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Visite du Khalife Kubilay d'Azur à Caribeña

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Visite d'Etat de Son Altesse Sémillante le Khalife d'Azur à Caribeña
28.07.2015 - 06.08.2015

chill guys

A peine quelques jours après l'arrivée du cargo d'aide humanitaire affrété par l'Azur pour venir en aide aux populations frappées par le tsunami du Deltacruzando, le Califat constitutionnel se préparait à poser un nouvel acte fort pour démontrer son amitié avec la République de Caribeña : la visite du chef de l'Etat, Commandeur des Croyants, chef symbolique et temporel de l'Azur, Son Altesse Sémillante le Calife Kubilay al-Mârwâni al-Dîn Ibn Sayyid.

Elu à la fonction suprême par le Conseil des Oulémas en 1997, le Calife Kubilay était une personne réservée et secrète, qui n'avait jamais accordé d'interview publiquement ni tenu d'autres discours que ceux des prêches, lors des cérémonies religieuses et des prières dont il dirigeait le déroulement. D'obédience soufie, on le savait plus conservateur que ses prédécesseurs, qui avaient permis que l'Azur vive une grande phase de libéralisation entre 1978 et l'an 2000 ; vingt ans de soulagement après les dures années de plomb de la dictature républicaine nationaliste et laïque, qui avaient vu l'émergence d'un régime hybride, faisant la synthèse d'un système parlementaire pluraliste et d'un modèle de gouvernance religieux fondé sur le droit islamique. Une synthèse qui n'était pas sans poser de questions sur la pérennité d'un tel modèle. Néanmoins, depuis 1997, le bon déroulement des élections avait montré que le Calife n'avait pas l'intention de s'opposer frontalement à la tendance lourde de démocratisation et de sécularisation des mœurs, bien que le parti califal au pouvoir, la Nahda, soit lui-même traversé de tendances contradictoires.

L'Azur avait un travail important devant lui. L'année 2015 s'ouvrait avec de nouvelles perspectives économiques, qui demeuraient barrées derrière des horizons incertains. L'économie était erratique. Les débats intérieurs se concentraient sur des clivages liés aux dégâts des industries énergétiques, autant que sur leurs bénéfices.

Suivant l'avis de son populaire ministre des Affaires étrangères, l'influent Jamal al-Dîn al-Afaghani, islamo-démocrate de l'aile gauche progressiste de la Nahda, le Calife avait fait de la politique étrangère un moyen de relancer le prestige de l'Azur et de donner à son règne un éclat nouveau. L'Azur s'était ainsi lancé dans une politique active autant que dans une campagne de communication pour promouvoir sa vision du monde. L'objectif ; nouer de nouveaux partenariats, créer de nouveaux liens, trouver des terrains d'entente non seulement avec les puissances traditionnelles, mais aussi avec les Etats émergents du Sud Global.

La stratégie azuréenne pour se lancer à la conquête du Paltoterra commençait à s'articuler. Agatharchidès voyait ce continent comme le moteur de l'économie mondiale, les économies alguarenaises et kah-tanaises se hissant en tête du classement de la richesse mondiale depuis quelques années ; les deux puissances voisines étaient des acteurs majeurs de la politique internationale, avec lesquels l'Azur espérait nouer des liens.

Le Califat ne négligeait pas non plus les Etats moins massifs ; la République de Caribeña était un pays de taille plus modeste. Mais la taille seule ne peut compter ; savoir se servir de ses ressources était essentiel. La nature du régime populaire de Caribeña, ses tentatives de diversifier son économie et de pérenniser son système politique résonnaient avec les propres préoccupations de l'Azur. Et surtout, le pays avait été touché par un désastre naturel des plus effroyables. L'afflux d'aide humanitaire pour les victimes du tsunami du Deltacruzando avait été l'occasion d'un premier contact positif entre l'Azur et Caribeña. Les deux régimes commençaient à nouer une relation prometteuse.

Par ailleurs, Caribeña était un pays qu'on disait baigné d'un soleil magnifique, regorgeant de produits tropicaux remarquables, et habité par une culture populaire qu'on ne trouvait nulle part ailleurs. Le charme de ses villes bordées de palmiers, de ses villages côtiers de pêcheurs, de ses quartiers aux murs peints aux couleurs de la Révolution attirait autant les aventuriers et les spécialistes qu'une nouvelle génération de touristes de la classe moyenne. Ainsi, des opportunités économiques se déployaient en même temps que l'occasion de nouer une entente bilatérale avec un pays stratégiquement situé, et dont l'importance dans la politique mondiale demeurait encore insoupçonnée de concurrents potentiels.

C'est donc dans un état d'esprit serein que le dirigeable zeppelin Al-Mûstangîr, qui transportait Son Altesse Sémillante, descendit sur l'aérodrome international de Maravilla, République de Caribeña, en ce 28 juillet 2015 au soir, pour que commence le premier voyage d'un Calife au Paltoterra oriental.
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C’était une rencontre singulièrement marquante, teintée d’un symbolisme profond et d’un imaginaire presque mystique. Elle captivait les esprits non seulement par ce qu’elle signifiait, mais aussi par la stature de l’hôte: un haut dignitaire étranger incarnant, par sa fonction et son aura, une autorité religieuse suprême. Un événement d’autant plus notable qu’à Caribeña, l’histoire entre religion et État a toujours emprunté des chemins discrets, presque distants. Depuis la chute de la dynastie Pareja, aucune véritable politique religieuse n'a vu le jour. La Révolution, bien que bouleversant le paysage social et politique, n’a jamais investi la religion d’un rôle central ni tenté de la supprimer. À Caribeña, la foi s’est faite calme, souvent héritée des générations qui ont vécu avant le grand tumulte révolutionnaire, et pour l’essentiel, la population s’est éloignée de toute appartenance religieuse rigoureuse.

Et pourtant, ici, en accueillant la plus haute figure d’Azur — une apparition rare et solennelle —, le pays osait une démarche inédite, presque audacieuse. Ce geste ne manquait pas d’ambition. Pourtant, il est à noter que le peuple caribeño n’entretient pas de méfiance particulière envers les religions. Leur relation à la foi n’a rien de belliqueux ni même de mépris ; elle est tout au plus neutre, souvent encline à une cordialité respectueuse. Parce qu’ici, dans cette côte façonnée par les échos de révolutions et les vents de l’Histoire, la religion n’a jamais été perçue comme une menace, ni comme un instrument de domination, ni comme une source de conflits ni de conversions forcées. Elle n’a jamais, dans la mémoire caribeña, incarné le fer ou le fouet. Ainsi, accueillir cette éminente figure, c’était célébrer non pas une soumission, ni une adhésion, mais plutôt un échange, empreint de respect, entre deux mondes qui, bien que différents, ne se sont jamais combattus.

On pourrait être tenté de croire que cette rencontre se limitait à un dialogue religieux, qu’elle se plaçait uniquement sous l’ombre de l’Islam, comme si sa seule finalité était de marquer l’arrivée d’une éminente figure islamique foulant pour la première fois le sol caribeño. Mais en vérité, la portée de cet événement dépassait largement le cadre spirituel. Il ne s’agissait pas simplement de foi ou de dogme. Cette rencontre était, avant tout, la manifestation d’une volonté commune, celle de renforcer les liens entre deux nations : celle de Caribeña et celle d’Azur, unies par le désir profond d’offrir le meilleur à leurs peuples respectifs.

La diplomatie caribeña, orchestrée avec soin par le ministère des Affaires étrangères, mais surtout incarnée avec une ferveur sincère par le camarade président de la République, Sol Marquez, portait ici un message limpide. Dans un monde où les équilibres géopolitiques restent fragiles, Caribeña aspire à étendre ses relations, à les rendre plus vastes, plus diversifiées. La petite nation, prisonnière de ressources modestes, n’en déploie pas moins une diplomatie hardie, ambitieuse, ajustée avec précision à ses moyens. Chaque rencontre, chaque dialogue, ne saurait être fortuit ou anodin. Non, dans ce geste, dans cet échange, il y avait une affirmation claire : si Caribeña choisit de vous parler, de s’asseoir à votre table, c’est que vous portez en vous quelque chose de singulier, une richesse unique, une qualité précieuse que d’autres n’ont pas.

Les vents chauds de Maravilla dansaient autour de l’aérodrome international, agitant doucement le drapeau Caribeña qui flottait avec fierté à côté de l’étendard azuréen. Les couleurs éclatantes du couchant semblaient avoir été convoquées spécialement pour l’occasion, illuminant la scène avec une théâtralité que même le plus talentueux des metteurs en scène n’aurait pu espérer. Sol Marquez, camarade président de la République, ajusta machinalement le col de son uniforme d’apparat, sans aucunes dorures d’insignes militaires. Sobriété.

L’instant était solennel, mais pas austère. Dans son habit ajusté, Marquez portait sur son visage l’expression ambivalente d’un homme qui connaît à la fois le poids de l’Histoire et la nécessité des gestes symboliques. À ses côtés, César Murillo, le ministre des Affaires étrangères, un homme à la carrure plus modeste mais au regard perçant, se tenait presque immobile, les mains croisées dans une posture de respect calculé.

Derrière eux, une rangée de jeunes pionniers de la Révolution portait des bouquets de fleurs tropicales qu’ils allaient offrir à l’illustre visiteur. Leurs visages, lumineux et innocents, reflétaient l’excitation générale de cette journée unique. Le vrombissement grave du dirigeable Al-Mûstangîr remplissait encore l’air, sa carène imposante planant comme un monument céleste au-dessus des sols irradiés de chaleur. Son arrivée avait magnétisé l’atmosphère, comme si le territoire tout entier retenait son souffle à l’idée d’accueillir pour la toute première fois la figure énigmatique et profondément respectée du Calife de l’Azur.

Sol Marquez le savait… Les moments de pareille importance ne pardonnent aucune improvisation. Mais ce soir, il n’y aurait pas de faux-semblants, pas de gestes creux. La visite du Calife s’inscrivait dans une stratégie mûrement réfléchie et assumée. Elle était aussi, à sa manière, un acte de foi. Pas une foi spirituelle — Caribeña n’avait jamais eu vocation à dissimuler ses héritages laïques de la Révolution — mais une foi dans le futur, dans les relations humaines capables de défier les frontières, et dans la promesse implicite qu’une coopération sincère peut établir là où tout semblait les opposer : entre une république socialiste, résiliente et fière de son peuple, et un Califat constitutionnel dont l’identité naviguait entre tradition et modernité.

Tandis que l’échelle du dirigeable s’abaissait avec une lenteur calculée, Marquez ressentit une lourdeur familière, celle des moments qui échappent au contrôle individuel, mais où chaque regard est tourné vers lui, en attente. Il se redressa légèrement, son torse bombé par une posture naturelle de soldat révolutionnaire, puis décrocha un sourire qui orna son visage buriné de leader populaire.

L’apparition du Calife marqua un renversement dans l’atmosphère. D’un coup, l’agitation des journalistes, des officiels et du cortège s’interrompit. Tous suivirent de loin le pas cérémonieux des dignitaires du Califat qui descendaient les premiers, et lorsque leur Commandeur des Croyants se manifesta, une onde de murmures presque muets parcourut l’assistance. Sol Marquez, de son côté, bouillait intérieurement. Pas de nervosité cependant, non, c’était une vigilance lumineuse, celle d’un homme prêt à écrire un chapitre d’histoire. L’image était parfaite, on avait là deux figures ayant chacune leur monde à représenter, leur vision à incarner.

Le Calife descendait à présent avec lenteur, mais ce n’était pas cette silhouette silencieuse et distante qui préoccupait Sol Marquez, c’était ce qu’il allait incarner à cet instant. Une main à serrer, une invitation à formuler, une alliance frémissante encore à dessiner. Au moment où les pieds du dignitaire azuréen touchèrent le sol de Caribeña, Sol leva la main, chaleureux, engageant, le pas ferme mais sans prétention. Il avança vers lui avec une maîtrise parfaite du cadre, bien conscient que ce geste paraissait presque chorégraphié vu d’un appareil photo ou d’une caméra, mais sachant aussi qu’il appartenait uniquement à eux deux de donner un sens à cet échange.

Le sourire de Marquez s’élargit à mesure qu’il se rapprochait. Quand ils furent assez proches pour s’étreindre, il murmura dans un caribeño teinté de la rudesse propre à sa voix :

« Vous êtes le bienvenu, Señor Califa. Caribeña vous ouvre ses bras avec le soleil. »

Puis, levant légèrement son bras libre, il désigna la haie d’honneur faite de pionniers et d’hommes de la révolution, avant de faire un léger geste vers le ciel encore paré des derniers feux d’or. Une brise plus fraîche commençait à s’élever, comme pour tempérer la chaleur éclatante de l’accueil. Désormais, la scène passait au dialogue. Et ce dialogue, Marquez en avait bien conscience, déterminerait plus qu'une relation. Il ouvrirait peut-être un chemin vers une nouvelle compréhension entre des mondes encore inconnus l’un à l’autre. Tout le reste, Sol Marquez le confiait à ce moment entre hommes — à leurs mots, à leurs regards.

« Votre venue ici, votre Altesse, n’est pas simplement une visite diplomatique, » entama-t-il, choisissant ses mots avec soin, d’une voix grave mais teintée d’un enthousiasme palpable. « C’est un moment que l’Histoire retiendra. Car entre nous deux, entre l’Azur et Caribeña, il existe là une opportunité rare. Nos peuples... » Il marqua un léger silence, laissant ses mots prendre appui sur l’écho lointain des applaudissements derrière eux, avant de tourner légèrement son regard vers l’horizon chargé de lumière.

Puis, s’arrêtant sur cet instant de gravité bien pesée, il détourna son attention des grands discours pour revenir à une tonalité plus directe, plus personnelle. Toucher à la profondeur symbolique, oui, mais guider maintenant vers le concret. « Je vous propose que nous laissions les officiels suivre le cortège, et que vous-même, ainsi que quelques-uns de vos proches conseillers, m’accompagniez jusqu’à mon bureau privé, juste ici, dans le pavillon présidentiel près de l’aérodrome, » ajouta-t-il d’un ton plus léger, tout en tendant un bras vers une élégante bâtisse blanche en contrebas, à courte distance. « Je souhaite que nos premiers échanges soient simples, sans comme il faut, entre vous et moi. »

Il tourna légèrement son corps pour faire un pas en arrière, comme pour mieux accueillir l’assentiment du Calife, sa posture pleine d'ouverture mais aussi d’assurance. Derrière lui se profilait ce pavillon sobre et fonctionnel, érigé dans un pur style moderniste caribeño, avec ses tons de blanc et ses arcs inspirés de l’architecture populaire. De là-bas, la brise marine venait se mêler subtilement aux effluves des fleurs omniprésentes. Des lieux bien plus officiels et grandiloquents attendaient sûrement le Calife pour les prochains jours de la visite — le palais présidentiel de Maravilla, les réceptions diplomatiques, les dîners d'État. Mais Marquez, en stratège d’une diplomatie pragmatique et sincère, avait fait le choix d’une entrée en matière délibérément humble. Loin des regards inquisitifs des caméras, cette réunion dans un cadre plus intime offrirait une opportunité de poser les bases solides du dialogue et, bien plus encore, de donner de la profondeur humaine à ce qui risquait autrement de rester une formalité.

Il tourna sa tête une dernière fois, jaugeant avec calme la réaction du Calife. Dans ses yeux brillait une conviction tranquille, mais aussi une légère malice propre à son caractère de camarade président habitué à manœuvrer dans les méandres de la politique.

« Nous avons des fruits tropicaux qui n’attendent que vous. Et si le vent se lève, peut-être même un rhum caribeño enfin, si c’est acceptable pour vos usages, bien entendu, » ajouta-t-il avec un sourire sincère, mélange habile d'humour et d’un respect profond pour la culture et les coutumes de son invité. « Qu’avez-vous envie de partager, Calife Kubilay, avant que la grande scène ne nous réclame à nouveau? »

Et là, sur cette note ouverte, il offrit au chef azuréen l’occasion de prendre la parole selon son style propre, de choisir l’angle du dialogue ou de réagir à cette invitation à une rencontre plus intime. De son côté, Sol Marquez était prêt, attentif et parfaitement maître de son rôle, poser l'échiquier, mais laisser les pièces en mouvement entre les mains des protagonistes.
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Maravilla

L'interprète traduisait les propos du Président Sol Marques dans l'oreille du Calife. Celui-ci demeurait à demi caché par le soleil, s'abritant sous une large ombrelle déployée par quelqu'un de sa suite. L'air était moite, imprégné de l'humidité de la mer et de la latitude tropicale. L'air brûlant du désert azuréen n'avait pas le même contact.

Kubilay déchiffra le paysage de Maravilla, aux encorbellements et aux couleurs nichées au plus près de la mer. Les demeures anciennes, à l'élégance presque coloniale, abritaient des échoppes et des bureaux de tabac vétustes. Du linge pendait aux fenêtres. Les oiseaux chantaient dans les rues, sautant d'un palmier à l'autre.

Saisissant dans ses mains le cigare qu'on lui présentait, il se fit expliquer la manière de fumer le tabac à Caribeña. C'était une richesse nationale, qui avait été la source d'une grande richesse à l'époque des colonies, des planteurs, des galions et des pirates. La plante aux feuilles enivrantes croissait à Caribeña, comme dans tout le Nouveau Monde, avec une vigueur et une qualité uniques. Ces rouleaux parfumés se prêtaient excellemment aux conversations détendues. Tirant une bouffée sur le cigare qu'un assistant avait allumé pour lui, le Calife plissa les yeux en dévisageant son vis-à-vis, le Président Sol Marques.

C'était assurément une autre trempe d'homme. La révolution caribeña était toute récente ; en 1994, Kubilay lui-même était encore inconnu du peuple dont il présidait aujourd'hui aux destinées ; sous le Khalife Bûrwanî, il n'était qu'un savant de l'islam parmi d'autres, avant d'être élu à la fonction califale en 1997, quand au milieu du printemps, Son Altesse avait été rappelée à Dieu. En même temps, à Caribeña, Sol Marques et ses camarades menaient la guérilla contre le régime bananier des Pareja. Les armes à la main, ils avaient libéré leur peuple et construit une République nouvelle. Tout ici avait été fait de leurs mains. Kubilay s'intéressait à ces hommes-là, qui ont vu le feu et le sang, et que les hasards de l'Histoire et la volonté invisible du Créateur propulsaient aux premiers rangs. Sol Marqués était l'un d'entre eux. D'ailleurs, une aura légendaire baignait le Président de Caribeña ; n'avait-il pas de ses propres mains assisté à la naissance prématurée d'un enfant sain et sauf, lors de la Marche commémorant la Révolution ?

Par le truchement des interpètes, Kubilay et Sol Marques échangèrent quelques mots en privés. Les visites officielles démarreraient dans l'après-midi et se poursuivraient pendant quelques jours. Autour du cigare, ils sympathisèrent.

— Je connais un poème de votre pays, dit le Calife en passant par son interprète, avant de déclarer en espagnol :

La memoria, simplemente,
dentro de la oscuridad,
puede ser el filo de una espada,
el nudo en una cuerda, el caos,
la propia voz como un martillo
en el silencio;
o, por el contrario,
una estrella joven
brillando, inesperadamente,
sobre el fondo de la noche.


C'était un poème d'un auteur maravillais, qui avait vécu au XXème siècle les épisodes douloureux de la dictature Pareja, du travail forcé dans les plantations de canne, et qui avait participé aux premières étincelles du mouvement révolutionnaire.

La mémoire, simplement,
dans l’obscurité,
peut être le fil d’une épée,
le nœud dans une corde, le chaos,
la propre voix comme un marteau
dans le silence;
ou, au contraire,
une étoile jeune
brillant, étonnamment,
sur le fond de la nuit.

HRPPoème de Roberto Branly, écrivain cubain (1930-1980)

Son Excellence Muhammad Badie était le secrétaire personnel de Son Altesse Califale. Lorsque démarra l'entretien privé entre les deux chefs d'Etat, il se laissa entraîner par ses homologues Caribeño vers des salles de travail où s'alignait une longue table, deux rangées se faisant face, avec des chaises le long des murs pour les traducteurs et rédacteurs divers. Les deux drapeaux étaient accrochés dans un coin de la pièce ; la lumière de la ville entrait par les larges fenêtres. Avec amabilité, les représentants du gouvernement républicain proposèrent le début des discussions.

Assis au centre de la délégation, les mains croisées en signe de sérieux, Badie commença un discours de remerciements à destination des Caribeños, les félicitant pour leur accueil chaleureux et la beauté de leur capitale. Il fut applaudi dans la salle, puis l'on ouvrit les cahiers disposés à chaque siège, afin de passer aux travaux pratiques de la diplomatie. Sur des feuilles blanches se trouvaient imprimés les premières versions d'accords bilatéraux divers.

— Messieurs, mesdames, señores, señoras, je vous propose de commencer par l'étude d'un accord commercial. Celui-ci vise à établir entre nous une relation commerciale d'échange réciproque, basée sur le principe de la solidarité et de la non-monétisation. Conformément aux principes républicains de Caribeña, cet échange serait un troc établi sur un taux d'échange, sur deux marchandises cruciales pour vous et pour nous. Vous le savez peut-être, l'Azur vit en ce moment un phase économique compliquée, liée notamment aux importations alimentaires qui font peser un poids important sur le pouvoir d'achat des ménages. La nourriture coûte cher, et notamment les aliments de base, comme la farine, l'huile ou le sucre. Caribeña étant un grand producteur de sucre de canne, nous serions intéressés à pouvoir établir un contrat pérenne pour nous ravitailler en sucre, et ainsi assurer un prix stable de cette denrée sur notre marché domestique. Réciproquement, et sans offense pour vous, nous avons partagé des réflexions sur le dynamisme de l'économie de Caribeña, qui est largement tributaire des importations de pétrole, qui pèsent près de 2,5 milliards de dollars internationaux sur votre balance commerciale, avec les incertitudes que l'on sait quant à la variabilité de ce prix à payer pour l'économie locale. Nous vous proposons l'offre d'un ravitaillement régulier en pétrole, en contrepartie de la fourniture de sucre. Nous proposons un taux d'échange de 6,75 barils contre 1 tonne de sucre, en nous basant sur une analyse de nos besoins réciproques et des bénéfices économiques que pourrait susciter un tel échange. Par ailleurs, nous proposons que ce taux d'échange rende inutile la nécessité de recourir à une monnaie quelconque, rendant notre accord d'autant plus fiable et solide qu'il sera directement piloté par les administrations centrales, et non par les marchés de change ou les places boursières internationales. Ce partenariat de solidarité économique nous semble un premier pas intéressant pour renforcer notre coopération bilatérale. Nous sommes à votre écoute pour y apporter des amendements éventuels, et sommes ouverts à d'autres propositions de votre part, avant d'aborder les dossiers suivants.

Proposition d'accord économique et commercial

Article 1 : échange de matières premières, "Sucre contre Pétrole"
Caribeña fournira un million de tonnes (1'000'000 t) de sucre de canne raffiné à l'Azur, en échange de quoi l'Azur fournira six millions sept-cent-cinquante mille barils (6'750'000 brl) de pétrole conventionnel brut à Caribeña. Le taux d'échange entre les deux biens est établi à 0,149 tonnes de sucre pour 1 baril de pétrole (quantité de sucre en tonnes raffiné en tonnes échangeable contre un baril de pétrole).

Article 2 : mécanisme d'ajustement
Le taux d'échange entre les deux biens pourra être réétabli par concertation mutuelle, à raison d'une fois par an.

Article 3 : configuration des échanges
La production et la livraison du pétrole azuréen sera confié à la société nationale PETRAZUR. La production du sucre caribeño sera confié à une société nationale. La logistique du transport des marchandises sera confiée à une société intermédiaire détenue à 50 % par l'Etat caribeño et à 50 % par l'Etat azuréen.
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Alors que la délégation adoptait une allure bien plus solennelle que la simple rencontre entre les deux dirigeants emblématiques de leurs nations respectives, Sol Márquez et le Calife Kubilay, l’effervescence régnait dans la salle de réunion. Les diplomates caribeños et azuréens s’attelaient avec ardeur à la tâche, explorant chaque opportunité pour sceller un accord équilibré et prometteur.

La négociation connaissait un moment clé lorsque Son Excellence Muhammad Badie, secrétaire personnel de Son Altesse Califale, soumit une proposition aux représentants de Caribeña. Côté caribeño, c'est la ministre de l’Économie, du Commerce et de la Planification, Madame Isabela Cruz-Ramírez, qui portait la voix de son pays. Accompagnée de ses conseillers et collaborateurs du ministère, elle incarnait une figure de compétence et d’assurance, tirant parti de la grande liberté d’action que lui conférait sa relation privilégiée avec le Camarade Président Sol Márquez. Contrairement à d’autres administrations, celle-ci se distinguait par un respect de l’autonomie des ministres, leur offrant une marge importante dans la définition des politiques et la prise de décisions stratégiques. Cette indépendance avait forgé son style : à l’écoute et perspicace, elle anticipait déjà les pistes à explorer dès les premières interactions avec ses homologues azuréens.

Prenant la parole d’une voix assurée, Madame Cruz-Ramírez exposa ses réflexions...

— Monsieur Badie, votre première proposition est en adéquation avec les valeurs de Caribeña et, bien entendu, avec celles d’Azur. De nombreux points de convergence s’en dégagent: nos avantages respectifs, quoique différents, se complètent harmonieusement. Cependant, permettez-moi de suggérer d’aller plus loin et de soulever certains points qui méritent notre attention.

Marquant une brève pause pour mieux capter l’attention générale, elle continua...

— Bien que le taux d’échange actuellement envisagé soit fixe, les fluctuations des prix mondiaux, notamment ceux du pétrole et du sucre, posent un risque significatif. Dans certains cas, l’un de nos deux pays pourrait se retrouver désavantagé. Je préconise donc une révision périodique de ce taux, une fois tous les six mois, par concertation mutuelle, assortie d’une clause de flexibilité.

Elle laissa ces mots résonner avant d’aborder un autre point crucial :

— Par ailleurs, j’aimerais que l’on réfléchisse ensemble à la création d’un fonds de solidarité économique. En voici l’idée : ce fonds servirait à soutenir des projets d’intérêt commun, financés par les économies réalisées grâce à notre accord, notamment sur nos importations respectives. Concrètement, Caribeña s’engagerait à consacrer 2 % des économies générées sur ses importations de pétrole, sous forme de biens en nature ou de services. Je propose qu’Azur adopte une mesure similaire. Avec ces ressources, nous pourrions financer des infrastructures, développer des programmes sociaux ou encore encourager des initiatives économiques profitables à nos deux nations. Qu’en dites-vous?

Pendant qu’elle s’exprimait, les membres de son équipe s’étaient affairés à formaliser cette suggestion et à ajuster la proposition initiale soumise par les Azuréens, rédigée désormais dans une version enrichie et affinée. Confiante mais sans insistance excessive, Madame Cruz-Ramírez conclut...

— Je n’entends bien sûr en rien vous imposer cela, mais je pense qu’une telle révision pourrait offrir des garanties supplémentaires. Je serais ravie d’entendre vos avis sur ces propositions et de travailler ensemble pour aboutir à une formule qui satisfasse pleinement nos deux nations.


Proposition d’accord économique et commercial révisé


Article 1 : Échange de matières premières, "Sucre contre Pétrole"

1. Caribeña fournira un million de tonnes (1'000'000 t) de sucre de canne raffiné à l’Azur.
2. En échange, l’Azur fournira six millions sept-cent-cinquante mille barils (6'750'000 brl) de pétrole conventionnel brut à Caribeña.
3. Le taux d’échange entre les deux biens est établi à 0,149 tonnes de sucre raffiné pour 1 baril de pétrole (quantité de sucre en tonnes échangeable contre un baril de pétrole).


Article 2 : Mécanisme d’ajustement

1. Le taux d’échange pourra être révisé une fois tous les 6 mois par concertation mutuelle, en tenant compte des fluctuations des prix internationaux du sucre et du pétrole.
2. Une clause de flexibilité permet d’adapter les volumes échangés en fonction des besoins économiques des deux parties.


Article 3 : Configuration des échanges

1. La production et la livraison du pétrole azuréen seront confiées à la société nationale PETRAZUR.
2. La production et la livraison du sucre caribeño seront confiées à la société nationale CAÑAZUCAR.


Article 4 : Création du fonds de solidarité économique

1. Un fonds de solidarité économique est créé pour financer des projets d’intérêt commun, tels que des infrastructures, des programmes sociaux ou des initiatives économiques.
2. Ce fonds sera alimenté par une contribution annuelle des deux parties, basée sur les économies réalisées grâce à l’accord sur leurs importations respectives.
a. Caribeña s’engage à consacrer 2 % des économies réalisées sur ses importations de pétrole en fournissant des ressources matérielles (sucre, matériaux de construction, etc.) ou des services.
b. L’Azur s’engage à consacrer 2 % des économies réalisées sur ses importations de sucre en fournissant des ressources matérielles (pétrole, produits dérivés, etc.) ou des services.
3. Les contributions au fonds seront en nature, conformément aux besoins des projets financés.


Article 5 : Gestion du fonds de solidarité économique

1. Un comité mixte, composé de représentants des deux parties, sera chargé de la gestion transparente et équitable du fonds.
2. Le comité sélectionnera les projets à financer, en priorisant ceux qui bénéficient aux populations des deux nations et renforcent les liens économiques et sociaux.
3. Un rapport annuel sera publié, détaillant l’utilisation des ressources et l’impact des projets financés.


Article 6 : Résolution des différends

1. En cas de désaccord sur l’interprétation ou l’application de l’accord, les parties s’engagent à privilégier le dialogue et la consultation.
2. Si aucun accord n’est trouvé, le différend sera soumis à un tribunal arbitral neutre reconnu par les deux parties, dont la décision sera définitive et contraignante.


Article 7 : Durée et renouvellement

1. L’accord est conclu pour une durée initiale de 5 ans, renouvelable par tacite reconscription pour des périodes de 3 ans, sauf dénonciation écrite au moins 6 mois avant son expiration.
2. Les clauses relatives au fonds de solidarité économique resteront en vigueur tant que l’accord sera actif, sauf décision contraire des deux parties.
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Mohammed Badie s'éclaircit la voix avant de reprendre la parole.

— Excellence Madame la Ministre de l'Economie, du Commerce et de la Planification ; vos Excellences. Tout d'abord je vous remercie pour la réponse constructive et encourageante que vous avez eu le gré de nous faire sur cette proposition d'accord économique. En l'état, nous sommes prêts à ratifier les articles 1, 2 et 3 de votre proposition ; il apparaît naturel de prévoir une réévaluation du taux d'échange à une fréquence régulière. Nous sommes tout à fait disposés à ce que cette réévaluation puisse aussi concerner les volumes échangés ; ainsi, les volumes de sucre, pétrole et leur taux d'échange seraient réévalués tous les six mois. Cela nous semble conforme aux principes que nous avons édictés et à l'intérêt de nos deux nations.

J'en viens aux articles 4 et 5 que vous proposez, au sujet de la création d'un fonds commun d'investissement abondé à parts égales par nos deux Etats. Sur le principe, nous considérons que c'est une idée juste et qui répondrai excellemment au besoin d'aides spécifiques que certains acteurs sociaux peuvent ressentir, et une manière de mutualiser les coûts de la coopération afin de répondre à des problématiques d'intérêt général. Votre proposition présente cependant un écueil à nos yeux, qui est celui du chiffrement de la contribution en nature qui devrait être apportée par l'une et l'autre partie ; faute de taux d'échange stable, nous considérons qu'il est hasardeux de nous engager à contribuer en nature à un projet, à une hauteur qui ne serait pas clairement déterminée. Ainsi, nous proposons plutôt que la contribution de nos deux Etats soit déterminée sur la base des profits de chacun - ce que vous proposez déjà - établis en devise nationale - ce qui est à modifier dans la présente proposition. Acceptant le taux de 2 % des profits réalisés par les compagnies pétrolières et sucrières nationales sur la mise en œuvre de l'accord de part et d'autre, nous proposons que le Fonds que vous appelez de vos voeux soit plutôt abondé en devises nationales, soit en Sols caribeños et en Dirhams azuréens. Par ailleurs, il nous semble nécessaire de préciser la nature des projets éligibles aux aides de ce fonds. Nous souhaitons que les grandes problématiques de notre siècle soient prioritaires dans l'accès à ce fonds. Il s'agit pour nous de projets répondant aux nécessités du développement équitable, à la réponse des besoins des populations défavorisées, et à la préservation de la Nature. Ces points mériteraient d'être approfondis dans un texte international spécifique ; pour le moment, nous proposons de garder cette formulation simple, avant de préciser dans l'avenir ce que nous entendons par ces formulations. Enfin, nous souhaiterions que ce fonds prenne le nom de "Fonds de Solidarité Economique Caribeño-Azuréen" (FSECA). Ainsi, nous préférerions voir l'article 4 réécrit de la façon suivante :

Article 4 : Création du fonds de solidarité économique

1. Un fonds de solidarité économique est créé pour financer des projets d’intérêt commun, tels que des infrastructures, des programmes sociaux ou des initiatives économiques répondant aux nécessités du développement équitable, à la réponse des besoins des populations défavorisées, et à la préservation de la Nature.
2. Ce fonds sera alimenté par une contribution annuelle des deux parties, basée sur les économies réalisées grâce à l’accord sur leurs importations respectives.
a. Caribeña s’engage à consacrer 2 % des économies réalisées sur ses importations de pétrole en abondant le Fonds en Sols caribeños.
b. L’Azur s’engage à consacrer 2 % des économies réalisées sur ses importations de sucre en abondant le Fonds en Dirhams azuréens.
3. Le Fonds de Solidarité Economique Caribeño-Azuréen est réservé aux projets dont tous les acteurs sont impliqués dans les pays signataires.

Ceci étant dit, nous proposons de modifier l'article 5 qui définit la gouvernance du FSECA que nous appelons de nos vœux. Nous proposons que le comité soit présidé par un Président, qui sera désigné par nos autorités respectives, par la méthode du consensus. Ainsi :

Article 5 : Gouvernance du Fonds de solidarité économique :

1. Un comité mixte, composé de représentants des deux parties, sera chargé de la gestion transparente et équitable du fonds.
2. Le comité sélectionnera les projets à financer, en priorisant ceux qui bénéficient aux populations des deux nations et renforcent les liens économiques et sociaux.
3. Un rapport annuel sera publié, détaillant l’utilisation des ressources et l’impact des projets financés.
4. La présidence du comité, renouvelable tous les cinq ans, fait l'objet d'une désignation par commun accord de la part des Etats parties au traité ; elle peut être démise et remplacée sur demande d'un des Etats.


L'article 6 tel que vous le proposez est souhaitable, car nous souhaitons également que cet accord puisse bénéficier de garanties importantes pour que sa pérennité soit assurée. Néanmoins, nous ne sommes pas tout à fait disposés à mettre dans les mains d'un "tribunal arbitral neutre" la compétence de "contrainte" envers l'un de nos Etats souverains. Nous proposons plutôt que ce soit à nos justices nationales d'arbitrer les conflits d'interprétation éventuels, qui pourraient pour cela se réunir en cour compétente exceptionnelle composée à moitié de juges azuréens, et à moitié de juges caribeño, et dont la présidence alternerait tous les ans. Nous faisons cette proposition à défaut d'un tribunal neutre externe à nos deux pays, qui selon nous n'existe pas encore, bien que nous serions disposés à en voir un exister. Enfin, nous ratifierons l'article 7 en l'état.

Article 6 : Résolution des différends

1. En cas de désaccord sur l’interprétation ou l’application de l’accord, les parties s’engagent à privilégier le dialogue et la consultation.
2. Si aucun accord n’est trouvé, le différend sera soumis à une cour exceptionnelle composée pour moitié de juges azuréens et pour moitié de juges caribeño, dont la décision sera définitive et contraignante ; la présidence de cette cour alternera tous les ans entre un juge azuréen et un juge caribeño.

En résumé, Excellences, je crois que nous tenons là une version prometteuse pour un accord de coopération économique qui ferait non pas une, mais deux avancées significatives. Premièrement, l'établissement de relations commerciales non marchandes, fondées sur un troc non capitalistique ; deuxièmement, la création d'un Fonds de solidarité capable de répondre à des problématiques d'intérêt général, et de faciliter les échanges d'expérience et le travail en commun de nos acteurs sociaux respectifs. C'est un excellent résultat ! Par ailleurs, ainsi que je l'ai mentionné plus tôt, je vous fait savoir que l'Azur serait disposé à voir un texte international sur les grands enjeux de notre époque, autant que sur un organe judiciaire international capable de répondre au besoin soulevé par l'article 6. La coopération internationale permettrait, selon nous, de faire advenir ces deux éléments. Qu'en pensez-vous ? Est-ce un chantier qui intéresse nos honorables amis de Caribeña ?
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— Très bien, je constate que nous sommes globalement d’accord sur les principaux points, et que nous allons pouvoir avancer immédiatement sur les articles 1, 2 et 3. Donc, vous acceptez visiblement les termes de l’échange de sucre contre pétrole, avec une réévaluation proposée tous les six mois, au lieu d’une fois par an, comme vous l’avez suggéré. C’est une demande que nous avions formulée, et cette modification permettra d’intégrer à la fois les volumes et les taux d’échange, tout en offrant une meilleure flexibilité et réactivité face aux fluctuations des marchés.

Ensuite, concernant votre proposition de modification relative au Fonds de Solidarité Économique, nous avons décidé de revoir notre position et de la soutenir. Après réflexion, il est effectivement plus judicieux d’effectuer les contributions en devise nationale plutôt qu’en nature, car cela permet d’atténuer les incertitudes liées aux variations des taux d’échange. Cette approche simplifiera également la gestion et l’offre. Sur ce point, nous retenons toutefois que le taux de contribution fixé à 2 % est un compromis sur lequel nous ne reviendrons pas.

En ce qui concerne les projets éligibles, les axes que vous proposez — développement équitable, soutien aux populations défavorisées et préservation de l’environnement — sont pertinents. Ces priorités renforcent indéniablement l’impact social et écologique du Fonds de Solidarité Économique tout en reflétant des valeurs positives que nous partageons. Nous les acceptons donc.

Concernant la gouvernance du fonds, votre idée d’une cour mixte est intéressante, mais elle me semble perfectible. Je propose plutôt une présidence tournante, à une fréquence plus courte, par exemple tous les six mois. Si nous cherchons une solution garantissant davantage d’impartialité, une présidence désignée par un organe tiers aurait pu être envisagée, mais en l’absence d’un tel organe, une rotation périodique reste notre meilleure option.

Enfin, sur le champ des projets éligibles au Fonds, bien que vos trois priorités soient pertinentes, Caribeña souhaite inclure une catégorie complémentaire, celle des infrastructures critiques. Étant donné la récente catastrophe naturelle que nous avons subie, il est essentiel pour nous que ce fonds puisse également couvrir des projets comme la reconstruction de routes, de ports et la sécurisation énergétique. Par ailleurs, fidèle à l’esprit de coopération que nous portons, nous aimerions élargir les champs d’investissement à des initiatives favorisant les échanges culturels et éducatifs. Ces projets permettraient de renforcer les liens entre nos deux nations et de consolider notre partenariat dans une perspective à long terme.

Sur la gouvernance du FSECA, nous acceptons votre proposition d’une présidence par consensus, renouvelable tous les cinq ans. Afin de garantir une impartialité accrue, nous suggérons néanmoins que cette présidence soit soumise à un vote unanime des membres du comité mixte. Et quand nous parlons d’un vote unanime, c’est bien d’une unanimité complète qu’il s’agit.

Maintenant, pour sortir un peu du cadre strict de notre accord, je constate que vous portez également une attention particulière à des initiatives internationales qui dépassent nos échanges bilatéraux. Je crois comprendre que votre vision inclut à terme un texte international sur les enjeux globaux, voire la création d’un organe judiciaire international. Concernant ces idées, permettez-moi d’adopter une certaine prudence. Un texte international sur les enjeux globaux peut recouvrir de nombreux aspects, parfois vastes et difficiles à cerner. Quant à un organe judiciaire international, plusieurs tentatives dans ce sens ont été menées dans le passé, mais elles se sont souvent soldées par des résultats peu concluants, voire abandonnées faute d’un consensus durable. C’est pourquoi je me permets de formuler une mise en garde : Caribeña adopte ici une posture réservée à l’égard de ces propositions.

Cela dit, aucune porte n’est fermée. Nous suggérons plutôt, et naturellement cela dépendra de votre intention, de constituer un groupe de travail conjoint pour examiner ces idées de manière approfondie. Ce groupe pourrait être chargé d’explorer ces thèmes, tout en élaborant une feuille de route concrète, en partenariat avec d’autres nations partageant des valeurs similaires aux nôtres. Soyez assuré que, si une telle initiative voit le jour, Caribeña y participera pleinement et de manière proactive.

Pour conclure, je crois sincèrement que cet accord constitue une étape historique dans les relations entre Caribeña et l’Azur. Ce partenariat, nous en sommes convaincus, aura un impact direct et positif sur nos populations respectives. C’est un plaisir réel – et je dirais même une surprise encourageante – d’avoir réussi à concrétiser une entente aussi ambitieuse, aussi rapidement, avec une nation située à des milliers de kilomètres de nous. Ce jour prouve que la distance n’est pas un obstacle: la Révolution, qu’elle soit sociale, économique ou culturelle, peut transcender les frontières et dépasser tous les kilomètres qui séparent les peuples.

Pour finir, si l’ensemble des délégations sont alignées, nous sommes prêts à finaliser les détails techniques et à procéder à la signature de cet accord dans les plus brefs délais. Concernant le processus, cet accord passera devant plusieurs commissions pour examen. Une fois leur analyse terminée, il sera présenté au vote de l’Assemblée Nationale, avant d’être officiellement ratifié. Nous avons hâte de voir cet accord devenir réalité et écrire ainsi un nouveau chapitre de nos relations bilatérales.
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Cuba

— Eh bien, Excellences, il me semble désormais que tout est prêt pour le premier point de notre rencontre, à savoir l'accord d'échange économique. Nous sommes prêts à soumettre le texte à la signature du Khalife.

De légers applaudissement retentirent dans la salle. On en profita pour faire une pause avant de reprendre les autres éléments de la discussion. Un air maritime balayait le front de mer, agitant les palmes des arbres, passant au-dessus des toits de tuiles, rafraîchissant les terrasses ombragées et apaisant le soleil. Mohammed Badie inspira le parfum tropical de la ville avant de s'asseoir à nouveau à la table des Caribeños, au centre de sa délégation.

— Je viens à présent au sujet du Fonds de Solidarité que nous appelons de nos voeux. Nous sommes heureux de constater qu'il rencontre une même entente de vues de votre côté. Ainsi que vous le proposez, une rotation périodique de présidence semble adaptée, et si une durée de 6 mois vous agrée, nous sommes prêts à y consentir. Comme évoqué plus haut, ce Fonds aurait pour objet de financer, à partir de ressources abondées par chaque partie à hauteur de 2 % des profits générés par l'harmonisation des échanges, des projets portant sur l'un des trois axes mentionnés ; développement équitable, soutien aux populations défavorisées et préservation de l'environnement.

Votre proposition d'ajouter à cette feuille de route un quatrième axe, celui des "infrastructures critiques". Il convient de discuter de ce point-là. En effet, les exemples que vous donnez pour la réfection des réseaux routiers, énergétiques, de communication endommagés suite au tsunami du Deltacruzando nous semblent tomber dans au moins deux des trois axes proposés, à savoir le développement équitable et le soutien aux populations défavorisées ; les infrastructures que vous mentionnez sont en effet éligibles à ces thèmes, puisqu'elles participent à répondre aux besoins du développement équitable (accès à la route, à l'électricité, à l'eau potable...) et au soutien aux populations défavorisées (rétablissement de l'accès au soin, à l'éducation...). Pour clarifier ce que nous entendons par "développement équitable", il nous apparaît opportun d'en faire une définition commune, par exemple en rédigeant et adoptant une Charte du développement équitable, qui serait la base commune de compréhension de ces sujets.

Comme vous l'avez compris, c'est bien un élément important pour l'Azur que de promouvoir une telle charte, afin qu'elle puisse être adoptée non seulement par nos deux Etats, mais aussi par d'autres Etats. De même, nous envisageons le FSECA comme une initiative bilatérale, mais qui pourrait à terme s'ouvrir à d'autres Etats partageant nos objectifs. Ainsi, nous créerions un premier espace de travail multilatéral pour les pays souhaitant promouvoir la coopération et le développement hors des cadres libéraux et capitalistiques habituels, ce qui conviendrait à notre vision commune des échanges internationaux. Si vous l'agréez, nous sommes prêts à lancer un chantier sur cette Charte.

Cependant, nous comprenons derrière l'axe des "Infrastructures critiques" que vous entendez un objectif de financement, par le FSECA, d'investissements plus stratégiques, notamment en matière énergétique. Si je déroule le fil de votre pensée, je m'interroge donc : envisagez-vous d'y inclure des programmes de modernisation ou de recherche, tels que le développement de nouvelles sources d'énergie ?

Si tel est le cas, et bien que nous considérions de telles entreprises louables, nous souhaitons clarifier certaines choses. Dans notre esprit, le Fonds de Solidarité vise à restaurer ce qui a été défait, pour des oeuvres dont l'ambition est entièrement dévouée aux besoins élémentaires des populations en terme d'accès à la nourriture, à la santé, à un emploi... C'est sur ces questions qui concernent les populations défavorisées, et donc le développement durable, que l'Azur est prêt à mettre en oeuvre une coopération internationale. En revanche, investir dans des infrastructures "critiques" comme peuvent l'être la création ou l'extension du réseau énergétique, des centrales de production électrique, des installations industrielles, des équipements de télécommunication modernes comme des antennes de réseau mobile, ne nous semble pas relever de la "solidarité", mais de projets industriels proprement dits.

L'Azur est prêt à envisager de participer à de tels projets avec la République de Caribeña, à ceci près que ces projets ne peuvent concerner le volet "Solidarité et coopération internationale" de notre politique étrangère, donc, dans notre esprit, ne seraient pas éligibles au FSECA. En revanche, un dispositif spécifique nous paraît approprié pour financer et mener à bien ces projets, si tel est bien l'idée contenue dans votre proposition d'axe sur les "Infrastructures critiques". Dans la mesure où c'est un point que vous souhaiteriez poursuivre, nous recommandons de l'ajouter de manière séparée à notre ordre du jour. Ce point demande une attention particulière, car il appelle la création d'un accord spécifique pour des concessions réciproques. Nous serions très enthousiastes à l'idée de réaliser pareil accord.

Enfin, sur la question d'une coopération internationale sur les questions juridiques, vous pointez avec raison la difficulté d'agir en l'absence d'un cadre international préexistant, et la nécessité de s'appuyer sur un groupe de travail plus large si cela s'avérait pertinent. Dans ce cas, nous proposons de sonder d'autres partenaires internationaux avant d'aborder à nouveau ce point dans un échange ultérieur.

Ordre du jour au 15.11.2015


  • Accord "Sucre contre Pétrole" : prêt à être signé
  • Accord établissant le FSECA : projets éligibles au financement à être fixés
  • Accord sur les infrastructures critiques : à discuter ?
  • Charte sur le développement équitable : à discuter ?
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— Il est vrai que je vous avais présenté cela comme un "quatrième axe", mais c’était en réalité une manière pour nous de souligner que les infrastructures critiques nécessitent aussi un financement, notamment à la suite de la catastrophe que nous avons subie. Vous y avez, en quelque sorte, répondu à travers votre convoi humanitaire, ce qui s’est avéré précieux. Cependant, il reste impératif de reconstruire notre façade maritime pour que notre commerce maritime, notamment dans le cadre de notre accord sur le sucre, puisse fonctionner jusqu’à vous. C’est dans ce sens que ce "quatrième axe" trouvait toute sa pertinence. Si cet aspect peut être intégré dans l’axe que vous avez nommé "développement équitable", alors tant mieux. Cela signifie que nous sommes finalement sur la même longueur d’onde. Cela dit, il serait peut-être pertinent d’établir une définition commune afin d’éviter de futurs malentendus, comme nous venons d’en rencontrer.

En ce qui concerne la charte que vous envisagez potentiellement d’étendre à d’autres États, je dois vous avouer que nous ne l’avions pas envisagée sous cet angle à l’origine. Par souci de transparence et d’honnêteté envers vous, nous voyons pour l’instant le FSECA comme une initiative bilatérale, destinée spécifiquement à Caribeña et à l’Azur. Si vous souhaitez réfléchir à une vision commune des échanges internationaux avec d’autres États, nous adopterons une posture prudente à ce sujet. Je tiens à éviter que nous nous engagions dans des projets qui pourraient aller à l’encontre des valeurs portées par Caribeña, ou qu’avec le temps, ces élargissements diluent l’esprit même de cette initiative et aboutissent à un résultat contraire à nos intentions initiales. Vous en conviendrez, réunir plusieurs États sous la même charte et autour des mêmes valeurs est une tâche particulièrement complexe.

C’est pourquoi, pour l’instant, nous préférons laisser les choses telles qu’elles sont et observer comment l’initiative actuelle s’articule à moyen terme. Voyons comment les premiers mois, voire les premières années, se déroulent sous cette configuration bilatérale, et ensuite, pourquoi pas, la présidence du FSECA pourra examiner la possibilité d’étendre cette charte à d’autres partenaires dans un cadre réfléchi et contrôlé.

Ce n’est pas, ici, une tentative pour moi de freiner votre politique diplomatique, qui me semble par ailleurs particulièrement ambitieuse, et je le reconnais. Je vois bien que vous êtes animés par une volonté forte: vous aspirez à conclure les accords les plus solides possibles et à élargir votre réseau de partenariats à l’international. L'Azur semble adopter une posture globalisante, visant à rayonner sur la scène internationale, notamment à travers des contrats économiques et commerciaux.

De notre côté, nous partageons également cette ambition de rayonnement international, mais nous abordons les choses sous un angle différent: nous ne cherchons pas à embrasser des accords commerciaux et économiques onéreux ou vastes. Nous préférons nous concentrer sur des projets qui répondent de manière concrète et ciblée à des problématiques spécifiques. Cela dit, ce que je vous exprime ici n’a évidemment rien de critique à votre encontre, et si je venais à mal comprendre vos intentions, je vous invite à me le dire sans hésiter. Faites-moi un rappel si nécessaire, cela ne pose aucun problème. Nous avons, je pense, d’ores et déjà développé une relation suffisamment solide et sincère pour pouvoir échanger frontalement et nous dire les choses en toute franchise.

En ce qui concerne les projets éligibles, je vous propose de commencer, pour l’instant, par fixer, disons, trois axes principaux. Bien entendu, vous pourrez en proposer également par la suite, ce qui enrichira encore nos discussions. Mais pour l’heure, ces trois axes représentent, selon moi, les priorités absolues. Vous savez que Caribeña ne peut pas se permettre de perdre du temps. Nous n’avons plus le luxe d’attendre : nous devons avancer, construire, et reconstruire le plus vite possible afin de remettre notre économie sur les rails.

Cet axe est crucial pour relancer notre commerce, notamment dans le cadre de notre accord relatif au sucre et au pétrole. Certes, les infrastructures portuaires sont actuellement fonctionnelles, mais elles demeurent dans un état critique, ce qui est problématique pour un pays aussi dépendant du commerce maritime que Caribeña, avec une façade maritime si importante et si stratégique. Nous devons impérativement moderniser, réhabiliter, et même étendre ces infrastructures, car elles ont été lourdement affectées par la catastrophe que nous connaissons tous. Cela inclut également la mise en place de mécanismes de renforcement pour prévenir l’impact des futures catastrophes naturelles. Ce projet s’inscrira parfaitement dans notre vision de mener des initiatives concrètes et ciblées.

Tout ce que nous avons vécu récemment nous pousse à réfléchir non seulement à la reconstruction immédiate, mais également à une meilleure préparation pour faire face à de futures crises de ce type. C’est pourquoi cet axe doit inclure des projets tels que la mise en place de systèmes d’alerte précoce, des plans d’évacuation, la construction d’infrastructures résistantes au climat, ainsi que le renforcement des capacités locales dans la gestion des catastrophes naturelles. Il est impératif que cet axe soit mentionné explicitement dans notre accord afin que nous puissions y investir efficacement. Ce projet sera complémentaire à celui portant sur la façade maritime, mais son objectif sera d’inscrire nos efforts dans une perspective à moyen et long terme. Cela permettra d’éviter qu’une prochaine catastrophe naturelle n’entraîne des dommages similaires à ceux que nous avons subis, et surtout, de continuer à garantir la viabilité de notre partenariat, notamment dans le cadre de notre accord économique.

Enfin, le troisième axe, que j’estime tout aussi prioritaire, concerne directement notre accord sur le commerce du sucre et du pétrole. Notre commerce du sucre repose sur une filière agricole solide. Nous devons mettre en place des mécanismes respectant les principes du commerce équitable – un concept qui, je le sais, vous tient à cœur. Il est essentiel de soutenir les producteurs locaux, non seulement pour la filière du sucre, mais potentiellement aussi pour d’autres secteurs agricoles. Cela passera par la création d’infrastructures de transformation, un accès simplifié au marché, ainsi que des financements nécessaires pour permettre à ces producteurs de maintenir des standards élevés de commerce équitable. Ce projet, en plus de garantir la durabilité de nos échanges économiques, répond également aux aspirations d’Azur en matière de développement équitable. Ainsi, il s’inscrit parfaitement dans notre vision commune.

Voilà, en résumé, les trois axes prioritaires que je propose. Si vous avez des remarques, des ajustements ou d’autres idées, dites-le-moi maintenant. Je m’arrête là et vous passe la parole.
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— Excellence, je vous remercie pour les excellentes contributions à notre discussion qui ont été faites jusqu'ici. J'en retiens que nous sommes tout près d'avoir parachevé l'accord de coopération économique portant sur un volet commercial et un volet financier avec la création du FSECA. Ainsi que vous l'avez expliqué, les principes de financement peuvent se limiter aux trois points du soutien aux populations défavorisées, au développement équitable et à la préservation de la Nature. Vous avez présenté des axes, qui sont à nos yeux des premiers programmes de financements. Ici je vous cite : "moderniser, réhabiliter, et même étendre [les] infrastructures [portuaires]", que nous pouvons résumer en un programme de rétablissement des capacités portuaires ; "mise en place de systèmes d’alerte précoce, des plans d’évacuation, la construction d’infrastructures résistantes au climat, ainsi que le renforcement des capacités locales dans la gestion des catastrophes naturelles", que nous pouvons interpréter comme un programme d'adaptation aux risques climatiques, a fortiori motivé par le changement climatique induisant des catastrophes naturelles plus fréquentes ; enfin "la création d’infrastructures de transformation, un accès simplifié au marché, ainsi que des financements nécessaires pour permettre à ces producteurs de maintenir des standards élevés de commerce équitable", soit un programme de "mise en place des mécanismes respectant les principes du commerce équitable".

Pour tout dire, Excellence, nous convenons tout à fait de ces premiers termes et de ces axes de financement, qui, comme nous l'avons précité, serons bien sûr assurés par des entreprises nationales, que ce soit pour la construction ou le volet commercial de l'accord. Ainsi, Excellence, je vous propose une version finale de nos discussions, que nous considérons prête à être signée. Y est incluse, comme vous l'appelez de vos voeux, la proposition d'une définition pour le développement équitable, qui saura répondre à notre approche commune. Nous proposons la définition suivante : Le développement équitable recouvre le développement économique répondant aux besoins de l'ensemble des couches de la société, à l'inverse d'un développement inéquitable qui se traduit par la hausse ou le maintien d'inégalités économiques à l'intérieur et entre les sociétés.

Accord de coopération économique Caribeña - Azur


Article 1 : Échange de matières premières, "Sucre contre Pétrole"

1. Caribeña fournira un million de tonnes (1'000'000 t) de sucre de canne raffiné à l’Azur.
2. En échange, l’Azur fournira six millions sept-cent-cinquante mille barils (6'750'000 brl) de pétrole conventionnel brut à Caribeña.
3. Le taux d’échange entre les deux biens est établi à 0,149 tonnes de sucre raffiné pour 1 baril de pétrole (quantité de sucre en tonnes échangeable contre un baril de pétrole).


Article 2 : Mécanisme d’ajustement

1. Le taux d’échange pourra être révisé une fois tous les 6 mois par concertation mutuelle, en tenant compte des fluctuations des prix internationaux du sucre et du pétrole.
2. Une clause de flexibilité permet d’adapter les volumes échangés en fonction des besoins économiques des deux parties.


Article 3 : Configuration des échanges

1. La production et la livraison du pétrole azuréen seront confiées à la société nationale PETRAZUR.
2. La production et la livraison du sucre caribeño seront confiées à la société nationale CAÑAZUCAR.


Article 4 : Création du fonds de solidarité économique

1. Un fonds de solidarité économique est créé pour financer des projets d’intérêt commun, tels que des infrastructures, des programmes sociaux ou des initiatives économiques répondant aux nécessités du développement équitable, à la réponse des besoins des populations défavorisées, et à la préservation de la Nature.
2. Ce fonds sera alimenté par une contribution annuelle des deux parties, basée sur les économies réalisées grâce à l’accord sur leurs importations respectives.
a. Caribeña s’engage à consacrer 2 % des économies réalisées sur ses importations de pétrole en abondant le Fonds en Sols caribeños.
b. L’Azur s’engage à consacrer 2 % des économies réalisées sur ses importations de sucre en abondant le Fonds en Dirhams azuréens.
3. Le Fonds de Solidarité Economique Caribeño-Azuréen est réservé aux projets dont tous les acteurs sont impliqués dans les pays signataires.
4. Le développement équitable recouvre le développement économique répondant aux besoins de l'ensemble des couches de la société, à l'inverse d'un développement inéquitable qui se traduit par la hausse ou le maintien d'inégalités économiques à l'intérieur et entre les sociétés.


Article 5 : Gouvernance du Fonds de solidarité économique :

1. Un comité mixte, composé de représentants des deux parties, sera chargé de la gestion transparente et équitable du fonds.
2. Le comité sélectionnera les projets à financer, en priorisant ceux qui bénéficient aux populations des deux nations et renforcent les liens économiques et sociaux.
3. Un rapport annuel sera publié, détaillant l’utilisation des ressources et l’impact des projets financés.
4. La présidence du comité, renouvelable tous les six mois, est alternative entre les deux parties.

Article 6 : Résolution des différends

1. En cas de désaccord sur l’interprétation ou l’application de l’accord, les parties s’engagent à privilégier le dialogue et la consultation.
2. Si aucun accord n’est trouvé, le différend sera soumis à une cour exceptionnelle composée pour moitié de juges azuréens et pour moitié de juges caribeño, dont la décision sera définitive et contraignante ; la présidence de cette cour alternera tous les ans entre un juge azuréen et un juge caribeño.


— J'espère que ce texte correspond exactement à votre vision des choses. Si tel n'est pas le cas, je vous propose d'y ajouter les modifications que vous jugerez nécessaire. Par ailleurs, il nous reste une dernière doléance que nous espérions présenter à nos amis de Caribeña ; c'est celle d'adopter ensemble un accord maritime mutuel. Pourquoi ? Parce que nous avons le besoin de sécuriser nos propres revendications maritimes, certes modestes ; notre côte est toute petite ; et que nous souhaitons multiplier ce genre d'accord bilatéral avec tous nos partenaires. Dans une zone où les grands chalutiers internationaux pillent les ressources de poisson des pêcheurs locaux, et où la protection des stocks et des écosystèmes ne peut être assurée que par les pays riverains, nous exprimons le besoin que soient créées des zones maritimes souveraines. Ceci, loin d'entraîner l'accaparement des ressources, est un moyen de les mettre en partage et de reconnaître les droits de chacun, chez lui, et ses devoirs vis-à-vis des navigateurs et de ses voisins géographiques. Nous vous proposons donc d'adopter un accord entièrement réciproque sur les questions maritimes ; d'abord pour reconnaître nos droits réciproques sur les eaux territoriales de chacun, ensuite pour garantir la libre circulation des navires. Poser les bases de ce droit de la mer permet de renforcer les libertés maritimes et d'avancer vers un meilleur usage de la mer. Au contraire, l'absence de reconnaissance internationale de ce droit entraîne des problèmes, comme nous le constatons aujourd'hui en Poétoscovie par exemple. Voici le texte de l'accord maritime que nous proposons de signer :
Accord de coopération maritime Caribeña - Azur


Article 1 : de la reconnaissance de la zone maritime souveraine

Article 1.1 : du principe de la zone maritime souveraine
Les Etats partie au présent accord reconnaissent mutuellement leurs droits souverains réciproques sur leur zone maritime souveraine, définie comme le segment de territoire maritime situé entre le prolongement de leurs frontières terrestres et la ligne parallèle à la façade maritime établie à trois cents kilomètres (300 km) du continent. Au cas où des litiges persisteraient, la ligne de démarcation entre les zones souveraines d’Etats litigieux devra être fixée par une commission internationale composée des pays concernés et d’un pays médiateur, sur la base de la continuité du plancher océanique avec le territoire de l’Etat.

Article 1.2 : du droit applicable
Les deux parties du présent accord considèrent que la zone maritime souveraine fait partie intégrante du territoire et que le droit qui s’y applique est le droit national du pays souverain. Les seules restrictions aux activités conformes à ce droit dans cette zone ne peuvent être admises que par le présent accord.

Article 2 : de la liberté de navigation

Article 2.1 : du principe de libre circulation

Les navires civils portant pavillon de l’un des Etats parties à l’accord ont la totale liberté de circuler dans les eaux considérées comme souveraines de l’autre partie. Cette liberté de circulation ne peut être restreinte que pour des raisons exceptionnelles motivées par une décision de justice.

Article 2.2 : du principe de libre ancrage
Les navires civils portant pavillon de l’un des Etats parties à l’accord ont la totale liberté de circuler dans les ports de l’autre partie et de s’y amarrer sans considération de durée, dans le respect de la règlementation maritime locale. Cette liberté d’ancrage ne peut être restreinte que pour des raisons exceptionnelles liées à une décision des autorités sanitaires afin de mettre en place une quarantaine contre les épidémies.

Article 2.3 : de la lutte contre la contrebande
Dans le cadre de la lutte contre la contrebande, les dispositions de l’article précédent peuvent être suspendues pour un contrôle par la garde maritime motivé par une décision de justice. Cette décision de justice doit être communiquée au préalable aux autorités judiciaires de l’autre partie, au cas où le navire arraisonné serait enregistré dans ce pays.

Article 2.4 : de la circulation des navires de guerre
La circulation des navires de guerre est reconnue et autorisée dans partout en mer sauf dans la zone maritime souveraine de chaque partie, sauf autorisation préalable. Avant de pénétrer dans la zone souveraine de l’autre Etat, un navire de guerre doit s’assurer que cet accès ne lui est pas défendu.
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— Sommes-nous parvenus à finaliser cet accord de coopération économique? Je le crois bien, et nous en sommes ravis. En tant que ministre de l’Économie, du Commerce et de la Planification, je n’ai personnellement aucune réserve à émettre sur cette version finale. J’ai en outre pris contact avec l’administration centrale, qui a confirmé son approbation des termes proposés. Félicitons-nous de cette avancée majeure.

Je comprends parfaitement où vous voulez en venir avec cette proposition d'accord maritime mutuel, et nous y sommes globalement favorables. À ce titre, nous saisissons pleinement l’importance de définir ensemble une zone maritime souveraine. Il est vrai qu’une telle démarche découle naturellement de nos accords antérieurs. Cependant, j’aimerais soulever une interrogation concernant la notion actuelle de zone maritime souveraine, qui pourrait être sujette à des interprétations variables. Cela pourrait potentiellement engendrer des ambiguïtés ou des malentendus, notamment si d’autres partenaires régionaux venaient à manifester un intérêt pour cet accord.

Il m’apparaît crucial de clarifier ce concept, d’autant qu’il constitue un nouveau cadre propre à nos discussions et qu’il reflète les besoins spécifiques de nos deux nations. Je propose donc d’intégrer deux dimensions distinctes à cette définition. Premièrement, une zone maritime côtière immédiate – que nous pourrions qualifier de zone territoriale – où chaque État exerce une souveraineté complète. Cette zone pourrait, par exemple, être délimitée jusqu’à 30 kilomètres des côtes. Deuxièmement, une zone plus large, s’étendant jusqu’à 300 kilomètres, dans laquelle chaque État disposerait de droits exclusifs pour exploiter et protéger les ressources naturelles, tout en garantissant la liberté de navigation pour les navires civils dans le cadre d’usages pacifiques.

Cette proposition vise à stabiliser davantage notre coopération bilatérale en offrant une définition claire et équilibrée de la zone maritime souveraine, conforme à nos visions respectives. Voilà essentiellement ce que je souhaitais souligner, c'est-à-dire une reconnaissance commune et précise de cette notion pour éviter tout malentendu à l’avenir.


Révision de l'article 1.1 a écrit :1.1 – Définition

Les États parties à cet accord reconnaissent mutuellement leurs droits souverains sur une zone maritime, désormais dénommée "zone maritime souveraine". Cette zone se compose de deux segments :

- Une zone côtière immédiate, s’étendant jusqu’à 12 kilomètres des côtes, sur laquelle s’appliquent les lois et règlements nationaux. Cette zone est considérée comme faisant pleinement partie du territoire souverain de l’État côtier.

- Une zone élargie, s’étendant jusqu’à 300 kilomètres à partir des côtes, dans laquelle l’État côtier exerce des droits exclusifs d’exploration, d’exploitation et de protection des ressources naturelles (pêche, minéraux, énergie, etc.), et veille à la protection des écosystèmes marins.


— Si vous acceptez les recommandations que nous venons de formuler, alors, en l’état, cet accord maritime nous convient parfaitement. Nous serons ravis de le signer, ici même, et en bonne et due forme, si cela vous convient également. Si, toutefois, vous avez d’autres doléances ou points à soulever, sachez que nous restons à l’écoute, comme nous l’avons été depuis le début de cette rencontre. Je tiens par ailleurs à vous remercier sincèrement pour votre implication et votre dévouement dans le cadre de cette relation bilatérale. Il est peut-être vrai que je vous ai déjà remercié à plusieurs reprises, mais je préfère le faire trop souvent que pas assez.
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— Excellence, je vous remercie pour cette proposition que nous entérinons en l'intégrant à l'accord signé que voici. Je vous prie de nous excuser pour ce délai de réponse, nous avons un peu trop appuyé sur la sieste. Merci. Sans commentaire.
Accord de coopération maritime Caribeña - Azur


Article 1 : de la reconnaissance de la zone maritime souveraine

Article 1.1 : Définitions
Les Etats partie au présent accord reconnaissent mutuellement leurs droits souverains réciproques sur leur zone maritime souveraine, définie comme l'ensemble composé de deux segments : a) une zone côtière immédiate, s’étendant jusqu’à 12 kilomètres des côtes, sur laquelle s’appliquent les lois et règlements nationaux. Cette zone est considérée comme faisant pleinement partie du territoire souverain de l’État côtier ; b) une zone élargie, s’étendant jusqu’à 300 kilomètres à partir des côtes, dans laquelle l’État côtier exerce des droits exclusifs d’exploration, d’exploitation et de protection des ressources naturelles (pêche, minéraux, énergie, etc.), et veille à la protection des écosystèmes marins en vertu des articles du présent accord. Au cas où des litiges persisteraient, la ligne de démarcation entre les zones souveraines d’Etats litigieux devra être fixée par une commission internationale composée des pays concernés et d’un pays médiateur, sur la base de la continuité du plancher océanique avec le territoire de l’Etat.

Article 1.2 : du droit applicable
Les deux parties du présent accord considèrent que la zone maritime souveraine fait partie intégrante du territoire et que le droit qui s’y applique est le droit national du pays souverain. Les seules restrictions aux activités conformes à ce droit dans cette zone ne peuvent être admises que par le présent accord.

Article 2 : de la liberté de navigation

Article 2.1 : du principe de libre circulation

Les navires civils portant pavillon de l’un des Etats parties à l’accord ont la totale liberté de circuler dans les eaux considérées comme souveraines de l’autre partie. Cette liberté de circulation ne peut être restreinte que pour des raisons exceptionnelles motivées par une décision de justice.

Article 2.2 : du principe de libre ancrage
Les navires civils portant pavillon de l’un des Etats parties à l’accord ont la totale liberté de circuler dans les ports de l’autre partie et de s’y amarrer sans considération de durée, dans le respect de la règlementation maritime locale. Cette liberté d’ancrage ne peut être restreinte que pour des raisons exceptionnelles liées à une décision des autorités sanitaires afin de mettre en place une quarantaine contre les épidémies.

Article 2.3 : de la lutte contre la contrebande
Dans le cadre de la lutte contre la contrebande, les dispositions de l’article précédent peuvent être suspendues pour un contrôle par la garde maritime motivé par une décision de justice. Cette décision de justice doit être communiquée au préalable aux autorités judiciaires de l’autre partie, au cas où le navire arraisonné serait enregistré dans ce pays.

Article 2.4 : de la circulation des navires de guerre
La circulation des navires de guerre est reconnue et autorisée dans partout en mer sauf dans la zone maritime souveraine de chaque partie, sauf autorisation préalable. Avant de pénétrer dans la zone souveraine de l’autre Etat, un navire de guerre doit s’assurer que cet accès ne lui est pas défendu.
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— A présent je me dois de prononcer les remerciements du Califat constitutionnel de l'Azur pour la République de Caribeña, qui a démontré son hospitalité, son honneur et la sincérité de son amicalité. La réputation auréolée de sympathie et d'admiration de votre pays n'est pas usurpée. Cette rencontre a été pour nous tous un plaisir et je crois que Son Altesse gardera un souvenir indélébile de cette visite à Maravilla. Avant de vous quitter, Excellences, laissez-moi vous offrir un modeste présent.

allez-y je vous en prieel mordjene
Le téléphone de Mohammed Badie se mit à sonner. C'était une mélodie électronique particulièrement agaçante et stridente. Il décrocha en appuyant sur le bouton et porta le petit appareil à son oreille. Une voix grésillante et inaudible transmis un message d'urgence provenant d'en-haut, puis l'appel fut raccroché. Mohammed se tourna vers les Caribeños avec une mine indéchiffrable.

Message secretInformation secrète réservée aux personnes autorisées
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Le fait que la délégation azuréenne ait pris plus de temps que prévu pour élaborer un accord satisfaisant pour les deux parties n'inquiétait guère les Caribeños. Dans la culture caribeña, le temps qui s’étire est perçu comme un allié, non un ennemi, et l'attente n'est jamais un problème, sauf dans des situations véritablement urgentes. Ici, l'ennui est presque un art, une invitation à laisser la vie suivre son cours sans précipitation. Ainsi, la ministre Isabela Ramirez se tenait sur le balcon, transformant ce laps de temps en un instant de répit. Les doux rayons du soleil effleuraient son visage, tandis qu’une brise légère venait tempérer la chaleur et évitait la désagréable sensation de brûlure. Bien que la peau des Caribeños soit rodée par le soleil, tous ne sont pas à l’abri, certains étant plus sensibles que d’autres aux morsures ardentes de l’astre.

Lorsque la délégation azuréenne finalisa enfin la rédaction de l’accord, la ministre Ramirez et ses collaborateurs regagnèrent la salle de discussion. Ils laissèrent la porte-fenêtre ouverte, permettant à la brise de pénétrer dans la pièce, comme une invitation à savourer un temps si clément qu’il évoquait les soirs d’été. Cette atmosphère douce, presque intemporelle, conférait à cette rencontre diplomatique un air paisible et agréable pour la conclure.

— Heureuse de savoir que notre accueil vous a sincèrement touché. Nous faisons de notre mieux pour honorer nos invités lorsque des dignitaires étrangers posent le pied sur notre terre.

Cependant, la sérénité fut brièvement troublée par un appel téléphonique. Mohammed Badie, membre de la délégation azuréenne, s’excusa poliment avant de se plonger dans une conversation en aparté. À son retour, son visage trahissait une certaine inquiétude. Quelque chose d'urgent semblait peser sur ses épaules, son regard ombré contrastant avec la douceur ambiante de la pièce. Percevant une certaine gravité de la situation, la ministre Ramirez fit immédiatement appel à Javier Delgado, secrétaire proche du président Sol Marquez. Éminent et respecté, Delgado était connu pour son franc-parler, son tempérament rustique et son passé de guérillero. L’aura imposante qu’il dégageait emplit la salle dès son entrée. D’un geste cordial, il salua l’assemblée avant de se tourner vers Ramirez, qui s'approcha pour lui murmurer à l'oreille les propos de Mohammed Badie.

Impassible et sans la moindre hésitation, Delgado répondit directement à Badie, avec cette assurance qui le caractérisait tant :

— Évidemment, monsieur Badie. Vous deviez déjà deviner notre réponse, n’est-ce pas?

Se tournant ensuite vers Isabela Ramirez, il lança avec un éclat de rire :

— Franchement, Isabela, tu aurais pu répondre à ma place !

Réalisation immédiate ou instinct, il avait pris une décision sans tergiverser. Mais en homme pragmatique, Delgado se ravisa légèrement, rendant son ton plus posé :

— Cela dit, pourriez-vous peut-être nous en dire davantage maintenant? Après tout, les détails méritent qu’on s’y attarde.

Son sourire en coin et sa posture assurée détendaient l’assemblée, tandis que l’échange reprenait sous le regard attentif de la ministre Ramirez.
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