11/05/2017
16:06:12
Index du forum Scène Internationale Diplomatie internationale

[Marcine & Front de Lutte Anarchiste/Grand Kah] Un après-midi à Axis Mundis

https://i.pinimg.com/1200x/04/de/c8/04dec8ab0725dca26b9fcd15ba84fcac.jpg

Il faisait plutôt doux. Le ciel était chargé d’une poignée de nuages et les citoyens de Lac-Rouge se pressaient dans les rues pour rejoindre leurs destinations à vélo ou en tram. Quinze degrés c’était certes au-dessus des moyennes saisonnières, mais pour beaucoup de kah-tanais, c’était tout de même un peu froid.

Dans la cours de la Convention Générale, la citoyenne Meredith observait les membres de la garde cérémonielle d’Axis Mundis effectuer leur dernière répétition. Des rangées d’uniformes noirs et rouges formant et déformant des haies d’honneur, effectuant quelques figures acrobatiques avec leurs fusils.

Ces hommes étaient la matrice de l’armée kah-tanaise, lui avait un jour dit Aquilon. Lui qui avait tant bataillé avec la Convention pour réarmer l’Union. Il était difficile de se dire que seulement dix ans plus tôt, cette idée faisait polémique. Maintenant le Grand Kah n’était rien sans son armée. On avait vite oublié les résolutions pacifistes de l’après révolution. Elle leva le nez. Justement, il approchait.

« J’en parlais avec le chargé de protocole », commença-t-il comme il le faisait parfois, sans introduction. « Ce n’est pas vraiment une nation indépendante. Ou anarchiste. »

Elle le salua d’un signe de tête et haussa les épaules.

« Tu fais référence à la nature de leur gouvernement, ou à leur rattachement à l’Antérinie ?
– Je fais référence au fait que sur le plus strict plan cérémoniel ça pose…
– Problème ?
 Des questions », conclut-il en secouant la tête. Il leva les mains et applaudit poliment, les gardes venaient de terminer leur répétition. Il haussa un peu la voix pour être audible.

« Parfait citoyens, c’est parfait. Si avec ça nos amis ne se sentent pas bien accueillis, eh bien !... »

Il n’ajouta rien. Quelques-uns des militaires rires. Il existait une certaine proximité entre Aquilon et eux. Déjà pour son rôle dans le réarmement, ensuite parce que les citoyens kah-tanais n’avaient que très vaguement conscience des barrières hiérarchiques qui empêche théoriquement homme de parler à un chef d’État ou à un juge comme à son voisin. On respectait la fonction, mais l’individu derrière n’était rien de plus – ou de moins ! – qu’un autre être humain. Dans le cas présent, Aquilon s’exprimait en tant qu’individu, plutôt qu’en tant que représentant. Meredith sourit et lui indiqua les arcades qui faisaient le tour de la cour et amenaient aux locaux du Comité. Il acquiesça et ils se mirent en route.

« Tu sembles de bonne humeur.
 Et pourquoi pas ? Tu ne penses pas que tout va pour le mieux pour l’Union ?
 C’est peut-être un peu optimiste, non ? "Tout va pour le mieux".
– Peut-être. Mais les bonnes nouvelles s’accumulent. 
»

Il haussa les épaules et plongea les mains dans les poches de son imperméable noir, sans la regarder. Comme elle ne disait rien, il continua d'un ton égal.

« Je ne suis pas sûr de bien avoir compris la situation, là-bas.
– Je crois qu’eux non-plus, Aquilon. Enfin ils viennent ici pour acter un rapprochement de Marcine et du Grand Kah. C’est très finement joué de leur part, je trouve. En nouant de bonnes relations avec ce territoire nous pouvons améliorer notre image auprès de l’ensemble de l’Antérinie et, plus important encore, familiariser la population locale à notre système. Leur parti anarchiste est puissant mais désorganisé, il a besoin d’une meilleure base militante, de formations techniques et idéologiques, de fonds. Et si Marcine lie des liens étroits avec le Grand Kah, malgré sa nature monarchique, malgré son rattachement à un pays réactionnaire, alors il sera plus difficile pour son élite de dénoncer le soutien que nous demandent les anarchistes locaux.
– Tu penses que c’est aussi complexe que ça ?
– J’en parlais avec Actée. Tu sais comment elle est. 
»

Aquilon sourit. Oui, il le savait pertinemment. S’ils avaient depuis été doublés par d’autres, lui et Actée furent des années durant le pôle radical du Comité, travaillant en duo, malgré leurs différences idéologiques parfois profondes, pour concevoir des politiques interventionnistes, révolutionnaires, pro-actives.

Il se souvint d’un de ses nombreux credos. Petits aphorismes qu’elle lâchait parfois quand elle était lassée de faire des tirades.

« Que ça soit ou non volontaire, ça nous arrange. »

Meredith haussa légèrement les épaules.

« Oui, ça nous arrange. »

Et de toute façon la question ne se posait même pas : quiconque demandait de l'aide au Grand Kah l'obtenait. La première puissance socialiste, économiquement comme historiquement, aimait tous ses enfants.



L’aéroport de Lac-Rouge, aussi nommée Commune Ville-Libre, était installé à l’écart du lac sur lequel s’était construite l’ancienne métropole nahuatl. Relativement pratique – c’était hélas inévitable pour la porte internationale d’un des centres économiques et politiques majeurs de la planète – on y trouvait une étonnante diversité de compagnies aériennes et d’appareils, et même une plusieurs dirigeables, lesquels partaient généralement d’un aérodrome situé au cœur même de la ville. Leur aspect silencieux et leur capacité à effectuer des décollages et atterrissages verticaux aidant.

Lorsque les représentants étrangers atterrirent, ils furent immédiatement pris en charger par des délégués de la commission aux affaires étrangères, qui les guidèrent hors de l’aéroport et jusqu’à une série de berlines électriques noirs qui longèrent le lac jusqu’au grand pont routier permettant d’accéder à la ville à proprement dite. Les voies réservées aux voitures étaient nettement moins nombreuses que celles où se déployaient les transports en communs, tram, bus, voie émergée du métro. La cité lacustre avait vécu sa modernisation progressive sous le prisme d’une conception collectiviste de l’urbanisme : son organisation témoignait moins d’efforts visant à rectifier des situations jugées à posteriori problématique, comme dans certaines métropoles engorgées par les voitures, que d’une pensée intégrant d’entrée de jeu le bien-être collectif des habitants. Ce fut en tout cas ce qu’expliquèrent les kah-tanais. Ils semblaient ravis d’accueillir les antériniens mais n’abordèrent aucun sujet politique ou géopolitique, leur mission se limitait à l’accueil et la prise en charge de la délégation.

Le petit convoi remonta l’avenue de la Liberté, antique voie suivant le tracé du pont pour s’enfoncer jusqu’à la place monumentale que les révolutionnaires avaient depuis renommé Axis Mundis. Les bâtiments modernes et façades blanches et ocres de la ville historique laissèrent bientôt place aux anciens palais, nouveaux commissariats et immenses pyramides d’Axis Mundis. La place de la Révolution, gigantesque, était construite autour d’une immense statue de l’ancien Shogun Colonial, couverte de graffitis, de banderoles colorées, de tags vieux pour certains de plus d’un siècle. Cette statue était un monument bien connu, que les premiers révolutionnaires avaient décidés de préserver comme un exemple du sort qui attendait chaque tyran. Elle se trouvait dans le prolongement des immenses pyramides majeures, parmi les exemples les plus impressionnant d’architecture religieuse précoloniale, où se jouaient encore des exécutions publiques lorsque le système judiciaire kah-tanais le jugeait utile. Dernièrement c’étaient certains leaders kommunaterranos qui avaient terminé en haut des marches du temple du sang.

On fit descendre les délégués dans la cour d’un bâtiment blanc et rouge, tout en colonnades, qui dans la plus pure tradition nahuatl étaient séparés du sol par quelques marches. Trois figures attendaient aux pieds de celles-là. Ils s’agissaient de citoyens membres du Comité de Salut Public, l’organe faisant office d’exécutif à la Confédération kah-tanaise. Les délégués purent ainsi reconnaître la citoyenne Meredith, qui était au moins partiellement l’auteur de la politique intérieur kah-tanaise des huit dernières années, la citoyenne Rai Itzel Sukaretto, qui avait théorisé le Cool kah-tanais et avait largement participé à populariser la culture kah-tanaise à l’étranger, et le citoyen Aquilon Mayhuasca, austère représentant de la radicalité politique et architecte des réformes militaires de l’Union. La présence de trois membres du comité pouvaient vouloir dire deux choses. On prenait la rencontre très à cœur, ou l’exécutif n’avait pas grand-chose à faire, aujourd’hui.

Après les salutations d’usage, on invita la délégation à l’intérieur du bâtiment.

« C’était un palais avant la colonisation, » expliqua Meredith. « Les gouverneurs coloniaux en ont fait leur demeure et notre Révolution l’a réhabilité lorsqu’il a fallu trouver un lieu ou installer le premier comité volonté publique. »

Elle se tut un instant. Autour du petit groupe, les statues de personnalités historiques et les portaient divers se suivaient, installés entre les colonnes anguleuses de l’ancien palais. La scénographie rappelait celle d’un musée d’Art Moderne, tout semblait pensé avec beaucoup de soin. Des délégués de la convention était visible, traversant les colonnades en s’entretenant à voix basse. Meredith continua.

« Vous savez, votre demande nous a surprise. Pas qu’elle soit inopportune, tout le contraire. Mais vous êtes dans une position très confortable. Aussi confortable que possible, même, pour un parti d’opposition. Ça va grandement nous aider. »

Rai acquiesça.

« Nous commencerons cette réunion en traitant les demandes du gouvernement de Marcine. » Elle haussa les épaules d'un air guilleret. « Le Grand Kah désapprouve évidemment l’oligarchie capitaliste, mais ça ne nous a jamais empêché d’être pragmatique. S’il y a un avantage à tirer pour la révolution en tout cas. Et c'est exactement le cas, ici. Il serait très avantageux de vous donner une victoire diplomatique. »

Un sourire très chaleureux. La délégation venait d’arriver dans un petit salon, où les kah-tanais prirent place autour d’une table basse, installée sur un épais tapis en natte de bambous. La pièce était éclairée par un puits de lumière et une large fenêtre circulaire donnant sur un plan d’eau. Le mobilier, minimaliste, comprenait une armoire où trônait un plateau couvert d’un service à thé, que Meredith alla chercher. Rai continua.

« Dans votre missive vous parliez d’accords économiques et sécuritaires. »

Le dernier mot fit réagir Aquilon, qui se redressa imperceptiblement. Elle continua.

« Aviez-vous des idées précises ? »

https://i.pinimg.com/736x/99/fc/b9/99fcb9ca1897ef7bfd14b0ad8b2f2e63.jpg
Louis de Kalindi devant les jardins du palais de Marcine

L’Anarchie aime tout ses enfants… Même les plus lents…

Louis était ravi de commencer la rencontre, il attendait avec joie de poser le pied en territoire Kah tanais, en effet, depuis son enfance il revait de visiter les lieux. La Patrie des Révolutionnaires, ou l’« Enfer Rouge » comme le qualifiait la presse marcinoise le faisait délirer, il imaginait Axis-Mundis comme une ville flottante sur l’eau, la Velsna des travailleurs et des prolétaires… Pourtant, il ne pouvait s’empecher d’avoir quelques doutes sur le bien fondé de cette rencontre, d’abord car au niveau idéologique, le F.L.A devait certainement être vu comme une hérésie de l’anarchisme, notamment lorsque le Parti se montrait très proche de l’Église catholique sur certains aspects de l’idéologie, à commencer par un pacifisme certain, dépassant de loin les poussées révolutionnaires, la « révolution permanente » kah tanaise. Mais, après tout il aura le temps de discuté de tout ça avec les Kah tanais. Il aura aussi le temps pour négocier des accords sécuritaires, voire économiques avec la mère des courants anarchistes.

Car il savait pertinemment que si les Kah tanais acceptaient de s’allier avec Marcine, ce ne serait pas par bonté de cœur, mais par calcul politique, et le jeune anarchiste avait justement quelques arguments solides à leur présenter. Ensuite, il savait que l’état anarchiste n’était pas foncièrement fermé aux négociations avec un état se réclamant du pan-afaréisme et par extension fervent soutien de la décolonisation (du continent afaréen). En quelque sorte un allié de circonstance, plus qu’un allié idéologique pour la patrie des prolétaires. Mais il savait surtout, qu’en bons marcinois, que ses supérieurs attendaient lui qu’il ouvre des marchés pour les entreprises du Royaume, qui voulait rivaliser le « grand frère eurysien » comme ils appelaient avec tendresse l’Antérinie, qui rendait bien entendu l’appareil au « petit frère afaréen » ou encore à la « mère de l’Empire ». Puis lorsqu’il sentit enfin l’avion atterrir il prit une grande inspiration ; pour la première de fois de sa vie, le marcinois allait marcher sur le sol kah tanais !

Lorsqu’il posa son pieds sur le sol, il sentit une immense bouchée d’air frais, il n’avait qu’une envie ; se rouler par terre et ramasser un peu de terre pour ses amis restés en Afarée. En vérité, cet atterrissage était comme tout les autres, la sensation était des plus banales, le sol kah tanais était le même que celui des tarmacs d’Antrania ou de Marcine, en plus chauds et en moins conservateurs… Et bien entendu, il essaya de paraître normal, et d’éviter de donner l’image d’un enfant découvrant un monde merveilleux, même s’il se croyait arrivé au Paradis. Mais il eut une idée, il était déterminé à ramener son sac de terre à Marcine, histoire d’impressionner la galerie et de pouvoir par la même avoir une petite anecdote à raconter à ses enfants. Il appela donc René Loabal, son secrétaire chargé de l’accompagner durant ses voyages officiels, et lui dit en antérinien : « René, prends un sac, et remplit-le de terre, c’est pour nos amis du F.L.A » avant de saluer les représentants kah tanais en français.

Le voyage dans l’élégante berline noire électrique fut plutot rapide, même si les Kah Tanais restaient bien silencieux, souriant, mais bien trop calme au goût du diplomate, véritable boule d’énergie propulsé comme de par magie au poste de chargé des relations avec le Paltoterra, même s’il avait des qualités indéniables, comme son entrain et sa bonne humeur, ses capacités à défendre une cause qu’il chérit tant tout en conservant à l’esprit les objectifs marcinois, mais malheureusement, cet entrain pouvait le desservir, notamment lorsque son interlocuteur croit avoir en face de lui un enfant, chose qui lui paraissait insupportable, non pas à cause d’un quelconque ego, mais plutot à cause d’un esprit incompris, qui se veut joyeux et agréable et qui paraît candide et stupide… Néanmoins, il avait trouvé un amis lui permettant de compenser son énergie débordante : René, homme simple, pragmatique et organisé, bref l’antithèse même du jeune diplomate royal. Mais il faut croire que l’adage ne ment, et les opposés s’attirent bel et bien, même s’ils ont des opinions politiques divergentes, et c’est bien souvent par pure taquinerie que Louis parle de « ses amis du F.L.A » à l’encarté du P.P.A, qui lui rends l’appareil en parlant des « vrais soutiens de la décolonisation ».

Puis, ils parlèrent ensemble de politique, en antérinien, vu qu’à première vue les Kah tanais ressemblaient plus à des nounous accompagnant des élèves à la gare qu’à de réels interlocuteurs… Ainsi il parla de sa nomination à ce poste, fruit d’une longue bataille entre le F.L.A et le P.P.A qui souhaitait tout de même obtenir la majorité des postes clés, mais s’il réussit à obtenir l’intégralité des ministères, il dur tout de même cédé des morceaux, à commencer par le Paltoterra, qui devenait ainsi l’apanage du F.L.A et ce aux dépens de Bolila qui préférait « les voir chez les seuls personnes censées du bloc mondial de la gauche ». Ce dernier restait néanmoins méfiant (et à raison d’ailleurs) c’est pour cela qu’il envoya son ami, René Loabal, qui lui éviterait de voir débouler chez lui une quinzaine de Kah tanais de bon matin. Puis ils évoquèrent ensemble les possibilités qu’ouvrivrait un grand sommet pan-afaréen en Afarée, rare point d’accord entre la droite et la gauche marcinoise, caractérisées par un pan afaréeisme décomplexé. Puis devant les immenses pyramides, qualifiées de « symboles barbares et paiens » par René et de « merveilles de l’architecture précoloniale » par Louis.

Puis enfin, les véhicules noirs s’arretèrent devant un immense palais, du pure style précolombien, ils arrivèrent enfin à l’intérieur et furent accueillis par trois hommes, pendant qu’ils avancaient et qu’ils bavardaient ensemble, René demanda à Louis (en antérinien…) : « Tu sais c’est qui ces bonhommes ? », son concitoyen, désarconné fit : « Ah enfin, ne me dis pas que tu ne connais pas ces personnes ?! On ne les présente plus maintenant ! », puis voyant qu’Aquilon se tournait il baissa d’un ton et fit :  « Si tu connais le Grand Kah, c’est uniquement grâce à ses ouvrages de philosophies décoloniales, hein ? » voyant que son collègue acquièsca il fit :  « Bon, pour la faire courte, voici mes trois héros ; Aquilon Mayhuasca , celui qui vient de se retourner, l’homme qui réussit à offrir au Grand Kah une armée digne de ce nom, celui qui permit à la Patrie des travailleurs de vivre protégée des assauts du Grand Capital. Il y a aussi celui qui réussit à transformer le Grand Kah en une grande puissance économique, celui qui démontra que le régime anarchiste était parfaitement viable. Puis, il y a Rai Itzel, ma préférée, celle qui popularisa la cool kah tanaise, redonnant un nouveau souffle à la mode dans le monde de la gauche, quelque peu inexistante et qui oscillait entre les uniformes loduariens et les ennuyeuses tuniques monochrome du Negara Strana ou de l’Estalie. C’est d’ailleurs au travers d’un de ses livres que je me suis découvert anarchiste. » Son ami, répondit avec un sourire taquin : « Décidément, le gratin kah tanais se fait bien chier aujourd’hui… » puis son camarade répondit avec tact :  « Ou au contraire, il considère Marcine comme un point capital. » et enfin, après longuement démabulé dans les élégants couloirs d’Axis Mundi, ils arrivèrent dans une petite pièce, sombre et quelqu’un fit :

« Aviez-vous des idées précises ? »

Le Marcinois répondit avec une certaine rapidité :

Vous avez-là de magnifiques palais, je suis certains que même Bolila et Louis VI en seraient jaloux, et je vous remercie bien entendu pour votre accueil des plus chaleureux, même si vos chauffeurs sont…(il s’arreta net voyant le regard désapprobateur de René avant de se rattraper et de poursuivre), sont parfaitement accueillants, malgré une culture très particulière du silence… Hum,

enfin bon, je pense que nous ferions mieux de passer au vif du sujet, rajustant ses manchettes et sa cravate bleu marine il fit :

Quant aux accords sécuritaires, je vous assure qu’ils peuvent avoir une certaine utilité, à la fois d’un point de vue purement idéologique, mais aussi d’un point de vue géopolitique, ainsi d’un point de vue purement idéologique le Royaume serait défendu par un état anarchiste, chose qui permettrait de frapper l’esprit de mes concitoyens, ce qui pousserait non seulement Bolila à se montrer moins véhément vis à vis de vos commisssariats à l’intégration afaréennes mais aussi à envisager une politique qui pourrait aller dans votre sens, de peur de paraître ingrat aux yeux des marcinois. Et en plus, quoi de mieux que pour influencer les antériniens que de voir un état de gauche défendre leur « royaume frère » et par extension l’Empire, qui est inclus globalement dans les accords de défense vu que l’armée confédérale dépends des quatre entités qui forment la Confédération. Cela vous permettrait bien entendu de pouvoir adresser des messages de soutien, si ce n’est directement des fonds aux groupes politiques antériniens et marcinois, d’autant plus que je vois mal le Royaume et l’Empire refuser à leur allié un quelconque investissement en Antérinie et à Marcine… Et dans le cas ou la possession eurysienne de Sa Majesté refuserait une telle alliance, cela permettrait à Aimé Bolila, souhaitant accroitre l’autonomie du Royaume au sein de la Confédération, de négocier une armée indépendante de celle d’Antrania, lui offrant par extension une indépendance de faits et surtout une certaine reconnaissance vis à vis de votre état. Bien sur, je vois mal le F.L.A ou même le P.P.A réclamer une indépendance totale, d’abord car nous entretenons des liens culturels étroits avec la Couronne sœur, mais aussi car nous avons des intérêts économiques convergents, et cela pourrait même tourner à votre avantage, car justement votre idéologie pourrait ainsi s’exporter plus facilement en Antérinie.

Antérinie (dans sa forme confédérale) qui négocie à l’heure ou je vous parle avec les états de l’O.N.D et je peux vous assurer que l‘objectif de Bolila était bien entendu de s’allier avec le pays du Rhum et non pas avec la Patrie des travailleurs, c’est d’ailleurs le principal atout diplomatique que possède le F.L.A, c’est à dire la capacité de négocier avec des états anarchistes, et non pas avec les états libéraux membres de l’O.N.D. Cela justement, si une alliance est conclue, permettrait de stopper la confédération dans son virage diplomatique, l’obliger à ne pas devenir trop proche de l’O.N.D en l’obligeant, justement, à rester diplomatiquement parlant cohérente, la bloquant ainsi dans ses rapprochements avec le reste des grandes puissances, à commencer par les états de l’O.N.C , dont les nazuméens du Bahama sont particulièrement « fans ». Et c’est dans cette logique, donc, que l’Empire devra forcément se stopper, se ressourcer pour retrouver une politique internationale claire et cohérente qui pourrait, avec un peu de chance, se tourner vers le Grand Kah, ou du moins forcé la Confédération à ne pas spécifiquement viser les états libéraux et mercantiles, ou du moins à se rapprocher de vos alliés, à savoir Velsna (je sais pas si c’est su en R.P ça?) même si je reste conscient que ce n’est pas l’idéal.

Sinon après, il reste toujours l’argument du P.P.A, c’est à dire, au nom de l’Union pan afaréenne, et de la décolonisation du continent, car nous savons tous que rien de mieux que la seconde puissance mondiale pour transformer un concept en réalité. Mais, bon, je pense que vous etes tout aussi au clair que nous sur le sujet et qu’il n’est pas nécessaire de me perdre dans les détails, voyez-vous cette alliance serait en quelques mots avant tout idéologique, vous vous rapprochez de Marcine (et par extension de la Confédération) en devenant ainsi un état ami, et non pas une « dégénérescence » dont il faut se méfier. Ce statut vous sera bien entendu très utile pour influencer une population qui est déjà exposée aux produits culturels kah tanais, notamment à travers votre vision du catholicisme qui est l’un des sous courant les plus populaire de la Confédération, notamment en Antérinie. Je suis conscient que ce plan reste un peu hasardeux, mais je pense qu’il y a moyen d’orienter l’Antérinie dans le bon sens, ne pensez-vous pas ?
Meredith sourit avec amabilité à leur invité. Il avait plutôt fait bon impression. Son énergie, si exubérante fût-elle, n’était pas hors de propos dans la capitale mondiale de la révolution, où se côtoyaient déjà des foules d’excentriques et d’esthètes.

On était pas ici dans les bureaux froids et impersonnels de quelque régime nord Eurysien, sous la charpente d’un imaginaire stérile, taris par des décennies de libéralisme sans horizon. On était pas dans une de ces chancelleries tristes, où rien ne se passait en dehors du strict respect du protocole. Chancelleries où l’on savait, de toute façon, qu’il s’y passait de toute façon quelques horreurs que l’on ne nommait pas, pour éviter de heurter le-dit protocole. 

« J’aime bien son style », déclara enfin Rai en Syncrelangue. Ses deux camarades se penchèrent légèrement dans sa direction et décidèrent, d’un commun accord, d’ignorer la remarque.

Meredith repris d’un ton amical.

« Rassurez-vous, nous ne doutons pas de l'utilité idéologique et pratique des accords que vous venez nous proposer ! Il ne s'agit pas d'une simple visite de courtoisie, de toute façon. »

Aquilon continua.

« Nous avions déjà identifié l'intérêt saillant accompagnant la possibilité d'une alliance avec l'un des éléments de votre confédération. C'est vrai, après tout : le tout vaut plus que la somme de ses parties, mais est indissociable de celles-là. Oui, la Confédération peut nous bouder, mais elle ne peut ni nier l'intérêt que nous présentons, ni les avantages que nous offriront à vos concitoyens. Il y a tout à gagner.
– Comme vous le savez, nous pensons sur le temps long. » Meredith inclina la tête sur le côté. « Ce que nous ignorions pour notre part, c’est que vous veniez ici avec un plan clef en main pour permettre le succès de nos idées communes. C’est très impressionnant.
 Après chaque plan a ses parts de hasard. » Rai se tut… Puis fit un clin d’œil à l’afaréen. Meredith repris.

« Pour ce qui est de l'aspect OND de la question : je vais vous dire les choses comme elles sont : l'OND ne représente pas un risque, mais représentera un terme un obstacle. Bien entendu, si cet obstacle prend conscience que c'est la présente situation qui l'empêche de se développer, il deviendra peut-être un risque. Nous ne préférons pas nous projeter dans le pouvoir d'influence réel que nous donnerait une entente sur l'ensemble du pays, mais il est vrai que ralentir voir réorienter sa ligne politique actuelle, l'aider à rester dans le rang des non-alignés et de ceux qui ne préparent pas la guerre des hégémonies, serait des plus souhaitables. 
– De toute façon ça a toujours été notre politique, trouver le plus petit dénominateur commun. Sécurité, économie, éducation, santé, et profiter de la volonté instinctive d’apaisement des technocrates libéraux pour tisser des liens, comme des toiles d’araignée.
– Ou moins sinistre, des amitiés, et ainsi assurer la paix. »

Rai secoua doucement la tête.

« Je vais vous dire, nous sommes près à coopérer. Votre industrie a besoin de micropuces et de machines outils ? Nous les fournirons. Elle veut exporter des matières premières ? Nous les achêteront. Nos agences de développement aideront vos programmes sociaux ou sanitaires, et nos officiers se feront un plaisir de former les vôtres. Pour nous c’est moins l’Antérinie que Marcine, cette Afaréenne qui doit continuer de se perfectionner, comme chacun d’entre nous. Au fond nos deux pays ne peuvent pas souffrir de quelques liens en plus, même s’ils n’amènent pas aux résultats escomptés. »
René Loabal en tenue officielle (sans pardessus dans la rencontre)

René Loabal écoutait attentivement ce que disait les kah tanais, et surtout il repensait au « sinistre » exposé de Louis. En effet, il était surpris par le cynisme et le pragmatisme de cette présentation, il pensait que l’homme d’état du F.L.A pensait avec son cœur et avec les intérêts marcinois, et il y voyait maintenant apparaître une vision internationaliste, visant à promouvoir la Révolution à Marcine, en espérant que cette dernière se propage dans toute l’Antérinie. Ainsi, l’amical diplomate pouvait très vite se comporter comme un impitoyable négociateur. Bien sur, une alliance avec le Kah présentait des intérêts et des avantages certains, pour ne pas dire alléchants aux yeux du Royaume, il le savait, et ce n’est pas pour rien que l’on a préféré laisser le Paltoterra aux anarchos-royalistes plutot que de leur dévoyer l’Eurysie ou le Nazum. Mais pourtant René restait perplexe, d’un coté il espérait que cet exposé ne visait qu’à faciliter la signature d’accords défensifs, de l’autre, il savait très bien que le flamboyant marcinois devait certainement prendre un malin plaisir à dire cela, et qu’il y a certainement un fond idéologique plus important que l’on pourrait le penser.

Quant à son ami, il se croyait déjà aux anges lorsqu’il atterrit à Axis Mundi, il était maintenant dans une extase béatifiante incroyable, la voie royale, sans mauvais jeux de mots, lui était ouverte, et même plus, les Kah tanais eux mêmes semblaient être conquis par ce personnage exubérant. D’ailleurs, les compliments des « pères de la Révolution » lui allaient droit au cœur, et ce n’est pas pour rien qu’il avait passer plusieurs jours à suivre de près les activités de la seconde puissance mondiale. Ensuite, il savait pertinemment que là encore rien n’était prédéterminé, les tendances réactionnaires de l’Empire avaient encore de beaux jours devant elles et ce serait un travail de temps long, très long, pour espérer voir apparaître de véritables mouvement de gauche en Antérinie, et non pas seulement à Marcine, ainsi il était nécessaire de voir apparaître des accords culturels et économiques entre le Royaume et le Grand Kah, même si, la seconde partie de cette rencontre pourrait très bien convenir à ce genre de sujets…

Quant aux relations entre le Grand Kah et l’O.N.D, les diplomates marcinois considéraient cela comme un méli-mélo moins difficile à remettre en place que les relations entre la Patrie des Travailleurs et l’O.N.C, permettant ainsi de ne pas inquiéter l’Antérinie et de permettre à cette dernière d’envisager de manière plus détendue le futur dossier qui va être déposé sur la table de Louis d’Antrania au 8 avenue de l’Empire, car il savait pertinemment que lorsque l’accord entre le Grand Kah et la Confédération deviendra public, les voix s’élèveront, et Bolila ne sera pas forcément le plus bruyant…

Avant de commencer à prendre la parole, René intervint et fit en antérinien d’une voix calme et posée qui signifiait pour ceux qui le connaissaient qu’une conversation en tête à tête s’impose, et il signifiait souvent que la discussion risquerait de devenir vite agitée. Mais néanmoins, le secrétaire encarté au P.P.A souhaitait éviter de faire une esclandre sur place, et au contraire savait qu’on long vol attendait le diplomate, permettant ainsi de pouvoir lui dispenser un long sermon. Mais néanmoins, il préférait éviter de voir les intérêts commerciaux marcinois bradés au nom de la cause internationale qu’est l’anarchisme, même s’il sentait dans le regard de Louis qu’il allait adopter la même stratégie qu’un antérinien, c’est à dire les plus rentables pour l’économie royale, histoire de pouvoir rivaliser le « Grand-frère eurysien » dans ce domaine. Mais le secrétaire préférait s’en assurer et il lui fit : « Je me charge de lui proposer des accords commerciaux, et sache qu’on va devoir discuter ensemble dans l’avion, histoire d’être sur que tu garde à l’esprit les intérêts du Royaume et non pas ceux de l’Anarchie… »

Puis, René Loabal, tout aussi élégant que son collègue fit de sa voix calme et posée :

Messieurs, sachez que je suis ravi de voir que cette rencontra aille si vite, ainsi, je vous remercie de votre sollicitude et sachez que que le Royaume, et par extension la Confédération, a hate de signer cet accord défensif. Rermarquez aussi que vos relations avec l’O.N.D peuvent devenir d’autant plus attractives pour la Confédération en elle même et je suis rassuré de voir que vous n’etes pas enfermé dans un sectarisme profond qui vise à exclure de toutes négociations les états ne correspondant pas à vos critères idéologiques.Quant aux accords non militaires j’ai déjà quelques propositions à faire pour pouvoir signer des accords commerciaux avec votre Auguste Nation.

Il faut croire en effet que les Antériniens n’ont pas uniquement apporté le religion et la paix dans leurs bagages lorsqu’ils débarquèrent à Marcine, mais aussi et surtout un goût prononcé pour les affaires, qui s’est affermie avec la montée sur le trone d’un souverain marcino-antérinien il y a de cela quelques siècles… Ainsi il me semblerait bon de de vous proposer des échanges commerciaux peu engageants entre votre état et le Royaume, en effet, suite à l’industrialisation de l’Empire, des sites industriels furent implantés sur une bonne partie du territoire marcinois, permettant de dévelloper un secteur du B.T.P assez important, tandis que la culture de bananes est un point essentiel dans notre économie, ainsi nous pourrions espérer pouvoir vous en vendre à prix compétitifs et intéressants, notamment dans le matériel de construction. Quant à votre proposition de nous vendre des puces électroniques, soyez assurés que nous sommes favorables à de tels échanges, surtout si elles seraient en dessous des prix du Marché antérinien.

Je tiens bien entendu à remercier les Communes afaréennes pour leur participation à la conférence de Marcine, permettant ainsi de faire naître un espace de dialogue entre les états afaréens, et pousser ainsi les puissances néo-coloniales à reculer et surtout à libérer les peuples injustement détenus par des états n’ayant aucune considérations pour ces derniers.

Puis reprenant son inspiration il fit : Avez-vous d’autres sujets à aborder ?
« Nos intérêts convergent », déclara d’abord Rai, avec un sourire amusé. « La vérité c’est que le Grand Kah croit très sincèrement pouvoir mener par l’exemple. C’est une posture d’une naïveté confondante mais qui nous a pour le moment toujours réussi : nous n’avons aucune difficulté à envisager les relations économiques ou culturelles comme bilatérales et réellement égales. Nous avons tout à gagner à ce que nos partenaires se renforcent, et trouvent chez nous des accords plus équitables et enrichissant que chez nos potentiels rivaux. Alors nous, les choses vont assez vite. C’est plaisant mais, enfin, je crois que mes camarades vous diraient que c’est surtout que chez d’autres pays, les choses vont très lentement. »

La remarque sembla beaucoup amuser Meredith. C'était vrai. Le caractère très dominant du Grand Kah lui permettait d'envisager la diplomatie internationale comme un terrain d'accord plutôt que de confrontation, et d'ainsi se doter d'une excellente image auprès des pays d'un sud global qui n'attendait jamais que le respect et la reconnaissance des grandes puissances. C'était son côté altermondialiste, dans toute sa puissance, qui servait un but pas si secret que ça : celui de décrédibiliser les autres pays, avec leur diplomatie de requins, d'exploiteurs, d'ennemis de l'Humanité. Le Grand Kah n'était pas tant naïf que d'un pragmatisme à toute épreuve, et savait pertinemment que son impérialisme, démocratique et libertaire, ne prendait pas la forme d'une hégémonie mais d'une confédération. Un empire de parts égales; La Confédération elle-même n'était pas Lac-Rouge, pas Axis Mundis, par le Paltoterra, même. C'était la voix de millions d'âmes. Le LiberalIntern était la voix de millions d'autres, et le monde rêvé par les révolutionnaire n'avait pas de leader unique. Renforcer ceux que l'on espérait voir basculer dans le camp de la révolution sonnait, à plus d'un titre, comme une évidence.

Meredith hocha la tête avec un intérêt manifeste.

« Intéressant. Nous avons de très grands projets de construction infrastructurelle dans les pays du sud de l’Eurysie ainsi que dans certaines régions d’Afarée et du Nazum. L’urbanisation et la modernisation de ces territoires nécessitent des quantités colossales de matériaux de construction, et je suis à peu près convaincue que les acteurs locaux seraient ravis de pouvoir se fournir auprès d’un partenaire fiable et compétitif comme votre royaume. Si les conditions sont avantageuses et que la logistique suit, nous pouvons dors-et-déjà envisager des accords de fourniture à long terme.
Il y a aussi le Paltoterra oriental, » ajouta Aquilon en croisant les bras.

Rai acquiesça immédiatement.

« C’est vrai, Aquilon. Nos camarades du Paltoterra ont un pays entier à reconstruire. Et ils veulent le faire dans un cadre économique qui favorise leur autonomie et leur développement à long terme, sans dépendre des conditions imposées par les grandes puissances libérales. Leur industrie nationale reste embryonnaire, et c’est justement ce qui nous pousse à les soutenir dans leur redressement. Des matériaux de construction en provenance de Marcine pourraient leur être d’une aide précieuse.

Nous savons déjà que plusieurs chantiers d’infrastructures lourdes sont en préparation : modernisation des réseaux ferroviaires, rénovation de ports vétustes, construction de nouveaux axes routiers pour désenclaver des régions entières… Sans oublier les infrastructures essentielles à la transition énergétique, comme les barrages hydroélectriques et les centrales solaires qui doivent voir le jour dans les prochaines années. C’est un marché immense et encore largement ouvert. Si vous le souhaitez, nous pourrions vous mettre en contact avec certaines coopératives et consortiums paltoterrans qui cherchent des fournisseurs capables de répondre à ces besoins.

Et puisque nous parlons de reconstruction, nous devons aussi évoquer le rôle crucial des matériaux dans la résilience des zones sinistrées. Il ne s’agit pas seulement d’urbanisation ou de développement économique, mais aussi de réponse aux crises humanitaires. Vous savez notamment que le Paltoterra a récemment été victime d'un raz-de-marée qui a largement sinistré les côtes Est du continent. Après les conflits et les catastrophes naturelles, les besoins en BTP explosent. Si nous arrivons à structurer un réseau d’approvisionnement efficace entre Marcine, nos ports du Grand Kah, Kotios, et les régions en reconstruction, nous pourrions non seulement garantir un marché stable à vos industries, mais aussi agir concrètement en faveur des populations en détresse.
»

Elle offrit un très large sourire aux Afaréens.

« Nous avons toujours cherché à construire des alliances qui dépassent la seule logique marchande. Ce que nous proposons, ce sont des partenariats de long terme, équilibrés et stratégiques. Vous avez des ressources, nous avons des débouchés. Mieux encore : nous avons des engagements solides avec des États qui veulent se libérer du joug néocolonial. Si nous établissons une chaîne d’approvisionnement solide, cela pourrait non seulement renforcer la position de Marcine en tant qu’acteur économique régional, mais aussi donner à votre pays une place centrale dans les grands projets d’infrastructures qui dessinent par le biais de nos réseaux.

Bien entendu, nous devrons affiner les détails. Mais si vous êtes prêts à explorer ces opportunités, nous pourrions organiser une rencontre entre vos industriels et les acteurs économiques de ces régions. Cela pourrait être une formidable occasion de sceller des accords mutuellement avantageux.
»

Meredith marqua un temps d’arrêt, puis pencha la tête sur le côté.

« Après tout, nous sommes ici pour bâtir quelque chose, n’est-ce pas ? Enfin : nos échanges ont déjà couvert des aspects essentiels, mais nous ne pouvons ignorer le rôle central que pourrait jouer Marcine dans les initiatives culturelles et académiques que nous menons en Afarée et au-delà.

D’un point de vue strictement éducatif, nous avons engagé depuis plusieurs années un effort massif pour développer des écoles et des instituts de formation en Afarée, mais aussi dans certaines régions d’Eurysie. Les défis sont nombreux : accès limité aux infrastructures, manque de personnel qualifié, difficulté à adapter les programmes scolaires aux réalités locales. L’expertise de Marcine dans la gestion de son propre système éducatif, ainsi que son positionnement stratégique au sein de la Confédération, pourraient nous permettre d’élaborer ensemble des modèles mieux adaptés aux spécificités de la région. Il serait particulièrement intéressant d’explorer la possibilité de partenariats entre nos établissements et les vôtres, tant au niveau universitaire que dans la formation professionnelle.

Nous pourrions aussi envisager la mise en place d’un programme d’échange, non seulement pour les étudiants et enseignants, mais aussi pour les travailleurs qualifiés. Nos industries en développement constant ont besoin de main-d’œuvre spécialisée, et il est toujours préférable que ces talents soient formés dans des cadres de coopération plutôt que de subir la fuite des cerveaux vers les grandes puissances capitalistes. Nous avons les infrastructures, vous avez une jeunesse dynamique et ambitieuse. Ce serait une opportunité précieuse à explorer.

D’un point de vue culturel, nous savons combien Marcine a su conserver un attachement profond à son identité tout en étant un carrefour d’influences. C’est une force, et c’est aussi un domaine où nos visions peuvent converger. La diffusion des œuvres artistiques, la coopération cinématographique et littéraire, le développement de médias indépendants... Ce sont des terrains sur lesquels nous pouvons tisser des liens solides. Vous l’avez dit vous-même, nos produits culturels trouvent un écho chez vous. Renforçons cette connexion, consolidons cette affinité. Nous pourrions organiser des événements conjoints, des expositions, des festivals, et ainsi renforcer l’espace commun que nous voulons bâtir entre nos nations, ce serait aussi l'occasion d'offrir des formations et des débouchées à vos propres secteurs culturels. Sachez à ce titre qu'il existe un fond kah-tanais pour l'art décolonial, que nous pourrions ouvrir à la participation de vos propres artistes s'ils souhaitent recevoir des financements publics de l'Union.

Enfin, il y a la question de la coopération sécuritaire. Vous avez évoqué le rôle stratégique que pourrait jouer le Grand Kah dans la stabilisation régionale et l’impact idéologique qu’une telle alliance aurait sur votre scène politique intérieure. Nous devons aussi voir au-delà de cette première étape. Un partenariat en matière de défense ne se limite pas aux traités : il doit s’incarner dans des actions concrètes, une coordination, des transferts de compétences et de matériel, une véritable synergie. Nous avons développé un savoir-faire qui pourrait être partagé, tout comme vous avez une compréhension fine des dynamiques locales qui pourraient nous être précieuses. Mais je crois que vous vouliez peut-être revenir sur cet aspect ? Nous vous écoutons.
»

Meredith s’adossa légèrement à son siège. Elle espérait ne pas trop en faire, mais savait aussi que cette opportunité importante qu'elle offrait au petit État était très attrayante. On pourrait sans doute arguer que cela reviendrait à soumettre ce dernier au bon respect des traités par les kah-tanais pour son développement économique, mais elle saurait donner des gages. Du reste, le Grand Kah pourrait réellement profiter d'une meilleure implantation Afaréenne, et des productions locales.
Dès la première partie de l’intervention du Kah tanais, l’anarcho-royaliste ne put s’empêcher de pouffer le plus discrètement possible, l’amusante pique adressée à Marcine (et de manière plus générale à la Confédération) devrait certainement avoir l’effet inverse sur son ami du P.P.A, en apparence froid mais qui devait certainement bouillir… Et il faut le dire, mais comme tout bon conservateur, l’homme appréciait moyennement que l’on puisse se permettre des commentaires sur l’autre partie. Il fallait dire, qu’il avait conception assez froide et distante de la diplomatie, les sourires chaleureux, les amabilités trop vives ou les explosions de joie n’étaient pas de son goût, loin de là d’ailleurs. Pour lui, le Protocole est le moyen le plus sûr pour décortiquer les rencontres diplomatiques, et permettre ainsi d’éviter de sinistres bévues qui pourraient rendre encore plus complexe les choses. Il avait vu Louis pouffer, il sait que le voyage de retour risquerait d’être très animé… Mais il préférait ne rien dire, et laissa le kah tanais terminer sa prise de parole, après tout, il saurait se montrer plus poli que ces « sauvages » d’Axis Mundi.

Puis il était tout de même surpris par la naïveté des Kah Tanais, bien sûr il se doutait que les élites locales n’étaient pas des enfants de cœur, et que s’il fallait servir leurs intérêts, ils le feraient en invoquant les bons préceptes internationalistes… Mais il fallait dire, que les preuves manquaient à René pour se permettre de faire savoir le fond de sa pensée, pour l’instant le Grand Kah avait une naïveté qui le ferait passer pour ingénu sur la scène internationale, il acceptait de s’allier à une monarchie conservatrice afaréenne (qui avait tout de même quelques intérêts idéologiques qui convergeaient avec le Grand Kah) et par extension avec une ex puissance coloniale, toujours conservatrice. Il fallait dire que ça dépassait l’entendement, mais pourtant, il se doutait qu’il y avait un but bien précis derrière ce rapprochement, peut être convertir la très conservatrice Antérinie aux socialistes, ou du moins l’engager à s’ouvrir aux puissances socialistes. « Après tout, s’ils sont si naïfs, c’est qu’ils ont l’expérience, il savent quels profils sont les plus douteux, quels demandes sont les moins engageantes et comment réussir à atteindre leurs buts idéologiques. Après tout, ils ont l’expérience. » Ainsi il ne put s’empêcher de faire des liens avec la diplomatie antérinienne.

Bien sûr que cette dernière était radicalement différente, l’Antérinie « coloniale » (le terme exact serait « non confédérale ») avait une politique diplomatique opportuniste. Et il faut rappeler que cette vision, permettait à l’Antérinie d’aborder les affaires internationales avec pragmatisme, elle n’avait aucun buts impérialistes, elle ne permettait à l’Antérinie de soumettre des états à sa volonté ou à son idéologie, au contraire d’ailleurs. Les antériniens faisaient aussi parti de ces altermondialistes qui souhaitaient faire un monde apaisé et pacifique, même si bien entendu, les motivations sous-jacentes sont bien moins reluisantes. Les Kah tanais ont pour eux le romantisme exalté des anarchistes, les Antériniens ont le réaliste cynisme des affaires. Car oui, si l’Antérinie souhaite voir apparaître des états forts et dévellopés, ce n’est pas pour une quelconque considération vis à vis des peuples, voire même de l’État, mais plutôt car comme l’a fait remarqué Louis d’Antrania ; « Une nation forte, est une nation riche, une nation riche est une nation qui consomme et l’Antérinie sera là pour la fournir. » Ainsi l’objectif est avant tout de commercer, et c’est toujours sous cet angle là que les Antériniens ont toujours eu des tendances à aborder les choses.

Et ce depuis la colonisation, l’objectif éternel des puissances coloniales « censées » (selon les Antériniens) est de pouvoir commercer avec les locaux ou de favoriser son industrie, les enjeux civilisationnels, idéologiques ou religieux sont relégués aux républicains qui se chargent ainsi de légitimer cette hypocrite conquête pour satisfaire leurs scrupules. Et c’est souvent dans cette optique que les Rois Très Pieux financaient expéditions et envois de colons. Bien sûr, d’autres objectifs étaient à prendre en compte ; la volonté de renforcer la bourgeoisie pour mieux réduire l’influence de la noblesse, et d’ailleurs c’est de là d’où viendront les futurs combats qui agiteront le Palais des Antrania, et les luttes intestines entre la noblesse métropolitaine, orgueilleuse et issue des plus belles et prestigieuses branches aristocratiques du pays (qu’elles soient de Marcine ou d’Antérinie) et de l’autre, la « Nouvelle Noblesse », qui s’est offerte ses particules par la sueur et le mérite, et qui fait pression sur le souverain pour acquérir postes à responsabilité en Métropole et dans les Colonies, et contrebalancent ainsi la prédominance d’une aristocratie traditionnelle. Et les futurs expéditions qui suivirent la colonisation des Aleucies et l’installation des premiers comptoirs (qui eurent des retombées bien utiles pour l’Antérinie et Marcine au XIXe siècle) en Afarée (qui furent « offerts » par les Antériniens et qui devinrent l’Afarée Marcinoise (et qui se déclina en plusieurs noms ; Afarée Occidentale Marcinoise pour les colonies de la République du Kolcka, l’Afarée Orientale Marcinoise pour les territoires Azuréens sous protection marcinoise…). Et au Nazum. Puis, après la prise d’indépendance de plusieurs colonies aleuciennes (notamment l’ex-Occidalie), l’appauvrissement, et finalement le déclassement de l’Antérinie ; l’aventure coloniale se poursuivit plus en avant au Nazum.

Dès lors, la question religieuse devient encore moins prégnante qu’auparavant, l’Église Antérinienne refusant catégoriquement d’être associée à des conquêtes violentes (et paradoxalement, c’est ainsi que l’Église catholique est l’une des institutions les plus à gauche d’Antérinie…) et se refusa à donner sa bénédiction aux aventuriers partants soumettre les états bahamanites de la future U.C.C.N. D’ailleurs, c’est à ce moment là où apparaît une nouvelle vision de la diplomatie, si auparavant l’Antérinie traitait honorablement avec les autres puissances (les nations primitives étant tout simplement rayées de la carte sans autres formes de procès…), maintenant (à partir du XVIIe siècle et l’expansion des colonies antériniennes au Nazum) les Antériniens ne traitaient plus d’égal à égal, ils soumettaient les roitelets locaux via l’argent et les couvraient d’or et de présents pour s’accaparer les richesses locales (qui serviraient à l’industrie antérinienne, là encore, l’économie est le moteur de la colonisation) tout en nommant les élites nazuméennes à des postes clés ; la vénalité de ces petits royaumes et le manque d’identité des peuples locaux permirent à l’Empire de les annexer. Ce modèle, permis ainsi de conserver les territoires sous orbite antérinienne en s’appuyant sur une population (inspirée par ses élites) opportunistes, tandis que le régime colonial traditionnel (usant du racisme pour se « légitimer ») devenait un laboratoire ou le capitalisme était sans limites aucune et où le pragmatisme de la majorité (préférant tenter sa chance et s’enrichir) l’emporte sur quelques patriotes qui tentèrent d’agiter la région en vain tout au long du XIXe et du XXe siècle, tandis que les groupes initialement indépendantistes devenaient maintenant autonomistes et portaient des projets avant tout politiques pour lutter contre les inégalités entre les élites locales (Directeurs et locaux qui ont fait fortune en collaborant avec ces derniers…) et le reste (anciens colons et sujets des roitelets…). Cela nous montre justement que la diplomatie devient un outil de domination économique, et non plus de dialogue. Puis, après les dernières indépendances du XXe siècle, la diplomatie devient l’outil qui servit les intérêts antériniens qui passent encore dans le domaine économique. En bref, l’heure n’est plus à l’hégémonie, mais à la coopération… pour des buts moins nobles que les Kah tanais.

Bien entendu, Marcine était bien moins pragmatique que ses frères eurysiens, elle suivait elle aussi un but clair et précis ; décoloniser l’Afarée et libérer les états afaréens d’un joug colonial ou néo-colonial. Même, si dorénavant, la question était de redéfinir le colonialisme et de dépasser certaines visions qui ne conviennent plus aux évolutions modernes du siècle. Notamment car on ne peut considérer une province d’Outre-Mer comme une colonie, sinon le Dgondu, les provinces Kah tanaises d’Afarée ou Marcine seraient considérés comme tels. Et le Royaume poursuivait une politique qui visait avant tout l’émancipation des peuples afaréens, et non pas une indépendance si les peuples locaux considèrent que cela va à l’encontre de leurs intérêts… Ainsi on peut aisément dire qu’au niveau idéologique et pratique Marcine a « le cul entre deux chaises ». Pourtant, il faut être assuré que Bolila (et la quasi intégralité du corps législatif marcinois) est déterminé à libéré l’Afarée du colonialisme ; il faut juste savoir définir ses cibles. Et avant de se lancer dans d’immense guerres décoloniales (rassurez-vous, Marcine est bien trop pacifique pour ça!) il faut savoir être assez attractif et devenir un point central en Afarée du Sud, quitte à rivaliser les Rosaniens et les Sohaciens. Et cela passera forcément par des initiatives culturelles et académiques.

Quant à l’ex-communaterra ; les Marcinois sourirent. Ils se souvenaient de l’opération de rappel à l’ordre que les Kah tanais initièrent contre les autres fous dangereux qui dirigèrent le pays. D’ailleurs, lorsque les Kah tanais occupèrent le pays, la Chancellerie et Louis (d’Antrania, le ministre des affaires étrangères) ne purent s’empêcher de se réjouir. Car si la nouvelle était passée assez inaperçue en Antérinie, le ministre passa des heures à se demander ce qu’il fallait faire ; laisser les loups s’entre-tuer et se débarrasser d’une menace ; soutenir l’un des partis pour tenter de briller auprès de la gauche, si oui lequel ? Ou sinon féliciter de manière purement formelle le vainqueur et prier pour qu’il ne se mêle pas des affaires internes de l’Empire… Et ce fut finalement la première option qui fut retenue. Car d’Antrania ne souhaitait certainement pas jouer avec le feu en permettant à la gauche de trouver de quoi lui remonter les bretelles lors des séssions aux Assemblées. Et mieux encore, il peut maintenant se permettre de rappeler que les agneaux sont aussi capables de faire preuve de duplicité et de cynisme… Puis une fois l’affaire tassée, le personnel diplomatique antérinien retourna se pencher sur la conférence de Velcal et le désintrêt du public (accéléré par les attentats à Karty) se fit sentir…

Puis les propositions kah tanaises, les échanges commerciaux, culturels et académiques et la possibilité de faire de Marcine une plaque tournante du commerce sud-afaréen ne déplut certainement pas aux Afaréens ; « finalement nous pouvons excuser ce genre d’écart au protocole quand les négociations en valent le coût... » pensa Loabal tandis que Louis en était presque à exulter, et pensait ; « Ces hommes ont beaucoup à nous apprendre ». Puis sentant que si René prenait la parole une folie sortirait, il préféra lui couper l’herbe sous le pied et fit :

« Nous serions ravis de pouvoir participer à la construction du monde libre en lui fournissant de quoi s’ériger. Comme vous pouvez le constater, Marcine serait ravie de vous fournir en matériaux de construction, notamment lorsque les opportunités ne manquent pas. Que ce soient les catastrophes naturelles, les guerres ou encore les tensions, même si nous espérons de tout cœur que l’avènement d’un monde socialiste permettra de mutualiser les risques et de rendre les conséquences de telles situations moins dramatiques pour les victimes, les familles endeuillées et appauvries. Naturellement, nous tâcherons de fournir le plus de ciment, de béton et de véhicules de construction pour reconstruire ces pays et ces villes détruites par les Hommes et les éléments. Et je pense que d’ici les prochains mois, des échanges de plus en plus intenses auront lieu entre les ports de Marcine et de Kalindi et ceux de Chan Chiù ou de Gokiary. Et bien entendu, c’est avec une joie non déguisée que nous soutenons toutes ces belles initiatives.

Mais si le commerce est un bon moyen pour resserrer les liens, rien ne vaut des accords qui perdurent dans le temps, et comme vous l’avez justement remarquer ; seuls les « partenariats long terme et équilibrés perdurent ». Et c’est ici où nous voyons que cette rencontre devient de plus en plus prometteuse. Et bien entendu, nous acceptons volontiers de vous aider à développer les infrastructures locales ; si Marcine est l’un des états confédérés les plus riche, nombreux sont les hameaux et leurs habitants qui vivent au siècle dernier, ainsi malgré les ambitieux projets de Bolila, une aide extérieur nous sera bien utile. Nous pouvons aussi jouer auprès de Saint Arnaud des Pics pour les pousser à accepter l’aide kah tanaise… Tout comme dans certains pays afaréens, où nous pourrions y envoyer des bénévoles qualifiés pour vous aider, comme vous l’avez dit, nous maîtrisons les défis locaux, et je pense que Marcine est parfaitement capable de fournir des bases logistiques aux futurs opérations humanitaires du Grand Kah dans la région en attendant que celles qui doivent se construire sur place soient opérationnelles.

Vos idées sur les échanges universitaires, mais aussi professionnels sont extrêmement intéressantes, la jeunesse surqualifiée de Marcine part souvent en Antérinie approfondir ses capacités et ses atouts, mais nous pensons que leur permettre de se perfectionner dans un autre état autrement plus dévellopé pourrait leur permettre de devenir encore plus efficace, j’espère simplement que vous ne voyez aucun mal au fait qu’ils seront parfois accompagnés de prêtres qui les aideront dans leurs vies spirituelles ; car même si les Marcinois sont catholiques, ils pratiquent un rite légèrement différent de celui de Sancte… Quant aux échanges universitaires, je suis certains que nos grandes facultés ne verraient aucun mal à accueillir des jeunes étudiants Kah tanais, notamment les Grandes écoles de Sciences Politiques ou de droit. Quant à nos jeunes, ils seraient ravis de pouvoir étudier plus facilement dans vos écoles. Moi-même j’ai fait mes études à Reaving et j’en garde un excellent souvenir… Et puis après tout, ouvrir l’esprit des Marcinois ne leur ferait certainement pas de mal, vous ne pensez pas ?

Mieux encore est votre proposition de financement culturel. Vous avez parfaitement raison, Marcine est le syncrétisme entre deux cultures différentes qui peuvent pourtant cohabiter, et malgré notre profond attachement aux Antrania, nous restons plus qu’opposés à toutes ingérences dans les affaires afaréennes, et notre monde culturel l’est aussi. Ainsi plusieurs dizaines de films dénoncant la colonisation ou encore les tentatives néo-coloniales de certains états eurysiens sortent chaque année à Marcine. Et nous serions ravis de voir que le secteur cinématographique Kah tanais est aussi intéressé par la possibilité de soutenir le monde culturel marcinois, qui risquera de connaître de longs ralentissements, notamment à cause des projets de Bolila qui souhaite reconstruire et réarmer Marcine. Il va sans dire que votre proposition d’organiser une exposition anti-coloniale ne peut que nous toucher droit au cœur, et qu’une fois arriver à Marcine je rameuterais les plus grands auteurs, peintres et cinéastes marcinois pour aider le ministère de la culture à présenter et à organiser cela.

Quant au niveau militaire, il a été décidé que Marcine devra se doter d’une nouvelle armée, petite et réduite certes, mais capable et moderne. Ainsi elle ne doit que défendre le Royaume en complément de l’armée confédérale, et c’est dans cette mesure que nous aurions besoin d’instructeurs, voire même de matériel neuf qui pourrait nous être remis afin de pouvoir reconstituer nos forces d’auto-défense. Cette synergie pourra certainement s’exprimer dans le cadre d’exercices militaires communs, d’échanges d’informations sur des sujets très précis (notamment au Transveld) et sachez que sur ce type de sujet nos services secrets seront se montrer très coopératifs. Car tant que les droits fondamentaux des populations afaréennes ne sont pas reconnus sur leurs propres sols, Marcine et la Confédération s’engagent à lutter contre ces états voyous et barbares qui sont des menaces pour l’Afarée… »


Louis finit ainsi sa prise de parole, lui aussi espérait ne pas trop en faire, lui aussi était réellement enthousiasmé par cette rencontre et espérait que les intérêts marcinois et kah tanais convergeraient tout au long de la rencontre. René lui, ne put s’empêcher de lui dire, moqueur ; « Je vois que tu redeviens bavard… ».
Le logiciel politique kah-tanais s'était, à force d'analyse, de sociologie et de désoccidentalisation de la recherche, attelé à une tâche qui le plaçait à la marche des autres États de la planète, concernant au moins la question coloniale. Celle d’étudier spécifiquement ce qui faisait ou non d’un individu un citoyen de seconde zone, et la façon dont les démocraties libérales fonctionnaient, intrinsèquement, selon un système de classe aux consonances bien souvent raciales. Dans de nombreux pays d’Eurysie et d’Aleucie, le racisme avait pris des formes systémiques. Sinon officielles, au moins assez internalisées pour qu’on trouve tout à fait normal d’établir des normes policières et juridiques spécifiquement dédiées au traitement de la question des individus de couleur. Combien de militants pour le droit des afaréens, pas même pour une remise en cause du système néolibéral, mais pour une remise en cause de la suprématie silencieuse des blancs sur les noirs, avaient été envoyés préventivement dans quelques cellules opaques ? Combien de régimes libéraux avaient, dans leurs colonies, menées des campagnes d’asservissement, de stérilisation, d’évangélisation – nom propre d’une acculturation méthodique ? C’était le pas que beaucoup de régimes ne passeraient jamais, mais que la sociologie universitaire et le Grand Kah avaient franchis depuis au moins quatre-vingts ans : le fascisme tel qu’il est défini n’est pas qu’un continuum faisant suite au délitement libéral. Il n’est pas, non-plus, une question d’affect, de libido, et encore moins une anomalie de l’Histoire. Le fascisme, comme mécanisme de déclassement et d’asservissement, tire ses racines de la colonisation, et s’y est prolongée avec méthode de telle façon qu’on pouvait, dans un même pays, selon que l’on était blanc ou noir, vivre en régime libéral, ou en régime fasciste.

Pour le Grand Kah, donc, il n’existait pas de colonie « propre », pas d’histoire confédéral sous le néo-libéralisme, et cinq années de réformes n’auraient su effacer l’humiliation, le pillage, la destruction, le viol d’un continent entier. Deux siècles de destruction laissait de traces, mécaniques, enfouis comme visibles. Une inflexion du sens de l’Histoire. On avait, partout dans le monde, cherché à effacer les traces des régimes fascistes ; Les monuments avaient sauté, les noms des tyrans étaient voués aux gémonies. On considérait, en société polie, que le fascisme – même s’il avait été à la foi le problème et la solution pour ceux qui aujourd’hui encore tenaient les manettes de l’État – était une mauvaise chose. Une chose, en fait, dont on considérait surtout l’échec regrettable. La colonisation, avec les mêmes mécaniques, avec le même fonctionnement, avec la même logique, n’était pas vu comme aussi polémique. Parce que les décideurs étaient blancs, bourgeois, avaient profité de cet évènement sans que la masse (blanche) des métropoles n’ait à souffrir de l’arbitraire et de la violence. Et les populations afaréennes, elles, devaient vivre dans un monde où l’on considérait consensuellement qu’après tout, les violences immondes étaient anciennes, lointaines, et qu’il fallait bien profiter de leurs héritages. Comme il fallait bien, sans doute, profiter de l’héritage charmant des progroms, des génocides d’Eurysie centrale. Parce qu’ils dominaient le système d’héritage et de pouvoir, la caste des blancs n’avait rien à redire contre ses propres manquement. C’était logique.

Les kah-tanais, eux, observaient leur hypocrisie avec une colère contenue, et la patience éternelle de ceux qui savaient que l’Histoire allait dans leur sens.

Comme aujourd’hui. Meredith acquiesça et sourit en entendant la réponse de ses interlocuteurs.

« Mutualisation des risques. La formule est tout à fait adéquate. Pour le moment nous n'avons pas d'autres choix que de passer par une logique marchande mais elle créera déjà des liens qui seront utiles lorsque le moment viendra, pour chaque nation, d'abandonner les logiques bourgeoises au profit d'une humanité véritablement unie et égale. »

Aquilon acquiesça vivement.

« Parfait, parfait. Nous avons déployé plusieurs milliers d'hommes en Afarée, notamment en République d'Ouwanlinda et en Sochacia Ustyae Cliar pour y participer à des grands projets d'élictrification et visant par la même à permettre l'accès à l'eau potable. La Sochacia Ustyae Cliar, notamment, présente un intérêt tout particulier du fait de sa révolution civique et de sa transition désormais actée vers un régime socialiste de marché. Une base logistique implantée de manière aussi stratégique entre les deux régions nous serait d’une grande aide, et aurait un impact très positif sur l’image et le renouveau de la pensée pan-afaréenne.
– L’Afarée doit être capable de s’aider elle-même, » confirma Meredith d’un signe de tête. « En aidant ces nations nous ne faisons que redistribuer un peu de la richesse que le nord global leur a volée au cours des siècles, et que nous avons nous-même récupérés. L’implication d’afaréens, cependant, qui ne soient pas directement liés à notre confédération comme nos frères de Gokiary et Somagoumbé, serait du plus bel effet. »

Puis Rai bondit sur sa chaise, soudain très souriante.

« Vous avez étudié à Reaving ? » Le regard de ses deux collègues la firent immédiatement se calmer. À vrai dire l’information figurait sur les fiches du jeune anarchiste. Rai venait en fait de révéler qu’elle ne l’avait pas consultée. Elle secoua la tête. Reaving était l’un des points fort du communisme Aleucien. Ouvrièriste, intransigeant, se modernisant peu à peu depuis les années 80. On y trouvait d’excellentes universités populaires. « Si le Grand Kah est laïc, nous ne sommes pas opposés à la liberté de culte. Il n’y a aucun problème à ce que des hommes – ou des femmes – de foi accompagnent vos diasporas pour assurer la bonne tenue du culte. En fait, » et elle eut un petit rire, « le fait qu’ils ne pratiquent pas tout à fait le rite sanktien jouera sans doute en leur faveur, considérant la collaboration entre l’Église de Catholagne et notre précédente junte. »

Une collaboration qu’elle avait pu observer de près, durant son enfance au palais impérial. Elle haussa les épaules.

« Bon eh bien dans ce cas, pour ce qui est des universités et de l’exposition, enfin de la partie réellement importante de ces échanges, c’est acté. Je vais rassembler les meilleurs artistes de l’Union et leur demander de préparer quelque chose de solide. Ma foi, si ça se passe bien nous pourrions même envisager une nouvelle édition conviant d’autres pays Afaréens. »

Aquilon se pinça l’arrête du nez puis repris, d’un ton plus calme que sa collègue.

« Le Transveld est une problématique que nous espérons effectivement régler dans un avenir que nous espérons proches. » Il tapota la table du bout des doigts puis acquiesça. « Vous aurez vos armes et vos instructeurs militaires Notre propre armée est composée d’unités territoriales modernes et flexibles pouvant s’assembler en cas de conflit majeur. En d’autres termes nos doctrines ne devraient pas être trop difficiles à adapter aux besoins de votre territoire et ce même si elles diffèrent, en terme organisationnel, des logiques de hiérarchie que l’on trouve habituellement dans les forces armées capitalistes et autocratiques. De plus les nouveaux enjeux Afaréens nous poussent nécessairement à une certaine prudence, appelant à un meilleur degré de préparation opérationnelle.

Je m’arrangerait avec nos camarades du Directoire de la Garde pour faire approuver la notion d’exercices conjoints entre nos forces armées.
 »
Avant même que le représentant du P.P.A puisse réagir, rire aux éclats et se goinfrer en calembours, Louis lui dit simplement, « Prépare toi à rédiger le traité, ou du moins va apporter ton aide aux kah tanais. Je dois traiter d’un sujet philosophique qui concerne la doctrine même du F.L.A. ». « Bien » répondit-il. Le conservateur ajusta donc sa tenue, rangea ses affaires, tenta de cacher son sourire sournois et s’en alla en marmonnant de brèves excuses. Puis, une fois dans les vastes et froids couloirs du palais kah tanais, il explosa de rire. Un son gras qui n’attendait qu’une chose, sortir comme une tempête et balayer la pièce. Il fallait dire que la gourde du représentant kah tanais l’avait particulièrement égayé, « Eh bien, le monsieur ne sait même plus qui sont ses interlocuteurs, pas très pratique pour une rencontre diplomatique, ironique pour la seconde puissance mondiale qui base sa politique internationale sur le dialogue et la compréhension mutuelle ! » oubliant lui-même que Louis lui avait rappelé qui était qui et quelles étaient les attributions de chacun. « En tout cas elle est bien bonne, et lui qui croyait qu’ils en avaient réellement quelque chose à faire de cette rencontre, hâte de voir comment il va réagir durant le voyage de retour ! Mais d’abord trouvons une pièce au calme et avec une machine à café pour écrire. » Il se dirigea donc vers une petite alcôve, à mi-chemin entre le placard à balai et le petit bureau d’un « open-space » où il brancha sa prise et commença à rédiger le préambule de l’accord en demandant à d’Antrania d’envoyer sa signature.

Son collègue était quant à lui parfaitement embarrassé ; son interlocuteur venait de commettre un faux pas particulièrement problématique dans la mesure où il était sensé maîtriser ses dossiers, et il venait de démontrer qu’Axis Mundi se montrait en vérité peu intéressée par cette rencontre, pire encore, comment allaient réagir ses camarades du F.L.A s’ils découvraient que cette rencontre avait sûrement été validée pour égayer les Kah tanais qui n’avaient pas grand-chose à faire, et surtout comment allait réagir Bolila, qui loin de s’en offusquer pourrait utiliser cette simple erreur pour rendre les accords avec le Grand Kah moins attrayants et engager Marcine sur des relations plus poussées avec les états plus conservateurs ; le Dgondu ou d’autres monarchies islamiques au nord du continent. « Que nenni » pensa t’il, « il faut éviter qu’une telle erreur soit connue, et mieux encore, je pense qu’on pourrait tourner ça à l’avantage du F.L.A, en utilisant cette question personnelle pour faire passer les diplomates kah tanais pour des êtres sociaux et fréquentables ; pour des personnes qui s’intéressent réellement à leurs interlocuteurs, ou au pire, présenter ça pour un lapsus ou une entrée en matière. Dès lors il arma son meilleur sourire et fit ;

- « En effet, j’ai étudié à Reaving durant ma jeunesse, il faut le dire, ce fut les meilleurs années de mon parcours scolaire, l’ambiance là-bas est si… particulière, je me souviens surtout des cours d’un professeur, son nom m’échappe, qui avait dévellopé des thèses fascinantes sur la compatibilité entre le Monarchisme et l’Anarchisme, en démontrant que finalement, un monarque n’est pas nécessairement une figure oppressive, la véritable menace étant surtout le Gouvernement… Enfin passons. En tout cas c’est aimable à vous de me rappeler de si agréables souvenirs, [fit-il en accentuant encore plus son sourire, afin de leur faire comprendre qu’il leur tend une perche]. Quant à nos clercs, n’ayez crainte, ils se conformeront aux lois en vigueur au Kah. Même si la véritable différence entre la doctrine religieuse marcinoise et sanctienne est avant tout en lien avec les saints, ces derniers ayant un rôle encore plus importants qu’en Eurysie pour des raisons culturelles ; tandis qu’une autre vision philosophique se développe avec ; plus matérialiste que la doctrine officielle de l’Église, en effet, beaucoup de mes concitoyens considèrent que la réussite terrestre, matérielle, est synonyme de réussite spirituelle et que la voie des Cieux s’ouvrira avec. Alors que Jésus lui même vivait dans la pauvreté… Enfin, tout un débat théologique et philosophique fascinant accompagne cette controverse.

Mais revenons-en à nos moutons, oui il est certain que la pensée pan-afaréenne reste pour l’instant marquée par un conservatisme doublé d’une sorte de nationalisme ethnique élargit, tandis que la vision socialiste, bien plus en accord avec le concept car purement universaliste et décolonialiste, reste encore en retrait. Donc oui (fit-il comme s’il parlait à lui-même), il faudrait déconstruire l’influence des préjugés conservateurs et bourgeois sur le pan afaréisme, mieux encore diffuser une nouvelle façon de voir le concept, enfin, je suppose qu’un habile travail de presse et de passionnants débats politiques qui se solderaient par une victoire pour la cause socialiste pourrait renverser cette façon de penser purement archaïque qui influence encore les Marcinois, des groupes de pensée pourraient même être inspirés par les sochaciens, plus philosophes que nous… Et je vous rejoint aussi sur le fait que les afaréens doivent s’aider entre eux, même si bien entendu nous n’oserions remettre en cause l’« afarénéité » des camarades de Gokyari, les marcinois eux-mêmes étant considérés comme les valets d’Antrania par certains états mal-renseignés et s’arrêtant continuellement à de simples lecture cartographiques. Je suis même certain que Marcine pourrait même faire pression pour obtenir plus de dons en provenance de la famille royale afin de financer en partie des projets des camarades d’Afarée… (puis, ayant l’air de s’extirper de ses pensées, il continua) Je vous remercie en tout cas pour l’aide militaire qui pourra nous être offerte, et nous espérerons pouvoir vous rendre la pareil d’ici peu de temps et j’espère que cette exposition sera du plus bel effet. Quant au Transveld, Marcine ne fera rien sans l’action préalable d’autres puissances. »


Puis il marqua une pause, assez longue, quelques minutes tout au plus, et remplit quelques fueilles d’une série d’annotations, parfois avec des signes cryptiques se rapprochant plus du hiéroglyphe que de la graphie classique. Enfin, devant les airs étonnés que se donnaient les kah tanais, il reprit calmement, en baissant la voix.

-« Bien, je pense qu’il est temps de passer à la seconde partie de cette rencontre, qui deviendra donc officieuse et qui n’aura pas besoin d’être évoquée dans nos futurs communiqués de presse, j’entends par là, les accords qui seront conclus entre le F.L.A et le Kah pour lui permettre de gagner les prochaines élections. Enfin, avant de débuter, avez-vous des questions particulières en lien avec le Parti et sa nature (qui seront dans tout les cas présentés) ou considérez-vous que d’autres sujets devraient être abordés ? »
Haut de page