Activités intérieures
Posté le : 18 jan. 2025 à 18:31:05
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Ici seront postées les activités relatives à la vie quotidienne des hernandiens, et ce quelques soient leur niveau de vie ou leurs origines...
Posté le : 18 jan. 2025 à 18:32:19
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22h30, jour de la Sainte Amandine, Hernandia.

Les immenses bureaux de Vale connaissaient une activité anormale à cette heure-ci, en effet, une dizaine d’hommes, en costumes élégants et fumant des cigares pontarbellois, étaient assis autour d’une table. La pièce, quant à elle était vaste et bien garnie, une dizaine de fauteuil à l’esthétique moderne, les immenses baies vitrées montrant les quelques immeubles composants le quartier d’affaire d’Hernandia, la pluie battant les fenêtres. Les hommes évoluant à l’intérieur de ce grand salon portaient des costumes noirs et bleus, certains portaient des smoking, d’autres adoptaient un comportement plus formel et beaucoup moins décontracté. Tous d’ailleurs venaient de se remettre d’une longue journée ou d’un long voyage, beaucoup discutaient des louvoiements de Manuel de San Pedro, et il n’était pas rare d’entendre « Ce clown vendrait l’économie et nos valeurs aux anarchistes ! » ou encore « Qu’il aille au diable, lui et Louis le guerillero ! » voire même « Que le Très Haut nous protège de ces fous ! » tandis que les domestiques, en costumes classiques des serveurs de grands restaurants eurysiens amenaient les rafraîchissements. Parmi ces hommes d’affaires et politiciens deux détonnaient par leur costume croisé bleu, l’un avait une cravate rouge tandis que l’autre avait un nœud papillon de la même teinte bleuté.
Ces deux hommes avaient un accent digne des Luzois et en était certainement originaire, de plus le complet bleu marin permettait de faire penser qu’ils étaient antériniens, car comme beaucoup d’entre eux, ils arboraient des costumes bleu marins et des styles pour le moins originaux… Ces deux hommes appartenaient aux quartiers d’affaires antériniens, le premier Emanuele Le Combre représentait les sphères dirigeantes de Terrabilis, tandis que le second, Juan-Carlos de Janio était le plénipotentiaire du Groupe des Banques Nationales et des caisses épargnantes, tout deux avaient été chargé par leurs entreprises respectives d’entrer en contact avec cette élite pour leur faciliter des transferts d’argent, qui s’apparentaient fortement à des fuites de capitaux, vers le paradis fiscal qu’est le le Grand Duché. Ainsi, ils n’eurent le temps de se reposer, entre le départ de la Nouvelle Antrania à cinq heures et les multiples arrêts à Barba puis à Amarillo la Rubia pour régler quelques affaires en suspens sur place, puis finalement ils purent arriver à vingt et une heure et demie. Juste le temps de se changer de se mettre en costume et voilà que les négociations allaient commencer. Tout deux savaient que négocier n’allait pas être facile avec cette oligarchie financière et terrienne qui souhaitent être le moins exposé en cas de révélation de leurs petites affaires frauduleuses avec le paradis fiscal antérinien.
En effet, beaucoup des hernandiens présents dans la pièce avaient des contacts haut placé en politique, voire sont des politiciens importants dans le jeu actuel, on pourrait notamment cité Franscesco de Làsare, chef de la faction libertarienne et directeur de l’un des plus grand centre industriel du pays… José de Lacalle est quant à lui le représentant de la faction anti-native et terrienne profitant de l’exploitation de ces derniers pour s’enrichir, bien sur nous devrions aussi noter l’arrivée du grand-chef des gangs hernandiens et de son rival de la mafia hernandienne, tout deux portent les costumes classiques des hommes d’affaire malgré la présence d’armes à feu sur leurs hanches. Le premier est Hernan Castvileja, homme à la mine avenante malgré sa balafre qui lui barre la joue, bien entendu à l’origine de quelques meurtres et gérant des principaux flux de stupéfiants traversant et endeuillant le pays. Son rival, spécialisé dans les affaires d’extorsion et de prostitution, est descendant de l’une des familles les plus ancienne d’Hernandie, en effet Alvaro de Uriel est le chef incontesté des Uriel et de son armé de petites mains équipées pour mettre en déroute les forces gouvernementales… On pouvait aussi remarquer la présence d’hommes à la mine sombres, représentants des principaux conglomérats industriels et financiers du pays, prêts à tout pour mettre leur argent à l’abri des politiques anarchistes…
« Non mais franchement, pourquoi le Président s’amuse à aller s’acoquiner avec les anarchistes, déjà que son dernier vote de confiance fut un fiasco, alors qu’il s’amuse à se rapprocher d’un parti minoritaire, ça frole le mauvais goût ! » Fit de Làsare.
« C’est bien évidemment absurde et incompréhensible ! » renchérit la pièce.
« Mais, pourquoi le président se rapproche t’il des anarchistes si l’Assemblée semble orienter à droite ? C’est tout de même paradoxal, notamment lorsque cette dernière s’est montré réticente à lui accorder sa confiance. Enfin, j’espère que vous voyez ou je veux en venir, si même les natifs ont voté avec le P.T, c’est qu’il y a un réel problème de confiance vis à vis du nouvel élu. » Se hasarda le représentant de Terrabilis.
« Il est certain que lorsque les sous-hommes votent avec nous contre le président, c’est qu’il y a un problème, d’ailleurs même Juana Natzual a dénoncé ça, alors vous comprenez que si une gonzesse réussit à comprendre qu’il y quelque chose qui cloche, c’est que la situation est flagrante ! Et l’autre abruti, au lieu de se ranger de notre coté a décidé de soutenir les prolétaires! Les natifs et les ouvriers ! Donc bien sur qu’il mets en péril nos intérêts et qu’il ne faut pas s’étonner lorsque l’on voit les quatre principaux blocs politiques menacer de censurer son gouvernement ! C’est terrible tout de même de se comporter comme un enfant, à l’instar de ces gauchistes du R.L.T qui considèrent, je cite : « Que les hernandiens ont besoin d’une véritable démocratie, à l’instar de la Fédération de Stérus qui puisse réellement s’imposer et durer. Car on ne le répète pas assez, mais chaque composante de notre société mérite et doit recevoir un minimum de respect ! Chose que les esclavagistes du P.R et les raciste du P.T ne semblent pas connaître, ou du moins reconnaître pour leurs employés se rapprochant des esclaves de l’antique Rhème, à la différence près que ces derniers étaient bien traités ! », non mais sérieusement, tant qu’on y est on a qu’à reconnaître que les naziates sont des êtres humains normaux !
Les Antériniens quelques peu gêner par ces boutades que le représentant des propriétaires fonciers trouvaient amusantes et qui furent bien accueillis dans la salle, notamment par de Làsare qui rit aux éclats avec ses amis des quartiers d’affaires de Saint Jacques des Mers. Même les trafiquants, pourtant moins anti-natifs que leurs collègues ne purent s’empêcher de rire aux éclats et de dire :
« Ahahaha, nous le savons tous ici, un natif c’est comme un naziate, il produit et consomme ce qu’il produit, c’est pas pour rien que nous faisons de petites économies sur la production ! Et bien entendu que la consommation reste constante ! Car bon, on ne le répétera jamais assez, mais filez cinq grammes d’héroine à un natif, et il est aux anges, il serait même prêt à se vendre tout entier ! Et il faut bien avouer que ça t’arrange un peu, hein Alvaro ! Nous le savons tous ici, si les organes de Uriel Saludad sont si peu couteux c’est avant tout car quelques reins prélevés sur un ou deux toxicomanes ne coutent pas si cher que ça ! Avoue que même si tu n’apprécie pas mes gangs, ils t’arrangent quand même ! »
« Hohoho, bien sur que oui, sans leurs tendances à massacrer tout ce qui bouge, nous n’aurions aucun problème à collaborer avec eux ! Si seulement vous arrêtez de transformer les rues de Saint Jacques des Mers en bain de sang à chaque affrontement inter-gangs ! » Répondit l’intéressé.
Un homme, à la mine austère, visiblement amusé par ces brillantes plaisanteries ne put s’empêcher de répondre sérieusement à l’Antérinien, visiblement désarmé par l’esprit de camaraderie qui unit politiques et hommes d’affaires dans cette pièce :
« Oui, il est vrai que la situation est complexe et que moi-même j’ai du mal à comprendre les louvoiements de Manuel de San Pedro, en effet, il adopte un comportement contre-productif. Et pour comprendre cela, il faut se rappeler qu’il a été élu en « indépendant » c’est à dire qu’il n’est rattaché à aucun parti, le rendant moins clivant et plus facile à élire que ses concurrents, malheureusement pour lui, ses amis se présentant sous l’étiquette des « indépendants » n’ont pas été élu, d’abord car ils n’ont pas le même charisme et la même aura, et ensuite par ce que, restons honnête, mais s’investir en politique en Hernandie nécessite d’avoir un excellent réseau de connaissances et d’hommes d’affaires, pour la plupart du coté des forces politiques déjà existantes, ajoutons à cela l’importance d’avoir de son coté les notables locaux, eux-aussi soutenant les forces politiques traditionnelles et l’on obtient un président sans force politique, en quelques sortes un impuissant de la politique. Et cela mène forcément à deux voies, soit il devient le fantoche d’un parti, soit il tente de naviguer entre les écumes, et souvent il est obligé de pratiquer une politique de bascule, le menant à opter entre la droite et la gauche en fonction de son programme, et soyons francs, mais je sens que sa présidence se terminera forcément avec Manuel qui sera incorporé dans un parti, ça me paraît évident… »
Celui qui fit cette réponse n’est autre qu’Armando de Milenze, rédacteur en chef du Hernandia Opinion, principal ressource médiatique du pays et connu pour ses positions tranchées vis à vis du gouvernement de Manuel de San Pedro. Ainsi, s’il assistait à cette petite réunion, c’est aussi pour mettre son argent à l’abri des « pattes des anarchistes » et comme beaucoup des hommes d’affaires et des politiciens présents à cette table, le fait de savoir que ce qu’il commets une infraction appauvrissant son état, ne le chagrine que très peu, et même au contraire, lui permets d’espérer que les valeurs conservatrices qu’il défends soient bel et bien entreposées dans un coffre à la Nouvelle-Antrania. En effet, pour lui, capitaliste et catholique conservateur endurcit, mieux vaut que son patrimoine monétaire, symbole de ses valeurs, soit hors d’atteintes des « païens de Reaving » et de leurs « esclaves de Juita ».
« Ainsi, lui qui espérait pouvoir appliquer son programme avec une majorité, ou du moins un corps parlementaire non négligeable, se retrouve à devoir s’abaisser à négocier le soutien des sociaux démocrates et des conservateurs, qui malgré leurs différences n’en restent pas moins proches des courants stérusiens et seanois, autrement dit des socialos qui ne s’assument pas, les conservateurs, pour se différencier des P.Pistes durent devenir plus pro-natifs que les clowns du N.L et que les stérusiens eux-mêmes ! On y ajoute une touche d’anti-socialisme et le compte y est. Les anarchistes eux, ne souhaitent qu’une chose, renverser le plus tôt possible les oligarques, ou du moins ceux qu’ils considèrent comme tels, afin d’établir leur enfer rouge et finalement la déchéance des valeurs chrétiennes qui animent les hernandiens, tout en s’assurant d’imposer leur vision d’un christianisme qui n’est qu’un vaste abus, un mélange entre les aboiements païens des natifs et des traditions bâtardes de Sancte. Donc bien sur que ce n’est pas possible que le président puisse réellement gouverner ! »

Les autres hommes en costume noirs applaudirent, beaucoup trouvaient que cette analyse est pertinente et qu’elle mérite de figurer au H.O, d’ailleurs, ils ne se privèrent pas pour le faire remarquer. Ce à quoi le journaliste répondit par : « Ne vous inquiétez pas, c’est certainement le prochain article qui sortira. » Et la conversation reprit de plus belle avec de vigoureuses critiques des anarchistes et des programmes du Président hernandiens. Avant qu’un autre homme, visiblement plus âgé que ses amis ne prit la parole, il s’agissait d’Ernesto Almajive, l’un des hommes d’affaires les plus riches d’Hernandie, lui même vêtu d’un simple costume deux pièces, d’une montre velsnienne et d’une pochette rouge sur son veston noir, fit :
« Hum, bon maintenant que vous voyez à quel point la situation est désastreuse, les menaces anarchistes et les lâchetés de Manuel de San Pedro, vous comprenez la nécessité que nous éprouvons de cacher notre argent en Antérinie, bastion du conservatisme chrétien catholan et puissance économique majeure. De plus, vous imaginez aisément que nous voulons que ces petites manigances restent entre nous, ainsi je vous prierai de rester discrets sur les sommes qui seront expédiées à la Nouvelle Antrania et à la banque impériale. »
« Bien sur que je comprends votre méfiance vis à vis de ces hommes, mais êtes-vous certains que de telles sommes pourraient être transportées à la Nouvelle Antrania et ce sans attirer les soupçons, car, excusez-moi de ma franchise, mais ne serait-ce pas abuser de voir une cinquantaine d’hélicoptères bourrés de sacs à billets s’envoler vers la Nouvelle Antrania, enfin vous savez tout aussi bien que moi que c’est actuellement impossible, notamment avec les journalistes commençant à s’inquiéter des récentes affaires de corruption… De plus, pas certains que la Banque Impériale accepte d’être mêlée à cela, j’en ai été moi même l’un des principaux dirigeants et je sais que ce n’est pas n’importent quels fonds qui entrent et qui sortent de cette institution. Ainsi je vous recommande de vous tourner vers les Banques Nationales et les Caisses Épargnantes, moins engagées mais parfaitement sures. » Répondit le représentant des B.N.C.E.
« De plus, excusez-moi encore pour l’interruption, je ne comprends pas pourquoi Terrabilis est aussi inviter ici, car si je ne m’abuse nous n’avons pas besoin de sociétés agricoles pour gérer ce genre de choses… » Fit timidement Le Combre.
« Vous avez raison, ça ne paraît pas forcément logique et naturel, mais vous verrez que l’explication coule de source, en quelques sortes. Mais je répondrai d’abord à Monsieur de Janio, en effet votre remarque est pertinente, comment pourrions-nous expédier notre argent sans risques, notamment lorsque nous parlons de plusieurs milliards de talents antériniens. Les airs nous paraissent pour l’instant envisageables et surs, quant aux journalistes trop curieux, mes amis s’en chargeront. (Il pointe en même temps les deux hommes armés occupés à fixer avec insistances les deux antériniens.) De plus, remarquez que si la Banque Impériale ne se montre que peu réceptive à nos avances, nous sommes certains que les B.N.C.E le seront plus et que vous n’aurez aucun problème pour transporter nos fonds, qui ne dépendent légalement que de nous, donc qui empêche aux états voisins de s’interposer sous peine de pratiquer des politiques coloniales et par extension s’attirer les foudres de l’A.S.E.A, si vous voyez ce que je veux dire… Quant aux hélicoptères, Terrabilis est une excuse parfaite, en effet, ce sera elle qui sera utilisée pour nous servir d’alibi (voyant le visage complètement hébété de la coopérative hybride, il rajouta:) en effet nous pourrions ainsi non seulement légitimé l’utilisation de nos hélicoptères pour transporter des malles entières de billets tout en évitant d’attirer l’attention. Bien sur, cela ne se fera pas sans quelques, rétributions… »
L’Antérinien, visiblement intrigué fit : « Quel genre de rétribution ? » avec des yeux brillants…
« Oh, dirions-nous quelques compensations financières et le droit d’exporter vos produits, et ce sans contreparties restreignantes et s’appliquant à l’intégralité de l’Hernandie. Autrement dit, vous pourrez espérer vendre vos denrées sans craindre des réactions protectionnistes de notre gouvernement, je doute ainsi que vous refuseriez une telle offre, notamment lorsque les risques sont minimes. Quant à la réaction des anarchistes et des socialistes (conservateurs compris) je vous assure qu’ils ne pourront pas faire grand-chose notamment lorsque les deux tiers de l’assemblée voteront en faveur de ces accords commerciaux. Nos amis les propriétaires fonciers ont plus à gagner qu’à perdre, cela leur permettra de faire monter les prix pour le gouvernement qui se verra obliger d’acheter pour les populations pauvres, autrement dit, soyez-assuré que vous avez tout à gagner. Si cela vous paraît quelque peu abusé, je peux vous assuré que cela est calculé en fonction de nos besoins et de nos intérêts, et ce quoi que vous pensez… Cela dit, il est clair que ça ne paraît pas évident, mais comme on dit chez-vous : « Qui ne tente rien, n’a rien » et par conséquent la sauvegarde de notre patrimoine économique est plus important que le maintien sous respiration artificielle de notre économie. Mise en péril par les anarchistes, incapables de comprendre les bases de cette dernière… »
Emmanuele Le Combre fut surpris, non seulement on offrait à Terrabilis un pays entier sur un plateau d’argent, mais en plus, cette négociation n’avait duré que quelques minutes, le représentant des Banques Nationales et Caisses Epargnantes ne put s’empêcher de se dire que « ces hommes là, sont le mal incarné, et que l’Hernandie n’a aucune chance avec des hommes pareils au gouvernement » tandis qu’il ne put s’empêcher de sourire bêtement devant ces hommes d’affaires ayant l’habitude de ce genre de tractation. Puis les antériniens, après s’être regardés firent :
« Messieurs, je vous remercie pour votre invitation, j’espère que ces affaires nous seront à tous profitables. Ainsi, soyez assuré que les 17 milliards de talents (antériniens) que vous déposerez dans les coffres des Banques Nationales et des Caisses Épargnantes à la Nouvelle Antrania seront bel et bien entreposés selon les normes de sécurité classiques. Nous mettrons à disposition nos coffres pour les 27 milliards de talents antériniens qui arriveront d’ici les prochains mois en Nouvelle Antérinie grâce à vos hélicoptères de transport. De plus, sachez que Terrabilis acceptera volontiers d’approvisionner votre état en nourriture. Ainsi je vous souhaite une excellente nuit et j’ose espérer que vous ferez appel à nos services d’ici les prochains mois ou en cas de besoin. »
Puis les hommes d’affaires, les politiques et le journaliste levèrent leur verre de Saint Emilion et firent : « Santé et prospérité pour nos entreprises ! » avant de se lancer dans de nouvelles tirades contre les anarchistes et les « naziates »…
Puis les deux hommes en costume bleu marin sortirent et rejoignirent leur luxueux hôtel de Saint Jacques des Mers en espérant que les gangsters ne les considèrent pas comme des cibles de choix pour réclamer une rançon à leurs entreprises respectives…
Posté le : 06 août 2025 à 21:16:35
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L’impitoyable Alvaro de Uriel attendait avec impatience le représentant Antérinien de Terrabilis. Son expérience dans les affaires de ce genre, à savoir prises dans une zone grise entre la légalité et l’illégalité, la croisée des chemins que la loi n’a pu prendre en compte mais qui apparaît pourtant moralement illicite. Et c’est probablement ici où le drame hernandien devient si terrible, c’est à cause d’hommes comme Uriel, des hommes d’affaires en apparence respectable, des industriels cachant bien leurs vices ou des des grands propriétaires capables de contourner certains obstacles éthiques grâce à des méthodes douteuses, que l’Hernandie va si mal. Ici les parasites qui sucent le sang et les finances de l’État ne sont pas des entités particulières, ou des groupes en sursis, comme c’est le cas pour les ex-Directeurs du Nazum Antérinien, mais au contraire de véritables rouages qui sont censés représenter l’État Hernandien. Ce n’est pas uniquement la corruption d’une partie des institutions, mais au contraire de l’intégralité de la fonction publique, des policiers, des pompiers, des politiques, des juges et des procureurs. Ici, ceux qui sensés servir l’État fidèlement, l’utilisent pour le retourner contre lui-même, la tête du gouvernement est tout aussi folle que son cœur, elle vend ses reins et son foie pour satisfaire son appétit. Uriel met sciemment en péril l’intégralité de l’économie hernandienne en ouvrant grand la porte aux terrabilissiens, qui loin de s’embarrasser de scrupules, n’hésiteront pas une seule seconde à mettre la main sur tout un pan de l’économie.
Car Terrabilis joue le rôle du vautour dans cette tragédie, l’Hernandie s’effondrant sur elle-même, corrompue par ses institutions et ses politiques, est obligé de se vendre, de se prostituer, aux grandes sociétés étrangères. Elles, pragmatiques, pour ne pas dire cyniques, s’organisent et se partagent le marché. Terrabilis gardera les exploitations agricoles tandis que les Banques Antériniennes feront main basse sur le milieu financier et bancaire. Et impitoyables, ils se soutiendront mutuellement, affronteront tempêtes politiques et marées populaires pour s’accrocher, entrer dans le fruit pourri qu’est le gouvernement hernandien. Gouvernement qui n’en a que le nom, qui se rapproche d’une amicale de mafieux et de gangsters plutot que d’une véritable institution. L’Éthique, la Morale et même la Foi a disparu, les Idéologies deviennent interchangeables et fades. La déchéance de ce monde politique étant la voie royale pour les sociétés étrangères en mal de débouchées. Tandis que les portes-feuilles des Uriels, des Làsares ou des Almajives grossissaient, le pouvoir d’achat des Hernandiens diminuait à l’instar de la souveraineté de l’Hernandie. Uriel, malgré son intelligence, était de ces hommes immoraux qui vendraient leur propre famille pour quelques miettes, et qui vendrait son pays pour quelques millions de talents.
Et tandis que l’Antérinien attendait depuis maintenant cinq minutes dans l’antichambre du palais des Uriels, que les domestiques retournaient vaquer à leurs occupations, le chef de la Mafia hernandienne se leva, éteignit son cigare pontarbellois et ouvrit la porte.
Uriel : - « Je vous en prie Excellence Lecombre prenez un siège. Je suppose que vous venez à moi pour discuter d’un sujet brûlant, n’est-ce pas ? »
Lecombre n’était pas dupe, ces politesses feintes cachaient bien quelque chose. Quoi, il ne le savait pas encore, mais il allait s’atteler à le découvrir, lui soutirer des informations qui pourraient lui être extrêmement utiles pour l’avenir. À commencer évidemment par la question la plus brûlante que tout le monde à Terrabilis se posait : pourquoi avoir céder des terres ? Pour nombre de Directeurs de Syndicalistes, cela revenait à faire entrer le loup dans la bergerie. Enfin cela devait nécessairement contrevenir aux intérêts des grands propriétaires terriens, ou du moins les contrarier. Pire encore, cela laissait la porte ouverte à la contestation syndicaliste, qui pourrait même permettre la naissance d’une gauche plus influente, plus active… Céder face à ce qui pourrait bien devenir un monstre agraire est en apparence une erreur fatale pour l’Oligarchie en place. Terrabilis n’aurait aucun mal à évincer ses petits concurrents avant de s’attaquer directement aux véritables mastodontes locaux, qui finiraient écraser sous le poids de la concurrence terrabilissienne qui compte toute une Confédération à ses côtés ainsi qu’un réseau de banques… Et puis, Uriel devait bien se douter des demandes de Lecombre ; qui allait réclamer des garanties concrètes pour la sécurité de ses installations, des concessions plus importantes encore, peut être même des pressions sur les groupes de gangsters pour préserver la sécurité de l’entreprise antérinienne… Les possibilités étaient multiples et pouvait mettre dans l’embarras le tout puissant chef de la mafia hernandienne.
Emanuele Lecombre : - « Je vous remercie Monsieur Uriel. En effet, j’ai recu un ordre plutot clair venant de la direction terrabilissienne. Et vous devez certainement savoir que ça me gêne de devoir vous demander des explications… »
Uriel, avec une pointe d’ironie, sentant la fausse franchise de son interlocuteur : - « Ah oui, vraiment ? Et quels sont ces ordres, Excellence ? »
Lecombre, ne sentant pas le piège se refermer fit : - « C’est avant tout pour vous demander de faire jouer votre influence pour assurer la protection des nouvelles infrastructures terrabilissiennes qui seront bientôt installées une fois que le gouvernement validera vos propositions. Vous le savez tout aussi bien que moi, la situation est loins d’être idéale, nous serons relégués dans le nord de l’Hernandie, à la fois pris entre les trafiquants ravitaillant en drogues diverses Saint Jacques des Mers et Milenze et les terroristes révolutionnaires s’attaquant à toutes formes de propriétés. Et vous voyez où je veux en venir, n’est-ce pas ? La situation locales, est comme vous vous en douter tout sauf agréable et bénéfique pour Terrabilis. Pis encore, nous aurions besoin de certains soutiens sécuritaires, la police étant incapable de pouvoir nous défendre, nous nous demandions si vous pourriez avertir les gangsters locaux que ce ne serait pas dans leurs intérêts de s’attaquer à Terrabilis. Et rappeler aux révolutionnaires que toucher à notre entreprise serait une erreur fatale.
« Décidément, il part bien trop vite en besogne, ça cache quelque chose de louche. » pensa le mafieux. Mais confiant, voyant que ce qu’il voyait comme son adversaire avançait découvert et n’avait pas encore utiliser de la menace, il pensa que ce dernier était désarmé et qu’il ne pourrait pas imposer ses conditions sans céder quelques avantages à sa Mafia. : - « Vous savez, je ne suis qu’un honnête citoyen hernandien. Je ne représente que le pouvoir législatif et je ne fais que protéger mes intérêts face à un gouvernement trop agressifs fiscalement parlant. Je n’ai aucun moyen de pouvoir vous défendre face aux terroristes ou aux gangsters. Sauf, si vous consentez à apporter un soutien financier et politique plus important pour mon petit parti Unidad codiriger par Hernando Milaro. Vous voyez, où je veux en venir, peut être que nos militants et les forces de police pourraient dès lors vous soutenir… Qu’en pensez-vous ?"
Emanuele voyait très bien où voulait aller le mafieux. Il se dérobait, se soustrayait d’une position trop engageante. Pire encore, il ne voulait pas s’impliquer dans les conflits entre gangsters ; qu’est-ce que cela voulait dire ? Sa puissance est surévaluée ? Bien sur que non, l’homme régnait sur tout un réseau d’extorsion qui englobait toutes les grandes villes d’Hernandie, dirigeait commissaires et sénateurs, il pouvait très bien effrayer révolutionnaires et gangsters. Non, cela cachait autre chose. Et si en fait Uriel savait pertinemment ce qu’il faisait ? Tout ferait sens. S’il ouvre le marché hernandien au loup, c’est qu’il a bien l’intention de museler ce dernier, et que pour ce faire il faut le pousser à s’affaiblir face aux pièges locaux, la forêt tropicale n’ayant aucune pitié, les trafiquants implacable ou les anarchistes impitoyables. Uriel savait très bien ce qu’il faisait en cédant à Terrabilis. Car cette dernière ne pourra jamais s’imposer face à de telles menaces. Terrabilis venait d’être dupée. Emanuele venait d’être roulé comme un bleu et le Conseil n’y avait vu que du feu. La stratégie d’Uriel, vue comme contre-productive, anti hernandienne même, venait de se révéler, c’était un plan d’un cynisme incroyable que personne n’a pu prévoir et même imaginer. Syndicalistes et Hommes d’Affaires, pris dans des querelles intestines et ayant une vision étriquée par leurs préjugés sur les Oligarques hernandiens ne purent se rendre compte du piège. Ils venaient de participer à des détournements de fond pour quelques hectares perdus au milieu de la jungle verte hernandienne, perdue entre anarchistes et terroristes.
Dès lors, Emanuele venait de se rendre compte de son erreur, de ses erreurs. De sa précipitation, de son manque d’expérience, de sa naïveté, de ses préjugés. Il pensait avoir gagné avant même que ça commence. Il croyait que le loup en face de lui allait faire une exception pour la brebis égarée qu’il est. Mais la politique et l’économie sont impitoyables. Uriel venait de gagner la première manche, Emanuele devait remporter la seconde. Et tout en admirant le pragmatisme et le coup de génie de son interlocuteur, l’Antérinien cherchait un moyen de retourner la situation à son avantage. Comment, il venait de trouver une petite idée, seulement, il ne savait pas comment mettre son plan à exécution. Pour l’heure il devait continuer à faire croire qu’il ne saisissait pas bien les subtilités de la stratégie d’Uriel. Inutile de jeter son seul atout, mieux vaut remettre à plus tard cette partie de poker qui ne faisait que commencer. Et cette fois-ci, il en allait de l’honneur d’Emanuele, ce n’était même plus un question d’argent, mais de prestige. La vengeance de l’Antérinien allait être terrible, non pas car Uriel l’avait trompé, mais car il s’était fait avoir plus rapidement qu’un bleu, le Renard a eu le Corbeau, mais Uriel n’aura pas Lecombre. Patience, Détermination et Flexibilité devraient être de mise dans cette rude partie.
En face, Uriel ne se rendait compte de rien. Son interlocuteur fut imperturbable, déconcerté par moments, mais ses traits fins cachaient avec une certaine adresse ses pensées. Mieux encore, il réussissait parfois à les faire jouer pour qu’ils représentent tour à tour la méfiance, l’indécision puis un air benêt, ce genre de mimique que ferait un homme qui croit s’être méfié à tort alors que la menace est encore plus pesante. Le Mafieux restait persuader de son avantage, il croyait avoir été assez ferme sans pour autant avoir dévoilé l’ampleur de son plan. Lui même avait besoin de Terrabilis pour s’imposer à l’Unidad. Il avait besoin d’un soutien fidèle,assez faible pour rester dans l’ombre d’Uriel mais aussi assez fort pour lui permettre d’atteindre ses objectifs. C’est pour ça qu’il avait laissé au représentant la société antérinienne une porte de sortie pour déboucher sur d’éventuels accords. La duplicité étant tout un art pour Uriel, il espérait que son interlocuteur tombe dans le piège qui lui a été tendu, et l’Antérinien ne repartira pas sans être passé par la caisse.
Lecombre, tentant de gagner du temps fit plus froidement : - « Non, je regrette, Terrabilis peut participer à des activité illégales et moralement répréhensibles mais elle refuse de devoir payer encore plus pour sa sécurité. Vous nous l’avez promis ! (lâchant volontairement cette bévue pour ne pas éveiller les soupçons de l’Hernandien). Si vous êtes un serpent, sachez que Terrabilis n’aura aucun mal à révéler pour petits accords immoraux et inavouables ! (là encore, il s’en tenait au plan de base, mais avais prévu de pousser Uriel a commettre un faux pas, avouer des tensions ou des alliances, lui en faire dire le plus possible. Voire même le pousser à le chasser, lui permettant de ne pas payer, mais brisant toutes les autres entrevues, voir même lui attirant les foudres de certains groupes oligarchiques trop proches du pouvoir des Uriels. Mais pour Lecombre, le jeu en valait la chandelle et surtout, s’il lui arrivait malheur ou que ses plans étaient contrecarrés trop violemment, Terrabilis interviendrait, et malgré son influence, Uriel ne pourrait jamais vaincre Terrabilis sans risquer de tout perdre. »
Uriel riant aux éclats lui répondit : - « Excellence, que vous êtes amusante ! Vous parlez d’éthique ? Sérieusement ? Même Monseigneur Juan est plus légitime à évoquer l’honnêteté et la piété ! Nous sommes des hommes d’affaires enfin ! La Justice de Dieu nous aura vite oublié. Lui et Ses représentants nous jugeront sévèrement. Rappelez-vous d’une chose excellence, c’est que le Commerce a toujours été décrié, ses pratiquants vilipendés et brûlés ! Que ce soit l’Église ou ses alternatifs marxistes, le commerçant, le vendeur a toujours été l’homme à abattre ! Et pourquoi ? Le Profit. Comme nos cousins des banques, l’État a toujours eu un besoin maladif de nous spolier, de nous voler et de nous tuer. Les macabres bûchers sont remplacés par les impitoyables contrôleurs fiscaux. Et nous autres, pauvres commerçants, sommes bien obligés de mettre quelques pécules de côté pour survivre… Évidemment que c’est moralement répréhensible aux yeux de Dieu et de l’État , mais est-ce réellement amoral quand l’État lui-même contrevient à l’un de Ses Commandements ? « Tu ne voleras point. », l’État nous vole, nous spolie, nous impose ! Alors oui, Dieu ne nous soutiendra pas, mais Dieu ne soutiendra pas l’État non plus. La Vie Éternelle n’est pour personne. Qui plus est, jouer sur l’éthique alors que l’on achète et exploite la paysannerie n’est pas un peu hypocrite ? Là encore, mes hommes de main sont plus honnêtes que vous. Alors cessons de nous reprocher notre manque de moral, qui ne mène nul part en plus d’être vain et ennuyeux.
Quant à vos menaces, je sais pertinemment que vous n’oserez jamais les mettre à exécution. Dénoncer son petit camarade est une chose, se tirer une balle dans le pied en est une autre. En dénoncant les principaux dirigeants de toutes les forces politiques ce pays revient à s’attirer leur haine, et à se priver de leur soutien. De plus, ça revient à accuser le pyromane d’avoir mis le feu à l’école alors que vous lui teniez l’allumette conscient de ce qu’il allait faire. Au niveau politique vous vous sucidez, vous réussirez à déclencher une crise majeure entre l’Hernandie et l’Antérinie, qui sera contrainte de vous sanctionner ou de vous museler pour éviter le scandale et une tâche sur sa réputation. Vous savez pertinemment que Terrabilis a tout à perdre, ce n’est même pas envisageable, en revanche… Payez et vous aurez notre soutien et la paix. Nous avons tout à offrir, il suffit juste de fournir ce dont nous avons besoin. Vous voulez des terres et des hommes pour les protéger ? vous les aurez, mais il va falloir payer. Alors, vous marchez ? "
Sentant une porte s’ouvrir et lui permettre une sortie temporaire honorable, l’Antérinien accepta et fit : - « Pour ce faire Excellence, je dois avoir le soutien du Directoire, certes vous avez raison sur de nombreux points, mais je n’ai pas les pleins pouvoirs pour cette modeste entrevue, en revanche, sachez que je serai prêt à vous contacter dès que les négociations avec les Directeurs auront avancé. Évidemment je ne promets rien, mais je pense qu’ils accéderont à vos demandes avisées. Tandis qu’il préparait de quoi poignarder dans le dos son adversaire.
Uriel : - « Dans ce cas, c’est entendu. Et je pense même que nous pourrions même fêter la nouvelle autour d’un bon repas. Vous ne pensez pas ? Après tout, je devais inviter l’Excellence Almajive pour qu’il me prêtent des fonds pour les prochaines campagnes législatives… Malheureusement il a été empêché par quelques raisons qu’il ne m’a pas communiqué. Et vous savez, quitte à manger pour deux, autant manger à deux… N’ayez pas peur , vous êtes loin de me déranger, ça m’évitera de passer un dîner seul face à moi-même. »
Lecombre : - « Vous êtes sur ? »
Uriel : - « Évidemment. »
Lecombre : - « Et bien soit. »
Uriel, appuyant sur un bouton fit à un domestique : - « Monsieur, vous penserez à mettre le couvert pour deux ce soir, et sachez que j’attends beaucoup du repas. »

Posté le : 14 sep. 2025 à 18:41:44
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- « Monsieur, vous penserez à mettre le couvert pour deux ce soir, et sachez que j’attends beaucoup du repas. » Fit Uriel à un domestique.
Celui-ci répondit : - « Excellence, Vous oubliez que Monseigneur Pablo. L’Archevêque de Milenze que vous deviez rencontrer pour vous assurer le soutien du clergé local dans vos futurs opérations. »
- « Ah oui, celui-là ! Je ne m’attendais pas à ce que le cureton vienne m’ennuyer avec sa moralité et ses conceptions bibliques ! Et bien vous savez quoi faire maintenant, mettez le couvert pour trois ! »
- « Bien Monsieur. »
Et alors que l’Antérinien l’interrogeait du regard, l’Hernandien lui fit ; - « C’est le chef du clergé de Milenze et de ses environs. Un homme particulièrement inintéressant qui ne peut que se perdre dans ses réflexions sur la Passion, l’amour entre les fils de Dieu, et surtout le pacifisme ainsi qu’un désarmement des diverses milices et gangs locaux, y compris celui de mes hommes de main. Malheureusement, nous sommes bien obligés d’obtenir son accord. Voyez-vous, si l’Église s’oppose ouvertement à nos… activités, et bien nous risquons de perdre beaucoup. Et l’Arrchevêque n’est pas uniquement un calotin engoncé dans ses principes moraux et religieux, c’est aussi, à ce qu’on dit, un proche ami du Pape, qui pourrait bien faire pression sur les droites et gauches chrétiennes pour faire cesser les activités économiques de mes différentes sociétés. Un homme sans qualités. Je vous l’assure. Comment voulez-vous corrompre un homme qui roule dans une Steiner datant des années cinquante ? Et je pense que ce n’est pas à cause de ses grands principes moraux qu’il refuse systématiquement mes rétributions liquides, c’est surtout car il s’en désintéresse ! Le Cardinal de Saint Jacques des Mers est bien plus réceptif, et les Enseignements du Christ lui paraissent moins contraignants… Et le pire, c’est qu’on ne peut même pas se débarrasser de ce cardinal, sinon les répercussions seraient bien trop dures ; l’union des droites et des gauches pourrait avoir lieu et se retourner contre mes bons amis terriens et industriels, et dès lors cela marquerait la ruine pour l’Hernandie et ses citoyens. Je vous le dis, méfiez-vous de ce petit bonhomme, il est intraitable et particulièrement borné. »
Ce discours reflétait assez bien les relations ambiguës qu’entretenaient les institutions cléricales et les différents groupes mafieux qui pouvaient exister en Hernandie. Si certains porteurs de la soutane se montraient, comme le disait Uriel, « réceptifs » aux arguments financiers des Mafieux et des Gangsters, d’autres hommes de Dieu se montraient incorruptibles, et pourtant, ils étaient indéboulonnables. S’il suffisait parfois d’un assassinat pour se débarrasser d’une épine politique persistante, la mort d’un haut dignitaire du Saint Père pouvait très bien se retourner contre le Crime organisé. Il ne s’agissait pas de morale ou de scrupules, mais d’un rapport de force réel. L’Église est une force tranquille, attentive à la situation, mais inactive. Seulement, si l’on s’attirait son courroux, ce n’est pas une guerre contre quelques gardes du corps, mais contre la Morale et une institution. Les criminels avaient réussi à étouffer la démocratie sous des rouages simplistes et élitistes, ils pouvaient se mettre dans la poche quelques prélats peu scrupuleux, mais ils ne pouvaient écraser l’Église Catholique, Apostolique et Rhêmienne. Il suffisait une condamnation publique, d’une mobilisation de ses prêtres, d’une menace de dissolution du Concile pour que les soutiens ayant noyauté une partie du haut clergé hernandien ne deviennent particulièrement dociles et se retournent contre leurs amis d’hier. Et face à une contestation populaire, des remous venus des bases de leurs gangs et mafias, les Uriel et consorts seraient obligés de lâcher du leste. Ici il ne s’agissait pas d’un rapport de force brutal, mais d’une guerre d’influence entre l’Église fidèle à la parole du Christ et ceux ayant renié le Créateur et qui se livre à des activités parfaitement illégales. Ainsi, se disait le représentant de Terrabilis, si conflit il devait y avoir entre le Clergé et les Mafieux, la société antérinienne avait toutes ses chances pour en ressortir renforcée. Et surtout, pour grignoter encore plus les petites exploitations indépendantes tout en ayant les moyens de marchander son soutien économique et politique en échange de quelques concessions. La malheur des uns faisant le bonheur des autres comme le dit si justement l’adage.
- « Intéressant… » Répondit le représentant de Terrabilis d’une manière évasive tout en imaginant une habile combine pour affirmer l’entreprise comme un acteur majeur en Hernandie. « Et comment envisagez-vous d’encourager le clerc à céder ? »
- « Je crains d’avoir à utiliser des moyens me désolant… » Fit simplement le mafieux.
Soudain la sonnette retentit tandis que les domestiques finissaient de poser les assiettes d’une porcelaine admirablement ciselée et des couverts d’argent finement taillés. Alors que l’Antérinien finissait son verre de gin et que son interlocuteur vidait son ballon de vin, les serviteurs d’Uriel se dépêchèrent d’ouvrir au prélat. Homme à la figure avenante, le visage fin, à la chevelure grisonnante, aux dents quelque peu jaunies, à la soutane usée et aux souliers vieillis et troués. Une simplicité de style qui en disait long sur son style de vie et sa gestion des ressources de l’Archevêché. Il avait aussi un étrange regard foncé, vif et même hypnotique par moment qui reflétait avec une certaine exactitude ses sentiments. Il fallait que ses pupilles se dilatent pour ressentir sa colère, qu’elles s’adoucissent pour y reconnaître la joie, et des fois l’espièglerie. Son regard faisait de lui un livre ouvert qu’il suffisait de bien lire pour le comprendre. Malgré tout, cela ne signifiait pas qu’il était faible et manipulable. Ses traits ouverts ne voulaient pas dire qu’il était naïf. Il était un homme avant tout moral et ayant véritablement conscience de « sa mission » que le Très Haut lui aurait donné ; sauver l’Hernandie de la corruption de ses institutions. En quelques mots un homme bien étrange, voulant pourfendre le dragon amenant vices et corruption morale tout en préservant le plus possible les institutions cléricales, en partie tombée aux mains des élites locales. Élites auxquelles le cardinal appartenait et qu’il avait renié dès son entrée dans le giron de l’Église en tant qu’archidiacre.

Le style du cardinal surprenait au plus haut point l’Antérinien. Voici l’un des rares prélats qui prenaient acte du vœu de pauvreté faites par l’Église de Saint Pierre, lui qui a rencontré bons nombres d’Homme de Dieu bons vivants et appréciant faire étalage de leurs étoffes de pourpre et de leurs bagues à quelques millions de talents… De plus, le représentant de Terrabilis ressentait une étrange attirance pour cet homme ; son aura était resplendissante, un charisme naturel s’émanait de lui comme la fumée d’un volcan. La confiance qu’ils inspirerait à ses interlocuteurs était grande. Le terrabilissien ne put s’empêcher de se dire intérieurement qu’une prêche de cet homme devait certainement être particulièrement éloquente. S’il considérait les avertissements d’Uriel au sujet du cardinal quelque peu exagérées et empreintes de mauvaise foi, il comprenait maintenant pourquoi le Mafieux se méfiait plus que tout de l’Archevêque de Milenze. Il saisissait que l’effet produit par la mort d’un tel homme pourrait mettre à mal l’intégralité du système du Crime organisé. Il deviendrait un martyr pour l’Église et la cause de bien des malheurs pour les malfrats. Néanmoins, se disait-il, une telle simplicité doit cacher un grand péché. Et il avait bien l’intention de découvrir le plus de chose possible sur ce cardinal alors que ce dernier s’avançait vers lui avec un grand sourire. Sa soutane, un peu trop grande et délavée, traînait sur le sol, dispersant ainsi plusieurs grain de poussière sur le parquet récemment ciré et lustré. Il tendit son manteau aux domestiques d’un geste expert qui savait comment s’y prendre, s’excusa pour la saleté et demanda un séant à son hôte. Qui lui indiqua un fauteuil de cuir confortable. Puis l’Eminence rouge échangea quelques banalités avec l’Antérinien :
- « En effet, la situation se détériore grandement à Milenze, chaque jour je suis à court de curé pour la Célébration du deuil, c’est terrible mais la drogue et le trafic d’arme font des ravages et déciment les civils. Et pourtant les autorités politiques de la seconde ville d’Hernandie n’arrivent pas à enrayer le phénomène qui menace de se répandre à l’arrière pays. La situation est désastreuse. Et si je ne m’abuse ce sont des hommes d’Unidad qui dominent le Conseil Urbain malgré la victoire d’un maire conservateur… »
- « Encore une fois Éminence vous tordez la vérité. Ce n’est pas par ce que nous avons la majorité au Conseil Urbain que c’est nécessairement notre faute, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour préserver le plus de vie possible. Et si vous auriez accepté mes propositions dès le début Éminence, vous auriez probablement plus de curés qui célébreraient des Baptêmes au lieu de bénir des cadavres. Seulement vos hauts principes moraux vous empêchent de vous abaisser à valider la mise en place d’une force de police parallèle dirigée par un acteur privé et qui s’appuierait sur le soutien tacite du clergé local pour retrouver les délinquants. Vous considérez que l’État doit se charger de ces besognes mais vous êtes incapables de reconnaître qu’il a failli à sa mission ! Et votre obstination coûtera la vie à des centaines, et même à des milliers d’Hernandiens ! Après tout, si vous refusez de faire preuve de bon sens, c’est une décision qui vous revient en âme et conscience, vous en parlerez certainement dans l’au-delà avec Dieu, s’il existe…
Enfin, voyez-vous Monsieur Lecombre, ne comptez pas sur l’Église pour lancer vos affaires, sinon elle vous cite des lois sorties de nul part en y prétextant une intervention divine et puis ensuite un mystérieux bonhomme sorti de nul part pour vous dire de « tendre la joue » quand votre ennemi vous frappe, alors que tout comportement sain serait de simplement l’amputer et s’il l’ouvre, arrachez-lui la langue. Au moins les Juifs ne sont pas uniquement bons en affaire, ils sont aussi réalistes, c’est pas pour rien qu’ils ont donné corps à la loi du Talion. Les curés sont un frein aux affaires, la morale qu’ils véhiculent l’est par ailleurs. Enfin, sauf quand Saint Luc dit ; « à mes ennemis, à ceux qui n’ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici, et égorgez-les en ma présence. » C’est qu’à défaut de dire des choses sensées constamment, il soulève un juste point, à savoir qu’un ennemi mort, est un ennemi qui ne posera plus de problèmes. Et ce qui explique la défaite de l’Église face aux idées socialistes ; même doctrine, même amour pour une présumée pauvreté et même incohérence systémique, c’est qu’elle n’ose pas mettre en pratique la bonne vieille méthode ; le Christ n’est pas uniquement la Paix, c’est aussi l’épée. Les Socialistes ne sont pas le prolétariat, ils en sont les bombes. »
Il tentait de perturber le prêtre, qui pourtant restait impassible. Un sage sourire passa sur son visage, lui n’avait pas eu besoin de ruser pour obtenir sa mitre, ni même de tromper pour se tisser son chapeau, il lui suffisait seulement de prêcher avec encore plus d’ardeur, de travailler avec plus d’acharnement les Textes, de débattre avec plus de passion sur les grands dilemmes théologiques. Alors que ses rivaux tentaient d’abaisser l’Église à leur niveau, sa majesté naturelle, son aura surnaturelle et son énigmatique et reposant sourire l’élevait. Le Conclave devenait à chaque élection pontificale un zoo où des spécimen disparus depuis le XVIIIe siècle refaisaient surface le temps de quelques débats avant de replonger dans les archevêchés oubliés des Papes pour remonter grignoter quelques pots de vin cinq ou dix ans plus tard… Des requins des profondeurs se nourrissant grâce au cynisme de certains prélats préférant délier les bourses que relire les Saintes Ecritures. Le premier étant plus facile à faire que le second. Lorsque les cohortes de vendus pour douze deniers défilaient devant la statue de Saint Pierre pour célébrer le décès de l’homme qui s’était assis sur son Trône, elles pensaient surtout au moyen d’alourdir leurs âmes et leurs bourses. Pourtant il arrivait que des hommes tenaient plus que tout à leurs principes, et les défendaient âprement, quitte à pactiser avec leurs adversaires théologiques pour éviter qu’un parvenu ne prenne le pouvoir. Ainsi, il ne sourcillait pas, les sceptiques venaient constamment tenter de lui faire douter de la justesse de ses propos, y compris certains de ses pairs… Il sait qu’accueillir un des fils de Dieu avec mépris est une défaite, rejeter ses arguments avec colère est un signe de faiblesse, l’accuser des pires ignominies étant celui de l’instabilité mentale. Alors continuant à sourire il lui dit ;
- « Mon fils, renier le Père n’est pas un crime, c’est seulement de l’inconscience, citée les Evangiles sans même prendre en compte le contexte est une puérilité. Dieu aime tout Ses enfants, seulement Il n’aime pas les appels à la violence, tout comme Son Fils. Ce dernier n’a t’il pas prêché toute sa vie pour défendre les faibles des forts ? N’as T’il pas refoulé les marchands en les chassant du temples, en redonnant à celui-ci son utilité première, à savoir accueillir les fidèles, sans violence, si ce n’est jeter quelques tables par terre ? N’as t’il pas encouragé l’amour interethnique et interreligieux en faisant d’un percepteur d’impôts son disciple, son apôtre ? Ne disait-il pas « aimez-vous comme je vous aime ? ». Alors pourquoi citez-vous cette phrase de Saint Jean, qui rappelait ici qu’il faut expurger, « égorger » notre mauvaise part de nous même, quand il parle de ses ennemis, il ne parle pas des païens de Thebanïon ou de Kabalie, mais du mal qui sommeille en tout les hommes, y compris en lui-même. Ses « ennemis » sont donc ceux qui refusent de se plier aux règles du Seigneur, à savoir le Malin tentant de nous amener vers le bas. Il n’appelle pas à la violence contre ses semblables, mais contre un être immatériel qui vit en nous-même et qui est en partie responsable de nos mauvaises actions. L’Église a parfaitement conscience de cette nuance, et c’est pour cela qu’elle est souvent restée fidèle à ses messages de paix, d’amour et de tolérance. Même si ce dernier a pu être détourné par quelques Papes peu scrupuleux ou cyniques.
Ensuite, il est clair que votre conception des supplétifs chargés de seconder une police a priori incompétente est largement différente de la mienne. Car j’ignorais que chasser ses rivaux pour les abattre dans une clairière silencieuse et tranquille la nuit « au nom de la loi » était l’objectif des différents groupes paramilitaires chargés du maintien de l’ordre dans certains quartiers. Avouez que cela ressemble tout de même à un commode moyen de lapider la concurrence tout en s’assurant de la suprématie physique. De plus, cette fameuse coopération implique de trahir le secret de la confession, chose aussi sacrée et protégée que le secret médical ou prefessionnel. Alors oui, je préfère éviter de voir mes ouailles mourir en masse comme dommages collatéraux dans d’interminables réglements de compte entre gangsters et mafieux. Car ce que vous faites ne s’apparente pas à du maintien de l’ordre mais à une opération de nettoyage dans les règles de l’art. Chose à laquelle tout homme de Dieu ne peut s’associer en âme et conscience. »
Et tandis que l’Antérinien souriait, amusé et touché par la justesse et la simplicité des arguments de Monseigneur de Milenze, voyait aussi son adversaire suffoquer de rage, non pas car il voyait que le prêtre avait raison, mais plutot car ce dernier avait osé dire l’impensable ; à savoir que les Uriels dirigeaient un empire criminel régnant sur les stupéfiants, la prostitution et le racket en tout genre. Il souhaitait avant tout soigné son image, être un homme d’affaire respecté et respectable, et ceux qui osaient affirmer le contraire en public croisaient des brigands assoiffés par l’or et ne s’en sortaient malheureusement pas toujours… C’est d’ailleurs pour cela qu’il a toujours nié ses relations avec les milieux criminels en affirmant que ses pères ont toujours étés d’honnêtes citoyens parfaitement fréquentables et lavés de tout soupçons grâce à des procès les ayant jugés aussi innocents que la blanche toison de l’agneau qu’Abraham sacrifia à Dieu… Malheureusement, il arrivait que des hommes presque intouchables se permettent de tels commentaires, et souvent le procès ne changeait rien, la mort n’en faisait que rendre leurs propos plus populaires et risquait de faire naître de véritables mouvements contestataires tant au niveau politique qu’au niveau social. Et alors qu’il s’apprêtait à lui répondre avec mépris et sarcasmes, l’un des domestiques entra et fit :
- « Monsieur, le couvert est posé. L’entrée ne tardera pas. »
- « Bien. Messieurs, à table. »
Ils passèrent dans une grande et belle pièce, couverte de tableaux, d’or et de boiseries précieuses, la table œuvre des meilleurs ébénistes de toute l’Hernandie, était recouverte par les assiettes en porcelaine finie représentant des Dragons Célestes bleus enroulant leurs élégantes silhouettes autour de branches invisibles blanches, tandis que des verres cristallins des meilleures verreries teylaises étaient mis en évidence au côté de merveilleux couverts d’argent issus des collections des grandes familles aristocratiques de toute l’Antérinie et de Marcine. La nappe, drapant de sa pure couleurs la table finement ciselée, était parsemée de motifs représentant des lauriers d’or, symbole de prospérité, de victoire, mais aussi emblèmes de la Famille Impériale antérinienne. Symbolique lourde, pouvant signifier l’opulence de la dynastie Uriel ou ses ambitions aristocratiques. Symbolique signifiant clairement aux invités qu’Alvaro de Uriel était un homme riche, influent et puissant et que mieux valait pouvoir compter sur son soutien si l’on tenait à se faire un nom sur la scène politique, économique ou culturelle locale. Une symbolique rappelant à tous que la véritable puissance n’est autre que celle de l’Argent.
Et alors que l’entrée commençait à être servie, l’Antérinien, cherchant à accumuler les informations sur la lignée politique d’Uriel demanda :
- « Monsieur Uriel, d’où vient cette immense fortune ? »
- « Vaste sujet. Néanmoins, il est certain que je pourrai m’étaler dessus pendant tout le repas, et même pendant des heures, si ce n’est des jours. Après tout, les Uriels ne sont pas uniquement une dynastie de quelques parvenus, mais les fondateurs de l’Hernandie moderne après avoir été les piliers de l’aristocratie locale. Nous sommes plus qu’une famille, nous sommes la représentation d’une véritable élite. Je suis le fils de ceux qui ont fait la fortune de l’Antérinie, de ceux qui ont faconnés l’indépendance politique et économique de l’Hernandie républicaine. Je suis de ceux qui dirigent actuellement l’État Hernandien. Je ne suis pas uniquement l’une des figures les plus riches et les plus influentes de toute la République, je suis aussi de ceux qui ouvrirent timidement l’Hernandie au commerce international, en y invitant la concurrence. Je suis en partie l’architecte de la reprise de croissance de l’économie hernandienne. Et pourtant, ma famille était partie de rien. Et aujourd’hui, me voilà à la tête de l’une des principales forces politiques d’Hernandie.
Car malgré ce que tentent de faire croire quelques abrutis névrosés reprochant leurs échecs au capitalisme, aux riches ou à ceux qui ont travaillé à leur fortune, la Famille de Uriel n’est pas née au sein de l’aristocratie antérinienne, elle n’a pas prospéré grâce à un seul homme qui laissa ses héritiers grignoter sa fortune sur presque six siècles, elle s’est progressivement construite à partir de rien. Devenue une force grâce à la compétence de ses fils et de ses filles. Pour tout vous dire, mon aïeul était l’un des mousses qui participa à l’expédition de Mathias Hernandez et de son frère, lui aussi issu de la paysannerie pauvre et oubliée des environs de Saint Jean de Luz. Et pourtant, son fils qui s’établit définitivement dans ce nouvel Eldorado posa les bases de la fortune en faisant naître une première institution bancaire locale visant à échanger l’or contre des biens de première nécessité… »
-« Or volé aux indigènes » Ne put s’empêcher d’ajouter le cardinal.
- « Point de détail, répondit son interlocuteur du tact tandis qu’il finissait son assiette, pour en revenir à notre sujet, il est vrai que cet or avait une drôle de provenance, mais néanmoins, la fin justifiant les moyens, mon aïeul a pu ainsi se doter d’une certaine fortune lorsqu’il envoyait son or dans les premières institutions financières antériniennes… C’est aussi comme ça qu’il put investir dans les premières mines ouvertes sur place ainsi que dans les champs qui firent travailler une main d’œuvre peu coûteuse. »
- « Des esclaves… »
- « Non, des salariés que le syndicalisme n’avait pas encore perverti et capables d’user de leurs neuronnes. De plus la Couronne avait interdit l’exploitation gratuite des populations indigènes. Relisez vos cours d’Histoire Éminence. Ainsi, il put aisément s’acheter des charges, des titres et une place sur la scène politique locale tandis que ses fils furent éduqués dans les meilleurs Académies de toute les Antérinies. Et ce furent eux qui s’achetèrent des pieds à terre là-bas, s’allièrent avec les Grands, les financèrent, se lièrent avec les grands partis avantageant les intérêts de la bourgeoisie hernandienne. Ce sont des hommes qui firent la charnière entre la Métropole et l’Hernandie, une élite des élites née de la Terre que le Commerce enrichit. Une élite reconnue de ses pairs, de ses rivales, et de ses piliers. Ultime symbole ; les de Nuevas Marchias devinrent les de Uriel après avoir racheter la terre à son seigneur. Brillante, rapide et fastidieuse ascension pour les arrières-petit fils d’un paysan désargenté et d’un grand-père risquant sa vie en mère. Un travail qui rapporta la gloire à toute une famille et ce sur des siècles. Puissance sociale et économique, ces hommes bâtirent ma fortune. Sans eux, sans mes pères, aucune fortune ne tient.
Leurs fils engloutirent une partie de cette dernière dans d’immenses hôtels particuliers, en Antérinie, à Marcine, à Saint Arnaud des Pics et à Saint Jacques des Mers, dans des fêtes somptueuses où le gratin antérinien croisait les élites hernandienne, les Hernandez et les Saint Jean de Luz se croisaient et s’alliaient lors de ces soirées, toute les rapports de force au sein de l’aristocratie naissaient ici. Même si les de Uriel étaient négligés et méprisés par une aristocratie séculaire n’appréciant pas d’être dépendante de « parvenus » richissimes. Une jalousie mal-placée au service d’un égo particulièrement impertinent. La mise en place d’une nouvelle forme de lutte interne et spécifique aux élites économiques, souvent bourgeoises ou anoblies, face aux élites militaires, de « meilleur » sang en déclin. Une lutte de prestige et de pouvoir plus qu’une lutte de classe. Lutte qui se termina par la victoire définitive de la Noblesse coloniale sur la Noblesse féodale, du progrès contre la réaction. En Antérinie la révolution l’emporta, en Hernandie ce fut l’indépendance. Et cette gloire nous revient en partie… »
- « Enfin surtout à l’affaiblissement de l’Antérinie suite à la perte du Cinat et du statu quo de la Guerre de Neufs ans… »
- « Mauvaise foi mon père, mauvaise foi… Encore une fois vous y voyez toujours le contexte, mais vous savez tout aussi bien que moi qu’une victoire antérinienne n’aurait que ralongé de quelques années sa domination sur l’Occidalie. La « Conspiration » aujourd’hui célébré était nécessaire et aurait eu lieu quoiqu’il arrive, que Dieu le veuille ou non. Le Destin, la Providence, appelé ça comme vous voulez, mais l’Antérinie céderait l’Hernandie quoiqu’il arrive. Le fruit mûrissait sans cesse, rejetant l’opression de l’État, des Rois ou des Oligarques, mon aïeul réussit à imposer sa République libérale et démocratique, permettant à quiconque de s’enrichir, rejetant ainsi les fantasmes de la Haute Artisocratie et des crypto-monarchistes. Un amour immodéré pour les libertés individuelles, un rejet des conservateurs et des réactionnaires sans pour autant sombrer dans la révolution et ses mares de sang. A partir de ce moment là, la puissance de ma famille s’effrita, elle perdit ses terres en Antérinie, le coton et l’or s’épuisaient tout deux à une vitesse alarmante alors que les cours de la bourse, aussi insensibles que la mort faisaient chuter leurs actifs… Le déclin des familles traditionnellement maîtresse de la politique locale a permis la naissance d’une autre bourgeoisie, plus agressive, plus industrielle, plus financière. Fini les grands groupes terriens comme ceux des Hernandez ou des Uriel, place aux infrastructures industrielles des pères intellectuels des Almajive.
La fortune familiale c’est certes amoindrie, notre influence perdait du terrain à chaque nouvelle génération, nos terres étaient vendus pour éponger les dettes de ses détenteurs, mais pourtant la famille tenait bon, restait millionnaire, était respectée, à contrario des autres anciennes familles aristocratiques dorénavant oubliées ; les Hernandez. Et puis, vers la première partie du dix-neuvième siècle, les Uriel regagnait ce qu’ils avaient perdus, quelques génies de la finance ayant opérés à notre compte, reprenaient leurs terres se rachetaient des usines, investissaient massivement dans l’auto-mobile ou les secteurs prometteurs. L’argent recommençait à couler et les industriels regagnaient en intérêt pour cette famille qui devait s’effacer, encore une fois, la bonne étoile familiale fait des miracles, même si il est vrai que je crois moyennement à ces bêtises et à ces superstitions… Néanmoins, traditions familiales obligent… Et c’est grâce à cela qu’aujourd’hui l’empire des Uriel est né, je ne suis pas un un hombre hecho a sí mismo comme qui dirait, je suis avant tout le fils d’une dynastie basée sur l’entreprise et le travail, la gloire d’hommes qui surent explorer et investir avec sagesse. Mais je vois que le temps file et que nous sommes déjà au dessert, en plus l’Éminence doit bien avoir des choses importantes à faire ce soir, n’est-ce pas Monseigneur ?”
Ce dernier, sentant qu’entrer dans une tirade pour exposer quelques points ayant grandement aidé les de Uriel a régné sur ces fameuses industries ne ferait que le desservir. Comme qui dirait ; « Je garantis la Liberté d’expression, mais je ne garantis pas la liberté après s’être exprimé ». Ainsi il s’approcha de l’Antérinien et lui chuchota ce quelques mots :
- « Si vous souhaitez plus d’informations n’hésitez pas à venir assister à mon sermon à la cathédrale San Jeronimo de Milenze ce dimanche. Cela devrait certainement vous aider à mieux comprendre l’envers du décor et sa véritable nature. » Puis disant tout haut ; « Absolument Monsieur de Uriel, il est tard et je dois rédiger mon discours pour le congrès pastoral qui se déroulera dans deux semaines… »

