Le bâtiment lui-même est un chef-d’œuvre : construit à partir de la pierre calcaire de couleur dorée de la carrière d’Hélios, il est empreint des influences de la renaissance némédienne, tout en cultivant des traditions némédienne. Ses arcades en ogives, sa coupole ornée de fresques de ciel, ses colonnades corinthiennes témoignent d’un raffinement rare. L’intérieur avec son grand atrium central surmonté d’un oculus laissant passer la lumière sur un sol en mosaïque représentant la carte ancienne du royaume.
Le roi Akuelaop I, dont le goût discret mais avisé reste très célèbre, est hissé dans la postérité comme un amateur passionné de peinture. Très tôt sous son règne, il devient acquéreur (sonde à prix d’or) d’objets du monde entier et des différentes régions de la Némédie, église à fresque à l’iconographie religieuse, maîtres anciens et artistes disparus, icônes jugées anciennes (bien que parfois récentes) même à la peinture populaire ou païenne qui peut représenter l’identité d’une culture Némédienne, jusqu’à la commande. Il est certains qu’il entretenait des émissaires dans tout le royaume afin d’acheter, d’échanger ou encore de faire réaliser (ou exécuter) des œuvres picturales, au point d’enlever la peinture murale de murs de déportation de monastères ou de les racheter de mains de familles ruinées pour la mise en exposition dans le musée royal.
Les plus belles acquisitions de ce temps-là sont assurément la Peinture murale de la Vierge au Chêne (vers 1100) qu’on amena pierre par pierre depuis une église abandonnée d’Olythos, et le Portrait funéraire de Halegion en sculpture, datée de -226, une oeuvre rarissime de la Némédie.
Des fois, l’ardeur royale d’Akuelaop Ier pour l’art prenait une tournure plus conquérante. Quand, lors de ses campagnes militaires contre de petits royaumes du sud ainsi les anciennes principautés de Lyrmènie ou de Kaldaïa le roi, interpellé par une vision de supériorité culturelle, ordonnait l’aliénation des œuvres d’art in situ. Temples, mausolées, villas et modestes sanctuaires furent investigués par ses officiers, saisissant icônes, fresques, bas-reliefs et objets votifs jugés dignes d’être exposés au Musée Palatinos, tandis que les chroniqueurs officiels de l’époque parlaient de « réappropriation civilisatrice », que d’ordinaire, ils auraient bien pu lire comme l’écrasement de la culture de ces peuples, en la soumettant à un discours d’unité nationale et d’exaltation du patrimoine.
Cela donne cependant certaines œuvres majeures dans les collections du musée, comme, après avoir été pillé dans un sanctuaire kaldaïen, le Triptyque de l’Arche-silène présentant au centre un personnage chthonien mi-homme mi-animal, unique dans le cadre de l’iconographie religieuse méridionale. On mentionne également la Frise d’Askarion, série de reliefs représentant les ancêtres d’une dynastie lyrrhène que l’on démonte pour expédier par bateau à Épidion en 1474. La légende veut que le roi ait déclarer en accueillant cette œuvre dans l’atrium que : « Ils l’ont sculptée pour leurs dieux, mais elle parlera désormais pour les miens. »
A l’occasion de la mort d’Akuelaop I, ses successeurs continuèrent son œuvre de mise en réserves, parfois avec plus d’esprit de patrie qu’esprit de création. Sous Phegor II au XVIIe siècle, certaines œuvres furent mises en piles dans des caves, alors que d’autres furent mises à disposition d’aristocrates en mal de prestige ou utilisées dans des bâtiments officiels de la capitale.
Ce n’est qu’au terme de plusieurs siècles de collectage, d’éventuels oublis et d’un certain usage utilitaire dont ces œuvres avaient pu faire l’objet dans certains contextes que le destin du Musée Palatinos prit son tournant décisif. En 1901, au cours du règne de Léontès IV, surnommé « le Révélateur » dans les cénacles de culture, était en effet promulgué un décret royal qui bouleversait alors la relation du peuple némédien à son patrimoine. Le Musée Palatinos, seulement accessible jusqu’alors à la cour et à quelques savants triés sur le volet, devenait désormais un musée public fait pour l’ensemble du peuple.
Léontès IV, un esprit très [c’est-à-dire « fortement »] influencé par ses lectures, voulait faire de l’art l’instance d’union et de fierté nationale dans un temps où la Némédie aspire à pouvoir exister sans renoncement dans son identité moderne tout en et sans devoir renier le passé pluri millénaire jusqu’alors. Ainsi, il fera censément cette déclaration devant sa cour de judicature le jour inaugural, en l’absence de la ville toute en dehors, devant une foule personnellement réunie pour la circonstance sur la place du Palais :
« Il est temps que les trésors immémoriaux de l’âme némédienne ne soient plus confinés dans l’ombre des palais, mais qu’ils étincellent dans le regard de tous. »
L’ouverture du musée au public fut un vrai événement national. Dès les premières semaines, les foules de l’Épidion et des villages voisins se pressaient pour voir de leurs propres yeux les merveilles naguère réservées aux nantis, la Vierge au Chêne, presque hypertrophiée sous l’embrasure du grand oculus ; le Triptyque de l’Arche-silène aux latences fascistes ; la statue funéraire de Halegion, apaisante par sa douceur. Les écoles organisèrent des visites, les journaux de l’époque dissertèrent longuement sur cette “réconciliation du peuple avec son art”, et les poètes évoquèrent dans leurs vers "la salle au silence doré", ou "a fresque qui vous regarde comme une mère".
Au fil du temps, la réputation, au-delà des frontières, du musée s’affirma de plus en plus. Peu à peu, au XXe siècle, le Musée Palatinos se fit l’une des plus célèbres attractions de la Némédie, attirant mille et un touristes, chercheurs, amateurs de toutes nationalités. Pour beaucoup, passer par le Palatinos pour visiter Épidion, c’était ne rien saisir de l’âme du pays.
Aujourd’hui encore l’un des lieux les plus fréquentés de la Némédie, il se veut le cœur battant du souvenir artistique du royaume. Symbole à la fois de la grandeur, de conquêtes, de dépouillements et de transmissions, il demeure disposé à figurer l’ambiguïté d’un héritage tant glorieux que controversé, mais toujours vivant.
Des textes anciens d’Isandros Kalymnios, grand poète némédien, sont aussi conservés, avec la plus grande précaution, dans la salle des manuscrits royaux. Non loin, une vitrine éclairée de façon indirecte renferme tout autant des fragments de textes d’Halegion ou d’Alexion. Les pensées ainsi conservées sur parchemin ou gravées sur tablettes de schiste témoignent d’un temps fondateur où l’identité du royaume s’affirmait dans le langage, la loi et la guerre.