Dans les immenses salles du palais de Marcine, des hommes en costumes déambulaient à toutes vitesse, certains étaient noirs, d’autres blancs… beaucoup d’ailleurs adoptaient les traditionnels costumes de la haute administration antérinienne, c’est à dire le complet trois pièces bleu marin et les attitudes impeccables attendues des diplomates de la Confédération, en effet à Marcine les hommes d’état n’attendaient pas n’importe qui et se préparaient à une rencontre que beaucoup considéraient capitale. Les quelques hommes politiques présents ici étaient ceux qui n’avaient pas besoin d’etre présents à Kalindi ou qui seraient appelé à Marcine dans les prochains temps pour organiser un sommet pan afaréen et statuer sur la situation au Gondo. Ainsi les innombrables techniciens de surface se dépêchaient de ranger le plus vite possible les drapeaux et autres slogans anti-coloniaux, en effet l’enjeu était bien moins idéologique et il n’était pas rare de voir quelques officiels antériniens taquiner leurs collègues marcinois à ce sujet avec des plaisanteries telles que : « Alors comme ça l’Empire Colonial du Nord est un allié de poids pour le Royaume de Marcine !» ou « La politique n’a pas de cœur, elle n’a que de la tête, comme l’atteste la diplomatie marcinoise !». Ces derniers, bon joueurs, n’hésitaient pas à en rire franchement avec leurs collègues.

Car il est vrai que le choix de se tourner vers une puissance décrite comme « coloniale » par Aimé Bolila reste particulièrement étrange et beaucoup sont ceux qui y suspectent un pur opportunisme pour s’assurer le maintien des frontières royales et de l’influence du Royaume tout en favorisant les relations entre l’Empire et l’état aleucien. Lui même d’ailleurs l’envisageait comme ça et en se promenant dans les vastes couloirs du palais, il disait même à son secrétaire particulier : « Bien sur que les plus pan afaréens d’entre-nous hurlerons, et c’est bien normal, mais si seulement nous avions une grande puissance pan-afaréenne, car bon, mis à part les états du nord de l’Afarée, inactifs sur la scène internationale et malheureusement trop loin pour être considérés comme de réels alliés… Après, restons honnêtes, mais mieux vaut négocier des accords avec Kankela et Estham qu’avec le Kolca ou encore Listonia, d’abord car ils accordent à leurs territoires un minimum d’autonomie, ensuite, car bon c’est tout de même mieux que de s’allier avec des états autoritaires. Espérons tout de même qu’ils oublient, ou du moins qu’ils passent l’éponge sur mes quelques dérapages sur le sujet lors des débats contre les anarchistes du F.L.A, même si, restons francs, ce sont les kah tanais qui en ont pris pour leurs grades… Tiens, voilà le Roi, j’ai l’impression qu’il est d’excellente humeur, ça promets ! »
Puis il se rapprocha de Sa Majesté et s’inclina avant de dire :
« J’espère que votre vol s’est bien passé, et que surtout vous etes prêt pour cette journée qui s’avérera capitale pour le Royaume et le Grand Duché. »
ce à quoi Louis répondit :
« Je vous remercie, en effet, le voyage a été agréable et je suis reposé. J’espère surtout que vous allez bien, vous savez tout autant que moi que le plus important vous reviendra, je ne suis là que pour ouvrir et clôturer cette rencontre, le plus dur vous sera décharger. Après, vous savez très bien que je n’hésiterai pas à venir changer de sujet si la question devient brûlante. D’ailleurs, comment avance votre projet de conférence pan afaréenne ? J’ai cru comprendre que les retours étaient positifs. »
« Merci, en effet les quelques réponses des états afaréens restent globalement positives, même le Grand Kah a répondu par l’affirmative pour tout vous dire, mais je pense surtout que le plus violent restera certainement les interactions entre les états participants, en effet l’Antegrad accuse déjà Gedemascar d’etre une colonie yukunslave et en appelle déjà à la reconnaissance d’un état parfaitement indépendant, l’Ouwalinda réclame des sanctions contre l’Antegrad et le Grand Kah risquera certainement de fédérer un bon nombre d’état autour de lui… Je sens que cette conférence risquera d’etre particulièrement longue, notamment lorsque certains états ont du mal à intégrer des subtilités tels que l’Azur, qui selon les dire de Monsieur Bassé a eu besoin d’un cour de rattrapage en histoire, même si, allez savoir pourquoi, il a refusé de me donner cette dernière, prétextant des obligations professionnelles et diplomatiques… »
« Oh, vous savez tout aussi bien que moi, qu’elle sera certainement rapide, en tout cas pour la reconnaissance d’un état gondolais issu des rangs de l’A.D, il me semble d’ailleurs que ces derniers sont en phase de remporter plusieurs victoires, comme l’atteste le retrait des troupes antèriennes et les attaques aériennes du Grand Kah, visiblement impliqué dans ce genre d’opération… Mais en voyant les réponses des parties, pour le moins hautes en couleurs, j’imagine aisément que ce sera tout sauf un exercice facile, au contraire d’ailleurs, il faudra faire preuve d’agilité politique pour essayer de contenté ce beau monde, surtout avec des puissances mondiales qui traînent dans la salle. Mais vous paraissez visiblement maîtriser le sujet, d’ailleurs, si vous avez des requêtes à faire passer aux Chambres, n’hésitez pas, je suis là pour ça et surtout vous savez que je ne refuserais rien au Royaume, c’est quand même ici ou ma mère est née. Car figurez-vous que l’Empire commence à se méfier de vous, à première vue, vos positions résolument anti-coloniales ne sont en rien des bonus pour vos relations avec Monsieur de la Geauce, et je parie que l’on verra les conservateurs réclamer des gages. C’est tout de même dommage, bon après, vous connaissez les conservateurs, dès qu’il s’agit de questions économiques avantageuses, ils sont toujours favorables, donc vous savez à quoi vous attendre… »
« Bien sur, et ce n’est pas ça qui me fait peur, c’est certainement mon projet que je porte qui les effraie. Ils refusent de voir la confédération se décentraliser plus que ça, et c’est tout de même regrettable, ainsi je vous remercie pour votre proposition de soutien, et ce n’est certainement pas pour rien que vous etes si appréciés par les marcinois, Votre Majesté. A ce propos j’ai l’impression de voir Monsieur d’Antrania, votre « frère ». »
Puis les deux hommes s’avancèrent vers le ministre antérinien, habillé comme d’habitude en dandy et adoptant les traditionnels costumes bleu marin antériniens. Ce dernier était pensif, il venait d’arriver depuis quelques heures et savait que les négociations avec l’Empire du Nord seraient courtes, du moins pour l’Empire, et que s’il n’était là c’est uniquement pour représenter l’Antérinie au sein de la Confédération et ceux de l’armée confédérales, en pleine recomposition. Mais néanmoins, même si sa place de Ministre des affaires étrangères a été conservée, il sait que son poste reste tout de même menacé, d’abord à cause du rapport de force se mettant en place entre les conservateurs et les autonomistes, mais aussi entre les forces d’oppositions. Ainsi son objectif est de montrer son efficacité au reste des Assemblées tout en fermant le clapet à l’opposition, revigorée par l’intégration du P.C.A à l’U.I.S.C… De plus, il espérait aussi pouvoir montrer à quel point l’Antérinie, en y envoyant son ministre des affaires étrangères, soutenait Marcine dans ses volontés de se défendre seule et de se forger des alliances avec le reste du monde, afin de montrer la reconnaissance de l’autonomie des états confédérés vis à vis de la diplomatie antérinienne. Tout en espérant montrer que les suspicions d’hypocrisie à l’encontre de la « Métropole » ou de la « Couronne sœur » sont infondées et purement diffamatoires.
« Votre Excellence, je n’ose vous demander comment s’est déroulé votre vol, enfin depuis le temps que vous etes devenus ministre de la diplomatie impériale vous devez avoir de l’expérience pour ce genre de négociations… Enfin, vous venez bien de terminer votre rencontre avec Teyla et un compte rendu sera certainement publié… Enfin, bref, vous avez des informations sur l’Empire du Nord ? »
« Tout comme vous, je sais que c’est un état politiquement modéré, en atteste la présence de groupes parlementaires allant du centre-droit au centre-gauche, mais néanmoins la question du budget divise, en tout cas, plus qu’en Antérinie. De plus, ils connaissent une forte opposition politique, notamment avec une fragilisation du camps parlementaire principal. De plus, il me semble que leur territoire afaréen , comme vous devez le savoir, est autonome vis à vis de la Métropole nordiste, il me semble d’ailleurs qu’il est divisé en deux états, l’Owenba et le Makola, dirigés par le Renouveau Afaréen, proche des idées pan-afaréennes, ou du moins souhaitant un développement du T.I.O.M plus important… »
« Oui rien de bien de nouveau, mais vous n’auriez pas quelques informations intéressantes sur leur ministre des affaires étrangères ? Enfin, je ne sais pas grand-chose si ce n’est qu’il passe plutot inaperçu dans la presse nordiste, néanmoins, il risque très certainement de se montrer réceptif, en effet, à première vue l’Empire du Nord reste assez isolé sur le continent afaréen, et n’entretient que peu de relations avec les états locaux, mis à part les colonies des puissances onédiennes et le Faravan. Nous savons aussi que l’Empire est l’une des principales puissances économiques de la Planète (12e rang mondial) comparé à nous (20e rang mondial) tandis que son armée est conséquente, notamment grâce à sa flotte qui peut aisément surclasser celle de la plupart des états de l’A.S.E.A… De plus, je pense qu’au vu de votre volonté de tisser des liens commerciaux avec cet état, il aurait d’autant plus de raison que de se montrer amical envers la Confédération, qui partage quelques caractéristiques similaires avec son état, à commencer par le régime politique. Vos volontés clairement affichées d’acheter nordiste pourraient justement nous attirer ses faveurs, ou du moins son intérêt, mais sinon nous n’avions rien d’autre. D’ailleurs, la rencontre se déroulera dans un petit pavillon à l’extérieur du palais, beaucoup plus calme que le palais en lui même. Surtout j’espère que vous etes prêts à accueillir comme il se doit un potentiel allié marcinois, car la cérémonie de bienvenue risquera d’être grandiose et la garde royale a été missionnée pour escorter l’homme d’état nordiste. »
« Non aucun problème, excellence, mais dites-moi, vous n’auriez pas vu le représentant du Grand Duché ? Enfin, cela va bientôt faire dix minutes que nous l’attendons et la réunion se déroulera dans moins de cinq minutes, enfin je sais bien que les antériniens d’Aleucie sont réputés pour être plus détendus que les eurysiens, mais tout de même ce n’est pas une excuse pour être autant en retard… »
L’Afaréen, et l’Empereur, jusque là silencieux, se mirent à rire aux éclats, puis, Bolila pointa du doigts un homme visiblement perdu dans les immenses galeries du Palais : « C’est certainement des Bournos qui vient d’arriver, vous deux (fit il à deux agents), dites-lui de venir nous rejoindre. »
Puis il fit, « le convoi diplomatique ne devrait plus tarder ; la garde est déjà en place et les portes sont ouvertes, je pense que notre cabinet sera certainement propre et les négociations pourront enfin commencer, d’ailleurs, Votre Majesté, ils reste quelques brins de poussière sur votre uniforme. »


La pièce était petite, intimiste même, les hommes d’états, lorsqu’ils s’asseyaient étaient chacun à moins d’un mètre de l’autre, les fauteuils étaient resserrer et l’ambiance s’apparentait plus à une conversation entre amis qu’une rencontre entre chefs d’états. Tout avait été mis à disposition pour permettre aux politiques et aux diplomates de prendre des notes, un secrétaire avait même été mis au fond de la pièce pour servir du papier et prendre des notes en cas de besoin. Puis les hommes s’assirent et Sa Majesté fit :
« Votre Excellence, Monsieur le Ministre des affaires étrangères nordiste, je vous présente mon Premier Ministre, Aimé Bolila qui se chargera de représenter les intérêts marcinois lors de cette rencontre, Monsieur de Boisd’or, le ministre des affaires étrangères du Grand Duché du Scintillant et Monsieur d’Antrania, ministre des affaires étrangères antérinien. Je vous souhaite la bienvenue à Marcine et je vous propose de débuter dés maintenant la réunion. En effet, suite au récent rapprochement diplomatique antérinien avec votre Empire, plusieurs sujets ont pu être évoqués, et les représentants confédéraux, ici présents, seront chargés de présenter leurs propositions et de les négocier en leur nom. Ainsi, n’aillez pas peur de vous adressez directement à ces derniers, vous n’etes en rien obligé de passer par moi ou par Monsieur d’Antrania. Ainsi, je tacherai ici de servir de médiateur et d’aiguiller les négociations si nécessaire.
Vous n’ignorez pas que l’Empire se rapproche des puissances de l’O.N.D, notamment le Royaume de Teyla, avec qui nous avons déjà reconnu la République Translavique comme seule représentante de la nation translave. Et c’est dans cet optique que le gouvernement confédéral antérinien se rapproche de votre nation, car comme vous le savez, l’Empire depuis sa récente décentralisation, entretient bon nombre de similitudes avec votre état, qu’elles soient, politiques ou administratives. Et la croissance économique exponentielle de nos deux états ne peut que nous rapprochez, notamment pour négocier des accords commerciaux. De plus, le relatif isolement diplomatique de la Couronne Marcinoise permettrait d’imaginer un rapprochement entre le Territoire Impérial d’Outre Mer et le royaume, qui partagent semble t’il, quelques points communs, à commencer par un pan-afaréeisme certain, d’après ce qu’en dit la presse antérinienne. Il me paraît évident de vous rappeler que le Grand Duché du Scintillant, reliquat de ce qui fut autrefois la perle du Jashuria Occidental Antérinien, souhaite aussi entretenir d’excellentes relations avec votre Métropole. Ainsi, lors de cette rencontre, des sujets d’ordre économique et militaires seront proposés, et en guise d’exorde je vous propose d’aborder la question de l’achat d’armement nordiste aux entreprises Excellence.
En effet, la faiblesse militaire de l’Empire est certaine, et il nous paraît inconcevable de sauvegarder nos frontières et la sécurité intérieure avec quelques milliers de braves soldats sous équipés, ainsi, en prenant en compte le prix relativement bas de vos industries, nous vous proposons un accord qui pourrait aller jusqu’à 1.67 milliards de talents, autrement dit 167 milles unités monétaires internationales pour doter notre armée de terre d’un minimum d’équipement. Mais néanmoins, je pense qu’au vu de la commande monumentale et gigantesque qui va avoir lieu, des ajustements de 20 % seraient accessibles, ce qui reviendrait à la somme de 1.33 milliards de talents antériniens, soit 133 milles unités monétaires internationales (approximativement), ce qui nous permets de faire 34 milles umi d’économie. Bien entendu nous restons disponible pour toute contre-proposition… »
Après avoir terminé ce petit discours d’introduction, l’Empereur regarda en souriant l’homme d’état nordiste et attendait sa réponse.
