Pierre Lore, Ministre des Affaires Étrangères.
Il poussa un cri strident lorsque Thomas mit une main sur l'épaule de Pierre Lore. Au cri de Pierre s'ajouta le cri de Thomas, surpris par la situation. Il retira aussitôt sa main de l'épaule de Pierre et dit sur un ton rassurant et en même temps inquiet :
- Mon Dieu Pierre ! Ce n'est que moi, Pierre, Thomas ! S'exclama-t-il en levant les mains au ciel comme une prédiction de la future colère de Dieu à travers la tempête qui se levait. Alors que les mains de Pierre tremblaient toujours sous le coup de la peur et de la surprise, il se redressa dans son siège confortable en cuir. Il prit un mouchoir dans une petite boîte qu'il sortit de sa valise, et s'essuya éperdument le front, alors que le tonnerre s'élevait dans les cieux, avertissant qu'il avait des comptes à rendre avec les habitants en contrebas ou ceux qui étaient logés dans l'avion. Les parois tremblantes de l'avion, au rythme du tonnerre, il ajouta :
- Ne faites plus jamais ce coup, sinon je vous vire, je vous le jure sur la Couronne. Après la phrase tranchante du ministre, Thomas recula sa tête et enleva définitivement sa main de l'épaule de son supérieur hiérarchique. L'empathie avait disparu avec l'envolée lyrique du ministre. Je ne suis déjà pas à l'aise dans un avion, j'en ai même une peur monstrueuse et voilà maintenant que le ciel semble nous condamner. Je ne souhaite pas mourir ainsi et encore moins présentement alors qu'il me reste tant de choses à faire pour le Royaume de Teyla et je crois la démocratie. Il prit dans ses mains le stylo dans sa poche droite et entama d'actionner le bout du stylo à un rythme constant afin de stabiliser sa peur et se concentrer sur une tâche "plus agréable".
- Je vois, retrouvant un peu d'empathie pour son supérieur dit Thomas. La situation n'est forcément pas idéale, je te l'accorde, Pierre. Mais nous allons survivre, j'en mettrais ma main à couper. Les avions sont faits pour résister aux éclairs et à la foudre. Le pilotage automatique permet de poser l'avion dans les cas les plus extrêmes. J'ai parlé au pilote, enfin, j'ai parlé à une hôtesse qui a parlé au pilote plus exactement, on va se poser sur les îles Marquises, propriété du Grand Kah.
L'évocation du Grand-Kah créa l'éveil d'un sentiment chez Pierre Lore. Il répéta à voix basse pendant plusieurs secondes, comme un gourou, "Le Grand-Kah", avec son doigt positionné de manière horizontale sur son menton. Puis un "Eh merde" sincère sortit de la bouche du ministre des Affaires Étrangères à voix haute.
- Il ne manquait plus que ça, Thomas. Les relations avec le pays sont cordiales, en cela tant mieux, même si nous remettons de plus en plus en cause nos relations avec lui en interne, on se garde bien de le dire en public, bien évidemment. Mais la naissance des relations entre le Grand-Kah et le Royaume est assez comique, sans que le Grand-Kah en sache quelque chose. Pour eux, ce n'était qu'une demande de rencontre ordinaire très certainement. Mais pour nous, c'est une autre histoire. Je ne comprenais pas pourquoi un gouvernement de droite, sur le champ politique teylais, est allé draguer des communalistes. Je veux dire, à première vue, cela n'a aucun sens, n'est-ce pas ? demanda-t-il à Thomas.
- Présenté comme cela, oui, cela n'a pas trop de sens comme vous le dites. Mais votre présentation est peut-être trompeuse ou ne prend pas tous les éléments en compte. Je ne sais pas !
- La rencontre ne s'est pas faite à la demande du Premier ministre ou encore à la pleine demande de Jean-Louis Gaudion, l'ex-ministre des Affaires Étrangères, à ce poste à ce moment. L'enculé de Gary Hubert a visiblement forcé, selon les archives que j'ai trouvées au ministère, la main de Jean-Louis Gaudion pour qu'il contacte Actée, machin chose, je n'ai plus son nom complet, afin d'organiser une rencontre entre Gary et l'un des officiels du régime Kah-Tanais. Vraisemblablement, Gary sait des choses compromettantes sur Jean-Louis, car il le menace implicitement dans les échanges entre les deux personnages et Jean-Louis a cédé. Dans l'un des tiroirs de mon bureau, j'ai retrouvé une note personnelle de Jean-Louis. Elle disait que suite à la prise de pouvoir d'Antoine Carbasier, Premier ministre à l'époque, Gary Hubert voulait flinguer le gouvernement ou obtenir de meilleurs accords que Jean-Louis. Tout dépendait de la réaction des Kah-Tanais. La réaction fut cordiale, alors il a opté pour obtenir de meilleurs accords à l'étranger. Tout ça pour reprendre le contrôle du parti.
- Ça n'a pas très bien marché vu comment ils se sont fait exploser par Angel Rojas aux élections, une année plus tard. En plus, ça a permis l'émergence d'un parti de centre-droit et les actions de la Loduarie qui font augmenter le score du Parti Royaliste n'arrangent rien à la situation de la droite.
- Cela serait vrai si nous étions toujours aussi hauts dans les sondages. Mais nous ne sommes plus qu'à trois pourcents d'écart avec la droite, toujours à notre avantage certes. Mais attention, si le parti de centre-droit et la droite s'allient, se distribuant les circonscriptions avant, alors l'avantage est clairement pour cette alliance qui gagnera sans aucune réaction de notre part. En outre, cela n'est pas sans compter le prochain congrès des Royalistes qui a lieu l'année prochaine. Si Jean-Louis Gaudion gagne le congrès, alors la victoire sera plus compliquée. Bien que je doive admettre que l'actuelle direction des Royalistes fait un très bon travail tant sur le fond que sur le terrain. Cela explique en partie pourquoi nous ne sommes plus qu'à trois pourcents. Ils montent plus lentement que nous descendons dans les sondages, ils ont encore des difficultés vis-à-vis de leur image suite à l'explosion du gouvernement d'Antoine Carbaser qui avait donné lieu à une guerre interne médiatisée.
Alors que le ciel crachait une forte pluie qui s'abattait sur les parois de l'avion ministériel, l'avion commença sa descente pour se poser à l'aéroport de Fort-Tempête, la plus grande ville des Îles Marquises. Pierre Lore se posait de nombreuses questions quant à sa visite imprévue sur ces îles. Allait-il être accueilli et, si oui, par qui ? Allait-on lui faire une visite improvisée de l'île, ce qu'il souhaitait ? Il savait tout aussi bien que la diplomatie n'avait aucun répit et que les officiels Kah-Tanais, s'ils étaient présents, allaient trouver une raison d'entamer des discussions informelles liées à des dossiers diplomatiques.