par un A tréma ? Ä ?

[Thomas]: ...Oui... C'est bien Syvä... Tu as raison...

[Jean]: Bien sûr, ça aurait été Syvǝ sinon... Non ?

[Thomas]: ...Oui... C'est vrai...

Le silence régnait dans la caverne. C'était peut être la plus grande découverte de l'histoire du pays, certes, mais une découverte si grande que les deux ne purent la digérer. L'immensité de celle-ci dépassait de loin leur psyché. Ils ne pouvaient se comporter autrement que de manière normale, comme si ils venaient de retrouver une simple urne du moyen-âge. Et pourtant, ce comportement anodin témoignait d'un choc inimaginable qui dépassait de loin tout ce que chacun d'entre nous aurait jamais pu imaginer.
[Jean]: Et... ?!

[Thomas]: Et ?

[Jean]: Le reste. Le reste !!

Jean commençait à s'impatienter. Pourquoi ? Je ne sais. À sa place, j'aurais préféré retarder le plus possible le moment fatidique.
[Thomas]: Syvä... Syvä ǝtꙩ... Non... Syvä ǝtnꙩ...

Silence.

[Thomas]: Du coup ? C'est quoi ? Qu'es-ce que ça veut dire ??

Jean fit une pause avant de répondre.

[Jean]: Toujours... et douleur... Toujours dans la douleur, probablement. Ce mot, "ǝtnꙩ", il est à l'includitif. C'est toujours dans la douleur. Pas toujours de la douleur. Dans la douleur.

Cette dernière phrase résonna presque autant que la brosse qu'il fit tomber tout à l'heure. Un gong. Une première pièce d'un puzzle de souffrance et d'angoisse. On avait qu'une envie, que cela se termine. Mais on ne pouvait qu'espérer qu'il ne commence pas en premier lieu. L'entre-deux, la voilà la vraie douleur.
[Jean]: Quoi d'autre ??

[Thomas]: Ce n'est qu'une petite phrase...

[Jean]: C'est tout ??

[Thomas]: Non... il y a une autre partie...

[Jean]: Elle dit quoi ?

Thomas pris une grande inspiration avant de répondre, comme si ça réponse allait marquer un nouveau tournant, comme si elle allait changer l'avenir. En quelques sortes, c'était bien le cas. C'était bien ce qui allait se dérouler.
[Thomas]: Syvä ǝtnꙩ, shꙩn ǝmnö.

Un bruit sourd s'échappa du fond de la grotte où ils se trouvaient lorsque Thomas acheva cette phrase fatidique.


* * *

Les deux hommes étaient sorti de la crevasse depuis maintenant plusieures heures. Ils étaient misérablement assis sur deux chaises pliables en métal devant une table similaire. La pièce sombre où ils se trouvaient leur rappelaient l'endroit où ils avaient été extraits d'urgence. La seule différence ? Une lampe de chantier pointée directement sur eux. Si cela ne ressemblait pas à un interrogatoire incroyablement cliché, c'est que c'en était bien un. Ils avaient tous deux l'impression d'être ligotés, ne pouvant bouger. Ils ne l'étaient pas. Mais cette atmosphère était suffisante pour les maintenir en place.

Soudain et sans prévenir, un homme d'une carure impossiblement imposante fit irruption dans la salle d'un geste brusque mais maitrisé. Aussi vite qu'il ouvrit la porte, il la referma d'un son strident, avant de se poser sur la chaise devant eux. Une fois assis confortablement, il fixa les deux hommes. Comme la lumière puissante était placée derrière lui, on ne voyait qu'une ombre. Et pourtant, on pouvait distinguer les contours du masque des plus hauts gradés de la MIRA, ainsi que de minuscules étincelles de lumière blanche à la place des yeux. Ce visage noir avec de petits points blancs vous fixant avait été assez pour terroriser la plupart des individus de toutes les générations. Ces deux citoyens n'allaient pas y faire exception. Le jeux de fixe étant terminé, il commença a parlé d'une voix si grave qu'elle fit trembler les entrailles des archéologues.

[???]: Parlez.

Un silence écrasant s'abattit sur Jean et Thomas. Ils savaient qu'ils devaient parler, ils ne savaient simplement pas de quoi. Avec le plus grand des courages et la plus grande audance, Jean décida timidement de demander plus d'informations. Sans hésiter, l'interrogateur tourna rapidement la tête vers lui. Lentement, les deux individus commencèrent à manquer d'air, à suffoquer. C'était un stratagème bien connu de la MIRA, restreindre l'air et remplacer l'oxygène respirable avec toutes sortes de gaz avec différents effets. Celui-ci donnait l'impression de se noyer dans l'air. C'était insupportable. Les poumons des archéologues étaient en pleurs, suppliant leurs hôtes de faire quoi que ce soit. Ils eurent des réactions de vomissements sans que rien ne sorte de leur bouche. Comme si ils se noyaient réellement, mais d'une noyade invisible. D'un coup subite, comme un sortilège, la torture s'arrêta. Sans attendre, Jean se jetta sur la table en suppliant.

[Jean]: On sait pas ce que c'était. Il y avait juste un bruit. La phrase nous a fait voir des hallucinations. On n'y est pour rien, je ne sais pas ce que ça fout là dessous. C'est sûr, c'est l'oeuvre de la fantassine ! S'il vous plaît, arrêtez ça !

[???]: Dévelopez.

[Thomas]: Y'a rien de plus, c'est tout ce qu'on a à vous dire ! Je vous en supplie !

Mécontent de la réponse, le supplice de la noyade invisible reprit d'une vigeur encore plus intense que la précédente, faisant s'écrouler au sol les deux hommes, gesticulant comme des insectes aspergés de produit chimique. Le spectacle était insupportable, les sons et cris étaient horribles, mais l'homme resta impassible, en attente de sa réponse. Soundain, on entendit une voix féminine dure venant de derrière lui.
[???]: Assez.

Le supplice s'arrêta net. Les deux torturés reprirent leur souffle avec douleur, se redressant lentement pour ensuite s'avachir sur leur chaise et remercier sans fin leur sauveuse. Mais l'interrogatoire ne s'arrêtait pas là pour autant. Cette voix, tous les hauts gradés de la MIRA la connaissaient. Même la plupart des civils antariens. De l'ombre du coin de la salle sortit une figure bien plus mince que l'homme, avec des traits féminins distincts malgré l'obscurité. Son visage était similaire à l'interrogateur, seulement l'éticelle de son oeuil gauche était d'un bleu puissant. Sans se retourner, l'homme se leva et quitta la pièce de suite. La femme prit sa place de suite et fixa les deux archéologues. Elle les regardait depuis qu'on les avait jettés dans cette pièce. Ils n'avaient rien à faire là, mais le hasard les a conduit jusqu'ici. Cette voix, on la connaissait. Ce masque, il se voyait de loin. Ce n'était nulle autre que la fameuse Électre, la porte parole principale de la MIRA, celle qu'on voyait quand les choses allaient mal, quand il fallait parler sérieusement. La seule et unique Électre se tennait là devant Jean et Thomas, éternellement reconnaissants. C'était peut être leur seule chance de recevoir des explications.
[Électre]: Nous savons. Nul besoin de nous le dire. Et ce que vous savez, nul autre doit le savoir aussi. Votre vie, celle de ceux que vous aimez et du pays entier en dépend. Ce n'est pas une supplication, c'est un conseil. Moi, je vivrai. Je resterai en sécurité. Vous serez les premiers à périr et les derniers dont on se souviendra. Vous Les rejoindrez ainsi.

Elle marqua une pause dans son discours.

[Électre]: Nous vous garderons avec nous. Nul mal vous sera fait. Cet essai n'était qu'une vision de ce qui vous attendra aux portes de la trahison. Nous ne vous dirons rien. Vous continuerez votre travail. Vous serez étudiés et vous étudierez. Et si vous devez mourir... Soyez en fiers. Car vous n'entraînez personne dans votre chute. À part l'échec. Notre échec.

Elle fit une pause à nouveau.

[Électre]: Les récompenses à la clé sont d'une magnitude dont vous ne pouvez guère imaginer. Elles sont proportionnelles aux conséquences du cas de l'échec. Si cela advient, même la prière ou l'intervention divine ne vous sauvera pas.

Incrédule et au bord de la transe, Jean s'écria.

[Jean]: Comment ! Comment Dieu lui même ne puis nous sauver ?!

Électre le fixa avec un le même regard, mais un arrière goût sombre et macabre l'accompagnant.

[Électre]: Citoyen, là où nous nous trouvons échappe à toute divinité. Vous n'êtes pas descendus n'importe où. Vous êtes descendus où Dieu n'a pas préjudice, où seuls ses infidèles y sont jettés. Vous avez pénétré dans le règne de la Fantassine...

Une dernière pause fut marquée avant qu'elle ne dévoile enfin la finalité de son discours.

[Électre]: Vous venez de ressortir de l'antichambre des enfers eux-mêmes.


À suivre.
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